M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 87 est présenté par M. Cornu.
L'amendement n° 674 est présenté par Mmes Payet et Férat, MM. Biwer, Amoudry et les membres du groupe Union centriste - UDF.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après les mots :
contrôlées au sens du II
rédiger ainsi la fin du troisième alinéa du texte proposé par le 5° du I de cet article pour l'article L. 227-9-1 du code de commerce :
et du III de l'article L. 233-16.
L’amendement n° 87 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l’amendement n° 674.
Mme Anne-Marie Payet. Afin d’améliorer la sécurité financière, notamment en matière fiscale et sociale, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à étendre aux sociétés filiales la certification des comptes, déjà prévue pour les sociétés holdings.
Pour ce faire, à la rédaction proposée pour l'article L. 227-9-1 du code de commerce, qui prévoit l'obligation de nommer un commissaire aux comptes pour les SAS qui détiennent 5 % ou plus du capital ou des droits de vote d'une autre société, l'Assemblée nationale a ajouté le membre de phrase suivant : « ou qui sont contrôlées au sens du II de l'article L. 233-16, sous réserve que le contrôle exclusif soit exercé par une société qui ne dépasse pas, à la clôture d'un exercice social, des chiffres fixés par décret en Conseil d'État pour deux des critères suivants : le total de son bilan, le montant hors taxes de son chiffre d'affaires ou le nombre moyen de ses salariés au cours d'un exercice ».
La difficulté résulte non pas de l'importance de la société mère, du fait qu’elle dépasse ou non les seuils, mais plutôt de la possibilité d'échapper artificiellement, par des montages, à l'obligation de nommer un commissaire aux comptes.
À ce sujet, il convient de noter que de plus en plus de petits groupes se structurent autour d'une société mère située en France ou à l'étranger, en créant de nombreuses filiales, par activité ou par zone géographique, qui peuvent être de faible dimension et qui échapperaient donc à la certification des comptes, à l'alerte et à la révélation des faits délictueux.
Lorsque de telles pratiques permettent d'éviter le contrôle d'un commissaire aux comptes, les objectifs de transparence et de sécurité financière ne sont plus respectés.
Par ailleurs, dans les groupes qui établissent des comptes consolidés, il est important, pour la certification de ces derniers, que les filiales certifient également leurs comptes et que le groupe puisse, le cas échéant, décider de confier à un cabinet de proximité la mission de certification de ses petites filiales.
Les seuils ne répondant donc pas à une véritable logique, il est proposé de supprimer leur introduction et de ne conserver que le critère déterminant du contrôle, exclusif ou conjoint par référence aux II et III de l'article L. 233-16 du code de commerce, car il ne faudrait pas non plus autoriser les montages au niveau de la société mère. Cette solution permettrait de répondre aux problématiques évoquées.
M. le président. L'amendement n° 230, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Supprimer le texte proposé par le 5° du I de cet article pour l'article L. 227-9-2 du code de commerce.
II. - Après le 5° du même I, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
5° bis Au début de la section 3 du chapitre III du titre II du livre VIII, il est inséré un article L. 823-13 A ainsi rédigé :
« Art. L. 823-13 A. - Les commissaires aux comptes exercent leurs diligences selon une norme d'exercice professionnel spécifique dans les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions simplifiées qui ne dépassent pas, à la clôture d'un exercice social, deux des seuils suivants, fixés par décret en Conseil d'État : le total de leur bilan, le montant hors taxes de leur chiffre d'affaires, ou le nombre moyen de leurs salariés. Cette norme est homologuée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. »
La parole est à M. Laurent Béteille, rapporteur.
M. Laurent Béteille, rapporteur. Au travers de cet amendement, nous proposons l’extension du champ d'application de la norme d'exercice professionnel simplifiée aux sociétés à responsabilité limitée, aux sociétés en nom collectif, aux sociétés en commandite simple et aux sociétés par actions simplifiées. L'application de cette norme n'interviendra que pour les sociétés ne dépassant pas, à la clôture d'un exercice social, deux seuils qui pourront être fixés par décret en Conseil d'État.
Une telle norme simplifiée, qui pourrait permettre de diminuer de 30 % le coût de l'intervention d'un commissaire aux comptes, constituerait certainement, pour les sociétés n’étant pas tenues de désigner un tel professionnel, une incitation à recourir à ses services.
M. le président. L'amendement n° 233, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 7° du I de cet article, après les mots :
l'associé unique
insérer les mots :
, personne physique,
La parole est à M. Laurent Béteille, rapporteur, pour le présenter et pour donner l’avis de la commission sur les amendements qu’elle n’a pas elle-même présentés.
