M. Philippe Marini, corapporteur du groupe de travail. Placée entre des mains chinoises, notamment !
M. Jean-Pierre Chevènement membre du groupe de travail. En effet, monsieur Marini, mais aujourd’hui le débiteur tient son créancier !
M. Philippe Marini, corapporteur du groupe de travail. Absolument !
Mme Nicole Bricq, membre du groupe de travail. Eh oui ! Ils dépendent l’un de l’autre.
M. Jean-Pierre Chevènement, membre du groupe de travail. Le dollar est peut-être fragile, mais cela reste à démontrer.
Le problème du système monétaire international n’a pas été abordé à Londres par le G20. Il devrait l’être à l’avenir.
On voit que la Banque centrale américaine a non seulement pris en charge dans son bilan des actifs douteux colossaux, comme l’ont d’ailleurs relevé MM. Arthuis et Marini, mais aussi commencé à souscrire pour 300 milliards de dollars de bons du Trésor, ce qui constitue une forme de prise en charge par la dette publique américaine.
M. Philippe Marini, corapporteur du groupe de travail. Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement, membre du groupe de travail. On me dit que la Banque d’Angleterre va faire de même. Le président de la Banque populaire de Chine a mis le doigt sur le problème essentiel en proposant de créer un nouveau système de réserve monétaire constitué d’un panier de monnaies, comme les droits de tirage spéciaux, ou DTS, émis par le FMI.
Qu’en pense le Gouvernement français, monsieur le secrétaire d’État ? Vous vous souvenez peut-être de la mise en cause par le général de Gaulle, en 1964, du privilège du dollar ! (M. Jean-Pierre Fourcade sourit.)
Il n’est pas normal que le monde dépende des émissions de monnaie des États-Unis. Ceux-ci doivent sortir du modèle rentier dans lequel ils se sont enfermés.
Tout démontre que cet objectif est inaccessible sans une remise en cause d’un libre-échange généralisé et dogmatique qui, en comprimant les salaires dans les pays anciennement industrialisés, est, avec le privilège du dollar – car les deux facteurs ont joué –, à l’origine de la crise actuelle.
M. Philippe Marini, corapporteur du groupe de travail. Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement, membre du groupe de travail. En conclusion, le G20 sera très utile pour négocier les transitions nécessaires et la réforme du système monétaire international doit être mise à l’ordre du jour du prochain sommet.
Le groupe de travail sur la crise financière, très heureusement constitué de douze députés et douze sénateurs, doit poursuivre ses réflexions. Nous devons multiplier nos échanges, comme l’a d’ailleurs suggéré le Président de la République lui-même, avec les parlements voisins – il a cité le Bundestag et le Bundesrat – et les institutions européennes ; je pense à la Banque centrale européenne, voire à la Commission.
Il faut que nos propositions nourrissent le débat public : c’est aussi ce qu’attendent du Parlement nos concitoyens. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. François Marc, membre du groupe de travail.
M. François Marc, membre du groupe de travail. « Le capitalisme est en train de s’autodétruire ». Cette affirmation formulée il y a déjà quatre ans par un économiste français dont M. Marini vient d’ailleurs d’évoquer un autre ouvrage, Les Incendiaires, illustre le fait que la crise que nous connaissons était annoncée depuis de nombreuses années ; les excès qui ont été constatés ne pouvaient conduire qu’à la situation que nous vivons depuis quelques mois.
Bien sûr, dans une telle situation, la tentation est forte de chercher des boucs émissaires. On a ainsi évoqué, parmi bien d’autres causes et responsables, M. Ben Bernanke.
En réalité, de nombreux observateurs se sont rapidement convaincus que cette crise était générale, structurelle, et qu’il fallait affronter les problèmes de façon sérieuse et rigoureuse.
Le groupe de travail sur la crise, constitué de députés et de sénateurs, a, à cet égard, élaboré une réflexion constructive. J’ai d’ailleurs plaisir à constater que plusieurs des thèses que nous défendions ici même depuis plusieurs années ont été reprises, notamment sur la nécessité d’une régulation accentuée.
En ce qui concerne le G20, on constate, bien sûr, un certain nombre d’avancées. Pour autant, j’ai noté l’extrême prudence de notre rapporteur général, M. Marini, pour ce qui est des perspectives offertes par les décisions annoncées dans les conclusions du G20.
