M. François Marc. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Merci, monsieur le rapporteur pour avis ! Vous êtes fidèle à l’esprit de nos travaux !
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 35.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Notre amendement rejoint celui de M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Serge Dassault. Nous voulons supprimer l’article 1er de ce projet de loi pour les mêmes raisons budgétaires, mais aussi pour d’autres raisons.
Le fait d’envoyer par cette simple mesure, dès 2009, plusieurs centaines de millions d’euros par-dessus les moulins est absolument hors de saison, et la commission des finances, avec raison, a été unanime sur ce point.
Comme je l’ai indiqué tout à l'heure dans le cadre de la discussion générale, le dispositif prévu pour l’intéressement devrait coûter 377 millions d’euros en 2010, 783 millions en 2011 et plus de 1 200 millions d’euros en 2012.
Quant à la prime exceptionnelle d’intéressement, elle engendrerait, de votre propre aveu, monsieur le ministre, un coût de 139 millions d’euros en 2009, pour une moyenne de 750 euros par salarié.
Ce crédit d’impôt à hauteur de 20 % est bien cher payé pour permettre aux employeurs de faire passer des primes jusqu’alors stables en intéressement aléatoire.
De plus, les exonérations ne seront pas compensées, ce qui accentuera encore le déficit de la sécurité sociale, et ce à cause d’une manipulation budgétaire et d’un cadeau octroyé aux employeurs.
Par ailleurs, avec l’article 1er, vous poursuivez, monsieur le ministre, la lente dérive des salaires vers ce que vous appelez les revenus du travail, des revenus d’origines diverses parcellisés et aléatoires, à la discrétion de l’employeur, des revenus qui maintiennent les salariés dans une insécurité et une soumission constantes. Les employeurs en tirent deux avantages : distribuer ou non l’intéressement et contourner le dialogue social.
Nous n’en voulons pour preuve que l’amendement adopté par l’Assemblée nationale et prévoyant que les accords d’intéressement peuvent être renouvelés par tacite reconduction.
Sous l’alibi du pouvoir d’achat, voilà une belle manipulation, qui va bien au-delà d’un projet de loi que certains croient anodin.
Encore une fois, il ne s’agit donc que de diminuer subrepticement l’imposition des entreprises, en accentuant le caractère aléatoire de la rémunération du travail. Et c’est le contribuable qui doit de nouveau assurer le financement de la mesure !
M. Guy Fischer. Et voilà !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous rejoignons donc M. le rapporteur pour avis dans son opposition à cet article totalement inopportun et dont le fondement politique est profondément nuisible à la politique salariale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 73.
Mme Annie David. L’article 1er a pour vocation de modifier le dispositif existant en matière d’intéressement.
Si l’on en croit le Gouvernement, le principe de l’intéressement aurait fait ses preuves. Dès lors, pourquoi les Français ont-ils le sentiment, justifié, que leur pouvoir d’achat n’augmente pas ? Selon un indice définitif de la direction de l’animation, de la recherche et des études statistiques, la DARES, le salaire mensuel de base a accusé une perte de pouvoir d’achat de 0,4 point au deuxième trimestre 2008, comme au premier trimestre.
Depuis 2006, le Gouvernement multiplie les lois afin, prétendument, d’augmenter le pouvoir d’achat, de relancer l’économie, de booster la croissance et la consommation des ménages. Durant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait même promis qu’il demanderait « aux entreprises de faire un effort sur les salaires, car l’État fait lui-même un effort sur les allégements de charges ».
Or l’article 1er du projet de loi prévoit bien de nouveaux allégements de charges en direction des entreprises, mais – et ce n’est pas vraiment étonnant ! – l’effort demandé aux entreprises sur les salaires n’apparaît pas comme une contrepartie de ces allégements.
Il est proposé en effet qu’un crédit d’impôt, égal à 20 % des sommes versées, soit accordé aux entreprises concluant un accord d’intéressement.
Autrement dit, la voie choisie par le Gouvernement pour augmenter le pouvoir d’achat passe, une nouvelle fois, par une incitation fiscale, au profit des entreprises, mais au détriment des comptes sociaux et des déficits publics.
