M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Notre collègue Bernard Vera le sait très bien, cette proposition est totalement contraire aux orientations de la majorité de la commission. Par ailleurs, elle est très éloignée de l’objectif du plan de relance. Pour ces raisons, nous ne pouvons qu’y être défavorables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Articles additionnels avant l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 13 rectifié est présenté par Mmes Procaccia, Papon, B. Dupont, Lamure, Desmarescaux, Bout, Mélot et Sittler et MM. Cambon, Revet, Demuynck, Etienne et Dallier.
L'amendement n° 26 rectifié est présenté par M. Jégou et les membres du groupe Union centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le dernier alinéa du I de l'article 125-0 A du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces produits sont exonérés lorsque la durée du bon ou contrat est supérieure ou égale à douze ans ».
II. - Les dispositions du I s'appliquent aux dénouements intervenant à compter du 1er janvier 2009.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Mes chers collègues, vous le savez, l’assurance vie est le placement préféré des Français, particulièrement en ces temps difficiles. Plus de 12 millions d’entre eux sont titulaires d’un tel contrat, qui leur sert notamment à préparer leur retraite.
Pourtant, la fiscalité de l’assurance vie n’est pas aussi favorable qu’elle ne l’a été à l’origine, lorsque j’ai moi-même commencé à travailler et à souscrire un tel contrat.
En effet, le prélèvement libératoire varie entre 15 % et 35 % les huit premières années et est de 7,5 % passé ce délai, auquel s’ajoutent les 12,1 % de prélèvements sociaux si les intérêts dépassent 4 600 euros pour une personne seule.
L’amendement vise à exonérer d'impôt sur le revenu les produits des contrats d'assurance vie d'une durée supérieure ou égale à douze ans.
Cette mesure peut inciter les Français à ne pas débloquer leurs fonds au bout de huit ans et surtout à déposer plus d’argent sur leur assurance vie. Il ne s’agit pas simplement de faire plaisir aux assureurs ou aux assurés. L’assurance vie est une épargne à long terme, stable, qui peut être placée en obligations, en actions ou en souscription d’emprunts. Si les encours baissaient, les assureurs souscriraient moins d’emprunts, ce qui fragiliserait notre économie alors que nous essayons de la relancer.
Une évaluation fournie par la FFSA, la Fédération française des sociétés d’assurances, évalue le montant des actifs supplémentaires à plus de 11 milliards d’euros. Ces actifs se répartiraient en 6 milliards d’euros d’investissements directs supplémentaires, et 4 milliards d’euros pouvant être investis dans des opérations émises ou garanties par l’État.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour présenter l'amendement n° 26 rectifié.
M. Jean-Jacques Jégou. Mes chers collègues, je ne vais pas vous infliger une longue présentation puisque Catherine Procaccia et moi-même avons déposé des amendements identiques, inspirés par la même volonté de stabiliser l’épargne placée en assurance vie.
Je rappellerai que plus de 1 500 milliards d’euros sont actuellement placés en assurance vie et que nous constatons depuis 2008 une stabilisation, voire une légère régression, de ce marché, qui connaissait jusqu’à présent une progression de 10 %. En ces temps de crise grave, les sommes investies par les assurances dans les entreprises ou même dans les dettes de l’État ne sont pas à négliger.
Je souhaite que le Gouvernement nous donne son sentiment sur ce changement d’attitude des Français : n’est-il pas inquiet de voir se raréfier ces ressources de l’assurance vie ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il nous semble très opportun de traiter de ce sujet : nos collègues ont donc très utilement pris l’initiative de braquer notre attention sur l’épargne. Dans la discussion générale, nous avons surtout entendu parler de l’investissement, de la consommation…
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … mais, à ma connaissance, seul Jean-Pierre Fourcade a évoqué l’épargne.
Mme Nicole Bricq. J’en ai parlé aussi !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes, madame Bricq, mais il m’a semblé que vous vous renvoyiez la balle.
Nous avons la chance dans ce pays d’avoir un réservoir d’épargne très important. À un moment où l’on craint une déflation et, dans certaines hypothèses défavorables, un assèchement des marchés financiers internationaux, mieux mobiliser le réservoir d’épargne domestique n’est pas nécessairement une si mauvaise idée, à défaut d’être une idée nouvelle. Bien des gouvernements l’ont d’ailleurs mise en œuvre dans des phases de crise.
