Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sur l'article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Il est tout de même plus que discutable que, sans étude préalable et sans concertation avec les organisations syndicales représentatives des pilotes de ligne, les députés aient inséré par voie d’amendement dans ce PLFSS une disposition qui risque d’avoir de sérieuses répercussions sur la sécurité du transport aérien, ainsi que sur la santé et la fin de carrière de ces professionnels.
Cette mesure, approuvée par le Gouvernement, est en totale contradiction avec la loi portant rénovation de la démocratie sociale de juillet 2008 – ce n’est pas vieux ! –, qui renforce les exigences en matière de représentativité des organisations syndicales susceptibles de négocier des accords nationaux, ainsi qu’avec l’esprit de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, qui tend à imposer une concertation avec les syndicats représentatifs avant toute réforme de portée nationale concernant « les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle ».
Cependant, revenons-en au métier de pilote de ligne.
Pénibilité, responsabilité de la sécurité des vols et, cela va de soi, des passagers, exigences en matière de performances individuelles, accroissement des cadences de travail, décalages horaires, stress, fatigue : autant de facteurs susceptibles de nuire à la sécurité des vols.
La volonté du Gouvernement de favoriser le travail des seniors est peut être louable, compréhensible pour celles et ceux qui sont âgés de cinquante ans à soixante ans, mais ne tombons pas dans les extrêmes !
Comment demander à certains professionnels de travailler plus longtemps, alors qu’il est reconnu que les contraintes de leur métier ne sont pas compatibles avec une baisse des performances liée à l’âge ? Monsieur le ministre, soyons sérieux !
Vous nous avez dit voilà quelques minutes vouloir toujours prendre le temps d’aller au fond des débats ! Dans ces conditions, pourquoi légiférer dans la précipitation, à plus forte raison dans un contexte de crise économique qui risque d’avoir de fâcheuses conséquences sur la santé des compagnies aériennes et l’emploi des personnels et alors que la rédaction des décrets concernant la réforme de la retraite de ces derniers, négociée depuis quatre ans et adoptée par le conseil d’administration de la caisse voilà six mois, n’a pas encore été menée à son terme dans les ministères intéressés ?
Monsieur le ministre, laissons du temps au temps ! Laissons du temps à la concertation et à la négociation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, sur l’article.
M. Jean Desessard. Les articles 61 bis et 61 ter ont pour objet d’ouvrir la possibilité aux personnels navigants techniques – pilotes et copilotes – de continuer à travailler jusqu’à soixante-cinq ans, au lieu de soixante ans actuellement, et aux personnels navigants commerciaux – hôtesses de l’air et stewards – de travailler jusqu’à soixante ans, au lieu de cinquante-cinq ans.
Ces dispositions concernent un domaine où une négociation préalable avec les représentants des personnels aurait dû avoir lieu, puisqu’elles touchent directement aux conditions de travail et de départ à la retraite de ces catégories de salariés.
Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que le Syndicat national des pilotes de ligne est favorable à l’ouverture d’une négociation sur l’âge de départ à la retraite ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est bien !
M. Jean Desessard. Toutefois, comment les partenaires sociaux pourraient-ils négocier quoi que ce soit si nous décidons à leur place en légiférant ?
Certes, ces articles ont été introduits à l’Assemblée nationale à la suite de l’adoption d’amendements d’origine parlementaire, mais vous ne vous y êtes pas opposé, monsieur le ministre, et vous l’avez même encouragée. Vous avez ainsi déclaré, à l’Assemblée nationale, que les dispositions prévues allaient « dans le sens de la politique du Gouvernement ».
M. Alain Vasselle, rapporteur. Voilà, c’est clair !
M. Jean Desessard. Ce déni de dialogue social, qui se traduit, depuis déjà quatre jours, par une grève des pilotes d’Air France,…
M. Henri de Raincourt. D’une partie des pilotes seulement !
M. Jean Desessard. … démontre que l’argument selon lequel ces mesures reflèteraient la volonté des personnels navigants eux-mêmes est fallacieux.
