Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Cela dérape !
M. Jean-Paul Virapoullé. … les casseurs envahissent les rues ! Demain, des pères et des mères de famille honnêtes perdront leur travail parce que leur magasin, qui est leur outil de travail, a été pillé.
Nous devons tirer les leçons de la crise antillaise, pour apporter des solutions d’avenir. Aux Antilles, plus encore qu’à la Réunion, je crois comprendre que l’histoire du peuplement, qui n’est pas encore assimilé et accepté, a laissé des séquelles.
En métropole, l’esclavage, dont l’histoire a été rappelée, est aujourd’hui considéré comme un crime contre l’humanité. Mais existe-t-il aux Antilles un mémorial qui reconnaisse, sur place, ce crime ? Existe-t-il la volonté non pas d’effacer l’histoire – on n’efface pas –, mais de se débarrasser du sentiment d’en avoir été la victime ?
Une telle situation pose un problème que, personnellement, j’avais mal compris. À travers les événements récents, j’ai pris conscience de sa dimension, mais je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt. En écoutant les manifestants antillais s’exprimer à la télévision, j’ai réalisé que leur premier grief était lié à l’histoire du peuplement, à leur identité.
Leur second grief est commun aux autres départements d’outre-mer. Alors que la solidarité nationale dont je parlais tout à l’heure augmentait, comme en témoigne le flux des crédits vers l’outre-mer qui ont apporté un mieux-être à une population dans le besoin, se multipliaient parallèlement les situations de monopole.
On observe en effet une situation de monopole dans la grande distribution : à la Réunion, trois centrales d’achats possèdent 80 % des parts de marché. Dans ce contexte, comment voulez-vous que la concurrence joue sans être entravée par des ententes illicites ? Depuis la semaine dernière, un magasin Leclerc a ouvert ses portes. J’espère qu’il résistera à la tentation de l’entente illicite et qu’il se comportera en rival et non pas, comme les autres, en requin.
Ces événements nous enseignent également une troisième leçon. Les jeunes qui pillent ce soir les magasins à la Réunion, ceux que j’ai vus à la télévision aux avant-postes de la révolte aux Antilles, ne tombent pas du ciel : ce sont les enfants qui sortent du système scolaire, après plus de soixante ans de départementalisation. Or, 30 % des jeunes sont en situation d’échec scolaire total. Après la classe de troisième, et alors qu’ils savent à peine lire et écrire, on leur dit : vie active ! Ils se tournent alors vers le maire de leur commune, pour lui demander un contrat aidé. Mais le maire et le président du conseil général ou du conseil régional ne peuvent pas employer toute la jeunesse en situation d’inactivité ! Ces jeunes deviennent alors les bras armés des explosions sociales qui se produisent. Il faudra traiter le problème de l’échec scolaire outre-mer autrement qu’en métropole, parce qu’il y a là une importance déterminante pour l’avenir institutionnel des départements d’outre-mer, leur cohésion et leur paix sociales.
Je m’adresse à tous les élus qui siègent dans cette assemblée, et plus particulièrement à Mme Lucette Michaux-Chevry et à M. Claude Lise, qui pourront également apporter leur témoignage, puisqu’ils étaient députés à l’époque des faits que je souhaite relater.
Au moment de l’adoption du traité de Maastricht, nous avions pris l’initiative de réunir les députés et sénateurs des DOM-TOM au sein d’un intergroupe. Avec M. Louis le Pensec, qui était alors ministre des départements et territoires d’outre-mer, nous avions demandé un rendez-vous au Président de la République François Mitterrand. Nous redoutions que les spécificités de l’outre-mer ne soient pas prises en compte dans le traité, auquel cas l’application de l’ensemble des directives communautaires nous aurait vite asphyxiés !
Parce que nous étions unis, toutes opinions politiques confondues, et que nous sommes allés voir le Président de la République pour demander qu’une déclaration solennelle des douze États membres soit annexée au traité, nous avons obtenu gain de cause. Plus tard, cette annexe est devenue l’article 299-2 du traité d’Amsterdam.
Mes chers collègues, je veux vous lancer un appel ce soir : ne faisons pas de l’outre-mer un enjeu partisan entre la droite et la gauche ! L’intérêt de la France, à travers la planète, mérite mieux qu’un affrontement sur les travées de cette assemblée, affrontement qui serait mal ressenti par la population de nos départements et qui aggraverait les tensions sur place. Unissons-nous pour la cause de la France sur l’ensemble de la planète. C’est une cause juste, une cause d’avenir, que je vous demande de soutenir tous ensemble, quelle que soit votre appartenance politique au sein de cette assemblée.