Messieurs les ministres, il serait utile que vous réfléchissiez, avec Mme Lagarde, à la proposition de Jean-Pierre Fourcade, car une telle mesure permettrait à l’opinion de mieux visualiser l’effort à fournir pour résister à la crise. Des bons à cinq ans dotés d’un taux de rémunération de marché pourraient constituer un produit intéressant, qui dégagerait quelques dizaines de milliards d’euros.
J’en reviens à la proposition plus précise de Jean-Jacques Jégou et Catherine Procaccia.
Un amendement similaire aux leurs a été présenté, le 8 janvier dernier, à l’Assemblée nationale par notre collègue député de l’Aveyron Yves Censi. Il a suscité un large débat avant d’être retiré.
D’un point de vue micro-économique, cette initiative est favorable aux assurés. En outre, celui qui ne souhaite pas maintenir son placement ne verra pas son régime actuel modifié : il sortira du contrat d’assurance dans les mêmes conditions que celles qu’il a souscrites.
En revanche, d’un point de vue macro-économique, l’effet bénéfique est moins certain. Une telle disposition mérite que soit conduite une réflexion approfondie et concertée.
Nous disposons d’une estimation par la FFSA du coût global, qui prévoit, à juste titre, des pertes de recettes pour l’État estimées à 77 millions d’euros et des gains de prélèvements sociaux à hauteur de 45 millions d’euros, soit un coût net de 32 millions d’euros. Il faudrait pouvoir vérifier ces chiffres. Or nous n’avons pas été en mesure de le faire.
De plus, ne peut-on craindre un effet d’aubaine pour les contrats arrivés à maturité ? Le souscripteur d’un contrat à onze ans bénéficierait-il d’une exonération de ses produits au lieu d’une imposition à 7,5 % ? Dès lors, ne serait-il pas préférable de circonscrire le périmètre du dispositif aux contrats nouvellement souscrits ou à un encours d’une durée de moins de quatre années par exemple, et non à l’ensemble des contrats ?
En outre, l’effet de levier invoqué par les professionnels et utilement cité par Catherine Procaccia atteindrait 11,5 milliards d’euros. On nous dit, d’une part, que 9,5 milliards d’euros d’actifs seraient conservés dans les portefeuilles d’investissement en raison du report de la sortie des contrats de plus de huit ans arrivés à maturité en raison de la nouvelle exonération et que, d’autre part, 2 milliards d’euros supplémentaires seraient versés sur ces contrats.
Si le raisonnement semble attractif, nous n’avons aucune certitude quant au montant des versements supplémentaires après report de la sortie du contrat. Il ne s’agit donc que d’une espérance, et je ne sais pas sur quelle étude de marché elle se fonde. Il n’existe également aucune garantie quant à l’emploi des primes.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est pourquoi mon collègue rapporteur général Gilles Carrez a souhaité que les contreparties de la mesure soient au préalable étudiées. Il a évoqué le type d’investissements attendus, qui, parce que détenus sur un terme plus long, bénéficieraient d’une fiscalité plus avantageuse. Il a lié son raisonnement à la mise en place du fonds stratégique d’investissement.
De son côté, le ministre du budget a émis le souhait d’un examen plus approfondi des conséquences de cette proposition.
Mes chers collègues, dans le bref laps de temps qui a précédé l’examen de ce texte, je vous le confesse, nous n’avons pas pu mener cet examen plus approfondi. Or il conviendrait d’obtenir une expertise préalable avant de prendre réellement position. C’est pourquoi je crois utile d’entendre le Gouvernement, d’autant que Jean-Jacques Jégou a expliqué que sa démarche visait surtout à soulever la question.
Mes chers collègues, veuillez me pardonner d’avoir quelque peu développé cette question, qui est fort intéressante. Mais je crois que les problèmes de l’épargne devront à un moment ou à un autre revenir au cœur de la problématique du temps de crise.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je vais ajouter peu de choses au développement très approfondi de M. le rapporteur général, sinon qu’il faut effectivement regarder tout cela de plus près. Nous devons réfléchir à ces sujets importants. Or, en quelques semaines, nous n’avons pas eu le temps de le faire.
De toute façon, je ne pense pas que cette mesure puisse être intégrée dans un plan de relance en raison de son caractère définitif.
Je ferai tout de même quelques remarques.
