M. François Autain. … lesquels pourront désormais venir du secteur marchand avec leur salaire, beaucoup plus élevé que celui des directeurs actuellement à la tête des hôpitaux, et y retourner sans contrainte. Certains directeurs de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris l’ont déjà fait.
M. François Autain. Le directeur général de l’ARSA pourra réduire unilatéralement certaines dotations financières dont bénéficient les hôpitaux publics, quelles que soient les conséquences sur les soins.
Il aura aussi la responsabilité de la gestion des risques, qui relevait jusque-là de l’assurance maladie, contrairement à ce que l’on observe dans la plupart des pays européens, lesquels opèrent une séparation entre régulation du système et organisation de l’offre de soins. L’assurance maladie deviendra ainsi, en quelque sorte, une filiale de la holding « Agences régionales de santé et de l’autonomie ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Cette concentration en une seule main de tous ces pouvoirs a pour seul objectif d’assurer la maîtrise comptable des dépenses de santé. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons y souscrire.
En ce qui concerne le volet médico-social du texte, l’intégration de l’ensemble de ce secteur dans les ARS, qui sont fortement marquées par leur identité sanitaire, fait craindre à ses acteurs une prise en compte insuffisante de leurs besoins spécifiques. À cet égard, la modification du nom de l’ARS est un signe particulièrement bienvenu qui les rassurera sûrement.
En revanche, la suppression des comités régionaux d’organisation sociale et médico-sociale, qui traduit la volonté du Gouvernement de renforcer le pouvoir des ARSA au détriment des représentants des associations, est unanimement condamnée. C’est pourquoi nous proposons un amendement les rétablissant. Il nous apparaît en effet indispensable de maintenir le seul organisme consultatif régional pluriel dans sa composition, seul capable d’avoir une vision prospective globale des besoins en matière d’équipements et de services sociaux et médico-sociaux.
Par ailleurs, le transfert aux ARSA de compétences dévolues auparavant aux départements et à l’échelon local est potentiellement source de conflits ou de confusion. Ainsi en est-il, par exemple, de la programmation. Comment articuler le schéma régional médico-social de l’ARSA avec le programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie, le PRIAC, et le schéma élaboré avec le conseil général, qui, quant à lui, est départemental ? Cette question est l’une des nombreuses interrogations que suscite cette réforme et auxquelles ce projet de loi ne répond pas.
J’aborderai maintenant, madame la ministre, la question des soins de premiers recours.
Si l’on peut sans difficulté souscrire à la définition qui en est donnée dans le titre II, on peut déplorer l’absence totale de mesures concrètes susceptibles de répondre aux problèmes majeurs que rencontrent aujourd’hui les patients dans leur vie quotidienne.
Contrairement à ce que vous indiquez, madame la ministre, si le taux moyen de remboursement des soins est bien de 75 %, on assiste aujourd’hui à une détérioration de la prise en charge des soins ambulatoires, qui ne sont remboursés qu’à moins de 60 %.
M. François Autain. Le taux de 75 % que vous mettez en avant est trompeur. Nous devons le dénoncer !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous avons fait le choix, pour les soins coûteux, de la longue durée !
M. François Autain. À cette détérioration du taux de remboursement, il faut ajouter la multiplication des franchises et contributions forfaitaires de toutes sortes que vous avez mises en œuvre depuis quelques années. Celles-ci sont grandement responsables de cette détérioration du taux de remboursement et de l’augmentation du « reste à charge » des patients.
Il faut aussi y ajouter les dépassements d’honoraires en ville, qui s’élèvent en moyenne à 8 % des dépenses présentées au remboursement, dont seulement une partie est prise en charge par les assurances complémentaires, pour peu que l’on en bénéficie !
Pour certaines spécialités, dans certaines zones, cette moyenne est d’ailleurs très largement dépassée. En établissements de santé commerciaux, le montant des dépassements peut atteindre plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’euros.
Devant une situation qui ne cesse de se dégrader, la seule politique du Gouvernement consiste à éviter à tout prix de s’opposer à la profession médicale – vous y parvenez assez bien – et à remettre à plus tard – à 2013, et pourquoi pas 2018 ? – les quelques mesures qui auraient pu constituer un début de politique volontariste en matière d’accès aux soins.
