M. Christian Cambon. Nous sommes tous parfaitement conscients de l’obligation de lancer de nouveaux programmes de constructions. Encore faut-il que des opportunités foncières le permettent. Or, de très nombreuses communes, notamment en Île-de-France, sont totalement démunies dans ce domaine. Elles ne disposent pas du foncier nécessaire alors que l’État ou des sociétés nationales sont souvent propriétaires de terrains dont ils ne font rien.
M. Christian Cambon. Tel est le cas, dans mon département, à Villeneuve-Saint-Georges ou à Charenton, par exemple, où des dizaines d’hectares appartenant à Réseau ferré de France sont inutilisés. À Chennevières, près de soixante-dix hectares sont neutralisés depuis des années pour construire une autoroute qui ne sera jamais réalisée.
Tous ces terrains pourraient être utilisés par les maires pour atteindre les objectifs que le Gouvernement a fixés aux communes. Le projet de loi aurait peut-être pu être un peu plus directif en ce sens.
Madame la ministre, je souhaiterais donc connaître votre position et vos intentions sur le problème de la libération des terrains de l’État ou de Réseau ferré de France, par exemple. Des mécanismes plus incitatifs ne pourraient-ils pas être mis en œuvre pour permettre des constructions nouvelles là où le foncier manque ?
Deuxièmement, il faut favoriser la mobilité au sein du parc social.
Je souhaiterais insister sur cet objectif de ce texte qui me semble tout aussi essentiel : parvenir à une meilleure mobilité dans le parc de logements pour assurer une meilleure fluidité des logements sociaux.
Faciliter la libération des logements en sous-occupation et encourager l’accession sociale à la propriété vont dans le bon sens. En effet, les personnes qui en ont le plus besoin doivent pouvoir accéder aux logements sociaux occupés jusqu’à présent par des familles dont la composition ou le revenu ne justifie plus qu’elles en disposent. Actuellement, le taux de rotation des locataires est de 9 % au niveau national, de 7 % en Île-de-France et de 5 % à Paris.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Christian Cambon. En outre, 800 000 logements seraient sous-occupés alors que 45 000 demandes ne sont pas satisfaites dans le Val-de-Marne.
Certes, l’amélioration de la mobilité dans le parc de logements suscite sans doute le débat, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, mais cela nécessite de nouvelles mesures. Si le principe du droit au maintien dans le parc social doit rester une référence fondamentale, il doit être aussi plus clairement lié au niveau de ressources des occupants.
La mise en œuvre des « surloyers », pour nécessaire et justifiée qu’elle fut, n’a malheureusement pas suffi.
La cellule familiale évolue. De nombreux logements spacieux ne sont plus occupés, une fois les enfants partis, que par des couples, et ils le sont même souvent seulement quelques mois par an, des locataires retraités ne les conservant plus que comme pied-à-terre.
M. Christian Cambon. Or, des familles nombreuses attendent une attribution.
M. Christian Cambon. Ainsi, à titre d’exemple, dans ma ville de Saint-Maurice, le dernier cinq pièces a été attribué voilà trois ans. La commune compte 26 % de logements sociaux, et j’ai beaucoup de difficultés à satisfaire les demandes ; mais c’est sans doute aussi parce que la commune est très attractive… (Mme la ministre rit.)
Le « surloyer » n’est donc, à l’évidence, pas toujours dissuasif.
La suppression du droit au maintien dans les lieux pour des raisons de revenus illustre bien, par conséquent, la volonté du Gouvernement de fluidifier la chaîne du logement.
Le mécanisme prévu au 4° de l’article 20 est de nature à favoriser la mobilité nécessaire à tant de familles. Il n’est pas illégitime de penser qu’une famille dont les revenus sont au moins deux fois supérieurs au plafond de ressources défini pour le logement qu’elle occupe prive de l’accès à un logement une autre famille moins favorisée.
Faciliter la libération des logements sous-occupés est aussi une excellente initiative.
Bien évidemment, comme vous l’avez vous-même déclaré, madame la ministre, il ne faut pas agir dans ce domaine de manière aveugle et brutale.
Je me réjouis que votre projet de loi, aux termes de l’article 20, exclue de ce mécanisme les personnes âgées de plus de soixante-dix ans, les personnes handicapées à mobilité réduite ou ceux qui en ont la charge.
