M. René Beaumont. Madame la présidente, monsieur le ministre, en tant que vétérinaire dans un grand département allaitant - c'est à cet égard, me semble-t-il, le plus grand en superficie et en nombre d'animaux de notre pays -, je souhaite vous apporter mon témoignage local, même si l'essentiel a déjà été souligné, à la fois par mon collègue et ami Gérard Bailly dans son excellent rapport, qui était très complet, et par tous les orateurs qui se sont succédé à cette tribune.
Toutefois, aucun d'entre eux n'était élu de la Bourgogne et du département de la Saône-et-Loire, qui est tout de même tout à fait typique en la matière et qui a ses spécificités. D'ailleurs, de telles particularités renforcent la difficulté de votre mission, monsieur le ministre. En effet, nous avons entendu une élue de l'Orne, puis un élu du Sud-Ouest. Chaque territoire a ses difficultés, qui ne sont pas les mêmes partout. Il faut donc s'adapter à des situations différentes, ce qui n'est pas - je le conçois - toujours évident.
Tout à l'heure, des plans de maintien des animaux sur les exploitations ont été évoqués. Dans le département de la Saône-et-Loire, une telle mesure relève de l'utopie. En effet, nous ne disposons ni des moyens financiers et matériels ni des locaux pour les mettre en oeuvre. Je le rappelle, dans notre département, le cheptel est constitué de 650 000 têtes ! En particulier, nombre de broutards ne sont pas vendus et restent « sur le tapis ». Aujourd'hui, il n'est pas possible de les conserver dans les exploitations. Il faut donc trouver d'autres solutions. Il s'agira très probablement de l'exportation, lorsqu'elle sera rendue possible avec les délais de vaccination. J'y reviendrai dans un instant.
Dans la perspective de la discussion de la présente question orale avec débat, j'ai fait réaliser une étude par la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire selon laquelle la trésorerie des exploitations sera dégradée de 37 millions d'euros si les exportations ne reprennent pas avant le début du mois de juin.
Or, en observant la situation, on s'aperçoit qu'il sera très difficile d'atteindre un tel objectif. En effet, les Italiens demandent - une telle exigence me semble quelque peu démesurée - qu'aucun animal ne soit exporté en direction de leur pays pendant les 50 jours suivant le rappel de vaccination. Or, et je parle en tant que vétérinaire, pendant une telle période, il n'y a aucun risque, puisque le grand mérite de l'injection de rappel est précisément de prolonger la durée de protection, qui existe déjà à ce moment-là. Dans ces conditions, monsieur le ministre, nos amis italiens devraient pouvoir renoncer à une telle exigence sur votre demande, ce qui débloquerait considérablement la situation.
Dans le cas contraire, nous nous retrouverions dans une situation de blocage total des animaux sur le territoire jusqu'au mois de juin prochain, ce qui aurait d'énormes conséquences financières pour les éleveurs et, in fine, pour la nation.
En outre, monsieur le ministre, je souhaiterais moi aussi avoir des précisions sur les doses de vaccins disponibles. D'une manière plus générale, quelle est la situation sur l'ensemble du territoire français ? Par exemple, peut-on envisager que l'ensemble du cheptel, notamment, mais pas seulement, les animaux destinés à être exportés, soit vacciné d'ici à la fin du mois de juin prochain ? D'abord, en avons-nous les moyens en termes de doses de vaccins disponibles ? Et, si oui, cela sera-t-il fait ?
À cet égard, permettez au vétérinaire que je suis un plaidoyer pro domo sur la vaccination des animaux.
Certes, les animaux destinés à l'exportation seront vaccinés par les vétérinaires. En effet, comme il y a une certification à établir, il n'y a aucun problème de ce point de vue.
Toutefois, plusieurs orateurs et M. Gérard Bailly, dans son rapport - c'est d'ailleurs le seul point sur lequel je divergerai avec lui -, ont évoqué la possibilité de fournir les doses aux éleveurs pour qu'ils procèdent eux-mêmes à la vaccination des reproducteurs. Cela peut paraître une solution, et même une solution économique, mais je ne suis pas sûr que ce soit véritablement le cas. Dans de telles circonstances, en effet - je le sais d'expérience, en tant que vétérinaire rural dans une zone d'élevage bien connue - il y a toujours un certain nombre de fraudeurs ou de personnes qui renoncent à remplir leurs obligations devant les difficultés de la tâche.
En effet, il s'agira pour les éleveurs de rentrer le troupeau allaitant, et ce à deux reprises, à 40 jours d'intervalle et en plein été. Comme certains troupeaux allaitants dépassent aujourd'hui 200 ou 250 têtes, de surcroît réparties sur une centaine de pâturages, une telle entreprise est très lourde et particulièrement pénible.
Je vois bien comment certains résoudront le problème. Ils commanderont le vaccin, le paieront, recevront une facture, mais ne l'injecteront jamais. Cela représente un vrai danger, puisque toute vaccination ne repose que sur un matelas sanitaire. Si ce matelas n'est pas parfait, s'il y a des leurres, s'il y a des trous, c'est-à-dire si le vaccin qui a été payé demeure dans le réfrigérateur, les animaux ne seront absolument pas protégés.
Dans ces conditions, il y aura des grands risques de propagation de la maladie, liés non pas au vaccin, mais bien à l'absence de vaccination.
