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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Paraguay
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation de députés du Paraguay, conduite par Mme Ramona Mendoza, présidente de la commission des affaires extérieures à la Chambre des députés, en visite en France à l’occasion de sa participation à la célébration du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui s’est déroulée à l’UNESCO. (M. le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les sénateurs se lèvent.)
En tant que président du groupe sénatorial d’amitié France-Amérique du Sud et au nom du Sénat, je vous souhaite chaleureusement la bienvenue au sein de notre Haute Assemblée.
Je forme des vœux, madame la présidente, pour que votre visite contribue à renforcer nos relations interparlementaires, que je souhaite voir se développer davantage encore, et fortifie, s’il en est besoin, les liens qui unissent nos deux pays. (Applaudissements.)
Je tiens également à saluer la présence en tribune de notre ancienne collègue Mme Paulette Brisepierre, qui s’intéresse tout particulièrement à nos travaux. (Nouveaux applaudissements.)
(M. Guy Fischer remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
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Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés
Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d’un projet de loi déclarés d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et du projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « l’outre-mer constitue une chance et un atout pour la France » : cette phrase, qui revient régulièrement dans les propos de tous ceux qui connaissent réellement l’outre-mer, s’applique parfaitement à Saint-Barthélemy. Tous les étrangers, tous les métropolitains qui viennent sur notre île sont unanimes à le reconnaître : Saint-Barthélemy est l’une des plus belles vitrines de la République française.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est le mot !
M. Michel Magras. Si je rappelle cela, c’est tout simplement parce qu’un éminent parlementaire, s’adressant à moi récemment, m’a froidement affirmé que les deux nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin étaient une honte pour la France. (Marques d’étonnement sur toutes les travées.)
Pour quelqu’un qui est habitué à vivre sous les tropiques, cela fait l’effet d’une douche froide ! Il me sera difficile d’oublier une telle phrase, et je ne sais pas quelle thérapie appliquer.
J’aime mieux pour ma part penser que les parlementaires que vous êtes, mes chers collègues, qui avez créé ces deux collectivités, et la grande majorité des Français ne sont pas de cet avis. J’en veux pour preuve, et je préfère adhérer à cette idée, une autre phrase, prononcée par le Président Sarkozy s’adressant aux habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon en février 2007 : « La distance, pas plus que la dimension des territoires ou l’importance des populations ne sauraient constituer des critères de discriminations au sein de notre République. »
Le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale et son président ont clairement indiqué au Gouvernement que leur amendement n°7 avait pour objet de faire en sorte que Saint-Barthélemy et Saint Martin n’aient pas de député, mais que, à la rigueur, ils comprendraient que le Gouvernement veuille donner un député pour les deux îles.
En adoptant cet amendement, l’Assemblée nationale a voté une décision incohérente et totalement injuste. Un tel choix relève soit de l’ignorance totale des réalités qui sont les nôtres, soit de la mauvaise foi du législateur. L’image qui me vient à l’esprit est celle d’un enfant auxquels les parents, après lui avoir donné naissance, décideraient d’enlever un bras sous prétexte que les autres membres de la famille – les adultes – auraient besoin de ce bras. Que notre collectivité soit petite ou grande, elle a besoin, comme tout être humain qui se veut autonome, de ses deux bras !
Nous ne pouvons pas, chaque fois que l’occasion nous en est donnée, vanter l’intérêt et les mérites du bicamérisme, et tout faire pour priver une collectivité de sa représentation à l’Assemblée nationale. Comment expliquer à la population que l’on puisse poser comme principe fondamental de la loi que tout département est représenté par au moins deux députés, et s’opposer à l’idée qu’une collectivité de la République, qui jouit de surcroît d’un statut particulier, puisse avoir ne serait-ce qu’un seul député ?