À cet égard, je déplore que la commission des affaires sociales n’ait pas supporté les quelques avancées que l’Assemblée nationale avait réalisées sur ce point. C’est regrettable, car il existe, en matière d’accès aux soins, au moins un dossier en friche qu’il faudrait traiter de toute urgence : celui de la médecine libérale.
Il faut en effet tirer les conséquences de l’échec qui solde cinq années de fonctionnement d’un système conventionnel à bout de souffle. L’enlisement des négociations sur le secteur optionnel entamées voilà bientôt cinq ans, madame la ministre, sans que vous ayez rien fait, en est la preuve la plus accablante. Ce système s’est montré tout aussi incapable de régler le problème des zones sous-médicalisées et celui de la permanence des soins.
S’arc-bouter, comme le fait le Gouvernement, sur la liberté d’installation des médecins libéraux, même lorsqu’elle s’exerce au détriment du patient, ne peut constituer à elle seule une politique ; les droits des patients sont aussi intangibles que la liberté des médecins. Il arrive même que l’une doive s’effacer devant les autres, notamment pour les missions de service public.
Il ne suffit pas de revendiquer sur le mode incantatoire, comme vous le faites, un égal accès de tous aux soins de qualité pour que cet objectif soit atteint ; encore faut-il s’en donner les moyens. Et vous vous y refusez.
Vous comprendrez, dans ces conditions, que les sénateurs du groupe CRC-SPG ne puissent voter ce projet de loi. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Pour votre bonne information, mes chers collègues, je vous signale que la discussion générale, si tous les orateurs respectent leur temps de parole – je ne leur en tiendrai bien évidemment pas rigueur… (Sourires.) –, devrait encore nous occuper deux heures et quarante-trois minutes. Aussi serons-nous amenés, madame la ministre, monsieur le président de la commission, à décider au fil de la séance comment et jusqu’à quelle heure nous poursuivrons nos travaux. Je rappelle en effet que le Sénat doit examiner demain, à neuf heures trente, un autre texte. Nous affinerons donc chemin faisant ! (Mme la ministre et M. le président de la commission acquiescent.)
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite vous faire partager ma vision du texte en tant que rapporteur des volets consacrés aux équilibres généraux et à l’assurance maladie dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale.
J’aborderai quatre sujets : le premier, que j’évoquerai brièvement, est celui de la gouvernance hospitalière ; le deuxième, celui de la démographie médicale ; le troisième, celui de la coordination des soins de ville et des soins à l’hôpital, qui me paraît essentielle ; le quatrième, enfin, celui des agences régionales de santé, les ARS.
Avant toute chose, cependant, je voudrais souligner l’excellent travail – chacun ici en conviendra – réalisé par la commission des affaires sociales, son président et son rapporteur pour améliorer le texte et aboutir à la rédaction que nous examinerons en séance publique. Ce fut un véritable travail de titan, que nous risquons de devoir refaire dans l’hémicycle !
M. le rapporteur a rappelé tout à l’heure les principaux aspects sur lesquels la commission a travaillé, notamment dans le domaine de la gouvernance hospitalière, mon premier point. Je ne peux que soutenir la démarche entamée par la commission, qui souhaite associer les médecins à la gestion des établissements, en tout cas à sa dimension médicale. J’ai noté que plusieurs intervenants allaient dans le même sens, et je ne doute pas que le Sénat, dans sa sagesse, saura ne pas revenir sur les amendements que la commission a déjà adoptés.
De la même manière – j’aborde mon deuxième point –, il me semble pertinent d’avoir privilégié les mesures incitatives pour influencer l’installation des futurs médecins libéraux et de faire ainsi confiance, comme vous l’avez souligné, madame le ministre, aux partenaires conventionnels. Cela ne nous empêche pas de nous assurer qu’ils disposent de tous les outils nécessaires pour remplir les objectifs que nous leur avons fixés ni de contrôler que ceux-ci sont bien atteints, voire d’inciter à la conclusion de certaines négociations entamées de longue date. Je pense plus particulièrement à celle qui porte sur le secteur optionnel, dont il est question depuis suffisamment longtemps et qui n’a pas encore abouti.
