Mme Annie David. Très bien !
M. Jean-Claude Danglot. Nous demandons que la rémunération des salariés placés au chômage technique soit maintenue dans son intégralité, en mettant à contribution les actionnaires, que l’utilisation de l’argent public soit établie et contrôlée, afin de développer, par exemple, les technologies nouvelles et la formation professionnelle.
Nous voulons des mesures contraignantes pour les constructeurs, afin qu’ils respectent leurs sous-traitants.
Nous manifestons notre volonté de construire l’avenir de l’industrie automobile, grâce à la mise en place de gammes de véhicules correspondant aux attentes et aux besoins des consommateurs.
Nous exprimons le souhait que l’État entre dans le capital de l’industrie automobile pour assurer l’avenir du secteur. Auditionné hier, M. Pélata, directeur général délégué de Renault, admettait que la part détenue actuellement par l’État dans le capital de son groupe ne réglait pas tous les problèmes, mais confortait Renault en cette période de crise.
Nous revendiquons des droits nouveaux pour les travailleurs, afin que ceux-ci participent aux décisions stratégiques de leurs entreprises.
Nous pensons que le développement de l’industrie automobile doit aller de pair avec l’augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs, c’est-à-dire de ceux sans lesquels il n’y a pas de création de richesse ni d’économie viable.
Enfin, la crise qui touche le secteur est sociale. Ses victimes sont, en priorité, les salariés qui travaillent et les utilisateurs d’automobiles que nous sommes, dans notre grande majorité.
Ce triste constat est la conséquence directe de la stratégie des constructeurs, qui ne visent pas à produire des voitures pour répondre aux besoins, mais à dégager la plus grande marge possible par véhicule afin de satisfaire l’appétit sans limite d’actionnaires dirigeants.
Faut-il rappeler qu’on n’a pas attendu la crise pour pratiquer dans ces entreprises les fermetures de site, les délocalisations, les remises en cause d’acquis sociaux, les dégradations des conditions de travail, les suicides et l’austérité salariale ?
Faut-il également rappeler que ce n’est pas non plus la présente crise économique qui a bloqué depuis des années les investissements des constructeurs français dans les nouvelles technologies et la mise en place de véhicules propres ?
Pour les entreprises de la filière, la crise offre l’occasion d’accélérer des stratégies qui étaient planifiées depuis des mois.
Dans cette perspective, la situation de l’industrie automobile américaine a servi d’alibi pour dramatiser la situation du secteur en France et en Europe. Aux États-Unis, les constructeurs affichent des pertes de plusieurs milliards de dollars ; en Europe, tout au contraire, ils réalisent des milliards d'euros de bénéfice ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en tant que président du groupe d’études sur l’automobile et vice-président de la commission des affaires économiques, je ne puis que saluer la tenue du débat qui nous occupe aujourd’hui.
En effet, il me semble utile d’évoquer la situation des sous-traitants et des équipementiers du secteur automobile, qu’ils soient de premier ou de deuxième rang, dont nous constatons tous les difficultés ; je n’égrènerai pas celles qu’ils rencontrent dans le département dont je suis l’élu, car chacun d’entre vous, mes chers collègues, pourrait en faire autant !
Mme Nathalie Goulet. Tout à fait !
M. Gérard Cornu. En réalité, le problème concerne l’ensemble de notre territoire, ce qui montre d'ailleurs que la filière automobile est essentielle pour notre économie.
De façon générale, le secteur automobile se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, me semble-t-il. Deux éléments, l’un conjoncturel, l’autre structurel, expliquent ses difficultés actuelles.
En ce qui concerne la conjoncture, la crise économique mondiale pèse sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens et explique en partie la chute des ventes automobiles, qui pourrait atteindre près de 20 % en Europe en 2009.
Toutefois, je voudrais aussi insister sur l’aspect structurel de ces difficultés, à savoir l’évolution des mentalités dans nos sociétés occidentales, notamment quant à la place de l’automobile.
Je pense, bien entendu, à la prise de conscience des enjeux environnementaux, mais aussi, plus largement, au changement de comportement des consommateurs, par exemple sous l’effet des évolutions du prix du pétrole.
Plusieurs des personnalités auditionnées hier par la commission des affaires économiques et la commission des finances dans le cadre d’une table ronde sur le pacte automobile ont insisté sur ce changement de comportement, dont elles ont unanimement souligné le caractère durable. Une telle évolution des mentalités déstabilise aujourd’hui le secteur automobile et lui impose de s’adapter.