Saint-Barthélemy, devenue collectivité d’outre-mer, assume seule les compétences d’une commune, d’un département, d’une région et, en partie, de l’État. Toutes ces compétences sont définies dans des lois votées par le Parlement et dans des règlements, décrets et autres ordonnances du Gouvernement. Pour la seule année 2008, c’est sur plus d’une centaine de textes que le Gouvernement a officiellement consulté notre collectivité. Et l’on voudrait nous faire croire qu’un élu de Saint-Barth n’aurait pas sa place à l’Assemblée nationale, où ces lois sont votées !
On nous oppose dans les débats que « les députés ne sont pas là pour représenter les collectivités […] Les députés sont d’abord là pour représenter la population ».
M. Jean-Pierre Sueur. Pour représenter la nation !
M. Michel Magras. C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit ! Les lois que votent les assemblées, mais aussi les règlements, les décrets, les ordonnances, c’est bien à la population qu’ils s’appliquent !
M. Jean-Pierre Sueur. À la nation !
M. Michel Magras. On nous objecte que nous pourrions être représentés par un député de la Guadeloupe ou par un député de Saint-Martin.
Les communes ont toutes le même statut dans la République ; il est donc normal qu’un même député puisse représenter plusieurs communes lorsqu’il s’agit de voter des textes de loi. Mais notre île n’est plus une commune : elle est une collectivité jouissant d’un statut unique, différent de celui de toutes les autres collectivités françaises.
Nos voisins de Saint-Martin et nous-mêmes n’avons pas la même histoire, la même population, la même culture. Nous n’avons pas fait non plus les mêmes choix de développement économique : ainsi, nous sommes depuis toujours opposés à la défiscalisation, nos voisins y sont très favorables. Nous ne bénéficions pas non plus des mêmes conditions de développement : Saint-Martin est directement relié au monde entier par sa plate-forme portuaire et aéroportuaire internationale, nous sommes victimes de la double insularité et de toutes ses conséquences.
Nous n’avons pas le même statut : les compétences choisies ne sont pas les mêmes et la manière de les assumer, définie dans les actes des deux collectivités, est différente.
Nous n’avons pas les mêmes options politiques. Ainsi, dans notre relation à l’Europe, nous souhaitons entrer dans la catégorie des PTOM, Saint-Martin veut rester région ultrapériphérique.
Je pourrais multiplier les exemples concrets qui témoignent de nos différences, y compris dans tous les domaines de la loi.
Dans ces conditions, comment expliquer qu’aujourd’hui on veuille nous priver de député et nous mettre sous la tutelle de Saint-Martin ? Une telle décision condamnerait tout simplement notre île à l’échec, alors qu’elle se veut un modèle pour l’outre-mer et pour la France.
Aujourd’hui, le statut de Saint-Barthélemy dans la République est tel que seul un électeur résident de l’île et parfaitement conscient des réalités économiques, sociales et culturelles, des choix politiques et du modèle de développement mis en place peut sérieusement les expliquer et les défendre.
J’ajoute enfin que, sans cette représentation, mon action personnelle au Sénat perdrait plus de la moitié de son efficacité – il ne me semble pas nécessaire de vous faire de dessin.
Mes chers collègues, dans l’outre-mer français, notre collectivité et sa population sont singulières à bien des égards, et c’est à ce titre qu’elle demande à être représentée à l’Assemblée nationale par un député issu de son corps électoral.
Cette affirmation est aussi valable pour chacune des autres îles. C’est, pour nous îliens, une telle évidence que nous nous interrogeons : pourquoi, à l’échelon national, se fait-on parfois un malin plaisir à ne pas vouloir le reconnaître ? Nous pensons y avoir droit, et nous sommes convaincus que cette représentation nous est indispensable pour réussir le projet de société que nous avons mis en place, en accord avec le Gouvernement et avec le Parlement.
Le revirement de situation d’aujourd’hui est totalement incohérent et pour le moins inexplicable.
Nous n’avons jamais cherché à prendre le siège de qui que ce soit à l’Assemblée nationale : nous avons demandé qu’il en soit créé un. Nous ne cherchons pas davantage à offrir un poste « à un copain ». À Saint-Barthélemy, nous, les élus, ne sommes pas considérés comme des hommes ou des femmes politiques, nous ne sommes pas des professionnels de la politique : nous consacrons une partie de notre vie au service de notre collectivité, avant que d’autres ne prennent le relai.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes sénateur non inscrit, c’est cela ?