M. Laurent Béteille, rapporteur. L’amendement n° 233 est un amendement de cohérence.
L’amendement n° 466 tend à supprimer l’article. Nous sommes naturellement hostiles à la suppression de l’ensemble des mesures de simplification relatives à la société par actions simplifiée. La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 80 rectifié vise à la suppression pure et simple d’un dispositif de simplification sur lequel je me suis exprimé. Je demande son retrait, ainsi que celui de l’amendement n° 367.
L’amendement n° 666 a pour objet de fixer des seuils d’application dans la loi. Or j’ai expliqué tout à l’heure qu’il me semblait que cela relevait non pas de la loi, mais d’un décret, sur lequel le Gouvernement a pris des engagements.
En ce qui concerne les seuils proposés, ils ne correspondent pas, à mon sens, aux réalités. En effet, si le bilan total est de 310 000 euros pour un effectif de dix salariés, cela signifie que ces derniers ne sont pas payés ou travaillent à temps très partiel ! Je demande donc le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 674 est largement satisfait, et au-delà, par l’amendement n° 234 de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Mon propos liminaire exprimait, dans une large mesure, l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements.
Je suis bien évidemment défavorable à l’amendement n° 466 de suppression de l’article.
En revanche, je suis favorable à l’amendement n° 231 de la commission.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 80 rectifié, qui est une remise en cause du dispositif de l’article, ainsi qu’à l’amendement n° 367, pour le même motif.
J’émets un avis favorable sur les amendements nos 232 et 234 de la commission spéciale.
Par ailleurs, je suis défavorable à ce que l’on fixe les seuils dans la loi, comme le propose Mme Payet au travers de son amendement n° 666. Ils relèvent du règlement et seront donc fixés par décret. J’ai indiqué tout à l’heure quelle serait leur valeur.
L’amendement n° 674 est satisfait par l’amendement n° 234 sur lequel j’émets un avis favorable, de même que sur les amendements nos 230 et 233.
M. le président. Madame Payet, acceptez-vous de retirer les amendements nos 666 et 674 ?
Mme Anne-Marie Payet. Je retire l’amendement n° 674, et je suis prête à rectifier l’amendement n° 666 pour fixer à vingt, comme le propose le Gouvernement, l’effectif salarié au-delà duquel le recours à un commissaire aux comptes sera obligatoire. Je serai même disposée à le retirer si M. le secrétaire d’État s’engage à abaisser les seuils qu’il a annoncés tout à l’heure quand il prendra ses décrets. Ils me semblent tout de même assez élevés, or nous voudrions éviter que trop d’entreprises échappent à la certification des comptes.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Les seuils que j’ai annoncés résultent d’une concertation avec les représentants des commissaires aux comptes. Ils tiennent, me semble-t-il, l’équilibre entre la nécessaire simplification que j’évoquais tout à l’heure et la tout aussi nécessaire transparence des comptes.
Par conséquent, les seuils annoncés, c’est-à-dire vingt salariés, 1 million d’euros de bilan et 2 millions d’euros de chiffre d’affaires seront maintenus.
M. le président. Madame Payet, retirez-vous néanmoins l’amendement ?
Mme Anne-Marie Payet. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 666 est retiré.
Monsieur Dulait, maintenez-vous l’amendement n° 80 rectifié?
M. André Dulait. Non, je le retire, compte tenu des explications qui m’ont été données.
M. le président. L’amendement n° 80 rectifié est retiré.
Monsieur Yung, maintenez-vous l’amendement n° 367 ?
M. Richard Yung. Oui, je le maintiens.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote sur l'amendement n° 234.
M. Philippe Dominati. J’ai bien compris l’exposé très clair de M. Béteille sur l’amendement n° 234 et les motivations qui sous-tendent celui-ci. Cependant, j’aurais souhaité que puisse être supprimé l’alinéa prévoyant que les SAS qui contrôlent une ou plusieurs sociétés ou qui sont elles-mêmes contrôlées seront tenues de désigner un commissaire aux comptes.
En effet, deux cas de figure sont alors possibles.
Soit la SAS est une filiale d’un groupe : même si elle ne franchit pas les seuils prévus, elle bénéficie déjà de toute l’infrastructure du groupe et des services de son commissaire aux comptes. Imposer que la filiale ait recours à son propre commissaire aux comptes ne ferait que compliquer la tâche et l’administration interne de ce groupe.