À ce propos, monsieur le ministre, votre ministère a mis en place de longue date - et vous avez maintenu ce dispositif - un système de protection sanitaire exemplaire que le monde nous envie. Je ne le détaillerai pas entièrement, mais je préciserai simplement qu'il repose en grande partie sur un certain nombre de vétérinaires praticiens ruraux - j'étais encore l'un d'eux il n'y a pas si longtemps - chargés d'assurer une veille sanitaire.
Ils assurent cette mission à votre demande et constituent un maillage du territoire qui reste inégalé. Ils interviennent ensuite pour des vaccinations, à votre demande également, et c'est d'ailleurs ainsi que l'on considère généralement que les vétérinaires sanitaires sont rétribués. Il n'en demeure pas moins qu'ils assurent la veille sanitaire en permanence et qu'ils doivent parfois pour cela effectuer des déplacements qui ne sont pas facturés.
Dans ces conditions, si, en mettant en place un plan de protection sanitaire, on trouve le moyen d'éviter le recours à ces vétérinaires sanitaires, vous aurez de plus en plus de mal, monsieur le ministre, à trouver à la campagne des praticiens libéraux qui accepteront d'assurer la protection sanitaire. Cela me paraît évident !
Je voudrais enfin aborder à nouveau la question de l'employeur des vétérinaires sanitaires, monsieur le ministre, l'État, en la circonstance.
Même si je sais que vous ne pourrez pas résoudre tous les problèmes dans l'immédiat, il faut savoir que l'État emploie ces personnes dans l'illégalité la plus complète, pendant toute l'année, avec des vacations parfois importantes, sans aucune déclaration ni cotisations de maladie ou de retraite. Pour certains d'entre eux, la protection sanitaire représente la moitié de leurs revenus ; ils arrivent donc à la retraite sans aucuns droits pour la moitié de leur activité. Il faudra un jour vous pencher sur cette question qui suscite un vrai malaise, si du moins vous voulez continuer à assurer la présence de vétérinaires sanitaires en milieu rural, car c'est l'une des raisons de la désaffection pour la profession.
C'est pourquoi je vous demande, au nom des éleveurs de Saône-et-Loire et, plus généralement, au nom des éleveurs de la France entière, puisque Nathalie Goulet a formulé la même demande, la mise en place d'une cellule nationale de crise. Celle-ci ne pourra pas résoudre tous les problèmes, mais elle favorisera une prise de contact régulière avec vous et vos services sur ce sujet préoccupant. Une telle mesure ne coûte pas cher et permettrait sans doute de donner une meilleure information à tout le monde. À cet égard, si vous avez besoin de quelques sénateurs vétérinaires, monsieur le ministre, je suis partant ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Gérard Bailly a souhaité aborder aujourd'hui la question de la fièvre catarrhale ovine et, plus largement, celle de la sécurité sanitaire dans notre pays.
Dans mon département de la Réunion, cette maladie, réglementée depuis 2000, de même que la rhinotrachéïte infectieuse bovine, maladie non réglementée communément appelée IBR, sont également présentes, bien que non endémiques.
Si le virus de l'IBR existe à la Réunion, il ne rencontre cependant pas de conditions favorables à son expression et est peu virulent. La circulation du virus reste faible et, dans les élevages atteints, les animaux contaminés ne présentent généralement pas de signes cliniques permettant d'identifier la maladie.
En 2003, 444 animaux sont importés de France métropolitaine et d'Allemagne par deux coopératives locales et voyagent sur le même bateau ; 164 d'entre eux ont une sérologie négative à l'IBR ; en revanche, cette sérologie n'est pas pratiquée sur les 125 autres têtes de bétail, qui bénéficient uniquement d'un vaccin vivant contre l'IBR, appelé Iffavax. D'après le rapport d'expertise, cette vaccination effectuée sur des animaux dont, selon toute vraisemblance, six étaient sérologiquement positifs avant leur départ, a eu pour effet de faire flamber la maladie. Livrés aux éleveurs après quatre semaines de transport maritime, ces animaux ont pu contaminer l'ensemble de leur cheptel.
Il a été démontré que cette maladie affaiblit les bovins et qu'elle peut contribuer à faciliter l'émergence d'autres affections, notamment la fièvre catarrhale ovine, qui a été constatée sur certains cheptels. Ce facteur n'est vraisemblablement pas unique, mais son action débilitante faisant le lit d'autres affections n'a pas été contestée par les experts.
Je souhaiterais vous parler brièvement du cas d'un éleveur dont le cheptel entier a été contaminé par l'IBR, à la suite de la livraison de bêtes malades importées de métropole en 2003 et livrées par les coopératives locales.
Malgré ses nombreuses interventions auprès des services vétérinaires, il aura fallu attendre l'année 2007 et la nomination d'un nouveau directeur des services vétérinaires pour que sa voix soit entendue. Le frère de cet éleveur, qui travaille, lui aussi, sur l'exploitation, est atteint de chlamydiose, maladie dont les conséquences médicales peuvent être très graves. L'éleveur lui-même a contracté une fièvre, forme humaine de la FCO. Un premier test a été réalisé pour la fixation du point zéro de l'infection, et un second est en cours d'analyse pour vérifier la contamination.