En outre, à côté des avancées, on peut noter des bizarreries et des non-dits. L’une de ces bizarreries consiste à ne faire figurer sur la liste noire des paradis fiscaux que quatre malheureux pays, le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines et l’Uruguay, dont on ignorait même qu’ils avaient ce statut !
Le Brunei et le Guatemala avaient, quant à eux, eu la bonne idée de faire téléphoner le matin même de la réunion du G20 pour promettre qu’ils seraient plus coopératifs, ce qui leur a permis d’être rayés in extremis de la liste, tandis que l’on a miraculeusement classé Jersey parmi les pays « blancs », c’est-à-dire ceux qui sont au-dessus de tout soupçon ! (Mme Nicole Bricq s’esclaffe.)
M. Jean-Jacques Jégou. Sic ! (Sourires.)
M. François Marc, membre du groupe de travail. Il y a également des non-dits lourds de sens sur des sujets majeurs. Pas un mot, par exemple, sur la réorganisation du système monétaire international et la remise en cause du dollar comme étalon.
Pas un mot non plus sur les moyens de s’attaquer aux gigantesques déséquilibres commerciaux, largement responsables de la crise.
Pas un mot, surtout, sur la façon dont les États comptent s’y prendre pour assainir un jour leurs finances publiques.
S’agit-il donc, en réalité, d’un changement profond ? Je crains que non. Certains observateurs notaient d’ailleurs qu’à Londres vingt dirigeants représentant 85 % du PIB mondial et 65 % de la population de la planète ont décidé d’unir leurs efforts comme jamais, ce qui est louable, et de mobiliser plusieurs milliers de milliards de dollars pour sauver le système, et non pour en changer. Il s’agit là pour nous d’un motif de déception majeur, car cela dénote un certain nombre de limites.
Il nous faut savoir tirer plusieurs enseignements de cette crise, qui est loin d’être terminée.
Premièrement, le krach accuse de façon indéniable les excès du capitalisme.
Deuxièmement, cette crise met en évidence la folie des crédits pervers, des hypothèques, des swaps, notamment. On peut craindre, comme l’ont dit certains tout à l’heure, les répercussions de ces crédits structurés sur les financements de nos collectivités dans les mois, voire les deux années à venir.
Troisièmement, il faut souligner l’irresponsabilité des acteurs de la chaîne financière, au nombre desquels figurent, parmi bien d’autres, les agences de notation.
Quatrièmement, la nationalisation des pertes s’est révélée nécessaire pour faire face à la crise, ce qui nous invite à poser la question des contreparties : qu’attendons-nous en retour de la part des acteurs – banques et entreprises – que nous avons aidés à se remettre à flot ? Il s’agit là, selon moi, d’une question essentielle.
Cinquièmement, la purge des systèmes financiers entraîne une décroissance, des ruptures et des pertes d’emplois considérables, ce qui aura pour conséquence une augmentation de la pauvreté. Ce constat appelle de notre part une action publique forte.
Sixièmement, enfin, on constate une absence de politique commune européenne véritablement efficace, ce qui conduit nécessairement à réfléchir, pour l’avenir, sur la consolidation de ces politiques.
Face à cette situation, quelles exigences devons-nous formuler, et quelles suites faut-il donner, pour l’heure, à ces différents constats ?
La première exigence tient, bien sûr, à la consolidation d’une économie en crise. Un certain nombre de pistes ont été tracées lors du G20 ; elles doivent entraîner une adaptation de nos politiques publiques. Telle est la réalité : nous n’avons pas le droit de pratiquer la politique du pire ; il faut bien essayer de consolider le système.
Mais la seconde exigence, que j’examinerai plus longuement, concerne nos capacités d’anticipation face aux risques aujourd’hui détectés.
D’abord, dans cette situation de crise, s’affirme la nécessité d’un véritable volontarisme politique pour accroître la régulation. De ce point de vue, et en ce qui concerne notre pays, nous avons quelques doutes sur la durabilité des engagements pris aujourd’hui par le Président de la République et par le Gouvernement.
Pour les besoins du moment, ils se sont ralliés à l’idée de la régulation politique, mais cela durera-t-il ? Nous en doutons, car, dans les valeurs qui sont aujourd’hui prônées au sommet de l’État, ne figure pas la solidarité qui doit, à nos yeux, guider les politiques publiques.
Un observateur attentif de la vie politique – François Bayrou, pour ne pas le citer –, dénonce, dans un ouvrage paru aujourd’hui même et dont la presse s’est déjà fait l’écho, l’affirmation en France d’une « idéologie de l’argent, présenté comme valeur » et d’une « idéologie de la généralisation de la loi du profit ».