De plus, ces dispositions ne tiennent aucun compte des conditions dans lesquelles les personnels navigants exercent leur profession et, notamment, de leurs conséquences sur la santé, lesquelles, M. Fischer l’a bien décrit, revêtent un caractère particulier dans l’aéronautique.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, saviez-vous que, à partir de l’âge de cinquante-cinq ans, chaque année de travail supplémentaire correspond à deux années d’espérance de vie en moins pour les personnels navigants techniques ? (Murmures sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est la même chose pour les sénateurs de gauche ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. C’est une étude sérieuse qui le montre !
Ainsi, à soixante-cinq ans, âge auquel vous proposez de repousser le départ à la retraite, fût-ce de manière facultative, leur espérance de vie serait réduite à une année à peine !
Aujourd’hui, il n’y a aucune reconnaissance des maladies professionnelles liées à leur environnement de travail : en particulier, rien n’est dit sur les effets de la pressurisation sur la thyroïde, ou encore sur les dégâts causés par les horaires de travail atypiques,…
M. Henri de Raincourt. Nous sommes à la même enseigne ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. … qui entraînent des problèmes de diabète et de cholestérol dès l’âge de quarante-cinq ou cinquante ans.
Les centres d’expertises médicales du personnel navigant connaissent très bien les maladies dont souffrent spécifiquement les personnels navigants techniques et commerciaux. Il aurait été utile de les interroger sur la condition physique des personnels les plus âgés avant de proposer de les faire travailler jusqu’à soixante-cinq ans.
Notre collègue Simon Loueckhote pourra vous le confirmer, la pénibilité des conditions de travail des personnels navigants techniques a d’ailleurs été officiellement reconnue par le congrès de Nouvelle-Calédonie.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ah !
M. Jean Desessard. Ce dernier a en effet inscrit les professions de personnel navigant technique et de personnel navigant commercial dans la liste des « activités particulièrement pénibles, dangereuses ou nocives pouvant provoquer l’usure prématurée de l’organisme ».
Aussi voterai-je pour la suppression de ces articles. Je demande au Gouvernement d’ouvrir des négociations sociales avec les personnels navigants pour tenir compte de la spécificité de leur environnement de travail et assurer la reconnaissance des maladies qui en découlent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Autain. Très bien !
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 190 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L’amendement n° 252 est présenté par M. About.
L’amendement n° 302 est présenté par Mmes Schillinger et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 190.
Ma chère collègue, je vous invite à aller à l’essentiel, car le sujet a déjà été longuement débattu. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. François Autain. Qu’est-ce que c’est que cette manière de présider ? C’est de la provocation ! Vous sortez de votre rôle, madame la présidente !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous en prie, la parole est à Mme David, et à elle seule !
Mme Annie David. Cet article 61 bis a été introduit dans le texte par l’Assemblée nationale sans aucune concertation avec les principaux intéressés. Il vise à relever la limite d’âge pour l’exercice de la profession de pilote de ligne dans le transport aérien public, tout en prévoyant qu’un équipage ne devra jamais comporter deux pilotes âgés de plus de soixante ans. C’est dire, monsieur le ministre, que vous-même considérez qu’une telle situation ne serait pas de nature à garantir toutes les conditions de sécurité…
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Annie David. Cela montre bien que les questions posées par les pilotes sur la sécurité des vols sont tout à fait fondées.
Par ailleurs, et comme toujours dès lors qu’il s’agit de rallonger la durée de cotisation, vous invoquez la liberté de décider soi-même de la date de son départ à la retraite.
Seulement, dans le cadre d’un système de retraite par répartition, solidaire et intergénérationnelle, les décisions des uns ont des incidences sur la situation des autres. La liberté laissée aux personnels en fin de carrière de fixer le moment de leur départ à la retraite ne sera donc pas sans conséquences pour les plus jeunes, puisqu’elle influera sur le nombre de créations de poste, particulièrement dans un contexte marqué par une crise financière qui affecte tout spécialement les compagnies aériennes.