Cela étant, la confiance n’est pas incompatible, à mon sens, avec la détermination par les pouvoirs publics de quelques lignes directrices claires destinées à préparer l’avenir. Voilà deux ans déjà, notre collègue Jean-Marc Juilhard, dans un rapport d’information intitulé Offre de soins : comment réduire la fracture territoriale ?, avait souligné deux éléments très utiles pour favoriser une meilleure répartition de l’offre de soins libérale.
Ainsi, il proposait la création d’un guichet unique destiné à apporter une meilleure information aux étudiants. J’ai d’ailleurs noté, madame le ministre, que c’était là une de vos préoccupations majeures, puisque vous l’avez rappelée devant la commission des affaires sociales. Les internes en médecine se plaignent en effet de ne pas être suffisamment bien informés sur le dispositif mis en œuvre, et je sais que vous souhaitez faire remplir à l’ARS un rôle déterminant dans ce domaine. J’espère donc que ces mesures permettront d’encourager les médecins à faire appel au dispositif incitatif et contribueront ainsi à résoudre cette question de la démographie médicale.
Notre collègue M. Juilhard avait développé une autre idée, celle du développement des maisons médicales de garde. Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, la commission des affaires sociales, suivant en cela une proposition que j’avais formulée, nous avait invités à introduire la notion de maison médicale dans le code de la santé, et il vous revenait, madame le ministre, de favoriser le lancement d’expérimentations. Je note que celles-ci ont un peu de mal à se mettre en place, mais je ne veux pas désespérer. Les ARS permettront-elles d’accélérer les choses ? Je le souhaite.
Il me semble, mes chers collègues, que le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires va dans le sens indiqué. Je voudrais toutefois vous rappeler, madame le ministre, les efforts financiers que les collectivités territoriales ont déjà fournis pour favoriser le maintien et l’installation des médecins, et insister sur la nécessité, à mon sens, de prévoir sur ce sujet une véritable collaboration avec les ARS.
Je vous rappelle aussi quelques dysfonctionnements en matière de zonages, également soulignés par M. Jean-Marc Juilhard, puisque les zonages qui concernent la densité médicale ne recoupent pas toujours ceux qui sont liés à l’aménagement du territoire ; je pense ici plus particulièrement aux zones de revitalisation rurale. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.) Il conviendrait donc, sur ces différents territoires, de coordonner les aides prévues, qu’elles proviennent des collectivités ou de la future ARS.
J’en arrive à mon troisième point : la fluidité du parcours de soins entre la médecine de ville et l’hôpital, voire les établissements médico-sociaux.
Nous connaissons tous les défaillances de cette relation. Aucun débat, aucun rapport consacré à la santé publique n’élude la question ; le rapport de la commission de concertation relative aux missions de l’hôpital, qui était présidée par Gérard Larcher, l’a d’ailleurs rappelée avec force. Toutefois, lorsque je demande à mes interlocuteurs ce qu’il convient de faire concrètement, ils restent silencieux ; j’ai encore pu le constater à l’occasion de discussions que, à ma modeste échelle, j’ai menées récemment.
Or, à ma connaissance, le texte que nous allons examiner ne contient aucune disposition précise en la matière. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous proposerai un amendement qui me semble particulièrement important et qui vise à développer ce que les Anglo-Saxons appellent le case management. La démarche consiste à développer une fonction d’appui pour la prise en charge des situations les plus graves. Il s’agit, par exemple, d’assister les patients qui vont subir une hospitalisation afin de s’assurer qu’ils reçoivent les soins adéquats et que leur sortie est organisée. Cet appui ne se limite pas aux questions sanitaires ; il concerne également la prise en charge de problèmes administratifs ou sociaux. Dans le monde anglo-saxon, cette tâche est prise en charge par les assureurs.
