M. Philippe Marini, rapporteur général. Très nécessaire !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. …qui a fait l’objet d’un très long débat ici même en séance publique, et le recentrage du crédit d’impôt famille.
Il s’agit, en outre, de préciser l’accès à la garantie des risques locatifs.
Il s’agit, enfin, de la création d’un document de politique transversale sur la lutte contre les drogues et les toxicomanies.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, je vous rappelle que nous avons voté l’année dernière, dans le collectif pour 2007, le principe de l’élaboration d’un document annuel récapitulant l’ensemble des dépenses publiques concourant à la politique de la famille. Ce document devait être annexé au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Malheureusement, nous n’avons rien reçu. La commission des affaires sociales rappelle avec insistance au Gouvernement l’impérieuse nécessité de nous communiquer le plus rapidement possible ce document.
J’ose espérer avoir retenu l’attention de M. Santini et de ses collaborateurs. Je ne doute pas un seul instant que M. le secrétaire d'État saura répondre point par point, avec précision, à toutes ces questions, afin que la commission des affaires sociales soit bien informée et que je n’aie pas à intervenir lors du collectif budgétaire de l’année prochaine, les prévisions budgétaires ayant été réalisées à l’euro près et ne nécessitant donc pas l’inscription de nouvelles ouvertures de crédits ! Monsieur le secrétaire d’État, je vous en remercie par avance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous abordons ce débat dans un contexte économique en total décalage avec les prévisions retenues : une croissance qui s’effondre, une prévision d’inflation décalée – l’inflation rogne le pouvoir d’achat des ménages –, le déficit commercial se creuse inexorablement, les comptes publics ne sont plus maîtrisés, le déficit budgétaire s’emballe et la dette publique explose.
Ce collectif budgétaire est le second depuis le mois d’octobre, et on nous en annonce un nouveau pour le mois de janvier prochain. Quels sont les bons chiffres ? Quelles sont les bonnes bases de discussion ?
La croissance prévue pour 2008 était de 2,5 % ; elle sera finalement de 0,9 %. L’inflation devait s’élever à 1,6 % ; elle devrait atteindre 2,9 %. Le pouvoir d’achat devait croître de 2,5 % ; il ne progressera, peut-être, que de 1 %. Beaucoup de personnes constatent que leur pouvoir d’achat diminue.
Le déficit du commerce extérieur s’aggrave, passant de 40 milliards d’euros à 50 milliards d’euros, voire à 55 milliards d’euros.
Le déficit budgétaire prévu en loi de finances initiale était de 42 milliards d’euros ; il est passé à 49 milliards d’euros dans le collectif du mois d’octobre, et à plus de 51 milliards d’euros dans le collectif du mois de décembre. Le Gouvernement a annoncé hier qu’il était réajusté à 67 milliards d’euros à la fin de 2008, pour tenir compte des dernières mesures, et qu’il fonçait vers les 80 milliards d’euros à la fin de 2009. On en perd le souffle !
M. François Marc. Eh oui !
Mme Michèle André. La crise financière est là, certes, et certaines mesures peuvent être raisonnablement justifiées.
Cependant, la crise ne fait qu’accentuer une situation économique et sociale dont est comptable le gouvernement Sarkozy, avec les politiques publiques induites par les choix à courte vue, inopportuns, injustes, et inefficaces que ce dernier n’a cessé de multiplier depuis un an et demi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Rien que ça ? Quelle modération !
Mme Michèle André. J’en viens aux dépenses.
Les annulations de crédits s’élèvent à 1,8 milliard d’euros, dont 65 millions d’euros pour l’enseignement scolaire, nous le déplorons.
Après la suppression de tant de postes dans l’enseignement, est-il légitime de continuer à annuler des crédits relatifs à l’éducation nationale ? N’y a-t-il pas assez de fermetures de classes ou d’écoles ? N’y a-t-il pas assez de suppression de postes dans les RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté ?
L’enseignement supérieur et la recherche perdent 400 millions d’euros. L’écologie et le développement durable régressent de 230 millions d’euros.
Pourquoi rogner sur les dépenses d’enseignement et de recherche, alors qu’il s’agit de dépenses d’avenir, de dépenses de « base » ? Même si leurs effets ne sont pas forcément immédiats, ces dépenses représentent une chance essentielle pour notre pays de sortir le plus rapidement possible de la crise et, en voyant plus loin, pour rester dans le peloton de tête des nations. Ce sujet ne devrait même pas faire débat entre nous !