M. Michel Magras. En nous battant pour ce siège, nous voulons simplement donner à Saint-Barthélemy les moyens de réussir son projet d’avenir.
Ce n’est pas faire injure à l’Assemblée nationale que de vous demander, mes chers collègues, d’appliquer ici le principe selon lequel toute collectivité de la République est représentée par au moins un député, principe voulu par le Gouvernement et conforme aux objectifs du Président de la République. Je ne comprendrais pas que vous puissiez vous opposer à cette demande !
Aujourd’hui, je ne sais plus à qui me confier. J’ai expliqué, et j’ai le sentiment de n’avoir été ni écouté ni entendu : les enjeux politiques de ce découpage électoral sont trop importants pour qu’une petite collectivité de 8 450 Français vienne perturber les calculs à l’échelle nationale…
Monsieur le secrétaire d’État, si je me fie aux déclarations publiques des différents ministres, je ne devrais pas avoir à douter du Gouvernement. Le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, M. Yves Jégo, intervenant dans la presse sur cette question, n’a cessé de confirmer que les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin auraient chacune un député : « Le Gouvernement ne change pas sa position, la Constitution est claire, il y aura un député pour Saint-Martin et un député pour Saint-Barthélemy car tout simplement c’est constitutionnel. » Il poursuivait : « Saint-Barth et Saint-Martin, c’est la position du Gouvernement et la Constitution de la France, auront un député et un sénateur, le Gouvernement restera sur la position constitutionnelle et on ne peut que respecter la Constitution, il n’y a pas d’interrogation dans cette approche. » Il l’a encore confirmé il y a une semaine à cette tribune même.
Mme le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, auditionnée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, et répondant à une question du député Didier Quentin – que je tiens ici à remercier publiquement de la fidélité de son engagement – a indiqué : « La loi organique du 21 février 2007 a créé un siège de député pour chacune de ces collectivités. J’écoute toujours votre commission avec respect et attention mais je suis très attachée à ce que l’État tienne ses engagements et je note que le traitement de Saint-Pierre-et-Miquelon ne donne pas lieu à contestation. »
La presse a également publié une déclaration du Premier ministre, M. François Fillon, qui, devant les députés UMP, indiquait que Saint-Barthélemy et Saint-Martin auraient chacun un député : « La Constitution ne permet pas autre chose. »
À travers vous, monsieur le secrétaire d’État, c’est donc à l’ensemble du Gouvernement que je m’adresse et que je demande de me donner de bonnes raisons de croire en la parole du Gouvernement.
Je sais que ces projets de loi doivent être votés conformes par notre assemblée : je respecte la tradition républicaine d’indépendance des deux assemblées, à laquelle j’adhère.
M. Richard Yung. Vous êtes coincé, alors !
M. Michel Magras. Je sais bien que je suis coincé !
M. Richard Yung. Mais content !
M. Michel Magras. Vous verrez, mon cher collègue, quel sera mon choix au moment du vote final !
J’ai néanmoins déposé deux amendements visant à garantir un siège de député pour Saint-Barthélemy. Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, seul un engagement fort et ferme du Gouvernement pourrait m’inciter à retirer ces amendements. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous allons élargir le champ… (Protestations sur diverses travées de l’UMP.)
M. Christian Cointat. Tous les Français doivent être traités de la même manière !
M. Jean-Pierre Sueur. Et tous les sénateurs ont le droit de s’exprimer !
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais consacrer mon intervention à l’examen des dispositions qui concernent plus particulièrement la représentation à l’Assemblée nationale des 2,5 millions de Français établis hors de France. Mes propos viendront en quelque sorte compléter les positions précédemment défendues par notre collègue Bernard Frimat sur le projet de loi organique.
Je ne me sens pas très concerné, ni très convaincu par l’argument qui voudrait que le Sénat ne puisse pas débattre de ce type de questions.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous n’avons pas dit cela !
