M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 412, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le retard pris par la France pour introduire dans le code de la propriété intellectuelle les dispositions de la convention de l’Union pour la protection des obtentions végétales, signée en 1991.
La loi n° 2006-245 du 2 mars 2006 autorisant la ratification de la révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales répondait à un triple objectif : donner un cadre juridique à l’utilisation de semences de ferme, afin de résoudre les problèmes de contrefaçon ; consolider les dispositifs mis en place dans les domaines de la production et de la commercialisation des semences et des plants ; enfin, modifier le code de la propriété intellectuelle.
Quant au projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural, examiné par le Sénat le 2 février 2006, il n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Or il convient de saluer l’excellent travail de notre collègue Jean Bizet, rapporteur du texte, qui avait permis un large consensus sur ces textes.
Ce projet de loi est aujourd’hui considéré comme caduc.
Monsieur le ministre, je rappellerai brièvement que ce texte conforte nos entreprises publiques et privées de sélection conventionnelle, qui ont fait de notre pays le deuxième semencier mondial, avec un excédent commercial de 477 millions d’euros l’an dernier.
Ce projet de loi empêche les créateurs d’inventions biotechnologiques, essentiellement étrangers, de s’approprier l’ensemble d’une variété par la simple introduction de leur invention.
Enfin, il permet d’autoriser la pratique des semences de ferme aujourd’hui interdite en France, à l’exception du blé, où il existe un accord volontaire.
Le blocage de ce texte crée un climat de méfiance entre une partie du monde agricole et les semenciers. Il affaiblit la voix de la France dans le monde, à l’heure où le Grenelle de l’environnement nous rappelle que nous avons besoin d’une sélection forte et d’un système de protection de la propriété intellectuelle différent du brevet.
Monsieur le ministre, dans quels délais entendez-vous mettre en œuvre les dispositions nécessaires à la modification du code de la propriété intellectuelle, pour que le droit des obtentions végétales français soit enfin adapté à la convention de l’Union pour la protection des obtentions végétales ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Très sincèrement, monsieur Laurent, je ne suis pas en mesure, au moment où je vous réponds, de vous donner avec certitude une date pour l’inscription de ce texte, compte tenu d’un calendrier parlementaire dont vous savez, les uns et les autres, combien il est chargé.
Vous appelez mon attention sur le projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code la propriété intellectuelle et le code rural, adopté le 2 février 2006. Je n’oublie pas, moi non plus, le travail important réalisé par votre collègue Jean Bizet.
Ce projet de loi est le dernier texte d’un dispositif global : outre donc la loi du 1er mars 2006 relative aux obtentions végétales, qui a pour effet d’offrir sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne des durées uniformes de protection des obtentions végétales, mettant le droit national des obtentions végétales en conformité avec le droit communautaire et le droit international, il faut citer la loi du 2 mars 2006 autorisant la ratification de la révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales, dite « Convention UPOV 1991 », convention rédigée en très grande partie sur l’initiative de notre pays.
Ce projet de loi a fait l’objet d’un vote en première lecture par le Sénat en 2006. Ce texte, en attente depuis lors sur le bureau de l’Assemblée nationale, autorise en droit national, et sous certaines conditions, l’utilisation des semences de ferme par les agriculteurs. Il permettra de mettre en œuvre « l’exemption de l’agriculteur », telle qu’elle est définie dans la Convention « UPOV 1991 » et permettra ainsi la discussion pour des accords interprofessionnels sur la base de celui qui existe depuis 2001 dans le cas du blé tendre.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement s’est engagé à plusieurs reprises à veiller à ce que ce projet de loi soit rapidement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, en particulier lors des débats sur le projet de loi « OGM », en 2008, mais le calendrier parlementaire n’a pour l’instant pas permis d’en relancer l’examen. J’ai alerté par courrier, le 7 janvier 2009, mon collègue Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, pour demander une inscription de ce projet de loi à l’ordre du jour parlementaire dans les plus brefs délais. Je lui rappellerai dans les jours qui viennent cette exigence, que j’estime légitime.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, je vous remercie de porter une grande attention à cette question et de ne pas ménager vos efforts pour que ce projet de loi aboutisse.
répartition des crédits supplémentaires votés par le sénat destinés à l'enseignement agricole
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 413, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a près de deux mois, le Sénat, sur l’initiative de sa commission des affaires culturelles, adoptait un amendement revalorisant de 51 millions d’euros les crédits de l’enseignement agricole.
