M. Christian Demuynck. Non, elle n’y parviendra pas !
M. François Fortassin. …ce qui est quand même le fondement même de l’agriculture ?
Le problème des OGM ne doit-il pas être abordé à l’occasion de l’examen de ce texte ?
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. François Fortassin. À titre personnel, je n’ai pas de religion en la matière. Par conséquent, si l’on me démontre que les OGM ne sont pas dangereux pour la santé, je ne vois pas au nom de quel principe supérieur ou de quelle philosophie je devrais m’inscrire dans le camp de ceux qui veulent les supprimer !
Entre condamner à la famine les générations futures ou, au contraire, pouvoir leur promettre une nourriture relativement abondante, j’ai choisi. Je ne crois pas être de cette génération qui a connu les problèmes de la faim, mais c’est la vision humaniste des choses dont je parlais qui me permet d’engager la réflexion à ce niveau.
J’en viens au problème de l’eau, de sa qualité sans doute, mais aussi de sa quantité. Là encore, le simple bon sens commande de stocker l’eau qui coule en grande quantité pour la restituer en période de pénurie.
Il convient également, là où c’est possible, de privilégier de façon systématique le système d’adduction d’eau gravitaire. D’abord, sur le plan économique, c’est beaucoup plus rentable que le pompage à l’échelle de vingt-cinq ou trente ans. Ensuite, cela permet d’avoir de l’eau même en cas de panne d’électricité, ce qui est loin d’être négligeable, comme on le voit aujourd'hui !
Pourquoi ne pas adopter quelques attitudes courageuses, même au risque d’aller à l’encontre de certaines idées reçues ?
Prenons les compagnies aériennes à bas coûts – mon anglais étant extrêmement médiocre, je préfère l’expression française ! – qui se développent aujourd’hui : elles vous permettent d’aller à l’autre bout de la planète pour un prix nettement inférieur à celui du billet d’avion Aurillac – Paris ! (Sourires.) Mais que d’émissions de CO2 ! Ne devrait-on pas surtaxer ces déplacements touristiques qui non seulement ne sont pas indispensables, mais engendrent des émissions de CO2 ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Plancade. Voilà une solution radicale ! Voyagez donc par internet.
M. François Fortassin. Je n’hésite pas à mettre aujourd’hui ces problèmes dans le débat, même si cela peut paraître quelque peu inconvenant ; c’est une question de courage !
De même, quelle sera la position de l’Europe à l’égard de nos amis polonais, qui ont sous les pieds encore trois siècles de consommation de charbon, quand nous allons devoir leur expliquer qu’il faut arrêter de recourir à ce combustible ? Ce sera sans doute un peu difficile ; je crains même que nous n’y parvenions pas. Voilà encore un problème qui mérite d’être posé !
Monsieur le ministre d’État, permettez-moi de vous proposer une mesure utile qui ne coûtera rien. L’idée m’est venue à la suite de la récente tempête qui a frappé le Sud-Ouest.
Toute personne est autorisée, en bordure de sa propriété, à planter des arbres en toute liberté. Après quelques années, ces arbres peuvent atteindre vingt-cinq ou trente mètres de hauteur et, s’ils tombent, risquent fort de s’écraser non pas sur la maison du propriétaire, mais sur celle du voisin !
Ne serait-il pas plus judicieux d’imposer au propriétaire de tailler tout arbre situé à moins de trente mètres d’une habitation, afin qu’il ne dépasse pas quatre ou cinq mètres de hauteur ? Voilà une mesure qui ne coûterait pas très cher !
Permettez-moi de faire référence à notre histoire. Pourquoi des clairières entouraient-elles les châteaux de la Renaissance, pourtant construits généralement sur de grands espaces boisés, lesquels constituaient d’ailleurs à l’époque 80 % de notre territoire ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Ils étaient intelligents, mais ils ne manquaient surtout pas de place, à cette époque-là !
M. François Fortassin. Pour deux raisons. D’abord, cela permettait de faire entrer le soleil. Ensuite, et c’est essentiel, les futaies de chênes ou de hêtres situées à proximité, mais pas trop, ne risquaient pas d’écraser les bâtiments.