M. Richard Yung. Non seulement parce que je ne voudrais pas être coincé, comme cela a été dit tout à l’heure, mais aussi parce qu’il me semble que nous avons une certaine connaissance des questions relatives aux Français de l’étranger et qu’il serait paradoxal que nous n’apportions pas cette expérience pour élaborer la meilleure loi possible sur l’élection de leurs députés.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’entrer dans les détails du découpage des circonscriptions. Mais je crois que nous avons une contribution à offrir sur le plan des principes, des idées et de l’expérience. Preuve en est que nombre de nos collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France sont présents, aujourd’hui, dans l’hémicycle.
Les articles 2 et 3 du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés constituent la seconde étape de la mise en œuvre du principe énoncé à l’article 24 de la Constitution.
Je souhaiterais d’abord rappeler – ce n’est pas inutile au vu des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale – que l’élection des députés représentant les Français établis hors de France n’est ni un gadget ni une lubie. Elle ne répond pas non plus aux intérêts d’un quelconque lobby. Il s’agit au contraire de parfaire notre démocratie en comblant le déficit de représentation parlementaire dont cette population pâtit, population qui représente pourtant, avec 863 000 inscrits, l’équivalent du dix-huitième département français en nombre d’inscrits sur les listes électorales.
Jusqu’à présent, nous étions en quelque sorte des semi-citoyens, ne bénéficiant que d’une demi-représentation parlementaire. Depuis de nombreuses années, sur les bancs de l’opposition comme sur les bancs de la majorité, nous militions tous pour parfaire cette citoyenneté.
Le 17 juin dernier, lors de l’examen en première lecture du projet de loi constitutionnelle, j’ai averti le Gouvernement des risques de dévoiement de cette nouvelle disposition constitutionnelle. Mes craintes portaient notamment sur le nombre de députés, le mode de scrutin retenu et le choix du découpage électoral.
Malheureusement, à la lecture du projet de loi ordinaire, je constate que je n’ai pas été entendu. Vous n’avez pas non plus tenu compte, monsieur le secrétaire d’État, des observations et des critiques formulées par mes collègues de la majorité et de l’opposition réunis, unanimes, et par les conseillers élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, puisque ces derniers ont pris position, à plusieurs reprises, sur ces questions.
Le projet de loi nous propose d’autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour fixer le nombre de députés et délimiter les circonscriptions dans lesquelles ces parlementaires seront élus. Il propose également de rendre applicable à l’élection des députés représentant les Français établis hors de France le scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Vous comprendrez que nous soyons rétifs à cette démarche qui permet au Gouvernement de dessaisir le Parlement de son pouvoir de légiférer. Comme d’autres, je pense qu’il eût mieux valu commencer par créer la commission dite indépendante afin que celle-ci puisse donner son avis sur la demande d’habilitation concernant la fixation du nombre de députés et le découpage électoral.
Vous justifiez le calendrier et la séquence retenue en invoquant les données statistiques qui ne seront pas arrêtées avant le début de l’année prochaine. J’estime que nous pouvions parfaitement attendre un peu, les prochaines élections législatives étant normalement prévues en 2012, ou bien limiter l’habilitation.
Par ailleurs, le paragraphe I de l’article 2 propose d’autoriser le Gouvernement à fixer par voie d’ordonnance le nombre des députés représentant les Français établis hors de France. Ces dispositions sont en contradiction avec les engagements qui ont été pris. Ainsi, le 20 juin dernier, lors de l’examen au Sénat du projet de loi constitutionnelle, M. Roger Karoutchi a affirmé : « Nous envisageons la création d’une douzaine de sièges de député représentant les Français de l’étranger. II appartiendra, bien sûr, au législateur organique de fixer précisément le nombre de ces sièges. »
Plus grave encore, ces dispositions sont contraires à l’article 25 de la Constitution, qui dispose qu’une loi organique fixe le nombre des membres de chaque assemblée. Selon l’interprétation que nous en faisons, cet article s’applique également à la fixation du nombre de députés représentant les Français de l’étranger.