Ces deux éléments expliquent donc la « mauvaise passe » de la filière automobile, en France comme dans le reste du monde.
D'ailleurs, la France, je ne puis que le relever, grâce aux mesures votées par le Parlement sur l’initiative du Gouvernement, comme la prime à la casse et le bonus-malus, traverse plutôt mieux la crise que certains de nos voisins : si, en décembre 2008, les immatriculations ont chuté de 16 % en France, cette baisse a atteint 50 % en Espagne ou 21 % au Royaume-Uni.
M. Gérard Cornu. La situation des constructeurs est donc difficile et les annonces de suppressions de postes réalisées par les deux grands constructeurs français, Renault et PSA, qui concernent au total près de 20 000 emplois en 2009, sont là pour nous le rappeler.
Toutefois, nous sommes tous conscients, quelle que soit notre tendance politique, que la situation des équipementiers et des sous-traitants est encore plus précaire. Il ne se passe pas une semaine sans qu’une restructuration soit annoncée, comme celles qui ont frappé les usines de Continental dans l’Oise ou d’Heuliez dans les Deux-Sèvres au cours des deux dernières semaines.
Dans cette période difficile, la baisse des commandes des constructeurs, ainsi que la gestion de leur stock, a un impact direct sur les équipementiers et les sous-traitants.
La situation aurait été pire, je ne puis que le souligner, sans les dispositions de la loi de modernisation de l’économie relatives à la réduction des délais de paiement, comme les participants de la table ronde l’ont d'ailleurs souligné hier. Nous ne pouvons donc que nous féliciter, a posteriori, de l’adoption de ces dispositions.
Cette situation n’est toutefois pas nouvelle, et les difficultés rencontrées actuellement par les équipementiers sont plus profondes. Dans le rapport sur Les défis du secteur automobile que j’avais remis, en février 2007, au nom de la commission des affaires économiques, et que je vous encourage d'ailleurs à lire, mes chers collègues,…
M. Daniel Raoul. Nous l’avons lu !
M. Gérard Cornu. … j’avais déjà noté les difficultés rencontrées par l’ensemble des fournisseurs de l’industrie. En effet, entre 2005 et 2007, les équipementiers français ont perdu près de 10 000 emplois.
Dans mon rapport, je prévoyais à l’époque la destruction de près de 15 000 emplois chez les équipementiers de premier rang et de 6 000 emplois chez leurs fournisseurs à l’horizon 2012. J’avais peur d’être trop pessimiste, mais peut-être étais-je encore trop optimiste ! En effet, ces prévisions semblent en deçà de la réalité actuelle : dans les derniers mois, près de 7 000 emplois ont disparu.
Face à la gravité de la situation, le pacte automobile présenté par le Président de la République le 9 février dernier constitue une réponse à la hauteur de l’enjeu, contrairement à ce qui vient d’être affirmé. Il comprend plusieurs mesures qui devraient permettre aux équipementiers de traverser cette période difficile.
Ainsi, la mise en place du fonds de garantie pour les prêts octroyés aux équipementiers et aux sous-traitants constitue une très bonne mesure : ce mécanisme doit permettre à OSEO de garantir aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire jusqu’à 90 % de leur prêt, sur des montants couverts pouvant atteindre 15 millions d’euros par entreprise.
Par ailleurs, le fonds de modernisation des équipementiers automobiles, doté de 600 millions d’euros, dont 200 millions d’euros apportés par le fonds stratégique d’investissement, a déjà apporté la preuve de son utilité, avec son intervention dans Valeo et son soutien prochain à Heuliez.
Les 6 milliards d'euros prêtés à PSA et à Renault, et sur lesquels certains se sont interrogés, bénéficieront également aux équipementiers, comme l’ont rappelé hier les participants de la table ronde ! Si nous ne soutenons pas les constructeurs, les équipementiers souffriront plus encore.
M. Gérard Cornu. Nous devons donc nous garder d’une approche comptable : tous les acteurs de la filière sont importants et des sommes considérables leur sont apportées.
Au-delà de ces mesures, l’esprit du pacte automobile, que je salue, repose sur l’idée que la filière ne se limite pas aux constructeurs et que ces derniers doivent prêter attention à la situation de leurs fournisseurs.