Nous retrouvons dans ces analyses un certain nombre de thèses que nous défendons depuis de longues années. J’ai le sentiment que, dans notre pays, une large part de l’opinion publique se rallie à cette préoccupation pour une régulation accrue et une redynamisation des valeurs fondées sur la solidarité et non plus sur le « chacun pour soi ».
Au-delà du volontarisme politique, on peut également évoquer l’action de l’Europe. Il importe de refonder la surveillance financière et de consolider à tout prix les politiques européennes.
Enfin, et c’est à mes yeux l’essentiel, un autre partage des richesses doit être recherché dans notre pays. « Face à la crise, partager devient nécessaire », disait récemment un commentateur. Il s’agit bien là d’un sujet de préoccupation majeur, y compris d’ailleurs aux États-Unis, comme beaucoup l’ont noté. Mais c’est également particulièrement vrai en France et dans le reste de l’Europe : il nous faut rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée en faveur des salaires, et surtout mieux répartir les revenus.
Certains ont cru possible une sorte de « keynésianisme des riches » : la hausse des inégalités aurait, selon eux, tiré l’économie par le biais des dépenses des plus aisés.
Il n’en a rien été, et ce pour une raison simple : le taux d’épargne s’élève avec le revenu. L’argent ainsi dégagé a largement alimenté le patrimoine financier des couches les plus aisées, participant au gonflement de la bulle spéculative.
À la place de la fuite des personnes, on a orchestré une fuite des capitaux, à la recherche de gains toujours plus spéculatifs. Nous payons aujourd’hui l’addition de ce vaste gaspillage : les baisses d’impôt n’ont eu pour résultat que d’enfoncer les comptes publics, sans avoir d’effet sur la croissance.
Il est impossible de répondre à la crise économique sans un effort de solidarité nationale, sauf à aggraver de façon vertigineuse le déficit public, qu’il faudra de toute façon payer un jour.
Cet effort ne saurait être réalisé sans tenir compte des gains obtenus dans les années récentes par les plus aisés. Selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la contribution commune doit être « répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » C’est l’impôt sur le revenu, dont le taux augmente avec le niveau de vie, qui tient le mieux compte des « facultés » des uns et des autres.
Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire au nom du groupe socialiste. L’effort de répartition des richesses sera encore, dans les années qui viennent, une condition nécessaire – quoique non suffisante – d’une amélioration durable de la situation économique et sociale dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été fort bien dites, et de ces différentes interventions se dégagent sans conteste un certain consensus.
En effet, l’ampleur de la crise financière a ébranlé les fondements du capitalisme financiarisé dans sa version anglo-saxonne. Elle impose de repenser la régulation et les valeurs du système économique mondial, dont l’instabilité a mis en évidence plusieurs défaillances, notamment en matière de réglementations, de systèmes d’informations et d’incitations, tous s’étant révélés particulièrement inadéquats. Tout le monde en a pris conscience, même ceux qui vantaient il n’y a pas si longtemps encore les vertus du modèle capitaliste américain !
Prenant acte de la faillite du système financier mondial, les pays du G20 se sont donné pour objectif, dès novembre 2008, de dessiner les contours d’un nouvel ordre financier mondial sur la base de mesures destinées à améliorer la supervision du système financier dans de nombreux domaines. L’objectif principal est en effet de remettre de l’ordre dans la finance, car ce secteur a pris une place démesurée dans le capitalisme contemporain. La production de nouvelles normes permettrait d’éviter, ou du moins de limiter considérablement, la possibilité d’une nouvelle crise.
Au-delà, la profondeur et la nature multidimensionnelle de la crise conduisent à repenser le système de régulation à plusieurs niveaux. Il s’agit de garantir la stabilité financière en appliquant de nouvelles normes au secteur financier, à l’échelle tant nationale que supranationale, pour renforcer notamment la coordination économique mondiale.
Plus précisément, la crise économique actuelle révèle sur le plan microéconomique les insuffisances de la production d’informations et des pratiques du secteur financier. Sur le plan macroéconomique, elle illustre le caractère problématique des déséquilibres internationaux. En effet, la crise est née d’une conjonction de mauvaises incitations, de réglementations inadéquates et d’un défaut de coordination des politiques économiques au niveau mondial. Tout le monde pose ce diagnostic. C’est pourquoi il faut repenser, d’une part, la régulation du secteur de la finance et, d’autre part, les contours d’une gouvernance mondiale dont les principales institutions ont été formatées voilà plus de cinquante ans.
