M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Les amendements identiques nos 670 et 824 rectifié n’ont pas véritablement d’objet, dans la mesure où les schémas de développement commercial, les SDC, n’existent plus dans le projet de loi et que l’objectif est de renvoyer ces discussions vers les SCOT.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite le retrait de ces amendements identiques.
L’amendement n° 695 ne semble plus justifié, car, dès lors que les SDC ne sont plus pris en compte par les CDAC, les ODEC ne sont plus nécessaires. Le Gouvernement en demande donc le retrait, suivant en cela l’avis de la commission.
Il en va de même en ce qui concerne l’amendement n° 797 : le Gouvernement en souhaite le retrait, faute de quoi il y serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 670 et 824 rectifié.
M. Thierry Repentin. Mme le rapporteur ayant donné un avis global, mon explication de vote portera, elle aussi, sur l’ensemble des amendements.
Les choses sont un peu compliquées : nous employons des termes qui nous sont familiers, mais les SDC et les ODEC recouvrent des réalités très différentes.
Par la volonté commune du Gouvernement et de la commission, les schémas de développement commercial sont supprimés. Donc, les amendements visant à demander l’avis des chambres consulaires pour l’élaboration des SDC, à savoir les amendements identiques n° 670 et 824 rectifié, deviennent superfétatoires.
En revanche, je m’inscris en faux contre les propos de M. le secrétaire d’État, qui prétend que la disparition des schémas de développement commercial rend inutiles les observatoires départementaux d’équipement commercial.
Or les SDC et les ODEC ne sauraient être confondus. Les observatoires départementaux d’équipement commercial accomplissent, comme leur nom l’indique, un travail qui consiste, sous l’autorité du préfet, à dresser un état des lieux du commerce à l’échelon départemental. Ils constituent ainsi une source d’informations très précieuse pour les collectivités locales : c’est notamment à partir de ces documents fournis par les préfectures que nous savons précisément combien de mètres carrés sont disponibles, secteur par secteur, territoire par territoire, filière par filière, ce qui nous permet d’analyser les demandes nouvelles d’implantation sur le territoire départemental.
Je conteste l’idée que les ODEC ne soient plus intéressants parce qu’il n’y aurait plus de schéma départemental.
En effet, si, d’aventure, nous supprimions aussi les ODEC, de deux choses l’une, monsieur le secrétaire d’État : soit nous les créons au sein de nos collectivités locales – EPCI ou SCOT – et il s’agira, sans le dire, d’un transfert de charges que n’assumerait plus l’État vers les territoires – nous entrerions là dans une dimension qui serait plus celle de la RGPP, la révision des politiques publiques –, soit, lorsqu’il nous faudra répondre à la demande d’un opérateur et que nous ne disposerons plus des d’outils d’analyse que les préfets nous fournissaient jusqu’à présent, les ODEC ayant disparu, nous chargerons un prestataire privé de procéder à une analyse départementale pour déterminer la pertinence de la demande d’implantation nouvelle qui nous est adressée.
J’aurais souhaité que nous ayons une discussion très claire à ce sujet. Nous ne pouvons pas voter pour des amendements qui deviennent superfétatoires parce que les schémas départementaux disparaissent.
En revanche, nous voterons pour les amendements relatifs aux ODEC, dont nous ne souhaitons pas la disparition, à savoir les amendements nos 797 et 695.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Madame Férat, l’amendement n° 670 est-il maintenu ?
Mme Françoise Férat. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 670 est retiré.
Monsieur Cornu, l'amendement n° 824 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard Cornu. J’ai bien écouté les explications de Mme le rapporteur. Il aurait été plus rationnel d’examiner avant l’amendement n° 147, que je voterai, bien sûr.
Dans un souci de simplification, je retire le présent amendement, monsieur le président, au bénéfice de l’amendement n° 147, qui sera, je l’espère, adopté à l’unanimité, tant il va dans le bon sens.
M. le président. L’amendement n° 824 rectifié est retiré.
Madame Payet, l’amendement n° 695 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Houel, l'amendement n° 68 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Michel Houel. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 68 rectifié ter est retiré.
Monsieur Repentin, l’amendement n° 797 est-il maintenu ?