Ne pourrait-on agir aussi intelligemment que nos ancêtres le faisaient voilà trois siècles, surtout quand cela ne coûte rien ? Vous le savez, monsieur le ministre d’État, je suis toujours soucieux de garder une vision économique des mesures à prendre…
M. Roland du Luart. M. François Fortassin est notre nouveau Colbert !
M. François Fortassin. Globalement, la démarche qui est la vôtre en nous soumettant ce texte est intelligente. C’est pourquoi nous vous apporterons notre soutien, tout en gardant l’espoir que vous accepterez les amendements que nous avons déposés et dont nous avons la faiblesse de penser qu’ils sont également intelligents ! (Sourires et applaudissements.)
M. Jean-Pierre Plancade. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous vivons aujourd’hui un moment sans précédent au sein de la Haute Assemblée. En effet, nous débattons d’un projet de loi dit Grenelle I qui doit devenir l’aboutissement d’un processus inédit, lequel a fait se rencontrer et travailler ensemble les organisations de défense de l’environnement, les acteurs économiques et l’État.
Très sincèrement, je me réjouis de cette mobilisation sans précédent, au demeurant réussie, de la société civile : la crise écologique est grave ; il fallait prendre l’initiative d’un tel événement, qui non seulement marque les esprits, mais constitue le point d’ancrage de la révolution écologique à laquelle nous sommes tous conviés.
Cela étant, permettez-moi, monsieur le ministre d’État, de regretter un processus parlementaire chaotique qui rend possible l’adoption antérieure d’un projet de loi de finances pour 2009 et d’un plan de relance dont une grande partie des dispositions sont franchement contraires non seulement à l’esprit, mais même aux engagements du Grenelle.
M. Jacques Muller. D’où l’importance stratégique de ce texte de programmation qui devrait être l’occasion de graver dans le marbre, avec toute la clarté requise, les nouveaux principes fondateurs de nos politiques publiques, de manière à éviter de nouvelles trahisons...
En l’état, le texte de programmation qui nous est soumis n’est pas satisfaisant : je relève des lacunes graves dans les fondements scientifiques et des ambiguïtés dans les concepts mis en avant. De plus, un certain nombre de dispositions ne sont pas à la hauteur des enjeux.
En effet, il a manqué un maillon clé dans le processus du Grenelle. Au risque de vous surprendre, mes chers collègues, il s’agit des scientifiques ! En effet, les compromis issus de cette belle concertation/négociation traduisent plus l’état des rapports de force entre les différentes parties de la société civile que les apports des scientifiques, sur lesquels ils auraient également dû être fondés.
En témoigne l’objectif affiché dans l’article 4, c'est-à-dire la division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Vous nous proposez implicitement de suivre les préconisations du rapport 2001 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, alors que ce même GIEC, au vu des derniers éléments scientifiques disponibles, revoyait sa copie en 2007 dans son Résumé à l’attention des décideurs, en invitant la France à diviser par douze d’ici à 2050 ses émissions de gaz à effet de serre, et les États-Unis, par vingt-cinq !
En témoigne surtout l’absence totale de toute problématique intégrant la finitude de notre planète : si les questions de la biodiversité de l’air et de l’eau sont effectivement abordées, l’épuisement des ressources fossiles est ignoré. Cette dimension géologique, objective, très concrète, a pourtant des conséquences essentielles sur le type de développement que nous voulons promouvoir.
En clair, le texte prend en compte le protocole de Kyoto de l’après-carbone – c’est bien –, mais il oublie le protocole de déplétion des matières premières non renouvelables, énergétiques ou pas, mis en évidence voilà déjà un siècle par Hubbert et ses successeurs : ce processus, parfaitement décrit, conduit, à moyenne échéance, à l’épuisement définitif des ressources fossiles, et l’uranium en fait partie !
