Mme la présidente. Les amendements nos 73 et 148 sont identiques.
L'amendement n° 73 est présenté par M. Retailleau, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 148 est présenté par MM. Renar, Ralite et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-24 du code de la propriété intellectuelle :
« S'il estime qu'une recommandation adressée en vertu du présent article lui a été signifiée à tort, l'abonné, justifiant de son identité, peut en contester par courrier son bien-fondé auprès de la Haute autorité qui devra justifier sous trente jours l'envoi de cette recommandation, sous peine de nullité.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 73.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Cet amendement a le même objet que celui que vient de défendre Mme Morin-Desailly.
Je sais que l’on va m’objecter la lourdeur de la procédure et le risque d’engorgement; mais respecter un certain nombre de droits crée des obligations et donne lieu à des procédures contradictoires.
Pouvoir au moins envoyer un courrier, essayer de se justifier dès la première mise en garde me paraît de bon sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar, pour défendre l’amendement n° 148.
M. Ivan Renar. Nous faisons la queue pour présenter nos amendements et sous-amendements comme les « délinquants » la feront bientôt, si j’ai bien compris, à la HADOPI ! (Sourires.)
Il est essentiel que l’abonné au net puisse se défendre dès la première phase de la riposte graduée, qui en compte trois, c’est-à-dire dès le premier message d’avertissement envoyé par la HADOPI sous forme de courrier électronique et appelé « recommandation ».
Il est en effet fondamental que les débats soient menés de bout en bout de la procédure de façon contradictoire, ne serait-ce que pour vérifier l’existence du délit de violation d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin.
La HADOPI ne construira véritablement son autorité et sa légitimité que si son instruction respecte scrupuleusement les droits de la défense et la présomption d’innocence. Il ne serait pas respectueux des libertés de ne pas instituer un examen contradictoire dès l’envoi du premier avertissement.
L’abonné doit pouvoir justifier de sa bonne foi dès l’amont de la riposte en ayant la possibilité de protester par courrier, d’autant que les mesures de filtrage préconisées sont loin d’être sûres et que les esprits mal intentionnés peuvent utiliser frauduleusement des adresses IP afin de télécharger illicitement en toute impunité, faisant ainsi porter la responsabilité et le préjudice sur une personne innocente.
L’erreur est humaine, mais punir un innocent ne serait pas humain. C’est pourquoi la recherche de la preuve doit être loyale et le doute profiter à l’accusé.
Il est par conséquent normal que, dans le projet de loi, soient fixées des règles relatives à l’exercice des droits de la défense, lequel passe traditionnellement par un examen contradictoire des faits.
Mme la présidente. L'amendement n° 132, présenté par MM. Lagauche et Assouline, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, M. Domeizel, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-24 du code de la propriété intellectuelle par une phrase ainsi rédigée :
L'abonné destinataire d'une recommandation peut adresser des observations, par la voie électronique, à la commission de protection des droits, dans un délai de 2 mois.
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Cet amendement se justifie par son texte même.
II est prévu, aux termes du nouvel article L. 331-24, que la première phase de la riposte graduée, consistant en l’envoi de deux recommandations successives par courrier électronique, ne porte pas grief et ne puisse être contestée devant les tribunaux, sauf si l’abonné réitère ses manquements dans des proportions telles que la HADOPI soit contrainte de prescrire une suspension de son abonnement internet. Dans ce cas seulement, l’abonné pourrait exercer ses droits de la défense et contester l’ensemble de la procédure devant les autorités judiciaires.
Si cette disposition est conforme au droit commun, elle pose néanmoins un problème : il est évident que la HADOPI pourra être amenée à envoyer des recommandations jugées abusives par certains destinataires. Ces internautes voudront bien entendu contester une injonction leur paraissant injustifiée. Il nous semble donc opportun de prévoir la mise en place d’une hotline sur laquelle ceux-ci pourront faire valoir leurs observations auprès de la HADOPI. Cette procédure serait de nature à garantir davantage les droits des internautes.
La mise en place de cette hotline de la HADOPI se justifie d’autant plus que le premier réflexe d’un internaute à qui aura été adressée une recommandation sera de la contester auprès de son fournisseur d’accès internet. Or le fournisseur d’accès ne peut être tenu pour responsable.
