M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment même où notre pays s'interroge non seulement sur ce que seront ses retraites mais aussi sur la durée du temps de travail, l'avenir de la formation professionnelle en France est une question essentielle.
À ce sujet, réjouissons-nous que le budget de la recherche connaisse une augmentation, mais surtout qu'il se situe dans une perspective de croissance.
Je remercie en particulier notre collègue et ami, Jean-Claude Carle, d'avoir permis l'organisation de ce débat ce matin au sein de notre assemblée. D'ailleurs, la vie n'est-elle pas une formation permanente, toujours inachevée ? (M. Gérard Larcher acquiesce.)
En effet, la formation professionnelle est un élément clé dans l'identité de notre pays. Elle permet aussi de mettre en exergue une question importante, liée directement à notre capacité de préparer l'innovation. Elle constitue même le fondement de la progression de notre croissance et de l'augmentation du produit intérieur brut.
Innover, c'est développer nos richesses ; former, c'est s'y préparer. Ne faut-il pas penser comme Albert Camus, selon qui « la vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent » ?
Oui, la formation professionnelle en France est un point d'ancrage fondamental au service de l'avenir de toutes les générations. La formation professionnelle n'a pas d'âge ; elle n'a pas non plus de couleur, d'étiquette ou de sexe. Au contraire, elle a son importance tout au long de la vie. Elle constitue la capacité de tout être humain de savoir progresser et avancer. C'est l'oxygène de la vie, le poumon de la réussite.
Avec l'apparition des nouvelles technologies de l'information et de la communication, grâce aux progrès et aux évolutions constantes de notre société, la formation professionnelle devient un investissement constructif pour l'avenir, je dirai même un placement pour demain.
L'annonce récente de modifications de la formation professionnelle, au niveau des séries du CAP mais aussi du BEP, et les débouchés de ce dernier vers un baccalauréat professionnel, n'en finit pas de susciter de nombreuses interrogations.
La suppression à terme du BEP pose, en effet, question. Ne serait-il pas opportun de maintenir des passerelles entre l'apprentissage professionnel, les CAP, et l'objectif de valorisation de son parcours de formation par un baccalauréat professionnel ? Si tel n'est pas le cas, les jeunes qui ne pourront prétendre qu'à la seule formation issue des certificats d'aptitude professionnelle n'auront plus les moyens d'espérer progresser dans leur filière.
S'agissant des formations par apprentissage, il est capital de maintenir les partenariats mis en place par les établissements d'enseignement supérieur avec les entreprises et qui permettent à chaque jeune, ou moins jeune, de construire un véritable projet professionnel lui offrant la possibilité non seulement de s'exprimer, mais aussi de progresser.
Les partenaires s'engagent vis-à-vis de ces jeunes pour les aider à s'insérer dans le monde professionnel grâce à une pédagogie adaptée. Le système peut leur offrir une réelle opportunité d'ascension sociale et d'intégration professionnelle.
Oui, nous le savons tous, l'apprentissage est un véritable outil d'insertion professionnelle, particulièrement bien adapté aux jeunes qui sont à la recherche d'une pédagogie différente.
À cet égard, l'alternance est un instrument pédagogique remarquable, car elle permet une confrontation permanente entre les acquisitions théoriques et leur mise en oeuvre au sein de l'entreprise. De l'abstrait, on passe au concret ; il n'y a plus d'obstacle, plus de frontière entre l'apprentissage théorique et l'apprentissage pratique. L'apprenti peut ainsi prendre conscience progressivement de la complexité des fonctions qu'il aura à assumer dans le cadre de son futur métier.
De plus, ne l'oublions pas, la formation générale, et plus particulièrement les formations en alternance, peuvent jouer un rôle important en ce qui concerne la valorisation de la recherche et de l'innovation au plus près des entreprises. Cette proximité est une richesse.
Ainsi, dans le cadre du processus d'accompagnement, les apprentis peuvent faire appel aux laboratoires des écoles pour les problématiques technologiques et scientifiques comme pour celles qui sont liées aux évolutions organisationnelles. Cela répond à la demande croissante exprimée par les entreprises en matière d'innovation. L'apprentissage est donc, plus que jamais, au coeur de la formation professionnelle.