M. Thierry Repentin. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 797.
M. Thierry Repentin. Cet amendement offre, en quelque sorte, une séance de rattrapage par rapport à l’amendement de Mme Payet, mais il a un champ beaucoup plus restreint : il vise très clairement à sauver les ODEC.
Si cet outil disparaît, nous devrons le créer nous-mêmes au sein de nos collectivités territoriales ou passer par des prestataires privés, alors que, jusqu’à maintenant, les choses fonctionnaient très bien entre les collectivités locales et les préfets. Nous n’aurons plus cette banque de données à notre disposition pour savoir si les demandes d’implantation sont pertinentes ou non.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je regrette profondément la suppression des ODEC.
En effet, je sais, pour en avoir consulté des années et des années durant, que les études commerciales sont rarement objectives. Les ODEC, en collaboration avec les préfets, éclairent la décision des pouvoirs publics, notamment de la nouvelle commission. Ils sont donc un élément important.
Nous devons être bien conscients que, si nous supprimons les ODEC, il nous faudra trouver une nouvelle source d’informations, qui ne fournira pas à coup sûr un travail d’une qualité et d’une objectivité comparables à celui des ODEC. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour la clarté du débat, nous avons décidé, sur proposition de la commission, d’examiner séparément les amendements nos 798 rectifié et 968, visant à la suppression du VII de l’article 27, puis l’amendement n° 802, tendant à rédiger ce même VII.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Nous allons aborder une série d’amendements relatifs aux seuils.
Comme le disait très justement M. Cornu voilà un instant, il nous faudra être vigilants au moment où nous allons nous prononcer, notamment, sur l’amendement n° 147 de la commission et sur son amendement n° 116, qui permet de compléter la contribution de l’Assemblée nationale ouvrant aux maires et aux présidents des EPCI comportant 15 000 habitants – selon le texte de l’Assemblée nationale – la faculté de saisir la CDAC s’ils considèrent que l’urbanisme, l’équilibre du territoire ou le développement durable sont atteints.
Nous nous sommes posé une question : faut-il prévoir une toise unique, autrement dit, instaurer des seuils, ou bien faut-il tenir compte des spécificités des territoires ? Ainsi, les territoires situés dans le périmètre de Saint-Quentin en Yvelines ne sont guère comparables à ceux qui existent dans mon département natal, l’Orne : les réactions à une demande d’implantation de commerces ne peuvent donc pas y être les mêmes. Nous proposons que ce soient les élus qui façonnent la réponse territoriale, grâce à un document d’aménagement commercial qui sera inséré dans le SCOT.
Je préside un SCOT : une réunion devant avoir lieu ce soir, j’ai immédiatement ajouté ce principe au sein du document du SCOT, à quatre mois de l’adoption. Il importe de disposer d’un document d’aménagement commercial adopté par l’établissement de coopération intercommunale en anticipation du SCOT lui-même, ce qui permettra de définir le seuil pertinent.
Tel est l’esprit dans lequel nous avons élaboré ces amendements.
La réponse sera fonction des réalités territoriales et devra respecter trois principes : urbanisme, développement équilibré du territoire et protection de l’environnement.
Je voudrais que nous mettions en perspective l’ensemble des mesures que nous prenons : considérons l’article 21 relatif à la négociabilité des conditions générales de vente et l’article 22 qui sanctionne les clauses abusives, ainsi que l’amendement n° 83 rectifié ter de notre collègue Gérard Cornu, qui l’a complété.
Tout à l’heure, Jean-Pierre Raffarin évoquait le commerce de proximité. Notre pays compte 28 500 épiciers, soit un peu plus que voilà quelques années : cette légère augmentation est due aux changements de modes de vie, au choix de privilégier le commerce du centre-ville, à la pyramide des âges.
Cependant, il faut savoir que, tout autant que la fixation de seuils, la liberté des commerçants par rapport à leurs fournisseurs, que nous avons confortée par l’amendement n° 83 rectifié ter, est pour eux essentielle, après avoir eu les mains liées.
Monsieur Sueur, vous avez évoqué le beau. Comment ne pas se souvenir des rapports de M. Ambroise Dupont, ou d’un rapport ancien sur les territoires périurbains, dans lesquels nous déplorions la présence d’un « éléphant bleu », étranger au biotope habituel de la périphérie des villes, qui lavait des voitures dans un décor guère valorisant ?