Telles sont les raisons très pragmatiques qui nous font penser que la mise en place d’une hotline de la HADOPI pour contester ces recommandations serait bienvenue.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Il n’est pas inutile, à ce stade du débat, de rappeler quelle sera la procédure suivie par la HADOPI lorsqu’elle sera saisie. Tout d’abord, elle adressera une recommandation. Or la recommandation ne faisant pas grief, elle n’est pas un acte qui, en soi, peut être contesté. Ensuite, elle enverra éventuellement une lettre recommandée. Je partage l’avis de Mme Tasca : il peut alors y avoir transmission d’une information à la HADOPI. Enfin, interviendra peut-être une sanction et, dans ce cas, des voies de recours seront possibles.
Donc, une gradation est prévue – telle est l’architecture du texte –, qui permet de faire des rappels à la loi et d’adresser des recommandations, lesquelles, ne faisant pas grief, n’ouvrent donc pas droit à recours.
Je rappelle qu’il est toujours possible de faire des recours gracieux devant la HADOPI, et que sera probablement mise en place une hotline, grâce à laquelle la HADOPI informera les internautes sur les procédures à suivre.
C’est la raison pour laquelle la commission est défavorable à l’amendement n° 63, ainsi qu’aux amendements identiques nos 73 et 148.
En revanche, elle est favorable à l’amendement n° 132, de façon à assurer la cohérence de la procédure et du processus engagé auprès de la HADOPI.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Les recommandations adressées par la HADOPI ne sont que de simples rappels à la loi. Certes, elles constituent un point de départ à partir duquel la constatation d’une récidive dans le délai d’un an est susceptible de donner lieu à sanction.
C’est pourquoi il est prévu dans le projet de loi que ces recommandations pourraient être contestées devant le juge, mais seulement à l’occasion du recours dirigé contre la sanction qui, elle, fait bien sûr grief à l’abonné.
En revanche, ouvrir la possibilité d’un contentieux sur les recommandations elles-mêmes pourrait inciter à l’engagement de procédures inutiles, qui viendraient peut-être gripper l’ensemble du système, voire, si plusieurs milliers d’internautes se groupaient systématiquement, l’empêcheraient de fonctionner.
La solution proposée offre un compromis raisonnable entre les exigences d’une procédure respectueuse du contradictoire et celles d’une fluidité, voire d’une faisabilité du dispositif.
Le Gouvernement serait prêt à suivre la proposition de Mme Tasca, sous réserve que l’amendement soit rectifié de façon qu’il y soit précisé que la recommandation porte mention de l’adresse postale ou électronique où l’abonné destinataire peut adresser des observations à la commission de protection des droits.
En revanche, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 63, ainsi qu’aux amendements identiques n°s 73 et 148.
Mme la présidente. Madame Tasca, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par Mme la ministre ?
Mme Catherine Tasca. Je l’accepte, madame la présidente.
Il s’agit de l’information de l’usager et cela va dans le bon sens.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 132 rectifié, présenté par MM. Lagauche et Assouline, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, M. Domeizel, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, qui est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-24 du code de la propriété intellectuelle par deux phrases ainsi rédigées :
La recommandation porte mention du numéro de téléphone ou de l'adresse postale ou électronique. L'abonné destinataire peut adresser des observations à la commission de protection des droits.
La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je tiens à formuler deux observations de nature purement juridique, car ces techniques modernes ne me sont pas familières.
La réponse qu’a faite tout à l’heure Mme la ministre à Mme Morin-Desailly était intéressante. Elle a tout d’abord estimé que la double peine, ce n’était pas grave, parce qu’il n’y en aurait pas beaucoup. Ensuite, elle a essayé de faire un peu mieux d’un point de vue juridique en invoquant l’existence de deux voies et en rappelant la règle Electa una via, non datur recursus ad alteram.
L’amendement de Mme Tasca nous convient, sauf que nous avions présenté un amendement identique, auquel la commission des finances a opposé l’article 40. Madame la présidente, l’application de l’article 40 diffère-t-elle selon les groupes ?
Mme Catherine Tasca. Changez de groupe !
M. Jean Desessard. Le nôtre est meilleur !
M. Michel Mercier. Nous attendons votre réponse avec le plus grand intérêt.
Cela dit, il s’agit non pas de gripper la machine, mais de rester fidèles aux principes de notre droit, même avec une technologie moderne. Les façons d’y parvenir peuvent être diverses, mais que le principe du contradictoire ne soit pas respecté me semble condamnable.
Nous ne sommes pas opposés à l’amendement de Mme Tasca : nous en avions déposé un qui était identique, mais l’article 40 ayant été invoqué sur le nôtre, nous n’avons pas pu le défendre.