Une vraie remise à niveau était en effet devenue nécessaire : les restrictions budgétaires imposées à l’enseignement agricole ne menaçaient certes pas encore son existence, mais affaiblissaient année après année ce qui fait sa singularité et sa valeur.
Les suppressions de postes comme les baisses programmées des dotations globales horaires et l’absence de revalorisation des subventions mettaient en effet en péril la culture d’accompagnement individualisé et d’innovation pédagogique qui fait la force de l’enseignement agricole.
Il fallait donc agir, et vite. Le Sénat avait proposé 51 millions d’euros de revalorisation. À l’issue de discussions longues, et parfois délicates, le Gouvernement proposa une augmentation de 38 millions d’euros, limitée à des crédits hors titre 2.
L’enseignement agricole allait donc pouvoir retrouver un peu d’air.
Mais à peine la loi de finances promulguée, voici que j’apprends, comme nombre de mes collègues, que les 38 millions d’euros que nous avions votés pour l’enseignement agricole dans son ensemble, public comme privé, pourraient être attribués aux seuls établissements privés.
Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, quelle sera la répartition des 38 millions d’euros supplémentaires que nous avons votés. J’aimerais en particulier savoir quelle est la part de cette somme qui ira aux établissements publics : faute d’emplois, faute de crédits supplémentaires sur le titre 2, ces établissements doivent tout de même bénéficier de ces fonds supplémentaires, car eux aussi sont confrontés à des difficultés budgétaires indiscutables et voient leur singularité pédagogique menacée.
Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, nous préciser quelles actions bénéficieront de ces crédits supplémentaires dans les établissements publics ? Je vous en remercie.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche. Madame la sénatrice, je tiens tout d’abord à saluer votre engagement constant, tenace, en faveur de l’enseignement agricole. J’y suis moi aussi très attaché, et pour des raisons qui ne se limitent pas à ma qualité de ministre de l’agriculture et de la pêche : c’est depuis très longtemps une grande fierté que de constater le succès de cet enseignement, dispensé dans 950 établissements, allant des maisons familiales rurales aux collèges et lycées et jusqu’à l’enseignement supérieur, lequel compte de très grandes institutions de réputation européenne et internationale.
Vous le savez, madame la sénatrice, l’enseignement agricole est un système spécifique et, je le répète, d’une très grande qualité, implanté sur l’ensemble de nos territoires ruraux.
J’évoquais sa réussite : on la constate à ses résultats en termes de diplômes, d’insertion sociale et professionnelle ; elle est reconnue, et souvent citée en exemple de ce qu’il faudrait faire pour que les jeunes réussissent mieux, y compris dans d’autres domaines.
Au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, le Parlement a décidé, sur votre initiative et avec l’appui de nombre de vos collègues, d’abonder de 38 millions d’euros le programme 143 « Enseignement technique agricole ». Ces crédits supplémentaires ont été alloués dans le respect de la part relative des différentes composantes de l’enseignement agricole. Il m’est donc facile, madame Férat, de vous en indiquer en toute transparence la liste et la répartition précise.
L’enseignement public a bénéficié de 8,2 millions d’euros, redistribués comme suit.
Les centres de formation professionnelle et de promotion agricoles, les CFPPA, et les centres de formation d’apprentis, les CFA, ont reçu 2,9 millions d’euros destinés à financer la part employeur des frais de pension des emplois gagés des CFA et des CFPPA, afin d’aider ces derniers à accomplir une nécessaire démarche d’adaptation.