À cet égard, je tiens à souligner un fait qui n’a pas encore été évoqué : Air France n’aurait besoin prochainement que de 3 800 pilotes, alors que l’entreprise en compte aujourd’hui 4 100. Comment, dès lors, justifier l’allongement de carrière de certains tandis que les plus jeunes resteront à la porte ?
Pourtant, le Gouvernement avait pris des engagements auprès des organisations syndicales, et donc des pilotes de nos compagnies : « Il n’entre pas dans les intentions du Gouvernement de proposer au Parlement une modification de la législation nationale applicable aux personnels navigants techniques qui exercent en qualité de commandant de bord et de copilote. »
Le Gouvernement avait même ajouté que « la notion de limite d’âge soulève des interrogations complexes qui tiennent aux conditions de sécurité, aux conditions de travail et aux secondes parties de carrière des personnels navigants. Leur remise en cause ne peut être considérée en l’absence de concertation de l’ensemble des partenaires sociaux. »
Dans ces conditions, pourquoi vous précipitez-vous pour faire cette réforme, alors que, pour des raisons de sécurité des vols, l’IFALPA, la Fédération internationale des associations des pilotes de ligne, se prononce de manière constante en faveur d’un âge limite de soixante ans pour les pilotes de ligne ? Pourquoi une telle précipitation puisqu’il n’y a ni urgence ni nécessité ?
Enfin, avec cet article, il s’agit non pas seulement du droit à la retraite des pilotes, mais aussi d’une question de santé publique, car les rythmes de travail et l’exposition aux radiations et aux ondes doivent être pris en compte. Lors de leurs interventions sur l’article, Guy Fischer, Jean Desessard et Annie Jarraud-Vergnolle ont bien montré l’importance de ces facteurs, même si leurs propos n’avaient pas l’air de vous satisfaire, chers collègues de la majorité !
Pour toutes ces raisons, pour la sécurité des pilotes comme pour celle des passagers, nous vous invitons à voter en faveur de notre amendement de suppression. Nous donnerons ainsi la possibilité à la négociation de se poursuivre dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. François Autain. Très bien !
M. Jean Desessard. Excellent !
M. Guy Fischer. C’est bien envoyé !
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About, pour présenter l’amendement n° 252.
M. Nicolas About. Après le dépôt d’un amendement inopportun à la demande de l’association de pilotes PNT 65, dont l’adoption par l’Assemblée nationale a entraîné l’insertion d’un article 61 bis dans le PLFSS, le Gouvernement a engagé des négociations.
J’emploie l’adjectif « inopportun » à dessein, car le secrétaire d’État chargé des transports, M. Bussereau, avait pris en décembre 2007 l’engagement, au nom du Gouvernement, et donc de la majorité, de ne pas légiférer sur ce sujet sans avoir mené, au préalable, une large concertation.
Dès lors, comment sortir de l’impasse ? Quel est le véritable contentieux ? Selon moi, quatre points méritent d’être soulevés.
Il s’agit, premièrement, d’une question d’ambiance. Les syndicats de pilotes se sont sentis agressés par l’absence de concertation ou de consultation sur le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail,…
M. François Autain. Ils avaient raison !
M. Nicolas About. … alors que les dispositions adoptées menacent l’existence de syndicats professionnels.
Il s’agit, deuxièmement, d’une question de rythme. La rédaction des décrets concernant la réforme de la Caisse de retraite du personnel navigant, la CRPN, adoptée par le conseil d’administration voilà dix mois, est toujours en souffrance dans les ministères de tutelle après quatre ans de travaux, alors que cette réforme assurait la pérennité de cette caisse qui gère les régimes de retraite obligatoire et complémentaire de la profession.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. François Autain. Eh oui !
M. Nicolas About. La DGAC, la Direction générale de l’aviation civile, est en train de procéder à une réécriture complète du livre IV du code de l’aviation civile, consacré au personnel navigant, mais dans la précipitation et sans aucune concertation.