Pour que la logique et l’équité soient respectées, l’article 40 devrait être invoqué sur l’amendement de Mme Tasca, puisqu’il l’a été sur le nôtre. Mais si Mme la ministre lave notre amendement de l’indignité de l’article 40, nous serons heureux de nous rallier au dispositif proposé.
Nous souhaitons que chaque internaute, qui reste un sujet de droit, puisse faire valoir les droits fondamentaux que la République reconnaît à tout citoyen, c’est-à-dire la règle du principe du contradictoire.
Le groupe de l’Union centriste a présenté l’amendement n° 63, que Mme Morin-Desailly a défendu, puisque, j’y insiste, la commission des finances a invoqué l’article 40 sur notre amendement qui était pourtant identique à celui de Mme Tasca. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Désormais, nous savons comment faire pour que nos amendements soient adoptés : nous les ferons déposer par Mme Tasca, ce qui améliorera sa position au sein de son groupe et la rapprochera du nôtre.
J’aimerais, madame la présidente, que soient unifiées les procédures d’opposition de l’article 40.
M. Nicolas About. Très bien !
M. Michel Mercier. Nous pourrions retirer notre amendement au profit de celui de Mme Tasca, puisque, je le répète, nous avions déposé le même, mais nous déplorons de n’avoir pu défendre le nôtre.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Je souhaite consoler M. Mercier : la commission des affaires économiques avait déposé, elle aussi, un amendement quasiment identique à l’amendement n° 132 et il a également subi la censure de l’article 40. Celui de Mme Tasca ayant été retenu, nous estimons que le nôtre est à peu près satisfait.
Par ailleurs, je ne pense pas possible d’interdire à quelqu’un ayant reçu une recommandation administrative d’envoyer un courrier à la HADOPI.
Cela étant, madame la présidente, je retire l’amendement n° 73.
Mme la présidente. L’amendement n° 73 est retiré.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Quelques sénateurs de mon groupe et moi-même avions déposé un amendement qui a lui aussi été rejeté, l’article 40 ayant été invoqué, sans doute à juste titre.
Comme l’amendement n° 132 rectifié va certainement être adopté, je souhaite le sous-amender.
Certaines personnes peuvent ne pas recevoir l’information par la voie électronique.
Si votre ligne wi-fi reste ouverte, comme c’est le cas de la mienne, d’autres personnes peuvent se connecter sur votre ligne et effectuer des téléchargements illégaux.
Si, en dépit des recommandations que vous lui aurez faites, votre enfant procède à des téléchargements illégaux, lui envoyer un courrier électronique ne servira à rien ; il ne vous en parlera jamais et vous ne serez donc pas informé.
Sans compter que de nombreuses familles, d’immigrés notamment, n’utilisent jamais internet, mais ont néanmoins un abonnement pour permettre à leurs enfants, élèves ou étudiants, d’effectuer les recherches dont ils ont besoin.
La progression qui nous est proposée est intéressante, mais l’e-mail ne suffit pas parce que le destinataire, qui est l’abonné à la ligne, ne sera pas toujours informé.
L’amendement de Mme Tasca ne tombant pas sous le coup de l’article 40, je souhaite le sous-amender afin qu’il soit précisé que l’abonné destinataire doit avoir été « informé auparavant par courrier ou par voie électronique ».
Cela permettrait d’introduire un élément de justice dans le cas où la ligne d’un abonné a été utilisée à son insu.
Mme Bernadette Dupont. C’est le bon sens !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 178, présenté par Mme Procaccia, ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 32 rectifié, après les mots :
abonné destinataire
insérer les mots :
informé auparavant par courrier ou par voie électronique,
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Nous déplorerons tous que le groupe de l’Union centriste se sente mis en quarantaine.
M. Nicolas About. Nous en avons l’habitude !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Il faut toutefois dépasser ce cas particulier. Toutes les commissions ont travaillé dans des conditions difficiles, car le délai limite pour le dépôt des amendements ne leur a laissé que très peu de temps pour examiner les propositions des uns et des autres. Nous devrons avoir ce fait présent à l’esprit lorsque nous discuterons de la réforme de nos méthodes de travail.
Le débat a mis en évidence l’existence, dans cet hémicycle, de deux convergences fortes : d’une part, le souci d’élaborer un dispositif équilibré et protecteur des droits de la création et, d’autre part, la volonté de donner une certaine sécurité juridique à ceux qui peuvent faire l’objet d’une mise en cause, d’un avertissement et, surtout, d’une décision faisant grief.