Le temps qui m’est imparti s’étant déjà largement écoulé, j’évoquerai rapidement quelques pistes de solution, qui se trouvent bien évidemment dans le projet de loi.
Des efforts substantiels ont été réalisés pour ce qui concerne les zones franches d’activités et l’abaissement des charges sociales. En matière de concurrence, certains amendements ont pour objet d’empêcher, dans le domaine du câble, les situations de monopole que l’on observe dans la grande distribution. Par ailleurs, j’espère que les amendements visant à la mise en œuvre de la loi dite « loi Scellier » dans les DOM seront adoptés, parce que le logement est la branche essentielle de notre activité.
Il faut décoloniser l’outre-mer et décloisonner son économie, pour que chacun reçoive selon sa chance, et non selon son hérédité. Les ateliers des États généraux doivent être mis en place dans un esprit de concertation, de transparence, de vérité et d’efficacité, pour faire sauter sans aucun tabou tous les verrous qui, depuis tant de temps, bloquent le développement de l’outre-mer. Je pense aux verrous de la distance et du coût du fret, aux verrous des monopoles, de la continuité territoriale et numérique, et au fait que le système éducatif ne répond pas, outre-mer, aux impératifs que nous lui assignons, malgré la décentralisation, qui a doté la région de toutes les responsabilités en ce domaine.
Voilà donc notre état d’esprit. Tous ensemble, nous avons ouvert un chemin essentiel pour l’outre-mer. Cette loi, qui sera complétée par les États généraux, va permettre d’écrire une nouvelle page de notre développement, sous l’angle non pas d’une économie colonisée et cloisonnée, mais d’une économie pour laquelle nous évoquerons, chacun à notre place, tous les sujets qui fâchent, en ayant le courage d’y apporter des solutions.
M’adressant à la population d’outre-mer, je voudrais lui dire, en paraphrasant John Fitzgerald Kennedy : ne vous demandez pas ce que la France peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour la France et pour l’outre-mer, que nous aimons tous. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, il m’appartient d’apporter, au nom du Gouvernement, les réponses aux nombreuses interventions.
Je souhaite tout d’abord remercier les différents rapporteurs de ce texte, qui ont su, dans le contexte nouveau lié à l’application de la réforme constitutionnelle, travailler en temps réel, en parfaite cohérence et coopération avec le Gouvernement.
J’ai entendu un certain nombre de positions divergentes sur l’urgence ou la non-urgence de ce texte, sur la nécessité d’engager sa discussion maintenant ou de reporter cette dernière après les États généraux de l’outre-mer. Il est vrai que, entre le moment où cette loi a été conçue, le moment où elle a fait l’objet d’une concertation – je crois pouvoir dire qu’elle fut sans doute la plus vaste et la plus longue de toutes celles qui ont eu lieu outre-mer – et le moment où nous l’examinons, un certain nombre d’événements sont venus changer la donne.
D’abord, une crise mondiale est intervenue. Qui pouvait, le 28 juillet dernier, au moment où le conseil des ministres se réunissait, imaginer qu’une crise aussi forte et aussi brutale viendrait déstabiliser l’économie de la planète ?
Ensuite, qui pouvait imaginer l’ampleur et la brutalité de la crise sociale que traversent nos départements d’outre-mer, même si certains d’entre vous ont rappelé qu’ils avaient donné l’alerte à de nombreuses reprises à cette tribune, y compris sous d’autres gouvernements ? Certes, chacun savait que l’organisation de l’économie et la situation sociale en outre-mer réunissaient tous les ferments nécessaires à une telle détonation et une telle crise.
Quel est notre devoir face à cette crise ? Nous devons agir ! Nos compatriotes et nos élus d’outre-mer attendent de nous que nous soyons dans l’action et le mouvement, et non uniquement dans le commentaire et l’analyse du passé. Cette loi constitue une première réponse du Gouvernement aux difficultés que traversent nos départements d’outre-mer. M. Éric Doligé l’a parfaitement expliqué ce matin, il s’agit d’un socle sur lequel il faut évidemment bâtir un changement complet de modèle.
