M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moment de vérité budgétaire et comptable est bien celui de l’examen du projet de loi de règlement du budget, auquel, monsieur le ministre, vous avez bien voulu conférer une appellation plus globale et plus significative à la suite de notre suggestion, ce qui fait que nous débattons du projet de loi de règlement des comptes et de rapport de gestion pour 2007.
Comme j’ai eu le privilège de le faire voilà quelques jours devant la commission des finances, je veux mettre l’accent et braquer le projecteur sur deux étapes successives.
Tout d’abord, s’agissant des résultats eux-mêmes, je souhaite analyser, d’une part, ceux qui concernent l’État et, d’autre part, ceux qui sont affichés par l’ensemble des administrations publiques.
Ensuite, dans un second temps, je formulerai quelques remarques qui me paraissent utiles à propos des conditions de l’exécution de la loi de finances pour 2007. Comment la norme de dépense a-t-elle été respectée ? Quels sont les indicateurs de performance ? Quels enseignements en tirer ?
En premier lieu, les chiffres budgétaires d’exécution de 2007 méritent quelques instants d’attention.
Tout d’abord, ils font apparaître un déficit de l’État à hauteur de 34,7 milliards d’euros, contre 39 milliards d’euros dans l’exécution de 2006.
Il convient cependant de rappeler, comme l’a fait M. le ministre avec son sens de l’exactitude, que le résultat de 2006 avait été pénalisé par une opération comptable exceptionnelle, la modification du calendrier de versement des pensions des agents de l’État, dont l’impact avait majoré les dépenses de 3,3 milliards d’euros, et en l’absence de laquelle l’exécution de 2006 aurait été clôturée avec un déficit de 35,7 milliards d’euros.
À l’inverse, M. le ministre l’a rappelé, un facteur positif de caractère exceptionnel a été inclus dans le solde de l’exercice 2007, à savoir le produit des cessions de titres EDF à concurrence de 3,7 milliards d’euros, faute de quoi l’exécution de 2007 aurait été close avec un déficit de 38,4 milliards d’euros.
Dès lors, l’amélioration d’une année à l’autre n’est que très relative. Il n’en reste pas moins que la prévision du projet de loi de finances pour 2007 était pire, puisqu’elle établissait un déficit de 42 milliards d’euros.
Ensuite, nous pouvons relever un facteur de relative satisfaction : en 2007, un peu mieux encore qu’en 2006, le budget de l’État est en équilibre primaire ; en d’autres termes, nous sommes en mesure, charges financières non comprises, d’équilibrer nos comptes budgétaires et même de faire un tout petit peu mieux. Néanmoins, nous savons, mes chers collègues, que nous sommes dans une phase de montée des taux d’intérêt,…
M. Gérard Longuet. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … de hausse de l’inflation, qu’une part du financement de l’État est indexée sur l’inflation et que les préoccupations en la matière pour le proche avenir sont lourdes, voire très lourdes.
Enfin, le troisième indicateur relativement favorable est tout bonnement ce que j’appellerai le « compte de cuisinière », c’est-à-dire la couverture des dépenses par les recettes.
Je rappelle que, en 2003, s’agissant du seul budget général, le taux de couverture des dépenses par les recettes ne s’élevait qu’à 79,6 %. En 2007, il est passé à 85,9 %.
Cela m’amène à aborder les aspects les plus sensibles à la conjoncture, c’est-à-dire les recettes de l’État.
Ces dernières ont été supérieures de 4 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2007, ce résultat global étant le solde d’une amélioration de 7 milliards d’euros et d’une détérioration de 3 milliards d’euros.
L’amélioration est liée, une nouvelle fois, à une plus-value importante des recettes d’impôt sur les sociétés, soit 5 milliards d’euros, du fait des bons résultats affichés en 2007 par les grandes entreprises françaises ou celles dont le siège social se situe en France.
De plus, les recettes non fiscales, élément régulateur important de l’exécution budgétaire de l’État, font apparaître une amélioration, une « bonne surprise » de 500 millions d’euros, en raison notamment du versement d’un acompte sur dividendes par EDF et du versement de la soulte de la SNCF à laquelle M. le ministre a fait allusion tout à l’heure.