Dans les SCOT doit donc être prise en compte la notion de beau dans l’urbanisme, donc d’embellissement de nos villes.
Ensuite, il nous faut avoir en tête la possibilité pour le maire de saisir l’Autorité de la concurrence,
Enfin, l’article 26 relatif au FISAC est l’un des éléments de cet aménagement et de ce développement de nos villes.
Nous devons donc bien avoir à l’esprit, en examinant l’ensemble de ces amendements, que les articles 21, 22, 23, 26 et 27 obéissent à la même logique, s’agissant, notamment, du schéma de cohérence territoriale.
Je le dis par avance, nous sommes favorables à l’élargissement du nombre de 15 000 à 20 000 habitants,…
M. Gérard Cornu. Très bien !
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. …nous en avons débattu avec Élisabeth Lamure. Cela nous donnera le temps de bâtir nos schémas de cohérence territoriale en évitant un déséquilibre brutal au niveau de notre territoire.
Ainsi, nous aurons effectué, me semble-t-il, un travail équilibré – c’est en tout cas ce que nous avons essayé de faire – attentif aux territoires, à nos cœurs de villes, à nos quartiers, à nos centres-bourgs. Mais, dans le même temps, cet équilibre doit favoriser le pouvoir d’achat des Français, car c’est une préoccupation que nous entendons samedi après samedi, dans nos permanences.
Tel est le travail que nous avons essayé de réaliser ensemble, dans notre diversité, à la commission spéciale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 798 rectifié est présenté par M. Repentin, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Massion, Pastor, Raoul, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 968 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le VII de cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 798 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous touchons là à l’une des dispositions les plus contestables de ce projet de loi.
Elle procède d’une idée fausse : la multiplication des grandes surfaces et des hard discounters permettrait de stimuler la concurrence et donc de faire baisser les prix, comme si la concurrence n’était pas la forme infantile du monopole ou des ententes monopolistiques !
Entre qui la concurrence va-t-elle s’établir grâce à l’élévation à 1 000 mètres carrés de la liberté totale d’installation ? Certainement pas entre hypermarchés dont la taille est bien supérieure à 1 000 mètres carrés et qui se partagent les zones de chalandise au lieu de s’affronter bêtement et de perdre chacun de l’argent ; ni entre hypermarchés et hard discounters qui souvent relèvent des mêmes groupes et qui, en tout état de cause, ne visent pas les mêmes segments de consommateurs, les derniers visant les pauvres, qui sont si nombreux.
La concurrence s’établira entre hypermarchés, hard discounters et commerces de proximité. Comme nous l’avons dit, le droit de préemption accordé au maire, qui n’aura pas les moyens financiers de l’appliquer réellement, ne changera rien à l’affaire.
Relever le seuil à 1 000 mètres carrés laisse intacte la racine du mal. Chacun sait que, suivant les régions, les prix pratiqués par une même enseigne varient fortement. Ils dépendent non pas du degré de concurrence censé exister entre les sept grands distributeurs qui se partagent le marché, mais de ce que les consommateurs peuvent payer.
La libéralisation des installations à 1 000 mètres carrés ne changera rien. Tout au plus, l’établissement de base sera-t-il de 1 000 mètres carrés plutôt que de 300 mètres carrés.
Nous doutons, même si c’est mieux que rien, qu’un schéma de développement commercial complétant le SCOT, avec une différenciation des seuils selon les lieux, suffise à régler le problème.
Les détracteurs de la loi Raffarin disent qu’elle a surtout empêché le développement du hard discount. Faut-il s’en plaindre ? Comment prétendre sérieusement que le déploiement de la grande distribution est bloqué en France, alors que nous sommes le pays développé dont la densité commerciale est la plus forte ? On compte en effet 1 hypermarché pour 46 000 habitants en France, 1 pour 51 000 habitants en Allemagne et 1 pour 130 000 en Italie.
Selon une étude de la Fédération pour l’urbanisme et le développement des commerces spécialisés, l’Hexagone reste de loin, en 2008, le principal marché européen de l’immobilier commercial, avec 625 projets, soit une augmentation de 40 % en cinq ans.
