compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
fiscalité des coopératives dans l'Union européenne
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question n° 335, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Mme Nicole Bricq. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur l’avenir du statut coopératif.
Deux litiges juridiques qui pourraient remettre en cause les cadres légaux et les réglementations fiscales régissant les coopératives sont en cours auprès de la Commission européenne. Le résultat du premier litige, qui concerne les coopératives espagnoles et italiennes, pèsera fortement sur celui du second, qui résulte d’une plainte déposée en 2004 contre le régime fiscal des coopératives agricoles françaises par la Confédération française du commerce interentreprises, la CGI.
Jusqu’alors la Commission européenne permettait aux États membres d’accorder aux coopératives des régimes fiscaux dérogatoires proportionnés à leurs contraintes juridiques et à leur valeur ajoutée sociale. Cette position était reconnue au point que la Commission européenne a publié en 2004 une communication sur la promotion des coopératives en Europe.
Je ne rappellerai pas l’importance du mouvement coopératif, qui, depuis la première révolution industrielle, s’est diffusé partout dans le monde au cours du XXe siècle. Les entreprises coopératives regroupent plus de 740 millions de membres dans le monde et emploient, faut-il le rappeler, plus de personnes que toutes les entreprises multinationales existant à ce jour.
Plus spécifiquement, les coopératives agricoles jouent en France un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire et constituent parfois le premier employeur dans les zones rurales.
La loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 a reconnu le rôle décisif que jouent les sociétés coopératives agricoles dans la promotion de l’agriculture française et des territoires.
Opter pour une fiscalité de droit commun conduirait non seulement à rompre avec l’idée fondatrice du mouvement coopératif selon laquelle les coopératives, notamment les coopératives d’utilisation de matériel agricole, sont inscrites dans le prolongement direct des exploitations agricoles, mais aussi à rendre plus complexes la gestion administrative des coopératives de proximité et les initiatives collectives locales.
Alors que la France préside encore pour quelques semaines l’Union européenne, j’interroge aujourd'hui le Gouvernement sur son engagement à défendre le statut et la fiscalité des coopératives, pour qu’au sein de l’espace européen cette forme d’entreprise puisse exister à armes égales dans une économie concurrentielle. Je ne doute pas que le Gouvernement et le Président de la République aient à cœur de faire avancer ce dossier.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la sénatrice, vous avez fort bien rappelé que la Commission européenne avait été saisie au mois de mai 2004 d’une plainte déposée à l’encontre de l’État français pour la mise en œuvre d’un régime fiscal dérogatoire applicable aux coopératives agricoles.
Depuis la notification de cette plainte, des échanges ont eu lieu entre la Commission européenne et les autorités françaises. Ainsi, la France a adressé deux réponses à la Commission européenne en 2004, puis en 2006.
Les autorités françaises ont indiqué que les mesures fiscales dérogatoires en faveur des sociétés coopératives n’étaient ni plus ni moins que la contrepartie des contraintes juridiques auxquelles ces entités étaient soumises. Du point de vue de la France, de telles mesures ne sont donc pas de nature à procurer des avantages concurrentiels indus aux coopératives, ce qui exclut que de telles dispositions puissent être qualifiées d’aides d’État.
Je vous confirme donc l’engagement du Gouvernement à défendre les coopératives, puisque c’est l’objet de votre question, madame la sénatrice. Je souscris tout à fait à vos analyses : les coopératives constituent un outil adapté au marché, notamment en renforçant le poids des producteurs, qui peuvent ainsi mieux résister dans un contexte de pression croissante sur les prix.
Depuis que les réponses des autorités françaises ont été transmises à la Commission européenne, aucune procédure formelle d’examen du régime fiscal français des coopératives agricoles au regard de la réglementation communautaire relative aux aides d’État n’a encore été ouverte.
En outre, dans le cadre de questions préjudicielles posées par des juridictions italiennes à la Cour de justice des Communautés européennes, portant notamment sur la qualification d’aides d’État au sens du traité CE de mesures fiscales dérogatoires en faveur de sociétés coopératives, les autorités françaises sont intervenues pour contester cette qualification.
Madame la sénatrice, je vous assure donc que les autorités françaises restent particulièrement vigilantes sur les actions menées par la Commission européenne à propos des différents régimes fiscaux applicables aux sociétés coopératives, et entendent continuer à défendre les intérêts de ces organismes.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Je remercie Mme la secrétaire d'État d’avoir confirmé que la France maintenait sa position sur ce sujet.