Les assistants d’éducation se sont vu attribuer 2 millions d’euros : grâce à ces subventions, les établissements pourront embaucher des agents contractuels qui assurent les missions de surveillance, principalement dans les temps hors scolaires, en particulier les internats et les études.
La formation continue des personnels et le soutien à l’innovation seront dotés de 2,2 millions d’euros. Ces crédits doivent principalement accompagner la mise en place du baccalauréat professionnel en trois ans grâce à la rénovation, au travers de la formation des équipes, de la voie professionnelle.
Une dotation de 1,1 million d’euros permettra de rembourser la Mutualité sociale agricole pour les accidents du travail des élèves et étudiants de l’enseignement public.
Pour le reste, les établissements du rythme approprié, avec 12,6 millions d’euros, pourront réduire de moitié le report de charges.
Les établissements du temps plein se verront attribuer 11,6 millions d’euros, consacrés en partie à la revalorisation de leur subvention, conformément aux dispositions du code rural, et en partie au report de charges.
Une subvention de 600 000 euros sera versée aux trois organismes de formation continue des trois fédérations de l’enseignement privé, afin, là aussi, d’accompagner la mise en place de la rénovation de la voie professionnelle à la prochaine rentrée scolaire.
Enfin, les bourses sur critères sociaux, qui concernent aussi bien les élèves de l’enseignement public que ceux de l’enseignement privé, bénéficieront de 5 millions d’euros, ce qui permettra de répondre à l’ensemble des demandes.
Telles sont, madame la sénatrice, les précisions que je pouvais, en toute transparence, vous apporter sur la répartition des crédits supplémentaires que nous devons au vote du Parlement, en particulier à votre propre ténacité.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes ces précisions, qui étaient absolument nécessaires. Bien évidemment, je me réjouis de constater que l’enseignement agricole public bénéficiera de ce ballon d’oxygène au même titre que son homologue privé.
Aujourd’hui, je voudrais, monsieur le ministre, formuler un vœu que, j’en suis sûre, partage l’ensemble de mes collègues. Je souhaite que, à l’issue des discussions budgétaires pour 2010, nous puissions tout particulièrement attirer l’attention sur la situation des établissements publics. Ceux-ci n’ont pas forcément besoin d’un effort budgétaire d’importance, mais ils pourraient difficilement supporter des suppressions de postes supplémentaires.
Pour avoir pu travailler auprès de vous, je connais, monsieur le ministre, la sincérité de votre attachement à l’enseignement agricole, et je ne doute pas de votre volonté de défendre cette cause auprès du ministère du budget. Je vous confirme que le Sénat, dans son ensemble, est prêt à vous y aider.
délimitation de l’aire géographique des aoc « champagne »
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la question no 384, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une procédure de révision des aires géographiques des appellations d’origine contrôlées « Champagne » et « Coteaux champenois » est engagée par l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO.
Dans l’Aisne, le champagne est la troisième production végétale, avec 635 exploitations viticoles réparties dans trente-neuf communes pour un chiffre d’affaires de près de 250 millions d’euros.
En 2007, un premier rapport d’experts a été remis à l’INAO ; il a été adopté par le comité national le 13 mars 2008. Il y est proposé d’intégrer 40 nouvelles communes dans la zone de production, dont une seule commune de l’Aisne. Ainsi, 35 communes axonaises se trouveront définitivement exclues de l’aire géographique, alors qu’elles ont été déclarées dès 1908 comme appartenant à la Champagne viticole.
C’est que la délimitation proposée suit parfaitement la limite administrative entre les départements de l’Aisne et de la Marne, alors que les rapports de la chambre d’agriculture de l’Aisne soulignent la présence d’un sous-sol, d’un sol et d’un climat présentant les mêmes caractéristiques.