Le cœur du problème, c’est le pouvoir d’achat des Français. Mais le pouvoir d’achat des Français dépend non seulement des prix, mais également des revenus, qui stagnent, et du niveau de chômage. À chiffre d’affaires égal, le commerce de proximité crée trois fois plus d’emplois que les grandes surfaces, sans compter la pression exercée sur les petits producteurs.
Il y a donc peu de gains à attendre du côté des prix et beaucoup d’inconvénients à redouter du côté des revenus. Mais vous ne nous parlez que des avantages, sans faire allusion aux inconvénients de la multiplication de la grande distribution.
Si j’avais quelque illusion sur la sincérité de la démarche, j’évoquerais aussi le Grenelle de l’environnement, les effets calamiteux de l’urbanisation commerciale sur l’aménagement de nos villes, la hausse de la consommation de carburant. Mais l’heure avance et je ne vous ferai pas pleurer sur le Grenelle de l’environnement, dont chacun sait qu’il n’existe que pour la galerie !
M. Jean Desessard. …commerciale ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Donc, si le progrès consiste à multiplier les zones commerciales sans élaborer un plan d’urbanisme d’ensemble, vous comprendrez bien que nous ne serons pas d’accord !
Au début de l’année, le Président de la République a chargé le prix Nobel Joseph E. Stiglitz d’une mission de réflexion sur le changement des instruments de mesure de la croissance française. On pourrait penser que ce changement a pour objet d’intégrer des éléments qualitatifs, mais c’est précisément ce que l’on refuse encore de faire ici.
C’est pourquoi nous proposons cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 968.
M. Jean Desessard. L’amendement n° 968 est identique à l’amendement n° 798 rectifié et l’argumentaire sera le même.
M. le président. Donc, il est défendu !
M. Jean Desessard. Quasiment ! Mais, monsieur le président, au risque de me répéter, je voudrais dire que nous avons étudié, il n’y a pas si longtemps, un texte sur les marges arrière, dont le rapporteur était M. Cornu. Vous aviez été brillant, monsieur Cornu, il y a environ deux ans, pour défendre votre proposition de loi. Alors, comment se fait-il que nous examinions un autre texte maintenant ? Et l’on entend aujourd’hui M. Larcher, lui aussi excellent ; l’éloquence est là, mais l’efficacité, on en reparlera dans deux ans…
Le VII de l’article 27 tend à relever le seuil minimal d’autorisation pour la construction d’une surface commerciale de 300 à 1 000 mètres carrés. Nous proposons la suppression de cette mesure, car elle n’est pas fondée. En effet, selon les chiffres de l’INSEE, le nombre de mètres carrés autorisés a été quasiment multiplié par trois entre 1997 et 2004.
On comptait 1,09 million de mètres carrés de grandes surfaces en 1997, contre 3,04 millions de mètres carrés en 2004. Si l’on calcule la densité de surfaces commerciales par habitant, la France est dans la même position que l’Allemagne, avec un supermarché pour 10 000 habitants. De plus, elle compte un hypermarché pour 46 000 habitants quand l’Allemagne en compte un pour 51 000 habitants. Mon collègue a donné les chiffres pour l’Italie, où l’écart est encore plus important.
Il ressort de ces chiffres que le nombre de supermarchés et d’hypermarchés par habitant en France est parmi les plus élevés en Europe. Dans ces conditions, il est légitime de se demander si la suppression de l’autorisation pour la construction de surfaces commerciales de moins de 1 000 mètres carrés est bien nécessaire.
Au-delà des considérations de chiffres, je conteste l’argument du Gouvernement selon lequel la multiplication des surfaces commerciales fera baisser les prix dans les grandes enseignes puisqu’il s’agit ici d’autoriser l’implantation de surfaces de moins de 1 000 mètres carrés.
Jusqu’à présent, nous n’avons pas vu les effets des lois Dutreil et Chatel sur les prix, alors que vous prétendiez déjà augmenter le pouvoir d’achat de nos concitoyens. De même, avec cette mesure, nous pouvons toujours attendre indéfiniment une baisse des prix.