Enfin, une troisième « bonne surprise » résulte d’une économie de constatation, le prélèvement sur recettes étant inférieur de 2 milliards d’euros aux prévisions, du fait, plus particulièrement, du calcul de notre contribution à l’Union européenne.
Tels sont les éléments favorables.
S’agissant des éléments défavorables, je soulignerai un rendement de la TVA inférieur de 2,4 milliards d’euros à la prévision en raison d’un certain ralentissement de l’activité économique et, surtout, un impôt sur le revenu dont la réalisation est inférieure à la prévision de 300 millions d’euros, diminution provenant en particulier du grand succès des crédits d’impôt, et plus spécialement de ceux qui sont liés au développement durable.
J’en viens à présent aux aspects plus globaux du solde des administrations publiques. Il s’agit des indications, fondées sur les chiffres de l’INSEE, transmises aux autorités européennes pour montrer où nous en sommes au regard de nos engagements européens, résultant notamment du traité de Maastricht.
Là, je le dis tout net, les chiffres apparaissent un peu plus préoccupants que la série budgétaire limitée au seul État.
Le déficit public notifié par la France, au titre de 2007, s’établit à 2,7 % du produit intérieur brut, soit 50,3 milliards d’euros. On peut retenir ce chiffre : le déficit français est égal à un peu plus de 50 milliards d’euros.
La dette publique notifiée s’établit à 64,2 % du produit intérieur brut, soit à près de 1 210 milliards d’euros. J’insiste sur cet aspect en vous rappelant, mes chers collègues, que la dette brute consolidée de l’ensemble des administrations publiques – État, sécurité sociale, collectivités territoriales, divers démembrements – a crû de 60 milliards d’euros, soit une augmentation de 5,2 %, pour atteindre 1 210 milliards d’euros, soit 19 000 euros par habitant et 47 000 euros par Français actif.
Lorsque nous raisonnions sur ces chiffres, juste avant l’introduction de l’euro, le ratio que l’on donnait était proche de 100 000 francs par Français, c’est-à-dire de l’ordre de 15 000 euros. Or, en quelques années, nous sommes passés tout simplement de 15 000 euros à 19 000 euros par habitant !
M. Jean-Jacques Jégou. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La hausse de trois points du ratio d’endettement est très significative. J’ajoute que c’est la cinquième année que la France dépasse le niveau d’endettement de 60 % du PIB, qui est, comme chacun sait, l’une des limites imposées par le traité de Maastricht.
Quelle est la répartition du déficit entre l’État et les autres composantes des administrations publiques ?
Le déficit de l’État, selon l’INSEE, s’élève à 39,2 milliards d’euros, chiffre rappelé dans le présent projet de loi de règlement. Celui des administrations publiques locales atteint 7,2 milliards d’euros et celui des administrations de la sécurité sociale est de 1,6 milliard d’euros.
Quels sont les écarts entre prévision et exécution ?
Je me permets d’attirer votre attention sur cet aspect, monsieur le ministre, mes chers collègues : entre la prévision et l’exécution, en pourcentage du produit intérieur brut, le solde de l’État s’est dégradé de 0,2 point ; le solde des collectivités territoriales s’est également dégradé de 0,2 point ; le solde des agences, divers organismes d’administration centrale s’est montré stable, et celui de la sécurité sociale a affiché une augmentation marginale de 0,1 point.
Il serait donc faux, monsieur le ministre, de dire que les collectivités territoriales sont responsables, et à elles seules, d’une dégradation des comptes publics en 2007. (Très bien ! sur l’ensemble des travées.)
Mmes Marie-France Beaufils et Nicole Bricq. Il fallait le dire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est une réalité comptable ! Je ne sollicite pas les chiffres, croyez-le bien !
J’en viens aux conditions de l’exécution de la loi de finances pour 2007. Que peut-on dire ?
Il faut d’abord vous donner acte, monsieur le ministre, du respect formel de la norme de dépense, puisque vous avez tenu bon sur la norme fixée à « -1 volume », à deux nuances près cependant – et vous savez que la commission des finances y est particulièrement vigilante !
En premier lieu, vous avez apuré les dettes de l’État envers le régime général de la sécurité sociale pour 5,1 milliards d’euros. C’est une excellente chose.
M. Jean-Jacques Jégou. Mais de quelle manière !
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais cet apurement a été débudgétisé par le recours à la caisse de la dette publique. Vous n’êtes pas passé par la case déficit !