Prenant acte de cette défaillance, les pays du G20 se sont engagés, lors du récent sommet de Londres, sur les principaux chantiers de la régulation : encadrer les activités bancaires ; renforcer les politiques de maîtrise des risques des banques ; encadrer les marchés de produits financiers sophistiqués et s’attaquer aux paradis fiscaux. Ce sont ces différents aspects que je me propose d’aborder à présent.
La crise a, en effet, révélé les insuffisances des normes prudentielles destinées à limiter le risque systémique. Les crises financières importantes récentes résultent de l’éclatement de bulles, dont la formation, originellement aux États-Unis, résulte non pas forcément de la distribution excessive de crédits, mais des subprimes, qui étaient en réalité des prêts risqués accordés à une clientèle peu ou pas solvable. C’est pourquoi il faut non seulement inciter fortement les banques à mettre plus de capital de côté pendant les périodes d’euphorie, mais également instaurer un contrôle plus efficace. Cela est possible en rémunérant mieux les contrôleurs internes, en encadrant les rémunérations des traders, et en mettant en place des systèmes d’information capables de fournir un état de leur exposition totale aux risques pris. En outre, il faut rééquilibrer les incitations individuelles au profit du long terme.
Ce que nous enseigne également la crise dans ce domaine, c’est qu’il est nécessaire que les banques, principalement les banques d’affaires, disposent en permanence d’actifs de qualité susceptibles d’être apportés aux banques centrales en cas de problème.
Le G20 de Londres a a priori pris en compte les questions prudentielles. Néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, ainsi que M. le rapporteur général l’a indiqué dans son intervention, force est de reconnaître que, lorsqu’ont été adoptées, sur un plan mondial, les normes IFRS édictées par l’IASB, les pays d’Europe continentale se sont montrés bien complaisants.
Aujourd’hui, les méthodes du mark to market ou de la fair value impliquent l’existence réelle d’un marché. Mais, en l’absence d’un tel marché, il devient impossible de se référer à une quelconque valeur. C’est bien ainsi qu’il faut expliquer les « cantonnements » auxquels les banquiers ont procédé.
Aux incitations défaillantes s’est ajoutée une insuffisance de l’information financière. Ainsi, l’existence de marchés dits « de gré à gré », c’est-à-dire ceux dont les conditions sont laissées à la libre négociation, pose problème dans la mesure où les transactions restent opaques.
Il est également nécessaire d’encadrer les produits dérivés structurés, dont même ceux qui les conçoivent ne savent pas bien ce qu’ils recouvrent. Là est le problème !
Au centre de la crise, les agences de notation, rétribuées par ceux-là mêmes dont elles étaient chargées de noter les produits, ont montré leurs défaillances en diffusant de mauvaises informations ou en accordant des notes AAA à des produits financiers qui se sont révélé des créances pourries. Ce faisant, elles ont conduit les investisseurs à minimiser les risques qu’ils prenaient.
Cela prouve que le G20 devra encore revenir sur les règles applicables à ces agences de notation et sur leur façon de se rémunérer. Avec les normes IFRS, celles-ci ont certainement contribué à l’accélération de la crise financière mondiale.
Limiter la dissémination et l’opacité des risques financiers est un enjeu majeur de la régulation. Il existe aujourd’hui un consensus politique international en faveur de la lutte contre les paradis fiscaux.
Si l’on a pu parfois inclure parmi les paradis fiscaux des pays qui n’en étaient pas, en revanche, on en a ignoré certains autres, pourtant beaucoup plus proches de nous, y compris au sein de l’Union européenne, par exemple les îles anglo-normandes.
La meilleure régulation financière sera facilement contournée si l’ensemble des paradis fiscaux peuvent continuer à œuvrer comme bon leur semble. On peut agir au niveau national en renforçant les moyens de l’administration fiscale, au niveau européen en rendant effectives les différentes directives dans ce domaine, et, enfin, au niveau international en exigeant le reporting, pays par pays, des multinationales.
En renforçant la complexité et l’opacité des instruments financiers, les paradis fiscaux ont contribué à un accroissement des prises de risque par les acteurs financiers et à la perte de la traçabilité de ces risques. Jean-Pierre Chevènement indiquait d’ailleurs les sommes fabuleuses que représentent l’ensemble de ces produits structurés.
