M. Bernard Cazeau. C'est pour les médecins !
M. Guy Fischer. C'est pour les médecins, pour les soins de ville ! Voilà la vérité !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... ce qui engendrera un déficit de 4 milliards d'euros ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, certains d'entre nous lègueront à leurs enfants une maison ou un portefeuille d'actions,...
M. François Autain. Nous leur lèguerons des dettes au titre de la protection sociale !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... mais nous leur lèguerons surtout, collectivement, cette année encore, un déficit de 4 milliards d'euros !
M. Bernard Cazeau. C'est votre déficit !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Comment peut-on parler de rationnement des soins dans ces conditions ?
Il faudra engager la discussion sur le bouclier sanitaire. Je relève que la question du reste à charge doit être au coeur de nos débats.
M. François Autain. Eh bien voilà ! Il faut en débattre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les députés socialistes ont commencé par tirer à boulets rouges sur le bouclier sanitaire. Ils n'en veulent pas ! (Non ! sur les travées socialistes.)
Vous critiquez, mais vous n'apportez aucune solution ! Vous parlez de rationnement des soins, alors que le système est, au contraire, en déficit.
M. Bernard Cazeau. C'est vous qui êtes au pouvoir !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Par ailleurs, comme vous l'avez dit, monsieur Godefroy, il existe effectivement des effets de seuil en matière de revenus sociaux, mais vous proposez d'étendre l'application du mécanisme d'exonération à l'AAH...
M. Jean-Pierre Godefroy. Oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... en relevant les seuils ! (M. Jean-Pierre Godefroy s'exclame.)
Quant à M. Cazeau, il a affirmé que certaines femmes ne pourraient pas subir une mammographie dans le cadre du dépistage du cancer du sein. Je lui signalerai que la mammographie est exonérée de la franchise.
M. Bernard Cazeau. J'ai cité des statistiques. Ne détournez pas mes propos !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Cazeau, l'accès à ces examens de dépistage, qui sont totalement gratuits, ne pose pas de problème de prise en charge financière.
M. Bernard Cazeau. Ils sont payés par les conseils généraux !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L'obstacle n'est pas d'ordre financier, il est d'ordre culturel, certaines populations accédant difficilement à des démarches sophistiquées. Nous pourrions d'ailleurs nous retrouver sur cette question.
M. Bernard Cazeau. Ces dépistages sont payés, notamment, par les conseils généraux !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je répondrai enfin à M. Cantegrit, qui m'a interrogée sur le problème des soins à l'étranger n'entrant pas dans le cadre du régime général.
Des réflexions sont en cours en vue de régler un certain nombre de difficultés techniques, qui se posent d'ailleurs pour l'ensemble des régimes. La discussion est engagée. Les questions que M. Cantegrit a soulevées ne concernent pas davantage les Français de l'étranger que le reste des assurés. Aucune raison ne justifierait donc de ne pas étendre le régime des franchises à la caisse des Français de l'étranger.
J'espère, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avoir répondu de façon suffisamment complète. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je suis saisi de vingt et un amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 152 rectifié est présenté par MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Le Texier, M. Godefroy, Mmes Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 334 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 152 rectifié.
M. Bernard Cazeau. Mon propos sera bref, puisque je suis déjà intervenu sur l'article.
Je demande, purement et simplement, la suppression de l'article 35. Mme la ministre devrait nous écouter, parce qu'elle parle beaucoup avec ses voisins pendant que nous intervenons, et ensuite, comme elle ne nous a pas entendus, elle déforme notre pensée ! Ce fut notamment le cas tout à l'heure, lorsqu'elle a évoqué les mammographies. (Mme la ministre s'exclame.)
À cet égard, madame la ministre, sachez que, dans bien des départements, en particulier le mien, le dépistage et la prévention du cancer du sein sont pris en charge par les collectivités territoriales, notamment les conseils généraux.
M. Bernard Cazeau. C'est la vérité, il faut la dire !
Cela étant, le reproche majeur que l'on vous adresse, au sujet des franchises, c'est que cela revient à « faire les poches » des assurés sociaux alors qu'ils ont déjà cotisé de manière importante. Vous-même dites d'ailleurs que, souvent, les charges qu'ils assument sont trop lourdes.