En second lieu, une part du financement des primes d’épargne logement – 623 millions d’euros – a été assurée au moyen d’une autorisation de découvert auprès du Crédit foncier de France, alors qu’il s’agit bien d’un élément du déficit réel.
Au sein de la commission, nous estimons qu’il convient de clarifier la norme de dépense et que cela doit être l’un des éléments d’une remise sur le métier de la LOLF, qui est notre bible et dont nous sommes les prophètes. (Sourires.)
Sans doute serait-il bon de déposer dans les prochains mois une proposition de loi organique visant à en réformer quelques aspects.
La norme pour 2007, rappelons-le, ne représente que 50 % des dépenses brutes. La norme de dépense élargie, que nous avons adoptée, à bon escient, pour 2008, ne représente encore que 60 % de ces mêmes dépenses brutes. Il est indispensable de l’élargir et de lui appliquer la constance en volume ou la décroissance d’un point en volume. Cela signifie qu’il faut y englober les dépenses des comptes d’affectation spéciale, les remboursements et dégrèvements concourant à une politique publique déterminée et les affectations de recettes à tous les opérateurs de l’État.
De plus, monsieur le ministre, nous ne pouvons qu’insister, comme vous, sur le caractère absolument indispensable d’une vraie discipline en matière de dépenses fiscales. On cède trop facilement à la tentation de multiplier les crédits d’impôt quand on ne dispose plus d’argent pour satisfaire les différentes revendications. (MM. Jean-Jacques Jégou et Gérard Longuet applaudissent.)
Venons-en à présent à la répartition, par grandes masses et par nature, des dépenses de l’État en 2007.
Les dépenses de personnel connaissent un certain reflux, puisqu’elles passent de 44,3 % du budget général à 43,8 %. Toutefois, il faudrait voir d’un peu plus près leur ventilation, en particulier entre l’État et les agences. Il n’en reste pas moins que les emplois s’établissent dans ce projet de loi de règlement à 2 257 402 équivalents temps plein travaillés, y compris les budgets annexes. Je rappelle que nous avions voté un plafond de 2 283 159 dans la loi de finances pour 2007. L’écart est donc de 25 757 emplois.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit, à juste titre, que les effectifs avaient connu une diminution réelle de 15 479. Néanmoins, en termes de crédits consommés, la différence est bien de 25 757. Nous pouvons vous décerner un satisfecit.
De la même manière, la commission considère comme très positive l’évolution des reports de crédits : ils sont fort bien tenus grâce, en particulier, à la direction du budget, dont le rôle est essentiel en la matière. Néanmoins, la question des reports de charges, qui traduit certains aspects de la sincérité de l’évaluation des crédits annuels, appelle une série de remarques.
Le ministère de l’agriculture, par exemple, traîne toujours derrière lui des dettes, des quasi-dettes, pour une fraction non négligeable de ses moyens de travail et d’intervention. Il reste beaucoup à faire pour que les reports de charges soient aussi bien maîtrisés que les reports de crédits.
J’achèverai mon propos sur la démarche de performance.
Pour 2007, 80 % des indicateurs sont renseignés. Naturellement, la portée des informations ainsi collectées est inégale. Le souci de gestion et la qualité du contrôle de gestion apparaissent encore perfectibles.
Je voudrais rendre hommage, monsieur le ministre, à ceux de nos collègues rapporteurs spéciaux qui, tout au long de l’année, ont suivi l’exécution du budget et formulé des observations sur le pilotage des différentes administrations.
Il nous semble que certaines missions ont vraiment joué le jeu de la performance – je parle notamment sous le contrôle d’Yves Fréville. Tel est le cas de la mission « Défense », de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques » – nous n’en sommes pas surpris puisque vous en assurez directement la maîtrise, monsieur le ministre –, de la mission « Sécurité civile » et de la mission « Engagements financiers de l’État ».
À l’inverse, parmi les missions qui ont suscité des remarques moins satisfaisantes ou plus sévères, on peut citer la mission « Action extérieure de l’État ». Parmi les indications très nombreuses que donne le rapporteur spécial de cette mission, Adrien Gouteyron, je vous livre celle-ci : le contrôle de gestion ne serait déployé que dans 80 des 232 consulats, et ce à l’horizon de cinq ans.