C’est pourquoi je regrette profondément l’a priori gouvernemental d’écarter par principe toute réflexion sur l’énergie nucléaire. Ce que l’on pourrait qualifier de péché originel du Grenelle commence déjà à produire ses effets, puisqu’il est question de construire non plus une mais deux centrales EPR, l’une par EDF et l’autre par GDF-Suez et Total.
Tout d’abord, notre démocratie mérite mieux qu’un tel passage en force ! Ensuite, au-delà des problèmes encore non résolus de la gestion des risques, de la gestion des matières fissiles, notamment des déchets, ainsi que du démantèlement et du traitement des sites en fin de vie, se pose aussi la question de la déplétion des matières nucléaires fossiles. Le Gouvernement s’apprête à reproduire avec le nucléaire les mêmes erreurs qu’avec le pétrole, mais avec à la clé des risques incomparables, dans le monde instable et incertain d’aujourd’hui et sans doute de demain.
J’en viens enfin à l’ambiguïté majeure de ce projet de loi, qui fait référence au « développement durable ». La notion n’est pas scientifique, ce qui permet les pires interprétations, y compris dans le texte qui nous est soumis : en témoigne ce concept nouveau, qui apparaît à l’article 1er, de « croissance durable », qui ne doit pas « compromettre les besoins des générations futures ». Sur le plan scientifique, c’est tout simplement un oxymore !
En revanche, la notion d’ »empreinte écologique », dont les modes de calculs peuvent certes encore être affinés, mais qui vaut infiniment mieux qu’un PIB dit « durable », a un sens très précis. Elle prend en considération une réalité, certes difficile à regarder en face lorsqu’on fait partie de ce petit quart de la population mondiale qui accapare plus de 80 % des richesses de la Terre : notre planète n’est ni infinie ni extensible, et nous n’en avons pas de rechange !
Monsieur le ministre d’État, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, je regrette profondément que la problématique essentielle de la décroissance de notre empreinte écologique soit totalement absente du texte qui nous est soumis. En effet, la réalité de la déplétion des ressources non renouvelables nous oblige, en tant que législateur, à parler clairement : le type de développement de nos sociétés industrielles est, en toute rigueur, parfaitement insoutenable. Je reviendrai bien sûr sur ce point lors de la discussion des amendements.
En conclusion, je relève que la mobilisation remarquable des parties prenantes au Grenelle a marqué positivement les esprits de nos concitoyens : en ce sens, le Grenelle constitue une référence et permet un certain nombre d’avancées qu’il serait de mauvaise foi de contester. Pour autant, cette loi de programme, qui ressemble d’ailleurs beaucoup trop, par certains aspects, à une loi de programmation, souffre encore cruellement de ses fondements, confus et déconnectés d’une certaine réalité scientifique, ce qui ouvre la porte aux traductions les plus fantaisistes, comme en témoigne le plan de relance récemment adopté.
C’est bien dommage ! À nous, mes chers collègues, d’apporter à ce texte les clarifications conceptuelles nécessaires. Il est de notre responsabilité de parlementaires de faire réussir le Grenelle.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Dans le court temps de parole qui m’est imparti, il me sera impossible d’aborder tous les sujets traités par ce projet de loi. Je me contenterai donc d’évoquer l’énergie et, notamment, les énergies renouvelables, ainsi que les transports.
En ce qui concerne l’énergie, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sur le caractère très ambitieux de l’article 17, qui fixe un objectif de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale de notre pays à l’horizon 2020, c'est-à-dire un quasi-doublement par rapport à la situation actuelle. Dans cet esprit, la France souhaite produire 10 % d’électricité d’origine éolienne d’ici à 2020, soit une puissance installée de 25 000 mégawatts.
Si l’énergie éolienne présente un indéniable avantage en matière de rejets de C02, elle comporte également un certain nombre d’inconvénients, qui, personnellement, me font douter de la pertinence d’un tel choix.
Sur le plan économique, le développement de cette énergie est plus qu’intéressant, dans la mesure où EDF achète les kilowatts produits par l’énergie éolienne plus cher que ce que lui coûte l’électricité qu’elle produit elle-même, ce qui explique sans doute le développement de cette industrie dont le retour sur investissement est très élevé.
