M. le président. La parole est à M. Charles Revet, rapporteur pour avis.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, les rapporteurs spéciaux ayant très bien présenté les crédits, je ne m'attarderai pas sur les éléments budgétaires pour me concentrer sur un sujet très important, que j'avais déjà eu l'occasion d'évoquer l'an passé : la situation financière de Réseau ferré de France, RFF, et, à travers elle, le financement du réseau de chemin de fer dans notre pays.
Cette question est au coeur des travaux de la mission d'information sur les transports terrestres de la commission des affaires économiques, mission dont le président est Francis Grignon et qui s'intéresse notamment au financement de l'AFITF, présidée par Gérard Longuet. Je salue nos deux collègues ; nous faisons de l'excellent travail ensemble.
Sans anticiper sur les travaux de cette mission, j'ai souhaité profiter de nos débats pour évoquer certains éléments et connaître, monsieur le secrétaire d'État, la position du Gouvernement sur ces questions.
Je voudrais formuler deux constats et faire ensuite une proposition.
Le premier constat vous est déjà bien connu. Il concerne le mauvais état de notre réseau, mis en évidence par l'audit Rivier sur les infrastructures ferroviaires. J'ai voulu savoir si l'on pouvait quantifier les besoins, indépendamment des contraintes budgétaires. D'après les informations que j'ai recueillies, il semblerait- vous noterez le conditionnel - que la remise en état de l'ensemble du réseau nécessiterait environ 50 milliards d'euros. Il s'agit d'une estimation, qui peut naturellement se discuter, et qui pourrait varier fortement en raison des hypothèses retenues.
Il nous faut envisager la régénération du réseau comme un grand chantier qui ne peut être appréhendé que dans sa globalité, sans quoi nous risquons de partir sur des bases ambitieuses les premières années, avant de retomber dans le sous-investissement.
Il est nécessaire de réfléchir au moyen de couvrir ce besoin par un emprunt à long terme, par exemple sur cinquante ans, car il s'agit d'infrastructures lourdes. En partant sur cette base, on peut imaginer que le besoin de financement pour couvrir le remboursement de cet emprunt serait de l'ordre de 2,3 milliards d'euros par an, et non de 1,3 milliard comme je l'avais annoncé dans un premier temps par erreur.
Mon deuxième constat est relatif au fait que, non seulement RFF ne dégage pas d'excédent, mais, bien au contraire, présente un déficit récurrent, compris entre 300 millions et 500 millions d'euros, alors qu'il devrait dégager 2,3 milliards d'euros de plus pour assurer les remboursements annuels de l'emprunt dont je parlais.
Il est probable, en revanche, qu'un projet ambitieux de restructuration de l'ensemble du réseau ferroviaire contribuerait à diminuer de façon très importante les dépenses d'entretien, dépenses d'autant plus lourdes aujourd'hui que, hormis le réseau du TGV, qui est plus récent, le réseau ferroviaire est globalement en mauvais état, comme il ressort de l'audit Rivier.
Je m'appesantirai moins sur les chiffres, qui ne peuvent être à ce stade que très approximatifs, que sur la démarche elle-même et, en particulier, sur la façon de couvrir le remboursement des emprunts contractés.
Par-delà l'apport que pourrait faire l'État, il faut, me semble-t-il, s'interroger sur une augmentation des péages en l'intégrant dans le montant du billet payé par le passager.
Il faudrait sans doute également réfléchir à la possibilité d'une modulation en fonction de la catégorie de transport emprunté entre le TGV, le train Intercités, le Transport express régional, voire le tram-train.
Cela mérite d'être approfondi en matière d'évaluation tant de l'investissement à réaliser que des conséquences en termes de coût pour l'usager.
En revanche, ce qui est une certitude c'est que, si nous continuons à ne pas entretenir le réseau, nous pouvons craindre que des tronçons de ligne ne soient, à terme, interdits à la circulation pour des raisons de sécurité. Il existe déjà des obligations de ralentissement à certains points du réseau.
Une telle démarche correspondrait à ce qui est ressorti des orientations découlant du Grenelle de l'environnement.
Il me semblait utile d'ouvrir ce débat avec vous, même si nous n'aurons sans doute pas le temps de l'approfondir aujourd'hui.
Je crois qu'il nous faut sortir de nos vieilles habitudes de pensée et proposer des solutions simples à des situations qui ne sont pas satisfaisantes.