Je tiens, d’ailleurs, à citer un extrait de la page 17 de l’excellent rapport de notre collègue Gélard : « De là, en principe, le nombre de ces députés – il s’agissait des députés représentants les Français de l’étranger – doit être fixé par une loi organique, la répartition des sièges étant prévue par une loi ordinaire. »
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est le droit en vigueur !
M. Richard Yung. Mais nous devons voter conforme, et probablement pas pour les raisons qui nous ont été données !
La demande d’habilitation, elle-même, n’est pas très claire non plus. Elle ne précise pas le mode de calcul de la base démographique permettant de déterminer le nombre de députés représentant les Français de l’étranger. Nous sommes donc hésitants – je dirai même opposés – à vous autoriser à légiférer par voie d’ordonnance, en nous contentant de vagues principes généraux et de simples déclarations.
La population des Français établis hors de France représente plus de 2 millions de personnes. Même si, en l’absence de véritable recensement, ce nombre est difficile à préciser, on avance tout de même un chiffre de 2,4 millions ou 2,5 millions de personnes. Ces Français devraient être représentés par autant de députés que les Français qui résident à Paris, par exemple, puisque les populations sont équivalentes.
C’est bien ce que le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par Édouard Balladur, avait admis en affirmant que la modification de la représentation parlementaire supposerait « l’élection d’une vingtaine de députés au moins ». Il en avait d’ailleurs tiré la conclusion qu’il ne fallait pas instaurer de députés représentant les Français de l’étranger.
Or, nous comprenons qu’il est envisagé de limiter le nombre de ces députés à 8 ou 9. Pour aboutir à un tel résultat, vous proposez de minorer le nombre de Français inscrits au registre mondial des Français établis hors de France du nombre de personnes restant inscrites sur des listes électorales en France, notamment pour les élections législatives. Cela reviendrait à retirer ces électeurs de la population inscrite sur les listes électorales consulaires, au motif que, étant inscrits sur des listes électorales en France, ils votent plutôt en France.
Pour moi, il s’agit d’un artifice permettant de diminuer la base démographique et d’atteindre un niveau de 8 ou 9 sièges. En effet, les Français qui sont inscrits sur une liste électorale en France – j’en ai fait partie – ont avant tout opté pour ce système car ils n’avaient pas la possibilité de voter à l’étranger à l’occasion des élections législatives.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Richard Yung. Si, à l’avenir, cette possibilité leur est offerte, ils voteront à l’étranger. D’ailleurs, je ne me serais pas opposé à obliger tous les électeurs inscrits sur des listes électorales consulaires à voter à l’étranger pour les élections législatives.
M. Jean-Pierre Sueur. Bien sûr !
M. Richard Yung. Toutefois, certains d’entre nous gardent aussi un intérêt pour la vie locale de leur commune de naissance ou de la commune dans laquelle ils ont une maison. Ils souhaitent donc pouvoir participer aux élections communales, et une inscription sur les listes électorales de Vouvray, par exemple, pour ces élections n’implique pas qu’on doive être rayé de la liste électorale des Français de l’étranger.
Je pense donc que cet argument n’est pas valable. Vous avez cherché – vous en aviez sans doute besoin – un raisonnement qui permettait de minorer la base représentative, mais vous comprendrez que nous soyons opposés à cette démarche.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré à l’Assemblée nationale que le critère du nombre de Français immatriculés à l’étranger ne pouvait être retenu car « les mineurs et les personnes privées de droits civiques y figurent également ». Concernant ces dernières, eu égard à la qualité des Français de l’étranger que nous représentons, j’ose espérer qu’elles ne sont pas très nombreuses.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La proportion doit être la même que pour la population française.
M. Richard Yung. Quant au problème des mineurs, il se pose également en France métropolitaine et vous n’en tenez pas compte, monsieur le secrétaire d’État. Vous semblez donc appliquer deux poids, deux mesures.