Toutefois, j’ai sérieusement commencé à douter de l’intérêt de l’énergie éolienne lorsque j’ai appris que, pour cette énergie forcément aléatoire, il faudra augmenter ce que l’on appelle les « réserves d’ajustement », par le biais, sans doute, de centrales thermiques, ce qui est évidemment totalement contraire aux objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement.
J’ai eu l’occasion d’interroger le Gouvernement sur tous ces points le 28 octobre 2008 à l’occasion d’une question orale, mais je ne sais toujours pas ce que coûtera l’éolien à notre collectivité d’ici à 2020, et au-delà.
Certaines études laissent entendre que le développement de l’éolien, du fait du caractère aléatoire de cette énergie – rappelons qu’une éolienne ne fonctionne que 25 % du temps-, obligera à avoir recours à d’autres énergies, afin de ne pas être en rupture de production d’électricité. Quelle autre énergie pourra être utilisée, si ce n’est l’énergie thermique, produite par le gaz, le charbon ou le fuel ? Pour cette raison, je vous proposerai d’adopter un amendement tendant à préciser que le développement de l’éolien ne devra pas entraîner un accroissement des réserves d’ajustement délivrées par des centrales thermiques.
En ce qui concerne les biocarburants, je regrette que la loi de finances de 2009 ait réduit l’aide fiscale accordée aux biocarburants par l’intermédiaire de l’exonération partielle de taxe intérieure sur les produits pétroliers. Cela est particulièrement dommageable pour les esters méthyliques d’huiles animales, dont une unité de production est en cours de construction dans mon département. Il s’agit de biocarburants de deuxième génération, ceux que le Gouvernement souhaite justement promouvoir.
Je proposerai par voie d’amendement que l’État tienne compte de l’évolution de la législation communautaire, qui prévoit que la contribution de ces biocarburants est considérée comme équivalent à deux fois celle des autres biocarburants pour le calcul de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes.
En ce qui concerne les transports, je souscris pleinement aux objectifs affichés dans ce projet de loi. Ils devront permettre un très vaste report modal vers les moyens de communication peu émetteurs de C02.
En février 2008, avec mes collègues Daniel Reiner et Michel Billout, nous avons présenté un rapport d’information portant sur le fonctionnement et le financement des infrastructures de transports terrestres.
Je suis heureux de constater que certaines de nos réflexions et de nos propositions se retrouvent dans le texte que nous examinons aujourd’hui.
Nous avions fait le constat inquiétant du sous-investissement en infrastructures de transports terrestres de notre pays, en précisant que le Gouvernement se trouvait devant un double défi : trouver de nouvelles ressources et financer les projets du Grenelle de l’environnement.
Compte tenu des objectifs très ambitieux fixés par le Grenelle de l’environnement, nous avions calculé que l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, devrait trouver, outre ses ressources pérennes, 2,1 milliards d’euros supplémentaires par an sur la période 2009-2012 et 2,7 milliards d’euros sur la période 2013-2020.
Nous avions proposé la mise en place d’une redevance kilométrique pour les poids lourds, qui a été retenue dans le projet de loi et fait l’objet de l’article 10. Je regrette cependant la mise en œuvre tardive de cette éco-redevance, dans la mesure où l’AFITF a un besoin urgent de ressources.
Je proposerai que cette taxe puisse être répercutée par tous les redevables sur les bénéficiaires de la circulation des marchandises.
Je présenterai également un amendement tendant à minorer le montant de cette taxe, notamment pour les transports routiers de pré-acheminement et de post-acheminement ferroviaires et fluviaux, afin que ces derniers puissent être considérés d’une manière particulière.
J’observe aussi que l’article 14 du projet de loi modifie la loi d’orientation des transports intérieurs, en précisant que celle-ci doit prendre en compte, dans la programmation des infrastructures, les enjeux du désenclavement.