À défaut de résultats économiques certains, cette mesure risque de mener à un aménagement du territoire incohérent, au détriment des autres schémas d’urbanisme et de la prise en compte de l’environnement.
On ne peut donc que constater la contradiction entre vos discours sur la préservation de l’environnement et la multiplication des grandes surfaces en périphérie, qui ne sont accessibles qu’en voiture et défigurent nos entrées ou sorties de villes. Plus de pollution atmosphérique et visuelle, c’est ce qui nous attend avec cette loi !
Par ailleurs, vous parlez des emplois qui seront créés par cette mesure, mais vous passez sous silence les emplois qui seront perdus, puisqu’aucune mesure d’accompagnement n’est prévue pour le commerce de proximité, lequel souffrira évidemment de ces nouvelles implantations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’avis de la commission est bien sûr défavorable.
Je vous rappelle que c’est justement à ce paragraphe que nous voulons proposer un dispositif sur les zones d’aménagement commerciales à l’intérieur des schémas de cohérence territoriale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Compte tenu de l’argumentation que j’ai eu l’occasion de développer tout à l’heure, vous comprendrez que le Gouvernement soit défavorable à ces deux amendements.
Le relèvement du seuil de 300 à 1 000 mètres carrés procède de la volonté d’améliorer la concurrence dans le secteur de la distribution. Je vous ai rappelé tout à l’heure les études concordantes qui émanent à la fois de la sphère publique, d’associations de consommateurs et du Conseil de la concurrence. Ce dernier a très bien démontré que le consommateur était la principale victime du manque de concurrence au sein d’une même zone de chalandise. Il a cité l’exemple de l’agglomération lyonnaise, insuffisamment concurrentielle à ses yeux, et celui de l’agglomération nantaise, qui est dans une situation fortement concurrentielle : eh bien ! selon le Conseil de la concurrence, l’écart de prix entre ces deux zones de chalandise est de 10 %.
Aujourd’hui, la principale victime de ce manque de concurrence dans la distribution, c’est le consommateur ! C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de relever le seuil à 1 000 mètres carrés. Cela permettra à des petits supermarchés, dont la viabilité économique impose désormais une surface de vente comprise en 600 et 1 000 mètres carrés, de s’implanter plus facilement sans autorisation commerciale, autorisation souvent longue à obtenir et coûteuse. C’est une avancée importante, nous semble-t-il, en matière de concurrence.
Enfin, il ne s’agit pas de traiter uniquement la distribution alimentaire. Le manque de concurrence existe aussi souvent dans la distribution spécialisée, notamment dans les domaines du sport, du loisir ou de l’habillement. Là encore, le relèvement du seuil va permettre au consommateur, dans un certain nombre de zones de chalandise, de bénéficier de plus de choix et de concurrence.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je ne vais pas voter ces amendements. Cependant, je voudrais contredire l’argumentation qui a été avancée. J’ai également amené des études !
Je vous renvoie aux débats qui ont eu lieu lors de la loi Royer et de la loi de 1996 ! M. le secrétaire d’État nous dit que des millions de mètres carrés ont été consacrés aux grandes surfaces depuis la loi de 1996. Mais nous le devons à la loi Royer ! Car, en 1996, nous avons abaissé le seuil à 300 mètres carrés pour empêcher le hard discount. Et c’est précisément la raison pour laquelle, aujourd’hui, le hard discount représente 10,3 % en France, contre 43 % en Allemagne !
Voilà vers quoi nous allons ! Le hard discount sera d’une importance à peu près égale à celle qu’il a en Allemagne, alors qu’en Grande-Bretagne il ne représente que 5 % !
M. Daniel Raoul. C’est vrai.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je ne vais pas voter ces amendements, je le répète, parce que la proposition de la commission, qui est aussi celle de Michel Houel, me paraît raisonnable. Si l’on donne aux maires la possibilité de saisir la commission départementale d’aménagement commercial dans un système urbain de moins de 20 000 habitants, on pourra alors revenir aux 300 mètres carrés.
Nous sommes aujourd’hui dans une situation où le risque majeur pour l’équilibre commercial est le développement du hard discount en France. Cela aura deux effets : le commerce de proximité sera mis en difficulté et un certain nombre de grands groupes français de la distribution qui ont réussi à réaliser des performances à l’exportation seront attaqués par des distributeurs extérieurs.