Par ailleurs, l’aide à la mobilité prévue au 2o de l’article 20 est sans doute un élément important de cette mesure, parce qu’elle contribuera à l’allégement du coût d’un déménagement souvent craint par les intéressés.
Troisièmement, il convient de mettre en œuvre une véritable interdépartementalité.
Pour lutter contre l’exclusion et faciliter l’accès à l’hébergement et au logement, l’article 24 du présent projet de loi rend interdépartementale, en Île-de-France, la gestion des suites à donner aux décisions positives des commissions de médiation de la région.
Grâce à cette disposition, le bénéficiaire du droit opposable au logement pourrait se voir attribuer un logement dans d’autres départements de la région que celui dans lequel la commission de médiation a émis un avis favorable. Là encore, il s’agit, en étendant les zones géographiques, de permettre à plus de personnes de bénéficier d’un logement. C’est une bonne chose.
Encore faut-il que ce ne soit pas à sens unique, madame la ministre. Je n’ai jamais vu pour ma part – les élus des départements d’Île-de-France pourraient faire le même constat, me semble-t-il – de personnes mal logées du Val-de-Marne relogées par la Ville de Paris ! (Mme Odette Terrade s’exclame.) L’effort de la capitale est bien trop modeste en matière de logements sociaux (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), …
Mme Odette Terrade. Il est celui que l’on sait !
M. Christian Cambon. … et nos communes ne peuvent pas éternellement accueillir tous ceux qui se voient rejetés au-delà du boulevard périphérique.
M. Daniel Raoul. C’est scandaleux !
M. Christian Cambon. Madame la ministre, je vous demande de veiller à ce que cette interdépartementalité (M. Roland Courteau s’exclame.) …
Je sais que cela vous gêne que l’on parle du logement social à Paris, mais nous le faisons quand même,…
M. Roland Courteau. Parlez-nous de Tiberi !
M. Christian Cambon. … et, croyez-moi, nous sommes quelques-uns ici, du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et d’autres départements, qualifiés pour en parler !
Madame la ministre, je vous demande de veiller à ce que cette interdépartementalité fonctionne au bénéfice de tous les départements et non d’un seul, et ce dans les deux sens.
N’oublions pas non plus que le relogement de nouvelles populations implique, pour les communes, un coût qui n’est pas neutre en termes d’investissements : augmentation des places en crèche, à l’école, dans les centres de loisirs.
L’accompagnement social de ces nouveaux administrés entraîne aussi des dépenses supplémentaires en termes de fonctionnement auxquelles les communes ne sont pas toujours à même de faire face. Là aussi, des garanties de l’État doivent leur être apportées pour aider les maires à accompagner la loi.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Christian Cambon. Quatrièmement, nous devons lutter contre les marchands de sommeil.
Ce point me tient particulièrement à cœur car j’en ai fait l’expérience douloureuse, comme nombre de mes collègues maires. Il s’agit de ceux que nous appelons les « marchands de sommeil », qui mettent à la disposition d’associations caritatives, aux objectifs parfaitement louables, des chambres aménagées dans des hôtels vétustes en vue de loger des personnes en grande précarité.
Le mécanisme est simple et bien connu : les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, chargent les associations de trouver un hébergement pour des familles en détresse, et les associations dirigent ces dernières vers des hôtels dont les propriétaires facturent – et à quel prix ! – les nuitées prises en charge par les crédits sociaux.
Le véritable scandale, c’est à la fois l’indignité de ces locaux et le coût exorbitant pour la collectivité ! J’ai vu des chambres insalubres dans lesquelles on avait aménagé des châlits et posé des réchauds par terre au mépris des règles de sécurité. Un arrêté de péril a pu mettre fin à ce « trafic », mais ces familles déracinées ont été alors déplacées dans la nuit, et nul ne sait ce qu’elles sont devenues.
C’est indigne, et il convient de mettre fin à ce type d’agissement !
Je me réjouis qu’une définition de cet habitat indigne voit enfin le jour au travers de l’article 25 du projet de loi.
M. Thierry Repentin. Cela existe depuis 1989 !
M. Christian Cambon. Elle est indispensable pour que la loi portant engagement national pour le logement puisse prendre toute sa mesure. La création du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, prévu aux articles 7 et 8 du projet de loi, peut également concourir à mettre un terme à ces situations.