On pourrait aussi citer la mission « Aide publique au développement », qui manque cruellement d’indicateurs pertinents, la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », au sein de laquelle les subventions distribuées à des associations le sont toujours dans une logique d’abonnement plus que dans une logique de contractualisation, enfin, la mission « Outre-mer », qui ne dispose de pratiquement aucun indicateur exploitable.
Finalement, mes chers collègues, cet ensemble forme un tableau contrasté.
En premier lieu, il est indispensable de remettre la LOLF sur le métier, d’instaurer un nouveau référentiel comptable afin d’encadrer, notamment, les reprises de dettes et afin d’éviter les opérations ambigües entre mouvements de trésorerie et mouvements budgétaires.
En second lieu, il convient d’adapter le plafond d’endettement voté par le Parlement pour tenir compte de l’importance des émissions à court terme. Ce plafond n’a strictement aucun sens bien que nous l’ayons considéré, lors de l’entrée en vigueur de la LOLF, comme une conquête du Parlement. La LOLF a été vidée de son sens par la pratique administrative.
En troisième lieu, il est indispensable de créer une norme spécifique pour les niches fiscales. Monsieur le ministre, vous connaissez nos thèses : nous souhaitons que l’on s’astreigne à une évaluation régulière de ces niches et que celles-ci soient de plus en plus souvent à durée déterminée.
Dans quelques jours, mes chers collègues, nous débattrons des orientations budgétaires pour 2009. Demain matin, j’interviendrai sur cette question devant la commission des finances : je ne vous cache pas le caractère délicat et préoccupant des perspectives qui sont devant nous. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vient de le rappeler excellemment M. le rapporteur général, le projet de loi de règlement des comptes constitue désormais le moment de vérité budgétaire pour nos finances publiques. Il représente le maillon-clé du fameux chaînage vertueux introduit par la logique de performance définie par la LOLF.
Grâce à la loi de règlement, et au vu des documents budgétaires qui lui sont joints, les « rapports annuels de performances », assortis de l’ensemble des indicateurs de performance des différents programmes, le Gouvernement et le Parlement doivent être capables d’évaluer l’efficacité des politiques publiques, d’en tirer les conséquences et d’améliorer la gestion publique pour les budgets à venir.
Monsieur le ministre, toute cette démarche vertueuse est sans doute un peu utopique au regard des résultats actuels, mais nous devons persévérer dans l’amélioration de la performance. À cet égard, je salue votre engagement dans cette démarche à travers la révision générale des politiques publiques, sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir.
Je crains d’être moins optimiste dans la suite de mon propos concernant le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007. En effet, la loi de règlement est une loi de ratification et de constatation ; elle permet de constater le montant des dépenses et des recettes de l’année écoulée, de ratifier l’exécution des opérations non autorisées en loi de finances initiale et d’établir le compte de résultat.
À la lumière de ces résultats et des analyses qui ont pu être faites, notamment par la Cour des comptes, mon optimisme « lolfien » est un peu terni ; j’ai bien peur de formuler des remarques que j’avais, malheureusement, déjà faites l’année dernière.
Bien sûr, monsieur le ministre, je ne vous tiendrai pas pour seul responsable de cette situation, car même si la majorité n’a pas changé en 2007, vous n’avez exercé vos fonctions de ministre du budget et des comptes publics que sur une période à peine supérieure à une demi-année.
Avant d’aborder des questions de fond, je souhaiterais pointer quelques problèmes de forme qui concernent notamment l’organisation de nos débats.
L’examen de ce projet de loi de règlement a lieu en plein milieu d’un débat riche et long sur la modernisation de l’économie, qui mobilise trois de nos commissions permanentes. De ce fait, le temps que chacun de nos collègues a pu consacrer à l’examen du projet de loi de règlement et des différents règlements d’administration publique s’en est trouvé réduit. Ce moment est pourtant capital, car la LOLF est censée être le symbole le plus fort de notre pouvoir d’intervention et de contrôle de l’administration publique et de son utilisation des fonds.