Dans le cadre de la procédure nationale d’opposition, la chambre d’agriculture et de nombreuses communes ont émis une opposition motivée. Pour sa part, le conseil général a adopté en juin 2008, à l’unanimité, une délibération s’opposant au projet de délimitation et demandant un réexamen objectif, équitable et non discriminant de la situation des communes des cantons de Braine, Vailly-sur-Aisne et Condé-en-Brie. Celles-ci peuvent en effet légitimement prétendre à ce nouveau classement puisqu’elles appartiennent à l’aire délimitée en 1908, puis en 1927, et s’inscrivent bien dans la Champagne historique et viticole. Le sort des communes des cantons de Château-Thierry et de Charly-sur-Marne, qui peuvent, elles aussi, prétendre être en zone de production, doit également être revu.
Les procédures définies pour la révision d’une aire AOC garantissent l’indépendance de l’INAO. Cependant, aujourd’hui, ces procédures restent opaques. Dans la réponse à une question du sénateur Paul Girod, le ministre Gilles de Robien indiquait en décembre 2006 :
« La commission d’experts présentera au comité national de l’INAO le projet d’aire géographique […]. Ensuite, le projet de la nouvelle aire, qui aura été approuvé par l’INAO, sera soumis à enquête […]. Les experts examineront [les éventuelles réclamations] et proposeront pour approbation l’aire géographique définitive au comité national de l’INAO qui, en application des dispositions législatives et réglementaires, demandera son homologation par décret. »
Or, lors des dernières auditions par l’INAO, il a été indiqué aux représentants de l’Aisne que le décret soumis à votre signature, monsieur le ministre, n’interviendra qu’après l’enquête parcellaire qui fixera la zone de production, soit en 2015.
Le champagne est un produit de l’excellence française. Les producteurs de l’Aisne y contribuent pour 10 %. Ma demande est donc précise, monsieur le ministre : pouvez-vous garantir à l’Aisne et aux producteurs axonais une procédure claire, fondée sur des critères objectifs, qui assurera un traitement équitable et non discriminatoire de notre territoire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous me donnez l’occasion de rappeler clairement et objectivement la procédure rigoureuse qui est suivie en cette matière si sensible.
La procédure de révision de la délimitation de l’AOC « Champagne » a été engagée en 2003, vous l’avez rappelé, à la demande du syndicat des vignerons de Champagne. Elle est gérée par l’Institut national de l’origine et de la qualité et obéit à des règles qui garantissent la qualité des travaux, l’écoute et, je me permets d’insister, l’indépendance.
Dans une première étape, le comité national des vins de l’INAO a désigné des experts et des consultants indépendants réunissant des compétences très variées. Leurs travaux ont conduit à la définition de critères de délimitation qui ont permis d’établir un projet d’aire géographique, validé par le comité national en mars 2008.
Pour l’Aisne, 93 communes ont été retenues dans l’aire d’élaboration, dont 42 nouvelles communes, et 39 communes dans l’aire de production du raisin, dont une nouvelle commune. Comme vous le constatez, ce projet d’aire géographique de l’AOC « Champagne » ne se contente nullement de suivre la limite administrative entre l’Aisne et la Marne.
Le projet de délimitation a été soumis à des procédures de consultation publique permettant à toute personne concernée de faire valoir ses réclamations ou oppositions. De nombreuses oppositions – plus de mille – ont été enregistrées.
En janvier dernier, les experts de l’INAO ont rencontré les réclamants qui en avaient formulé la demande afin qu’ils puissent développer leur argumentation. La chambre d’agriculture de l’Aisne, à laquelle la délibération du conseil général de l’Aisne apportait son soutien, a ainsi été entendue.
Les arguments développés à l’occasion de ces échanges éclaireront la préparation du rapport définitif des experts, qui sera présenté au comité de l’INAO au second semestre de cette année.
Il convient de souligner que chaque étape de la procédure, qui s’appuie sur les rapports de consultants et d’experts indépendants, est appliquée par les services de l’INAO, constitués d’agents de l’État, puis soumise à l’approbation du comité national des vins, dont la gouvernance, régie par la loi, est par nature indépendante.