Nous devons veiller à préserver le caractère opérationnel du dispositif. Le dépôt d’un très grand nombre d’amendements serait une source de retard et risquerait de nuire au caractère opérationnel du système. Personne ne peut le souhaiter, car nous irions alors à l’encontre de la protection de la création.
La mesure proposée par Mme Tasca avait germé dans l’esprit de sénateurs appartenant à presque tous les groupes. Il s’agit d’un amendement d’équilibre et c’est pourquoi la commission des affaires culturelles en recommande l’adoption.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Je me réjouis que cet amendement, auquel je suis favorable, soit porté par différents groupes.
La recommandation ne se réduit pas à l’envoi d’un e-mail : c’est un terme générique qui recouvre à la fois l’e-mail et la lettre recommandée…
Mme Catherine Procaccia. C’est la deuxième étape !
Mme Christine Albanel, ministre. Oui, mais ni l’e-mail ni la lettre recommandée ne font grief. Ce qui porte préjudice à l’abonné, c’est uniquement la suspension de son abonnement. Les deux premiers temps de la recommandation peuvent donner lieu à des observations, à des contestations. La lettre recommandée a de grandes chances d’arriver, même si l’e-mail n’est pas parvenu à son destinataire.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je me suis déjà insurgé, dans cet hémicycle, contre la nouvelle interprétation donnée à l’article 40 de la Constitution. Ce qui vient de se passer démontre bien que l’on ne peut pas continuer ainsi.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Christian Cointat. J’aimerais bien que l’on m’explique ce qui, dans l’amendement de Mme Tasca, peut justifier l’invocation de l’article 40. En fait, par ce biais, on peut porter atteinte au pouvoir du Parlement, ce qui n’est pas acceptable.
Je comprends très bien pourquoi le groupe de l’Union centriste a été plus maltraité : qui aime bien châtie bien. (Sourires.) Le président de la commission des finances s’est sans doute d’abord intéressé aux siens, ce qui est tout à fait naturel.
L’article 40 de la Constitution doit protéger les finances publiques, nous en sommes bien d’accord, mais il ne doit pas porter atteinte au pouvoir du Parlement ! (Applaudissements sur de nombreuses travées de l’UMP, de l’Union centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous souhaitions également que, lors de la dernière étape, c'est-à-dire la suspension de la ligne, un courrier recommandé soit envoyé à l’abonné, mais notre amendement est, lui aussi, tombé sous le coup de l’article 40. Le groupe de l’Union centriste n’est donc pas la seule victime. Nous avions alors demandé à Mme la ministre, puisque le Gouvernement n’est pas soumis à l’article 40, de reprendre notre idée d’envoyer une lettre recommandée pour notifier la suspension de la ligne.
Mme la présidente. Monsieur Mercier, l'amendement n° 63 est-il maintenu ?
M. Michel Mercier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 63 est retiré.
Monsieur Renar, l'amendement n° 148 est-il maintenu ?
M. Ivan Renar. Nous sommes tous des victimes de l’article 40… (Rires.)
Tous les amendements allaient dans le même sens. Dès lors, je me rallie à l’amendement de Mme Tasca, qui a des chances d’être adopté, et je retire l’amendement no 148.
Mme la présidente. L'amendement n° 148 est retiré.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, la lettre recommandée est déjà une étape tardive. Pourquoi ne pas intervenir en amont et envoyer une lettre affranchie au tarif normal, ce qui est moins onéreux qu’une lettre recommandée, pour informer le titulaire de la ligne qu’il y a eu téléchargement illégal et qu’il s’expose à des difficultés ?
Nombreux sont ceux qui peuvent voir leur ligne détournée. Des amis peuvent un temps occuper votre appartement ; leurs enfants peuvent accéder à internet. Vous ne pouvez pas savoir s’ils ont effectué un téléchargement illégal.
Le sous-amendement no 178 me paraît donc parfaitement justifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement no 132 rectifié.
En revanche, elle est défavorable au sous-amendement no 178, tout simplement parce qu’il prévoit des dispositions figurant déjà dans le projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Comme la commission, il est défavorable au sous-amendement no 178 qui ne fait que reprendre les dispositions prévues dans le texte, à savoir l’envoi d’une recommandation par la voie électronique, puis l’envoi d’une lettre recommandée qui doit être signée, enfin, une décision de suspension.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, je suis un peu inquiet, car j’ai l’impression que nous avons voté sur un sous-amendement dont nous ne connaissons pas tous clairement le texte.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Madame la présidente, nous ne savons pas précisément quelle est la rédaction du sous-amendement n°178. Pour l’instant, il me semble qu’il est satisfait par les dispositions qui figurent dans le projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Après lecture du texte écrit qui vient de nous être distribué, la commission émet un avis favorable sur ce sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Après avoir lu le sous-amendement, le Gouvernement émet également un avis favorable.