En outre, certains assurés sociaux ont déjà dû acquitter un ticket modérateur, notamment pour les médicaments. Ils ne bénéficient pas tous d'une assurance complémentaire, et quant à ceux qui en ont une, ils ont généralement payé pour cela.
Tout cela s'additionne. Vous nous dites aujourd'hui que les franchises ne représentent pas des sommes très importantes.
M. Bernard Cazeau. Cela est vrai, mais vous suivre dans votre démarche revient à mettre le doigt dans l'engrenage. Ensuite, tous les ans, vous continuerez à dévider la pelote !
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Bernard Cazeau. Tous les ans, on aura droit à un relèvement de la franchise, parce que le dispositif que vous préconisez ne permettra pas de régler le problème ! Vous entendez persister dans la voie que j'ai évoquée hier soir, dont l'origine remonte à 1927, et vous ne voulez pas engager les réformes de structures qui seraient absolument nécessaires pour résoudre le problème de la sécurité sociale, comme l'ont fait, par exemple, l'Allemagne ou la Suède. Dans ces conditions, vous continuerez à dévider la pelote, en relevant, par exemple, le forfait hospitalier.
M. Dominique Leclerc. Et Jospin ?
M. Bernard Cazeau. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 35.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 334.
M. Guy Fischer. Avec les franchises médicales, madame la ministre, vous avez réussi le triple exploit de proposer une mesure inefficace, intolérable et, de ce fait, contestée par tous. Syndicats, responsables mutualistes, économistes, associations de malades ou de victimes, organisations étudiantes : tous dénoncent votre projet.
Ainsi, le président de la Mutualité française a stigmatisé, en juin dernier, un projet qui met en danger l'idée même de solidarité et qui « n'est pas le moyen le plus intelligent pour rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale ». Cela est incontestable, il n'y a plus que vous pour feindre de l'ignorer.
Les franchises que vous préconisez sont néfastes, car elles auront pour conséquence d'éloigner plus encore des soins les populations les plus fragiles et les plus pauvres, à l'image de ces 30 % de Français qui y renoncent aujourd'hui pour des motifs économiques. Pour ces populations, c'est clair, il faudra plus encore qu'aujourd'hui arbitrer entre les dépenses de tous les jours - loyer, alimentation, transports - et les dépenses de santé. Nous savons quelle est la tendance !
La question des franchises est, on le voit, indissociable du débat actuel sur le pouvoir d'achat. À cet égard, la démonstration est claire : si, lors de l'élection présidentielle, M. Sarkozy se présentait comme le candidat du pouvoir d'achat, il est, six mois après, le président de la vie toujours plus chère.
Mais vos franchises auront également un effet négatif sur la santé publique et les dépenses qui y sont liées. En effet, nous le savons, en retardant la prise en charge de la maladie, résultat auquel votre projet ne manquera pas d'aboutir, vous creuserez les dépenses. Oui, soigner une maladie à son début est plus facile et moins coûteux qu'appliquer un traitement sur le tard.
Le secrétaire d'État chargé des anciens combattants a dit le 8 novembre dernier, à l'Assemblée nationale, avoir obtenu de vous l'exonération des franchises médicales pour les anciens combattants titulaires d'une pension militaire d'invalidité, ce que vous m'avez confirmé lundi lors de la discussion générale. C'est bien la moindre des choses, car il y aurait, dans le cas contraire, atteinte au droit imprescriptible à réparation.
Nous souhaiterions, madame la ministre, que vous soyez très claire sur ce point, car ne pas accorder cette exonération serait plus que mesquin, et je note que, sauf erreur d'analyse de ma part, vous allez donc bien faire supporter des franchises à d'anciens résistants ou déportés âgés de plus de quatre-vingts ans !
Avant de conclure, je souhaiterais apporter dans le débat un peu de ce qui manque à la majorité, c'est-à-dire la prise en considération de la réalité.