La rigueur des procédures et l’expertise mise en œuvre sont, me semble-t-il, le gage du bon déroulement de ces travaux, dont l’objectif, je le rappelle, est la garantie d’un niveau qualitatif élevé de ce fleuron de notre viticulture.
Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je pouvais vous apporter, en réponse à votre question, au sujet de la procédure suivie, du calendrier, et donc de la prochaine étape importante : le dépôt, au second semestre de 2009, du rapport définitif des experts, qui sera présenté au comité de l’INAO.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions, qui soulignent l’importance de la notion d’indépendance.
Je voudrais revenir, en cet instant, sur une autre notion, celle de « Champagne historique ». Complètement absente du décret de 1908 ainsi que des textes législatifs postérieurs, elle est apparue récemment, tout particulièrement en 2008. Comme le constatent eux-mêmes les auteurs du rapport, elle n’est pas univoque puisque se sont succédé au cours de l’histoire des entités territoriales différentes difficilement réductibles à des listes précises de communes.
Il est d’ailleurs très surprenant que, dans le rapport mis à l’enquête, la circonscription de référence principalement retenue par les experts soit le gouvernement militaire, alors que celui-ci a été progressivement vidé de son importance pour n’être plus qu’un poste honorifique à partir du xviie siècle, c’est-à-dire au moment où, justement, les historiens font naître le vin de champagne tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Monsieur le ministre – et mon collègue Antoine Lefèvre, ici présent, pourrait appuyer cette démarche –, l’Aisne ne demande aucune faveur ni aucun traitement privilégié. Nous demandons seulement une expertise objective qui ne tire pas prétexte d’une démonstration historique, si brillante soit-elle, pour écarter les bases du décret du 17 décembre 1908, qui, je le rappelle, a marqué la première délimitation de la Champagne viticole et demeure le texte fondateur de l’appellation « champagne ».
prise en charge en france des réfugiés et demandeurs d’asile victimes de la torture dans leur pays d’origine
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la question no 424, transmise à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les menaces qui pèsent sur les centres de soins pour les victimes de torture depuis que la Commission européenne a annoncé le retrait progressif, à partir de 2010, de son soutien financier.
Vous le savez, les personnes concernées sont des demandeurs d’asile ou des réfugiés originaires de pays d’Afrique, d’Asie ou d’Europe de l’Est.
Selon des estimations concordantes, 20 % des demandeurs d’asile et des réfugiés présents sur le territoire de l’Union européenne souffrent de graves traumatismes liés à la torture, aux mauvais traitements, à la guerre et à la violence subis dans leur pays d’origine.
Alors que plusieurs textes européens reconnaissent la nécessité d’une prise en charge spécifique et inconditionnelle des victimes de la torture, qui sont particulièrement vulnérables, lourdement traumatisées et en grande détresse psychologique, très peu de gouvernements nationaux assument pleinement leurs responsabilités en la matière. Les centres de soins dépendent donc fortement des financements de l’Union européenne et du fonds de contributions volontaires des Nations unies pour les victimes de torture.
Si l’Union européenne soutenait jusqu’à présent la prise en charge des victimes de torture indépendamment de leur situation géographique, via le financement de centres de soins, elle a estimé, dans son document de stratégie 2007-2010, que les États membres devaient dorénavant s’engager financièrement et prendre le relais de l’Europe en la matière. Les résultats de cette annonce ne se sont pas fait attendre : en 2008, une vingtaine de centres, en Europe, se sont vu refuser par la Commission des subventions pourtant nécessaires au maintien ou à l’extension de leurs activités, ce qui met en question la poursuite des soins qu’ils dispensent aux victimes de torture et les conduit à réduire drastiquement leurs activités.