Je tiens à souligner que le mandat de la Commission européenne va bientôt s’achever. Mme Neelie Kroes, commissaire européenne chargée de la concurrence, a été très active, quelquefois même assez rigide, il faut bien le dire, sur ce sujet.
J’entends empêcher que ce dossier ne s’endorme. C'est pourquoi ma question a pour objet de rappeler l’importance du monde coopératif dans l’activité économique. Après le sommet de Washington qui vient de se tenir et de proposer des mesures en faveur de la relance économique – on se demande d’ailleurs quelle sera la réaction de l’Europe –, il me paraît important de ne pas fragiliser ce secteur, qui, je le rappelle, est pourvoyeur d’emplois. Il faut que la France tienne bon au-delà de la présidence française de l’Union européenne et du changement qui interviendra prochainement au sein de la Commission européenne.
Je le répète, ce dossier ne doit pas dormir. C'est la raison pour laquelle j’ai voulu le réveiller en ce lundi matin, monsieur le président ! (Sourires.)
avenir de l'usine Ford Aquitaine Industries de Blanquefort
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, auteur de la question n° 326, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
M. Alain Anziani. Madame la secrétaire d'État, dans son discours du 23 octobre dernier, à Annecy, le Président de la République a appelé de ses vœux un « État plus actif dans l’économie, qui assume ses responsabilités, qui entreprend, qui investit, qui est une force d’innovation et de progrès ». Ce souhait est partagé.
Pour le Gouvernement, les occasions de traduire en actes cette volonté ne manquent malheureusement pas. Je pense notamment au domaine industriel, en particulier au secteur automobile. La situation de Ford Aquitaine Industries S.A.S, à Blanquefort, constitue une application de choix.
Trop de temps a déjà été perdu. Voilà trois ans, M. François Loos, alors ministre délégué à l’industrie, interpellé ici même par mon collègue Philippe Madrelle, assurait qu’il n’y avait aucune crainte à avoir ni à court terme ni à moyen terme. Au mois de mars 2008, M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, promettait que l’État s’engagerait dans des négociations étroites avec le groupe Ford pour faire émerger des pistes de reconversion du site.
Huit mois plus tard, la direction de Ford Europe a annoncé la fermeture de l’usine pour dix semaines, du 24 octobre 2008 au 5 janvier 2009. Cette décision a entraîné la mise au chômage technique des 1 580 salariés et fait craindre un abandon définitif du site avant même l’échéance annoncée de 2010.
Outre le désespoir qu’elle suscite, cette fermeture rend plus difficile encore la recherche de repreneurs confrontés au vide des lieux.
Depuis des années, les élus girondins alertent l’État sur le désastre social, financier et industriel qui se prépare. L’abandon du site concernera non seulement les employés de Ford, mais également 9 600 emplois indirects dans la sous-traitance. Qui les soutiendra ? La communauté urbaine de Bordeaux sera privée de 5 % de ses recettes directes et de 5 % de ses recettes indirectes, soit 10 % au total. Toutes les communes de la Gironde, urbaines comme rurales, verront disparaître une ressource – parfois la plus importante de leur budget – provenant de la péréquation de la taxe professionnelle.
Par lettre du 28 octobre dernier, le président de la communauté urbaine de Bordeaux, le président du conseil régional d’Aquitaine et le maire de Bordeaux ont demandé au Gouvernement à être mieux associés à la recherche de repreneurs, et ce alors que leur soutien financier est sollicité. Il est temps de lever le secret actuel.
Ensemble, nous avons une double obligation : ne laisser aucun salarié de Ford ou des entreprises sous-traitantes au bord de la route et réussir la reconversion du site.
Madame la secrétaire d'État, comment l’État entend-il obtenir du groupe Ford qu’il assume ses responsabilités ? Plus largement, quelle implication forte, plus forte, de l’État envisagez-vous pour éviter le gâchis humain, industriel et financier que constituerait l’abandon du site de Blanquefort ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, vous avez à nouveau attiré l’attention du Gouvernement sur l’impact social et économique de la fermeture du site de transmissions automatiques de Ford Aquitaine Industries, malheureusement programmée d’ici à 2010.
Conscients des enjeux très importants qu’aurait pour la région cette annonce de fermeture, les pouvoirs publics ont pris, depuis plusieurs mois déjà, différentes initiatives. Plusieurs chantiers ont été lancés à l’échelle régionale : analyse des emplois indirects concernés, formation du personnel, validation des acquis de l’expérience et, bien sûr, recherche de reprise d’activité et de diversification du site. En ce qui concerne les emplois indirects, une étude confiée à l’INSEE chiffre actuellement entre 4 500 et 5 000 emplois les impacts d’une telle fermeture.