Je suis intervenue personnellement et à plusieurs reprises auprès du ministre de l'agriculture, votre prédécesseur, pour l'alerter sur ce dossier et lui demander pourquoi un arrêté du 10 mai 2006 rendant obligatoire le dépistage de l'IBR s'applique uniquement à la France métropolitaine et pas outre-mer, mais aussi pour réclamer une mission d'enquête.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir mandaté un inspecteur du Conseil général de l'agriculture pour réaliser une expertise sanitaire. Les responsabilités ont été établies. Le dossier de cet éleveur a connu aujourd'hui des avancées significatives et son professionnalisme, qui a été un moment contesté, est maintenant reconnu.
En effet, un arrêté préfectoral de force majeure ordonnant l'abattage des bovins de son exploitation a été pris et l'éleveur a été indemnisé en conséquence. Son cas n'est malheureusement pas unique dans le département et je souhaite vivement que les autres éleveurs dans cette situation bénéficient également d'un arrêté de force majeure et soient indemnisés pour la perte de leurs bêtes.
À la suite de cette affaire, et compte tenu des risques de contamination dus potentiellement à de nombreuses maladies touchant les bovins lors des introductions d'animaux vivants dans le département, le groupement régional de défense sanitaire des bovins de la Réunion a élaboré une charte sanitaire d'introduction. Elle prévoit notamment, en sus des obligations légales, que des attestations soient fournies par rapport à l'IBR, en particulier un test individuel négatif de moins de trois mois.
Par ailleurs, je tiens à souligner que le sérotype de FCO présent à la Réunion est différent de celui dont étaient porteuses les bêtes malades importées. Des experts locaux m'ont fait part de leur inquiétude liée à la possibilité d'une mutation génétique permettant l'émergence d'une nouvelle souche du virus, qui pourrait être beaucoup plus virulente.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je demande que soit réalisée une analyse sous contrôle de tous les cheptels du département pour déterminer précisément les sérotypes de FCO présents dans l'île, mais aussi que soient réalisées des analyses sérologiques pour les autres maladies existantes : BVD, chlamydiose, fièvre Q, leucose...
Afin d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise, il est souhaitable, comme le proposent MM. Gérard Bailly et François Fortassin dans leur rapport, Revenons à nos moutons, de mettre en place des stratégies complémentaires.
Il s'agit, à court terme, et après avoir dressé l'état des lieux des pertes économiques des exploitations, de revaloriser l'indemnisation de l'animal mort à hauteur de sa valeur vénale, ou du moins aussi près de cette dernière que possible. Il conviendrait également que les animaux morts depuis le début de la période de circulation virale fassent l'objet d'une indemnisation comme ceux qui ont été euthanasiés par la suite et que les pertes indirectes induites par la maladie soient couvertes.
À plus long terme, il est indispensable de réfléchir à la mise en place d'un dispositif de gestion et d'indemnisation des risques sanitaires. Sur ce point précis, il semble que, monsieur le ministre, vous soyez déjà en train de réfléchir à la mise en place d'un fonds sanitaire.
À l'heure actuelle, le dispositif français de couverture des risques sanitaires repose sur des mécanismes distincts dans les domaines végétal et animal et sur des modalités de financement différentes. Comme l'ont souligné mes collègues Gérard Bailly et François Fortassin, il devient urgent de mettre en place un dispositif cohérent qui permette aux pouvoirs publics et aux professionnels d'indemniser les conséquences des aléas sanitaires. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la troisième fois en l'espace de quelques mois que j'interviens sur le sujet de la FCO. Il faut dire que cette crise est très grave, puisqu'elle touche 65 départements français et concerne aussi bien les élevages ovins que les élevages bovins.
Mon département, la Meuse, n'a pas été épargné puisque, après un premier épisode en 2006, la maladie s'est considérablement propagée durant l'été 2007 ; la mortalité des animaux se poursuit inexorablement et pèse désormais très lourdement sur les résultats techniques et financiers des élevages, touchés de plein fouet par la morbidité des animaux, les charges vétérinaires, l'infertilité, les problèmes de reproduction et l'insuffisance de débouchés.
Je crois pouvoir dire que les éleveurs ont besoin de clarté et de compréhension : ils observent que les tergiversations sur l'origine de la FCO leur ont fait perdre beaucoup de temps. Ils ont, en effet, le sentiment que les autorités sanitaires et administratives ont découvert les subtilités de cette maladie en même temps qu'eux ; malheureusement, pendant ce temps, les animaux sont morts dans leur élevage.
Bien entendu, votre ministère n'est pas resté inactif et vous avez dégagé des fonds pour venir en aide aux éleveurs, monsieur le ministre. Mais il faut bien reconnaître que ceux-ci sont insuffisants et l'aide-mortalité, à défaut d'être simple et réévaluée, semble de plus être soumise à la règle de minimis.
La campagne de vaccination qui a été annoncée a suscité de grands espoirs chez les éleveurs, car elle permettra d'assurer une protection des troupeaux. Mais vous laissez aux éleveurs le soin de préciser avec leur vétérinaire les modalités de cette vaccination : cette manière peu cohérente de procéder ne risque-t-elle pas de compromettre ce programme de vaccination ? Il est également dommage que ce vaccin soit mis en place après la date de mise à l'herbe, ce qui laissera de côté de nombreux animaux. Il serait nécessaire que la vaccination soit la plus large possible, voire obligatoire pour éviter les erreurs, et que les vaccins soient fournis en nombre nécessaire.