Je ne voudrais pas conclure mon propos, madame la ministre, sans évoquer l’application de la loi SRU : si cette dernière ne correspond pas tout à fait à l’objet de votre texte, un paragraphe la concerne néanmoins.
Sans remettre en cause – j’y insiste – l’obligation faite aux communes de compter au moins 20 % de logements locatifs sociaux, il conviendrait parallèlement de ne pas décourager les bonnes volontés de nombreux maires républicains qui souhaitent accompagner la loi, respecter leurs obligations, mais qui ne le peuvent pas toujours.
Je pourrais citer, dans le Val-de-Marne – le seuil est en effet abaissé à 1500 habitants en région parisienne –, de nombreuses petites communes, telle Périgny-sur-Yerres, qui se heurtent depuis des années à toutes sortes de recours dès qu’un programme de construction de logements sociaux est entrepris.
M. Christian Cambon. D’un autre côté, le préfet ne cesse de multiplier les pénalités, ce qui place ces petites communes dans des situations extrêmement difficiles.
D’autres communes, comme Le Perreux, Saint-Mandé ou Vincennes – mais il y en a beaucoup d’autres – sont confrontées au même problème. Les maires souhaitent remplir leurs obligations, mais il n’y a pas de terrains disponibles.
Dès lors, la construction de logements sociaux dépend des opportunités qui peuvent se présenter. Et les maires, malgré leur volonté de répondre aux obligations qui leur sont faites, ne peuvent atteindre immédiatement les objectifs prévus par la loi. Pour autant, la situation de ces communes n’est pas prise en compte. Nos collègues de gauche citaient régulièrement Saint-Maur : le maire a changé, et le nouveau député-maire souhaite que sa ville devienne un exemple en matière de construction de logements sociaux.
Mme Odette Terrade. Un office d’HLM !
M. Christian Cambon. Oui, mais il va aussi construire des logements sociaux, ma chère collègue, et vous le savez !
Les pénalités, pour justifiées qu’elles soient dans certaines villes qui refusaient obstinément de participer à l’effort de solidarité – c’était précisément le cas de Saint-Maur –, ne le sont plus lorsque la force majeure les empêche de construire.
Je veux croire, madame la ministre, que les dispositions de l’article 10 visant à faciliter le renouvellement des tissus urbains constitués, par un dépassement de 20 % de la surface habitable par rapport aux normes fixées dans le PLU ou le POS, pourront résoudre certaines situations.
Mais cette mesure reste liée à des opportunités qui ne dépendent pas forcément des maires.
Nous demandons donc un peu plus de compréhension de la part des autorités préfectorales chargées d’appliquer la loi, car le régime des pénalités est réellement très dur pour nombre de communes.
M. Guy Fischer. Oh !
M. Thierry Repentin. Ce ne sont pas des pénalités, ce sont des contributions de solidarité !
M. Daniel Raoul. Allez voir les pénalités !
M. Christian Cambon. Il faut bien que quelqu’un défende ces communes ! Nous sommes dans une assemblée où tout le monde a le droit de s’exprimer !
En conclusion, votre projet de loi est bon, madame la ministre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christian Cambon. Il s’agit non pas d’un simple affichage, mais de mesures propres à débloquer tous les rouages pour que les maires aillent plus loin.
Une concertation avec toutes les parties concernées permettra d’apporter des solutions efficaces à nos concitoyens, qui doivent, quels que soient leurs revenus, être logés décemment. Nous partageons tous les mêmes valeurs d’humanité et de solidarité à l’égard des plus fragiles. Nous sommes prêts, n’en doutez pas, madame la ministre, à accompagner les réformes courageuses que la société exige et que le Gouvernement et vous-même conduisez résolument. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’ont déjà fait remarquer bon nombre de nos collègues, l’actualité économique et sociale internationale donne à ce projet de loi et à ses enjeux une importance cruciale ; elle nous impose à tous un devoir de responsabilité renforcé tant aujourd’hui que demain pour les générations futures accompagné d’une exigence accrue en matière de solidarité envers tous les Français, notamment ceux qui connaissent les conditions de vie les plus difficiles.
Les enjeux des politiques de l’habitat et du logement sont multiples, mais je commencerai par dresser un constat : l’offre est inadaptée à la demande sur le plan tant quantitatif que qualitatif. Il faut donc changer de méthode pour faire face à la diversité des besoins. Une forme de régulation – le mot est à la mode – est donc nécessaire pour limiter les mouvements spéculatifs, dont les effets désastreux sont toujours beaucoup plus difficiles à vivre pour les ménages les plus modestes.