Dans le rapport que j’évoquais tout à l’heure, je notais déjà que « le défi des équipementiers concerne l’ensemble de la filière, y compris les constructeurs, dans la mesure où il ne saurait y avoir de constructeurs forts si leurs fournisseurs sont en difficulté ».
Aujourd’hui, les prêts participatifs accordés aux constructeurs dans le cadre du pacte automobile interviennent en contrepartie d’engagements en matière d’emploi, d’investissement et aussi d’amélioration des relations partenariales avec les fournisseurs.
Au-delà de ces mesures conjoncturelles destinées à préserver le plus grand nombre de nos entreprises stratégiques, il me semble que les réformes structurelles visant à adapter la filière automobile française aux défis de demain doivent constituer également une priorité.
C’est pourquoi je salue le soutien à la recherche et à l’innovation dans ce secteur, notamment par l’intermédiaire des prêts accordés pour un montant global maximum de 250 millions d’euros.
En conclusion, je souhaiterais indiquer, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que notre vision de la filière automobile ne doit pas être pessimiste, même si la situation est actuellement difficile. Nous pouvons être confiants quant à son avenir. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. C’est ce qu’il faut se dire !
M. Gérard Cornu. Dans les deux dernières décennies, nos entreprises ont déjà su s’adapter et accomplir une véritable révolution en matière d’innovation, de qualité, de développement durable ou encore d’alliances internationales. Nous n’avons pas à rougir des constructeurs français, qui sont très performants et qui sont préparés à passer cette crise internationale de la meilleure façon possible.
Nous pouvons donc avoir confiance dans la pérennité de ce secteur et affirmer, comme le Président de la République, que « la France ne laissera pas tomber son industrie automobile ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant tout, je souhaite remercier mon collègue et ami Jean-Pierre Sueur d’avoir posé cette question orale sans débat relative à l’avenir des sous-traitants et équipementiers du secteur automobile, car il s'agit aujourd'hui d’un problème essentiel, qui nous touche tous, plus ou moins directement.
Ainsi, le département dont je suis l’élue, c'est-à-dire l’Aveyron, bien qu’il soit largement rural, se trouve confronté à ce problème économique dans l’une de ses zones industrielles, la mecanic valley, jusque-là dynamique, mais largement fragilisée par la crise économique que le monde traverse.
Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous avez récemment rencontré les acteurs majeurs de ce secteur pour examiner avec eux les voies du développement d’équipements novateurs en matière technologique.
Dans ce contexte, je me félicite, comme nous tous, mes chers collègues, de la mise en œuvre du pacte automobile annoncé le 9 février dernier.
Pour autant, ces mesures permettront-elles d’endiguer la triple crise du crédit, de l’industrie et de la demande ou, si l’on préfère, du marché ?
Nous pouvons l’espérer, dans l’intérêt général, qui est, d’une part, celui des consommateurs, et, d’autre part, celui de l’ensemble des acteurs de la filière des équipementiers automobiles.
Toutefois, le doute est permis dès lors que ce plan, à aucun moment, n’exige que les constructeurs travaillent exclusivement avec des fournisseurs français ni n’encourage la relocalisation de sites industriels en France.
Si nous ne pouvons que nous féliciter des six principales mesures constituant le pacte automobile, en particulier le code dit « de performance et de bonnes pratiques entre les équipementiers, les sous-traitants et les constructeurs pour favoriser une véritable relation partenariale dans l’ensemble de la filière », en revanche, je m’interroge sur les conditions concrètes de leur mise en œuvre.
Sur une échelle de performance économique, la filière des équipements automobiles était en 2007 à cent. Elle s’établira à coup sûr, en 2009, à soixante, pour se relever probablement très légèrement à soixante-cinq en 2010.
Il faut donc que des efforts sans précédent soient développés dans quatre directions principales. Les trois premières sont la rationalisation des process, la protection de l’emploi et la formation au bénéfice des salariés au chômage technique, en veillant à ce que les aides financières publiques soient homogènes dans l’ensemble des régions et calculées équitablement à raison des caractéristiques propres à chaque territoire.
Je voudrais, sur ce point, souligner que les équipementiers s’inquiètent de voir que, dans deux régions différentes où ils sont implantés, ils bénéficient d’aides et de soutien à la formation selon des modalités différentes.