Cette première étape est une amorce importante du nouveau cap que vous appeliez de vos vœux, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque nous voulons par ce texte favoriser la production locale au détriment de l’importation. C’est tout l’objet des zones franches d’activités, qui permettront à l’État d’aider les secteurs porteurs d’activité, d’emploi et de production locale, pour sortir d’une économie soumise aux diktats d’une importation massive. C’est notre premier objectif.
Vous l’avouerez, ni le Président de la République qui en avait fait l’un des éléments de sa campagne électorale ni le Gouvernement, qui travaille sur ce texte depuis plus d’un an, n’ont attendu la crise pour jeter les bases de ce nouveau modèle.
Il faudra évidemment, à l’occasion des États généraux, dépasser ce projet de loi, tant dans les contrôles effectués par l’État – un domaine dans lequel ce dernier est très attendu – que dans l’évolution du modèle économique, qu’il convient d’adapter à des territoires fort différents les uns des autres.
La création des zones franches d’activités constitue une première mesure dont l’objectif est, dans l’urgence, de faire face au chômage qui, en moyenne, touche 22 % de la population active outre-mer. Cela suffit à justifier que l’urgence ait été déclarée sur ce texte et que nous puissions travailler à conforter l’économie et à créer des secteurs de production locale à forte compétitivité, qui auront un effet d’entraînement.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous communiquer un chiffre qui n’a pas été mentionné par les orateurs : ce sont 27 000 entreprises qui attendent la mise en place des zones franches d’activités !
Je reprendrai les chiffres communiqués par Jean-Paul Virapoullé, sans doute avec moins de talent mais avec la même force de conviction, j’espère.
Le but de ce projet de loi n’est pas de réaliser des économies. Les différents orateurs ont manié beaucoup de chiffres tout au long de la journée. Pour ma part, je me contenterai d’en comparer deux : la loi Girardin accordait 1,350 milliard d’euros de baisses de charges et d’impôts aux entreprises ultramarines ; le présent projet de loi en octroie plus de 1,5 milliard d’euros. Ce chiffre résume à lui seul le projet de loi et prouve que nous réalisons un effort financier massif, qui est justifié : il ne répond ni à une quête ni à une demande d’assistance, mais vise à conforter les entreprises et à réduire le chômage. On ne peut se satisfaire de voir nos quatre départements d’outre-mer occuper, en termes de chômage, les quatre dernières places des classements établis par l’Union européenne. Il y a urgence à agir !
La seconde urgence, dans la période que nous traversons, concerne le logement. Personne ne conteste les effets bénéfiques de la loi Girardin sur le logement libre et sur l’activité dans le secteur du BTP. Mais personne ne doit contester non plus le fait que, dans un monde qui change rapidement, une loi bâtie pour quinze ans doit être adaptée en permanence aux évolutions de l’économie pour rester crédible. Malheureusement, les circonstances actuelles nous montrent que l’économie mondiale subit de profonds bouleversements. Les outils employés hier ne sont plus adaptés à la situation actuelle. Il fallait donc les repenser, en mettant l’accent sur le logement social et en déployant une mixité de produits financiers.
La ligne budgétaire unique restera le principal outil de financement du logement social. Elle sera garantie pour les trois prochaines années et portée de 190 millions d’euros à 250 millions d’euros, soit une augmentation considérable. Par ailleurs, l’État n’a plus aucune dette à l’égard des organismes sociaux ultramarins, quels qu’ils soient. Le Gouvernement souhaite toutefois compléter la ligne budgétaire unique par la défiscalisation non patrimoniale, un outil qui a fait ses preuves outre-mer dans le domaine économique, de nombreux hôtels et entreprises se finançant de cette manière. On peut citer également une forme de défiscalisation patrimoniale, qui figure dans certains de vos amendements, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que la mixité entre le logement intermédiaire – le Gouvernement y est tout autant attaché que vous, cher Daniel Marsin – et le logement social, sans oublier la réhabilitation qui, devant la forte demande émanant du terrain, a été réintroduite dans ce texte. On ne peut nous reprocher à la fois de ne pas consulter et de changer d’avis à la suite de la concertation !
Fruit d’une longue écoute et d’une concertation, le présent projet de loi nous semble offrir des outils susceptibles de favoriser les deux priorités que sont l’emploi et la production locale – ou « développement économique endogène », termes que je n’aime pas beaucoup – ainsi que, parallèlement, le logement social afin de répondre à la crise qui frappe non seulement le bâtiment et les travaux publics, mais aussi les dizaines de milliers de familles mal logées.