C’est le cas également des hedge funds, ces fonds spéculatifs enregistrés pour la plupart aux îles Caïmans, responsables pour une grande part de la panique boursière dans la mesure où, en prenant des risques excessifs, ils ont introduit une trop grande volatilité sur les marchés financiers. De fait, ils ont nourri la crise et contribué à faire de la finance internationale une zone de non-régulation.
L’action du G20, dans ce domaine, paraît déterminée, même si l’on peut s’interroger sur l’absence sur la liste publiée par l’OCDE de certains États américains, asiatiques ou européens, pourtant notoirement connus pour être des paradis fiscaux.
Dans ce contexte, il me semble nécessaire d’instituer un superviseur européen des établissements financiers. De nombreux orateurs ont indiqué l’absence de l’Europe, dont le silence était assourdissant. Il faudra qu’elle se réveille !
La multiplication des faillites bancaires en Europe a montré les faiblesses du contrôle opéré sur ces établissements. En effet, ce contrôle reste toujours national, alors que les établissements bancaires développent leurs activités aux niveaux européen et mondial. Il faudra y remédier.
En outre, ce contrôle devra être indépendant des États et pourra, ce à quoi je suis tout à fait favorable, être rattaché à la BCE.
Enfin, l’autorité de contrôle pourrait donner son agrément aux agences de notation. Un régulateur indépendant et de qualité est une condition essentielle à la prévention des futures crises.
Comme on le voit, tout nous rappelle qu’une gouvernance économique européenne est indispensable pour faire face à la crise financière et en prévenir une nouvelle.
Il paraît indispensable de renforcer la gouvernance économique mondiale. La crise a démontré la nécessité de réponses coordonnées des gouvernements. Les déséquilibres mondiaux, qui ont largement alimenté la crise, sont en partie le résultat de politiques monétaires et de politiques de change non coopératives.
Devant le risque d’une déflation mondiale, la coordination des États doit œuvrer à une relocalisation des liquidités émanant des pays émergents. Il faut donc conduire l’ensemble des pays à mener des politiques monétaires et budgétaires concertées. Il est d’ailleurs regrettable que, lors du sommet de Londres, aucune discussion n’ait eu lieu sur ces déséquilibres monétaires et budgétaires.
La crise financière rappelle, en outre, la nécessité de nouvelles institutions élargies de coordination des politiques économiques au niveau mondial. Le G20, qui s’est imposé à cette occasion comme l’instance politique de régulation de la crise, a décidé de confier cette coordination au FMI avec des moyens renforcés, notamment dans sa fonction de surveillance financière, en contrepoint de la production de normes comptables ou prudentielles.
La crise financière internationale, en mettant fin au mythe de l’autorégulation des marchés, a replacé les États et la politique au centre du jeu monétaire et financier international. C’est une bonne chose. Si les conclusions du G20 vont dans le bon sens et marquent sans conteste une avancée, il faudra s’assurer, comme l’a souligné M. le coprésident du groupe de travail, que ces engagements ne restent pas à l’état de vœux pieux et qu’ils se traduisent véritablement par de nouvelles règles financières internationales. Le prochain rendez-vous du G20 sera l’occasion de le vérifier. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, de l’UMP et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, les différents orateurs qui se sont exprimés, notamment M. de Montgolfier, qui est intervenu au nom du groupe UMP, ont parfaitement rendu compte des travaux du groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale. La constitution de ce groupe est une innovation : elle a permis de mettre en lumière les causes de la crise et d’avancer un certain nombre d’idées importantes pour dessiner les perspectives de son règlement.
Je n’ajouterai rien aux propos qu’ont tenus Albéric de Montgolfier et Jean Arthuis sur les résultats précis du G20. Néanmoins, il me semble nécessaire de signaler trois faits positifs issus de ce sommet, directement imputables aux initiatives du Président de la République.
Premièrement, le Fonds monétaire international a vu ses moyens partiellement renforcés, alors qu’il avait quelque peu abdiqué son rôle de régulateur général, à l’époque où se développaient aux États-Unis des outils innovants en matière financière.
Deuxièmement, et j’y insiste particulièrement, l’accord franco-allemand a permis d’aboutir à des propositions convenables sur la régulation financière.
Troisièmement, contrairement à ce qui avait prévalu lors de la grande crise des années trente, les banques centrales ont amélioré leur coordination et ont pris dès le début des initiatives communes en matière de taux, de rachat de papiers, de surveillance des banques.
