M. Didier Guillaume. Dans les Pyrénées ! (Sourires.)
M. François Fortassin. …à Cusco ! (Nouveaux sourires.)
Le second critère, c’est, bien entendu, la qualité de l’accueil dans les pays que l’on s’apprête à découvrir.
Comme l’a dit le poète, les Alpes sont belles, et ce sont des montagnes mâles ; les Pyrénées sont jolies, et ce sont des montagnes féminines qui parlent au cœur et à la sensibilité. Je suis de ce pays d’aigles et de rochers, de sources cristallines et de rocailles en fleurs,…
M. René-Pierre Signé. Ça, on en voit un peu partout !
M. François Fortassin. …de ce pays où, si vous y venez, vous aurez la chance d’avoir les pieds sur terre et la tête dans les étoiles. (Sourires et applaudissements.)
Cette chance, on peut l’avoir dans toutes les régions de France,…
M. Marc Daunis. Sur le Pic du Midi !
M. François Fortassin. …mais pas au travers d’une quelconque réglementation !
Pour ma part, monsieur le secrétaire d'État, ce que je souhaite, c’est que l’on bannisse un certain nombre de termes à caractère mercantile : en matière de tourisme, on offre des prestations et, en échange de ces prestations, les clients paient le juste prix ; mais parler de marketing et de ventes, c’est briser le rêve !
Il est utile que la réglementation existe et j’approuve totalement le classement en « cinq étoiles » pour attirer une clientèle de grande qualité. Après tout, il n’est pas gênant que les gens qui viennent visiter notre pays soient quelque peu argentés, voire fortunés ! Pour autant, il ne faut pas négliger l’importance majeure du tourisme social, car le rêve est le même – partir, découvrir des paysages… – pour toutes les familles, quelle que soit la bourse dont elles disposent.
La différence, c’est que l’on peut, au sens noble du terme, « ponctionner » les uns, alors que nous devons mettre à la disposition des autres des structures adaptées pour leur permettre de vivre ce rêve de vacances à une époque où notre pays traverse des difficultés et où nombre de nos compatriotes ne sont pas en mesure de partir.
M. René-Pierre Signé. Il faut que le rêve soit le même pour tous !
M. François Fortassin. Voilà ce que je souhaitais exprimer dans cet exposé, qui n’est pas conventionnel. Mais il faut bien que, dans cette Haute Assemblée, qui est l’assemblée des sages, il y ait quelques élus qui jouent le rôle de « poil à gratter », quitte à être un peu irritants. En l’occurrence, monsieur le secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, j’ai eu le sentiment non pas de vous irriter,…
M. Didier Guillaume. De nous amuser !
M. François Fortassin. …mais de vous faire partager ce désir de rêve et, mon cher collègue, s’amuser est aussi une caractéristique des vacances ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne sais pas si je vais vous parler de Dany Boon, du ch’ti et vous faire rire avec le langage patoisant du Nord-Pas-de-Calais…
M. Didier Guillaume. Essayez !
M. Paul Raoult. Je pourrais ! Cependant, ce que je veux dire, c’est que, si le tourisme fait rêver dans les Pyrénées, il peut aussi faire rêver dans le bocage de l’Avesnois, sur les hauteurs du mont Cassel ou encore sur le littoral du Nord-Pas-de-Calais. Chacune de nos régions a ses atouts et Lille est ainsi devenue une capitale très recherchée dans le nord-ouest de l’Europe : tout arrive donc, mais nous revenons de loin !
La France reste un grand pays touristique : il est bon de le répéter, car j’ai parfois le sentiment que l’on oublie que le tourisme représente de 6 % à 7 % du PIB.
C’est donc un secteur majeur de l’économie française, situation qui contraste avec le peu d’intérêt politique ou législatif qu’en général on porte au tourisme. Le bilan des travaux parlementaires au cours des trente dernières années fait apparaître que nos assemblées n’y ont pas consacré beaucoup de temps et, lors des réunions organisées au sein de nos partis, ce n’est certes pas le sujet qui attire le plus l’intérêt des militants.
Il n’en reste pas moins que c’est un secteur économique qui rapporte énormément de devises : les recettes issues du tourisme placent la France au deuxième ou au troisième rang mondial, selon les années, derrière les États-Unis.