Le régime fiscal de l’assurance vie est déjà très avantageux. C’est le moins que l’on puisse dire. C’est d’ailleurs pour cela que ce placement est si apprécié de nos compatriotes. Je ne vais pas entrer dans les détails, tout le monde les connaît, mais sachez que ce régime fiscal bénéficie d’un abattement jusqu’à 9 200 euros pour un couple, ce qui n’est pas une petite somme. Pour beaucoup de personnes, il y a donc bien une exonération de l’impôt sur le revenu à partir du moment où les huit ans sont dépassés.
En augmentant les avantages fiscaux liés à cette épargne, ne risque-t-on pas de déstabiliser le paysage de l’épargne auquel est sensible M. le rapporteur général. Je pense en particulier aux PEA, qui concourent au financement de l’économie, d’autant que tous ces produits sont en compétition.
En outre, il faut être prudent sur les chiffrages. Je n’entre pas dans le détail aujourd’hui, car je pense que nous aurons à nouveau ce débat.
L’effet d’aubaine ne serait pas négligeable. Il faudrait donc le gommer dans une mesure de ce type, qui est plutôt destinée à nos concitoyens les plus aisés.
Cela étant, je répète ce que j’ai dit à l’Assemblée nationale : le Gouvernement ne ferme pas la porte, mais il ne peut accepter aujourd’hui ce texte dans ces conditions.
M. le président. Madame Procaccia, l’amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. J’ai bien écouté ce qu’ont dit M. le rapporteur général, qui défend si souvent l’épargne et les épargnants, et M. le ministre.
Je suis d’accord sur le fait que nous devons être prudents sur les chiffrages, mais n’est-ce pas au ministère du budget de nous les communiquer ? En lisant le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale, j’ai noté que notre collègue Yves Censi et le rapporteur général avaient demandé qu’un tel chiffrage soit établi avant l’examen du texte au Sénat. Or nous sommes en plein examen du texte au Sénat, mais la réflexion n’a pas vraiment avancé.
Cela dit, monsieur le ministre, je ne suis pas du tout d’accord avec vous quand vous dites que nous visons les personnes aisées.
Mme Catherine Procaccia. Un contribuable peut facilement disposer d’une somme de 7 000 euros sur son assurance vie au bout de douze ans. Un tel montant ne représente pas des sommes importantes à verser chaque mois. Depuis 1997, début du dispositif, les taux d’intérêt n’ont pas atteint des taux extraordinaires, quelquefois 5 %, 4 %, voire 3,7 %. J’incite donc mes collègues à déposer des sommes, mêmes faibles, sur l’assurance vie, car, à long terme, ils s’apercevront que cela ne rapporte pas qu’à l’État. C’est un bon placement pour préparer sa retraite ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Mon amendement ne sert donc pas les ménages les plus aisés.
En revanche, je suis tout à fait d’accord sur l’effet d’aubaine. Après avoir entendu M. le rapporteur général, je pense que mon amendement pourrait être rectifié afin que le dispositif ne s’applique qu’aux nouveaux contrats, comme il le propose, ou à ceux dont l’échéance n’est que dans quatre ou cinq ans. Il est donc tout à fait possible de limiter les défauts qui ont été cités.
Pour toutes ces raisons, je préfère maintenir mon amendement et laisser juge le Sénat.
M. le président. Monsieur Jégou, l’amendement n° 26 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou. Au préalable, je voudrais remercier M. le rapporteur général, qui, malgré des conditions de travail difficiles liées à l’examen en urgence de ce texte, a su décortiquer mon amendement et aborder tous les aspects de la question. Je remercie également M. le ministre de sa réponse.
Tout le monde sait que mon objectif n’était pas de traiter de la fiscalité ou de l’amélioration des revenus de l’assurance vie. Mon propos, qui collait parfaitement à l’ambition affichée par le plan de relance, visait à s’interroger sur l’éventuelle désaffection des Français vis-à-vis de ce type d’épargne, ce qui poserait des problèmes à la fois aux entreprises et à l’État. Le plan de relance a en effet bien besoin de l’investissement des compagnies d’assurance.
Je ne pense pas que les choses en resteront là puisque Éric Woerth a laissé entendre que nous étions amenés à nous revoir. Pour ma part, compte tenu du sort qui sera réservé à cet amendement, je préfère le retirer.
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié est retiré.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 13 rectifié.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à offrir l’opportunité aux compagnies d’assurance de lever des ressources nouvelles en aménageant les conditions d’exonération des contrats d’assurance vie et de capitalisation.