Sur ce sujet, je suis en accord avec les propos de M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je le dirai à M. Roland Muzeau ! (Sourires.)
Mme Annie David. Le rapporteur pour avis de ce texte à l’Assemblée nationale, M. Louis Giscard d’Estaing, s’inquiète lui aussi du coût de cette mesure pour les finances publiques. II l’explique en ces termes : « L’impact d’un tel dispositif sur les finances publiques n’est pas négligeable. Sur la base d’un doublement des sommes versées au titre de l’intéressement en quatre ans, le Gouvernement estime à un milliard d’euros par année le coût, en régime de croisière, de cette mesure incitative. »
Les caisses de l’État étant vides – mais on trouve 360 milliards d’euros pour les banques ! – le chef de l’État, par cette nouvelle incitation en faveur de l’intéressement, renvoie les salariés qui voudraient accroître leur pouvoir d’achat vers leurs entreprises. Mais, d’une part, ce n’est pas en créant un nouveau crédit d’impôt que les caisses de l’État vont se remplir à nouveau et, d’autre part, les salariés se rendent bien compte que l’intéressement ne remplace pas une augmentation de leur salaire.
Les entreprises, qui bénéficieront une nouvelle fois d’exonérations fiscales en contrepartie de l’extension de l’intéressement et de la prime exceptionnelle de 1 500 euros, auront tout intérêt à privilégier ces modes de rémunération, sans avoir à augmenter les salaires ou même à les aligner sur les prix.
Cependant, ce choix ne sera pas sans conséquences sur les salariés : il risque fort de renforcer les inégalités et les disparités selon la taille de l’entreprise et la nature de l’activité, sans compter bien évidemment les conséquences sur les retraites et les régimes d’assurance maladie.
Vous l’aurez compris, comme nos collègues socialistes et M. le rapporteur pour avis, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter pour la suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je ne vous cacherai pas, mes chers collègues, que la commission des affaires sociales, comme moi à titre personnel, s’est interrogée sur le manque à gagner qu’engendrera l’adoption de l’article 1er.
Cela étant, cette incitation est indispensable, dans le contexte de crise que nous connaissons, pour relancer l’intéressement et la participation. Comme le disait tout à fait justement M. le ministre, il est essentiel de mettre en place auprès des chefs d’entreprise des mesures très incitatives pour doubler la participation et l’épargne salariale.
Mme Nicole Bricq. Cela ne marchera pas !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Pourquoi dites-vous cela ?
M. Guy Fischer. L’expérience !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Parce qu’elle est attachée au développement de l’intéressement, la commission des affaires sociales est donc défavorable à ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je connais, depuis la semaine dernière, la position de la commission des finances sur ce sujet, et j’ai bien compris qu’elle attendait un certain nombre de réponses. Par ailleurs, j’ai écouté attentivement les propos de M. Serge Dassault, qui a décidé de maintenir cet amendement, car la commission des finances l’avait adopté et qu’il n’était pas en son pouvoir de le retirer. En définitive, monsieur le rapporteur pour avis, c’était une manière d’engager un débat sur ce sujet ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ce crédit d’impôt, il est vrai, représente un effort important. Si nous voulons booster l’intéressement, en le doublant d’ici à 2012, il faut décider des moyens à utiliser, car les grands discours ne suffiront pas !
Certes, il y a la voie de la contrainte, mais elle est dangereuse. En effet, pour connaître personnellement le monde de l’entreprise, je peux vous dire que, en contraignant de la même façon toutes les entreprises, on nie leur réalité, car elles sont toutes différentes. Ne comptez pas sur moi pour refaire l’erreur des 35 heures de Mme Aubry ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. On ne met pas le même costume à toutes les entreprises de France ! Deux entreprises de tailles différentes ou de secteurs différents rencontrent des problèmes différents qui appellent des réponses différentes.
Par conséquent, je crois au sur-mesure, lequel est rendu possible par l’outil que constitue le crédit d’impôt. C’est d’ailleurs cette disposition qui nous permettra de faire progresser l’intéressement dans les PME.