Je regrette donc la faible durée accordée au débat d’aujourd’hui, en dépit des efforts importants de la commission des finances, notamment de son président et de son rapporteur général. On parle de revaloriser le rôle du Parlement. Mais ce n’est pas en alourdissant l’ordre du jour que l’on redonnera du pouvoir aux députés et sénateurs, particulièrement en matière budgétaire. Il importe de rendre véritable notre pouvoir de contrôle de l’utilisation des fonds publics et de leur performance. Pour cela, nous avons besoin de temps pour juger sur place et sur pièces dans les administrations, mais nous avons aussi besoin de plus de moyens.
Ce n’est certes pas une idée très originale, mais je sais que tel est le désir de notre commission : un véritable rapprochement entre la Cour des comptes et les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat est nécessaire.
En outre, on peut regretter que, contrairement à ce qui s’était passé l’année dernière, aucun débat thématique n’ait été organisé cette année dans notre hémicycle. On ne peut que saluer le fait que treize ministres aient été auditionnés sur les missions budgétaires dont ils ont la charge ; mais, là encore, le temps nous a souvent manqué. Peut-être faudrait-il réduire le temps consacré à l’examen des projets de loi de finances initiale.
Il serait souhaitable, pour que nous tirions les conséquences de l’exécution du budget de l’année n – 1 avant d’établir les prévisions pour l’année n + 1, que nous ayons réellement le temps d’étudier le projet de loi de règlement et ses annexes, au lieu d’en « expédier » l’examen en une journée, ainsi que nous le faisons cette année, au cours de cette session extraordinaire un peu tardive.
Monsieur le ministre, je souhaiterais également vous faire part de notre déception quant à la mise en œuvre de la LOLF. Peut-être sommes-nous impatients, mais quelques aspects ne sont pas à la hauteur de nos attentes. Je suis heureux à cet égard que M. le rapporteur général ait évoqué la nécessaire modification de la LOLF. Les indicateurs de performance utilisés sont très nombreux, trop nombreux peut-être, et parfois assez peu significatifs. Comment pourrait-on juger de la pertinence de ceux qui ont déjà été mis en place ?
Enfin, avant d’aborder les véritables questions budgétaires de l’exercice 2007, j’aimerais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur les changements de périmètre des missions budgétaires pour les années à venir.
Il paraît admis que, par souci d’efficacité, certaines missions vont fusionner ou que d’autres seront redécoupées. J’espère que ces contours ne seront pas perpétuellement modifiés au gré des différentes évolutions ministérielles et que la continuité d’analyse des indicateurs en place pourra être assurée.
J’en viens maintenant aux résultats budgétaires pour l’année 2007.
Le chiffre officiel du déficit budgétaire pour l’année 2007 est de 34,7 milliards d’euros ; encore faudrait-il y ajouter le produit de la cession des actions d’EDF, ce qui le porterait à 38,4 milliards d’euros. C’est d’ailleurs ce chiffre que vous avez choisi de commenter, monsieur le ministre, et je rends hommage à l’effort de transparence et de lucidité dont vous avez fait preuve sur ce point.
Ce résultat est très loin d’être satisfaisant pour au moins deux raisons.
D’une part, si on le compare au solde de l’année 2006, qui était de 39 milliards d’euros, en prenant en compte l’incidence de la modification du calendrier de versement des pensions des agents de l’État, on constate que le résultat ne s’améliore que de 0,6 milliard d’euros.
D’autre part, malgré une augmentation globale des recettes pour 2007, ce solde n’est, par rapport à la loi de finances initiale, qu’en amélioration de 3,6 milliards d’euros – 7,3 milliards d’euros si l’on ne tient pas compte des cessions de titre EDF.
Enfin, ce déficit budgétaire symbolise la fin d’une trop lente diminution du poids du déficit public dans notre économie puisque, pour 2007, il représente près de 2,7 % du PIB, après 2,4 % en 2006. Cette augmentation de 0,3 point est imputable pour 0,2 point à l’État et pour 0,2 point aux collectivités territoriales – je ne reviendrai pas sur les propos de M. le rapporteur général sur la responsabilité des collectivités territoriales –, l’administration de sécurité sociale apportant une contribution positive de 0,1 point, grâce principalement à un déficit moindre que prévu, et plus précisément grâce à la branche chômage.