M. François Autain. Les Anglo-Saxons sont un modèle !
M. Alain Vasselle. En France, certains assureurs complémentaires réfléchissent à l’opportunité de la mise en œuvre de ce type de système.
M. François Autain. Absolument ! C’est l’avenir !
M. Alain Vasselle. Il me semble indispensable que nous débattions de ce sujet et qu’éventuellement nous autorisions l’assureur public à développer ce type de service, notamment pour les assurés souffrant d’une affection de longue durée, qui, on le sait, pèsent lourdement sur les finances de la sécurité sociale. Ces malades font déjà l’objet d’un accompagnement particulier dans le cadre du programme Sophia, qui est destiné à la prise en charge des diabétiques mais qui, à mon sens, a vocation à voir son champ s’étendre à d’autres pathologies. De nouvelles prises en charge peuvent être proposées à cette population, à laquelle nous devons être attentifs.
Un tel choix devrait permettre de charger un acteur bien identifié de la mise en œuvre d’une meilleure articulation entre la ville et l’hôpital. Il aurait également l’avantage de favoriser l’émergence des bonnes pratiques développées localement et d’assurer ainsi une meilleure prise en charge des patients, au-delà de la transmission de l’information médicale, qui, à terme, sera assurée par l’intermédiaire du dossier médical personnel, le DMP. Je sais, madame le ministre, combien vous vous êtes investie, depuis que vous avez pris vos fonctions ministérielles, pour que ce DMP voie enfin le jour. L’attente a assez duré,…
M. Guy Fischer. Et nous a coûté assez cher !
M. Alain Vasselle. … et j’espère que nous verrons bientôt le bout du tunnel.
Je voudrais maintenant aborder mon quatrième et dernier point : la question des agences régionales de santé,…
M. François Autain. Et de l’autonomie !
M. Alain Vasselle. … les très attendues ARS, dont la création constitue une évolution importante de l’organisation de notre système de soins. Je ne serai pas aussi critique que l’a été notre collègue M. Autain ; j’ai cependant quelques interrogations sur lesquelles je me permettrai d’appeler l’attention de Mme le ministre.
M. Guy Fischer. Ah ! Tout de même !
M. Alain Vasselle. Ces structures nouvelles seront dotées de compétences très larges. Mais prenons garde à ne pas en attendre trop et qu’elles ne soient pas source de désillusions !
Ma première remarque concernera les directeurs généraux des ARS. Ils auront à gérer des dossiers très lourds. Je ne vous cache pas, madame le ministre, que, à titre personnel, je crains – j’espère que ce ne sera pas fondé – qu’ils ne soient absorbés en quasi-totalité par la question hospitalière – Dieu sait s’il y a à faire à l’hôpital ! – en raison de l’importance des budgets et des négociations contractuelles à mener avec l’ensemble des établissements de santé publics et privés.
Ces directeurs généraux devront faire preuve de nombreuses qualités – je sais que vous faites tout pour cela – pour assurer la mise en oeuvre et la direction de ces agences.
M. René-Pierre Signé. Ils seront choisis !
M. Alain Vasselle. En outre, madame le ministre, j’ose espérer qu’ils auront la volonté, contrairement aux directeurs d’ARH qui en ont parfois été dépourvus, d’être en contact avec les élus locaux, et ce d’autant plus que les ARS devront intervenir dans le domaine médico-social – Valérie Létard l’a évoqué tout à l’heure –, en collaboration avec les départements.
M. René-Pierre Signé. Les élus locaux ne siégeront plus au conseil de surveillance !
M. Alain Vasselle. J’en viens au cœur de mon propos sur les ARS, à savoir le choix, au nom de la rationalisation administrative, de confier à une seule structure à la fois l’organisation de l’offre de soins, le contrôle de la dépense hospitalière…
M. François Autain. Oui !
M. Alain Vasselle. … et la gestion du risque assurantiel en santé ; c’est beaucoup.
M. François Autain. C’est trop !
M. Alain Vasselle. Je ne vous surprendrai pas en vous disant qu’il y a à mon sens des risques de conflit d’intérêts…
M. François Autain. Je partage cette inquiétude !
M. Alain Vasselle. … à confier à une même structure l’ensemble de ces missions.
M. François Autain. Absolument !
M. Alain Vasselle. Les ARH n’ont d’ailleurs pas su mener de front les missions d’organisation et de contrôle.
M. Alain Vasselle. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter aux rapports de l’IGAS et de l’IGS sur ce sujet. Nos voisins européens choisissent souvent de dissocier ces fonctions sans pour autant remettre en cause le caractère régalien des politiques de santé.