Onze de ces centres se trouvent donc dans une situation financière désormais très critique : il s’agit de ceux qui sont situés en Albanie, en Bosnie, en Bulgarie, en Irlande, au Kosovo, en Macédoine, en Moldavie, en Roumanie, en Belgique, en Allemagne et en Italie. Le centre d’Athènes, quant à lui – l’un des plus anciens en Europe et le plus sollicité en raison de sa situation géographique –, a fermé à la fin de l’année 2008.
L’offre de soins aux victimes de torture, qui était déjà en deçà des besoins, est donc aujourd’hui réellement menacée dans plusieurs pays européens.
Les centres de soins situés en France connaissent eux aussi de grandes difficultés ; celles-ci ne manqueront pas de s’aggraver en 2010, lorsque prendront fin les financements européens. On sait pourtant que, sans compensation financière nationale, chaque fermeture de centre a pour conséquence l’abandon de l’aide apportée à des centaines de personnes.
Parce que la décision de l’Union européenne de supprimer à compter de 2010 son soutien financier ne doit pas porter préjudice aux victimes de la torture, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir me préciser les mesures concrètes que vous envisagez afin de prendre dans les meilleures conditions le relais de l’Europe et de garantir ainsi non seulement le financement durable des centres de soins pour les victimes de torture situés en France, mais aussi l’augmentation de leur capacité d’accueil, actuellement encore trop faible par rapport aux besoins.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Je vous prie tout d’abord, madame la sénatrice, de bien vouloir excuser l’absence de Bernard Kouchner, qui m’a demandé de vous répondre en son nom. Il vous remercie d’avoir soulevé cette question importante concernant les centres de soins pour les victimes de la torture, qui sont, dans leur grande majorité, demandeurs d’asile et réfugiés.
Les dispositifs de « soins gratuits » sont en effet essentiels pour ces personnes en perte de repère après un exil souvent difficile. Ils permettent aussi de pallier les périodes d’exclusion de droits pour les personnes démunies. Ces centres sont gérés par des organisations non gouvernementales, qui effectuent un travail remarquable, mais dont les moyens, notamment en personnel qualifié, manquent.
La France est très sensible à la question de la prise en charge, sur son territoire, des personnes victimes de la torture, car elle mène une action résolue contre la torture sur la scène internationale.
Notre pays apporte son soutien aux organismes internationaux de prévention de la torture, tels que le Comité contre la torture ou le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe. Nous soutenons également l’action du rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme des Nations unies sur la torture, dont le mandat a été renouvelé pour trois ans, avec notre coparrainage, lors de la 7ème session du Conseil des droits de l’homme, en mars 2008.
De plus, la France contribue chaque année, à hauteur de 200 000 euros, au financement du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, qui permet à des organisations non gouvernementales d’apporter une assistance humanitaire, psychologique, médicale, sociale, juridique et économique aux victimes de la torture ainsi qu’aux membres de leurs familles.
Les personnes soumises à la torture et, plus généralement, les personnes persécutées trouvent en la France une terre d’asile, ce qui en fait le deuxième pays d’asile au monde. À cet égard, nous avons le devoir d’accueillir dignement en France les victimes de la torture.
Conformément à la directive européenne « Accueil » de janvier 2003, relative aux normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, nous nous engageons à faire en sorte que « les personnes ayant subi des tortures, des viols ou d’autres violences graves, reçoivent le traitement que nécessitent les dommages causés par les actes en question ».
Même si les centres de soins ne sont pas gérés par l’État, ils participent de cet accueil digne des personnes victimes de la torture. L’État n’est cependant pas inactif : nous apportons en effet des subventions aux associations qui gèrent les centres de soins, telles que le Comité médical pour les exilés, le COMEDE, et l’association Primo Levi, qui sont par ailleurs financées sur fonds européens au titre du Fonds européen pour les réfugiés.
La France ne manque pas de préconiser, auprès de la Commission, le maintien de l’aide apportée aux centres de soins pour les victimes de la torture, et continuera de le faire.
Madame la sénatrice, l’action de l’État en faveur des centres de soins pour les victimes de la torture sera poursuivie. Nous resterons mobilisés sur cette question très importante.