Monsieur Larcher, vous qui avez occupé mes fonctions avant de devenir président du Sénat, vous savez que le pragmatisme est la bonne réponse. Vous qui êtes aussi un expert en matière de dialogue social, vous savez que le champ de l’intéressement, c’est le dialogue social.
Certains d’entre vous mettent en avant le coût d’une telle opération. Pour moi, c’est un investissement.
En effet, si nous réussissons à doubler l’intéressement d’ici à 2012, le coût du dispositif atteindra 1 milliard à 1,1 milliard d’euros. Mais, monsieur le rapporteur pour avis, il faut tout dire, il faut également évoquer les recettes qui seront ainsi créées.
Comme je l’ai dit à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, l’intéressement est assujetti à la CSG-CRDS et à l’impôt. Par ailleurs, comme Mme le rapporteur l’a souligné tout à l’heure, le forfait social s’appliquera également à l’intéressement.
Au final, entre le fiscal et le social, si cet investissement d’un milliard d’euros représente effectivement un manque à gagner pour le budget de l’État, il sera forcément récupéré, et ce à l’euro près, par le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. (M. Guy Fischer proteste.)
Je comprends votre grande vigilance à l’égard des finances publiques, mais ce qui importe, c’est que le coût soit neutre pour le budget de l’État et de la sécurité sociale et que le gain soit réel pour les salariés. Or on peut dire que 7 milliards d’euros supplémentaires seront distribués aux salariés. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Comme vous pouvez le constater, il y aura un équilibrage entre l’investissement et les recettes.
M. Guy Fischer. Mais non !
M. Xavier Bertrand, ministre. Si vous n’êtes pas intéressé par 7 milliards d’euros supplémentaires pour les salariés, c’est votre choix, monsieur Fischer ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Si vous estimez que l’État doit fixer les salaires, c’est votre droit. Toutefois, je n’ai pas le sentiment que ce soit le choix ni des entrepreneurs ni des Français.
M. Guy Fischer. Ce sont des salaires confisqués !
M. Xavier Bertrand, ministre. Telles sont les raisons pour lesquelles l’incitation est la vraie solution.
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. Xavier Bertrand, ministre. J’opposerai la même argumentation à Mmes Jarraud-Vergnolle et David.
Puisque vous ne pouvez pas retirer l’amendement n° 21, qui a été adopté par la commission des finances, monsieur Dassault, le Gouvernement engage le Sénat à ne pas l’adopter.
M. Guy Fischer. C’est un appel à la majorité !
M. Xavier Bertrand, ministre. En effet, sans l’article 1er, il est certain que nous ne réussirons pas à faire profiter les salariés, notamment ceux des PME, d’un doublement de l’intéressement.
Je souhaitais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, ces quelques éléments de réponse aux questions légitimes que vous avez posées. Sans l’article 1er, qui est le cœur de ce texte, il n’y a plus de projet de loi sur l’intéressement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, vous êtes enthousiaste, car vous croyez que cette mesure va marcher. Au demeurant, si tel n’est pas le cas, il n’y aura pas de problème…
Cela dit, présentez-nous, dans un an, le bilan de cette opération, en dénombrant les entreprises qui ont effectivement profité de cette mesure pour développer l’intéressement ! Je vous fais le pari que leur nombre ne sera pas considérable !
Pour ma part, je me soucie surtout du déficit budgétaire. Bien sûr, vous dites que vous allez récupérer ces sommes par d’autres biais, mais ce qui « plombe » notre déficit, ce sont tous les allégements généraux de cotisations sociales décidés par le Gouvernement. En 2009, ils devraient atteindre environ 25 milliards d’euros !
Quand allons-nous nous arrêter ? Cette déduction sera-t-elle permanente ou ne durera-t-elle que quelques années ? En effet, chaque fois que des allégements fiscaux sont prévus, aucune limite n’est jamais fixée ! Pourriez-vous, dans ce cas, fixer une limite ?
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Alquier. L’objectif affiché de ce projet de loi est de « moderniser et dynamiser la politique salariale de notre pays ».
On a appris à savoir ce que cela veut dire, car, dans l’avalanche de textes toujours présentés en urgence, mais aussi avec une certaine persévérance, c’est toujours la même logique idéologique qui s’affirme : « moderniser » signifie désengager l’État et diminuer les services publics ; « dynamiser » veut dire détricoter toutes les garanties collectives assurant la protection du salarié.