Enfin, la quatrième direction consiste en la création d’un véritable guichet unique, pour donner efficacité et cohérence aux mesures de soutien à l’économie. Il s’agit de ce circuit court qu’évoquait tout à l’heure M. Jean-Pierre Sueur.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des assurances que vous voudrez bien nous donner sur ces différents points, qui, si la frilosité ne prend pas le pas sur l’ambition, sont susceptibles de consolider la filière des équipementiers automobiles. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais évoquer en quelques mots la filière automobile, le contrôle parlementaire des fonds publics, la voiture propre et, surtout, l’appel à un nouveau pacte entre équipementiers et constructeurs.
Je suis très heureux, ainsi que mes collègues, que Jean-Pierre Sueur nous invite à débattre – je dirais enfin ! – sur la question spécifique de la situation des équipementiers et sous-traitants de l’automobile.
Il est vrai que nous avons la chance d’avoir deux constructeurs qui comptent parmi les meilleurs du monde. Pour autant, on a trop tendance à réduire l’industrie automobile à leurs activités. C’est oublier bien vite que le tissu industriel comprend un grand nombre d’entreprises, dont certaines ont un destin international, tandis que d’autres sont des championnes de l’innovation, mais qu’il y a aussi beaucoup d’entreprises familiales qui irriguent l’ensemble de l’hexagone et qui sont très importantes pour la vie des territoires.
Il s’agit d’une vraie filière, au sens plein du terme. Nous avons de la chance de l’avoir et nous devons la garder !
En 2007, il faut le rappeler, les équipementiers et sous-traitants, que j’appellerai l’« armée de l’ombre » de la filière automobile, employaient 114 446 salariés. Ce n’est pas rien ! Aujourd’hui, d’après les fédérations professionnelles, dont les prévisions sont funestes, les effectifs passeraient très bientôt au-dessous des 110 000 salariés.
Nous devons éviter que les équipementiers et les sous-traitants ne deviennent – excusez la métaphore – la chair à canon de la crise du secteur automobile.
Or, les équipementiers et les sous-traitants ne disposent pas, nous le savons tous, des mêmes armes que les constructeurs pour faire face à la violence de la crise. Ils ne disposent pas de la même trésorerie pour attendre des jours meilleurs. Il serait même déconseillé aux banques d’aider le secteur automobile, parce qu’il s’agit de placements qui ne sont pas assurés.
Les sous-traitants et équipementiers n’ont évidemment pas la même capacité de négociation vis-à-vis des banques ! De la même manière, les salariés et les chefs d’entreprise ne bénéficient de protections sociales suffisantes pour affronter de longues périodes de chômage partiel.
Équipementiers et sous-traitants ont été, dans un passé assez récent, victimes de délais de paiement sans cesse allongés par leurs donneurs d’ordre. Ils n’ont pas eu d’autre choix que de se soumettre à des rentrées de trésorerie fluctuantes. Au fil des années, leurs marges se sont réduites face aux exigences de productivité des constructeurs.
Les équipementiers et les sous-traitants, et a fortiori leurs salariés, combinent malheureusement beaucoup de handicaps. Devons-nous pour autant laisser le marché, le bon-vouloir des banques et l’absence de législation sociale suffisante signer la condamnation à terme de beaucoup de ces entreprises ? Nous ne le pensons pas.
Laisser des équipementiers et des sous-traitants disparaître, je le réaffirme, c’est cautionner à terme la disparition progressive de la filière automobile. C’est fragiliser nos deux constructeurs, qui, faute de partenaires industriels, seront obligés de chercher ailleurs des structures de production que nous avons ici. C’est faire le nid des délocalisations futures et d’une politique d’achat dématérialisée. C’est abandonner des salariés, des cadres et des chefs d’entreprise qui disposent d’un savoir-faire extraordinaire – certes perfectible par la formation – et qui ne pourront que très diversement se reconvertir sur le marché du travail.
Il s’agit surtout d’un blanc-seing donné à une marche forcée vers la désindustrialisation de notre pays, ainsi qu’à l’abandon de certains bassins industriels qui, aujourd’hui, vivent de l’automobile.
Depuis les premiers signes annonciateurs d’une baisse très sensible et durable du marché de l’automobile, il y a maintenant cinq mois, je n’ai pas cessé de plaider pour la prise en compte de la totalité de la filière automobile.