Nous le savons tous, les formations par apprentissage sont sous la responsabilité des régions ; ce fait a été relevé à de multiples reprises ce matin. Le financement de ces formations se répartit entre les régions, qui ont tendance à privilégier les formations de niveau inférieur, la taxe d'apprentissage et, enfin, l'établissement de formation lui-même.
Pour permettre à plus de jeunes et d'entreprises de bénéficier de cet outil remarquable, il serait opportun de mieux aider les établissements, notamment en les dotant d'enseignants directement affectés aux missions de formation et d'accompagnement.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, les enseignants doivent être des précurseurs en matière d'innovation ; ils doivent être à l'avant-garde de cette évolution. Encourageons-les et donnons-leur les moyens de cette ambition. Ne serait-il pas judicieux qu'ils échangent davantage avec le monde de l'entreprise ?
Pour les territoires, aider les petites et moyennes entreprises à innover est un enjeu essentiel, notamment pour la croissance de demain. Cela impose aux établissements d'enseignement supérieur de mettre en place une démarche structurée s'appuyant sur les réseaux de PME. Coûteuse en temps, cette démarche doit être pragmatique et proche du terrain. Elle impose de connaître le tissu industriel du territoire, d'entretenir une relation privilégiée avec les entreprises, mais aussi de détecter leurs problématiques, tout en les accompagnant dans leur résolution.
Votre écoute permanente, votre attention, monsieur le secrétaire d'État, permettront, j'en suis sûr, d'éclairer l'avenir de la formation professionnelle, indispensable à la construction de l'identité de chaque homme. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce débat, je veux vous indiquer à quel point j'ai apprécié vos interventions, qui ont toutes été très intéressantes. En effet, je ne crois pas qu'une seule voix dissonante se soit élevée à propos du diagnostic posé par la mission commune d'information présidée, avec talent, par Jean-Claude Carle et dont le rapporteur était M. Bernard Seillier. Cet accord est un premier élément essentiel.
Pour autant, faut-il penser que tout est réglé ? Je ne le crois pas. Mon activité parlementaire a occupé quelques années de ma vie ; c'est ainsi que je me souviens d'un rapport d'une commission d'enquête parlementaire de l'Assemblée nationale, diffusé dans les années quatre-vingt-dix, qui avait retenu nombre de mots qui sont repris aujourd'hui par la mission commune d'information du Sénat.
Établir un diagnostic aussi clair et complet que celui qui fait l'objet de notre présent débat ne suffit pas ; il faut aussi avoir une vision précise des propositions qui doivent maintenant être mises en oeuvre. De ce point de vue, j'ai beaucoup apprécié la conclusion de Jean-Claude Carle relative à la volonté politique de faire en sorte qu'une fois pour toutes, dans notre pays, la formation professionnelle initiale ou continue soit l'un des éléments permettant à nos concitoyens de relever le défi de la mondialisation, autrement dit le défi de l'adaptation. Il convient en effet que les salariés de notre pays, comme les personnes qui sont aujourd'hui privées d'emploi, puissent, grâce à une formation professionnelle particulièrement efficace, s'adapter au monde actuel, qui bouge.
Comme vous le savez, atteindre le plein-emploi d'ici à 2012 constitue, pour le Gouvernement, l'une des principales priorités de la mandature, conformément aux engagements pris par le Président de la République.
En cet instant, je veux vous prier, mesdames, messieurs les sénateurs, d'excuser l'absence de Christine Lagarde, que certains intervenants ont relevée. Ma collègue aurait été très heureuse de participer à ce débat, mais, malheureusement, elle défend en ce moment même, devant l'Assemblée nationale, le projet de loi instaurant la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC, que vous avez adopté voilà quelques jours. Quoi qu'il en soit, je vais essayer de répondre aux différentes questions que vous avez posées.
Tout d'abord, Christine Lagarde et moi-même allons tout mettre en oeuvre pour atteindre l'objectif du plein emploi d'ici à 2012. Je veux vous donner quelques raisons de penser que cet objectif est tout à fait atteignable. La baisse continue du chômage depuis deux ans, qui s'est accélérée au troisième trimestre de l'année 2007 - nous sommes passés sous le seuil symbolique des 8 %, au sens du Bureau international du travail, le BIT, et des 2 millions de chômeurs inscrits en catégorie 1 à l'ANPE -, montre que la tendance est bonne.