À cet égard, afin de sanctuariser la politique de désenclavement, je proposerai par voie d’amendement de modifier les dispositions de l’article 9 du projet de loi relatives aux nouveaux objectifs en matière de transport routier, afin que l’État programme désormais clairement les moyens financiers dévolus à l’augmentation des capacités routières liée aux besoins d’intérêt local.
En ce qui concerne le ferroviaire, je suis heureux que l’État et Réseau ferré de France, RFF, consacrent 400 millions d’euros supplémentaires par an à la régénération du réseau ferroviaire, y compris pour des secteurs qui se situent au-delà de nos frontières : nous vivrons de ce fait à l’heure européenne.
Par ailleurs, des économistes ont calculé que la baisse du pouvoir d’achat entraînée pour les particuliers par ces dépenses nouvelles sera d’environ 4 %, ce qui devrait faire perdre environ 800 000 emplois. Nous devons comparer cette situation à la création ou à la préservation des 535 000 emplois liés à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Monsieur le ministre d’État, madame, monsieur les secrétaires d’État, nos concitoyens adhèrent pour l’instant aux principes du Grenelle de l’environnement. Prenons garde cependant que ce texte ne suscite un vif sentiment de rejet lorsque la facture, qui promet malheureusement d’être un peu salée, leur sera présentée. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord exprimer ma solidarité avec les élus et les populations du Sud-Ouest qui ont souffert de la récente tempête. À la Réunion, nous sommes habitués aux cyclones qui dévastent tout, année après année ! Après avoir découvert à la télévision que nos compatriotes devaient faire face à ces graves intempéries, je souhaite leur témoigner aujourd’hui très sincèrement la solidarité des populations d’outre-mer.
Cela étant, monsieur le ministre d’État, madame, monsieur les secrétaires d’État, nous constatons avec plaisir que les promesses du candidat Sarkozy durant la campagne électorale sont en train de se réaliser sous nos yeux, avec ce premier projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
À ce stade, on peut dire que le Gouvernement a déjà deux succès à son actif.
Tout d’abord, à l’Assemblée nationale – je tiens à en remercier ici tous les groupes politiques –, ce projet de loi a fait l’objet d’un consensus.
Ensuite, nous pouvons nous réjouir de l’adoption du paquet européen « climat-énergie ». Il faut cependant le souligner, la vraie difficulté, nous la rencontrerons au sommet de Copenhague, car le problème n’est ni national ni européen, il est bien mondial.
À partir de là, je vous livrerai, mes chers collègues, deux réflexions sur l’adhésion des peuples à la démarche de protection de la planète.
Premièrement, si l’on veut susciter un mouvement d’adhésion mondial, il faut choisir des paramètres acceptables par tous. L’ancienneté de la pollution en est un, de même que son niveau par habitant : il convient en effet de prendre en compte la démographie propre à chaque pays, ainsi que l’évolution de celle-ci. Dans tous les cas, le critère de l’équité me paraît également fondamental.
Ces principes, mais il y en a d’autres, doivent guider, au plan international, les négociations de Copenhague. Car, si l’on échoue à Copenhague, les grands équilibres ne seront pas sauvegardés, même si l’on adopte le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, même si l’on applique le paquet climat-énergie européen. Tout le monde sait qu’il en ira de la pollution comme du nuage de Tchernobyl : elle ne s’arrêtera pas à nos frontières !
Deuxièmement, comment décliner ces principes pour agir outre-mer ?
Tout à l’heure, mon collègue Marcel Deneux affirmait qu’au-delà de cette loi de programme des actions concrètes devraient être menées. J’ai le plaisir de lui signaler que, le 9 mars prochain, la Haute Assemblée examinera en première lecture le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, qui vise notamment à créer une zone franche globale d’activités dans les domaines de l’environnement et des énergies renouvelables.
