Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier Mme Dini d’avoir engagé, par le biais de cette question orale, un débat sur une question qu’elle suit avec constance depuis bien des années.
Je remercie également notre collègue Claude Biwer d’avoir bien voulu accepter de me céder son tour dans la discussion, afin de me permettre d’honorer d’autres engagements.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le sujet qui nous occupe cet après-midi peut et doit être traité solidairement par l’ensemble de la représentation parlementaire, malgré les différences de vues de ses membres.
La situation de crise actuelle fragilise encore davantage la situation d’un grand nombre de personnes. Dans ce contexte, l’État a fait le nécessaire pour soutenir le secteur bancaire, en lui accordant sa garantie. En contrepartie de cet engagement, l’État et le Parlement sont en droit d’exiger du secteur bancaire qu’il se montre irréprochable à l’égard de ses clients, c'est-à-dire qu’il les respecte.
Or certaines pratiques des entreprises de crédit à la consommation, je regrette de devoir le dire, ne respectent pas les emprunteurs, les clients, et risquent même de les fragiliser encore davantage.
M. Joël Bourdin. C’est vrai !
M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d'État, la bonne procédure à suivre est l’élaboration contradictoire et pluraliste, par le Parlement, d’un texte législatif, avec la contribution des différents groupes politiques du Sénat et de l’Assemblée nationale, ainsi que, je l’espère, celle du Gouvernement. En l’espèce, ce ne sont ni les codes de bonne conduite, ni les codes professionnels, ni les réunions en cercle restreint qui permettront d’aboutir ! (Mme Nicole Bricq approuve.)
Nous avons, les uns et les autres, dans notre diversité, pris des initiatives. En ce qui me concerne, j’ai, à la suite de Mme Dini et du groupe de l’Union centriste, tâché d’apporter ma contribution en déposant récemment une proposition de loi sur ce sujet.
L’objet de ce texte est d’assainir le secteur du crédit à la consommation. Il n’est pas dirigé contre le crédit à la consommation en tant que tel ; il vise à responsabiliser tant les établissements de crédit que leurs clients, et à lutter contre ce qu’il est convenu d’appeler le « malendettement ».
Le malendettement, c’est l’endettement inadapté à la situation de l’emprunteur, c’est le crédit qui ne dit pas son nom, c’est la réserve de trésorerie apparemment gratuite dans l’immédiat, accompagnée d’une offre promotionnelle alléchante et largement proposée sur internet ou à la caisse de l’hypermarché.
M. Claude Biwer. Exact !
M. Philippe Marini. Le malendettement, c’est le crédit que l’on rembourse par des mensualités de 15 ou de 25 euros sur une durée indéfinie.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Philippe Marini. Le malendettement, c’est le crédit qui n’ose pas dire son taux.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Philippe Marini. En d’autres termes, le malendettement, c’est un outil de facilité que l’on vend en abusant de la faiblesse des gens.
M. Charles Revet. Tout à fait ! C’est scandaleux !
M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d'État, dans la situation actuelle, nous devons, les uns et les autres, véritablement prendre toutes nos responsabilités à l’égard de ce phénomène. Ce débat qui nous réunit cet après-midi est l’occasion pour nous, tous groupes confondus, d’adresser un appel solennel au Gouvernement.
Quelles que soient nos sensibilités, nous sommes aussi des élus locaux, des femmes et des hommes de terrain. Nous connaissons l’encombrement des commissions de surendettement, nous sommes confrontés à des situations personnelles qu’il faut essayer de rétablir par des aides d’urgence, par des conseils, par un accompagnement. Trop souvent, hélas ! les difficultés naissent de crédits trop facilement accordés, en tout cas sans qu’aient été respectées les règles qui devraient prévaloir en la matière.
Information défectueuse, déconnexion complète entre le crédit et le financement d’un bien, offres promotionnelles : ces pratiques sont malheureusement trop courantes.
Qu’il s’agisse du Médiateur de la République, du Conseil économique et social, de nombre de nos collègues ou de grandes associations de consommateurs, en particulier l’UFC-Que Choisir, beaucoup en appellent à une prise de conscience de ce phénomène et à une action rapide.
Monsieur le secrétaire d'État, la proposition de loi que j’ai déposée est compatible avec la directive communautaire du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs.
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
M. Philippe Marini. Que cette directive ne serve donc pas de prétexte pour ne pas progresser dans l’élaboration d’un texte indispensable !
Mme Nicole Bricq. Il a raison !