Il s’agit, troisièmement, d’une question de liberté, ce qui suppose, tout naturellement, l’existence d’un choix, celui de continuer ou non à travailler après l’âge de soixante ans. Cela ne doit pas entraîner, à court ou à moyen terme, l’application à tous, de façon autoritaire, de ce prolongement de l’activité.
Quatrièmement et surtout, il s’agit d’une question de sécurité. Ce métier spécifique exige, à tout moment, un haut degré de performance, pour faire face à des situations délicates et imprévues, en particulier au terme de longs vols de nuit.
Dans ces conditions, que proposer ?
Nous le savons, une réglementation européenne sur l’âge limite d’activité fixera un plafond, mais celui-ci ne remettrait pas en cause les dispositions plus favorables.
Nous souhaitons que ceux qui en expriment le désir puissent travailler plus, plus longtemps, si leur état de santé est irréprochable.
M. Nicolas About. Encore faudrait-il que la surveillance médicale – et c’est un médecin qui vous le dit ! – soit parfaitement bien adaptée à cette profession, ce qui n’est pas le cas.
Mme Patricia Schillinger. Très bien !
M. Nicolas About. Nous devons garantir aux uns que l’octroi d’un droit nouveau aux autres ne portera pas atteinte à leurs avantages.
Enfin, monsieur le ministre, le Gouvernement doit marquer sa volonté de poursuivre la concertation en prenant rapidement les décrets confirmant les travaux menés sur le régime de retraite complémentaire. Il est souhaitable, compte tenu de la spécificité du métier, qu’un collège des personnels navigants techniques soit créé pour assurer la représentation des pilotes.
En définitive, le Gouvernement doit approuver la suppression de l’inopportun article 61 bis, proposer une nouvelle rédaction plus conforme aux engagements pris en décembre 2007 et s’engager à prendre les décrets relatifs au régime de retraite complémentaire.
Plusieurs amendements de suppression de l’article ont été déposés, et nous sommes tous désireux de voir le secteur du transport aérien retrouver sérénité et activité.
Monsieur le ministre, empruntant au plus illustre de nos prédécesseurs un de ses vers, tiré des Contemplations, je vous adresse une invitation : à nous qui avons déposé des amendements de suppression, « donnez-nous un regret » ; à ceux qui ont fait grève et essaient de se battre pour rendre un meilleur service, « donnez-leur un espoir » ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l’amendement n° 302.
M. Claude Domeizel. Madame la présidente, je tiens tout d’abord à vous dire que j’ai été choqué par les propos que vous avez tenus à l’adresse d’une de nos collègues, en l’invitant à aller à l’essentiel. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Pour ma part, madame la présidente, je vais vous donner satisfaction !
L’essentiel, c’est que toutes ces mesures prises sans concertation, qu’il s’agisse du relèvement de soixante-cinq à soixante-dix ans de l’âge à partir duquel un salarié pourra être mis à la retraite d’office, disposition inscrite à l’article 61 que nous examinerons tout à l’heure, du passage de la durée de cotisation de quarante à quarante et une annuités ou de la suppression des « clauses couperets » au travers des articles 61 bis et 61 ter, ne sont qu’une préparation de la remise en cause de la retraite à soixante ans ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Monsieur le ministre, je vous entends déjà me répondre que j’exagère. Mais il n’en est rien ! Permettez-moi de rappeler que, dans le cadre de ses travaux, le Conseil d’orientation des retraites, à la demande du MEDEF – et peut-être avec le consentement du Gouvernement, allez savoir ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste) –, a étudié, en avril dernier, le relèvement de l’âge minimal de départ à la retraite.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faudra bien y venir !
M. Claude Domeizel. Il s’agissait d’évaluer le coût du passage de l’âge de la retraite à soixante et un ans, à soixante-deux ans, à soixante-trois ans, à soixante-quatre ans ou à soixante-cinq ans. Voilà ce qu’est l’essentiel !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tous les sénateurs à la retraite à soixante ans !
M. Claude Domeizel. Par ailleurs, je souhaite souligner le manque de cohérence entre les discours et la pratique du Gouvernement.
