M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qui trop embrasse mal étreint !
M. Claude Lise. En conclusion, je dirai que le RSA peut devenir un instrument efficace de lutte contre la pauvreté et l’exclusion dans les départements d’outre-mer, où ces phénomènes sont d’une acuité particulière, mais seulement à deux conditions.
La première, c’est que les préoccupations d’économie budgétaire ne l’emportent pas, lors la mise en place du dispositif, sur les objectifs affichés.
La seconde, c’est que s’engage très rapidement une concertation avec les acteurs locaux, car elle seule permettra d’appréhender les réalités locales qu’il est indispensable de prendre en compte. Cette concertation ne manquera pas de mettre en évidence le haut niveau d’engagement des acteurs locaux dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Elle sera aussi l’occasion pour eux de rappeler très fortement que, contrairement aux idées reçues, la très grande majorité des pauvres, dans nos départements d’outre-mer, ne sont pas des demandeurs d’assistance, mais des demandeurs de développement économique et d’emploi durable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.- M. Jean-Paul Virapoullé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Etienne.
M. Jean-Claude Etienne. Monsieur le président, monsieur le Haut-commissaire, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, chère Bernadette Dupont, monsieur le rapporteur, cher Éric Doligé, je vous prie tout d’abord de bien vouloir m’excuser, car je ne parlerai pas du RSA. (Sourires.) J’ai en effet choisi de traiter plutôt du contrat unique d’insertion.
L’an dernier, un rapport du Sénat regrettait la multiplicité des formules de contrats aidés et préconisait en conclusion de mettre au point, pour sortir du maquis des formules existantes, un protocole unique de contrat.
Votre projet de loi, monsieur le haut-commissaire, notamment ses dispositions relatives au contrat unique d’insertion, arrive à point nommé.
Il est en effet très important, surtout dans la période actuelle d’incertitude économique, de définir un accompagnement des personnes en recherche d’insertion qui soit non seulement uniciste, comme l’indique en exergue l’intitulé de ce contrat, mais également performant, en tout cas plus performant que les dispositifs antérieurs.
C’est sur le degré de performance du contrat unique d’insertion que je souhaite m’attarder.
Vous avez entendu comme nous tous, monsieur le haut-commissaire, ce que l’on dit à propos des différents contrats aidés existants. Pour faire court, et sans parvenir à éviter la caricature, on peut ainsi résumer ces critiques : les contrats aidés se terminent presque tous à l’ANPE ; ce sont des effets d’aubaine pour les grandes administrations et les établissements publics, notamment les hôpitaux, voire les grosses associations ; c’est parfois, et même souvent, de l’argent gâché. Bref, les contrats aidés, ça ne marche pas !
M. Jean Desessard. On n’a pas dit ça !
M. Jean-Claude Etienne. Certains le disent, en tout cas, même si nous ne sommes pas tous sur la même longueur d’onde !
Les propos que viennent de tenir mes collègues de gauche à propos du RSA me font d’ailleurs regretter de ne pas évoquer ce sujet, car j’aurais pu aisément leur répondre.
La Cour des comptes elle-même, heureusement plus nuancée, écrit : « L’impact réel des contrats aidés est difficile à évaluer ». Mais elle s’empresse d’ajouter : « Leur rôle dans l’insertion sociale est à ne pas négliger ».
On attend du contrat unique d’insertion un taux de performance qui a manqué jusqu’à présent aux formules qui l’ont précédé.
La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la fameuse DARES, conclut que, sur l’ensemble du territoire national, les résultats d’insertion sont évalués globalement, en moyenne et au mieux, à 20 % de retour à l’emploi et traduisent dans de très rares cas une performance supérieure. Ces cas existent, comme vous le savez, monsieur le haut-commissaire. Je souhaite précisément évoquer l’un d’eux, dont vous avez eu à connaître concrètement, monsieur le haut-commissaire, à l’occasion de l’un de vos déplacements sur le terrain. Il s’agit de l’expérience menée par Assodel 51, l’association pour le développement de l’emploi local dans la Marne.