Cependant, monsieur le ministre, le pire n'est-il pas à venir ? Les conséquences de cette FCO ne risquent-elles pas de déstructurer, et pour longtemps, l'élevage ovin ? En effet, la mortalité des brebis est considérable : c'est ainsi que, durant l'automne, l'activité de collecte des équarrisseurs a augmenté de plus de 75 %, et l'hiver n'a guère été plus clément. La mortalité des animaux a explosé. Certains éleveurs ont même renoncé à leur exploitation et mis fin à leur production, comme cela s'est produit dans notre département.
Ainsi la filière ovine risque à très court terme de manquer d'agneaux. Dans une région intermédiaire comme la mienne, cette situation pourrait être fatale à l'élevage ovin.
Monsieur le ministre, l'expérience de FCO du nord de l'Europe et celle que nous vivons à l'heure actuelle devraient faire réfléchir votre ministère et, bien sûr, l'ensemble de la profession.
Le risque sanitaire n'est pas cloisonné : il est évolutif, il peut se répéter et impose à tous une très grande réactivité pour mobiliser la recherche ou la main-d'oeuvre lorsque cela est nécessaire, mais aussi des moyens financiers qui soient à la hauteur de l'événement.
Dans l'immédiat, je souhaite vivement que la campagne de vaccination réussisse, que les éleveurs soient justement indemnisés et reprennent confiance. Pour l'avenir, je souhaite que les autorités sanitaires et administratives soient plus réactives et que les autorités européennes mettent en place un fonds accompagnant cette réactivité. C'est en tout cas l'espoir que je forme : sachant les efforts que vous faites dans ce domaine, monsieur le ministre, je reste très confiant. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais dire en préambule toute l'importance et toute l'utilité que revêt pour moi l'initiative prise par la Haute Assemblée, sous l'impulsion de Gérard Bailly et avec l'appui des présidents Jean-Paul Emorine et Jean Arthuis, ainsi que de beaucoup d'entre vous, d'inscrire à l'ordre du jour cette question orale avec débat sur un sujet majeur, à savoir l'apparition et le développement très rapide, dans notre pays, de la fièvre catarrhale ovine.
Vous avez, monsieur Gérard Bailly, présenté de manière extrêmement précise et compétente les étapes de l'apparition de cette maladie animale, et expliqué les différentes mesures qui ont d'ores et déjà été mises en place, mesures que je souhaiterais détailler brièvement devant vous.
Plusieurs d'entre vous ont bien voulu donner acte au ministère que j'ai l'honneur d'animer et à ses services de leur engagement et de leur disponibilité. J'ai d'ailleurs été très sensible, monsieur Moreigne, à ce que vous avez dit à propos des services de l'État, notamment des préfets, auxquels je voudrais associer les directeurs départementaux des services vétérinaires, les directeurs départementaux de l'agriculture et de la forêt et les vétérinaires libéraux, que vous connaissez bien, monsieur Beaumont. Permettez-moi également d'ajouter les groupements de défense sanitaire et les organisations professionnelles et syndicales, qui, face à cette crise, la plus sérieuse depuis plusieurs décennies, font preuve d'un très grand sens des responsabilités.
Monsieur Bailly, votre première question porte sur la situation sanitaire actuelle et sur ses conséquences économiques.
Au moment où nous parlons, nous recensons précisément 18 916 cas. La quasi-totalité de la France est touchée par les différentes formes de cette maladie du bétail : soixante-quinze départements, et non pas cinquante-cinq, monsieur Biwer, sont touchés par le sérotype 8, deux départements - les Landes et les Pyrénées-Atlantiques - par le sérotype 1 et les deux départements de Corse par les sérotypes 2, 4 et 16 depuis de nombreuses années déjà.
Ce sont aujourd'hui dix pays du nord de l'Europe qui sont atteints par le sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine, qui s'est développée de manière très rapide comme en France.
Monsieur Le Cam, ces pays vont procéder comme nous le faisons nous-mêmes, mais dans un délai plus long et de façon plus progressive, à la vaccination avant l'année prochaine.
Madame Bricq, monsieur Barraux, madame Goulet, vous vous êtes interrogés sur la mise en place préventive de financements. Je comprends cette question. Pour autant, pouvions-nous prévoir des dotations budgétaires plus précisément en 2007 ? Je rappelle que la préparation du projet de loi de finances initiale s'est conclue en juillet. En décembre, au moment de l'examen du projet de loi de finances, nous avions encore beaucoup d'incertitudes sur le niveau des dépenses mais aussi des recettes, en particulier celles provenant de l'Union européenne.
Madame Bricq, je vous confirme que je demanderai au mois d'avril la levée de la mise en réserve de crédits à hauteur de 10 millions d'euros sur le programme 206 de mon budget. En outre, nous ne l'avions pas prévu au moment de l'examen du projet de loi de finances, nous avons heureusement obtenu entre-temps des aides européennes à hauteur de 87 millions d'euros afin de faire face aux opérations de vaccination dont je vais parler.
Comme vous le savez, les conséquences de cette maladie sont doubles : aux conséquences directes liées à la maladie - mortalité, morbidité, chute de production, infertilité - s'ajoutent les conséquences indirectes liées aux restrictions de mouvements qui influent beaucoup sur la commercialisation, comme l'a justement rappelé M. Barraux.