À propos de cette problématique majeure du logement, à la fois économique, sociale et environnementale, nous devons tout d’abord réaffirmer la place centrale de l’humain, comme vous l’avez fait vous-même, madame la ministre.
Avant de raisonner en termes de quantité de logements produits et de profils statistiques des personnes concernées par les dispositifs d’habitat aidé, il faut remettre au cœur de nos discussions la question des parcours résidentiels individualisés. Notre ambition commune doit être de permettre à chacun, quels que soient son profil et son pouvoir d’achat, de pouvoir accéder à un logement durable. Pour ce faire, nous devons favoriser et accélérer la constitution d’une offre diversifiée, la seule à même de permettre une véritable mixité sociale et générationnelle au sein de tous les quartiers de toutes les communes de France.
Notre première priorité doit être d’agir en amont pour limiter au maximum les dynamiques spéculatives à l’origine des fractures urbaines et des ségrégations sociales qui menacent la cohésion nationale. Le recentrage des dispositifs d’aide à l’investissement locatif privé prévu par l’article 15 du projet de loi n’est absolument pas suffisant. Même parmi les communes situées dans les zones concernées par ce recentrage, les dispositifs fiscaux ont parfois complètement déséquilibré le marché locatif. En ne touchant ni aux plafonds des loyers ni aux contreparties sociales demandées aux investisseurs et en laissant au Gouvernement la possibilité d’élargir, par décret, les zones recentrées, la réforme proposée ne permettra pas d’assainir la situation d’un secteur qui a contribué à tirer les prix vers le haut, fragilisant ainsi les plus modestes.
Nos propositions s’inspireront donc du rapport que le Gouvernement a présenté au Parlement en février 2007 et que vous ne pouvez pas avoir oublié, madame la ministre : votre administration y plaidait pour une décentralisation réelle et des contreparties sociales accrues.
Ensuite, pour proposer un logement durable à chacun, il ne faut pas confondre logement et hébergement, …
Mme Odette Herviaux. … sous peine de transformer des outils de régulation en outils de gestion de la précarité.
Mme Odette Herviaux. Parfois, en ayant une certaine vision du droit au logement opposable, certains ont pu entretenir cette ambiguïté. Avec mes collègues du groupe socialiste, nous ferons en sorte de lever cette confusion.
Nous reviendrons sur des sujets majeurs pour les ménages les plus vulnérables, en promouvant réellement la prévention et la concertation. C’est ainsi que nous nous opposerons, à l’article 19 du projet de loi, à la réduction des délais accordés dans le cadre des procédures d’expulsion et à votre manière de revoir, à l’article 25, la définition de l’habitat indigne, qui existe déjà depuis longtemps.
M. Daniel Raoul. Depuis 1999 !
Mme Odette Herviaux. Voilà autant d’orientations fortes qui figuraient d’ailleurs déjà dans le rapport présenté en juillet dernier par la mission commune d’information sur les politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, et dont la majorité a approuvé les conclusions.
Pour permettre la réalisation de véritables parcours résidentiels différenciés, nous souhaitons redonner toute leur place aux associations qui, sur le terrain, permettent de construire une offre adaptée aux besoins. L’offre locative sociale ne peut suffire à elle seule à répondre à toutes les situations et trajectoires personnelles ; elle n’en constitue qu’une étape. Alors que l’un des chapitres du projet de loi concerne la mobilisation des acteurs, l’ambition du Gouvernement est au mieux très faible, au pire inexistante.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Odette Herviaux. C’est parce que nous sommes attachés à la mise en œuvre d’une véritable mixité sociale sur tout le territoire que nous refusons fermement les dispositions prévues à l’article 17, qui tend à modifier l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation.
Nous avons été nombreux à le dire, cette disposition est doublement inadmissible.
Premièrement, les plafonds de ressources retenus pour bénéficier des dispositifs d’aide à l’accession dite sociale à la propriété sont bien plus élevés que les plafonds de ressources des ménages qui peuvent prétendre à un logement social. Non, ces plafonds de ressources pour obtenir un prêt d’accession sociale et un prêt à taux zéro ne sont pas les mêmes que ceux qui sont retenus pour accéder à un logement social.