Le taux de performance obtenu par cette association est estimé, malgré la difficulté d’appliquer des critères d’évaluation, à plus de 50 % en matière de réinsertion – au lieu de 20 % en règle générale –, et même très exactement à 59 % pour l’année 2007.
Nous nous sommes donc interrogés sur ce qui pouvait différencier cette structure associative pour l’insertion des autres structures ayant la même finalité, mais sans être aussi efficaces.
Il est apparu que trois paramètres originaux faisaient sa singularité : une charte de qualité, une association d’employeurs et une mutualisation des financements.
La charte de qualité, tout d’abord, est signée entre l’employeur, l’ANPE et le bénéficiaire du contrat aidé, en pleine conformité prémonitoire avec votre projet de loi. (Sourires.)
C’est aussi et peut-être avant tout l’engagement de l’employeur à fournir l’accompagnement didactique – et non pédagogique, car on n’a pas ici affaire à des gamins – qui donnera droit à l’insertion professionnelle ultérieure. L’association d’employeurs est composée d’employeurs volontaires et cotisants, à raison de 90 euros par contrat et par an. Surtout, elle contribue à la performance, car elle utilise les réseaux de l’employeur et les services du pôle emploi pour l’insertion.
Enfin, troisième paramètre, la mutualisation des financements est « le carburant pour faire tourner le moteur ».
Sur 100 euros perçus par l’association d’employeurs, 25 euros proviennent de la dotation habituelle de l’État, 37 euros des adhésions d’employeurs, 25 euros des apports financiers du Fonds social européen et 13 euros d’autres co-financeurs volontaires, dont certaines collectivités locales. Au total, pour 1 euro versé par l’État, l’association d’employeurs réussit à trouver 3 euros supplémentaires pour remplir sa mission : 4 pour 1, n’est-ce pas du bon boulot ? (Sourires sur les travées de l’UMP.)
À l’arrivée, grâce à cette trilogie originale, ce n’est pas un salarié sur cinq, comme c’est trop souvent le cas, mais un salarié sur deux qui bénéficie d’une véritable insertion professionnelle lui ouvrant droit à une nouvelle perspective de vie.
Au moment où vous nous proposez, monsieur le haut-commissaire, ce contrat unique d’insertion que nous avons appelé de nos vœux, il serait vraiment dommage de ne pas imprimer dans ses modes d’applications à venir – lors de la rédaction des décrets, par exemple – la marque des expériences qui ont déjà fait la démonstration de leur efficacité sur le terrain, sans occasionner de surcoût pour l’État, et de ne pas y mêler ce qui est la quintessence même de la vie associative afin de résoudre une problématique terriblement humaine et fondamentale pour notre société.
J’ai l’espoir, monsieur le haut-commissaire, que vous pourrez répondre à ces attentes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Le dispositif que vous nous proposez d’adopter, monsieur le haut-commissaire, a pour ambition d’établir un équilibre entre la société, ciment de notre cohésion, et l’autonomie procurée par les revenus du travail.
Le RSA, puisque c’est de lui qu’il s’agit, doit en outre participer à la nécessaire simplification des minima sociaux et des dispositifs d’incitation à la reprise d’une activité. En cela, je ne peux que l’approuver.
Je connais, monsieur le haut-commissaire, votre engagement en faveur des travailleurs pauvres, mais j’avoue que le sort fait à l’outre-mer, à travers le calendrier d’application de la future loi, m’interpelle au plus haut point.
Dans la seule Guadeloupe, six travailleurs sur dix tirent moins de 0,75 SMIC de leur activité. Plus précisément, près de 40 % d’entre eux gagnent moins de 0,5 SMIC et 30 % moins de 0,75 SMIC. C’est dire l’importance de cette catégorie sociale, à laquelle s’ajoutent près de 46 000 bénéficiaires des minima sociaux, dont 31 000 pour le RMI et quelque 6 000 pour l’allocation de parent isolé.