Soit la SAS est associée à des personnes morales ou physiques qui sont minoritaires : celles-ci peuvent faire appel à un commissaire aux comptes dès lors qu’elles représentent au moins un dixième du capital de la SAS, cette disposition étant inscrite au dernier alinéa de l’amendement.
Notre objectif étant de simplifier la législation et de moderniser l’économie, le quatrième alinéa de l’amendement est superflu et devrait être supprimé. J’aurais donc souhaité, si cela est encore possible, une rectification en ce sens.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, rapporteur.
M. Laurent Béteille, rapporteur. La préoccupation de M. Dominati n’est pas injustifiée. Nous pourrons peut-être réfléchir, dans un second temps, à des améliorations rédactionnelles afin d’éviter des redondances.
Cela étant, mon cher collègue, les termes de cet amendement ont tout de même été pesés de manière à apaiser les choses et à régler un certain nombre de différends. Nous y sommes parvenus, il serait donc préférable à mon sens de s’en tenir à la lettre de cet amendement.
La réflexion n’est peut-être pas totalement achevée, nous pourrons effectivement la reprendre sur des points techniques comme celui que vous évoquez, mais, dans l’immédiat, je souhaiterais que l’amendement ne soit pas modifié.
M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 14
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 755 rectifié est présenté par MM. Trucy, Mortemousque, Houel, J. Gautier et Cambon et Mme Mélot.
L’amendement n° 962 est présenté par M. P. Dominati.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, est ainsi modifiée :
1° Dans le premier alinéa de l'article 6, les mots : « un quart au plus du capital » sont remplacés par les mots : « une part du capital, demeurant inférieure à la moitié dudit capital » ;
2° Le premier alinéa de l'article 12 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour chaque profession, il pourra être dérogé au présent alinéa par décret en Conseil d'État ».
La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour présenter l’amendement n° 755 rectifié.
M. Dominique Mortemousque. Il est proposé d’assouplir le régime juridique de détention du capital des sociétés d’exercice libéral en ouvrant, par décret pris en Conseil d’État, le cas échéant pour chaque profession en tenant compte de ses nécessités propres, la faculté pour toute personne physique ou morale de détenir 49 % au plus du capital des sociétés d’exercice libéral.
Cette ouverture facilitera, pour les professions qui le souhaiteraient, le recours aux capitaux extérieurs, ce qui permettra le développement des activités, notamment à l’export. Ce développement présenterait des avantages économiques et renforcerait l’influence des entreprises françaises.
M. le président. Le sous-amendement n° 1063, présenté par M. Barraux, est ainsi libellé :
I. - Après le troisième alinéa (1°) de l'amendement n° 755 rectifié, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° - Le dernier alinéa du même article est complété par les mots : « ni aux professions de santé ».
II. - Dans le dernier alinéa du même amendement, après les mots :
Pour chaque profession,
insérer les mots :
à l'exception des professions de santé,
La parole est à M. Bernard Barraux.
M. Bernard Barraux. Mon ami Gérard Dériot, pharmacien de son état, ne pouvant être présent, il m’a demandé d’indiquer en son nom que, pour préserver leur indépendance, les professionnels exerçant dans le domaine de la santé doivent conserver la maîtrise de leur outil de travail.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 962.
M. Philippe Dominati. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. La possibilité, pour les professionnels libéraux, de pouvoir exercer dans le cadre de sociétés commerciales a été ouverte en 1990 et fortement encadrée. Cela était logique s’agissant d’un dispositif nouveau, et cela correspondait en outre au souci des professions concernées de garder leur indépendance.
Les deux amendements tendent à accroître la part du capital d’une société d’exercice libéral pouvant être détenue par une seule personne physique ou morale, cette part devant rester inférieure à la moitié du capital social. Il est en outre prévu de permettre au pouvoir réglementaire de déroger pour chaque profession au principe selon lequel les dirigeants de l’entreprise doivent être des associés exerçant leur activité dans la société.
Une telle mesure peut effectivement favoriser la croissance des sociétés d’exercice libéral tout en permettant un meilleur respect des règles communautaires. Toutefois, il convient de veiller à ce que cette ouverture ne se fasse pas au détriment du caractère professionnel de la société d’exercice libéral.
Donc, dans ce contexte, il faut se montrer assez prudent, d’autant que le pouvoir réglementaire serait compétent pour désigner les professions dans lesquelles les dirigeants des sociétés d’exercice libéral n’auraient pas à être des professionnels.
Dans ces conditions, nous pourrions donner un avis favorable à cette ouverture limitée du capital dans la mesure où les amendements seraient rectifiés, par la suppression de leur 2°, afin d’exclure que des non-professionnels puissent être dirigeants sociaux.