J’ai réagi, dès les premières annonces qui concernaient notamment la création du fonds stratégique d’investissement, en novembre, et, bien sûr, à l’occasion des états généraux de l’automobile, le 20 janvier. Je vous ai remis à cette occasion, monsieur le secrétaire d’État, une contribution sur l’avenir de l’industrie automobile, rédigée avec mon collègue Pierre Moscovici.
Vous comprendrez bien, monsieur le secrétaire d’État, que, même si la prise de conscience du Gouvernement est réelle – encore que, à mon sens, trop lente –, j’ai accueilli plutôt favorablement, et avec un certain soulagement, l’annonce du pacte automobile le 9 février. J’y ai même placé quelques espoirs et beaucoup d’attentes !
Le pacte automobile prenait à mon sens la mesure de la gravité de la crise de l’ensemble de la filière, en prévoyant notamment un prêt de 6,5 milliards d’euros aux deux principaux constructeurs, ainsi que le principe d’un prêt pouvant être abondé à hauteur de un milliard d’euros aux équipementiers, via OSEO.
J’avais également retenu le principe d’aides conditionnées, qui est fondateur pour le pacte automobile et, à ce titre, particulièrement important.
J’étais en accord avec vous lorsque vous écriviez : « L’État vient en aide à son industrie automobile en échange de contreparties fortes. La France ne laisse pas tomber son industrie automobile, mais l’industrie ne laisse pas tomber la France ! »
Le Président de la République m’avait plutôt convaincu lorsqu’il avait prévu, dans une intervention télévisée, d’adosser ces aides à des contreparties en termes d’emplois ou de maintien de sites dans l’hexagone et de défendre cette position auprès de la présidence de l’Union européenne.
J’y voyais les bases d’un véritable contrat industriel, social et environnemental. J’y voyais aussi les bases d’un possible changement du mode de gouvernance. Où en est-on après tout cela ? Comme on dit, il y a les effets d’annonces et il y a les actes.
Or, le plus grand flou règne sur la réalité de ces fonds, sur leur réel niveau d’abondement, sur les critères choisis pour aider telle ou telle entreprise. Il semble donc qu’il y ait une distorsion entre les déclarations et la réalité, et, parfois, le fossé est incompréhensible ; il sème le plus grand trouble.
Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vos services et vous-même, comme ceux de Mme Lagarde, êtes au fait des situations des entreprises. Vous négociez avec elles depuis des mois.
Dans ces conditions – et c’est ma première question –pouvez-vous nous expliquer pourquoi si peu de dossiers sont aujourd’hui entre vos mains, alors que l’on connaît l’ampleur, rappelée tout à l’heure par mes collègues, des difficultés des équipementiers ?
Les engagements financiers du pacte automobile évoquent un abondement à hauteur de un milliard d’euros. Que se passera-t-il si, à la fin de l’année, on constate une dramatique sous-consommation des crédits, si le fonds de modernisation des équipementiers est à peine entamé alors que, dans le même temps, des milliers d’emplois sont supprimés et des dizaines d’entreprises disparaissent ?
Telle est la crainte que nous avons. Nous nous demandons également si nous disposons, oui ou non, de la capacité de prêts à hauteur de un milliard d’euros. OSEO aura-t-il, oui ou non, les moyens humains et logistiques pour examiner tous les dossiers, mais également pour les susciter ? Disposez-vous d’objectifs chiffrés dont vous pourriez nous faire part aujourd’hui ?
Mes interrogations concernent non seulement le niveau d’abondement de ces fonds, mais également la réalité des contreparties adossées à l’octroi des prêts.
Vous connaissez la polémique qui grandit actuellement. Pouvez-vous donc nous garantir aussi, monsieur le secrétaire d’État, que le dossier de présentation du pacte automobile aux institutions européennes comportait bien des contreparties sociales et de maintien des sites ? Pouvez-vous nous communiquer ce document aujourd’hui ?
Je vous pose également, monsieur le secrétaire d’État, la question suivante, parce que l’exemple de Valeo fait froid dans le dos : comptez-vous assortir ces prêts de conditions liées à la gouvernance d’entreprise ? Il n’est pas pensable que des entreprises bénéficiant, et à juste titre, d’aides considérables de l’État continuent à agir comme si de rien n’était et à distribuer des indemnités colossales, des primes et des stock-options.