Nos économies insulaires engendrent structurellement des travailleurs pauvres en raison de la taille des entreprises et de celle du marché. On sait, de plus, que le plafonnement annoncé de la défiscalisation en outre-mer ne pourra que réduire les investissements porteurs d’emplois dans nos régions.
Aussi, face à de tels chiffres, on a du mal à comprendre que soit envisagée une entrée en vigueur différée de la future loi en outre-mer.
Même si l’on veut retenir l’argument de la nécessité d’une adaptation du texte à nos réalités locales, on s’aperçoit que l’outre-mer se trouverait exclu de la légalité, puisque la suppression de l’article L. 115-1 du code de l’action sociale et de la famille priverait le RMI de base légale, alors même qu’il continuerait d’exister en outre-mer.
Pour ces deux raisons au moins, le report de l’entrée en vigueur me paraît dès lors d’autant plus incompréhensible et inadmissible qu’il sera paradoxalement demandé aux citoyens ultramarins de participer au financement du RSA dès le 1er janvier 2009.
S’agissant toujours du report de son application, je relève que le texte prévoit par ailleurs un délai de deux ans pour permettre d’adapter l’entrée en vigueur du RSA et les politiques d’insertion dans les DOM par voie d’ordonnances : à bien y regarder, une période d’adaptation aussi longue – même si c’est un maximum – n’est pas véritablement justifiée.
Il existe bien des dispositifs spécifiques, propres à l’outremer, mais en réalité seuls deux d’entre eux seraient concernés par une adaptation. Je veux parler de l’ARA, l’allocation de retour à l’emploi, et du revenu de solidarité outre-mer, le RSO. Il s’agirait d’ailleurs davantage d’une harmonisation que d’une adaptation, ce qui, à mon sens, ne fait pas obstacle à l’entrée en vigueur du RSA.
Pour ce qui est de l’ARA, qui permet pendant deux ans un cumul entre allocation et revenus du travail, deux solutions peuvent être envisagées : soit un simple système d’option qui permettrait de maintenir le bénéfice de ce dispositif dans les cas où il est plus avantageux que le RSA ; soit le maintien des allocations déjà octroyées jusqu’à l’échéance des deux ans et l’application immédiate du RSA pour les nouveaux entrants.
Le RSO, qui constitue quant à lui une allocation de solidarité destinée aux plus de cinquante ans dispensés de toute action d’insertion et de recherche d’emploi, ne peut davantage empêcher une application immédiate du RSA.
Dans ces conditions, monsieur le haut-commissaire, il apparaît très clairement que l’application du RSA dans les DOM peut s’opérer sans délai, à moins que des considérations inavouées d’ordre budgétaire ne soient à l’origine de ce traitement différencié.
C’est d’ailleurs pour moi l’occasion de rappeler que le transfert de la compétence du RMI vers le département de la Guadeloupe s’est traduit à ce jour par un reste à charge de 60 millions d’euros, dont je ne sais toujours pas comment il sera compensé par l’État.
Or le texte soumis à notre assemblée prévoit notamment un transfert de l’API, qui, je le rappelle, en Guadeloupe, représente environ 6 000 allocataires et 30 millions d’euros en 2007, ainsi qu’un accompagnement social et professionnel des bénéficiaires, lequel laisse entrevoir une nécessaire augmentation des dépenses en termes de moyens matériels et humains.
Comme Claude Lise, je voudrais que l’on m’apporte toutes les garanties que ce transfert n’aura pas pour conséquence un accroissement du reste à charge pour mon département.
Monsieur le haut-commissaire, comme je le disais, j’approuve la philosophie générale du RSA.