M. Philippe Marini. Cette proposition de loi est sous-tendue par quatre grands objectifs : encadrer les conditions de publicité pour le crédit à la consommation ; pousser l’emprunteur à la réflexion avant de conclure son opération de crédit ; responsabiliser fortement les établissements de crédit en faisant en sorte qu’ils examinent véritablement la solvabilité de l’emprunteur ; enfin, mettre en place des dispositions spécifiques pour les pratiques les plus risquées et les plus récentes, comme le crédit renouvelable, le rachat de crédits et le crédit en grandes surfaces.
Dans ce domaine comme dans bien d’autres de la vie financière, l’innovation a pris de vitesse le régulateur. Alors que l’onde de choc qui a secoué les marchés financiers continue de faire sentir ses effets, le secteur du crédit à la consommation présente les mêmes dysfonctionnements que bien d’autres segments du marché des capitaux.
Ainsi, une carte de paiement très facile à obtenir et à utiliser qui permet de bénéficier de primes de fidélité dans un magasin, de payer comptant ou à crédit, de retirer de l’argent à un distributeur automatique de billets, d’accéder à une réserve de trésorerie renouvelable fait peser des risques tout à fait réels sur les personnes les plus fragiles.
Dans ces conditions, que convient-il de faire, très concrètement ?
Il faut d’abord encadrer la publicité, en informant les consommateurs des risques inhérents à un crédit mal maîtrisé et en interdisant les pratiques promotionnelles.
S’agissant du crédit renouvelable, il faut veiller à mettre en place une information spécifique, éviter qu’on ne le présente comme une « facilité », une « souplesse », une aide pour boucler le budget.
Bref, il y a beaucoup à faire en matière de transparence. En ce qui concerne les conditions des crédits, comme l’ont très justement souligné Mme Dini et M. Angels, les conditions de taux, assurances comprises, doivent être indiquées précisément sur tous les documents publicitaires.
Ensuite, il convient d’inciter l’emprunteur à réfléchir. Vous qui êtes chargé de la consommation, monsieur le secrétaire d'État, vous savez mieux que quiconque qu’instituer un délai de réflexion pour que le consommateur puisse se décider et, le cas échéant, se dédire est un principe de base, mis en œuvre dans de très nombreux domaines mais pas suffisamment en matière de crédit à la consommation. C’est certainement l’un des points sur lesquels nous devrons faire évoluer la législation.
Il n’est pas acceptable qu’un établissement de crédit se borne à recueillir une simple déclaration par laquelle l’emprunteur fait état de ses ressources, sans demander de réelle justification, sans procéder à aucun contrôle, sans s’interroger sur les charges pouvant grever ces ressources, telles qu’un loyer supérieur à l’aide personnalisée au logement, le versement d’une pension alimentaire, le remboursement d’autres crédits…
À ce stade peut être abordé un débat dans le débat, portant sur la fameuse question du fichier positif.
C’est un vrai sujet, qu’il ne faut pas craindre d’évoquer, comme l’ont fait Mme Dini et M. Angels, en des termes différents. Sans doute est-il possible de concilier leurs deux approches.
Pour ma part, je souhaiterais que cette question du fichier, lourde et complexe, ne soit pas un préalable, car si tel devait être le cas, bien des décisions nécessaires et urgentes risqueraient d’être différées.
Néanmoins, ce sujet doit être débattu en toute transparence, les associations et les professionnels doivent être entendus. Il faut déterminer comment un tel fichier serait élaboré, pour quel coût, dans quel délai, et qui le financerait. C’est tout une architecture lourde qu’il faut envisager.
Il ne faut certainement pas exclure la constitution d’un tel fichier. Je considère que, à ce stade, nous devons accepter que cette question figure au cœur du débat, de telle sorte que la représentation nationale, à qui il appartient de trancher sur un sujet aussi important pour les libertés publiques, pour la consommation, pour le bon équilibre du système financier, puisse prendre sa décision en toute connaissance de cause.
Enfin, il me semble également souhaitable d’aller plus loin dans la mise en cause de la responsabilité des établissements prêteurs qui auraient octroyé, sans examen sérieux, un crédit manifestement disproportionné aux besoins de l’emprunteur.
À mes yeux, la commission de surendettement est l’organe compétent en la matière. Elle devrait pouvoir proposer la déchéance des intérêts ou le versement d’indemnités, susceptibles d’être lourdes. Il appartiendrait ensuite au juge de décider : la commission propose ; le juge décide. C’est, me semble-t-il, un bon équilibre.