Devant la difficulté manifeste de trouver des repreneurs ou des activités nouvelles – par exemple, celles qui sont liées aux véhicules électriques –, capables de donner un emploi à 1 600 personnes dans le calendrier imparti, Mme le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi a demandé, le 5 février dernier lors d’une réunion avec les principales parties prenantes, au PDG de Ford Europe de faire ses meilleurs efforts pour dégager des solutions permettant le maintien d’activités automobiles sur le site de Blanquefort et de s’impliquer dans la recherche de solutions de diversification susceptibles de se développer pour pallier le retrait du groupe sur le site.
Depuis cette date et la nomination de M. Benett comme référent de haut niveau en charge spécifique de ce dossier pour Ford, le groupe s’est engagé auprès des autorités publiques et a réaffirmé assurer l’ensemble de ses responsabilités dans l’évolution de ce site. À cet effet, Ford a mandaté un cabinet de conseil chargé d’amplifier sa propre recherche d’entrepreneurs désireux de se développer au sein de la filière automobile ou qui pourraient apporter de nouvelles activités susceptibles de s’implanter sur le site ou à proximité. Cette recherche se poursuit en étroite collaboration avec l’Agence française pour les investissements internationaux et les agences locales de développement.
Complémentaire du groupe de travail technique animé par la Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, la DRIRE, et réunissant les représentants de Ford Europe et des salariés, les principaux élus concernés et les services de l’État, un comité de suivi de l’évolution des sites de Blanquefort s’est tenu au mois de mai dernier, sous la présidence de Mme Christine Lagarde.
Grâce à cette mobilisation, plusieurs entreprises internationales du secteur de la mécanique ont manifesté leur intérêt soit pour la reprise du site, soit pour une implantation à proximité qui pourrait bénéficier aux salariés de Ford. À l’heure actuelle et malgré une conjoncture économique générale hélas peu favorable, des discussions très avancées sont en cours avec deux entreprises. Une réunion du comité de suivi, présidée par Mme Christine Lagarde et à laquelle les élus, conformément à votre souhait, monsieur le sénateur, seront évidemment associés, devra prochainement faire le point sur ces opérations.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Madame le secrétaire d’État, je vous remercie des précisions que vous venez d’apporter.
Il y a des repreneurs, c’est bien, mais – j’attire votre attention sur ce point - ils interviennent tous dans le domaine de la mécanique de transmission. Il en résultera des difficultés pour les sous-traitants. Il y aura aussi un problème de rupture de charges parce qu’il s’agit d’une technologie nouvelle. De ce fait, la moitié des salariés de Ford ne pourront pas être repris immédiatement. Ils seront donc au chômage et devront trouver d’autres solutions. Enfin, se poseront des problèmes à long terme puisque de prochaines mutations technologiques rendront sans doute désuètes les procédures de transmission et il faudra savoir anticiper.
maintien de l'activité aéronautique en seine-et-marne
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 331, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
M. Michel Billout. Madame le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la situation de l’entreprise Hispano-Suiza, société d’équipements aéronautiques basée à Réau, en Seine-et-Marne ; il s’agit d’une filiale de la SNECMA, composante du groupe industriel SAFRAN.
À la fin du mois de juin 2008, le comité de groupe SAFRAN a annoncé un projet de réorganisation de grande ampleur, qui touche différentes filiales et prévoit principalement le démantèlement de plusieurs sites industriels, dont le site d’Hispano-Suiza de Réau, constitué d’environ un millier de salariés.
Ce démantèlement s’articule selon trois volets. D’une part, sera créée une division SAFRAN Power, chargée de l’électronique de puissance au sein d’Hispano-Suiza, représentant environ 60 salariés, seule entité restant sur le site actuel. D’autre part, sera instituée une division SAFRAN Electronics, en charge de l’électronique des calculateurs au sein de Sagem Défense Sécurité ; elle emploiera environ 450 salariés. Cette entité sera implantée sur le site de Sagem à Massy, dans l’Essonne. Enfin, les activités « Systèmes de régulation et équipements associés », concernant environ 490 salariés, seront transférées au sein de la SNECMA sur le site de Villaroche, commun à celui de Réau.