Une telle réussite tient d’abord à l’image de notre pays dans le monde, mais aussi à son rôle pionner dans l’histoire du tourisme, du tourisme élitiste ou aristocratique à partir de la fin du XVIIIe siècle, jusqu’aux congés payés du Front populaire en 1936 et l’apparition du tourisme de masse.
Elle tient également à la qualité des professionnels du tourisme, secteur qui occupe deux millions d’actifs.
À côté de chaînes hôtelières, tels le groupe Accor ou le Club Méditerranée, implantées sur tous les continents, la petite hôtellerie et l’hôtellerie de plein air sont elles aussi très présentes sur l’ensemble du territoire national.
Hôtellerie et restauration sont souvent d’un bon rapport qualité-prix, atout évidemment renforcé par la notoriété de nos vins et, ajouterai-je, de nos bières. (Sourires.)
L’attractivité de notre pays repose également sur ses monuments, cathédrales, sites fortifiés et autres lieux, ses musées de niveau international, y compris dans les petites villes – je citerai le musée Matisse, au Cateau-Cambrésis, mais je sais que, dans les Pyrénées, des musées ont le même pouvoir d’attraction –, ses événements culturels – par exemple Avignon, Orange, Aix-en-Provence et leur cortège de festivals –, l’image positive de la culture française, ainsi que la variété de nos paysages : mer, montagne, campagne.
Ces facteurs contribuent à faire du tourisme un élément de dynamisme économique, d’autant qu’il s’agit d’une activité qui n’est pas délocalisable. Lié à notre territoire national, c’est le secteur le plus créateur d’emplois et il représente une part importante dans le solde de notre balance des paiements.
Ce succès est certainement dû à l’action persévérante conduite, depuis des décennies, par l’État, mais peut-être aussi, et surtout, aux politiques dynamiques des collectivités locales et territoriales, au travers de leurs CRT et de leurs CDT, ainsi que du réseau des offices de tourisme et des syndicats d’initiative.
Pourtant, le tourisme subit l’impact de la crise économique mondiale, ainsi que la dure concurrence de nos voisins, qui, il faut le reconnaître, ne manquent pas d’atouts, en particulier l’Espagne et l’Italie, ainsi que celle des pays émergents, tels que le Maroc, l’Égypte ou la Tunisie.
La situation, malgré une image qui peut sembler très positive, est donc en fait fragile et précaire. Elle exige que nous accentuions collectivement notre effort pour sortir de cette économie de « cueillette » de nos atouts naturels et historiques, qui ne sont plus suffisants aujourd'hui pour gagner la partie. Si nous n’y prenons pas garde, nous risquons même de la perdre dans les prochaines décennies, d’où l’intérêt, monsieur le secrétaire d'État, de la somme de vos propositions en vue de « muscler » un peu plus encore notre tourisme et rendre notre économie touristique plus performante.
Le catalogue des mesures présentées, notamment l’unification des actions de l’État, afin de mieux les cadrer, autour d’une nouvelle agence de développement touristique et la tentative de mieux maîtriser la procédure de classement des hébergements touristiques, de même que des restaurants, va ainsi dans le bon sens.
La création facilitée des agences de voyage, les possibilités accrues de développer les activités de commercialisation de services touristiques dans les offices de tourisme, l’élargissement des possibilités d’utiliser les chèques-vacances dans les entreprises de moins de cinquante salariés sont autant de mesures qui étaient attendues.
Cependant ces propositions ne sont pas à la mesure des problèmes relatifs au tourisme en France et à son organisation. Elles restent en effet souvent imprécises et incomplètes. La nouvelle procédure de classement, notamment, n’est pas très claire. Qui fera quoi, et comment ? Selon quels critères d’appréciation la commission de classement va-t-elle fonctionner ? Il s’agit là de questions importantes auxquelles il nous faudra répondre plus précisément.
Un autre aspect n’est pas abordé ; je veux parler de la dimension environnementale du tourisme, alors qu’à l’heure des Grenelle I et II nous devons mettre en place la charte européenne du tourisme durable, déjà instaurée dans certains parcs naturels régionaux.
Il faut développer une pratique de l’écoresponsabilité. Dans le parc que je préside, le parc naturel régional de l’Avesnois, ont été mises en place des formules d’écodiagnostic des équipements touristiques : je peux vous assurer que les partenaires, aussi bien publics que privés, ont suivi le mouvement et en sont extrêmement satisfaits.