La loi en elle-même ne réglera pas tout. Nous devons dialoguer de manière approfondie avec les collectivités sur les problèmes du foncier et de la formation professionnelle. En effet, si l’on veut que les outils créés soient efficaces, il faut pouvoir acquérir des terrains dans de bonnes conditions financières. De même, lorsque l’on sait que plus de 50 % des jeunes ultramarins sont à la recherche d’un emploi et que certains organismes n’arrivent pas à se financer, nous devons être plus efficaces en matière de formation. Les 15 millions d’euros mobilisés dès cette année par le projet de loi constituent un premier pas, auxquels s’ajouteront les efforts des régions.
D’aucuns estiment que ce texte ne répond en rien aux revendications des collectifs de la Réunion et de la Martinique ou à celles du LKP en Guadeloupe. C’est faux ! Non seulement nous jetons les bases d’un nouveau modèle, que les États généraux permettront sans doute d’approfondir, mais nous mettons aussi en place, via des amendements gouvernementaux, le bonus sans charges, qui devrait permettre aux entreprises d’apporter de vraies réponses salariales, ainsi que d’autres dispositifs susceptibles de répondre aux attentes sociales. Je reconnais, monsieur le président de la commission des finances, que ces amendements ont parfois été déposés tardivement, et je vous prie de bien vouloir nous en excuser.
J’ai examiné dans le détail les revendications de la Guadeloupe, celles de la Martinique, ainsi que les soixante-deux demandes du Collectif des organisations syndicales politiques et associatives de la Réunion, le COSPAR. Ce projet de loi y répond en partie. Toutefois, certaines mesures ne relèvent pas du domaine de la loi, comme l’alignement du forfait de charges sur celui de la métropole, une revendication très ancienne, qui doit être prise par arrêté.
Le service militaire adapté offre aux jeunes à la fois une formation et une rémunération, ce qui répond en partie à votre souhait, cher Claude Lise. Nous allons porter dans les trois prochaines années de 3 000 à 6 000 le nombre de jeunes formés par ce biais. Si cette mesure, saluée sur toutes les travées de cette assemblée, n’est pas directement contenue dans le projet de loi, elle s’inscrit pleinement dans la réponse cohérente que nous entendons apporter aux difficultés de l’outre-mer.
S’il s’avère, lors des États généraux, qu’il faut aller plus loin, nous ne nous priverons pas de le faire, ainsi que l’ont rappelé le Président de la République et le Premier ministre. Ce projet de loi ne constitue en effet qu’un socle, une réponse conjoncturelle à la crise. Si les États généraux produisent les fruits que nous espérons, des lois structurelles, dessinant des évolutions plus profondes, seront ensuite nécessaires. Mais il aurait été dramatique de retarder l’examen de la LODEOM, à l’heure où les critiques se multiplient sur l’encombrement du Parlement. La discussion générale a déjà permis une expression large et de qualité des membres de cette assemblée, et l’ensemble du débat parlementaire permettra peut-être de jeter les bases des travaux des États généraux. Le Président de la République a souhaité une concertation la plus large possible, sans tabou : toutes les questions seront posées, y compris, comme l’a dit Jean-Paul Virapoullé, les questions qui fâchent. J’espère que ces dernières ne seront pas trop nombreuses et que chacun pourra aborder les thèmes qui lui sont chers.
Il s’agira de bâtir un nouveau modèle, adapté aux caractéristiques de chacun des territoires d’outre-mer et, surtout, d’apporter des réponses durables à nos compatriotes ultramarins qui attendent autre chose qu’un énième plan superficiel. Ces réponses devront s’appuyer sur des valeurs durables ainsi que sur le rappel des règles de la République, le cadre républicain ayant toujours été, dans l’histoire de l’outre-mer, le plus protecteur. Je souhaite que nous recherchions un consensus, face à une opinion publique métropolitaine qui s’interroge sur l’avenir de l’outre-mer et, parfois, sur son utilité. C’est d’ailleurs un drôle de débat… S’inquiète-t-on de l’utilité de la Mayenne ou de la Seine-et-Marne ? L’outre-mer fait partie intégrante de la France ; c’est un chapitre du roman national ! Mais dès lors que certains portent ce débat, notre devoir est de montrer que non seulement l’outre-mer a des perspectives de développement endogène formidables, mais qu’il constitue aussi un atout non négligeable pour l’avenir de notre pays et de l’Europe. Si j’en crois les propos tenus par les différents orateurs qui se sont exprimés aujourd’hui, cette analyse me semble assez largement partagée sur les travées de cette assemblée.