S’il manquait en loi de finances initiale près de 6,7 milliards d’euros de dépenses sous-budgétées, alors que le déficit s’élevait déjà à 41 milliards d’euros, n’était-ce pas, tout simplement, pour faire bonne figure à la veille de la présidence française du Conseil européen ?
La moindre de ces sous-budgétisations n’est pas la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale, M. Vasselle vient d’en parler. Les affectations de taxes pour 750 millions d’euros et l’ouverture de crédits, pour la même somme, n’apurent la dette qu’à hauteur de 1,5 milliard d’euros. Il reste encore 3 milliards d’euros, dont l’apurement n’est prévu, à notre connaissance, par aucun projet de loi !
L’addition de toutes les sous-budgétisations représente au bas mot un montant de 5 milliards d’euros en loi de finances pour 2009, avec un déficit budgétaire déjà estimé à 52 milliards d’euros.
À la suite du plan de relance, ce déficit s’aggravera d’une quinzaine de milliards d’euros. Il faudra donc ajouter à ces 67 milliards d’euros les 5 milliards d’euros qui restent à budgéter.
À la fin de 2009, le déficit budgétaire devrait s’élever au moins à 80 milliards d’euros, soit 40 milliards d’euros de plus qu’à la fin de 2007 où il était de 42 milliards d’euros. Et ces 80 milliards d’euros de déficit budgétaire sont estimés à recettes fiscales constantes, ce qui est loin d’être acquis.
La défiscalisation des heures supplémentaires, qui aurait pu être envisageable en période de croissance, n’a pas été une bonne idée.
Mme Nicole Bricq. Quatre milliards d’euros !
Mme Michèle André. Selon les études les plus sérieuses, la loi TEPA n’a pas entraîné d’augmentation du nombre des heures supplémentaires en France. De toute façon, en cette période de montée du chômage, cette mesure bénéficie surtout à ceux qui ont déjà un travail au détriment de ceux qui le perdent. La diminution des emplois intérimaires et l’extension du chômage technique témoignent de l’inanité d’un choix politique aussi saugrenu que l’idée selon laquelle les salariés pourraient être maîtres de leur temps de travail, alors que ce sont les carnets de commandes qui décident du volume des heures travaillées !
Selon l’INSEE, dans la plus favorable des hypothèses, cette mesure de défiscalisation pourrait être à l’origine de la destruction de 11 000 à 66 000 emplois. Selon la direction de l’animation et de la recherche des études et des statistiques, la DARES, le nombre d’heures travaillées en 2007, à savoir 730 millions, était au même niveau qu’en 2006 : la loi a vraisemblablement créé un effet d’aubaine ! Quatre milliards d’euros ont donc été jetés par les fenêtres, alors qu’ils auraient été bien plus utiles, par exemple, pour une augmentation sensible de la prime pour l’emploi !
Il faudrait, au moins, que des entreprises ne puissent pas bénéficier à la fois des avantages de la loi TEPA, d’une part, et des mesures de soutien relatives au chômage partiel, d’autre part !
La déductibilité des intérêts d’emprunts, alors qu’un endettement excessif des ménages est à l’origine de la crise, n’a pas été, non plus, une bonne idée : non seulement elle revient à demander aux salariés de troquer d’éventuelles augmentations de salaires contre des crédits, mais elle pèse pour deux milliards d’euros sur le budget de l’État, et donc sur la dette !
Parlons des recettes : fallait-il, à cause du « paquet fiscal », qui restera le péché originel du gouvernement Sarkozy, se priver de quinze milliards d’euros de recettes ? Poser la question revient, pour nous, à y répondre. Et que dire du dégrèvement permanent de la taxe professionnelle pour les investissements nouveaux effectués d’octobre 2008 à décembre 2009, qui annonce la fin de cette taxe ? Bien sûr, cette taxe doit, en principe, être compensée par l’État. Mais nous pensons que les collectivités locales doivent pouvoir agir au moyen d’un impôt économique.
Parlons de la dette, car le creusement du déficit entraîne l’accroissement de la dette. Il ne faut pas diaboliser la dette : elle peut-être justifiée et utile, mais elle n’est saine que si elle sert à investir.
Parlons de la crise financière : le collectif d’octobre a précédé celui de décembre, lequel précède celui de janvier, je n’y reviens pas. Pour sauver le système bancaire et financier, le Gouvernement a dépensé 360 milliards d’euros, dont 320 milliards d’euros pour garantir les actifs et 40 milliards d’euros pour augmenter les fonds propres. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 360 milliards d’euros pour les banques, 26 milliards d’euros pour la relance !