Je voudrais prendre encore deux exemples des déséquilibres et des dysfonctionnements de notre système ferroviaire.
Premier exemple : j'ai appris la semaine dernière que l'Établissement public de sécurité ferroviaire, l'EPSF, qui doit normalement délivrer les certificats de sécurité aux opérateurs ferroviaires, n'est pas compétent pour ce faire en Corse, sur certains tronçons dans les Bouches-du-Rhône ou sur les lignes des sites portuaires, la DDE ayant conservé cette compétence, ce qui n'est pas logique.
Le second exemple concerne les problèmes d'interconnexion en région parisienne. Combien de temps faudra-t-il encore à notre pays pour mettre un terme au système absurde qui fait que l'on doit arrêter un train pour permettre le changement de conducteur quand on passe du réseau de la RATP à celui de la SNCF ?
Tous ces éléments sont convergents et mettent en lumière la nécessité de définir une large politique en faveur du rail. Je suis convaincu qu'il est plus que temps d'aller dans cette voie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je concentrerai mon propos sur le transport aérien et sur le budget annexe « Contrôle et exploitations aériens ».
Yvon Collin s'étant excellemment chargé de décrire le format financier et les évolutions que vient de subir la taxe d'aéroport, je me contenterai de vous livrer quelques réflexions.
Première observation : les quelque 66 millions d'euros qui sont attendus de l'augmentation de la taxe payée par les passagers seront affectés aux petits aéroports.
La question qui se pose dès lors est de savoir si le montant de l'affectation sera lié au niveau d'activité des aéroports.
Si tel est le cas, je souhaiterais qu'un critère prenant en compte la valeur ajoutée en termes d'aménagement du territoire soit appliqué à l'activité des petits aéroports. En effet, les petits aéroports doivent être considérés non pas seulement en fonction de leur niveau d'activité, mais aussi en fonction de leur aptitude en matière d'aménagement du territoire.
Je maintiendrai ou je retirerai l'amendement que j'ai déposé en fonction de la réponse que le Gouvernement m'apportera sur ce point
Ma deuxième observation est plus fondamentale, car elle concerne en quelque sorte la pérennité de la République. Rapportant ces budgets depuis de nombreuses années, j'ai demandé à des gouvernements successifs s'il était légitime de faire supporter au contribuable la charge de missions régaliennes. Les réponses ont régulièrement été les mêmes, et je ne doute pas que vous me répondrez de la même manière, mais, convenez avec moi, monsieur le secrétaire d'État, que l'État devra un jour assumer ses responsabilités et cesser de faire peser le coût de la sûreté et de la sécurité sur le seul passager.
Je m'interroge enfin, troisième observation, sur la pertinence et la finalité des mesures que nous prenons en matière de sécurité et de sûreté. Depuis le 11 septembre 2001, c'est à qui se fera le plus sécuritaire, et nous assistons à une véritable compétition entre aéroports, alors qu'un grand nombre des mesures qui ont été prises non seulement sont coûteuses, mais restent relativement peu efficaces.
Le Parlement européen, dans sa résolution du 5 septembre dernier, s'interroge sur le maintien des mesures concernant les gels et les liquides transportés dans les avions.
Soyons lucides, madame, monsieur les secrétaires d'État : nous ne pourrons jamais nous protéger totalement du terrorisme. Il est donc légitime, et raisonnable, de se poser la question du rapport entre le coût de l'investissement et la protection offerte à nos concitoyens, sans pour autant baisser la garde devant la menace terroriste.
En conclusion, permettez-moi de vous livrer trois brèves observations, pour rester dans le temps qui m'est imparti.
La première porte sur la loi relative aux aéroports. L'État va entamer cette année des négociations avec plusieurs grands aéroports régionaux pour définir leur programmation annuelle de l'évolution des redevances. Sur l'initiative du Sénat, la loi avait instauré une commission consultative aéroportuaire dont le rôle était de réguler de manière équilibrée et raisonnable les redevances aéroportuaires. Consultée pour Aéroports de Paris et les grandes compagnies qui se posaient à Roissy ou à Orly, la commission consultative a émis des avis qui n'ont pas été suivis. Aura-t-elle plus de chances d'être écoutée lorsqu'elle se prononcera sur les aéroports régionaux ?
Je maintiens que cette commission consultative est nécessaire, car elle est le lieu normal de règlement des conflits entre les usagers et les clients, entre les compagnies et les aéroports.