Mon souhait est donc que le tourisme se développe dans le respect de l’environnement et sur la base de la solidarité entre les acteurs locaux.
L’autre challenge est d’arriver à inciter plus de Français à partir en vacances. Depuis plus de vingt ans, le pourcentage de vacanciers qui partent stagne ou diminue. Certes, la diffusion plus large des chèques-vacances devrait avoir des effets positifs, mais des mesures plus spécifiques destinées aux chômeurs, aux RMIstes, aux jeunes, aux retraités à faibles ressources, seraient indispensables. Si nous voulons aboutir au résultat visé, il nous faut investir ce champ d’action.
De plus, on constate que le tourisme social est toujours en crise. Certains équipements vieillissent mal et sont obsolètes, indignes. Un plan de soutien à leur requalification est absolument nécessaire.
Enfin, face aux excès du tourisme, qui peut conduire à une destruction des sites naturels et à une émission inquiétante de gaz à effet de serre liée au transport, face à la marchandisation des sites et des paysages, il faut mettre en place des formes de tourisme alternatives, moins consommatrices d’énergie, davantage respectueuses des populations et de l’environnement, bref, un écotourisme social et solidaire.
Dans le même ordre d’idée, il faut combattre le système selon lequel le prix des billets d’avion ou de train n’est plus calculé en fonction du nombre de kilomètres parcourus, indépendamment de l’heure ou du jour de voyage. Ce système, exclusivement fondé sur l’offre et la demande, fait varier le prix des places dans un même train ou un même avion, et conduit aux excès insupportables du surbooking. Ainsi, les compagnies aériennes – même Air France ! – sont autorisées à laisser « en carafe », à l’aéroport, des touristes qui avaient pourtant acheté leur billet.
Je suis étonné que la loi autorise un tel procédé, qui marque le plus grand mépris à l’égard du touriste – qui perd ainsi une journée de vacances – ou de l’homme d’affaires – qui peut manquer un rendez-vous important. Cette mésaventure m’est arrivée tout récemment, à l’occasion de mon départ pour le Forum mondial de l’eau. Je me permets donc de le dire publiquement : je trouve vraiment scandaleux que, à votre arrivée à l’aéroport, le personnel puisse vous expliquer, sur un ton condescendant absolument insupportable, qu’il n’y a plus de place dans l’avion que vous deviez prendre et que vous attendrez le vol suivant, prévu en fin de soirée. Il nous faut faire en sorte que, demain, de telles pratiques ne soient plus possibles, car, finalement, elles donnent au touriste étranger une image déplorable de la France.
Des possibilités de conforter notre tourisme existent ; il faut nous en donner les moyens. Les exigences de l’homo touristicus contemporain sont fortes : soif de découverte, d’aventure, de dépaysement… Ces « pèlerins modernes qu’aucune foi n’anime », selon l’expression d’un sociologue, demandent toujours plus. Il faut donc un personnel mieux formé à tous les aspects du métier – accueil, pratique des langues étrangères, direction des équipements touristiques, management, culture professionnelle de nos guides – et davantage payé. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, si la TVA sur la restauration est diminuée, j’espère que vous serez intraitable et que vous exigerez fermement, en contrepartie, des obligations de formation et des augmentations significatives de salaires dans le secteur touristique.
Il faut également être à l’écoute des nouveaux modes de consommation. Il importe de susciter une offre créative, diversifiée, innovante, vers les populations que je qualifierai pudiquement de « seniors », une offre prenant en compte les valeurs de bien-être, de soin du corps, une offre de vacances que l’on appellera « intelligentes », destinées à des clients assoiffés d’authenticité…
M. Daniel Raoul. Et de rêve !
M. Paul Raoult. … et aspirant à couper avec leur environnement professionnel. Je dois reconnaître que nous n’avons pas de proposition concrète dans ce domaine capital pour l’avenir.
Il convient par ailleurs de soutenir et de conforter les labels, monsieur le secrétaire d’État, en particulier les labels d’hébergement touristique, tels Clévacances – dont j’assure la présidence nationale – ou Gîtes de France. Ces fédérations éprouvent parfois un sentiment d’abandon, alors que leur travail, bénévole, se caractérise par une extrême compétence, une grande passion et une indéniable efficacité. Elles représentent un enjeu important pour le tourisme, en particulier dans les zones rurales.