Mme Odette Herviaux. Deuxièmement, et plus fondamentalement, le « tous propriétaires » prôné par le Président de la République est une idée certes sympathique…
Mme Odette Herviaux. … – si vous demandez aux Français s’ils veulent être heureux, ils vous répondront bien entendu tous par l’affirmative ! –, mais c’est une fausse bonne idée !
Les ménages, et surtout les plus jeunes, le savent bien : ils sont endettés pendant vingt-cinq ans, voire plus, et sont déstabilisés par la crise actuelle. Certains d’entre eux ne peuvent même plus obtenir de prêt relais lorsqu’ils doivent vendre la maison qu’ils étaient en train de faire construire ou d’acheter.
M. Roland Courteau. C’est exact !
Mme Odette Herviaux. Outre le fait que la propriété peut parfois constituer un frein à la mobilité professionnelle, et donc à la vitalité économique d’un pays, elle peut présenter des risques pour l’économie tout entière.
Ai-je besoin de citer des exemples récents ? Dans mon département, la situation de certaines entreprises agroalimentaires nous montre malheureusement combien certaines personnes, même d’un certain âge, endettées à vie ne peuvent envisager un reclassement.
À l’inverse, le fait de conserver un secteur locatif à des prix abordables constitue un élément régulateur du système, qui est essentiel au dynamisme et à l’équilibre du marché du logement.
Je terminerai mon propos en insistant sur le rôle primordial qui doit être accordé aux collectivités locales dans la définition et la mise en œuvre des dispositifs de régulation du marché immobilier, les seuls à même de permettre une adéquation entre l’offre et la demande.
Certaines des mesures que vous proposez, madame la ministre, vont dans le bon sens. C’est le cas, à l’article 9 du projet de loi, du renforcement de la portée opérationnelle des programmes locaux de l’habitat et de la réduction du délai de mise en compatibilité de ces derniers avec les plans locaux d’urbanisme des communes ; c’est également le cas de l’élargissement, à l’article 11, du recours à la procédure d’opération d’intérêt national, et de la création, à l’article 12, de la convention de projet urbain partenarial, à condition qu’elle soit correctement encadrée.
Cependant, de nombreux points noirs persistent. Les conditions d’application de l’article 23 rendent quasiment inopérant le prélèvement sanctionnant les communes qui ne construiraient pas les places d’hébergement nécessaires. Il n’y a aucune véritable mobilisation, notamment dans le cadre du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, des fameux « maires bâtisseurs » auxquels vous teniez tant l’an passé, madame la ministre !
Mme Odette Herviaux. Des voix se sont fait entendre, y compris au sein de votre majorité, pour que les outils de régulation existants, notamment la loi SRU, soient réellement utilisés. Or le texte du Gouvernement va conduire, je le crains, à leur disparition.
Nous redirons donc autant que nécessaire notre opposition à un objectif de limitation de l’offre locative sociale, qui est encore plus inacceptable en ces temps de crise, et à un texte qui nous semble dépourvu d’ambition, voire dangereux, et assorti d’un budget en baisse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Madame la ministre, permettez-moi de vous féliciter et de vous remercier de vos excellentes propositions en vue de construire un nombre suffisant de logements sociaux pour répondre aux besoins de nos administrés, soit environ 500 000 logements par an, ce qui est considérable. Je ne reviendrai pas sur vos propositions, car elles n’appellent aucune critique de ma part.
M. Serge Dassault. En revanche, ce projet de loi est pour moi l’occasion de défendre les idées qui me sont chères et que vous n’avez pas évoquées.
Concernant les logements sociaux, permettez-moi de vous rappeler que l’obligation faite aux communes de garantir les emprunts accordés aux bailleurs sociaux est très dangereuse, car celles-ci n’ont aucun moyen de l’assumer. Ce qui est extraordinaire, c’est que cette garantie, qui figure à l’article L. 2252-5 du code général des collectivités territoriales, n’est nullement une obligation, mais qu’elle est devenue peu à peu une tradition sans aucun caractère légal pour que les communes obtiennent 20 % des logements.
Cette opération constitue un danger considérable pour la commune, car celle-ci n’est pas une banque. La commune ne peut garantir aucun emprunt, ne disposant ni de fonds propres ni de réserves. Tout ce système est totalement fictif. Je ne comprends d’ailleurs pas qu’une banque aussi importante que la Caisse des dépôts et consignations accepte une garantie aussi fictive que celle d’une commune, laquelle n’a aucune capacité financière.