En effet, depuis des mois, voire des années, l’actuelle majorité et les ministres des affaires sociales qui en sont issus n’ont eu de cesse de rabâcher que le pouvoir législatif devait intervenir une fois la négociation entre partenaires sociaux conclue.
Or cette règle n’a guère valu lorsque, au détour d’un amendement présenté par des parlementaires, le Gouvernement a jugé opportun d’anticiper sur une négociation qui, en tout état de cause, est bien loin d’avoir trouvé sa conclusion !
Dès lors que vous nous avez demandé de légiférer, de quelle latitude disposeront les représentants des partenaires sociaux engagés dans la négociation ? La question mérite d’être posée.
Sur le fond, si les personnels navigants commerciaux sont mécontents, c’est non pas parce qu’il est impossible de voler après cinquante-cinq ans, mais parce que leur reclassement à terre sera impossible.
Les auteurs de l’amendement et le Gouvernement ont-ils pris la précaution de se pencher sur la pyramide des âges des personnels en service ? Se sont-ils vraiment interrogés sur les possibilités réelles de reclasser à terre les personnels atteignant l’âge de cinquante-cinq ? Ce que je dis vaut tant pour les pilotes que pour les hôtesses et les stewards.
Quand on sait que les compagnies réduisent le personnel affecté aux comptoirs, on devine aisément que le reclassement à terre sera impossible. Dès lors, les personnels concernés n’auront pas d’autre choix que de quitter l’entreprise et de se présenter aux ASSEDIC.
C’est proprement scandaleux ! En effet, il n’est pas acceptable que les ASSEDIC soient mises à contribution parce qu’une entreprise n’a pas pris en compte l’évolution de la pyramide des âges de son personnel.
Ce constat concerne également les personnels qui développent des pathologies liées à l’altitude, ainsi que ceux qui ont été affectés par les changements importants intervenus dans le secteur du transport aérien au cours des quinze dernières années.
Or le deuxième alinéa de l’article 61 bis, s’il instaure le droit, pour le salarié, de solliciter un reclassement au sol, ne soumet l’entreprise à aucune obligation à cet égard.
Compte tenu de ces remarques et des négociations en cours, et au nom du respect que l’on doit aux représentants des partenaires sociaux, nous demandons la suppression pure et simple de cet article, en espérant être entendus au-delà des travées de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. L’amendement n° 517, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - L'article L. 421-9 du code de l'aviation civile est ainsi modifié :
1° La première phrase est précédée de la mention : « I. » ;
2° Il est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Le personnel navigant de la section A du registre qui remplit les conditions nécessaires à la poursuite de son activité de navigant est toutefois maintenu en activité au-delà de soixante ans pour une année supplémentaire sur demande formulée au plus tard trois mois avant son soixantième anniversaire, uniquement dans le cas des vols en équipage avec plus d'un pilote, à la condition qu'un seul des pilotes soit âgé de plus de soixante ans. Cette demande peut être renouvelée dans les mêmes conditions les quatre années suivantes.
« Le personnel navigant de la section A du registre peut de droit et à tout moment, à partir de soixante ans, demander à bénéficier d'un reclassement dans un emploi au sol.
« Lorsqu'il ne demande pas à poursuivre son activité de navigant ou atteint l'âge de soixante-cinq ans, le contrat n'est pas rompu de ce seul fait, sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert. »
II. - Les dispositions du II de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2010.
Les textes réglementaires relatifs à l'aptitude physique et mentale du personnel navigant technique professionnel de l'aéronautique civile seront adaptés, après consultation des organisations syndicales représentatives des personnels navigants techniques, pour tenir compte de ces nouvelles dispositions.
Jusqu'au 1er janvier 2010, le contrat de travail du personnel navigant de la section A n'est pas rompu du seul fait que la limite d'âge de soixante ans est atteinte sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert.