Si cette argumentation sur le fond ne suffit pas à vous convaincre, madame le ministre, j’aborderai la question de façon plus pragmatique.
Dans quelques mois, ces directeurs généraux vont devoir mettre en place des structures rassemblant plusieurs centaines de personnes venant d’horizons variés, porteurs de cultures administratives différentes.
M. Alain Vasselle. Il est difficile de croire que ces hommes et ces femmes, quelles que soient leurs qualités, pourront mener de front l’ensemble des compétences qui leur sont confiées.
D’ailleurs, M. le rapporteur avait proposé, plutôt qu’un transfert, une mise à disposition, ce qui, à mon sens, permettait, dans un premier temps, d’assurer la transition de manière un peu plus satisfaisante avant de passer directement au transfert.
Cela étant, la commission a tranché : un choix a été fait en accord avec le Gouvernement ; je n’y reviendrai pas et je ne déposerai pas d’amendement à ce sujet.
La priorité des ARS sera de travailler à une meilleure organisation de l’offre de soins avec les établissements de santé et à la création des communautés hospitalières de territoire, avec les établissements médico-sociaux, dans le domaine de la médecine ambulatoire, pour laquelle nos attentes sont grandes et le temps compté, comme mes collègues l’ont souvent souligné.
Mes chers collègues, comment, dans un tel contexte et une telle urgence, les directeurs généraux pourront-ils mener de front les missions d’organisation de soins et de gestion du risque ?
M. Alain Vasselle. Pouvons-nous prendre le risque que certaines compétences transférées vers les ARS ne soient pas exercées pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois ? Pouvons-nous interrompre des dynamiques que nous avons eues tant de mal à mettre en oeuvre et qui commencent à produire leurs effets ?
On ne peut pas faire le procès de la Caisse nationale d’assurance maladie à ce sujet. Les résultats en matière de soins de ville sont probants. Vous-même, madame le ministre, avez relayé les propos tenus par votre prédécesseur, Xavier Bertrand. La maîtrise médicalisée en soins de ville est une réalité. Elle a permis de contenir l’évolution du déficit de la branche maladie, et il nous faut absolument parvenir à ces mêmes résultats de maîtrise médicalisée des dépenses à l’hôpital. Nous attendons d’ailleurs à ce sujet la parution d’un décret sur l’identification des médecins hospitaliers, mais cela tarde un peu.
M. Guy Fischer. Voilà qui est clairement dit !
M. Alain Vasselle. Voilà pourquoi, madame le ministre, nous avons proposé des modifications à l’architecture initialement retenue et voilà pourquoi je proposerai encore d’optimiser la place et le rôle des ARS par rapport aux autres acteurs du système.
Il s’agit de pragmatisme, et cette solution ne se traduira pas par une dépossession de compétences dont seraient victimes l’État ou les ARS. La politique de gestion du risque sera décidée au niveau national, dans le cadre du comité national. La convention d’objectifs et de gestion qui lie les caisses d’assurance maladie précisera les objectifs que l’État fixe aux caisses et permettra de suivre leur exécution.
Une telle solution est dans la continuité des amendements adoptés sur l’initiative de la commission : elle a pour avantage de faciliter la prise en compte d’une dimension régionale dans la gestion du risque sans obliger le directeur général de l’ARS à signer des conventions avec l’ensemble des caisses locales d’assurance maladie de sa région.
Les orientations souhaitées par l’ARS seraient ainsi mises en oeuvre. Cette convention pourrait, madame le ministre, comme l’a d’ailleurs évoqué dans un entretien le secrétaire général de votre ministère, contenir des dispositions plus larges, par exemple pour la mise en place d’actions de prévention ou de mesures destinées à favoriser l’offre de soins.