En lui offrant l’essentiel de son espace maritime ainsi que des forêts tropicales à la biodiversité incomparable, l’outre-mer représente une richesse considérable, non seulement pour la France, mais aussi pour l’Europe. S’il est adopté, ce projet de loi nous permettra d’apporter la preuve qu’en développant la recherche, notamment dans les domaines de l’agro-nutrition ou de l’agriculture, la protection de la planète, loin de représenter un frein au développement, en constitue au contraire un levier. En cela, nous assistons à une révolution culturelle et économique. C’est sous l’angle de cette révolution qu’il faudra maintenant acquérir de nouveaux réflexes et adopter de nouveaux comportements.
Mais ne nous faisons pas d’illusions : nous aurons beau utiliser des insecticides et des pesticides « propres », les pays d’Amérique centrale, par exemple, où l’on peut dire que l’esclavage n’a pas été aboli, continueront à utiliser des substances interdites pour produire des bananes à bas coûts qu’ils vendront très cher. C’est la raison pour laquelle, si nous ne voulons pas qu’il y ait deux poids, deux mesures, et que sa mise en œuvre soit insupportable pour l’économie française, l’acte fondateur que nous sommes en train de voter devra avoir un prolongement international.
Je tiens à remercier le Gouvernement de poser cette première pierre et je souhaite un grand succès à Copenhague. Je le dis du fond du cœur car, si les effets du changement climatique sont très élevés sur le continent, ils sont encore plus forts sur nos îles.
Pour des élus, il n’y a pas de plus beau combat que de sauver la vie : celle des espèces végétales et animales, mais aussi, et surtout, celle des êtres humains, car c’est de cela qu’il s’agit.
Chaque grande catastrophe naturelle, et la fréquence de ces phénomènes va, à l’instar des ouragans aux États-Unis, augmenter d’année en année, entraînera malheureusement son lot douloureux de pertes en vies humaines. Nous devrons donc faire sur l’autel de Copenhague les sacrifices équitables que chacun pourra supporter pour sauver demain les grands équilibres et la vie sur notre planète.
Nous voterons ce projet de loi, et nous apporterons également notre contribution à l’effort de réflexion entrepris au niveau national, européen et international, conscients que, pendant trop longtemps, l’on a gaspillé les richesses, mis en péril l’équilibre de nos écosystèmes, bref, détruit la planète. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, mon intervention porte sur le chapitre III, relatif aux transports, du titre Ier de ce projet de loi.
Comme dans les autres parties de ce texte, les principales dispositions de ce chapitre oscillent entre la logique d’une loi-programme et celle d’une loi-cadre, entre les déclarations de principe et l’édiction ou le rappel de quelques normes.
Cela étant, tels qu’ils ont été adoptés par l’Assemblée nationale, qui a largement amendé le texte, les articles relatifs aux transports comportent des aspects positifs et représentent de réelles avancées par rapport à la situation actuelle, même s’ils laissent apparaître aussi des insuffisances politiques et des limites.
Je soulignerai, tout d’abord, les avancées. Les intentions sont louables et les objectifs affichés largement partagés. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement lorsqu’il est prévu de réduire, dans le domaine des transports, les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020, de faire évoluer la part du non-routier de 14 % à 25 % d’ici à 2022, de créer de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse permettant en outre de libérer des sillons sur les lignes classiques pour les TER et le fret, d’accroître les moyens dévolus à la régénération du réseau ferroviaire, de développer les autoroutes ferroviaires à haute fréquence, de développer le transport collectif en site propre, ou encore d’améliorer la compétitivité des ports et des voies d’eau ?
Dans sa rédaction initiale, le II de l’article 10 disposait que, « en complément de l’effort des régions pour l’entretien et la régénération du réseau, les moyens dévolus par l’État et ses établissements publics à la régénération [...] seront accrus régulièrement ». Les députés ont donc bien fait de modifier cette rédaction en rappelant, à juste titre, que l’entretien et la régénération du réseau relèvent de la compétence de l’État et non de celles des régions, dont l’intervention en la matière ne peut être que facultative.
L’introduction d’un article nouveau, l’article 15 bis, en vue de la réalisation d’un schéma national des nouvelles infrastructures, en concertation avec les parties prenantes du Grenelle de l’environnement, constitue également une avancée.