M. Jacques Blanc. Eh oui !
M. Paul Raoult. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, au-delà des propositions positives que vous nous présentez ce soir,…
M. Paul Raoult. … nous attendons de vous, dans un avenir proche, d’autres propositions pour un tourisme pour tous, afin que nos structures touristiques soient confortées et attirent les clientèles étrangères, notamment celle des pays émergents.
En conclusion, je voudrais remercier notre rapporteur, Mme Bariza Khiari, le président de la commission, M. Emorine, ainsi que ses collaborateurs, qui, comme d’habitude, ont fourni un travail extrêmement sérieux et exigeant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –M. Jacques Blanc applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, beaucoup de choses ayant déjà été dites sur ce texte, je serai relativement bref.
Le projet de loi est consensuel. Nous avons entendu des propos plutôt positifs à son sujet, et il recueille l’assentiment des professionnels et de la plupart des membres de cette assemblée.
Ce n’en est pas moins un texte essentiel. En effet, cela a été largement souligné dans le débat, le tourisme est un secteur important de l’économie française, mais qui donne aujourd’hui quelques signes de fléchissement. Dans un tel contexte, il était crucial de présenter un projet de loi « de développement et de modernisation des services touristiques ».
M. Daniel Raoul. Alors, ne le gâchez pas !
M. Hervé Maurey. Je me réjouis tout particulièrement de la réforme du classement hôtelier, qui n’avait pas évolué depuis 1986. J’estime également positif que ce classement soit désormais attribué pour une durée déterminée ; un amendement tendant à préciser explicitement ce point a été déposé.
Un autre point primordial consiste dans la mobilisation par le Gouvernement de moyens financiers importants pour la modernisation du parc hôtelier. En effet, on considère qu’aujourd’hui environ les deux tiers des chambres ont besoin d’être rénovées.
Je vous félicite aussi, monsieur le secrétaire d’État, de la création d’une cinquième étoile, qui vient combler une lacune de notre classification hôtelière. Nous pourrons ainsi nous placer au même niveau que nos principaux concurrents et conforter notre image dans le tourisme de haut de gamme. À cet égard, la commission a bien fait de proposer que le Gouvernement ait la possibilité de créer un label destiné à l’hôtellerie d’exception.
D’un point de vue plus social, je suis également très satisfait que le projet de loi améliore sensiblement le dispositif des chèques-vacances. Créé voilà bientôt dix ans, celui-ci a jusqu’à présent davantage profité aux salariés des grandes entreprises ou aux agents des différentes fonctions publiques, mais très peu aux salariés des petites entreprises. Les dispositions du projet de loi, en agissant sur le pouvoir d’achat, auront un effet économique et social tout à fait favorable au développement du tourisme.
J’aimerais également souligner, mes chers collègues, l’apport de notre commission et le travail réalisé par Mme le rapporteur. C’était la première fois que la commission examinait un projet de loi selon la nouvelle procédure, et je pense que nous avons amélioré le texte – pourtant déjà excellent, monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires.) – en y insérant certaines dispositions.
Ainsi, la création d’une classification des chambres d’hôtes, qui tenait à cœur à un certain nombre de mes collègues ainsi qu’à moi-même, permettra une plus grande transparence et une meilleure lisibilité pour les touristes. Rappelons que ce mode d’hébergement est de plus en plus usité.
Un autre apport positif de la commission consiste dans l’amélioration de l’information des élus. En effet, nous avons veillé à ce que les maires soient informés de la création de chambres d’hôtes ou de meublés.
Telles sont les observations que je tenais à formuler à propos du contenu du projet de loi. J’ajouterai, si vous le permettez, quelques remarques sur ce qui n’y figure pas.
M. Daniel Raoul. Et qui n’y sera pas inscrit !
M. Hervé Maurey. Je voudrais évoquer, mes chers collègues, un point non consensuel, j’en conviens, mais tout aussi important pour le développement du tourisme : l’ouverture des magasins le dimanche dans les zones touristiques. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Nous sommes bien là au cœur du sujet, puisque, je le rappelle, le projet de loi vise au développement et à la modernisation des services touristiques.