Deux mots sur l’amendement relatif à Dexia : cette société a fait l’objet d’une recapitalisation de 6 milliards d’euros, dont 3 milliards proviennent de la France – 2 milliards d’euros sont fournis par la Caisse des dépôts et consignations et 1 milliard d’euros par l’État. De plus, 40 milliards d’euros d’actifs de cette banque ont été garantis dans le cadre du collectif d’octobre. Par le collectif de décembre, on demande au Parlement d’avaliser une garantie supplémentaire de 6 milliards d’euros en faveur de cette même banque. Or rien ne garantit que l’État français ne devra pas alimenter encore davantage le capital, c’est-à-dire apporter une fois de plus son soutien à un établissement bancaire respectable, qui représente une aide précieuse pour les collectivités territoriales, mais qui s’avère aujourd’hui coûteux pour l’État : sur les 320 milliards d’euros dégagés dans le cadre du plan de sauvetage bancaire, 55 milliards d’euros sont « réservés » à Dexia.
Insincérité de certaines prévisions budgétaires, légèreté avec laquelle les milliards valsent au profit des moins nombreux : nous pouvons apprécier !
J’évoquerai brièvement le plan de relance.
Lors d’un discours prononcé à Douai, le 4 décembre, le Président de la République a présenté un plan de relance de l’économie française, qui comporte des mesures fiscales et sociales. Les mesures fiscales visent, pour l’essentiel, à accélérer le paiement des créances fiscales que les entreprises détiennent sur l’État. Les mesures sociales prévoient notamment une aide à l’embauche pour les entreprises de moins de dix salariés.
La ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi a annoncé au Sénat, le 8 décembre dernier, que les mesures fiscales du plan de relance seraient intégrées dans le collectif budgétaire de fin d’année : doublement du prêt à taux zéro, remboursement anticipé de crédits d’impôt recherche, d’impôt sur les sociétés et de TVA, amortissement accéléré pour l’impôt sur les sociétés, instauration d’un report en arrière au titre de l’impôt sur les sociétés.
Le conseil des ministres du 19 décembre examinera l’ensemble des autres dispositions, et le Parlement sera saisi début janvier 2009 de deux projets de loi de mise en œuvre du plan de relance : un collectif budgétaire comprendra toutes les dispositions financières du plan, un projet de loi comportera les mesures de simplification des procédures, notamment celles du code des marchés publics.
Les trois dispositifs – le remboursement immédiat début janvier du trop perçu d’impôt sur les sociétés, le remboursement du crédit d’impôt recherche et ce que l’on appelle le carry back, c’est-à-dire le report en arrière des déficits – représentent 7 à 8 milliards d’euros, auxquels il convient d’ajouter le remboursement plus rapide de la TVA, pour 2 milliards d’euros, soit un enjeu total de trésorerie d’une bonne dizaine de milliards d’euros. Toutefois, même si ces mesures s’avèrent efficaces, encore faut-il que la trésorerie de l’État, et donc la gestion de la dette, permette d’y faire face !
Au vu des échéances de remboursement du début du mois de janvier, l’État va devoir faire face à un important besoin de trésorerie, qui se traduira par un besoin d’émissions d’emprunts : il faudra alors financer 20 à 30 milliards d’euros dans le courant du mois de janvier, ce qui représente une dette supplémentaire pendant le temps que durera cet effort de trésorerie.
Le plan de relance n’est pas composé d’un ensemble de dépenses supplémentaires : il est constitué par la mobilisation de créances de l’État, par la concentration, maximale en 2009, du remboursement du crédit d’impôt recherche et du carry back, ou même par l’anticipation du retour des excédents versés au titre de l’impôt sur les sociétés. Cette concentration de dépenses, à un moment donné, nécessitera des émissions supplémentaires d’emprunts.
Pour ces raisons, ce plan de relance n’en est pas un, pour le moment du moins : il se résume à une accélération de remboursements, donc de dépenses qui étaient déjà prévues et seraient intervenues, quoi qu’il arrive. Les dispositions qui correspondent à des dépenses déjà programmées pour la période 2009-2013 représentent 22 milliards d’euros sur les 26 milliards d’euros annoncés.
Nous vivons au rythme des annonces et des milliards : pas moins de sept plans en deux mois ! Mais les plans proposés négligent systématiquement les mesures de soutien direct à la consommation des ménages, alors même que la Commission européenne recommande, comme une priorité, « des dépenses publiques ciblées, notamment, sur les ménages particulièrement touchés par la crise, grâce à une augmentation des transferts et une réduction temporaire du taux de TVA ».