Ce mouvement va se poursuivre, j'en suis convaincu. Les transformations à l'oeuvre sur le marché du travail, qui tiennent à la fois à une dynamique retrouvée de création d'emplois et à une situation démographique particulière, nous offrent une opportunité historique de sortir durablement de trois décennies de chômage de masse.
Les chiffres officiels de l'INSEE relatifs à la création d'entreprises pour l'année 2007 vont être rendus publics dans quelques heures ; cette création participe de la vitalité économique et de la création d'emplois. Selon les chiffres provisoires de l'Agence pour la création d'entreprises, qui seront très peu différents de ceux de l'INSEE, en 2007, tous les records en la matière auront été battus, y compris celui, historique, de 2006, qui s'établissait à 282 000. Ainsi, ce sont près de 322 000 entreprises qui auront été créées l'an dernier.
Nous le constatons : aujourd'hui, notre pays se trouve dans une phase de vitalité entrepreneuriale qui, j'en suis convaincu, va encore s'accélérer. Christine Lagarde et moi-même élaborons en ce moment un projet de loi sur l'entreprise et l'entrepreneur, qui s'attachera à parfaire les importants dispositifs adoptés au cours de la mandature précédente, dans le cadre des deux lois pour l'initiative économique.
Ce projet de loi visera à faciliter la création d'activité, sans pour autant que l'entrepreneur soit obligé de créer une entreprise sous forme de société. Il instaurera l'auto-entrepreneur, qui pourra procéder à une création sur papier simple, puis arrêter ou renouveler son activité selon un statut très simplifié, notamment en matière de forfaitisation de charges sociales et fiscales. Il faut, en effet, que les procédures soient beaucoup plus simples Des dispositions concerneront également la transmission des petites et moyennes entreprises, ainsi que les délais de paiement.
Cet ensemble contribuera encore, je l'espère, à donner des opportunités de création d'emplois pour ceux qui en ont besoin. En effet, dans les années à venir, il faut s'attendre à de profondes modifications du marché de l'emploi. D'ores et déjà, chaque jour, quelque 30 000 emplois sont créés ou détruits en France.
L'économie va poursuivre sa tertiairisation aux deux extrêmes de l'échelle des qualifications. C'est ainsi qu'il y aura davantage d'emplois qualifiés de niveau « cadre » dans l'informatique, le commerce et les services aux entreprises, mais aussi, avec le vieillissement de la population, plus d'emplois moins qualifiés dans le secteur des services à la personne. Aujourd'hui, ce dernier connaît une réelle dynamique, qu'il s'agisse des aides à domicile, des employés de maison, des assistantes maternelles et des agents d'entretien. Tous ces emplois constituent une extraordinaire opportunité pour faciliter les mutations économiques que ce marché enregistre.
En ajoutant les emplois libérés par les départs en retraite aux créations nettes d'emplois, on peut estimer les besoins de main-d'oeuvre à environ 750 000 par an jusqu'en 2015, alors que la population active devrait se stabiliser d'ici à quelques années, d'après les dernières projections de l'INSEE.
Ces besoins vont renforcer encore plus les tensions actuellement observées en matière de recrutement ; c'est une réalité. Plusieurs centaines de milliers d'offres d'emplois ne sont pas pourvues, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs. On cite le chiffre de 500 000. Des tensions importantes sont enregistrées dans l'hôtellerie et la restauration, les services financiers et informatiques, la santé et l'action sociale.
En dépit du nombre d'actifs disponibles sur le marché du travail, ces déséquilibres ne se résorberont pas tout seuls, d'abord et surtout, parce que les profils recherchés ne correspondent pas toujours aux profils disponibles ; ensuite, parce que les métiers en tension sont souvent perçus, à tort ou à raison, comme peu attractifs. Le risque est donc grand de voir coexister durablement chômage et tensions dans certains secteurs ou territoires. Tel est tout le paradoxe de la situation actuelle.
Tout l'enjeu va consister, dans les années à venir, à prolonger ce flux important de créations d'emplois, de préférence durables et de qualité, ce qui suppose que nous ayons une croissance dynamique, grâce aux réformes structurelles, et que nous soyons en mesure de pourvoir à ces emplois, grâce à un système de formation capable de répondre aux nouveaux besoins de qualification et à des règles sécurisant les parcours professionnels pour accompagner les transitions.