On part du principe qu’un bailleur social ne peut faire faillite et que le risque est donc nul. Toutefois, cette conception est très dangereuse, car tout est possible : une commune peut se retrouver dans une situation catastrophique. En effet, il est précisé, dans les documents que les maires doivent remettre aux bailleurs sociaux et présenter à leur conseil municipal, que la commune sera tenue de rembourser à la première demande, et sans aucun contrôle, tout emprunt non honoré par le bailleur, même si elle n’en a pas les moyens : c’est une mesure totalement léonine. C’est comme si je demandais à mon concierge de garantir l’emprunt que je souscris pour l’achat d’un appartement ! C’est totalement stupide ! Il faudrait donc supprimer cette obligation, qui n’en est d’ailleurs pas une, et demander aux bailleurs sociaux de chercher des garanties financières un peu plus sérieuses.
Concernant l’accès aux logements sociaux, madame la ministre, vous souhaitez empêcher l’exclusion des personnes défavorisées – familles monoparentales, chômeurs, RMIstes –, ce qui est normal. Je présenterai d’ailleurs un amendement en vue de protéger les femmes vivant seules, sans emploi, abandonnées par leur compagnon ou leur mari, et élevant leurs enfants dans des logements exigus. Sans ressources, elles n’ont pas droit au logement social, ce qui est anormal ; leur situation est donc dramatique. Les bailleurs sociaux devraient avoir l’obligation de les loger.
Dans le même registre, et conformément au principe du droit opposable au logement, il faudrait que les RMIstes et les chômeurs puissent accéder aux logements d’urgence. La Sonacotra, ou Société nationale de construction de logements pour les travailleurs, devenue Adoma, pourrait réaliser des hôtels sociaux d’urgence. Ce serait mieux que de payer des nuits d’hôtel ! (M. Daniel Raoul s’exclame.)
La répartition des contingents des appartements entre le 1 % logement, le préfet et les communes est actuellement la suivante : respectivement 50 %, 30 % et 20 % des logements.
Cette répartition des contingents ne permet pas aux maires de contrôler l’attribution des logements sociaux situés sur le territoire de leurs communes, alors que leurs propres administrés les sollicitent pour en obtenir. Ces derniers ne comprennent pas qu’on refuse de leur attribuer des logements vides et souvent neufs, et finissent par accuser d’incapacité les maires, qui sont toujours considérés comme responsables.
La possibilité donnée aux préfets de laisser leur contingent aux communes constitue une première ouverture.
Pour la répartition du 1 % logement, les collecteurs devraient au moins consulter les maires pour connaître les candidats qui en bénéficient par leur entreprise. Ces derniers imposent leur propre clientèle, qui n’a rien à voir avec la commune.
Il serait donc beaucoup plus normal d’attribuer un contingent respectivement de 30 % au 1 % logement, de 50 % à la commune, et de 30 % au préfet.
Par ailleurs, les dispositifs de type Robien ou autres ont un défaut majeur : ils permettent certes de faciliter les constructions, mais empêchent les maires d’exercer un contrôle sur l’attribution des logements. Résultat, les logements sont attribués le plus souvent à des personnes qui viennent d’ailleurs, ce qui nuit à la bonne cohésion sociale des communes.
Concernant le taux réduit de TVA à 5,5 % dans le cadre du Pass-foncier, il faudrait permettre aux logements situés dans un périmètre de 500 mètres, voire 600 mètres, des quartiers ANRU d’en bénéficier. Les promoteurs, qui connaissent de réelles difficultés pour vendre les logements, n’ont en revanche aucun problème pour vendre des logements auxquels s’applique le taux de 5,5 %. Une telle mesure faciliterait donc l’accès à la propriété et éviterait que des chantiers de construction situés dans un périmètre de 500 à 700 mètres d’un quartier ANRU ne soient coupés en deux avec, d’un côté, des logements soumis à une TVA de 5,5 % et, de l’autre, des logements supportant une TVA de 19,6 %. Une telle situation est totalement incompréhensible pour les administrés.
Enfin, je vous remercie de votre excellente initiative de moderniser les quartiers dits dégradés. Je ne sais pourquoi vous limitez à cent communes le nombre de bénéficiaires – sans doute pour des questions financières –,…