Je veux confirmer à M. Le Cam que le règlement sanitaire communautaire obtenu en octobre 2007, pour lequel je me suis beaucoup battu, a permis de rétablir la fluidité des échanges. Or c'est précisément ce règlement, toujours en vigueur dans les autres pays, que l'Italie ne veut pas respecter.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les pertes que je viens d'évoquer sont difficiles à estimer avec précision, car toutes les conséquences ne sont pas encore quantifiables. Je pense par exemple à la fertilité des animaux qui ont été atteints en 2007 et qu'il est aujourd'hui difficile de connaître. Entre juillet et décembre 2007, la mortalité a été estimée à environ 15 000 ovins et 8 000 bovins.
Afin d'avoir une idée plus précise, un observatoire des conséquences économiques a été mis en place au mois de mars. L'objectif est de quantifier et de suivre l'évolution des mortalités ovine et bovine, des sur-stockages bovins, de la fécondité et de la production laitière bovine.
Les mesures de lutte contre cette maladie ont reposé en 2006 et 2007 sur la protection contre les vecteurs - les insectes que M. Le Cam a décrits avec une compétence très professionnelle et toute scientifique - et la limitation de mouvements des animaux. C'étaient, à l'époque, les seules mesures possibles dans l'attente du développement d'un vaccin dont nous ne disposions pas, vaccin qui constitue le seul moyen de lutte efficace contre cette maladie dont la particularité tient au fait qu'elle est transmise par un insecte vecteur.
S'agissant des mesures d'accompagnement, et en complément de celles que vous avez déjà citées, messieurs Bailly et Le Cam, j'ai annoncé à la mi-février des mesures de soutien supplémentaires pour permettre aux éleveurs de faire face aux difficultés économiques rencontrées tout au long de l'année 2007 et au début de 2008.
Ainsi - je veux rappeler les chiffres, puisqu'il s'agit d'argent public -, 3 millions d'euros ont été débloqués pour renforcer le fonds d'allégement des charges. Monsieur Moreigne, je vous communiquerai au plus vite la répartition de ce fonds par département. En attendant, je peux vous indiquer que, pour la Creuse, qui vous intéresse plus précisément, une somme de 19 223 euros a été débloquée dans le cadre de cette première enveloppe.
En outre, 3 millions d'euros ont été alloués à la mise en place d'une aide à la perte de chiffre d'affaires des entreprises de commercialisation des animaux. Monsieur Moreigne, pour répondre à l'une de vos interrogations, 4 millions d'euros serviront à revaloriser l'indemnisation déjà en place pour les animaux morts. Cette indemnisation est portée, pour les bovins, de 228 euros à 600 euros et, pour les ovins, de 45 euros à 100 euros.
Monsieur Bailly, votre deuxième question, qui a également été soulevée par M. Soulage, porte sur les délais de blocage des animaux destinés à l'Italie compte tenu, d'une part, de la clause de sauvegarde que les Italiens ont activée à l'encontre de la France et, d'autre part, des délais prévus dans la réglementation communautaire entre la première vaccination et la possibilité d'exporter un animal vers l'Italie.
Vous l'avez dit, les autorités sanitaires italiennes ont, par la voie d'une ordonnance, introduit des mesures sanitaires unilatérales visant à n'accepter en provenance de France que des animaux valablement vaccinés. Concrètement, cela implique aujourd'hui un délai entre la première vaccination et un départ possible vers l'Italie, soit de 90 jours, soit de 67 jours avec la réalisation d'un test virologique.
Quelles sont les perspectives d'évolution à la suite de cette décision unilatérale ?
Vous le savez, j'ai décidé d'engager une procédure de recours en manquement vis-à-vis de l'Italie en application de l'article 227 du traité. Cette procédure, qui est rarement mise en oeuvre, prévoit une notification préalable à la Commission de notre intention d'attaquer la décision italienne devant la Cour de justice des Communautés européennes. La Commission doit rendre un avis dans un délai qui ne peut excéder trois mois.
Cette procédure est très longue. Pendant ce temps-là, les animaux sont bloqués et la désespérance s'installe.
À la suite des contacts pris à Bruxelles, j'espère néanmoins que la Commission, grâce à son pouvoir d'intermédiation et au pouvoir réglementaire que lui confère le Traité, pourra aboutir dans les toutes prochaines semaines à une solution conforme au droit communautaire.
Nous souhaitons cet accord. J'ai appelé mon homologue italien et sa collègue chargée de la sécurité sanitaire au respect du droit communautaire et à des efforts de conciliation.
Nous avons également pris contact avec la nouvelle commissaire à la santé, Mme Vassiliou, qui a pris ses fonctions il y a quelques semaines. Elle a en effet programmé une réunion du comité vétérinaire spécialisé dans les tout prochains jours. Son objectif est de redéfinir rapidement des règles harmonisées, acceptées et respectées par tous les pays membres de l'Union européenne.
Vous m'interrogez par ailleurs sur la réalisation de l'acte de vaccination et vous suggérez, pour accélérer la vaccination, qu'elle puisse être réalisée par les éleveurs, monsieur Bailly.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire au congrès des éleveurs qui s'est tenu il y a quelques semaines ainsi qu'aux producteurs laitiers : du point de vue de la loi, la vaccination des animaux est un acte vétérinaire et doit donc être réalisée par des vétérinaires. Dans le cadre des exportations en particulier, personne ne souhaite prendre le risque de voir le statut d'animal immunisé remis en question par les autorités italiennes ou par celles d'autres États. Or c'est bien le certificat vétérinaire qui atteste la validité de la vaccination.