C'est parce que ce défi est considérable que le Gouvernement entend réformer profondément le marché du travail, et ce autour de trois piliers.
L'accord des partenaires sociaux du 11 janvier dernier constitue le premier pilier. Il s'agit là d'un point très important ; de nombreux orateurs, y compris M. de Montesquiou, l'ont noté. Le pari du Gouvernement, en confiant aux partenaires sociaux des sujets difficiles - le contrat de travail, la formation continue tout au long de la vie professionnelle -, dans des délais contraints du fait de l'urgence, est en passe d'être gagné.
La réforme du service public de l'emploi est le deuxième pilier, avec, notamment, la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, mais aussi, comme l'a réaffirmé ici Mme Christine Lagarde, le rôle renforcé des maisons de l'emploi - créées sous l'impulsion de M. Gérard Larcher, dont je salue la présence -, afin de rendre notre dispositif d'intermédiation plus efficient.
Le troisième pilier, ce doit être la réforme de la formation professionnelle. Après l'accord des partenaires sociaux en janvier et la loi sur la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC de février, je suis convaincu qu'une première étape importante de la réforme de la formation professionnelle sera franchie dès le mois de mars.
En effet, conformément à l'agenda social défini par le Président de la République, Mme Christine Lagarde va mettre en place dans les tout prochains jours, le 31 mars au plus tard, un groupe de travail sur la formation professionnelle continue, réunissant l'État, les partenaires sociaux et les régions.
C'est un élément très important. Ce groupe de travail sera chargé, en effet de clarifier les priorités stratégiques en matière de formation professionnelle et d'établir un partage clair entre, d'une part, les sujets à traiter par la négociation collective et, d'autre part, ceux qui feront l'objet d'une réforme législative, prévue avant la fin de l'année.
Ce travail devra permettre de fixer les objectifs et de dégager des premières orientations. Il ne s'agira pas de refaire, une nouvelle fois, le diagnostic de la situation. J'ai rappelé les travaux précédents qui ont été menés, mais je tiens à saluer, une nouvelle fois, le travail remarquable qui a été accompli par la mission d'information sénatoriale. J'en profite pour décerner, monsieur le président, un satisfecit à la Haute Assemblée, car nombre de ses rapports d'information nourrissent les réflexions et les travaux du Gouvernement.
La mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, que M. Carle a présidée et dont M. Seillier était le rapporteur, a effectué un travail considérable et très riche d'enseignements. Ce travail n'est pas à refaire, il est plutôt une base de départ.
Avec Christine Lagarde, nous avons d'ores et déjà tiré plusieurs convictions, à partir du diagnostic établi et des questions soulevées dans ce rapport.
Je reviendrai en quelques mots sur le diagnostic, sans trop m'y attarder, tant il a été unanimement partagé.
La formation professionnelle continue est aujourd'hui au coeur de la préoccupation de nombreux salariés et demandeurs d'emploi, comme elle est au coeur du débat public. Les attentes en la matière n'ont probablement jamais été aussi fortes.
Il faut, en effet, pouvoir offrir à ceux qui entrent sur le marché du travail une qualification solide et adaptée aux offres d'emploi. II faut également donner à ceux qui sont sur le marché du travail accès à une formation qui leur permette de s'adapter à des organisations du travail en forte évolution.
Vous le savez, je n'y insisterai donc pas : selon nous, la réponse à la mondialisation, c'est l'adaptation, et l'une des clés de cette adaptation, c'est la formation professionnelle, initiale ou continue.
L'efficacité du système de formation professionnelle continue constitue, de toute évidence, un élément central de la sécurisation des parcours pour les salariés et les demandeurs d'emploi - cela a été rappelé unanimement ici -, un enjeu de productivité et de gestion des compétences pour les entreprises et un facteur plus global de compétitivité pour notre économie.
Les critiques à l'égard du système actuel sont nombreuses. J'ai relevé, monsieur Carle, une formule qui court tout au long de votre rapport, et prouve votre sens de la synthèse sémantique, celle des « trois C » : complexité, cloisonnement, corporatisme. Ainsi se trouve bien résumé l'ensemble des critiques que l'on peut formuler à l'égard de notre système.
Les dépenses au titre de la formation professionnelle sont très élevées - les uns et les autres l'ont noté - puisqu'elles s'élevaient, en 2005, à plus de 25 milliards d'euros, qu'elles aient été consenties par les entreprises, l'État, les régions ou l'UNEDIC, notamment.