Ma deuxième observation, plus technique, concerne les personnels des bases aériennes qui viennent d'être transférées à des collectivités territoriales. J'aimerais que vous puissiez rassurer ces personnels, car ils se posent des questions sur leur avenir.
Enfin, j'évoquerai la situation d'EADS et d'Airbus : comme chacun le sait, l'écart de change entre le dollar et l'euro affecte lourdement et durablement la construction aéronautique européenne. Dès lors, deux perspectives seulement s'ouvrent à nous : soit nous arrivons à corriger cette parité, mais j'ignore comment ce serait possible, soit EADS et Airbus seront contraints d'aller produire hors de la zone euro, ce qui pose un problème majeur.
De fait, les difficultés commençaient pour nous à 1,40 euro pour un dollar ; le taux de change est aujourd'hui de presque 1,50 euro pour un dollar : comme le disait récemment le président d'Airbus, Tom Enders, à ce stade, nous avons dépassé le seuil de la douleur. Mes chers collègues, je voulais attirer votre attention sur ce problème, car, ensuite, il sera trop tard pour pleurer !
En revanche, la situation d'EADS appelle deux observations positives.
Tout d'abord, une nouvelle gouvernance a été instaurée, ce qui peut être mis à l'actif du Sénat. En effet, dans un rapport remis en juin dernier, Roland Ries et moi-même suggérions une telle réforme. Même si le lien de cause à effet peut être discuté, cette nouvelle gouvernance que nous appelions de nos voeux porte aujourd'hui ses fruits, car l'entreprise est devenue plus agile, elle est en meilleure adéquation avec son environnement et sa situation s'est améliorée si on la compare avec celle de groupes de taille normale. D'ailleurs, l'A 350 enregistre aujourd'hui des commandes.
Ensuite, l'A 380 suscite beaucoup d'intérêt et d'estime, vous le savez comme moi, monsieur le secrétaire d'État, puisque nous avons pu le constater tous deux lors d'un déplacement à Montréal. Je le rappelle, cet avion est aujourd'hui l'appareil qui, au monde, consomme le moins de kérosène - seulement 2,3 litres pour 100 kilomètres par passager transporté -, ce qui correspond tout à fait à vos souhaits, madame la secrétaire d'État.
Je vous précise enfin, après mes collègues rapporteurs pour avis, que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
J'ajoute qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total d'une heure et dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes propos se limiteront à la partie de votre budget qui concerne l'écologie et l'environnement.
Si je devais réagir avec les vieux réflexes de l'enseignant que j'ai été, j'inscrirais dans la marge, après étude de votre budget : « Peut mieux faire ! » (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Sans entrer dans les détails, votre budget est globalement en augmentation - encore qu'il soit parfois difficile de s'y retrouver et de faire des comparaisons, car le mode de présentation diffère de celui de l'année dernière -, alors que beaucoup d'autres missions voient leurs crédits plutôt diminuer et que les cadeaux fiscaux, dont on attend toujours les retombées économiques, ont limité vos marges de manoeuvre.
Cela dit, par rapport aux espoirs soulevés par le Grenelle de l'environnement, le décalage est abyssal. Des moyens financiers significatifs ne sont pas au rendez-vous, et c'est pourquoi je ne pourrai pas approuver les crédits de cette mission.
Madame la secrétaire d'État, j'espère tout de même qu'en 2009 votre budget aura une autre allure, car, pour le moment, on reste sur sa faim ! Il ne faudrait pas que le Grenelle de l'environnement se réduise à une très belle opération de communication. Les espoirs soulevés sont trop importants et, après un travail de fond sérieux et de plusieurs mois, ce rendez-vous a permis au moins de poser publiquement les vraies questions du développement durable.
On peut considérer qu'un cycle d'une trentaine d'années, ouvert par la candidature de René Dumont aux élections présidentielles de 1974, se termine. On assiste aujourd'hui à une véritable prise de conscience des limites des ressources naturelles et des risques liés à une croissance exponentielle. Je crois que l'on assiste aujourd'hui à un véritable retournement de l'opinion publique.
Il nous faut changer de modèle énergétique, maîtriser l'étalement urbain, reconquérir la richesse de la biodiversité, développer des façons culturales respectueuses des sols et du sous-sol, mettre en oeuvre le principe pollueur-payeur, prévenir et réparer les dommages écologiques. Il s'agit d'un programme très coûteux, qui exigera des moyens financiers importants. Or, pour le moment, ceux-ci n'apparaissent pas du tout dans votre budget. Dans les mois qui viennent, nous serons vigilants sur les suites concrètes du Grenelle de l'environnement, dans un esprit constructif.