Je vais maintenant, le plus rapidement possible, essayer d’apporter à chacun une réponse sur les points principaux qu’il a soulevés.
Le RSA sera appliqué outre-mer en 2011, comme la loi le prévoit. Si nous conservons ce calendrier, nous anticipons en créant le revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, qui, en effet, madame Michaux-Chevry, est tout sauf une prime aux gens qui ne travaillent pas. C’est 100 euros par mois pour tous ceux qui travaillent dès lors que leur revenu est inférieur à 1,4 SMIC ! Cette mesure, qui conjugue soutien à la rémunération des plus modestes et incitation au travail, sera mise en place dès avril 2009 dans les quatre départements d’outre-mer et concernera 185 000 salariés. Nous sommes en train d’étudier le véhicule administratif le plus efficace pour la mettre en œuvre. Le RSTA sera versé pendant les trois prochaines années, à charge pour nous de le transformer de nouveau en RSA une fois que l’économie aura repris le dessus. Il s’agit d’un dispositif important et adapté aux spécificités de l’outre-mer.
Le fonds exceptionnel d’investissement outre-mer sera doté non pas de 50 millions d’euros, comme je l’ai entendu, mais de 115 millions d’euros, affectés à des opérations réparties dans l’ensemble des collectivités d’outre-mer – cent chantiers sont déjà financés –, auxquels s’ajoutent 50 millions d’euros complémentaires, qui nous permettront de soutenir la reprise de l’activité économique, notamment dans le domaine du BTP.
Les mesures en faveur du logement intermédiaire, je l’ai dit, revêtent pour nous une importance particulière. Nous souhaitons simplement, parallèlement à la construction de ce type de logements, promouvoir la réalisation de logements sociaux. À cette fin, dans une logique de programmes, nous voulons que la construction de logements sociaux soit obligatoirement supérieure de 30 % à celle de logements intermédiaires.
J’en viens maintenant à la question des billets d’avion. Notre politique de continuité territoriale ne consiste pas seulement en une globalisation des crédits y afférents. Conformément aux recommandations qu’avait faites, voilà deux ans, la Cour des comptes dans un rapport, aux termes duquel celle-ci avait mis en cause l’utilisation, dans certaines circonstances, de ces fonds, nous voulons que les résidents les plus modestes puissent bénéficier de billets à tarif réduit. Surtout, nous voulons changer la donne du système économique. C’est pourquoi j’ai proposé aux régions un partenariat local.
J’ai été choqué de constater qu’une grande compagnie aérienne de dimension internationale, dont les lignes à destination de l’outre-mer représentent 1 % de son trafic, réalise grâce à celles-ci 14 % de ses résultats. Cette situation doit nous interpeller. Incitons, grâce à ces crédits en faveur de la continuité territoriale, des compagnies nouvelles à desservir l’outre-mer ; essayons d’y attirer des compagnies de type low cost, à l’image de ce qu’a fait le Gouvernement avec la Corse, qui, pour la première fois cette année, sera desservie par une compagnie de ce type.
C’est la raison pour laquelle nous devons globaliser les crédits en faveur de la continuité territoriale et les gérer avec les collectivités locales, de manière qu’ils bénéficient non seulement aux liaisons entre la métropole et les collectivités d’outre-mer, mais encore aux liaisons entre celle-ci et les territoires voisins. À cet égard, monsieur Laufoaulu, vous avez eu raison de dénoncer les tarifs inacceptables qui sont appliqués aux liaisons aériennes entre les îles Wallis et Futuna et la Nouvelle-Calédonie. C’est pourquoi le Gouvernement entend engager, à travers ce texte, une politique globale en la matière.
Mesdames, messieurs les sénateurs, certains d’entre vous m’ont interrogé sur le calendrier de mise en œuvre de cette réforme, notamment sur la date d’entrée en vigueur des mesures d’allègement des charges. Lors du débat budgétaire, le Gouvernement avait très clairement énoncé que les dispositions que nous examinons actuellement seraient applicables environ un mois après la promulgation de la LODEOM, soit, je l’espère, dès le 1er juillet. Dans cette attente, c’est l’ancien dispositif qui s’applique, ce sont donc les mesures votées dans le cadre de la loi de finances qui demeurent en vigueur.