Pour vous, le coût des franchises médicales est quasiment indolore. Naturellement, ce n'est pas le cas. Pis encore, cette affirmation est presque indécente - le mot est trop fort, je le reconnais - quand ces 50 euros viennent s'ajouter au reste à charge qu'acquittent bon nombre de malades. Nous aborderons plus en détail ce point tout à l'heure. Des sommes parfois très importantes sont en jeu, notamment en raison du phénomène d'extension des consultations en secteur 2.
Je ne prendrai ici qu'un exemple, celui d'une malade atteinte de la mucoviscidose. Alors qu'il s'agit théoriquement d'une pathologie prise en charge à 100 %, le reste à charge est, pour cette personne, de plus de 3000 euros par an. En fait, en raison de sa maladie, elle a été contrainte, comme tant d'autres, de travailler à temps partiel. Il lui est alors impossible, avec quelque 650 euros de revenus mensuels, de souscrire une assurance maladie complémentaire, et il lui revient donc de débourser 16 euros pour chaque journée d'hospitalisation, de financer à raison de plus de 2000 euros les frais dentaires indispensables avant d'envisager une transplantation pulmonaire, qui ne peut se faire que sur un patient exposé le moins possible au risque infectieux.
En fait, vos franchises médicales n'ont qu'une finalité, celle d'éloigner les Français de notre système de solidarité, en « détricotant » ce dernier, comme l'a dit tout à l'heure M. Cazeau. Déremboursements, franchises médicales, ce sont autant de moyens d'affaiblir la protection sociale et de faire miroiter l'illusion d'un système privé, individualisé et assurantiel.
D'ailleurs, M. Sarkozy, qui visiblement côtoie trop de courtiers en assurances, va jusqu'à transposer dans notre système de protection sociale des règles issues du monde des assurances, oubliant au passage le plus important : la sécurité sociale n'est pas une assurance, elle est un outil au service du plus grand principe qui soit, la solidarité.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de supprimer cet article 35. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Conformément aux règles qui ont été édictées en conférence des présidents, je souhaiterais que les amendements de suppression soient dissociés des autres.
Je comprends que cette décision puisse entraîner certaines difficultés, mais il me semble qu'il est préférable de voter d'abord sur le principe des franchises avant de passer à leurs modalités d'application.
M. le président. De plus, si ces amendements étaient adoptés, tous les autres qui portent sur cet article deviendraient sans objet.
M. Henri de Raincourt. Très juste !
M. le président. Y a-t-il une opposition à la proposition de M. le président de la commission des affaires sociales ?...
Il en est ainsi décidé.
Quel est donc l'avis de la commission sur les deux amendements de suppression ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je souhaiterais faire deux remarques préalables.
Tout d'abord, je voudrais indiquer à mes collègues qui s'inquiètent du taux croissant de participation des ménages à la couverture de leurs frais médicaux qu'une analyse figurant dans le tome II de mon rapport montre que le montant supporté par les ménages a régressé entre 1995 et 2006, passant de 9,6 % à 8,6 %.
Il n'est donc pas possible d'affirmer que la politique gouvernementale a eu pour conséquence de faire progresser la part de dépenses restant à la charge de nos concitoyens, même si l'on tient compte de l'application de la franchise de 1 euro et de toutes les mesures prises au cours des années antérieures, notamment au titre de la réforme de 2004.
Par ailleurs - et je réponds à notre collègue Bernard Cazeau - dans mon esprit, les franchises médicales ne peuvent avoir qu'un caractère conjoncturel. J'ai déjà fait cette remarque au cours d'une récente émission de Public Sénat dans laquelle j'étais opposé à Jean-Marie Le Guen. Je ne sais pas si cette analyse est partagée par le Gouvernement et par mes collègues mais, selon moi, l'instauration des franchises ne doit pas nous affranchir de la nécessité de poursuivre les réformes structurelles.
M. Guy Fischer. On le sait !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le Gouvernement n'a, d'ailleurs, pas attendu aujourd'hui pour agir. En 2004, M. Douste-Blazy, alors ministre de la santé, avait déjà engagé une réforme structurelle en instaurant, notamment, le parcours de soins et le système du médecin traitant.