Indépendamment des questions d’emploi, ces mesures s’inscrivent dans la continuité d’une politique de désorganisation et de transfert des activités du groupe SAFRAN. Ces dernières années, la direction de ce groupe s’est engagée dans de vastes opérations de délocalisations en France et à l’international, notamment en Chine, au Mexique, au Maroc, en Inde, fragilisant de ce fait l’avenir de la production aéronautique en France, plus particulièrement en Seine-et-Marne. Ainsi, à Melun-Villaroche, Hispano-Suiza perdra 450 emplois industriels dès la fin de l’année 2009. Les autres personnels de cette société seront réaffectés vers des emplois déjà occupés par des personnels de la SNECMA, ce qui risque de créer des doublons. Avec les emplois induits – intérimaires, sous-traitants –, près de 1 000 emplois disparaîtraient de ce site, qualifié pourtant récemment par le préfet de Seine-et-Marne de « poumon économique du département ».
Le Gouvernement y est d’ailleurs sensible, madame le secrétaire d’État, puisque, le 3 novembre dernier, votre collègue Xavier Bertrand a choisi ce site pour expliquer les nouvelles mesures relatives à l’intéressement des salariés et à la possibilité de travailler jusqu’à 70 ans ! Quel paradoxe au moment où la direction du groupe SAFRAN décide d’affaiblir l’emploi sur ce site, où les salariés se voient proposer des périodes de chômage technique, alors que les carnets de commandes sont pleins et que l’on attend une augmentation d’activité de 15 % à 20 % dans les domaines aéronautique et spatial d’ici à 2020.
À l’inverse de cette politique de destruction, le conseil général de Seine-et-Marne, le syndicat d’agglomération nouvelle de Sénart et la communauté d’agglomération de Melun-Val-de-Seine se sont engagés à développer, sur le site de Villaroche, un pôle stratégique d’activités aéronautiques, en lien avec le pôle de compétitivité ASTech.
J’ajouterai, pour terminer, que le site en question subit une nouvelle menace en matière de disparition d’emplois avec la suppression programmée du centre départemental de Météo France de Seine-et-Marne, situé sur l’aérodrome de Villaroche depuis 1947.
Dans ce contexte, je souhaite connaître, madame le secrétaire d’État, les mesures que vous comptez prendre pour développer une politique aéronautique ambitieuse qui passe nécessairement par le maintien de la force industrielle en France, notamment dans le département de Seine-et-Marne.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, le groupe SAFRAN est évidemment un acteur majeur de la filière aéronautique. Il est leader mondial des moteurs d’hélicoptères, des moteurs, des trains d’atterrissage, des roues et freins carbone d’avions civils de plus de cent places.
Ses positions sont rendues possibles grâce à l’excellence de ses personnels, notamment des quelque 40 000 personnes qui sont employées en France et qui représentent 60 % de ses effectifs, alors que le marché aéronautique est complètement mondialisé, fortement concurrencé et dominé par des échanges en dollars, ce qui incite de nombreux acteurs à se rapprocher des marchés émergents et à produire soit en zone dollar, soit, surtout, à proximité de leurs clients dans les pays dont vous avez parlé et où j’ai pu moi-même, ces derniers mois, constater l’importance des investissements du groupe SAFRAN et du rayonnement des technologies françaises.
C’est dans ce contexte que l’entreprise doit constamment adapter son organisation aux modifications du marché pour conserver sa compétitivité et pour se trouver sur les mêmes places que ses concurrents.
La réorganisation annoncée par le groupe SAFRAN au mois de juin dernier correspond à sa volonté d’améliorer sa cohérence en regroupant les activités électroniques issues de différentes filiales pour constituer un pôle électronique fort. C’est ce projet qui entraîne des réaffectations de postes, principalement entre le site de Réau et celui de Massy en région parisienne, comme sur le territoire national.
J’ai relevé avec intérêt, élément particulièrement positif dans la période actuelle, que le groupe n’envisage pas de réduction d’effectifs dans le cadre de cette réorganisation. J’observe que ses efforts d’investissement restent majoritairement orientés sur le territoire national.
Par ailleurs, le site de Réau, qui vous intéresse tout particulièrement, monsieur le sénateur, reste une implantation stratégique majeure du groupe SAFRAN en Île-de-France, employant environ 5 000 personnes parmi lesquelles figurent à peu près 1 000 ingénieurs de la direction technique de la SNECMA. Sur ce site sont assurés l’assemblage des moteurs, les essais avant première monte, les services vente et après-vente. L’usine SAFRAN Power est également située sur ce site, tout comme les activités de régulation moteur d’Hispano-Suiza.
Au-delà du cas particulier du groupe SAFRAN, la filière aéronautique est engagée dans une évolution profonde. L’ampleur des conséquences économiques et sociales de cette mutation, dans laquelle la France est au premier rang des acteurs mondiaux, a amené le Gouvernement à s’engager pour contribuer à faire de ces évolutions des opportunités pour le tissu industriel national.