Reste la question particulièrement délicate, présente dans tous les esprits, du crédit en grandes surfaces et de la relation entre le contrôle du malendettement, l’évolution du crédit à la consommation et celle de la demande intérieure.
Bien souvent, sur ces sujets, nous ne sommes pas sur le même registre que les professionnels.
Nous, élus, sommes en prise avec le concret, avec les cas individuels, nous entendons les plaintes de nos concitoyens, nous sommes confrontés à des situations douloureuses.
Les professionnels, de leur côté, nous répondent en termes macroéconomiques. S’appuyant sur des statistiques, ils soutiennent que les ménages sont moins endettés en France que dans d’autres pays, que le taux de défaut dans le secteur du crédit à la consommation n’est pas si considérable !
Nous avons tous maintes fois participé à de tels débats. Il faut aujourd’hui dépasser, à mon sens, cette contradiction et nous interroger sur ce qui va se passer dans les mois qui viennent. En effet, nous sommes dans une période de baisse de l’activité, de fragilisation accrue de certains publics : l’important tient non pas aux données statistiques du passé, mais aux événements qui vont marquer les semaines et les mois à venir.
Mes chers collègues, nous ne pouvons vraiment pas accepter une aggravation de la fragilisation d’une partie de la population. C’est la responsabilité de la représentation nationale, celle du législateur, mais aussi du Gouvernement, puisqu’il est au cœur de l’action législative.
Telles sont les quelques considérations que je tenais à vous livrer, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues.
Sur ce dossier, nous devrions pouvoir avancer vite. La commission des affaires économiques du Sénat, dont je tiens à remercier le président, Jean-Paul Emorine, a bien voulu faire de cette question du surendettement une priorité. Nos propositions de loi vont pouvoir être jointes et M. Philippe Dominati a été désigné rapporteur. En principe, le premier examen au Sénat devrait avoir lieu le 20 janvier, dans le cadre de l’ordre du jour réservé.
Nous souhaitons progresser rapidement. Nous ne voudrions pas que l’on recoure à des alibis, à des prétextes pour contrarier nos efforts, car nous pensons que, en cette période difficile, ce sujet est vraiment au cœur des préoccupations de l’opinion.
Bien entendu, au cours de ce processus parlementaire, démarche transparente marquée par une volonté d’écoute respective, nous serons attentifs à ce que nous dira le Gouvernement.
Demain matin, Mme Christine Lagarde réunit des parlementaires, des experts, des représentants des associations et des milieux concernés afin de jeter les bases d’une méthode de travail.
De tels efforts sont certes méritoires. Je serais toutefois tenté de dire à Mme la ministre que c’est au Parlement, en toute transparence et avec le concours de tous, que la meilleure méthode de travail peut être mise en œuvre. L’opinion publique, sensible à ce sujet, pourrait ainsi apprécier les divers arguments et approches, et être associée à l’élaboration de nouvelles normes, qui sont assurément nécessaires.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on a beaucoup critiqué, ces derniers mois, le système financier anglo-saxon, le risque sur les marchés, la transformation des concepts, leur appréhension insuffisante par la régulation publique.
N’oublions pas, cependant, que c’est une approche laxiste du crédit aux particuliers qui est à l’origine de tous nos problèmes et de tous les malheurs de nos économies. En effet, c’est la distribution laxiste de crédits faussement garantis à des agents économiques manifestement incapables de les rembourser qui a engendré cet effet de dominos dont nous n’avons pas fini de souffrir.
Que cette leçon nous serve, c’est tout ce que l’on peut souhaiter ! Sachons trouver le juste équilibre entre l’innovation, l’activité économique, le pouvoir d’achat, la consommation et la régulation : c’est le sens de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Nicole Bricq applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, par sa question orale, notre collègue Muguette Dini, sénatrice du Rhône, nous invite à débattre de la situation et du comportement des établissements de crédit qui ne prendraient pas suffisamment de « précautions » au moment de distribuer des prêts aux particuliers.
Ce faisant, Mme Dini évoque le grand nombre de nos compatriotes qui sont confrontés à des difficultés majeures de remboursement de leurs dettes. Ils seraient quelque six millions, et un million de ménages ont déjà eu recours aux commissions de surendettement depuis la création de ces structures.
Le texte de cette question orale nous apprend que, tous les ans, 180 000 familles, confrontées à des difficultés insurmontables, en appellent à l’arbitrage des commissions de surendettement.