M. le président. Monsieur Mortemousque, acceptez-vous la rectification suggérée par M. le rapporteur ?
M. Dominique Mortemousque. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Dominati, acceptez-vous la même rectification ?
M. Philippe Dominati. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 755 rectifié bis est présenté par MM. Trucy, Mortemousque, Houel, J. Gautier et Cambon et Mme Mélot.
L'amendement n° 962 rectifié est présenté par M. P. Dominati.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, les mots : « un quart au plus du capital » sont remplacés par les mots : « une part du capital, demeurant inférieure à la moitié dudit capital ».
Monsieur Barraux, à la suite de la rectification de l’amendement n° 755 rectifié, le II de votre sous-amendement n’a plus d’objet. Dans ces conditions, le I est-il maintenu ?
M. Bernard Barraux. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Il s’agit donc du sous-amendement n° 1063 rectifié, présenté par M. Barraux et ainsi libellé :
Après le troisième alinéa (1°) de l'amendement n° 755 rectifié bis, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° - Le dernier alinéa du même article est complété par les mots : « ni aux professions de santé ».
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Les amendements identiques nos 755 rectifié bis et 962 rectifié sont très intéressants, car ils traduisent une volonté de prendre en compte l’évolution économique.
Tous deux visent non pas à relever le plafond de la part du capital des sociétés d’exercice libéral pouvant être détenue par des tiers non professionnels libéraux, mais à ouvrir au pouvoir réglementaire la faculté de le faire au cas par cas, après concertation approfondie, bien entendu, avec les représentants des professions concernées.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis de sagesse très positive sur ces amendements.
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 1063 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 1063 rectifié ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. La commission ne s’est pas prononcée sur ce sous-amendement. Cela étant, à titre personnel, je souhaite qu’il soit retiré.
M. le président. Monsieur Barraux, le sous-amendement n° 1063 rectifié est-il maintenu ?
M. Bernard Barraux. Non, je le retire, monsieur le président, j’y suis bien obligé !
Mme Isabelle Debré. On n’est jamais obligé !
Mme Catherine Procaccia. Moi, je comptais le voter !
M. le président. Le sous-amendement n° 1063 rectifié est retiré.
La parole est à M. Dominique Leclerc, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 755 rectifié bis et 962 rectifié.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite que nous soyons tous bien conscients de la portée et, surtout, des ambiguïtés de ces deux amendements identiques.
Aujourd'hui, le capital des sociétés d’exercice libéral est détenu à 100 % par des professionnels libéraux, afin de préserver l’indépendance et la qualité de l’exercice professionnel de ces derniers. La seule exception réside dans le secteur de la biologie, où ce taux n’est que de 75 %.
Or, il faut le savoir, la Commission européenne et certains grands investisseurs financiers font actuellement pression pour obtenir l’ouverture du capital des sociétés d’exercice libéral à des non-professionnels. Un tel projet comporte des dangers très graves pour la santé publique.
D’abord, cela aboutira à la création de groupes dominants, au poids démesuré face aux autorités de santé et aux acteurs de la protection sociale.
Ensuite, une partie des ressources de l’assurance maladie, c'est-à-dire de nos cotisations sociales et de l’argent de l’État, sera détournée.
À cet égard, mes chers collègues, je vous renvoie au rapport de la commission de concertation sur les missions de l’hôpital, présidée par notre collègue Gérard Larcher. Dans le cadre du plan Hôpital 2000, les cliniques ont bénéficié de subventions pour se regrouper et offrir des plateaux techniques dans l’intérêt des patients, avec des professionnels formés et compétents. Or certains établissements ont déjà été rachetés par un groupe financier français et, plus récemment, par un fonds de pension italien. (Mme Nicole Bricq approuve.) Désormais, nos cotisations sociales et les fonds publics servent à financer des retraités italiens !
En outre, les nouveaux détenteurs de parts de capital voudront inévitablement faire ingérence dans l’organisation et la dispensation des soins, et ce, bien évidemment, dans une logique de rentabilité financière. À terme, nous risquons d’être confrontés à une dégradation de l’accès aux soins dans des zones peu attractives, en raison de l’élimination des structures les moins rentables. (Mme Bariza Khiari applaudit.)
Mme Nicole Bricq. C’est sûr !
M. Dominique Leclerc. Enfin, l’exercice libéral des professions de santé, qui m’est cher, car cela a toujours été ma culture, risque de disparaître.