J’en veux pour preuve le plan pour l’industrie aéronautique annoncé par M. le Premier ministre à Marignane le 11 octobre 2007, complété à Toulouse le 23 juillet dernier. Il concerne l’ensemble de la filière et a pour objet de consolider ou de favoriser l’émergence d’acteurs de premier plan. Il s’agit de soutenir l’innovation. À cette fin, il convient de noter, en particulier, le doublement du budget de soutien à la recherche industrielle mis en place par la Direction générale de l’aviation civile et la création du fonds d’investissement Aerofund II doté de 75 millions d’euros par l’État via la Caisse des dépôts et consignations. Cette action va tout à fait dans le sens de ce que vous appelez de vos vœux, monsieur le sénateur.
Je veux également citer les actions collectives mises en œuvre au niveau régional par les DRIRE pour répondre aux besoins du tissu aéronautique en matière de stratégie industrielle et d’anticipation des besoins dans le domaine des ressources humaines. Relevons la mobilisation de 20 millions d’euros dans les appels à projet de l’Agence nationale pour la recherche sur des thématiques directement liées à la filière aéronautique. Notons aussi un dispositif de couverture du risque de change, auquel j’ai particulièrement veillé, mis en place avec la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, pour aider les équipementiers du secteur aéronautique à faire face, à l’époque, à la faiblesse du dollar.
Enfin, dans le cadre de la politique de mise en valeur de l’innovation, je veux souligner que trois pôles de compétitivité sont dédiés à l’aéronautique et ont obtenu le soutien du fonds unique interministériel pour le financement des projets des pôles, soutien auquel s’ajoutent 15 millions d’euros provenant des collectivités.
C’est ainsi qu’au premier semestre 2008 les projets pour la recherche et le développement ou portant sur des thématiques proches ont bénéficié de près de 40 millions d’euros de soutien de ce fonds unique interministériel et de 16 millions d’euros qui leur ont été affectés par les collectivités.
En ayant visé l’ensemble de ces interventions, je veux confirmer, de manière générale, l’engagement très fort du Gouvernement à l’égard de cette filière d’excellence que constitue l’activité aéronautique.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame le secrétaire d’État, je vous remercie de m’avoir apporté ces précisions. Cependant, vous avouerez qu’il serait tout à fait regrettable et paradoxal que l’engagement que vous venez d’annoncer et dont les effets devront être vérifiés se traduise pour les salariés de grande compétence et de très haute qualification du secteur concerné par de plus grandes difficultés.
Le projet de transfert de personnel et d’activités, que j’ai évoqué, intervient après deux transferts précédents. Ainsi, la filiale ELECMA de la SNECMA qui se situait auparavant à Suresnes, avait déjà été transférée sur le site de Villaroche. Les salariés, obligés de suivre, avaient probablement investi dans l’achat de résidences. Aujourd’hui, on leur demanderait de se rapprocher de la capitale et d’aller travailler à Massy, dans la plus grande opacité, sans qu’ils sachent quelles tâches leur seraient confiées ? La direction reconnaît elle-même ne pas être en mesure, pour l’instant, de donner les affectations précises des postes. On peut se poser la question de savoir quelle est la logique industrielle de ce grand groupe. C’est peut-être la taille de ce dernier qui rend cette logique si difficile.
Au mois de juin 2005, j’avais déjà interrogé le Gouvernement au sujet de la fermeture annoncée des activités d’équipement spatial de la société SNECMA Moteurs sur le site de Villaroche. M. Léon Bertrand avait notamment répondu à mes interrogations sur la fusion entre la SNECMA et la SAGEM. Selon lui, elle renforçait la compétitivité du tissu industriel français et conduisait à la constitution, avec SAFRAN, d’un ensemble robuste, financièrement plus stable. Il indiquait que « l’État a à cœur d’accompagner le développement de l’industrie aéronautique. Le soutien à la recherche et au développement représente une dimension essentielle de la politique industrielle du Gouvernement. »
Les craintes que je formulais voilà trois ans se sont concrétisées, car la fusion de grands groupes industriels tels que la SNECMA et la SAGEM s’est traduite par une importante perte de savoir-faire dans ce secteur.
Sur le site de Villaroche, la SNECMA a abandonné en 2005 la filière des équipements de satellite, alors même qu’elle était la seule entreprise industrielle à intervenir dans ce domaine en France.
Aujourd'hui, le démantèlement du site de Réau et les nouvelles décisions de délocalisation de la sous-traitance à l’étranger sont de nature à affaiblir durablement le « poumon économique » du département de Seine-et-Marne.