Il est un exemple particulièrement significatif du fait que cela ne va pas bien : sur les 25 milliards d'euros dépensés en 2004 pour la formation professionnelle continue, seulement 3,7 milliards d'euros ont bénéficié aux demandeurs d'emploi. Cela doit attirer notre attention. Le premier, le Président de la République a déploré que les sommes consacrées à la formation professionnelle n'aillent pas à ceux qui en ont le plus besoin. Quel chiffre est plus parlant que celui-là ? Je voulais le citer devant vous.
Les facteurs explicatifs sont nombreux, nous les connaissons et vous les avez rappelés, mesdames, messieurs les sénateurs : d'abord, la déconnection encore forte entre le segment « salariés » et le segment « actifs inoccupés » du système, et le cloisonnement des financements au-delà même de ces deux segments ; ensuite, la complexité de la gouvernance et l'enchevêtrement des responsabilités ; encore, l'insuffisance de la coordination, notamment entre les financeurs ; enfin, des logiques potentiellement concurrentes, avec, d'un côté, une logique sectorielle et, de l'autre, une logique territoriale.
Certes, le système français de formation professionnelle a fait l'objet de plusieurs réformes ces dernières années, mais on sent bien qu'il est aujourd'hui à bout de souffle, et qu'il faut maintenant s'atteler à sa refonte, pour en faire un élément fort de la compétitivité indispensable que nous devons donner à notre économie.
Il convient donc de réformer ce système en travaillant autour de quatre axes : la construction et l'actualisation des compétences tout au long de la vie professionnelle, l'optimisation des financements et circuits de financement de la formation professionnelle, le renforcement de la logique territoriale du système de formation professionnelle, l'accès des très petites entreprises et de leurs salariés à la formation.
Vous le voyez, monsieur Carle, nous n'avons pas fait preuve d'une grande originalité, mais pourquoi être original à tout prix, lorsque l'on dispose d'éléments aussi pertinents que ceux que nous a fournis la mission commune d'information ?
Le premier axe, c'est la construction et l'actualisation des compétences tout au long de la vie professionnelle.
L'accès de tous les salariés à des formations de courte durée sera progressivement garanti par la généralisation du droit individuel à la formation, le DIF. En revanche, il n'existe pas, actuellement, pour un individu, de possibilités indépendantes de son statut de faire valoir un projet de formation lié à un souhait ou une nécessité d'évolution professionnelle.
Il n'existe pas davantage de lieu clairement identifié où un adulte peut se faire aider dans la conception d'un tel projet.
Enfin, il n'existe pas non plus de garanties pour l'individu sur la qualité de l'organisme de formation auquel il s'adresse.
Dans le prolongement de la réforme de 2004 créant le DIF, le Gouvernement a d'ores et déjà indiqué son attachement à ce que soit mis en oeuvre un compte épargne-formation. L'accord interprofessionnel du 11 janvier dernier, qui prévoit la portabilité des droits à la formation professionnelle, va d'ores et déjà dans ce sens.
Il nous faut aller plus loin et être concrètement les porteurs de la création de ce compte épargne-formation. Comme vous l'avez très bien dit dans votre rapport, monsieur Carle, passer d'une logique de statut à une logique d'individu est primordial.
Parallèlement, la responsabilisation des personnes et l'individualisation accrue de la démarche de formation doivent être accompagnées. Deux points semblent importants à cet égard : comment faciliter le conseil en évolution professionnelle pour tous les adultes, notamment par l'analyse des mobilités potentielles ? Comment s'assurer de la qualité de l'offre de formation ?
Nous avons toute latitude pour pouvoir le faire grâce aux propositions que vous avez formulées, et qui ont été reprises sur d'autres travées de cette assemblée, s'agissant de l'évaluation : 25 milliards d'euros sans évaluation, comment peut-on continuer ainsi ? Il y a là matière à réflexion et à action.
Enfin, il sera certainement nécessaire de réfléchir aux moyens de compléter la logique de capitalisation des droits par des dispositifs de mutualisation des ressources et d'abondements éventuellement complémentaires au profit de bénéficiaires prioritaires.