Toutefois, si sa mise en œuvre effective devait malgré tout nécessiter un recours aux ordonnances, je souhaite que celles-ci fassent l’objet d’une concertation préalable avec les autorités locales compétentes et soient prêtes dans les six mois qui suivent la promulgation de la loi.
Quoi qu’il en soit, il apparaît clairement, à ce stade, que la Guadeloupe ne saurait comprendre que je vote un texte qui laisserait une fois de plus l’outre-mer de côté, car cela reviendrait à considérer que l’égalité sociale dans nos régions peut attendre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, l’organisation du débat me permet de dire que je suis sur la même longueur d’onde que Jacques Gillot (Sourires sur les travées du groupe socialiste) tout en donnant acte à Claude Lise des observations qu’il a avec justesse formulées à cette tribune, notamment en ce qui concerne les précautions qui devraient être prises avant l’extension du dispositif.
Monsieur le haut-commissaire, vous êtes, au sens noble du terme, un militant. À mon niveau, dans mon département, je suis moi aussi, depuis 1969, un militant.
Aux côtés de mon ami Claude Lise, j’ai eu le bonheur, au moment de la naissance du RMI, en décembre 1988, de voter l’amendement qui a prévu son extension simultanée à l’ensemble de la métropole et à l’outre-mer.
Mais, monsieur le haut-commissaire, le RMI ne nous a pas satisfaits, pas plus qu’il ne vous a satisfait, et je dois ici témoigner d’une vérité que vous devez retenir, mes chers collègues : dans le domaine de l’activation de cette dépense de solidarité, nous avons été à plusieurs reprises des pionniers et nous ne voulons pas être aujourd'hui victimes d’une volonté politique que nous avons clairement exprimée, chaque fois que le vote d’une loi nous en a donné l’occasion, pour réconcilier solidarité et activité, solidarité et responsabilité, solidarité et dignité.
Ainsi, dans la loi Perben du 25 juillet 1994, nous avons créé pour l’outre-mer le contrat d’insertion par l’activité, le CIA. Pas plus que ne le fera le RSA le CIA n’a résolu tous les problèmes, mais il a créé une passerelle entre le monde de l’inactivité et celui de l’insertion.
En 1997, j’ai fait adopter en première lecture un amendement qui a créé le revenu minimum d’activité, ou RMA. La dissolution de l’Assemblée nationale a rendu cet amendement caduc, mais il n’en reste pas moins que le principe du cumul du revenu du travail avec le revenu de solidarité pour les plus pauvres a été validé par le Parlement.
En 2000, nous avons persévéré en inscrivant dans loi de programme pour l’outre-mer, dite loi Girardin, l’allocation de retour à l’activité, l’ARA, laquelle a donné, il faut le dire, une bouffée d’oxygène à l’activation des dépenses de solidarité.
Nous ne nous sommes pas arrêtés en si bon chemin puisque, en 2003, lorsque le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité d’alors, M. François Fillon, a présenté le contrat d’insertion revenu minimum d’activité, ou CI-RMA, nous l’avons tous non seulement voté, mais aussi appliqué simultanément à l’outre-mer. Je ne connais pas suffisamment bien les autres départements antillais, mais je peux dire qu’à la Réunion nous avons passé 4 500 CI-RMA par an.
On m’objectera que, 4 500 sur 70 000, c’est peu, mais, si l’on ajoute à ce nombre celui des bénéficiaires des CIA, de l’ARA et du RSO, on arrive à un total qui n’a rien de négligeable, et, en effet, il faut plusieurs cordes à son arc pour sortir de la misère, en métropole comme à la Réunion.
À l’époque où j’étais plus jeune et député, on disait que l’outre-mer avait beaucoup de RMIstes : vous aviez 700 000 RMIstes, nous en avions 120 000 et, évidemment, nous faisions figure de territoires archi-sous-développés ! Mais les choses ont changé : aujourd'hui, en métropole, 7 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et il y a 3 millions de RMIstes.