Qu’est-ce qu’un professionnel libéral ? C’est un indépendant à qui l’on a demandé de se former, d’être compétent, de prendre des risques et, surtout, d’assumer des responsabilités. Mes chers collègues, il s’agit là de valeurs essentielles dans la société française d’aujourd'hui ! Nous ne pouvons pas, me semble-t-il, prendre le risque de les voir disparaître progressivement au profit d’intérêts purement financiers !
Je souhaite à présent aborder un autre point.
Pourquoi la France doit-elle céder d’urgence à la pression de la Commission européenne ? Aujourd'hui, nous sommes devant une offensive totalement concertée contre toutes les professions de santé.
Le premier secteur que l’on veut déréguler totalement, avant la fin de l’année, c’est celui de la biologie. Ainsi, la biologie de proximité, spécialité médicale, va disparaître au profit d’une biologie industrielle et, naturellement, financière. Les autres professions de santé sont également dans le collimateur.
Si je pointe l’attitude de la Commission de Bruxelles, c’est parce qu’elle s’en prend actuellement à l’Autriche, qui a déjà plafonné à 49 % la part de capital des sociétés d’exercice libéral pouvant être détenue par des investisseurs extérieurs, comme vous nous proposez maintenant de le faire, chers collègues Dominique Mortemousque et Philippe Dominati. Cette offensive est menée au nom du principe de la libre circulation des capitaux. Vous voyez bien toute l’ambiguïté de la situation !
En réalité, dans le domaine essentiel de la santé, deux conceptions, à mon sens totalement incompatibles, s’affrontent.
La première, c’est l’application aveugle du principe de liberté d’établissement prévu à l’article 43 du traité instituant la Communauté européenne.
La seconde, celle qui a ma préférence, c’est une approche raisonnable et pragmatique, qui autoriserait des aménagements pertinents et proportionnés et qui laisserait une place à l’application du principe de subsidiarité. En effet, même si on l’oublie souvent, l’article 152 du même traité garantit ce principe pour les questions relatives à la santé.
Aujourd’hui, c’est à la Cour de justice des Communautés européennes qu’il appartient de trancher entre ces deux visions.
Tels sont les points sur lesquels je souhaitais attirer l’attention. À mon avis, ils méritent réflexion, car la situation est grave.
Je défends peut-être des conceptions quelque peu traditionnelles, mais je suis surpris par certains des arguments avancés.
Ainsi, monsieur Mortemousque, vous affirmez qu’il est grand temps d’ouvrir le capital des sociétés d’exercice libéral pour que les professionnels concernés puissent évoluer, notamment exporter. Mon cher collègue, permettez-moi de vous dire qu’ils ne nous ont pas attendus pour évoluer ! En outre, je ne vois pas très bien ce que des professionnels libéraux de santé pourraient exporter…
Ne nous trompons pas d’objectif, mes chers collègues. Au moment où notre pays prend la présidence de l’Union européenne et où l’on commence à évoquer les futures élections européennes, comment voulez-vous que nos concitoyens aient une perception plus positive de l’Europe si nous ne leur proposons, une nouvelle fois, qu’un seul modèle européen, celui de l’argent et de la financiarisation de professions auxquelles nous sommes tous attachés ?
Vous le savez comme moi, puisque vous les côtoyez souvent, la préoccupation première des professionnels libéraux n’est pas l’argent ou les indices boursiers. Leurs valeurs, ce sont l’aptitude et la compétence, et non la défense des intérêts à courte vue d’un groupe financier coté en bourse !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Dominique Leclerc. Leur rémunération est liée à leur compétence, et non à l’attribution de stock-options, dont on a pu voir les conséquences dans les affaires de la Société générale ou d’EADS.
Les professionnels libéraux de santé ne s’inscrivent pas du tout dans cette perspective. C’est pourquoi je vous demande de bien réfléchir avant de voter ces deux amendements identiques, mes chers collègues.
Pour ma part, je dirai « non » à la conception des eurocrates, à l’Europe de l’argent. Je pense que vous en conviendrez, cela ne correspond ni à la culture du monde de la santé ni à l’ambition de notre pays de construire une Europe politique, et pas seulement financière.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, je souhaite reprendre le sous-amendement n° 1063 rectifié, que M. Bernard Barraux a retiré.
En effet, je ne suis pas une professionnelle de la santé ni une spécialiste du sujet, mais les propos de notre collègue Dominique Leclerc m’interpellent.
De mon point de vue, si nous adoptions ce sous-amendement, le sujet pourrait être débattu lors de la réunion de la commission mixte paritaire, en toute sérénité.