Je me demande toujours ce que peut penser un touriste étranger qui, passant un dimanche à Paris, découvre que nos grands magasins sont fermés, alors que dans la plupart des villes comparables à notre capitale, qu’il s’agisse de Londres ou de villes de tradition encore plus chrétienne, comme Rome, il les avait trouvés ouverts. Je m’interroge également sur les pertes que cela entraîne en termes de chiffre d’affaires et d’emplois, ou encore pour notre commerce extérieur. Car à Paris – mon collègue Pozzo di Borgo, sénateur de la capitale, le confirmera certainement –, le shopping est de plus en plus souvent une motivation touristique en elle-même.
J’avoue que je ne comprends pas le régime actuel et ses possibilités de dérogation tout à fait ubuesques : on peut ouvrir son magasin si l’on vend des lunettes de soleil, mais pas si l’on vend des lunettes de vue ; on peut vendre des vêtements s’ils sont, selon l’expression reconnue par la jurisprudence, « liés à la culture contemporaine », mais pas si ce sont des vêtements de mode…
Sans rouvrir le débat dans sa globalité, sans aborder la question du choix de société, sans proposer de « grand soir » de l’ouverture dominicale, il nous faudra examiner la possibilité d’adapter le régime dérogatoire. Je proposerai non pas de le remettre en question, mais de le modifier afin de le clarifier et de le simplifier, sur la base, naturellement, du volontariat des commerçants, mais aussi des employés.
Je suis tout à fait conscient que mes propositions font et feront débat. J’observe cependant que, lorsqu’elles ont été évoquées par la commission des affaires économiques, nombre de ses membres, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont reconnu que c’étaient des propositions de bon sens. J’espère donc, dans l’intérêt du tourisme français, qu’elles seront prises en compte et que ce projet de loi, qui est déjà excellent, monsieur le secrétaire d’État, le sera doublement lorsqu’il quittera notre assemblée, qui, une fois de plus, aura prouvé sa valeur ajoutée. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Etienne.
M. Jean-Claude Etienne. Monsieur le secrétaire d’État, vous passez un bon après-midi ! Tout le monde ou presque est d’accord avec vous ;…
M. Daniel Raoul. C’est beaucoup dire !
M. Jean-Claude Etienne. … depuis les latitudes les plus septentrionales de Dunkerque, de la côte d’Opale et du mont Cassel de Paul Raoult, jusqu’aux Pyrénées aux douceurs voluptueuses et arrondies de François Fortassin, en passant par les Deux-Sèvres de Michel Bécot, tout le monde dit et répète que vous avez raison, à quelques nuances près parfois, il est vrai.
Je ne veux pas être en dissonance et, comme tout le monde, je dirai que le tourisme est l’industrie clé pour l’économie de notre pays.
Certes, monsieur le secrétaire d’État, notre législation actuelle doit être adaptée à des pratiques, des demandes, des produits tout à fait nouveaux : émiettement de la durée des séjours, étalement saisonnier, itinérance de plus en plus affirmée, forfaits dynamiques sur Internet, agences de voyages parfois sources d’interrogations, ventes de prestations touristiques par des opérateurs publics interdépartementaux ou interrégionaux, dans un jeu concurrentiel international fortement acutisé.
Bref, il y a là un vrai défi que vous avez raison de relever. Il y va de notre compétitivité, dans un cadre de concurrence européenne remaniée par la directive « Services » ; Mme Odette Terrade n’a pas manqué de le relever, à juste titre.
Mme Odette Terrade. Ah !
M. Jean-Claude Etienne. Le défi se précise et c’est non pas en se lamentant devant cette directive, mais en trouvant les moyens de réagir que nous arriverons à nous en préserver.
M. Jean-Claude Etienne. En matière de vente de voyages, il est important que la notion de « forfait dynamique » soit intégrée à nos comportements. La simplification de la procédure d’éligibilité aux chèques-vacances apporte un pouvoir d’achat supérieur aux salariés concernés. L’Agence nationale pour les chèques-vacances, l’ANCV, les comités départementaux du tourisme et les comités régionaux gagneraient peut-être à développer une communication complémentaire dans l’épure de leurs ressorts territoriaux respectifs.
En ce qui concerne l’agence de développement touristique, la mise en place d’un outil des politiques publiques rapprochant Maison de la France et ODIT France nous dote d’une capacité à anticiper les évolutions marketing, techniques, commerciales et environnementales du secteur du tourisme. La problématique de l’offre a pris plus de poids, notamment dans les collectivités, que le thème de la promotion.