Si j'aborde de plus près votre budget pour 2008, madame la secrétaire d'État, je constate que les crédits attribués à la gestion des milieux et de la biodiversité sont en augmentation de 12,5 % en autorisations d'engagement et de 15 % en crédits de paiement.
Ces moyens permettront de faire face à la mise en place des parcs nationaux de la Réunion et de la Guyane, à l'animation des sites Natura 2000 et à la gestion des réserves naturelles. Il était absolument nécessaire de conforter ces politiques, tant la France avait pris du retard par rapport aux directives européennes ; toutefois, il faudra beaucoup de pédagogie et de force de conviction pour qu'elles soient adoptées par les forces vives de la nation, qui sont parfois récalcitrantes, hélas.
Madame la secrétaire d'État, vous avez augmenté les crédits des parcs naturels régionaux, les PNR, dont les dépenses de fonctionnement ont été calculées sur la base de 120 000 euros minimum par parc, contre 115 000 euros l'année dernière. Néanmoins, êtes-vous certaine que les préfets respecteront cette dotation ? En effet, ils gardent une autonomie de gestion de leurs crédits, et l'expérience montre que la fibre environnementale du corps préfectoral n'est pas toujours très développée...
Quant à votre proposition d'un appel à projets de 2 millions d'euros pour les PNR axés sur la qualité des paysages, en particulier périurbains, la reconquête des espaces dégradés, la trame écologique et le plan Climat, elle est intéressante, mais je souhaite avoir des précisions sur les modalités de sa mise en oeuvre.
S'agissant de la préservation de l'eau et de la lutte contre les inondations, là encore, les crédits augmentent significativement, mais il est vrai que les attentes, sur l'ensemble du territoire, sont considérables. Les crises météorologiques répétées ont accru les demandes, en particulier dans le sud-est de la France.
La mise en oeuvre de la loi sur l'eau implique des changements substantiels.
La liste des communes considérées comme rurales a été modifiée, et le nombre de ces dernières a fortement diminué. Aussi, bien des municipalités sont aujourd'hui privées des subventions des conseils généraux et des agences de l'eau qui étaient destinées à leurs programmes d'assainissement.
Ensuite, la décision de faire payer la redevance d'assainissement aux communes rurales de moins de 400 habitants conduira à une augmentation sensible du prix de l'eau, même si un lissage sur cinq ans est prévu. Au sein du syndicat d'eau et d'assainissement que je préside, quelque 160 communes sont touchées. Certes, cette mesure peut se justifier, puisque les communes concernées bénéficient aujourd'hui d'aides financières pour leurs travaux, mais encore faut-il l'expliquer et la faire accepter.
Agences et communes devront financer le réseau de surveillance de la qualité de l'eau, qui est exigé par la directive-cadre de l'eau, et l'auto-surveillance des stations et des réseaux de transport. Il leur faudra également appliquer partout la directive relative aux eaux résiduaires urbaines, ou directive ERU. Or je voudrais être certain que nous disposerons des moyens nécessaires. Je le rappelle, nous devons respecter ces échéances européennes, sous peine de devoir payer à Bruxelles d'importantes amendes.
Madame la secrétaire d'État, je voudrais vous alerter sur les problèmes posés par la publication de l'enquête relative aux factures d'eau dans le mensuel Que choisir ? de novembre 2007. Celle-ci a suscité un écho médiatique considérable et elle interpelle les responsables politiques que nous sommes. Nous nous devons d'y répondre, face à une opinion publique en état d'alerte.
En effet, si cet article pose des questions tout à fait justifiées, je crains que les politiques d'investissement, pourtant tout à fait nécessaires dans les années à venir, notamment pour créer ou renouveler les stations d'épuration, ne soient paralysées par la peur d'une augmentation de leurs factures d'eau.
Les comptes des entreprises des opérateurs publics ou privés doivent être clairs et transparents. Madame la secrétaire d'État, je vous demande donc d'accélérer la mise en place de l'ONEMA, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques. Celui-ci doit mettre en oeuvre un système d'évaluation objective des services d'eau et du prix facturé aux usagers, mais en prenant en compte la qualité du service, la sécurité de l'approvisionnement des usagers, la protection de l'environnement et la transmission d'installations en bon état aux générations futures.