Les allègements de charges sont établis sur une base trimestrielle, tandis que les mesures concernant la taxe professionnelle ou les impôts, en partie rétroactives, s’appliqueront à l’année en cours, ce qui permettra ainsi aux entreprises d’en bénéficier pour toute cette période.
Les mesures de contrôle des prix ont une importance particulière. Il y a une exigence de transparence ; il est demandé à l’État d’être davantage présent, d’exercer des actions de contrôle, de mettre fin à certains systèmes.
J’ai réuni hier, pour la première fois, le comité de suivi du prix du carburant, qui a commencé à expertiser les mesures qui ont été prises en la matière. Nous irons plus loin.
Le 14 février, j’ai saisi l’Autorité de la concurrence, autorité indépendante, et l’ai chargée de réaliser une étude complète portant à la fois sur les prix du carburant, mais, plus généralement, sur les systèmes de formation des prix et des marges, ainsi que sur l’organisation de la distribution. Elle devra nous rendre un avis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que vous en avez émis le vœu, nous débattrons tout à l’heure de la question des prix encadrés. Toutefois, je tiens à dire que l’encadrement des prix ne doit pas conduire à subventionner les grandes surfaces. Ce n’est sans doute pas le but visé par les uns et les autres. Nos compatriotes attendent avant tout que nous surveillions les marges, que nous comprenions les circuits de distribution, que nous dénoncions les excès et, comme la législation le permet, que nous les sanctionnions si nécessaire, que nous fassions toute la transparence. Transparence et concurrence sont les deux leviers grâce auxquels nous pourrons progresser. Évidemment, nous demanderons aussi aux distributeurs de faire des efforts. Dans cette perspective, nous devrions pouvoir apporter des réponses très concrètes.
Aux termes des différents protocoles qui ont été signés dans les différents départements, les distributeurs se sont engagés à faire des efforts. C’est cette logique que nous devons encourager, non pour nous en contenter, mais pour faire évoluer le système et prévenir les dérives que nous avons relevées dans le passé.
S’agissant de la Polynésie française, je n’entrerai pas dans le détail du débat qui m’oppose à M. Flosse ; je dirai seulement que ma vision est différente de la sienne. La dotation globale de développement économique est maintenue. D’ailleurs, l’engagement financier en faveur de la Polynésie française de l’État ne se limite pas à cette seule dotation ; si tel était le cas, le contrat signé entre le président Tong Sang et le Président de la République n’aurait pas de sens et les crédits que nous allons délivrer au titre du contrat de développement de cette année n’existeraient pas. Nous avons le devoir d’étendre et de moderniser nos relations financières, non pour réaliser des économies ou « larguer » la Polynésie française, mais simplement pour lui permettre de s’engager dans une logique de développement économique endogène.
Je dois dire à M. Flosse que j’ai été très satisfait des discussions que j’ai eues avec le président Oscar Temaru. Lui et moi, me semble-t-il, nous accordons sur cette perspective d’un nouveau partenariat, d’une nouvelle ère, qui, je l’espère, sera fructueuse pour les uns et pour les autres.
Monsieur Gillot, ferons-nous preuve d’assez d’audace ? Je l’espère. Grâce à ce texte, des moyens financiers seront mis en œuvre. J’espère que les états généraux seront l’occasion, certes, d’analyser le passé, mais surtout de formuler des propositions pour l’avenir. Trop souvent, en effet, nous avons tendance à nous contenter de dénoncer les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, sans nous atteler à l’élaboration de nouveaux modèles, de nouvelles architectures, entreprise plus difficile, j’en conviens. Tous ensemble, nous parviendrons à cet objectif, auquel le Gouvernement est ouvert.
Monsieur Gillot, vous avez manifesté votre attachement à l’idée de contrat d’autonomie. Cette disposition s’applique outre-mer dans le cadre de la politique de la ville. Je suis prêt, en collaboration avec Fadela Amara, à en dresser un bilan d’application et à envisager son éventuelle extension géographique, à l’instar de ce que nous avons fait s’agissant du SMA, qui permet aux jeunes de bénéficier d’une formation rémunérée.
Je rappelle aussi que, à la différence du RMI, dont ne bénéficient pas les jeunes de moins de 25 ans, le RSTA pourra être perçu, sans condition d’âge, par quiconque travaillant dans une entreprise et percevant une rémunération mensuelle inférieure à 1,4 SMIC. Beaucoup de jeunes titulaires de contrats à temps partiel toucheront ainsi leur quote-part de RSTA, alors qu’ils auraient été exclus d’autres dispositifs, tel le RSA.