Maison de la France travaille dans un « temps court », ODIT France dans un « temps long ». Ce nouveau modèle pourrait entraîner des déclinaisons dans nos territoires, systémique particulièrement chère à la préoccupation du Sénat et l’on ne peut que vous féliciter de « coupler » ingénierie et promotion. Une telle approche doit conserver à la nouvelle agence toute la réactivité reconnue à Maison de la France ; je n’ai pas entendu grand-chose à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État ! Comment pensez-vous assurer l’organisation syncrétique du nouvel agrégat constitué par le rapprochement des deux structures ?
Le consommateur a plus que jamais besoin de repères et de critères, et l’article 8 du titre II, portant réforme du classement hôtelier, vaut à certains d’entre nous des questionnements de la part des acteurs de terrain, questionnements qu’il nous faut vous répercuter.
Il en est ainsi des réseaux d’audits spécialisés dans l’hôtellerie et de la gestion de l’évolution du référentiel. Il semble que plus de trois cents critères soient maintenant répertoriés, contre une centaine actuellement.
M. Jean-Claude Etienne. On nous interroge sur l’hôtellerie familiale et rurale qui connaît certaines difficultés…
M. Jean-Claude Etienne. … et qui n’aura peut-être pas les moyens de financer ces audits.
On voit d’ailleurs poindre une certaine crainte quant à une éventuelle déqualification dans certains secteurs exposés.
Le tourisme fait partie des politiques dans lesquelles s’impliquent volontiers les collectivités territoriales, ne serait-ce que par les comités régionaux du tourisme ou les comités départementaux du tourisme, ainsi que les offices du tourisme. Peut-on envisager que ces collectivités puissent encore, avec l’État, assurer un accompagnement de proximité ? Monsieur le secrétaire d’État, quelles relations pensez-vous développer entre la nouvelle agence de développement touristique, les CDT et les CRT ?
Certes, l’air du temps nous invite à mieux cerner les compétences dévolues à chaque échelon : région, département, commune. Si l’on devait trouver un niveau plus pertinent pour éviter les financements croisés, y a-t-il, à partir de ce projet de loi, que je souhaite ardemment voir adopter, un échelon qui vous paraîtrait mieux à même de répondre aux exigences dans ce domaine ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, ce débat est intéressant, parce qu’il démontre que nous voulons tous travailler sur une nouvelle offre nationale en matière de tourisme, moderniser ce secteur et faire en sorte qu’il conserve la première place dans l’activité économique de notre pays.
Le tourisme représente en France 6 % du produit intérieur brut ; c’est important et il faut continuer à évoquer sa force dans toutes nos régions. Mais si le tourisme constitue un atout économique fort, notre pays a également des handicaps dans ce domaine ; cela a été très bien exposé tout à l’heure par Mme le rapporteur. Nous devons essayer de progresser non seulement pour que le tourisme conserve sa place au sein de l’activité économique nationale, mais également pour gagner des parts de marché sans lesquelles nous pourrions, à l’évidence, nous faire rattraper par des pays voisins : en termes de chiffre d’affaires, la France arrive, par exemple, derrière l’Espagne.
Mme le rapporteur souligne que la tentation est grande de se consacrer à d’autres secteurs en difficulté aujourd’hui. Mais le secteur touristique est confronté à une concurrence internationale qui n’a jamais été aussi forte. Par ailleurs, de fortes potentialités existent sur nos territoires.
On peut saluer quelques avancées avec le projet de loi et l’ensemble de ce texte doit être à la hauteur de l’enjeu économique et d’aménagement du territoire.
La France doit non pas donner le sentiment d’avoir abandonné sa politique touristique, mais au contraire porter une ambition dans un secteur pourvoyeur d’emplois et de richesses.
En parallèle, je veux souligner ici l’action importante des collectivités locales, qui se saisissent sans cesse d’initiatives et engagent leurs budgets pour contribuer au départ en vacances du plus grand nombre et aménager les territoires.
Les enjeux fonciers doivent être pris en compte. En effet, dans certaines régions, nous assistons à ce qu’il est commun d’appeler la « lubéronisation » de nos territoires : la concurrence entre l’établissement de résidences secondaires et les activités touristiques est très forte et le coût du foncier tend à exclure la possibilité d’exercer certaines activités touristiques.