Certes, la mise en place, par le décret du 2 mai 2007, d'indicateurs de performance des services d'eau et d'assainissement, obligatoires dans le rapport annuel rédigé par le maire, va dans la bonne direction.
Encore faut-il, madame la secrétaire d'État, que vos services, en relation avec la FNCCR, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, nous aident à définir, à partir d'expertises solides et de méthodes incontestables, une modélisation concrète, pragmatique, judicieuse et irréprochable des services d'eau et d'assainissement, qui tienne compte des conditions d'exploitation différentes d'une collectivité à l'autre.
Nous avons des progrès à faire pour présenter des comparaisons sur les modes de gestion de l'eau, comme le souhaitent les opérateurs.
Je profite du vote de ce budget pour réclamer la publication d'un décret instituant une taxe au bénéfice de la gestion des eaux pluviales. Celle-ci serait certes facultative, mais elle permettrait de faire face à des besoins qui sont croissants et de cesser de financer illégalement ces travaux par le prix de l'eau au robinet.
Pleinement conscient des problèmes très lourds qui nous attendent, je souhaite qu'un contrat clair soit défini, qui prévoirait des programmes de financement planifiés dans la durée et définirait des engagements francs et massifs de l'État, au bénéfice d'un nouveau modèle économique.
Toutefois, en aurez-vous les moyens, demain, alors que ce budget reste globalement insuffisant et que je crains toujours un transfert de charges vers les collectivités territoriales ? Aurez-vous la force politique de normaliser, réglementer, réguler et inciter, dans le cadre du Grenelle de l'environnement ? Et, puisque ce dernier a été l'occasion d'une réflexion particulière sur le ferroviaire, pouvez-vous nous préciser vos intentions s'agissant de la modernisation de notre réseau ferroviaire, aujourd'hui bien défaillant ?
Enfin, car il s'agit d'un important problème régional, qu'en est-il de l'implantation d'un centre d'essais ferroviaires près de Valenciennes ? Les élus et les populations, qui nourrissent des attentes et des inquiétudes fortes, réclament des réponses claires.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, telles sont les quelques questions que je souhaitais vous poser. J'attends à présent vos réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, je veux tout d'abord remercier notre collègue Francis Grignon, qui m'a permis d'intervenir à sa place : des obligations m'appellent tout à l'heure en Lozère, un département qui n'est pas vraiment proche de Paris, mais je tenais à intervenir pour souligner combien le budget que nous examinons aujourd'hui marque une nouvelle étape.
En effet, c'est la première fois que le développement durable et la protection de l'environnement sont érigés en piliers d'un ensemble de politiques publiques, au sein d'un même ministère, qui plus est un ministère d'État, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République et le Gouvernement, dont nous soutenons l'action.
Dans ce budget, les douze programmes qui regroupent l'essentiel des crédits destinés à ce nouveau ministère s'articulent autour de quelques thématiques pilotes. L'ancienne mission « Écologie et développement durable » en fait partie, avec ses programmes « Conduite des politiques environnementales et développement durable », « Gestion des milieux et biodiversité » et « Prévention des risques et lutte contre les pollutions ».
Paul Raoult a affirmé il y a quelques minutes que, s'il devait noter ce budget, il écrirait : « Peut mieux faire ». Pour ma part, je mettrais : « Très grands progrès » ! (Sourires.) En effet, vous nous proposez, madame la secrétaire d'État, une augmentation de près de 21 % des crédits consacrés à la gestion des milieux et de la biodiversité, ce qui n'est tout de même pas rien.
Sans même compter les crédits consacrés à la politique de l'eau, qui sont eux-mêmes en augmentation, je le rappelle, les moyens mobilisés en faveur de la politique de la nature et des paysages s'accroissent de 30 % par rapport à 2007, ce qui est significatif.
En particulier, les crédits alloués aux neuf parcs naturels nationaux, dont deux ont été créés en 2007 respectivement en Guyane et à la Réunion, progressent de 36 % par rapport à 2007. Cela montre que la loi sur les parcs nationaux, pour laquelle notre collègue Jean Boyer s'était tant mobilisé, est bien prise en compte, et que le Gouvernement entend traduire dans les faits les engagements qu'il a pris.
Cet effort s'ajoute à la majoration, décidée l'an dernier, des dotations versées aux communes situées au coeur des parcs nationaux, en compensation des contraintes que ceux-ci font peser sur elles. Enfin, les crédits destinés aux parcs naturels régionaux augmentent eux aussi. Dont acte !