La Commission prendra en charge 50 % de la campagne et l'État assurera le paiement direct des aides européennes aux vétérinaires.
Monsieur Biwer et Mme Bricq, vous avez évoqué le caractère facultatif de la vaccination pour le sérotype 8.
Si la vaccination pour le sérotype 1 a été rendue obligatoire, c'est, d'une part, parce que nous voulons protéger le reste du territoire et, d'autre part, parce que nous avons suffisamment de vaccins.
En revanche, si la vaccination est aujourd'hui facultative pour le sérotype 8, c'est parce que nous n'avons pas assez de doses pour la rendre obligatoire cette année. Nous allons donc cibler les animaux en production.
L'organisation de la vaccination et la facturation aux éleveurs seront traitées dans le cadre des relations habituelles qui existent entre les vétérinaires et leurs clients. Dans un souci d'efficacité, cela permet une flexibilité qui respecte malgré tout la loi.
Monsieur Le Cam, le coût de l'épidémio-surveillance est estimé à 12 millions d'euros par an. Un cofinancement communautaire a été sollicité.
Monsieur Bailly, votre troisième question, qui a également été évoquée par M. Barraux, porte sur le plan de vaccination massive. Vous vous inquiétez de savoir si les vaccins seront disponibles et s'ils seront efficaces.
Les appels d'offres que j'ai lancés à la fin de 2007 - nous étions les premiers en Europe à le faire - nous ont permis d'être les premiers à démarrer la vaccination contre le sérotype 8. Comme vous le savez, la vaccination a déjà démarré dans les seize départements touchés depuis 2006 ainsi que pour les broutards destinés aux échanges avec l'Italie.
Un premier lot de 400 000 doses permettant de vacciner 200 000 bovins destinés aux échanges, puis un premier lot de 300 000 doses pour les petits ruminants des seize départements ont déjà été livrés.
Un nouveau lot d'environ 1,3 million de doses est prévu pour la fin du mois de mars. Nous y sommes ! Il sera utilisé en priorité pour les ovins et caprins des seize départements, monsieur Le Cam. Une partie de ce lot, soit 150 000 doses environ, ira aux animaux destinés aux échanges.
Les livraisons s'échelonneront ensuite jusqu'au début du mois d'août, permettant de vacciner d'ici à la fin du mois d'août 15 millions de bovins et 10 millions de petits ruminants.
Mme Goulet a évoqué un événement important, le comice agricole de la commune de Goulet, en juin. (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Le 21 juin précisément, et vous êtes invité, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Barnier, ministre. Avant de répondre à votre invitation, madame le sénateur, je m'assurerai que l'Orne a bien reçu ses vaccins (Sourires.), mais, d'après mes informations, c'est au mois de juin que ce département devrait en disposer. Ensuite, les décisions se prendront dans le cadre de la concertation départementale. En effet, ce n'est pas à moi de dire s'il faut vacciner les animaux qui seront présentés au comice agricole...
Ce plan de vaccination respecte les priorités qui ont été définies, même si je sais qu'il y a ici ou là des questions, des inquiétudes, voire des critiques. Mais je n'ai pas élaboré ce plan tout seul. En effet, un ministre ne possède pas la science infuse, pas plus que son cabinet ou la direction générale de l'alimentation. Nous avons accompli un travail honnête, sincère, approfondi en concertation avec l'ensemble des professionnels. Voilà comment nous avons défini les priorités.
Puisque tous les animaux ne pouvaient pas être vaccinés en même temps, nous avons donc dû établir des priorités de la façon la plus objective possible afin d'être les plus efficaces possible.
Les priorités de vaccinations sont donc les suivantes : bovins et petits ruminants reproducteurs, ainsi que femelles de remplacement des seize départements du Nord ; animaux partant en transhumance ; animaux destinés aux échanges ; animaux de cinq départements - Aveyron, Gironde, Lot, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne - afin de prévenir la diffusion du sérotype 8 vers la zone déjà touchée par le sérotype 1.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il n'y a pas de doute, à avoir sur l'efficacité de la vaccination puisque les vaccins ont fait l'objet d'une évaluation de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments avant d'être autorisés. Je pense pouvoir vous apporter clairement et honnêtement une assurance sur ce point.
Le rapport de l'Office alimentaire et vétérinaire auquel vous faites référence, monsieur Bailly, concerne non pas l'acceptation de notre vaccin, mais bien la mise en oeuvre des actions de prévention pendant l'année 2007 dont certaines faiblesses ont conduit l'Italie à prendre les mesures unilatérales que nous avons regrettées.
À ce titre, des réunions techniques se tiennent cette semaine pour examiner avec les professionnels les mesures d'adaptation sanitaires aux recommandations formulées par la Commission européenne à la suite de l'inspection de l'Office alimentaire et vétérinaire.
Monsieur Soulage, je viens d'évoquer le risque de rencontre entre le sérotype 1 et le sérotype 8. Concernant la zone « tampon », comme vous l'avez souligné, une zone de surveillance devra être mise en place autour de la zone vaccinée par le BTV1. Dans ces zones, les animaux seront vaccinés contre le sérotype 8 et feront l'objet d'une surveillance particulière à l'égard du sérotype 1. Des conditions particulières pour l'exportation sont prévues dans les textes communautaires au travers de la réalisation d'un test virologique. Ces éléments sont pris en compte dans les discussions sur ces textes communautaires.