S’agissant de l’inscription de nos territoires dans leur environnement régional, je rassure Lucette Michaux-Chevry : l’État n’a pas délégué à l’Europe sa mission de contrôle des négociations des accords de partenariat économique, que nous pourrions d’ailleurs renforcer. L’Europe n’agit que sous l’autorité des États. Ce thème sera d’ailleurs traité durant les états généraux. La coopération régionale, l’inscription des territoires dans leur environnement régional, le développement des exportations à partir des territoires régionaux doivent être une priorité.
Monsieur Tuheiava, l’État, s’il le faut, prendra toute sa part pour aider les collectivités à prendre des initiatives dans ce domaine. Les francophones sont nombreux dans les bassins de vie du Pacifique, de l’océan Indien, de la Caraïbe qui doivent être le nouvel horizon de l’outre-mer. Celui-ci doit s’inscrire dans le cadre d’une coopération régionale et favoriser les grands projets, comme l’énergie renouvelable, projet phare de la Réunion.
Cette mobilisation serait impossible à la Réunion en l’absence des mesures de défiscalisation. Certains, sur les travées de l’opposition, ont demandé avec force qu’il soit mis un terme à ces mesures, n’y voyant que des « cadeaux » en faveur des patrons tout en nous demandant de faire plus. Ils me pardonneront ce raccourci. À cela je répondrai qu’il nous faut en effet faire davantage, tout d’abord en surmontant nos propres contradictions. L’outil de la défiscalisation doit être maîtrisé ; des seuils d’agrément doivent être fixés et des contrôles doivent être exercés. Néanmoins, il s’agit d’un outil utile, surtout s’il permet la réalisation de grands projets de développement, comme c’est le cas à la Réunion, dont l’exemple, je l’espère, sera imité par d’autres collectivités.
Nous discuterons des 75 millions d’euros supplémentaires qui seront affectés au rétablissement d’une forme de dégressivité des charges et de son extension éventuelle au petit commerce. J’ai bien entendu les demandes qui ont été formulées en ce sens, j’ai pris connaissance des amendements visant à ce que le petit commerce bénéficie des dispositions de la LODEOM. Mais, d’une part, les masses financières en cause seraient trop importantes ; d’autre part, je crains que, le cas échéant, nous en revenions aux erreurs du passé consistant à donner un peu à tout le monde sans se concentrer sur les secteurs porteurs. Aussi, nous vous proposerons, mesdames, messieurs les sénateurs, que seules les entreprises de moins de 11 salariés bénéficient des allègements de charges. Surtout, nous proposons comme mesure phare la création, outre-mer, d’un fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC–outre-mer, qui sera doté dans un premier temps de 8 millions d’euros. Très souvent, ce n’est pas tant le commerçant lui-même qu’il faut aider, mais la commune, pour lui permettre de réaliser un parking, d’aménager les espaces extérieurs, autant d’éléments nécessaires à l’attractivité de ses commerces.
Nous reviendrons bien évidemment sur tous ces aspects au cours de la discussion des articles.
Cher Adrien Giraud, je vous confirme que la piste longue de l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi sera prochainement réalisée et que la création d’un parc naturel est aujourd’hui à l’étude. En outre, les effectifs du SMA seront doublés.
Par ailleurs, je suis prêt à proposer au Sénat d’appliquer les mesures de baisse de charges à Mayotte. Mais une entreprise installée à Mayotte paie aujourd’hui des charges dont le montant est sans commune mesure avec celles que paie une entreprise installée, par exemple, à la Réunion. Dans ce dernier cas, les charges horaires redevables pour un salarié rémunéré 2 000 euros net pas mois seront de 20 euros ; elles sont de 14 euros à Mayotte. Aussi, monsieur le sénateur, je ne suis pas certain que vous souhaitiez l’application de la LODEOM à Mayotte et le passage de 14 euros à 20 euros des charges horaires.
Attendons le résultat qui sortira des urnes le 29 mars prochain. Une fois que les grands équilibres de l’économie mahoraise seront rétablis, nous pourrons évidemment prendre des mesures qui, si elles devaient être aujourd’hui celles que vous préconisez, auraient un effet exactement inverse de celui que vous souhaitez.