S'agissant des réserves naturelles, en particulier régionales, il existe des projets d'extension ou de nouvelle création, mais il faudra bien, là aussi, que s'instaure un dialogue entre l'État et les régions, car on ne peut laisser se développer les surfaces et le nombre des réserves naturelles sans que soient pris, en regard, des engagements financiers.
En ce qui concerne les crédits affectés au réseau Natura 2000, ils sont, eux aussi, en importante progression, et nous souhaitons que l'on retrouve, sur le terrain, la traduction des décisions qui ont été prises au travers de la loi relative au développement des territoires ruraux. En particulier, ce sont les élus qui « portent » le réseau Natura 2000, ce qui permet d'éviter que des craintes, des appréhensions ne se manifestent parmi les habitants des territoires concernés. À cet égard, nous sommes sortis d'une forme d'impasse.
Concernant maintenant les transports, je voudrais vous faire part, monsieur le secrétaire d'État, de deux interrogations.
Tout d'abord, nous soutenons le développement du transport ferroviaire, qui a vu la création de 2 000 kilomètres de lignes TGV supplémentaires. Vous permettrez à un élu du Languedoc-Roussillon de vous dire que l'on se réjouit, dans sa région, de l'achèvement du percement du tunnel transpyrénéen du Perthus, qui a été célébré en grande pompe.
M. Gérard Longuet. Il faudrait peut-être que les Espagnols fassent leur travail !
M. Jacques Blanc. Je me félicite également de la mobilisation de crédits en vue de la réalisation du tronçon Montpellier-Nîmes, et je tiens d'ailleurs à saluer ici le président de l'AFITF, qui accomplit un travail tout à fait remarquable, et apprécié. Cependant, il existe une lacune entre Montpellier et Perpignan, et si l'on ne se lance pas résolument dans la réalisation de ce tronçon, un engorgement se produira.
En effet, on ne pourra pas développer à la fois le transport express régional, le trafic des marchandises et la circulation de trains rapides si l'on ne crée pas une ligne nouvelle complète entre Montpellier et Perpignan. Dieu sait si c'est important ! La création de cette ligne avait d'ailleurs été retenue parmi les grands projets européens lors du sommet de Corfou de 1994. Je me permets donc d'insister sur ce point.
En ce qui concerne la route, si l'on ne peut pas demander que l'on fasse du « tout-routier », on ne peut pas non plus accepter l'abandon d'un certain nombre de projets importants, qui sont d'ailleurs des projets de développement durable, parce qu'ils conditionnent l'aménagement du territoire. Il n'y aura pas de développement durable sans aménagement du territoire. Je pense ici, par exemple, à la nationale 88, qui relie Lyon à Toulouse par le Massif central.
M. Gérard Longuet. C'est vrai !
M. Jacques Blanc. Nous demandons et nous attendons avec beaucoup d'impatience l'inscription de cet axe important au programme de développement et de modernisation des itinéraires.
Je crois que l'AFITF prévoit, pour le tronçon aveyronnais, un engagement financier, peut-être dans le cadre d'un partenariat public-privé.
En ce qui concerne la section du tracé qui traverse le département de la Lozère, un viaduc est pratiquement achevé. Le président de l'AFITF est venu voir cet ouvrage impressionnant, mais pourrons-nous le mettre en service, monsieur le secrétaire d'État ? Il nous manque une partie du financement. On ne va tout de même pas laisser les choses en l'état ! Bien entendu, il faudra aussi prendre en compte les contournements de Mende et de Langogne.
J'ajouterai, sur ce point, que nous avons anticipé les conclusions du Grenelle de l'environnement, puisque ce tracé fait l'objet d'une charte de développement durable. L'ensemble des acteurs se sont engagés à cet égard, et nous souhaitons donc que vous montriez bien que se préoccuper de développement durable ne signifie pas, pour autant, que l'on abandonne des projets qui sont d'ailleurs en eux-mêmes des éléments de ce développement durable.
Des interrogations existent aussi en matière maritime. Certaines déclarations ont quelque peu inquiété les responsables des ports de plaisance de France, qui sont actuellement présents au salon nautique de Paris.
Monsieur le secrétaire d'État, vous étiez venu en Languedoc-Roussillon...