En outre, et comme l’a très justement pointé la Cour des comptes dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État pour 2007, un certain nombre de points qui aggraveraient la situation de ce solde n’ont pas été pris en compte. La Cour a particulièrement souligné les dépenses qui auraient dû être payées en 2007 mais qui ont été reportées, souvent en raison de l’insuffisance des crédits ouverts, sur l’exercice 2008, à hauteur de 5,5 milliards d’euros, celles qui ont fait l’objet de présentations visant à les faire apparaître en dehors du budget, évaluées à environ 5,7 milliards d’euros. La Cour des comptes cite par exemple l’extinction des impayés à l’égard du régime général de sécurité sociale, pour 5,1 milliards d’euros, et le remboursement des primes d’épargne logement. La Cour rappelle également le niveau élevé des recettes non récurrentes mobilisées au cours de l’exercice, atteignant 6,6 milliards d’euros.
Si le solde pour l’année 2007 paraît stabilisé par rapport à 2006, de nombreux efforts de présentation et d’écriture ont dû être réalisés afin d’atteindre ce résultat. Je ne peux que regretter que ce projet de loi de règlement ne reflète pas la réalité budgétaire de nos comptes, certes par souci d’authenticité, mais aussi par souci de réalisme au regard de notre situation financière. Ce réalisme nous sera nécessaire pour mener des réformes courageuses et faire comprendre aux Français leur aspect inéluctable.
Ces oublis ne remettent pas totalement en cause la sincérité budgétaire de ce projet de loi, mais ils entachent sérieusement le principe défini à l’article 32 de notre chère constitution financière qu’est la LOLF.
Quant au solde primaire, qui peut nous renseigner sur la bonne gestion de l’année examinée sans la pollution des dettes accumulées auparavant, on peut noter qu’il est très légèrement positif à 1,16 milliard d’euros. À la lumière de ce que je viens de dire sur la sincérité budgétaire, et avec la perspective d’une élévation des taux d’intérêt, cet équilibre sera lui aussi bien précaire et en tout cas difficile à conserver dans les années à venir, compte tenu de la conjoncture mondiale.
Je n’aurai pas la prétention de citer l’ensemble des problèmes qui concourent à ce résultat. J’insisterai sur ceux qui concernent essentiellement les dépenses publiques.
Monsieur le ministre, vous avez choisi de ne pas augmenter la pression fiscale, compte tenu de notre niveau de prélèvements obligatoires. Notons tout de même que le dynamisme des recettes totales est considérablement ralenti, avec une faible progression de 0,9 % en 2007, et que les recettes fiscales sont en quasi-stagnation depuis quatre ans, pour les raisons qu’a rappelées M. le rapporteur général.
Le taux de prélèvements obligatoires se replie de 0,6 point, à 43,3 % du PIB, mais reste très élevé, supérieur de 4,1 points de PIB à celui de la moyenne des pays de l’Union européenne à quinze et de 8 points de PIB à celui de la moyenne des pays de l’OCDE. Ce taux a augmenté de près de un point sur les dix dernières années, alors que d’autres pays, qui avaient un taux de prélèvements obligatoires déjà inférieur au nôtre, l’ont diminué. Ainsi, l’Allemagne a aujourd’hui un taux inférieur de 9 points au nôtre.
Concernant les dépenses de l’État, on peut se féliciter qu’au total les 270,6 milliards d’euros soient formellement contenus dans l’enveloppe votée par le Parlement en loi de finances initiale et qu’ils ne soient qu’en augmentation de 0,6 % par rapport à l’année 2006, ce qui correspond à une véritable réduction en volume des dépenses de l’État. Ce résultat est obtenu au prix de quelques artifices d’écriture, mais c’est la même chose tous les ans. On peut donc penser, monsieur le ministre, que vous êtes un peu plus vertueux, quoique l’on pourrait tout de même vous attribuer la mention : « Peut mieux faire ! »… Je sais, ce n’est pas facile ! (Sourires.)
Au demeurant, la présentation qui en est faite présente encore quelques insuffisances. Je ne remets pas en cause l’honnêteté des gestionnaires publics mais, pour respecter le principe de sincérité, il est nécessaire d’avoir une présentation exhaustive des dépenses.
Permettez-moi maintenant d’évoquer quelques problèmes.
La dépense brute de l’État augmente trop rapidement, y compris les prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales, qui ont progressé de 3,2 % en exécution entre 2006 et 2007, alors que les prélèvements au profit de l’Union européenne sont en stagnation ; ils devraient malheureusement croître, eux aussi, à partir de cette année.