Cet article 1er d’un projet de loi censé agir pour le pouvoir d’achat – question ô combien préoccupante pour nos concitoyens ! – institue un crédit d’impôt, à hauteur de 20 % des sommes versées, pour les entreprises qui concluent un accord d’intéressement dans certaines conditions et rend possible le versement d’une prime exceptionnelle plafonnée à 1 500 euros par salarié, si un accord ou un avenant est conclu entre certaines dates.
Toujours les mêmes placebos pour un mal qui, pendant ce temps, s’aggrave et s’étend ! Les niches fiscales assèchent depuis des années les finances publiques, puisqu’elles représentent 22,8 milliards d’euros en 2008, comme M. le rapporteur pour avis vient de le rappeler, et ce sans réel impact sur les créations d’emploi et l’amélioration du pouvoir d’achat.
L’instauration de primes, cela a déjà été tenté dans la loi pour le pouvoir d’achat adoptée en février dernier, c'est-à-dire très récemment. Quel en est le résultat ? On ne sait pas ! On légifère de nouveau sans jamais avoir de bilans sur lesquels s’appuyer.
On a aussi, essayé les heures supplémentaires - travailler plus pour gagner plus ! - et le rachat des jours de RTT, avec les maigres résultats que l’on connaît...
En l’espace de dix-huit mois, c’est le quatrième texte concernant le pouvoir d’achat qui nous est présenté : quel formidable aveu d’inefficacité et d’incompétence de la part du Gouvernement, incapable d’apporter des solutions concrètes et tangibles à ceux qui peinent à se loger, à se soigner et à vivre dignement !
Pourtant, vous nous affirmez que ça marche, monsieur le ministre, alors même que le pouvoir d’achat, loin d’augmenter, a baissé de 0,4 point en douze mois !
Mais, si ça marche, pourquoi déposer un autre texte ? Peut-être pour avancer encore d’un pas dans la fragilisation de la garantie collective que constitue le salaire direct ! Car cet article 1er, loin de favoriser, tout simplement, l’augmentation des salaires - ce qui permettrait de combattre directement et efficacement l’érosion du pouvoir d’achat -, vise à faire dépendre les revenus du seul bon vouloir - ou pouvoir - des dirigeants d’entreprises, avec tout ce que cela comporte d’aléatoire et donc d’insécurisant !
Les revenus ne seront plus garantis collectivement, mais individualisés et donc soumis à des résultats bien incertains dans le contexte actuel.
Rappelons, au surplus, que les primes exonérées de cotisations sociales ne sont pas prises en compte pour la retraite...
Ce n’est certainement pas avec ce genre de solutions qui, en outre, ne concernent que 8 millions de salariés et excluent les salariés des fonctions publiques, les retraités, les chômeurs et des catégories de salariés pour lesquels la question d’un quelconque intéressement ne se posera jamais, que le Gouvernement va rassurer les Français et leur redonner confiance dans l’avenir...
En conséquence, nous rejetterons cet article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Avant d’expliquer mon vote et celui de mes amis du groupe socialiste, je commencerai par rendre hommage à notre collègue Serge Dassault.
Même si nous conservons certains points de désaccord avec lui, nous sommes frappés par son souci d’honnêteté intellectuelle sur le sujet qui nous occupe. Incontestablement, il parle de choses qu’il connaît bien : l’entreprise, la nécessité de motiver ses acteurs et ses salariés, mais aussi de mieux répartir le profit et les bénéfices après impôt. Il mérite d’être entendu !
Il éprouve pourtant de la peine à convaincre ses collègues, alors qu’il ne fait que rapporter objectivement ce que la commission des finances a décidé, à l’unanimité. La rumeur prétend qu’il n’y avait pas grand monde en commission.
Mme Nicole Bricq. Nous étions tous là !
M. François Marc. En fait, le taux de présence était nettement supérieur à celui que l’on observe ce soir dans cet hémicycle ! Je peux moi-même en attester ! C’est incontestablement à l’unanimité que la commission des finances a approuvé cette stratégie qui consiste à faire preuve de vigilance sur toutes les questions budgétaires, notamment sur la suppression des exonérations et des niches fiscales.