III. - Dans la branche et dans les entreprises de transport aérien, l'employeur et les organisations syndicales représentatives des personnels navigants techniques engagent, en vue de les conclure avant le 31 décembre 2009, des négociations relatives à l'emploi des seniors et à ses conséquences sur les déroulements de carrière et sur l'emploi, en abordant notamment les questions des modulations de l'activité en fonction de l'âge et du temps partiel.
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. J’espère que la présentation de cet amendement permettra de répondre aux questions posées par les uns et les autres. J’ai tout écouté avec beaucoup d’attention, comme c’est d’ailleurs le cas depuis maintenant plus d’un an, car ce sujet récurrent ne date pas d’aujourd’hui et fait l’objet de discussions depuis l’année dernière.
Cet amendement a pour objet de compléter les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale concernant les pilotes et les copilotes. Il vise à prévoir que la limite d’âge pour le personnel navigant technique demeure fixée à soixante ans. C’est marqué noir sur blanc !
Les personnels qui le souhaiteront pourront toutefois continuer à exercer leur métier au-delà de cette limite, sous réserve d’en avoir fait la demande, de remplir les conditions nécessaires à la poursuite de leur activité, et uniquement dans le cas des vols en équipage avec plus d’un pilote, un seul pilote devant être âgé de plus de soixante ans.
Pourquoi avons-nous fait ce choix, madame David ? Nous l’avons fait, tout simplement, pour répondre aux préconisations de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Il ne s’agit pas d’un modèle spécifique français !
Un sénateur de l’UMP. Tout à fait ! Absolument !
M. Xavier Bertrand, ministre. Bien évidemment, monsieur About, les personnels volontaires pourront décider d’interrompre leur activité à tout moment, dans les mêmes conditions financières qu’aujourd’hui.
Mme Catherine Procaccia. C’est bien le problème !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le salarié qui ne demandera pas à poursuivre son activité de personnel navigant devra, comme aujourd’hui, faire l’objet d’un reclassement sur un poste au sol.
Je vais être encore plus précis.
En cas d’impossibilité, pour l’entreprise, de proposer un tel reclassement ou de refus de l’intéressé d’accepter l’emploi qui lui est offert, le contrat sera rompu comme aujourd’hui, et selon les mêmes conditions financières.
Ces dispositions ne seront applicables qu’à partir du 1er janvier 2010, et non en 2009, afin de permettre aux concertations engagées par le Gouvernement avec les organisations syndicales représentatives de se poursuivre – et non de commencer, j’y insiste ! –, notamment pour adapter les différents textes réglementaires et tenir compte des travaux menés à l’échelon européen. Si ces concertations font apparaître que des modifications de nature législative sont également nécessaires, nous les proposerons au Parlement avant la fin de l’année 2009.
La sécurité du transport aérien n’est en rien remise en cause par ces dispositions. L’Organisation internationale de l’aviation civile autorise dès à présent un pilote à exercer son métier au moins jusqu’à soixante-cinq ans. Tous les pays européens, à l’exception de la France et de l’Italie, permettent aux pilotes de poursuivre leur activité au-delà de soixante ans.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais les compagnies peuvent y déroger !
M. Xavier Bertrand, ministre. L’année 2009 sera également consacrée aux négociations, dans la branche et dans les entreprises, relatives à l’emploi des seniors, aux aménagements de fin de carrière, à la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences. Air France est une entreprise où le dialogue social existe : vous le savez, et les syndicats aussi.
Le Gouvernement proposera, dans le cadre du projet de loi relatif aux transports que le Parlement examinera au début de l’année 2009, des dispositions permettant d’adapter les règles du temps partiel à l’exercice du métier de navigant. Les organisations syndicales représentatives seront naturellement associées à ces discussions.
Je tiens à rappeler que les discussions en cours ne sont que la poursuite de celles qui ont déjà eu lieu. Elles ne viennent pas de commencer, comme l’a dit, me semble-t-il, M. Domeizel ! Pas moins de huit réunions, depuis le printemps 2008, se sont tenues avec les directions successives du principal syndicat de pilotes. Je n’ai guère entendu les médias en faire état !