Je vais maintenant présenter rapidement les principaux amendements que le groupe socialiste va défendre au cours de ce débat : ils sont consacrés pour l’essentiel au logement et aux collectivités territoriales.
En ce qui concerne le logement, nous proposons de recentrer les conditions d’accès au prêt à taux zéro en direction des ménages qui en ont le plus besoin.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Michèle André. Parallèlement, nous proposons de changer le régime de TVA applicable aux ventes et aux prestations de travaux, dès lors qu’il s’agit de ménages ayant eu recours au prêt à taux zéro.
Mme Nicole Bricq. Voilà !
Mme Michèle André. Il s’agit, dans notre esprit, de favoriser la première accession des ménages désirant devenir propriétaires, en soumettant leurs acquisitions au taux réduit de TVA à 5,5 %. Ainsi, nous pourrions renforcer l’efficacité sociale de l’application du taux réduit de TVA aux ventes et livraisons d’immeubles en la réservant aux primo-accédants, dont les ressources ne dépassent pas les plafonds de ressources du logement social.
M. Jean-Louis Carrère. C’est le bon sens !
Mme Michèle André. Nous proposons aussi de supprimer le dispositif de l’amortissement « Robien » au 31 décembre 2009. En effet, les logements construits sous le régime de ce dispositif correspondent rarement aux besoins, notamment parce que la taille de ces logements, généralement achetés pour des raisons fiscales et spéculatives, est souvent insuffisante. Le « Robien » a un effet inflationniste sur les loyers et sur les prix du foncier : il incite à la construction de logements dans des zones principalement non urbanisées, où les besoins ne se font pas sentir. Nous nous retrouvons avec des logements vides alors que des ménages cherchent à se loger. Ce dispositif induit des dépenses fiscales beaucoup trop coûteuses pour le budget de l’État au regard de résultats plus que mitigés.
Ces propositions nous permettront, encore une fois, d’interroger le Gouvernement sur la politique du logement qu’il entend mettre en place pour les prochaines années et, par conséquent, sur les moyens financiers qu’il compte y consacrer.
En ce qui concerne les collectivités locales, nous proposerons aussi d’achever le mouvement de déliaison des taux de la fiscalité locale timidement engagé par la loi de finances pour 2003, et ensuite totalement abandonné par la majorité, qui conduit au contraire une politique d’asphyxie financière des collectivités locales. Nous voulons nous inscrire en faux contre le resserrement de la déliaison amorcé par la majorité de l’Assemblée nationale.
Pourtant, cette évolution vers la déliaison est rendue indispensable par les pressions qui vont inévitablement s’exercer sur les finances des collectivités locales, du fait des transferts massifs de compétences sans moyens financiers permettant de les exercer, auxquels se résume largement le projet de décentralisation de la majorité. La mesure que nous allons proposer donnerait aux collectivités locales les moyens d’arbitrer entre les différents contribuables et les différentes assiettes, à compter du vote des budgets locaux en 2009.
Par ailleurs, nous allons proposer que le nombre d’emplois perdus du fait de la réorganisation des unités militaires et des établissements du ministère de la défense, qui sert pour la détermination des zones de restructuration de la défense, prenne en compte aussi bien les emplois directs que les emplois indirects. Nous allons aussi proposer d’abaisser le seuil du quatrième critère adopté par l’Assemblée nationale – le rapport entre la perte locale d’emplois directs et la population salariée – pour la qualification des zones d’emplois, afin que tous les sites touchés par la réforme puissent bénéficier de l’aide fiscale proposée dans les zones de restructuration de la défense.
Ces mesures ont pour objectif d’élargir les critères de qualification des zones en question, afin que toutes les communes concernées bénéficient des mêmes avantages.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les semaines se suivent et se ressemblent. Ou plutôt, on croit qu’elles se ressemblent, tant les sujets étudiés sont récurrents. Néanmoins, je crains qu’elles ne s’opposent, ou même que chacune d’elles n’annule celle qui l’a précédée !
Nous voici en effet au début de l’examen de notre quatrième loi de finances depuis le mois d’octobre : après le projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie, le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2009-2012, le projet de loi de finances pour 2009, voici le projet de loi de finances rectificative pour 2008.
À chaque fois, nous revoyons nos prévisions de croissance et nous tirons de nouveaux bilans budgétaires.