Ce texte doit porter l’ambition de la politique touristique de l’État.
Le projet de loi constitue une nécessaire amélioration de l’existant, notamment par la clarification des régimes d’autorisation, qui sont remplacés par l’inscription à un registre unique pour les prestataires qui exercent l’activité de vente de voyages. C’est une belle avancée !
En ce qui concerne le classement des hébergements, se pose toutefois la question du coût de cette prestation volontaire à la charge des professionnels. Ce dispositif est confié à des organismes évaluateurs privés. Il risque d’être un frein à la demande de classement. Je m’interroge quant à un effet contreproductif avec, pour conséquence, encore moins d’établissements classés, donc moins de lisibilité pour les consommateurs. C’est par la qualité que nous arriverons à reconquérir encore et toujours des parts de marché.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite saluer la création de l’agence de développement touristique, fusion de ODIT France et Maison de la France. Ces organismes avaient peut-être un peu vieilli ; il fallait les dépoussiérer et surtout, parce que nous voulions continuer à aller de l’avant, il fallait qu’une nouvelle agence trace la voie et progresse en matière de dynamique du tourisme. Mais nous devons également veiller à ce que cette fusion de ODIT France et Maison de la France n’ait pas comme contrepartie une réduction des activités et une diminution de personnels ; c’est très important.
Mme le rapporteur a tenu à détailler les missions de cette nouvelle agence et nous l’en félicitons. Cette agence ne reste néanmoins qu’un outil au service d’une politique du tourisme et la situation des agents relevant de ces deux structures méritera une attention particulière.
Si cette question de l’agence est au cœur de la nouvelle stratégie de l’État, il y a quand même un choix à faire. Pourquoi donner à cette agence le statut de groupement d’intérêt économique et non de groupement d’intérêt public ? Jusqu’alors, Maison de la France et ODIT France n’avaient pas le même statut !
Nous attendons d’un tel texte qu’il donne une vision et un sens aux grandes orientations nationales de la politique du tourisme.
J’évoquerai maintenant la dimension sociale du tourisme, qui doit être prise en compte toujours et encore, notamment dans cette période de crise mondiale.
Dans ce contexte de crise économique et sociale, l’amélioration touristique doit également porter sur la possibilité de partir en vacances ; cela a été dit par plusieurs intervenants, notamment excellemment par Paul Raoult.
À un moment où plus de la moitié des Français disent qu’ils ne partiront pas en vacances, il apparaît nécessaire de réunir les conditions afin que l’accès aux vacances soit ouvert à tous nos concitoyens, notamment aux populations les plus fragiles : personnes âgées, chômeurs, jeunes, personnes qui n’ont pas toujours les moyens de partir. À cet égard, les actions menées par les collectivités territoriales, les mairies, les intercommunalités, les départements, qui organisent des opérations « premiers départs » ou « premières vacances », doivent être encouragées.
Mais, pour cela, des moyens financiers sont nécessaires. Monsieur le secrétaire d’État, lors de votre audition devant la commission, vous avez évoqué les facilités fiscales. Il faudrait peut-être instituer des dispositifs d’accompagnement et d’aide à la mise aux normes des petits établissements. Sans ces mises aux normes indispensables, la plupart des petits établissements, souvent le seul lieu ouvert aux touristes dans de nombreux départements, notamment dans les départements ruraux, seront condamnés par l’impossibilité de financer ces mises aux normes à l’échéance 2011, notamment l’accessibilité pour tous.
Par ailleurs, la baisse de la TVA dans la restauration, sujet d’actualité, peut être un point d’appui fort, à condition toutefois qu’elle bénéficie bien aux Français et aux touristes de passage. Ainsi, ne faudrait-il pas établir un référentiel des prix, ce qui éviterait certains abus ?
Porteuses d’une vraie ambition pour les territoires, les collectivités locales jouent un rôle essentiel aux côtés de l’État, par le biais, notamment, des CRT et des CDT.
Dans son intervention, François Fortassin a évoqué, avec son accent et son âme de poète, les différentes régions de France. Pour ma part, j’estime que nous avons déjà gagné la partie dès lors qu’un touriste vient sur notre territoire ; peu importe qu’il visite la Bretagne, la Corse, les Pyrénées, les Alpes,…