Le dispositif actuel est une incitation à l’épargne longue des ménages et, singulièrement, à celle des cadres d’entreprise âgés d’une cinquantaine d’années.
M. Daniel Raoul. Autrement dit, les petits jeunes ! (Sourires.)
M. Thierry Foucaud. Ce qui est sous-jacent à cet amendement est d’ailleurs connu : intégrer comme inexorable l’allongement de la durée de cotisation, et donc d’activité, que l’on cherche à toute force à imposer aux salariés de ce pays alors même que la situation démographique de la France n’est pas aussi catastrophique que cela.
C’est donc en jouant de l’inquiétude de certains, notamment des cadres, quant au devenir de la retraite par répartition que l’on en vient aussi à proposer de telles mesures.
Entrons dans les détails chiffrés : l’imposition réduite des contrats d’assurance vie présente un coût de 2,8 milliards d’euros pour le budget de l’État et concerne un nombre indéterminé de ménages pour l’administration fiscale, même si l’on nous annonce 12 millions de souscriptions. En retenant ce chiffre, cela implique que, par contribuable, le dispositif actuel de défiscalisation coûte en moyenne 230 euros environ, nonobstant les intérêts perçus, bien entendu.
Les reliquats de capitalisation, non dénoués au bout de huit ans, sont d’un coût fiscal de 60 millions d’euros. Ce sont d’ailleurs ces reliquats qui vous intéressent, madame Procaccia, je suppose.
Comme lors de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2009, nous sommes, avec cet amendement, en présence d’une mesure destinée, de manière exclusive, aux ménages dits moyens, mais plutôt de la tranche supérieure. Cela intervient, et pour nous ce n’est pas un hasard, au moment même où le Gouvernement annonce à la fois une réduction du taux de rémunération du livret A et une progression spectaculaire de la dette publique.
Ce que nous propose donc notre collègue du Val-de-Marne n’est rien d’autre qu’une transformation de la situation de crise économique que nous vivons en nouvelle source de cadeau fiscal.
Comme il faudra bien un jour que nous posions la question du financement de l’action publique, plutôt que le dispositif ici préconisé, envisageons que l’État, comme il sut le faire dans le passé, émette dans les délais les plus brefs un nouvel emprunt national, assorti par exemple d’un taux d’intérêt raisonnable – pourquoi pas de 3 % ? – et défiscalisé qui serait levé sur le marché domestique et destiné à financer la relance de l’activité et des investissements publics sous contrôle public.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Botrel, Raoul, Repentin et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Muller, Patriat, Teston, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de 2010, le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée est exclu de l'ensemble des prélèvements sur recettes de l'État établis au profit des collectivités territoriales, pris en compte pour le plafonnement de l'augmentation des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Messieurs les ministres, nous nous opposons au moins sur deux points essentiels. Le premier, c’est que nous tenons la crise pour profonde et durable, alors que vous l’estimez superficielle et de courte durée. Comme la discussion générale et les propos de notre rapporteur général l’attestent, vous êtes ainsi opposés à toute disposition qui ne serait pas temporaire.
Le second point de désaccord découle du premier : vous pensez qu’il est possible de poursuivre deux lièvres à la fois, c'est-à-dire de réaliser un plan de relance – et donc, qu’on le veuille ou non, injecter de la monnaie – mais en bloquant le plus possible les dépenses. Si j’étais psychanalyste, je dirais que c’est un acte manqué, la conciliation bizarre de pulsions de nature opposée. On le voit bien, d’ailleurs, à travers le dispositif concernant le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, sur lequel nous reviendrons longuement.
Nous pourrions nous accorder sur un point. Pour relancer véritablement l’économie, il faut donner aux collectivités locales, qui réalisent 75 % de l’investissement public pour un endettement modéré, un rôle moteur dans cette relance. Or vos propositions sont largement insuffisantes en la matière.
L’objet de cet amendement est plus particulièrement d’exclure, à partir de 2010, le FCTVA de l’enveloppe fermée des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. Nous proposons de supprimer la disposition qui a été adoptée cette année, afin de rendre aux collectivités territoriales toutes leurs capacités financières et d’investissement.
Je suis frappé que la baisse considérable des droits de mutation et ses conséquences sur la situation des collectivités territoriales n’ait pas été abordée. Certains départements voient ainsi disparaître 10 % de leurs ressources.