Cette valse des lois de finances ne va pas s’arrêter avec la nouvelle année – puisque nous en étudierons très prochainement une deuxième et même une troisième concernant le plan de relance – et pourrait nous donner le tournis. Elle est pourtant le signe que l’État s’adapte rapidement aux évolutions du monde qui l’entoure.
M. Jean-Louis Carrère. Au contraire, il ne sait pas s’adapter !
M. Christian Gaudin. Nous avons besoin d’un État responsable et, surtout, plus protecteur, dans cette période de tourmente. C’est une nécessité pour nos concitoyens, pour nos entreprises et pour nos collectivités locales.
Le groupe de l’Union centriste, vous le savez, insiste toujours particulièrement sur la vigilance à conserver à l’égard de la situation de nos finances publiques ; c’est pourquoi il convient, d’ores et déjà, de souligner le caractère temporaire des mesures prévues par le plan de relance.
Le déficit budgétaire associé au collectif de fin d’année va s’élever à 51,4 milliards d’euros – voire 52 ou 53 milliards d’euros, selon l’état des recettes –, soit des augmentations respectives de 2 milliards d’euros par rapport à la prévision retenue dans la loi de finances rectificative du 16 octobre 2008, de 9,7 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2008 et de 13 milliards d’euros par rapport au déficit d’exécution de la loi de finances pour 2007.
Dans le même temps, les prévisions de recettes fiscales pour 2008, annoncées lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2009, sont réduites de 2 milliards d’euros, soit une baisse globale de 7 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2008. Les impôts les plus sensibles à la conjoncture voient leurs recettes les plus atteintes : 1 milliard d’euros pour l’impôt sur les sociétés et 1,1 milliard d’euros pour la TVA. L’impôt sur le revenu, quant à lui, baisse légèrement – 300 millions d’euros – compte tenu du résultat des émissions et du niveau des encaissements à la fin du mois d’octobre.
Par ailleurs, M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a annoncé hier la probabilité d’un déficit budgétaire à 79,3 milliards d’euros, soit 3,9 % du PIB pour 2009. La différence avec les 54,1 milliards d’euros que nous avons votés la semaine dernière tient aux prévisions de moindres recettes liées à la révision par le Gouvernement des hypothèses de croissance, ainsi qu’à la mise en œuvre de 9,2 milliards d’euros de mesures fiscales du plan de relance.
À la lumière de ces résultats concernant nos finances publiques, on peut assez naturellement s’interroger sur l’utilité ou, en tout cas, sur la valeur de la loi de programmation sur les trois années à venir que nous avons adoptée il y a quelques semaines. Nous avons l’impression assez fastidieuse de nous répéter en changeant seulement quelques chiffres.
Venons-en au projet de loi de finances rectificative pour 2008. Avec ses cent vingt articles, il constitue une véritable encyclopédie de mesures. On en oublierait presque l’objectif essentiel du traditionnel « collectif de fin d’année », à savoir la régularisation des montants des crédits et les ouvertures et annulations de crédits nouveaux, en fonction de l’exécution de la loi de finances initiale.
Je ne vais pas énumérer l’ensemble des mesures fiscales qui ont retenu mon attention : elles sont pourtant nombreuses. Mais l’essentiel du texte qui nous intéresse est constitué par les principales mesures fiscales du plan de relance de l’économie annoncé le 4 décembre 2008 par le Président de la République.
C’est sans doute l’intérêt majeur de cette loi de finances rectificative. Je tiens à saluer la volonté déterminée de ne pas transformer cette relance en un plan de soutien massif à la consommation, et d’avoir délibérément soutenu l’investissement.
Outre les 26 milliards d’euros prévus, il faudrait que les collectivités territoriales accompagnent ce plan en investissant massivement. Car c’est par l’investissement que l’on retrouvera le chemin de la croissance, et non par des mesures conjoncturelles de soutien à la consommation, qui se traduiraient par une aggravation des déficits commerciaux et par une diminution, à moyen terme, de la croissance française.
Rappelons que la croissance est avant tout fonction de l’investissement et de la régularité de celui-ci. Si la Chine a un taux de croissance de 10 % à 12 %, c’est parce qu’elle investit 50 % de son produit intérieur brut. Lorsque vous investissez moins de 8 % ou 10%, vous ne progressez pratiquement plus.
Ne serait-ce que sur ce point, la crise aura été un électrochoc positif pour notre pays dans notre rapport à l’investissement et à l’avenir de notre production et de notre recherche.