Au-delà de ce constat, une telle situation doit pour le moins susciter un débat sur les moyens d’enrayer une évolution apparemment constante et régulière.
En ce qui concerne la manière dont les établissements de crédit, et singulièrement les établissements de crédit à la consommation, font en sorte que les familles s’endettent, les choses sont très claires.
Des publicités alléchantes, mais parfaitement trompeuses, sont diffusées par voie de presse, par des messages radiophoniques et télévisés, des annonces valorisantes sont affichées sur les façades mêmes des succursales : tout est fait pour attirer le chaland.
Il est vrai que, dans une économie de marché en quête perpétuelle de rentabilité financière, le crédit constitue l’une des pièces essentielles du moteur de l’activité : sans crédit bancaire aux entreprises, pas ou peu d’activité économique ; sans crédit à la consommation, fort peu de ventes bien souvent, singulièrement pour les biens de consommation dits durables.
L’offre de crédit s’est d’ailleurs très largement diversifiée et concerne de plus en plus de produits et de services, ce qui se traduit non pas par un accroissement du patrimoine des ménages, mais plutôt par une précarisation de leur consommation.
Un nombre croissant de familles doivent en effet faire appel au crédit revolving pour solder les dépenses courantes, qu’il s’agisse du règlement des factures, des charges fixes ou de l’acquisition de denrées alimentaires, de produits textiles et autres.
Au demeurant, lorsque la majorité de droite vote la fiscalisation des indemnités des accidentés du travail et la suppression de la demi-part des veuves et des divorcées, cela ne fait que mettre de l’huile sur le feu !
Aussi, quelles solutions envisager pour faire face au problème du surendettement des ménages ?
Modifions la loi et imposons notamment aux établissements de crédit les plus indélicats de perdre, sans espoir de recouvrement, les intérêts grevant des prêts qu’ils ont distribués sans réel examen de la situation des emprunteurs.
Nous devons, au point où nous en sommes, procéder de manière plus directement coercitive en la matière. Mais si l’on veut réellement changer de braquet dans la lutte contre le surendettement, il faudra bien en passer par le développement du pouvoir d’achat des familles et donc revenir sur nombre des choix politiques mis en œuvre depuis trop d’années.
En inventant le crédit d’impôt pour intérêts d’emprunt immobilier, le Gouvernement a autorisé les banques à user d’une sorte de droit à polluer, matérialisé par des taux d’intérêt exorbitants et souvent variables. Or rehausser le plafond du prêt à taux zéro et créer un tel crédit d’impôt n’est peut-être pas la meilleure voie à suivre pour lutter contre le surendettement, surtout lorsque, dans le même temps, on reste passif devant les comportements des banques qui se refont une santé sur le dos des emprunteurs en relevant les taux d’intérêt !
Modifions donc les priorités de la politique des revenus dans ce pays et nous nous doterons sans doute par là même des meilleurs outils de prévention du surendettement ! Il convenait de le rappeler aujourd’hui, dans ce débat.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela vient d’être dit clairement par les orateurs qui m’ont précédé, le surendettement est l’incapacité, pour un ménage ou une personne seule, de faire face à ses charges utiles, qu’il s’agisse du paiement des loyers, des factures d’électricité, du chauffage ou encore du remboursement des prêts contractés auprès d’un organisme de crédit.
Plus de 700 000 personnes sont à l’heure actuelle en situation de surendettement dans notre pays.
Le phénomène a beaucoup évolué depuis le vote de la loi Neiertz en 1989, qui a créé les commissions de surendettement : à l’époque, le surendettement était plutôt d’origine bancaire ; désormais, il est dû, pour l’essentiel, à la dégradation de la situation financière et sociale des ménages, des personnes seules ou des familles monoparentales.
En vérité, le surendettement est devenu une sorte de miroir de la fragilisation sociale, voire de l’exclusion, qui concerne une partie désormais non négligeable de nos concitoyens.
Ce que l’on appelle le surendettement passif, lié à des accidents de la vie, tels le chômage ou le divorce, est encore largement majoritaire, mais, force est de le reconnaître, le surendettement causé par un excès de crédit sans aucune modification des ressources est de plus en plus inquiétant.
Devant l’aggravation de la situation, la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a introduit une nouvelle mesure pour assurer le traitement des cas de surendettement les plus difficiles, à savoir la procédure de rétablissement personnel, qui s’apparente, pour partie, à la législation locale sur la faillite civile en vigueur en Alsace et en Moselle.