Vous affirmez que le code électoral offre aux Français de l’étranger de nombreuses possibilités pour s’inscrire sur les listes électorales d’une commune française. C’est vrai, grâce aux mesures prises par le Sénat, il y a quelques années. Et vous avez déclaré qu’en choisissant l’une de ces options, – je vous cite – « nos compatriotes ne manifestent pas vraiment une volonté d’établissement durable hors de France ». Comme je l’ai indiqué, nous nous inscrivions sur ces listes électorales car, précisément, nous n’avions pas d’autres choix.
En tout état de cause, je ne pense pas qu’il soit légitime de minorer le nombre officiel de Français de l’étranger car, au final, il en résultera qu’une population de 2,5 millions de personnes sera représentée par 8 ou 9 députés. Cela pose tout de même un problème en termes de poids représentatif.
Pour ce qui est du mode de scrutin, vous avez fait le choix, choix que vous assumez, monsieur le secrétaire d’État, du scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Vous refusez que les députés représentant les Français de l’étranger soient élus selon un mode de scrutin différent de celui auquel sont soumis les autres députés. Une telle situation serait, d’après vous, « susceptible de dévaloriser ces nouveaux députés par rapport à leurs collègues de métropole et d’outre-mer ». Cet argument me paraît difficile à accepter.
Comme vous le savez, plus de la moitié de notre assemblée est désormais élue à la représentation proportionnelle. Or je n’ai jamais eu le sentiment que ceux d’entre nous qui ont été élus selon ce mode de scrutin pèsent moins que les autres.
L’argument de la proximité du député vis-à-vis de la population qui l’a élu n’est pas non plus pertinent. Vous imaginez bien que le député qui représentera les 40 ou 45 pays qui composent l’Afrique ne pourra faire valoir qu’une proximité relative entre Johannesburg et Alger, par exemple. Il en ira de même pour celui qui représentera l’Océanie et le Pacifique, de Tokyo aux Îles Tuvalu.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est également vrai pour les sénateurs !
M. Richard Yung. Je rappelle, d’ailleurs, que le Comité Balladur – qui était plein de sagesse – affirmait que l’élection des députés des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale « ne pourrait se concevoir que par le biais d’un scrutin de liste, appliqué à de vastes circonscriptions regroupant plusieurs régions du monde. »
M. Jean-Pierre Sueur. Vive Balladur !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le Comité était contre la création de ces sièges !
M. Richard Yung. C’est une idée que nous avons défendue et que nous continuons à défendre, en dehors de l’idée selon laquelle c’était un moyen d’instiller une dose de représentation proportionnelle dans notre système de représentation politique.
Je comprends votre hostilité envers cet aspect politique des choses, mais l’Assemblée des Français de l’étranger et mes collègues ont attiré votre attention sur la difficulté d’organiser un scrutin majoritaire à deux tours dans huit ou neuf circonscriptions.
Imaginez la situation à l’issue du premier tour, le dimanche soir, dans la circonscription de l’Afrique, par exemple. Le candidat sera à Bangui – c’est un peu le centre du continent – et il devra prendre un certain nombre de décisions : désistement ou maintien, soutien ou non, et à qui ? Les électeurs devront ensuite être informés de ces décisions ; ce sera très difficile, même s’il est prévu quinze jours entre les deux tours.
Il y a donc un problème matériel grave, en dehors même de la question des découpages. Vous allez créer une véritable bombe à retardement qui risque d’engendrer un nombre de contentieux tout à fait considérable, ce que nous ne souhaitons pas.
J’en viens au découpage des circonscriptions.
Les critères évoqués sur la démographie ou la continuité des circonscriptions sont tout à fait respectables, mais nous sommes réticents à l’introduction de la clause d’exception. On peut la comprendre sur le principe, mais nous craignons qu’elle ne permette des découpages qui pourraient poser des problèmes et il sera très difficile de parvenir à un système convenable.
Monsieur le secrétaire d’État, nous pensons bien que vous chercherez naturellement à instaurer un découpage assurant une représentation juste et que nous n’aurons pas un député de gauche pour huit députés de droite.