M. Pierre-Yves Collombat. Les communes, pour lesquelles cette ressource était devenue importante, notamment depuis cinq ou six ans, vont avoir du mal à équilibrer leur budget.
La dotation globale de fonctionnement, la DGF, n’augmentant en réalité que de 1 %, même si l’année 2009 se passe relativement bien, nous rencontrerons d’extrêmes difficultés en 2010. Je suis prêt à en prendre le pari !
En demandant de revenir sur la décision d’inclure le FCTVA dans l’enveloppe fermée pour l’exercice prochain, nous anticipons sur la suite en organisant un accompagnement salutaire du plan de relance.
Tel est l’objet de cet amendement, qui me paraît mériter que l’on s’y attarde un peu. Ne vous contentez pas de nous objecter que notre proposition concerne 2010 et que nous en sommes aux mesures temporaires pour 2009, car il ne suffit pas de pédaler en regardant ses pieds pour sortir notre pays de l’ornière !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, il s’agit du plan de relance et non de la loi de finances pour 2010.
Messieurs les ministres, ne vous faites aucune illusion : cette question vous sera de nouveau posée…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. …et le Sénat sera très attentif à la prise en compte du FCTVA pour les exercices à venir.
Cependant, mes chers collègues, il ne serait pas conforme à la nature de ce texte de voter la disposition que vous préconisez. Nous ne pouvons en aucun cas anticiper les arbitrages qui vont devoir être faits en matière de finances publiques et, notamment, de concours de l’État aux collectivités territoriales pour 2010, car cela signifierait que nous sommes en mesure de connaître par avance le contexte économique et celui des finances publiques qui prévaudra au cours de l’été prochain, au moment de la préparation de la loi de finances pour 2010.
C’est donc pour cette seule raison de méthode que la commission est amenée à émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinerons cette disposition, le cas échéant, en débattant de la loi de finances pour 2010.
J’estime que nous avons établi ensemble une règle juste, qui a fait l’objet de discussions approfondies, avec une progression très forte des dotations aux collectivités territoriales. Nous avons même donné plusieurs « coups de pouce » cette année. Franchement, les collectivités locales ne peuvent reprocher à l’État quoi que ce soit dans le domaine de leurs relations financières. Bien sûr, on peut toujours faire de la politique politicienne et rejeter la faute sur les autres, mais la réalité est tout autre !
Il est vrai que les droits de mutation sont en train de diminuer. Mais il n’y a pas, d’un côté, un État qui subirait des diminutions de recettes, des déficits accrus et, de l’autre, des collectivités locales, qui vivent elles aussi d’argent public, qui seraient complètement à l’abri ! Il serait tout de même assez incroyable que le système économique et l’État soient atteints de plein fouet par la crise et que les collectivités locales ne la subissent pas.
Les gestionnaires de collectivités doivent adapter, lorsque cela est possible, leur mode de gestion à la crise. Tout ne relève pas de la responsabilité de l’État ! Celui-ci ne peut pas compenser systématiquement le coût de cette crise aux collectivités locales. On est autonome ou on ne l’est pas !
En ce qui concerne le FCTVA, nous en débattrons, mais il me semble qu’il faut en rester à une enveloppe normée, respectueuse des collectivités qui savent mieux à quoi s’en tenir pour l’avenir.
En tout état de cause, les dotations aux collectivités locales ont progressé bien plus vite que les crédits de l’État.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je croyais que nous étions entre keynésiens et que nous avions tous compris le rôle essentiel que pouvaient jouer les collectivités locales dans la relance. Je ne sais pas, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, ce que je dois le plus admirer : votre capacité à tout comprendre ou votre aptitude à ne rien entendre ! (Rires.)
Vous n’avez pas vraiment l’air de réaliser où nous en sommes ! Pour vous, cela va passer : la France est un pays un peu particulier, qui résiste mieux que d’autres à la crise. Vous oubliez de dire que c’est précisément parce que nous sommes moins « modernes » que vous ne le souhaitiez, parce que nous sommes encore un peu « archaïques » que tout n’est pas parti à vau-l’eau !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous faites un procès d’intention ! Restez-en au keynésianisme !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est nullement un procès d’intention ! Nous ne rencontrons pas autant de problèmes que les Anglais en matière de recettes. Mais rappelez-vous les éloges sur les fonds de pension et les charges contre l’archaïsme du régime par répartition…
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est une interprétation libre et tendancieuse !