Ces textes législatifs et réglementaires s’attaquent malheureusement plus aux conséquences du surendettement qu’à ses causes, notamment la possibilité pour un emprunteur, aujourd’hui encore, d’obtenir très aisément un ou plusieurs crédits à la consommation sans vérification sérieuse de sa situation financière.
Certes, les banques sont devenues beaucoup plus regardantes pour l’octroi d’un crédit immobilier et n’accordent pratiquement plus de prêts-relais. Le surendettement à venir ne pourra donc pas leur être imputé. Mais, par le passé, elles ont commis l’erreur de vanter les mérites des prêts immobiliers à taux variable sur des durées de remboursement de plus en plus longues.
Dans un premier temps, les emprunteurs étaient satisfaits, car le montant des remboursements était convenable, mais le retournement de situation est rapidement survenu, avec une remontée des taux et une majoration sensible des remboursements, auxquels certaines familles pouvaient désormais difficilement faire face. Cela pouvait constituer l’amorce d’une situation de surendettement.
S’agissant du crédit à la consommation, malgré la crise financière, les pratiques ne semblent pas avoir beaucoup évolué. Si, par exemple, vous souhaitez changer votre voiture et demandez le prix d’un nouveau modèle, on vous répondra que l’achat vous reviendra à 200, 300 ou 400 euros par mois. Ce n’est pas, selon moi, une réponse satisfaisante.
Je prendrai un exemple très précis et très récent.
Un de mes proches s’est rendu dans un grand magasin de meubles et a souhaité bénéficier d’une opération promotionnelle de crédit avec remboursement en dix fois sans frais. On lui a alors établi une carte de crédit renouvelable, dit « revolving », assortie d’un taux normal extravagant de 20,26 % pour tout autre achat. Pour ce faire, que lui a-t-on demandé ? Il a dû présenter son dernier bulletin de salaire – pas même les trois derniers ! –, préciser son ancienneté dans son emploi, fournir un relevé d’identité bancaire et une attestation de domicile, en précisant s’il est propriétaire ou locataire de son logement. À aucun moment il ne lui a été demandé s’il remboursait déjà d’autres prêts, qu’il s’agisse d’ailleurs de prêts immobiliers ou à la consommation.
Cela est tout de même stupéfiant et ce n’est plus acceptable ! En d’autres lieux, il arrive que l’on interroge le candidat au prêt sur l’existence d’autres crédits, mais il lui suffit de ne pas dire la vérité sur sa véritable situation pour que le nouveau crédit soit accordé.
En vérité, tout se passe comme s’il y avait une certaine connivence entre ces commerces et les organismes de crédit. Pour les premiers, l’essentiel est de vendre coûte que coûte leur marchandise, et pour les seconds, peu importe que les emprunteurs soient solvables ou non : s’ils n’arrivent plus à rembourser leur prêt, tous les moyens seront mis en œuvre pour les contraindre, y compris le recours à des officines spécialisées dans le recouvrement.
De plus, il est vraisemblable que les vendeurs de ces magasins soient commissionnés par les organismes de crédit, ce qui pourrait expliquer certaines pratiques.
En l’absence de vérification de la véritable situation des emprunteurs, il est ainsi arrivé qu’une personne puisse contracter pour près de 80 000 euros de crédits et se trouve dans l’obligation, les remboursements mensuels étant supérieurs à son revenu, de souscrire de nouveaux prêts pour les honorer !
On comprend dès lors qu’une nouvelle et florissante industrie se soit mise en place depuis quelques années, consistant à proposer à ces emprunteurs aux abois le rachat et l’étalement de leurs crédits à la consommation, et même leur transformation en prêt hypothécaire sur quinze ans.
Vraiment, monsieur le secrétaire d’État, nous serions coupables si nous laissions les choses en l’état ! D’ailleurs, comme l’ont rappelé tout à l’heure Muguette Dini et Philippe Marini, les associations de consommateurs, le Médiateur de la République – notre ancien collègue Jean-Paul Delevoye – et le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch, réclament tous un encadrement du crédit à la consommation.
Conscients de cette situation, les membres du groupe de l’Union centriste demandent depuis des années une responsabilisation des organismes de crédit à la consommation. C’était tout le sens des amendements que nous avions déposés lors de l’élaboration de la loi de sécurité financière et de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, en 2003, de la loi de programmation pour la cohésion sociale, en 2004, et de la loi de modernisation de l’économie, plus récemment.