Ces temps-là sont révolus. Nous devons passer d’un modèle fondé sur l’argent facile à un modèle prévoyant une juste et convenable rémunération du travail, y compris pour les dirigeants d’entreprise. D’autres pays ayant une culture libérale en ont donné l’exemple, comme le Japon et les Pays-Bas, qui ont suivi ce cheminement. Nous devons en faire autant !
Il faut savoir qu’en ce moment, alors même qu’on annonce ces stock-options, des intérimaires sont licenciés par milliers ; des salariés de plus de cinquante ans se retrouvent aujourd’hui au chômage, décrétés licenciés volontaires ; des postes sont supprimés. Ces agissements sont intolérables et indignes. On voit les centres communaux d’action sociale, les CCAS, submergés par des demandes d’aides de plus en plus nombreuses. Il en est de même pour les départements.
Je suis ravi, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement soit finalement intervenu pour demander au conseil d’administration de Valeo de ne pas octroyer de telles indemnités. Pour autant, ne croyez-vous pas que, si scandale il y a eu, c’est parce que les conditions n’ont pas été clairement posées dans le contrat. Il ne doit pas y avoir d’aides si de tels agissements sont commis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Martial Bourquin. Je pense qu’il faudra légiférer sur cette question dans les plus brefs délais. Nous n’allons pas courir après l’information tous les jours ! Il vaut mieux, une fois pour toutes, mettre fin à ces primes scandaleuses.
Je calculais par exemple que le montant touché par le président-directeur général de Valeo représentait une prime de 1000 euros par emploi supprimé dans ce groupe !
M. Guy Fischer. Scandaleux ! (Mouvement d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Martial Bourquin. Oui, c’est absolument scandaleux et nos concitoyens ne le tolèrent pas.
C’est pour cela que nous devons avoir une véritable politique concernant la filière automobile. Ce secteur représente 10 % de nos emplois industriels.
Le pacte automobile a vocation à sauver des emplois et à faire évoluer les métiers du secteur. Vous avez vous-même, monsieur le secrétaire d’État, intégré cette donnée dans une de vos déclarations et Jean-Pierre Sueur est intervenu tout à l’heure sur la question des formations.
La seule façon de changer l’industrie automobile européenne, c’est de faire en sorte que nous construisions le plus rapidement possible la voiture propre de demain et que nous sachions évaluer les conséquences, dans le monde de demain, de la crise climatique qui se profile.
Les automobiles devront être recyclables à cent pour cent et elles ne devront plus émettre de carbone. Qu’avons-nous comme plan de formation pour préparer cette mutation en profondeur de l’industrie automobile ?
J’ai suivi avec beaucoup d’attention le dossier Heuliez. Lors de la conférence de presse du 24 mars, vous avez dit que l’État soutiendrait Heuliez « s’il a un vrai projet industriel viable ». Je citerai l’exemple de Key Plastics, une entreprise qui avait prévu de supprimer deux sites industriels, l’un à Rochefort et l’autre dans le Doubs.
Après une occupation de l’entreprise qui a duré trois semaines, après la mobilisation de toutes les forces vives du pays de Montbéliard, et, surtout et y compris, celle de PSA, qui a besoin des pièces fabriquées par Key Plastics, un des deux sites a pu être sauvé.
Bien sûr, il y aura des suppressions d’emploi, mais ce site, qui était condamné, pourra demain continuer d’exister. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, vous parlez de projets industriels viables, mais il faut être vigilant aux critères retenus en la matière.
Le plus important, pour une entreprise, est d’avoir un débouché. Or nos constructeurs ont besoin des pièces fabriquées par l’ensemble des équipementiers ; si l’un d’eux, faute de commandes suffisantes, n’est plus en mesure de payer les salaires de ses employés ou d’acheter des composants, les banques et Oseo doivent être là pour l’aider à passer cette mauvaise période, avant que ne s’engage la mutation de l’industrie automobile.
Je plaiderai maintenant en faveur du contrôle des aides publiques.
Il ne s’agit pas de ralentir ou de bureaucratiser l’action de l’État. Quand les sommes en jeu se chiffrent en milliards d’euros, la mise en place d’une commission parlementaire se justifie amplement. Les parlementaires doivent veiller, aux côtés du Gouvernement, à ce que les concours publics servent bien de levier pour aider l’industrie automobile à sortir de la crise, à se moderniser, à protéger ses salariés.
Mmes Nathalie Goulet et Jacqueline Gourault. Très bien !