M. Soulage, comme d'ailleurs MM. René Beaumont et Gérard Bailly, m'a interrogé sur le principe de l'aide au maintien des animaux sur les exploitations. J'en viens donc aux mesures de soutien à mettre en oeuvre si la situation de blocage actuel avec l'Italie devait se poursuivre.
Si une telle situation devait se prolonger, j'étudierais naturellement avec les professionnels les dispositifs d'aide au maintien des animaux dans les exploitations pendant les trois ou quatre mois d'embargo nécessitant des soutiens publics.
Monsieur Soulage, nous discutons actuellement de tous ces principes avec les professionnels. L'idée reste cependant de mettre en oeuvre une mesure similaire à celle qui a été instaurée en 2006, en tenant compte du coût des aliments qui a augmenté.
Monsieur René Beaumont, vous avez signalé qu'en Saône-et-Loire, grand département d'élevage, on n'a pas les moyens de maintenir les animaux sur les exploitations. C'est la raison pour laquelle nous réfléchissons non pas à un seul type d'aide, mais à différents dispositifs permettant de prendre en compte la diversité des situations.
Les éleveurs qui commercialisent leurs broutards devront faire face à un coût de nutrition animale supplémentaire, comme vous l'avez très clairement souligné, monsieur Bailly, et, le cas échéant, à des problèmes de trésorerie. J'ai donc demandé à mes services d'expertiser le montant de ces mesures et les modalités de leur mise en oeuvre.
Par ailleurs, M. Michel Moreigne a évoqué le cas d'un éleveur de son département possédant douze bêtes de plus de 500 kilos. De telles situations peuvent être nombreuses. Mes services expertisent donc également l'opportunité de créer une aide à l'engraissement afin d'évacuer les broutards lourds qui ne trouvent pas de marché. Ces animaux serviront à la production de jeunes bovins dits « rajeunis », répondant à une demande des industriels.
J'ajoute que, en plus des mesures économiques déjà en place - le FAC, l'indemnisation pour la mortalité - et des mesures sur lesquelles nous travaillons avec les professionnels - maintien, engraissement -, j'ai indiqué à la Mutualité sociale agricole que la crise dont nous discutons cet après-midi au Sénat faisait partie de nos priorités en termes de prises en charge des cotisations.
Monsieur Bailly, votre dernière question portait sur les moyens à mobiliser et sur les modes d'organisation à mettre en place pour anticiper ce type de crise sanitaire de grande ampleur dont la récurrence et les conséquences pourraient s'accentuer dans les décennies à venir.
Au-delà de la conjoncture que nous traitons dans l'urgence, le dos au mur, avec le soutien des autorités européennes, des leçons doivent à mon avis être tirées.
Nous ne pourrons bien sûr éviter que ce genre de crise ne se reproduise. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, ces pathogènes émergents, qui explosent un peu partout et n'importe comment, se multiplieront sous le double effet du réchauffement climatique et de la mondialisation des échanges.
Le sérotype 8 est apparu au nord de l'Europe alors qu'il aurait dû remonter du Sud, en provenance de l'Afrique. Dans un autre ordre d'idée, on a vu apparaître le chikungunya, maladie qui n'est pas animale et que vous connaissez bien, madame Payet, directement au nord de l'Italie, sous l'effet du réchauffement climatique comme de la mondialisation ou de la facilitation des échanges.
Nous devons donc nous préparer à affronter, dans les années à venir, des pathogènes émergents et des crises sanitaires touchant soit des végétaux, soit des animaux, soit même des humains - la frontière entre les maladies humaines et les maladies animales est assez étroite - un peu n'importe où et n'importe comment en Europe.
Voilà pourquoi des leçons doivent à mon avis être tirées de cette crise. C'est ce que je fais pour ma part depuis que je suis ministre de l'agriculture et de la pêche, et j'ai d'ailleurs avancé un certain nombre de propositions au cours des négociations européennes.
Je partage par conséquent votre analyse, monsieur Bailly : au-delà de la gestion dans l'urgence de cette crise, nous devons mettre en place des dispositifs durables adaptés à la gestion des crises sanitaires potentielles.
Face à la montée de ces risques, que M. Bernard Barraux a très bien décrits, nous devons inscrire dans le bilan de santé de la politique agricole commune, actuellement en cours de discussion - nous nous sommes prononcés lundi dernier à l'unanimité, moins deux abstentions, en conseil des ministres de l'agriculture sur les orientations politiques de ce bilan de santé -, des outils permettant de couvrir notamment les conséquences des aléas climatiques et des crises sanitaires. Nous avons d'ailleurs obtenu que cela se fasse dès cette année.
Le 30 janvier dernier, j'ai présenté en conseil des ministres de l'agriculture une série de propositions. C'est sur cette base que le conseil des ministres a délibéré lundi dernier et que la Commission a accepté pour la première fois l'idée d'un prélèvement d'une partie de l'argent du premier pilier de la PAC - le pilier économique, celui des aides directes - dès 2008, pour une mise en oeuvre de dispositifs d'indemnisation des risques en 2009. Il s'agit donc non pas d'une échéance très lointaine, mais de décisions que nous allons voir confirmer sur le plan européen sous la présidence française.