Aussi, de manière positive, le G20 a préparé les conditions d’une sortie de crise.
Je me dissocierai néanmoins de certains de mes collègues, car je discerne trois sources d’inquiétude.
Mme Nicole Bricq, membre du groupe de travail. La dette !
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le secrétaire d'État, je crains en effet que nous ne connaissions des prochains mois ou des prochaines années moins triomphants.
Premièrement, je partage l’avis du directeur général du FMI, M. Strauss-Kahn, selon lequel nous ne sommes pas allés assez loin dans le nettoyage des actifs bancaires.
Mme Nicole Bricq, membre du groupe de travail. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Au sein même de cette assemblée, ma chère collègue, la question des bonus et des rémunérations des dirigeants de banques a plus fait l’objet de discussions que le problème fondamental des actifs, du hors-bilan et des risques qui pourraient se concrétiser au cours des prochains mois.
Mme Nicole Bricq, membre du groupe de travail. C’est vrai aussi pour la France !
M. Jean-Pierre Fourcade. Hier, la commission des finances, dans le cadre des auditions de suivi sur la crise financière internationale et le dispositif de financement de l’économie française, a reçu le dirigeant d’une grande banque en constitution. Ce dernier nous a avoué l’existence d’un déficit de plus de 400 millions d’euros consécutif à des opérations risquées sur des produits inventés par M. Madoff, aux États-Unis. J’ai peur que l’on ne découvre, au cours des prochains mois et des prochaines années, qu’il subsiste quelques vices cachés et actifs toxiques.
Faut-il engager une procédure de défaisance ? Je ne le pense pas. Nous l’avions fait pour le Crédit lyonnais et nous n’en sommes toujours pas sortis.
Monsieur le secrétaire d’État, il est nécessaire de nettoyer les actifs des banques. Il faut, en utilisant tous les moyens administratifs et juridiques qui sont à notre disposition, obliger les banques françaises, et si possible européennes, à faire apparaître leurs actifs toxiques dans leur bilan. Nous ne l’avons pas fait, et cela risque de peser sur la sortie de crise.
M. Philippe Marini, corapporteur du groupe de travail. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par ailleurs, je constate avec tristesse, et c’est ma deuxième inquiétude, que, lors du sommet du G20, les pays européens ne se sont pas comportés de manière suffisamment concertée.
Alors que la présidence française de l’Union avait permis de redynamiser l’Europe, de la relancer sur le plan tant politique que financier, lors du sommet du G20, les petits problèmes ont de nouveau émergé et la coordination n’a pas été suffisante s’agissant du niveau de la relance et des modalités de la régulation.
Je considère, contrairement à certains de mes collègues, que le traité de Lisbonne doit être approuvé rapidement. Il est en effet de nature à accroître la puissance de l’exécutif européen. Force est de reconnaître que, lors du G20, les pays de l’Union, notamment les membres de l’Eurogroupe, n’ont pas été suffisamment unis faute d’une coordination suffisante de leurs efforts de relance, de régulation et de maîtrise de la crise.
J’en viens à ma troisième inquiétude, qui concerne un point que personne n’a abordé ce matin, à l’exception peut-être de M. Jégou, à la fin de son intervention.
Les dirigeants chinois ont déclaré qu’ils ne pourraient pas continuer à l’infini à financer le déficit américain et qu’il faudrait bien, un jour, trouver une monnaie de réserve internationale autre que le dollar des États-Unis.
Connaissant la finesse de diagnostic des dirigeants financiers chinois, cette déclaration m’a beaucoup inquiété. Elle signifie en effet que, dans un délai indéterminé – quelques mois ou quelques années –, les rapports de change entre les grandes monnaies risquent de varier.
Or, monsieur le secrétaire d’État, tous les efforts que nous avons faits en matière de relance, de maîtrise du déficit budgétaire, de contrôle de l’augmentation de l’endettement risquent d’être réduits à néant si les rapports de change entre l’euro, le dollar, le yuan, la livre sterling et le yen évoluent de manière désordonnée au cours des prochaines années.
Depuis deux ou trois ans, les rapports de change entre les monnaies chinoise, américaine, japonaise et l’euro sont relativement stables. Le G20 n’a pas osé s’engager sur la voie de l’examen des rapports de change afin de déterminer des rapports sinon fixes – ne rêvons pas –, du moins mieux maîtrisés.