Aujourd’hui, le déficit public pour 2009 avoisinera les 60 milliards d’euros, la dette publique, les 1 300 milliards d’euros et la charge de la dette, les 50 milliards d’euros. La situation est donc exceptionnellement difficile.
Depuis quelques semaines, on se demande de toute part, à droite, à gauche, au centre, comme dans tous les pays, pourquoi on n’a pas anticipé, pourquoi on n’a pas su éviter ces dérives. En l’occurrence, nous sommes confrontés à une dérive budgétaire parfaitement organisée, puisque vous venez, à l’instant, monsieur le ministre, de nous expliquer que nous ne sommes pas à 1,2 milliard près !
Notre groupe est soucieux de rappeler au Sénat la responsabilité qu’il a de prendre en considération le vote émis par la commission des finances.
À l’instant, M. Dassault se demandait quand cette dérive allait cesser. Il ne faisait que traduire une idée partagée par tous les membres de la commission des finances. Il est temps, en effet, de mettre un coup d’arrêt à ces logiques d’exonérations et de niches fiscales.
C’est la raison pour laquelle nous devons voter en faveur de la suppression de ce nouveau crédit d’impôt accordé aux entreprises, mes chers collègues.
Comme on nous l’a expliqué tout à l’heure, ça ne marchera pas ! Gardons pour nous ces 1,2 milliard d’euros et veillons à préserver nos équilibres budgétaires, comme le souhaite unanimement la commission des finances.
J’entends dire que le Gouvernement devra, dans un an, rendre compte des effets produits par les mesures adoptées. Je me permettrai de faire deux remarques à ce sujet.
Premièrement, on entend dire depuis 2002 qu’il faut booster l’économie, en adoptant des dispositions fiscales plus favorables à l’investissement, en incitant, au moyen de baisses d’impôts, les investisseurs à créer davantage d’emplois. Or, incontestablement, les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Deuxièmement, avec la réforme constitutionnelle, l’opposition est aujourd’hui dans la capacité de demander des comptes. Ainsi, et à moins que vous n’en preniez vous-même l’initiative, monsieur le ministre, notre groupe, comme l’ensemble de l’opposition, sera à même de vous interroger d’une façon précise, devant notre assemblée.
Pour l’instant, nous souhaitons qu’une majorité de nos collègues vote en faveur de cet amendement de suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je viens soutenir l’amendement de suppression qu’a présenté notre camarade Annie David.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et le camarade Dassault. (Sourires.)
M. Guy Fischer. On croirait entendre Roland Muzeau ! (Nouveaux sourires.)
Cet amendement s’avère d’autant plus pertinent que la réalité est très claire : le Gouvernement s’apprête à faire un nouveau cadeau fiscal de 1,2 milliard aux entreprises.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est lié !
M. Guy Fischer. On sait bien comment ça se passe ! J’ai entre les mains un extrait du Figaro magazine daté du 27 septembre 2008.
M. Guy Fischer. Dans ce numéro, M. Dassault nous explique que la France compte 507 niches fiscales, qui sont autant de dérogations à la règle générale et dont le coût avoisine les 73 milliards d’euros, un fromage dans lequel on pourrait puiser, aussi bien pour financer le RSA – c’est d’actualité – que pour combler le trou grandissant des finances publiques.
Dans le même temps, le déficit des comptes sociaux continue de s’aggraver. Savez-vous, mes chers collègues, à combien nous en sommes en matière d’exonérations de cotisations sociales ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. À 30 milliards.
M. Guy Fischer. En fait, à 32 milliards d’euros !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. À 2 milliards près !
M. Guy Fischer. Alors que le Gouvernement tente de nous faire croire que les entreprises, notamment les petites, vont distribuer à leurs salariés intéressement et participation, nous assistons dans le même temps à une destruction d’emplois sans précédent.
Quatre secteurs sont particulièrement touchés : l’immobilier – il fallait s’y attendre –, l’automobile, l’intérim et la publicité. S’agissant plus particulièrement des difficultés du secteur automobile, elles auront des conséquences en chaîne sur tous les petits sous-traitants, notamment les équipementiers, qui sont tous des PME – on le sait bien dans la région lyonnaise !