C’est bien une véritable complémentarité entre l’échelon régional et l’échelon national qui doit être mise en œuvre, et je pense que tel est votre souci, madame le ministre. Je ne doute pas que nous réussirons à nous entendre sur le texte qui réunira les ARS. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, longtemps vanté comme l’un des meilleurs du monde, notre système de santé présente aujourd’hui de redoutables symptômes : un financement fragilisé, un pilotage contesté et éclaté, et, surtout, des inégalités très profondes d’accès aux soins.
Les avancées scientifiques et technologiques ont certes rendu la médecine plus fiable, mais les problèmes d’organisation des soins et de démographie médicale privent un grand nombre de Français du bénéfice de ces performances.
Dans certains territoires, en particulier ruraux, la permanence des soins est très approximative, les délais d’accès en cas d’urgence sont incompatibles avec l’efficacité des soins, les files d’attente pour les spécialistes s’allongent. En bref, le désert médical s’installe et gagne du terrain dans nos campagnes !
Les origines de ce problème sont évidemment diverses – manque d’attractivité ou enclavement des territoires, disparition des services publics, dévalorisation de la médecine générale, désintérêt pour certaines spécialités –, mais il faut dire aussi que les conditions brutales et souvent anarchiques dans lesquelles sont conduites depuis quelques années les restructurations hospitalières ont également un impact très fort. Elles démotivent les professionnels et désorganisent la coordination des soins.
À cela s’ajoutent pour les patients des difficultés financières liées aux déremboursements, aux franchises, aux coûts de transports et plus encore aux dépassements d’honoraires. Dans certains secteurs, il devient même difficile de trouver des médecins du secteur 1.
Face à cette situation, qui ne date pas d’hier, on ne peut plus se contenter de mesures isolées, de vœux pieux. Il est temps de décider et d’agir, d’autant que, en matière de santé plus encore que dans d’autres domaines de l’action publique, les fruits se récoltent à moyen et à long terme.
Madame la ministre, votre projet de loi était donc très attendu. Loin d’emporter l’adhésion de ceux qui font l’excellence de l’hôpital– je veux parler bien sûr des médecins –, il a plutôt provoqué leur grogne.
Le texte de la commission des affaires sociales du Sénat semble impliquer davantage les médecins dans la gouvernance de l’hôpital, mais on peut encore espérer mieux. Nous attendrons l’examen de nos amendements pour nous prononcer sur ce volet.
En ce qui concerne l’accès aux soins, certaines dispositions sont intéressantes : la gestion des effectifs médicaux par discipline et par région en fonction des besoins – cela a déjà été dit –, le rôle pivot du médecin généraliste dans les soins de premier recours, les stages permettant la connaissance de la médecine générale, y compris rurale, le contrat d’engagement de service public...
Les agences régionales de santé, dont nous approuvons le principe, permettront aussi une unité d’action, car l’émiettement de l’État dans le domaine sanitaire, le cloisonnement entre l’hôpital et la médecine de ville, le corporatisme, les concurrences excessives entre les établissements de santé figurent également parmi les raisons du désordre actuel.
Mais ces mesures seront-elles suffisantes pour réduire les inégalités d’accès aux soins ? Nous en doutons. Quoi qu’il en soit, elles ne trouveront leur plein impact que dans un délai de deux à quatre ans, voire dix ans pour certaines d’entre elles.
Or, il y a urgence. Le désert médical s’est déjà installé dans certains territoires. Aucune mesure immédiate n’est proposée, pas plus pour orienter l’installation dans les zones sous-dotées que pour garantir l’accès à des soins à tarifs opposables.
Les maisons de santé, les centres de santé, les réseaux permettent de rompre l’isolement, d’accueillir des praticiens habitant des zones urbaines et de partager les tâches. Mais ces projets ont du mal à émerger. Ces regroupements doivent être encouragés vigoureusement parce qu’ils sont aussi indispensables à la survie des hôpitaux.
Enfin, j’ai noté dans votre texte la disparition de l’hôpital local …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, il change de nom !