M. Jacques Blanc. ... lorsque je présidais la région. Je vous avais alors présenté l'opération « ports propres »,...
M. Jacques Blanc. ... dont nous célébrerons le dixième anniversaire du lancement en 2009.
Nous avions, là encore, anticipé, en élaborant des programmes qui engagent les ports dans la lutte contre les pollutions, qu'elles soient toxiques, domestiques ou accidentelles. Une campagne d'animation et de sensibilisation des utilisateurs avait été lancée.
Cette opération a fait boule de neige, puisque vingt-six ports maritimes ou lagunaires s'y sont engagés. En outre, ce concept a été repris par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur,...
M. Pierre Laffitte. Oui !
M. Jacques Blanc. ... et nous avons l'ambition de créer, avec la Fédération française des ports de plaisance, un réseau des ports propres en Méditerranée. Nous espérons que vous nous soutiendrez dans cette démarche, qui a d'ailleurs aussi mobilisé nos voisins européens dans le cadre du programme Interreg III B, qui s'est déployé en Catalogne, aux îles Baléares, en Cantabrie ou en Algarve.
Il convient donc de rassurer et de lever les interrogations, afin que tout le monde puisse rejoindre cette démarche de développement durable.
Cela vaut également pour les zones de montagne. L'Association nationale des élus de montagne a fait procéder à une analyse objective du problème des changements climatiques et des incidences qu'ils peuvent entraîner, non pas seulement sur l'enneigement, mais aussi sur la forêt et sur le développement des zones de montagne dans son ensemble.
Nous souhaitons, madame, monsieur les secrétaires d'État, que soit prise en compte la nécessité de répondre aux interrogations des populations concernées, afin d'obtenir leur adhésion. Pour cela, il convient de leur montrer que le développement durable signifie non pas un blocage de tous les projets, mais une maîtrise du développement, qui n'interdit pas, par exemple, la production de neige, puisqu'il s'agit non pas de fabriquer une neige artificielle, mais de transformer de l'eau avant de la restituer au cycle naturel. Il est donc important de lever des a priori, voire d'anticiper des réactions de rejet pour qu'elles soient plus facilement surmontées.
J'ai souhaité, à l'occasion de l'examen de ce projet de budget, vous soumettre ces questionnements, madame, monsieur les secrétaires d'État, parce que notre débat d'aujourd'hui témoigne de la prise en compte d'une problématique de société, je dirais même d'une dimension politique nouvelle.
Après l'ère de la mondialisation, suscitée par la révolution industrielle, nous sommes confrontés à une modernité qui est envahie par le problème de la consommation, laquelle apparaît parfois comme l'objectif premier.
Or, entre la séduction qu'exerce la consommation et les moyens dont peuvent disposer les consommateurs, il y aura toujours des décalages. On sent bien qu'il faut répondre à une attente des femmes et des hommes de notre société. Peut-être le pourrons-nous en démontrant que le personnel politique choisit de préparer l'avenir, le monde dans lequel vivront nos enfants.
Préparer l'avenir, c'est aussi maîtriser les dépenses, car nous ne pouvons léguer nos dettes à nos enfants.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est contraire au développement durable ! (Sourires.)
M. Jacques Blanc. C'est là une responsabilité majeure qui nous incombe ; mais, préparer l'avenir, c'est également faire en sorte que ces enfants puissent demain s'épanouir dans un environnement naturel qui leur permettra de maîtriser leurs angoisses existentielles.
La démarche de développement durable est donc une démarche menant à une société nouvelle. Nous entendons la conduire avec vous, parce que nous sommes convaincus qu'il faut donner un sens profond à l'action politique, et que ce sens profond peut être de préparer l'avenir du monde, l'avenir de nos enfants, tout en sachant quels citoyens nous préparerons pour ce monde nouveau. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, nous nous attendions, cette année, à innover en mettant en oeuvre dans le secteur des transports la « rupture puissante, forte et radicale » à laquelle appelait le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables le 3 octobre dernier, à l'Assemblée nationale.
Des signes ont été émis en ce sens avec la création d'un ministère de l'écologie, de l'aménagement et du développement durables et l'organisation, cet automne, d'un « Grenelle de l'environnement » : autant d'éléments qui pouvaient laisser présager une volonté gouvernementale forte de définir une nouvelle politique des transports, plus respectueuse des impératifs de préservation de l'environnement.
Ainsi, grâce à une prise de conscience exceptionnelle des dangers, pour notre planète, d'un développement uniquement fondé sur des critères de compétitivité économique, il a été décidé de prendre en compte des critères sociaux et environnementaux dans toute prise ou évaluation de décision publique.