M. Pierre-Yves Collombat. Si les fonds de pension jouaient le même rôle en France qu’en Islande, nous ne serions pas là à ergoter pour savoir ce que nous allons faire en 2010 !
Je ne vous fais pas de procès d’intention, mais vous devez réaliser la situation. Chaque jour apporte des nouvelles qui ne sont guère rassurantes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sinon, nous serions en train d’examiner un autre texte !
M. Pierre-Yves Collombat. Autant que ce soit utile et que nous accordions assez de crédits suffisamment longtemps et au bon endroit pour sortir durablement notre pays de la crise !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement pose une véritable question, celle du devenir de la fameuse enveloppe normée des concours budgétaires de l’État aux collectivités locales.
Cela fait quelques années, en fait depuis 1995, que ces concours sont encadrés. Dès cette époque, c'est-à-dire celle du pacte de stabilité financière entre l’État et les collectivités locales, nous avions déjà pointé les limites de l’exercice.
Au-delà des discours magnanimes sur la qualité des relations entre l’État et ses partenaires locaux, sur l’importance de la décentralisation ou sur je ne sais quel autre engagement, les résultats que nous avons observés à partir de 1995 étaient connus dès l’origine. L’enveloppe normée avait pour finalité de mettre les collectivités locales à contribution pour réduire autant que possible le déficit du budget général de l’État. Comme cela était prévisible, le dispositif s’est grippé au fil du temps.
Hormis pendant la période de croissance économique que nous avons connue de 1997 à 2002, lors de chaque discussion budgétaire, toutes les lois de finances se sont traduites par une réduction sans cesse plus accentuée de l’enveloppe normée pour l’ensemble des dotations et des concours.
Le résultat est connu. La dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui avait été créée pour effacer les effets de l’allégement transitoire des bases de 16 % – il s’agit d’un transitoire qui dure ! –, a perdu les deux tiers de sa valeur en treize ans. Cette année, nous avons atteint les limites maximales du dispositif.
Ainsi, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, nos collègues de la majorité ont voté sans sourciller la suppression du dispositif « Auberger », ce qui s’est immédiatement traduit par une perte de 500 millions d’euros pour la dotation globale de fonctionnement.
En outre, et je ne peux manquer de le souligner à cet instant, la réévaluation dont la DGF, qui est justement l’élément le plus dynamique des concours budgétaires de l’État, a été notoirement insuffisante, et ce en dépit de la poursuite du développement de l’intercommunalité et des conséquences de la publication du décret sur les nouvelles populations légales des communes françaises.
À titre d’exemple, citons le cas de la ville de Saint-Denis, où le recensement général a mis en évidence une augmentation de 12 000 personnes de la population résidente. Les besoins nouveaux en équipements publics et en services aux habitants qui découlent de cet accroissement sont estimés à 5,4 millions d’euros. Or, compte tenu des règles de progression de l’enveloppe normée, cette ville ne dispose que de 1,8 million d’euros de ressources nouvelles pour faire face ! Où doit-on trouver les sommes manquantes ? Dans les poches de l’usager ? Dans celles du contribuable ? D’ailleurs, ce sont bien souvent les mêmes !
En tout état de cause, cela signifie que l’enveloppe normée n’a aujourd'hui plus de sens. Cela vaut notamment pour le FCTVA, que le présent collectif entend favoriser.
Mes chers collègues, compte tenu de la reconnaissance implicite du rôle des collectivités locales qui marque ce collectif, si nous étions cohérents, nous déciderions, en pleine conscience, que l’enveloppe normée n’a plus de sens.
Anticiper aujourd'hui les versements au titre du FCTVA, n’est-ce pas prendre le risque que les autres éléments de l’enveloppe normée soient revus à la baisse ?
Nous comprenons fort bien les motivations de nos collègues socialistes et nous partageons évidemment leurs préoccupations relatives aux dépenses d’équipement des collectivités locales. Mais nous pensons qu’il faut aller plus loin et nous donner le temps nécessaire, par un abandon pur et simple de l’encadrement des dotations budgétaires de l’État, pour que la relance ait lieu. Or cela passe également par l’engagement des collectivités territoriales, sans qu’il leur soit imposé d’augmenter in fine les impositions locales !
Pour toutes ces raisons, nous voterons l’amendement n° 15.