À l’heure où ces différents tsunamis sont en train de balayer plusieurs milliers d’emplois, on peut légitimement s’interroger sur la validité de la démarche suivie par le Gouvernement.
Pour leur part, les groupes CRC et socialistes plaident pour une véritable politique des salaires.
Mme Gisèle Printz. Voilà !
M. Guy Fischer. On assiste en effet à un écrasement sans précédent des salaires et des retraites.
Si l’on fait le bilan de l’année 2008, on constate que les retraites ont été revalorisées de 1,1 % au 1er janvier et de 0,8 % au mois de septembre, soit 1,37% sur l’année, alors que l’inflation s’élève à 3,5 %, voire 3,6 %. Quant aux salaires dans la fonction publique, ils ont augmenté de 0,8 % au mois de mars et de 0,3 % au 1er octobre. Pour les retraités, on parle d’une baisse de 15 % de leur pouvoir d’achat sur les dix dernières années.
Ce sont autant de raisons qui expliquent qu’aujourd’hui les Françaises et les Français veulent voir leur pouvoir d’achat augmenter, non pas à l’aide d’un salaire différé, mais grâce à un véritable relèvement des salaires, des retraites et des minima sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Marc, si ça coûte, c’est que ça marche ! Vous avez l’air de vous en étonner… C’est pourtant clair : si ce coût pour les finances publiques se matérialise effectivement, c’est tout simplement qu’on aura distribué 7 milliards d’euros supplémentaires aux salariés !
Je ne cherche pas à relever une contradiction, mais simplement à vous dire qu’il faut savoir ce que l’on veut !
Mme Nicole Bricq. C’est vous qui vous contredisez !
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame Bricq, ce genre de phrases ne rime à rien ! Prenons plutôt le temps de débattre et d’argumenter.
Monsieur Fischer, j’entends votre argumentation, même si je ne la partage pas, ce dont vous ne serez pas surpris, mais le vrai sujet, c’est de savoir de quels moyens on dispose aujourd’hui pour accroître le revenu des salariés. Ce projet de loi vise à inciter les entreprises à jouer le jeu des négociations salariales. C’est ce que s’attachera à défendre Laurent Wauquiez. Voilà des années qu’on en parle. Nous le faisons !
M. Guy Fischer. C’est virtuel !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est pourquoi, dans ce texte, on trouve à la fois des éléments relatifs à l’intéressement, à la participation et aux salaires. Ainsi, on marche bien sur deux jambes, l’intéressement et la participation venant s’ajouter, et non se substituer, à la négociation salariale.
Monsieur le rapporteur pour avis Serge Dassault, j’entends bien ce que vous me dites, et je suis prêt à relever le défi que vous m’avez lancé, parce que j’ai confiance en notre projet. J’entends également ce que vous avez voulu proposer avec la règle des trois tiers. Je comprends que vous souhaitez, même, aller au-delà.
Mais, vous le savez, et j’en parlais à l’instant avec le président About, quand on doit légiférer, on commence par se poser des questions, on recherche la meilleure solution. Puis, à un moment donné, on doit décider et apporter des réponses.
En l’occurrence, les chefs d’entreprise nous demandent de pas leur imposer des normes trop contraignantes, mais de procéder plutôt par voie d’incitation. C’est précisément le choix que nous avons fait.
Si je vous ai bien compris, monsieur Dassault, vous étiez d’accord avec le dispositif gouvernemental, à condition que celui-ci soit évalué. J’y suis favorable. Mais, en attendant, le Gouvernement demande que les différents amendements soient rejetés. J’espère que vous partagerez ce point de vue, monsieur le rapporteur pour avis.
M. François Marc. Le problème, c’est le déficit !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21, 35 et 73.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°25 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 145 |
Contre | 195 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. François Marc. On s’approche de la majorité !
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Debré, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du V de cet article, après les mots :
en cours à la date de publication de la présente loi
insérer les mots :
modifiant les modalités de calcul de l'intéressement
La parole est à Mme le rapporteur.