Ces amendements prévoyaient que la commission de surendettement puisse saisir le juge afin d’obtenir le prononcé d’office de l’effacement total de la dette contractée par le débiteur ou, à tout le moins, la déchéance des intérêts des dettes contractées. Cette mesure se serait appliquée dans les cas de manquement du créancier à ses obligations légales d’information, d’inscription de clauses abusives dans le contrat, d’abus de faiblesse, de tromperie ou encore de falsification.
Une telle disposition – qui a d’ailleurs été adoptée lors de la première lecture du projet de loi de sécurité financière de 2003, avant de disparaître au cours de la navette – aurait été bienvenue pour lutter contre l’octroi de crédits sur des fondements abusifs.
De façon plus générale, il apparaît aujourd’hui nécessaire, au-delà de la réglementation de la publicité, de renforcer l’obligation, pour les sociétés de crédit, de vérifier en détail la solvabilité des emprunteurs.
Or, tel est précisément l’objet des deux propositions de loi récemment déposées sur le bureau du Sénat, l’une par Philippe Marini – notre collègue l’a parfaitement exposée tout à l’heure –, l’autre par Muguette Dini, Michel Mercier et moi-même, au nom du groupe de l’Union centriste.
Nous proposons d’une part d’exiger des établissements de crédit qu’ils vérifient sérieusement la situation financière des souscripteurs, d’autre part de leur donner les moyens de le faire.
Sur le premier point, la règle que nous entendons poser est que, à défaut de vérification sérieuse de la situation financière du souscripteur, les organismes de crédit pourraient être tenus pour responsables de l’insolvabilité de leur client et ne pourraient alors pas engager de procédures de recouvrement contre lui, sauf, bien entendu, si le souscripteur a fourni de fausses informations sur sa situation.
Naturellement, la responsabilisation des organismes prêteurs ne doit pas exclure celle des souscripteurs. C’est pourquoi nous entendons également mettre en place un délai de réflexion de sept jours et imposer aux établissements de crédit de faire figurer sur leurs publicités et sur l’offre préalable de prêt un avertissement bien visible, alertant les emprunteurs sur les risques du surendettement.
Cela étant, se borner à définir les obligations des organismes de crédit pourrait s’avérer insuffisant. En effet, et ce point est capital, il convient également de leur donner les moyens de remplir les obligations qui leur sont imposées. C’est le second objet de notre proposition de loi : prévoir la création d’un répertoire national des crédits aux particuliers pour les besoins non professionnels.
Un tel outil, qu’on l’appelle « répertoire national des crédits », comme dans notre proposition de loi, ou « centrale de prévention du surendettement », les professionnels du crédit à la consommation le réclament eux-mêmes. Ils pourraient le consulter avant de consentir un nouveau prêt et obtiendraient ainsi facilement les informations leur permettant d’instruire correctement leurs dossiers.
Selon moi, la consultation de ce répertoire devrait même être rendue obligatoire. Bien sûr, il faudrait l’assortir de toutes les garanties de discrétion qui s’imposent, comme cela a été souligné tout à l’heure.
Ainsi, nous disposerions d’outils pertinents pour lutter contre le trop grand laxisme de certains établissements de crédit à la consommation, mais aussi, lorsque cela s’avère nécessaire, pour protéger les emprunteurs contre eux-mêmes. En effet, nous n’avons pas le droit de laisser certaines personnes s’exposer, par manque d’information ou par inconscience, à des difficultés futures.
Je suis heureux que la proposition de loi de Philippe Marini ait eu un grand retentissement médiatique. Elle a sans doute sensibilisé l’opinion au problème du surendettement. À l’instar de notre collègue, je pense que le Gouvernement et le Parlement ont des responsabilités en la matière, auxquelles ils n’ont pas le droit de se soustraire.
Je remercie mon président de groupe, Michel Mercier, d’avoir favorisé le dépôt de notre proposition de loi et obtenu de la conférence des présidents l’organisation du présent débat, engagé dans d’excellentes conditions par Muguette Dini.
Il ne reste plus qu’à espérer que, à partir de ces initiatives convergentes, une législation susceptible de nous prémunir contre l’apparition de nouvelles et douloureuses situations de surendettement voie le jour. Tel est le vœu le plus ardent que je formule aujourd’hui.
Contrairement à ce que disait Mme Gonthier-Maurin à l’instant, je ne me sens pas responsable de l’éventuel mauvais usage de diverses dispositions que nous avons pu adopter au sein de cette assemblée : ce n’est pas parce que nous mettons en place des outils utiles à nos concitoyens que nous obligeons ces derniers à les utiliser d’une manière erronée. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)