Pour illustrer mon propos, je ferai référence au document final du Grenelle de l'environnement, qui indique que « le paradigme actuel, fondé sur la priorité accordée aux infrastructures routières et autoroutières, doit être abandonné au profit d'une logique de développement intégré, dans laquelle la route et l'avion deviennent des solutions de dernier recours ».
Le nouveau Président de la République affirmait également, durant sa campagne électorale, l'objectif d'augmenter de 25 % la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises, objectif qui a été repris dans les décisions arrêtées à l'occasion du Grenelle de l'environnement et dont la réalisation suppose des investissements massifs en faveur du rail.
Nous attendions donc avec une grande impatience de découvrir les crédits accordés aux transports. Mais quelle déception ! Nous sommes loin de la révolution annoncée : ces crédits sont une nouvelle fois en nette régression, puisque les seuls crédits alloués aux transports terrestres et maritimes baissent de 13 %. De plus, le nouveau périmètre de la mission permet habilement de restreindre le temps de parole des groupes parlementaires dans le débat budgétaire...
Nous sommes donc consternés de constater un tel fossé entre les discours et les actes posés par ce gouvernement, dont le projet de loi de finances reste un acte fondateur.
Ce comportement a également été souligné dans l'avis de la Cour des comptes sur le secteur des transports, où il est notamment question de la mise en oeuvre de la LOLF.
Ainsi, la Cour des comptes regrette que l'application de la LOLF n'ait pas été l'occasion d'accomplir des progrès décisifs en matière d'intermodalité, en constituant un programme « Infrastructures de transport » et en désignant un responsable de l'intermodalité et du report modal.
Cette remarque datant de juin dernier, elle aurait pu être prise en compte dans l'élaboration des documents budgétaires, lesquels sont loin d'être satisfaisants pour qui souhaite trouver des informations précises sur la destination des crédits.
La Cour des comptes estime aussi que « le discours récurrent sur le rééquilibrage des modes de transports ne se traduit pas en actes ». Son jugement serait-il bien différent aujourd'hui ?
Même la commission des finances de la Haute Assemblée dénonce, dans un communiqué de presse, « l'absence de traduction financière et budgétaire des orientations proposées par le Grenelle de l'environnement ».
Pourtant, et les travaux de cet automne l'ont une nouvelle fois souligné, l'absence de réduction significative des émissions de gaz à effet de serre aura des conséquences dramatiques et irréversibles sur l'environnement.
Dans cette perspective, je rappelle que la part du secteur des transports dans le total des émissions françaises de gaz à effet de serre atteint 26,5 %, le transport routier représentant 93 % de cette part.
Il s'agit, en outre, du secteur qui a connu la plus forte croissance en matière d'émissions de gaz à effet de serre depuis 1990, puisque la progression est de 22 %. Or il a précisément été décidé, lors du Grenelle de l'environnement, de revenir au niveau d'émissions de 1990.
Je rappelle également que, en France, la part de la route dans le marché du fret est passée en vingt ans de 58 % à 80 %, celle du rail de 26 % à 12 %. Il y a donc fort à faire pour parvenir à un rééquilibrage modal, véritable levier pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour reprendre la terminologie employée dans les documents du Grenelle de l'environnement, il s'agit d'un objectif « d'intérêt général pour la société ».
Nous partageons ce point de vue, et nous sommes intervenus régulièrement, chaque année, lors de la discussion du projet de loi de finances, pour demander davantage de moyens pour les modes de transport autres que la route.
Pourtant, prenant le contre-pied de toutes les déclarations d'intention, ce projet de budget organise une nouvelle fois le désengagement de l'État du secteur des transports.
D'ailleurs, à la lecture des documents budgétaires, et notamment de ceux qui présentent le programme « Transports terrestres et maritimes », nous comprenons assez vite que la rupture annoncée ne sera pas si radicale.
En effet, dès la présentation stratégique du projet annuel de performances, il est dit que la priorité sera donnée, « chaque fois que cela est réaliste au plan économique, aux modes de transports complémentaires à la route ». Nous voilà immédiatement cantonnés aux sacro-saints impératifs de rentabilité économique ! La politique du Gouvernement est donc la suivante : le développement durable est un objectif, mais seulement si c'est rentable !
Comment ne pas penser alors à la nouvelle politique d'entreprise de la SNCF ? Celle-ci reste une entreprise publique, mais les maîtres mots de sa gestion sont dorénavant compétitivité économique et augmentation de la productivité,...