Personne ne peut plus se moquer de personne : nous sommes tous dans la même galère, et il faut dire que l’imprudence, l’arrogance, l’incompétence de certains banquiers et financiers vont encore aggraver dans les années qui viennent notre situation !
M. Guy Fischer. Vous avez raison !
M. Jean-Paul Virapoullé. Plusieurs fois, mes chers collègues, je suis monté à cette tribune pour vous appeler à la prudence, pour vous dire de vous méfier de toute cette bande de bobos qui donnent des conseils à la télévision, qui écrivent force bouquins sur un monde du travail qu’ils ne connaissent pas, sur un monde de la production de richesses qu’ils ne connaissent pas.
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
M. Jean-Paul Virapoullé. Eh bien, c’est arrivé ! Tout ce petit monde-là, tous ces fameux experts conduisent notre système financier et économique à la ruine ! Mais, aujourd'hui, il n’y a ni coupable, ni responsable, non, on va seulement diminuer un peu le montant des parachutes dorés : ce ne sera plus 4 millions, mais 2 millions d euros par an ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Soyons sérieux : nous ne demandons pas de parachutes dorés pour les RMIstes, monsieur le haut-commissaire, nous demandons simplement l’égalité de traitement, c'est-à-dire la stricte application de principes constitutionnels.
Je m’explique.
Dans cet hémicycle, monsieur le président, nous avons ensemble voté la réforme constitutionnelle voulue par le Président Jacques Chirac et réécrit l’article 73 de la Constitution de sorte que l’application simultanée des lois en métropole et outre-mer devienne une obligation.
À mes collègues socialistes qui avaient fait un recours, qu’ils ont gagné, contre le fameux amendement sur les personnels TOS que j’avais fait voter, je rappelle que le Conseil constitutionnel a précisé que l’application différée d’une loi devait être justifiée par des circonstances réellement probantes.
Le fait qu’il y ait plus de RMIstes dans les DOM qu’en métropole n’est pas une circonstance probante : c’est une circonstance aggravante en notre faveur ! Plus le malade est souffrant, plus il est nécessaire de le secourir.
Que nous disposions de l’ARA, du RSO et du CI-RMA ne pose pas problème, parce que l’on peut très bien faire cohabiter à titre expérimental, pendant une période de dix-huit mois qui nous permettra de mesurer l’impact du RSA, ces anciens systèmes, qui donnent partiellement satisfaction, avec le nouveau système, qui donnera, lui aussi, partiellement satisfaction. Au bout d’un an, lorsque vous évaluerez en métropole l’impact du RSA, vous mesurerez outre-mer – et vous donnerez ainsi satisfaction à ceux qui, comme moi, partagent les préoccupations de Claude Lise – l’impact de la cohabitation de ces systèmes, notamment sur les finances de l’État et des collectivités locales.
Monsieur le haut-commissaire, l’article 15 du présent projet de loi aggrave les choses et ceux qui vous ont aidé à le rédiger vous ont mal conseillé.
M. Jean Desessard. Ce sont des banquiers ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Virapoullé. Certainement ! (Nouveaux sourires.) Je ne porte pas les banquiers dans mon cœur, car je vais devoir payer des impôts pour boucher les « trous » qu’ils ont créés !
Mais je reviens à l’article 15. Oui, monsieur le haut-commissaire, vous avez été mal conseillé. Mes chers collègues, nous qui, dans cette assemblée, votons la loi, nous nous trouvons confrontés à deux vides juridiques, et personne ne pourra me démontrer le contraire !
Je vous renvoie, mes chers collègues, à l’article 2 du projet de loi, qui supprime divers articles du code de l’action sociale et des familles et les remplace par un nouvel article qui, lui, ne cite plus le RMI.
Monsieur le président de la commission dans affaires sociales, vous qui êtes un homme vigilant, vous avez donc vu que le RMI était supprimé !