Enfin, il convient de citer une disposition de l’article 1er qui s’appliquera aux infrastructures de transport : le renversement de la charge de la preuve. Ainsi, ce sera aux porteurs d’un projet non respectueux de l’environnement d’apporter la preuve qu’une décision alternative plus favorable à l’environnement est impossible à un coût raisonnable.
Voilà pour les principaux aspects positifs de ce projet de loi dans le domaine des transports.
Quelles en sont, maintenant, les insuffisances et les limites ?
Le constat peut être fait que, dans ce texte, l’État « encourage », « incite », « accompagne », « soutient », « étudie », « évalue », « veille ». En revanche, l’État « finance » peu, « crée » peu et « agit » peu. Cela pour dire que la principale insuffisance de ce texte réside dans le financement apporté par l’État, qui apparaît très en retrait par rapport à ce qui serait nécessaire.
Ainsi, l’État contribuera à hauteur de 16 milliards d’euros à la réalisation de 2 000 kilomètres de lignes ferroviaires nouvelles à grande vitesse d’ici à 2020. Mais, étant donné que ce programme représente au moins 79 milliards d’euros d’investissements et qu’il doit être réalisé dans le cadre de partenariats public-privé, la participation de l’État ne sera vraisemblablement pas suffisante pour attirer les investisseurs privés. Les collectivités locales risquent donc, une nouvelle fois, d’être appelées en renfort.
La même remarque vaut pour les investissements en faveur des transports en commun en site propre. L’État s’engage à hauteur de 2,5 milliards d’euros, et non de 4 milliards d’euros, comme il avait envisagé de le faire, me semble-t-il, lors du Grenelle, alors que le coût prévisionnel pour porter en quinze ans la longueur de ces réseaux de 329 kilomètres à 1 800 kilomètres est de 18 milliards d’euros, hors Île-de France.
L’incertitude demeure également sur les moyens consacrés à la régénération du réseau ferroviaire, action essentielle si l’on veut développer les trafics fret et TER. Il est précisé dans le texte que les moyens apportés par l’État et ses établissements publics seront accrus régulièrement pour atteindre en 2015 un niveau de 400 millions d’euros supplémentaires par rapport au plan de renouvellement actuel, pour la période 2006-2010.
Comment ne pas être sceptique lorsque le constat est fait d’une légère baisse des crédits consacrés à cette action en 2009 par rapport à 2008, hors plan de relance ? En outre, les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » devraient être ramenés d’un peu plus de 9 milliards d’euros en 2009 à 8,2 milliards d’euros en 2011.
Il me semble donc nécessaire que soit arrêtée une programmation pluriannuelle précise, condition d’une bonne application des dispositions relatives à la régénération contenues dans ce projet de loi.
Le texte est enfin peu précis sur la question de la lutte contre les nuisances, notamment sonores, et sur les problèmes de sécurité. L’augmentation prévue du ferroutage inquiète les riverains des lignes concernées, qui traversent villes et villages. C’est notamment le cas dans la vallée de la Maurienne, avec le Lyon-Turin, à Poitiers, en raison de l’autoroute ferroviaire envisagée entre Paris et l’Espagne, ou encore sur la rive droite du Rhône, avec le projet du contournement fret de Lyon. J’y reviendrai lors de l’examen de l’article 11 du projet de loi.
Avec l’objectif d’aller plus loin et d’affirmer une vraie ambition pour le transport, les membres du groupe socialiste défendront un certain nombre d’amendements qui leur paraissent aller dans ce sens. Ceux-ci tendent, notamment, à définir, dans un article chapeau du chapitre III, une politique des transports qui se veut durable, à instaurer une contribution des compagnies pétrolières à la réduction de la dépendance énergétique, contribution qui serait prélevée sur leurs larges profits, à supprimer les principaux points noirs de bruit ou encore à réduire les péages pour les régions acceptant de participer financièrement, en complément de l’État, à la régénération du réseau ferré national.
Tels sont les quelques commentaires liminaires et généraux que le groupe socialiste souhaitait formuler sur les articles 9 à 15 bis de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)