Mme la présidente. Ce sous-amendement a été adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 132 rectifié, modifié.
M. Michel Mercier. Je voterai pour l’amendement de Mme Tasca parce qu’il est midi dix. (Rires.)
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 54, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 331-24 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces recommandations sont motivées et doivent mentionner au moins une œuvre ou un objet protégé par un droit d'auteur ou un droit voisin auquel il a été porté atteinte.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Le projet de loi prévoit que les recommandations adressées par la commission de la protection des droits doivent rappeler à l’abonné son obligation de respecter les droits d’auteur et droits voisins et doivent l’avertir des sanctions qu’il encourt en cas de renouvellement.
Sachant, d’une part, que ces recommandations ne sont pas contestables, qu’elles sont le préalable à une sanction éventuelle allant jusqu’à la suppression de l’abonnement, sachant, d’autre part, qu’il peut arriver dans de nombreux cas que l’abonné ne soit pas l’auteur des manquements aux obligations de l’article L.336-3, il semble souhaitable que celui-ci sache ce qui lui est reproché et quel est l’objet de cette mise en garde. L’abonné doit être en mesure de se défendre et avoir la possibilité de contester la sanction ultérieurement.
C’est pourquoi cet amendement prévoit que la recommandation soit motivée. J’avais initialement proposé qu’elle mentionne au moins une œuvre ou un objet protégé par un droit d’auteur ou un droit voisin auquel il a été porté atteinte. Nous avons eu une discussion, tout à l’heure, lors de l’examen de l’amendement de Mme Boumediene-Thiery, et des craintes très légitimes sont apparues concernant l’atteinte à la vie privée. J’entends très volontiers cet argument.
Aussi, je propose de rectifier mon amendement, qui se lirait ainsi : « Ces recommandations sont motivées. » Il reviendra à la HADOPI de trouver les moyens de la motivation.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 54 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste, ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 331-24 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces recommandations sont motivées.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Les recommandations seront envoyées à l’adresse IP. Il est important qu’un certain nombre de précisions soient données dans les recommandations, notamment le jour et l’heure des faits constatés.
En revanche, comme l’adresse IP renvoie soit au cercle familial, soit à une collectivité, soit à une entreprise, il ne nous paraît pas souhaitable que les faits constatés puissent être portés à la connaissance du détenteur de l’adresse IP, tout simplement pour des raisons de protection de la vie privée. Il n’est en effet pas souhaitable qu’un chef d’entreprise, qu’un directeur d’établissement public ou que le détenteur de l’abonnement dans la famille puisse avoir connaissance des œuvres piratées. Cela risque d’introduire des problèmes sans rapport avec le sujet de nos débats.
C’est pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Nous émettons le même avis que M. le rapporteur, précisément pour ces raisons de confidentialité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. La rectification de mon amendement laisse à la HADOPI la marge de manœuvre nécessaire pour inscrire des motivations respectueuses de la vie privée : le jour, l’heure et éventuellement le site.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Cela ne change rien ! L’heure et la date seront précisées dans la recommandation et cela constitue déjà une forme de motivation de l’envoi de la recommandation.
Aller plus loin introduirait des données que l’on ne maîtriserait pas à ce niveau de la discussion. Qu’entend-on, en effet, par motivation ?
Je maintiens l’avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Nous ne sommes pas défavorables à ce que les recommandations soient motivées par la mention du jour et de l’heure, ou, éventuellement, du nombre de fichiers piratés. En revanche, nous sommes défavorables à des mentions plus explicites des fichiers piratés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il me semble que cet amendement est contradictoire avec les amendements n os 130 rectifié et 131 rectifié que nous avons adoptés.
En effet, comme le dit M. le rapporteur, la recommandation doit préciser des éléments comme la date et l’heure du téléchargement. Mais prévoir qu’elle doit être motivée me semble dangereux.
Mme la présidente. Madame Morin-Desailly, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Il ne semble pas contradictoire avec ceux de Mme Boumediene-Thiery, qui a apporté des précisions très utiles. La motivation peut tout à fait respecter la vie privée.
Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle, après les mots :
adressée par la commission
insérer les mots :
de protection des droits
La parole est à M. le rapporteur.