M. Guy Fischer. Bien sûr !
M. Jean-Paul Virapoullé. Il n’existe plus ! Mais, comme le précise l’article 15, la loi ne s’appliquant pas outre-mer, le RMI…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. … n’est pas supprimé avant 2011 !
M. Jean-Paul Virapoullé. Je vous propose, monsieur About, d’expertiser les conséquences du projet de loi tel qu’il est rédigé, car c’est d’une gravité extrême.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. D’accord !
M. Jean-Paul Virapoullé. La loi sera promulguée avec le texte de l’article 2 que vous avez sous les yeux, mes chers collègues, article dans lequel le RMI est remplacé par le RSA.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, mais l’article 15, je le répète, précise que cela ne s’applique pas chez vous avant 2011 !
M. Jean-Paul Virapoullé. Bravo ! Mais, dans la rédaction de l’article 2 du projet de loi, les articles relatifs au RMI disparaissent du code de l’action sociale et des familles. On a pu dire qu’ils continueront à exister en filigrane, mais il n’y a pas de loi en filigrane ! C’est pour les billets de banque, le filigrane…
Voilà un vide juridique, et un problème de fond, aussi, car n’importe qui pourra, à la Réunion, faire un recours pour que les caisses d’allocations familiales arrêtent de verser un RMI désormais privé de base légale.
Je souhaite donc que ce vide juridique soit comblé par le Gouvernement, par la commission ou par nous tous ensemble.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous tous ensemble !
M. Jean-Paul Virapoullé. Mais il y a un second vide juridique, et ses conséquences sont encore plus graves.
Si je vous ai bien entendu, monsieur le haut-commissaire, la loi ne s’appliquera pas jusqu’à la ratification par le Sénat des ordonnances et leur mise en application. D’accord ! Mais, si l’article 15 prévoit que, par dérogation à l’article 14, la loi ne s’applique pas outre-mer, on ne peut pas nous dire, comme on l’a fait en commission des affaires sociales – je parle sous le contrôle de son président et du rapporteur –, que le 1,1 % sera perçu tout de même outre-mer.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah non !
M. Jean-Paul Virapoullé. C’est pourtant ce qui nous a été répondu !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'article 15 s’applique sur tout le territoire !
M. Jean-Paul Virapoullé. Bravo, monsieur le président ! Vous avez toutes les réponses et je vous cède ma place ! (Rires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je n’ai pas votre compétence ! (Nouveaux rires.)
M. Jean-Paul Virapoullé. Donc, l'article 15 s’appliquera, il empêchera que l’ensemble de la loi entre en vigueur outre-mer immédiatement et, par conséquent, les départements d'outre-mer ne pourront percevoir le 1,1 % !
Nous sommes donc en présence d’un double vide juridique. La rédaction de l'article 15 rend la loi inapplicable outre-mer et le RMI est en danger.
C'est la raison pour laquelle je suggère que soit déposé un amendement – je suis prêt à y travailler avec vous, monsieur le haut-commissaire, ainsi qu’avec le président de la commission des affaires sociales – visant à compléter l'article 15.
Il s’agirait de prévoir que, à titre expérimental – ainsi que le permet la loi Raffarin sur la décentralisation –, le RSA s’applique dans les départements d'outre-mer au 1er janvier 2009, en complément des autres dispositifs d’insertion existants. Je précise ce dernier point pour apaiser vos inquiétudes, monsieur le haut-commissaire. Au bout d’un an, on mesurerait l’impact de cette mesure et le Gouvernement serait à même de rédiger l’ordonnance permettant l’adaptation de la loi outre-mer.
J’attends votre réponse, monsieur le haut-commissaire. Ensuite, je pourrai me prononcer sur ce texte. Je suis loyal à l’égard de la majorité, mais je me dois d’abord de l’être envers ceux qui m’ont désigné pour siéger dans cette assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l’UMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, vendredi dernier, à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, les associations de lutte contre la pauvreté ont lancé un véritable cri d’alarme.