Monsieur Fleming, monsieur Magras, nous avons le souci de répondre aux attentes de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Au cours de la discussion, nous aurons l’occasion d’évoquer l’application dans ces deux îles d’un certain nombre de mesures en faveur de l’hôtellerie et de la continuité territoriale.
Les particularités de la Guyane n’ont pas échappé au Gouvernement et, a fortiori, au Président de la République, très attentif aux spécificités de ce territoire et soucieux de son avenir.
Vous semblez affirmer que la défiscalisation à 80 % pour toutes les entreprises serait un handicap. Je suis sûr que, si je les interrogeais, de nombreux représentants des autres territoires considéreraient au contraire que c’est un avantage.
Nous avons bien conscience des spécificités de la Guyane ; je dois d’ailleurs recevoir prochainement le rapport du professeur Dehecq et nous avons mis en place des groupes de travail sur les finances des collectivités locales. C’est pourquoi nous plaçons la Guyane dans les secteurs les plus aidés dans le cadre de ce projet de loi. Compte tenu des difficultés propres à ce territoire, les aides apportées aux entreprises de Guyane seront, proportionnellement, les plus importantes.
Je n’ai pas oublié, monsieur le sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon, ce que vous nous avez dit à propos du plateau continental. Comme vous le savez, le Gouvernement de Nicolas Sarkozy et de François Fillon est très attentif à vos demandes. Nous sommes effectivement prêts à jouer la carte d’un partenariat renforcé avec les Canadiens et à donner à Saint-Pierre-et-Miquelon la zone économique exclusive qui doit lui permettre de préparer son avenir. À Saint-Pierre-et-Miquelon de décider de sa stratégie de développement et de sa façon d’envisager l’avenir pour favoriser la mobilisation d’efforts conjoints et le combat commun.
M. Antoinette déplorait un manque d’écoute. Pour ma part, j’ai tout de même le sentiment d’avoir passé des centaines d’heures et tenu des dizaines de réunions pour faire de ce projet autre chose que ce qu’il était à l’origine. On peut, certes, s’en gausser, mais l’écoute consiste bien à aller sur le terrain, à s’adapter aux circonstances et à avoir le courage de transformer les choses. De grâce, lorsque nous avons ce courage et que nous ne sommes pas arc-boutés sur un dogme, reconnaissez-le et admettez que le Gouvernement essaie d’adapter ses outils à vos demandes, à vos attentes et aux évolutions de la situation !
C’est l’une des volontés du Président de la République : faire en sorte que l’outre-mer se construise avec les ultramarins ; l’avenir de leurs territoires doit dépendre en premier lieu d’eux-mêmes. Nous devons aussi veiller à ce que la question institutionnelle, évoquée à propos de la Guyane mais que le président Lise aurait également pu aborder à propos de la Martinique, ne soit pas taboue. En fonction des possibilités prévues par la Constitution, le Gouvernement est prêt à apporter des réponses institutionnelles, comme cela a été fait pour Mayotte, aux collectivités qui le souhaiteront, si elles estiment cela de nature à améliorer leur gestion et que cela s’intègre à un projet ambitieux et dynamique de nouvelle donne. Nous sommes tout à fait ouverts, y compris avant l’échéance des élections régionales de 2010. Le Président l’a dit ; je vous le confirme. Il ne s’agit cependant pas d’imposer un modèle : il revient à chaque collectivité de déterminer la façon dont elle souhaite voir les choses évoluer.
Il ne faudra pas oublier, dans les états généraux, l’Europe, qui nous contraint parfois mais qui soutient également les territoires. L’évolution du statut de pays et territoire d’outre-mer, PTOM, était tout à fait importante pour Wallis-et-Futuna et d’autres collectivités. Cela me semble avoir été l’une de nos priorités au cours de la présidence française de l’Union européenne.
J’espère n’avoir oublié aucune question dans cette très longue réponse. Je souhaite que le débat qui va s’ouvrir soit fructueux et qu’il permette à chacun de s’exprimer pour que nous puissions apporter ainsi à nos compatriotes d’outre-mer la réponse qu’ils attendent dans la conjoncture actuelle et mettre en chantier les prémisses, les bases, les fondations de ce nouveau modèle que nous espérons tous pour l’outre-mer. Ainsi pourrons-nous démontrer à nos compatriotes métropolitains que l’outre-mer se situe dans une logique dynamique et a décidé, après la tornade, après la tempête, de se reconstruire sur de nouvelles bases, dans un esprit de dialogue et, je l’espère également, dans un esprit de consensus. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)