La crise qui nous touche actuellement peut trouver ses origines dans la conjonction de trois phénomènes : d’abord, naturellement, la crise bancaire et financière née cet été aux États-Unis ; ensuite, la légère récession provoquée par la hausse vertigineuse des prix du pétrole, des matières premières, du blé et du lait ; enfin, la très lente évolution d’un système marqué depuis 1972 par une série de crises et par la fin du plein emploi.
Il apparaît aujourd’hui comme de plus en plus évident que l’ensemble de nos économies paie la conséquence d’une certaine immoralité, dans les pratiques bancaires, immobilières ou encore assurantielles.
Les États-Unis ont souhaité renforcer le capitalisme en incitant chacun à devenir propriétaire, sans limite et sans encadrement. Les banques ont prêté de 100 % à 120 % de la valeur du bien, persuadées de la hausse permanente de l’immobilier, et surtout persuadant les acquéreurs de ces mêmes prévisions. Au final, en 2007, 1,7 million de familles ont été expropriées aux États-Unis.
Parallèlement, les rémunérations des traders et des directeurs de banque ont explosé ; les autorités de contrôle ont été défaillantes. On peut donc s’interroger sur la possibilité d’avoir un capitalisme véritablement éthique. L’ultralibéralisme, c’est le refus des règles. Or la crise actuelle et les solutions qui y sont apportées nous le prouvent : il est nécessaire que l’État soit un régulateur. Le plan de sauvetage des banques en France et en Europe, mais aussi aux États-Unis, démontre qu’en dernier ressort seul l’État doit garantir les dépôts bancaires.
Le « laisser-faire laisser-aller » ne peut plus, ne doit plus diriger notre politique économique. La réforme de la gouvernance dans tous ces secteurs est primordiale pour la bonne santé de notre économie. Notre assemblée a pu débattre la semaine dernière, sur l’initiative du groupe Union centriste, de la question du surendettement et de sa prévention. Nous sommes au cœur du même sujet, celui de la responsabilité des acteurs économiques et financiers.
Moralisation et responsabilisation sont les seuls mots d’ordre que l’on peut défendre si l’on veut sortir de la crise et ne pas y retourner. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste ainsi que sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative présente, contrairement à celui que nous avions examiné en octobre et à celui dont nous devrions débattre en janvier, un caractère assez prononcé de loi de « constatation », forme d’état des lieux de la réalisation de la loi de finances initiale pour 2008.
Le collectif d’octobre, faut-il le rappeler, l’a privé d’une partie de sa portée, puisque dès l’adoption de ce texte l’aggravation du déficit public était pratiquement consommée, avec une dérive de plus de 8 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale.
Le présent texte, quant à lui, consacre 2 milliards d’euros supplémentaires de déficit, portant celui-ci au-delà de la barre symbolique des 50 milliards d’euros, puisqu’il s’élève à 51,4 milliards d’euros. Mais il est vrai que ce déficit peut sembler modeste au regard de celui de 2009, qui dépassera très largement toutes les prévisions, pour atteindre 79,3 milliards d’euros.
À l’examen des données de ce collectif, la sincérité du budget de 2008 est sérieusement sujette à caution.
Je citerai les propos de M. le rapporteur général dans son rapport écrit : « Dans son rapport sur les mouvements de crédits opérés par voie administrative dont la ratification est demandée dans le projet de loi de finances rectificative, la Cour des comptes souligne, comme votre commission des finances, “ au-delà de certains progrès réalisés vers une budgétisation plus exhaustive en loi de finances initiale […] les défaillances manifestes et persistantes de la budgétisation en loi de finances initiale”.
« Elle considère que les sous-évaluations ayant donné lieu à des ouvertures de crédits supplémentaires par décret d’avance s’établissent en 2008 à environ 1,1 milliard d’euros. Ce montant ne prend pas en compte les ouvertures proposées par le présent projet de loi de finances rectificative. Or une large part des 1,1 milliard d’euros d’ouvertures de crédits de paiement correspond également à ce cas de figure. Ainsi, la Cour des comptes considère que d’autres sous-évaluations de crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2008 nécessiteront un abondement d’ici à la fin de l’exercice, ou entraîneront des reports de charges importants sur l’exercice 2009. Elle relève ainsi 4,6 milliards d’euros au titre des montants restant à payer aux régimes de la sécurité sociale, dont seulement 1,5 milliard d’euros ont fait l’objet de mesures proposées dans le projet de loi de finances rectificative pour 2008. »
On peut d’ailleurs considérer que notre collège M. Vasselle aura du mal à obtenir gain de cause par rapport à ces équilibres.