Partout, les acteurs caritatifs constatent un durcissement des situations de pauvreté et, ensemble, ils ont pris la décision de lancer un appel solennel aux pouvoirs publics, en les exhortant à agir en faveur des 7 millions de Français qui vivent en dessous du seuil de pauvreté monétaire.
Il y a urgence à se doter de moyens d’action, car la croissance défaillante pèsera sur la situation sociale des prochains mois.
Moins de circulation d’argent aujourd’hui, c’est moins d’investissements demain et moins d’emplois et de revenus après-demain. À l’issue de ce cercle vicieux, une fois encore, ce sont les salariés les plus exposés qui feront les frais des errances économiques du système financier. Les intérimaires, les travailleurs à temps partiel, les salariés en contrat à durée déterminée, tous ont du souci à se faire pour leur emploi dans les prochains mois.
Monsieur le haut-commissaire, votre texte tombe donc à point nommé pour que nous ayons une discussion franche sur la politique sociale conduite par le Gouvernement.
J’évoquerai d’abord la généralisation du RSA, puis la réforme des politiques d’insertion.
Disons-le d’emblée, le RSA est une bonne idée. L’analyse sur laquelle il repose est solide : 60 % des ménages en situation de pauvreté ont au moins un de leurs membres qui travaille. Par ailleurs, 30 % de ces ménages pauvres sont composés d’une personne qui travaille à temps plein au SMIC.
M. Bernard Cazeau. La première observation est donc qu’un seul SMIC à temps plein ne fait pas vivre une famille correctement.
M. Bernard Cazeau. La seconde est que le SMIC à temps plein est de moins en moins la règle. Aujourd’hui, 30 % des smicards travaillent à temps partiel et vivent par conséquent avec moins que le SMIC.
Ce que notre société a d’indécent, monsieur le haut-commissaire, c’est que le travail ne permet plus d’obtenir un revenu décent.
La pauvreté au travail s’est installée à vive allure dans notre économie, au fur et à mesure de la création d’emplois émiettés dans le secteur des services. On compte aujourd’hui 20 % de travailleurs pauvres de plus qu’en 2003. Ceux-ci occupent des emplois peu productifs, donc peu rémunérés, dans les services à la personne, l’hôtellerie-restauration, le commerce et la distribution.
Voilà comment la société française génère désormais 2,5 millions de travailleurs pauvres !
Je partage votre constat, monsieur le haut-commissaire : il est urgent d’agir et on ne peut renvoyer cette question à une amélioration future de la situation du marché du travail. Ce serait faire peu de cas des gens en souffrance et oublier que rien n’est fait par le gouvernement dont vous faites partie pour limiter la précarité de l’emploi.
Après expérimentation, il apparaît que le RSA est un outil innovant de lutte contre la pauvreté, car il met un terme au maquis des procédures actuelles d’intéressement. De plus, il réoriente la dynamique du cumul entre revenus du travail et revenus sociaux en faveur de l’emploi.
Nous nous trouvons donc devant une adaptation du RMI, car le RSA demeure, lui aussi, une allocation différentielle, modulée selon la situation familiale, à cette différence près qu’il instaure des règles de cumul favorisant les personnes occupant un emploi.
Pour autant, l’approbation du système ne saurait être interprétée comme un blanc-seing donné au texte qui nous est soumis. En effet, la pertinence du dispositif masque difficilement la relative modicité des moyens supplémentaires qui sont dégagés.
Certes, 1,5 milliard d’euros supplémentaires seront dégagés en faveur des travailleurs pauvres. C’est bien. Ce n’est pas négligeable pour les personnes appelées à en bénéficier, j’en conviens.
Toutefois, ramenons les choses à de plus justes proportions, monsieur le haut-commissaire : cette somme représente 0,08 % du PIB du pays et 10 % des diverses exonérations fiscales engagées au mois de juillet 2007 au titre de la loi TEPA.