Le deuxième axe de la réforme, c'est l'optimisation des financements et circuits de financement de la formation professionnelle. Je ne reviens pas sur l'inefficience du système, mais il est clair qu'un plus grand décloisonnement des financements de la formation professionnelle est sans doute souhaitable. Dans le rapport sénatorial sont très directement posées la question de la pertinence du système de l'obligation légale de dépense sur le plan de formation et celle de la réorganisation de la collecte des fonds de la formation professionnelle et du regroupement des organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA.
De ce point de vue, monsieur Mouly, nous partageons votre avis : la simplification passe certainement par le regroupement d'un certain nombre d'OPCA. C'est en tout cas une question vraiment importante, si nous voulons renforcer l'efficacité - ce ne sera pas trop difficile ! - du système actuel.
Le troisième axe, c'est le renforcement de la logique territoriale du système de formation professionnelle ; les uns et les autres, vous avez beaucoup insisté sur ce point. De nombreuses institutions - ministères, conseils régionaux, partenaires sociaux, chambres consulaires - interviennent auprès des individus et des entreprises afin de favoriser le développement des compétences et des qualifications, mais de manière trop cloisonnée.
Un consensus existe aujourd'hui pour dire que l'articulation entre les différentes institutions intervenant dans le domaine de la formation professionnelle devrait se faire à l'échelon régional. C'est certainement le niveau d'efficacité adéquat. Encore faut-il que l'État puisse jouer son rôle. Il a été rappelé sur certaines travées de cette assemblée, y compris par Mme Demontès, qu'il est le seul à pouvoir assurer la nécessaire fonction d'équité et de péréquation du système.
La définition des règles de gouvernance et de financement de la formation professionnelle, associant l'ensemble des acteurs à la définition des objectifs, à la programmation des moyens et à l'organisation efficace des circuits de financement, reste un objectif à atteindre, malgré la multiplication des outils, ou à cause d'elle : plan régional de développement de la formation professionnelle, contrat d'objectifs territoriaux, contrats d'objectifs et de moyens, conférence des financeurs, comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle, ce foisonnement renforce la complexité dénoncée dans le rapport.
La question centrale est de savoir comment articuler les actuelles logiques sectorielles de branche avec des logiques territoriales régionale - c'est tout l'enjeu du défi qui nous est lancé, - afin de mieux répondre aux besoins des territoires, des entreprises et des individus.
Il faudra déployer des outils de prospective pour mieux articuler la formation professionnelle et les besoins actuels et futurs du territoire, dans un contexte de tensions croissantes sur le marché du travail, et associer les différents financeurs, par exemple dans le cadre d'un éventuel fonds régional mutualisant les financements.
Le quatrième axe de la réforme - j'y suis particulièrement sensible, en tant que responsable des entreprises, notamment des PME -, ce pourrait être l'accès des très petites entreprises et de leurs salariés à la formation.
Les uns et les autres l'ont rappelé : on constate une inégalité choquante, dans le système actuel, ceux qui en ont le plus besoin, notamment les salariés des petites ou des très petites entreprises, se voyant les moins bien pourvus en matière de formation.
Les difficultés d'accès des TPE à la formation sont un problème récurrent que les réformes engagées n'ont pas permis de réduire.
D'une part, la complexité de l'organisation de la formation et le peu de transparence du marché rendent nécessaire l'exercice d'une fonction de conseil, voire d'intermédiation, aujourd'hui inégalement disponible.
D'autre part, les modes d'organisation du travail dans ces entreprises nécessitent de recourir à des formes différentes d'acquisition des compétences qui se démarquent de la forme traditionnelle du stage. Une piste consisterait à développer véritablement un service de conseil de proximité auprès des très petites entreprises.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je voulais vous apporter. Vous avez accompli un travail considérable ; je vous remercie, car la contribution de chacun d'entre vous au débat m'a intéressé. Je prie ceux d'entre vous auxquels je n'ai pas pu répondre complètement de m'en excuser.
La tâche est immense, à la hauteur des enjeux : il s'agit de faire de notre appareil de formation initiale ou continue l'un des atouts majeurs de la France pour s'adapter à la mondialisation, qui peut être une chance, si nous savons la saisir. Grâce à cette réforme que nous allons mettre en chantier, et qui aboutira en 2008, nos structures seront aptes à relever ce défi qui nous est aujourd'hui lancé. (Applaudissements.)
M. le président. Nous en avons terminé avec cette question orale.