Or, d’une part, nous avons besoin du commerce de proximité en termes d’aménagement du territoire. D’autre part, à l’exportation et sur le plan international, nos grandes entreprises de distribution constituent un modèle. Par cette arrivée d’acteurs extérieurs, nous allons fragiliser et les grands et les petits !
M. Jean Desessard. C’était une très bonne intervention ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Danglot. Nous avons déjà évoqué dans notre demande de suppression de l’article 27 les dangers qu’il y avait à porter le seuil de 300 à 1 000 mètres carrés.
Or force est de constater que mes collègues socialistes et Verts, mais aussi certains collègues centristes, avec l’amendement n° 704 qui sera examiné tout à l’heure, sont, eux aussi, attachés à maintenir une certaine diversité commerciale et réclament donc l’annulation de ce seuil. Ces derniers rappellent d’ailleurs à juste titre, dans l’objet de cet amendement, le positionnement des élus locaux sur ce sujet. Ayant recueilli, de mon côté, les mêmes échos, je tiens à citer ce qu’ils écrivent : « En cela, les maires et les élus locaux sont inquiets d’une telle mesure car l’implantation d’enseignes de hard discount risque de conduire à la fermeture inéluctable de nombreux commerces de détail, et donc à la disparition de milliers d’emplois pérennes dans les centres-villes et les bourgs-centres. »
L’ensemble des maires a bien vu les conséquences sociales et environnementales que pourrait entraîner la décision d’autoriser l’installation quasi sauvage des grandes surfaces. Des a priori vous conduisent à agir sans tenir compte de l’avis des élus du peuple. Seul vous anime un dogmatisme sans borne.
Vous souhaitez « desserrer les freins » de notre économie : c’est votre expression favorite pour justifier toutes ces déréglementations. À force de tout relâcher, vous allez finir par rouler sans frein, ce qui ne peut que conduire notre économie dans le mur ! Et c’est ce que vous allez réussir à faire en détruisant définitivement le petit commerce, qui se trouvera en situation de faiblesse face à la concurrence déloyale des grands groupes.
Vous nous proposez l’uniformité à tous les étages et des concentrations commerciales dans les périphéries urbaines. En vidant les centres-villes, en désertifiant les communes rurales et nos quartiers périurbains, vous allez aggraver encore plus la situation de l’emploi, dont la tendance n’est déjà pas à l’embellie, et déséquilibrer l’aménagement du territoire.
Nous soutenons donc les amendements déposés par les différents groupes visant à maintenir le seuil actuel de 300 mètres carrés.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais revenir sur vos propos, car j’y ai relevé un double sophisme.
Tout d’abord, la concurrence n’est pas proportionnelle au nombre d’enseignes. Il peut parfaitement y en avoir plusieurs sans qu’elles se fassent concurrence.
Mme Odette Terrade. C’est bien ce que l’on constate aujourd'hui !
M. Pierre-Yves Collombat. Très souvent, on le sait très bien, elles réussissent à s’entendre parfaitement.
Ensuite, en quoi les deux seuls cas de Lyon et de Nantes que vous avez pris en exemple vous permettent-ils de tirer de telles conclusions ? Je suis prêt à parier qu’il existe beaucoup d’endroits où, malgré des enseignes différentes, les prix pratiqués sont tout à fait équivalents.
Le niveau des prix dépend de multiples paramètres, et pas seulement du nombre des concurrents. Si je poussais votre raisonnement à l’extrême, je pourrais affirmer que les différences constatées en ce domaine entre les régions lyonnaise et nantaise tiennent au fait que la seconde bénéficie de l’air marin !
Dans le Var, je le vois bien, les prix, donc le coût de la vie, sont plus élevés que dans nombre de départements du Sud-Ouest. Et ce n’est pas dû à un manque d’hypermarchés ! Bien au contraire, c’est l’un des endroits où il y en a le plus !
Par conséquent, on ne peut vraiment pas se contenter de telles explications. Au minimum, ce projet de loi ne changera rien du tout ; au pire, et c’est ce que nous craignons, il aggravera la situation.