On peut également évoquer la prime pour l’emploi, qui, comme chaque année, constitue non pas une dépense, mais un prélèvement sur recettes, au sens budgétaire du terme. Par boutade, je serais tenté de dire que l’on devrait la tripler ou même la quadrupler et supprimer d’autres dépenses afin de satisfaire nos engagements. La non-prise en compte de la prime pour l’emploi contribue à la non-sincérité des comptes qui nous sont présentés.
II est facile d’évoquer, là encore de façon lancinante, les sous-budgétisations. Comment ne pas penser aux opérations militaires extérieures, les OPEX, au moment où notre armée est en pleine crise et avant que soit mise en place la prochaine loi de programmation militaire – cet automne nous l’espérons. Les dépenses consacrées aux OPEX ont presque atteint un montant double de celui qui avait été budgété : 685 millions d’euros en exécution contre 375 millions d’euros en loi de finances initiales.
Nous ne pouvons plus que diminuer nos dépenses. Nous devons donc non seulement faire des choix clairs de politiques publiques, mais également être très vigilants quant à leur efficacité.
Finalement, à quel résultat aboutissons-nous ? Le déficit budgétaire ne se réduit que trop faiblement, mais aussi et surtout la dette publique continue de croître inexorablement.
La dette de l’État représente 77 % de l’ensemble de la dette publique. L’augmentation de l’encours enregistrée en 2007 a retrouvé un niveau comparable aux années 2004 et 2005. Par ailleurs, la dette des administrations publiques a atteint 1 209 milliards d’euros à la fin de 2007, soit 64,2 % du PIB, ce qui correspond à une augmentation de 0,6 point de PIB par rapport à 2006.
Au-delà de ce montant inacceptable, tant il met en jeu l’avenir des générations futures, je déplore un retournement de tendance peu rassurant pour nos finances publiques et pour notre économie. M. le rapporteur général vient d’ailleurs de nous faire part de son inquiétude. Je tiens à rappeler que la présentation qui est faite occulte les engagements financiers pris par l’État, qui constituent ce que l’on appelle la « dette implicite ».
II serait plus sincère, là encore, de présenter le montant des engagements hors bilan. Ainsi, les pensions civiles et militaires, les régimes spéciaux, les partenariats public-privé ou encore les prêts à taux zéro atteignent, monsieur le ministre, 1 200 milliards d’euros. Ces engagements doublent donc quasiment la dette officielle.
On peut à cet instant remarquer que, dans l’ensemble de l’Union européenne, le déficit et la dette des administrations se sont réduits.
Enfin, comment terminer cette intervention sans évoquer nos engagements européens. Depuis une semaine, notre pays a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne. Nous nous devons donc d’être exemplaires dans tous les domaines, mais peut-être plus encore en matière de finances publiques, tant les remarques qui nous ont été faites, déjà, à ce sujet ont été nombreuses.
La loi de règlement pour l’exercice 2007 témoigne de facilités qu’il faudrait éviter pour notre avenir et celui de nos enfants, d’autant plus si nous souhaitons respecter les engagements que notre pays a pris à l’égard de ses partenaires européens, à savoir ramener le déficit public à 2,3 % du PIB à l’horizon 2008 et revenir à l’équilibre budgétaire en 2012, même si nos amis de la zone euro nous le demande pour 2010 !
Voilà quelques mois, le président de l’Eurogroupe, M. Jean-Claude Juncker, nous exhortait à maintenir nos efforts en matière budgétaire. Il a ainsi rappelé « l’avis, unanimement partagé, que la France devait renforcer sa consolidation budgétaire et réduire le niveau de ses dettes ».
Nous partageons, j’en suis sûr, monsieur le ministre, la même volonté de ne pas faire payer par les générations à venir nos inconséquences actuelles. J’ai cru comprendre, dans un grand journal du soir, que le M. le Premier ministre partageait ce nécessaire « effort de vérité ».
Nous reviendrons sur ce sujet la semaine prochaine lors du débat d’orientation budgétaire, mais il est nécessaire de ne pas enjoliver la situation économique et financière de la France dans la construction du budget pour 2009. Nous devons être clairs et transparents pour les Français, pour l’avenir et pour l’ensemble de nos partenaires européens. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et sur certaines travées de l’UMP.)
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)