Je proposerai d'une manière générale que l'on puisse écrêter - je ne peux pas vous dire pour l'instant à quelle hauteur - l'ensemble du premier pilier de la PAC afin de doter ces outils de financements qui viendront accompagner, consolider, encourager des financements professionnels, notamment via des systèmes assurantiels.
Je répète donc qu'une partie de l'argent du premier pilier de la PAC pourra être utilisée dès 2009 pour cofinancer et accompagner des systèmes assurantiels afin de faire face - la Commission en est d'accord - à ces risques climatiques et sanitaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis que je suis ministre et que je dois traiter chaque semaine de telles crises, avec vous et avec les professionnels, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire à cette tribune que l'on n'a pas le droit de laisser durablement les entreprises agricoles - je préfère cette dénomination à celle d' « exploitations agricoles » -, qui sont les plus vulnérables aux accidents et aux aléas climatiques, sanitaires et économiques, voire aux trois en même temps, sans protection, sans accompagnement mutualisé, sans prévention, sans système d'épargne.
Je veux, avec votre soutien, être le ministre qui aura créé, dans le cadre européen, ce dispositif d'aide et de gestion des crises de manière durable pour l'ensemble des entreprises agricoles françaises.
Mesdames Nicole Bricq, Nathalie Goulet, Anne-Marie Payet, vous avez évoqué le fonds sanitaire qui permettra de mobiliser conjointement, en les mutualisant, des fonds nationaux, des fonds communautaires et des fonds professionnels, pour faire face à ce type de crises. Ce sera un très grand progrès dans le sens d'une agriculture durable.
Le projet des professionnels de la filière bovine dans le cadre du fonds national de l'élevage s'inscrit lui aussi tout à fait dans cette perspective. J'ai d'ailleurs rendu hommage à ces professionnels. C'est la troisième partie du financement, puisque ce dernier est national, européen et professionnel.
Madame Bricq, les maladies émergentes sont prises très au sérieux sur le plan européen, et pas seulement au travers de ces nouveaux systèmes de cofinancement. À titre d'exemple, je peux citer le projet Emerging Diseases European Network, EDEN, qui permet aux centres de recherche européens de travailler ensemble.
Ces orientations s'inscrivent pleinement dans le cadre des évolutions de la politique de la santé animale communautaire. Un rapport de la Commission à cet égard a été présenté par le précédent commissaire, et nous allons participer très activement, avec la Commission, à la mise en place de ce projet. L'une de mes priorités pendant la présidence française sera de faire avancer ce projet de la Commission, madame Bricq.
Parallèlement à ce travail sur des mécanismes financiers, nous devons développer la recherche et améliorer nos systèmes d'épidémio-surveillance et de veille des risques émergents.
C'est dans cette optique que j'ai, d'une part, débloqué un montant d'1 million d'euros pour des projets de recherche sur la fièvre catarrhale ovine et, d'autre part, signé conjointement avec les ministres chargés de l'environnement, de la recherche et de la santé une lettre de mission à l'attention de l'Institut de recherche pour le développement, l'IRD.
Compte tenu de l'émergence des maladies vectorielles que vous avez parfaitement identifiées, dans le domaine tant de la santé humaine que de la santé animale, il est nécessaire de mieux nous organiser pour surveiller les populations vectorielles, pour former des experts en entomologie et pour orienter nos programmes de recherche. Les résultats de cette saisine sont attendus dans le courant du premier semestre 2008.
Mais, là encore, mesdames, messieurs les sénateurs, plus la réponse sera mutualisée au niveau européen - je parle non pas d'argent, mais de recherche, de coordination, de prévention -, meilleure sera cette réponse.
Madame Goulet, j'ai été très sensible à votre témoignage concernant ma présence pendant le salon de l'agriculture, ainsi que les nombreux échanges que nous avons eus les uns avec les autres.
Monsieur Beaumont, vous avez tout à l'heure évoqué la tâche difficile - et j'ajouterai « passionnante » - du ministre « des agricultures », la diversité des interventions, qui reflète celle des territoires, m'autorisant ce pluriel.
Je veux absolument vous dire à l'un et à l'autre mon accord avec le suivi permanent de cette crise que vous avez appelé de vos voeux. Une cellule nationale de crise, qui regroupe une quarantaine de responsables, y compris les vétérinaires et les organisations professionnelles, se réunit tous les mois, sous la présidence de mon directeur de cabinet, et je présiderai moi-même la toute prochaine, le 17 avril.
En conclusion, en vous remerciant de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer sur ce sujet, ce qui était nécessaire vis-à-vis du Sénat et, au-delà, de l'ensemble des éleveurs, des responsables agricoles, des citoyens qui sont inquiets de cette très grave crise animale, je tiens à vous dire que je continuerai, avec l'ensemble de mes collaborateurs, à gérer cette dernière avec, comme vous m'y avez appelé, la transparence, la rigueur, l'équité qui s'imposent. Je veillerai d'ailleurs au même respect de ces principes dans les territoires et départements d'outre-mer, auxquels je suis très attaché, comme le sait Mme Payet. Transparence, équité, rigueur, volontarisme et souci de la concertation entre nous et avec l'ensemble des acteurs de cet enjeu et de ce défi en France et, naturellement, avec l'ensemble de nos partenaires européens sont les principes qui doivent nous guider. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)