M. Bernard Cazeau. Quel fiasco !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Certes, les résultats de cette réforme n'ont pas été à la hauteur de ce que l'on pouvait espérer, notamment en termes de maîtrise médicalisée dans le cadre des accords conventionnels.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a introduit, tant dans le PLFSS pour 2007 que dans celui pour 2008, des mesures supplémentaires, afin que nous puissions obtenir des résultats effectifs au titre de la maîtrise médicalisée. L'article 35 et l'existence du comité d'alerte vont dans ce sens.
Ces outils sont là pour nous permettre - à nous, mais aussi aux gestionnaires - de prendre conscience du dérapage des dépenses, afin que des mesures soient prises sans attendre pour ne pas laisser filer indéfiniment les déficits.
Ne nous reprochez donc pas de n'avoir rien fait ! Certes, beaucoup reste à faire, non seulement pour les soins de ville, mais aussi dans les hôpitaux ; nous aurons l'occasion d'en reparler tout à l'heure.
La mise en place d'une franchise ne peut être qu'une solution temporaire. Il me semble que c'est l'esprit dans lequel le Président de la République considère cette mesure.
M. Guy Fischer. Il ne l'a jamais dit !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le jour où nous aurons amélioré la situation des comptes, le système des franchises est appelé à disparaître. Il n'a pas du tout vocation à être pérennisé ; j je parle sous le contrôle du Gouvernement.
Mes chers collègues, il n'y a pas lieu de dramatiser la situation. Nous considérons que cette proposition est utile dans le cadre du PLFSS pour 2008. C'est la raison pour laquelle je suis chargé, au nom de la commission des affaires sociales, d'émettre un avis défavorable sur les amendements nos 152 rectifié et 334.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J'ai déjà expliqué, après les différentes prises de parole sur l'article, pourquoi je suis défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 152 rectifié et 334.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la ministre, vous connaissez notre position. Je voudrais simplement vous rappeler que, selon l'INSEE, les ouvriers consacrent environ 2,5 % de leur budget mensuel aux dépenses de santé, soit considérablement moins que toutes les autres catégories socio-professionnelles.
Ce n'est pas un hasard ! Dans le même temps, ils consacrent plus de 25 % au logement, car il faut bien se loger, et près de 20 % aux dépenses alimentaires, car il faut bien se nourrir ! Plus le budget est restreint, plus la part de ces dernières dépenses est importante, particulièrement dans les conditions actuelles avec l'augmentation du prix du pétrole, des matières premières, des céréales, des pâtes, j'en passe et des meilleures...
Il faut ajouter que la part réservée dans ce budget aux assurances, c'est-à-dire à la possibilité de se prémunir contre les risques, est la plus faible de toutes les catégories socio-professionnelles.
J'insiste sur ce point parce que, dans votre dispositif, les plus démunis seront manifestement les plus contributifs.
M. Henri de Raincourt. Ah là là !
M. Jean-Pierre Godefroy. Eh oui, il suffit de regarder toutes les analyses : c'est une évidence purement mathématique, qui crève les yeux !
À l'inverse, on s'aperçoit que les stocks-options ne rapporteront pas plus d'un quart de ce qui est demandé à tous les contributaires de la franchise : c'est tout à fait scandaleux !
Il convient d'aligner les stocks-options sur le régime commun. Ce n'est quand même pas demander la lune que de mettre sur un pied d'égalité les bénéficiaires de ce mécanisme, qui touchent des sommes colossales alors même que leurs résultats ne sont pas toujours extraordinaires - disant cela, je veux rester aimable -, et les autres !
La Cour des comptes estime que cette mesure rapporterait 3 milliards d'euros. Je ne sais pas si ce chiffre est exact mais, au bas mot, cela représenterait en tout cas de 1,5 milliards à 2 milliards d'euros. Si vous maintenez vos franchises, cette somme s'ajouterait à l'effort collectif pour la sécurité sociale. Mais vous n'en voulez pas ; vous exonérez donc les stock-options ! Le traitement n'est vraiment pas le même selon que l'on est riche ou pauvre !
Madame la ministre, il existe certes des franchises dans d'autres pays, mais elles tiennent compte de la capacité contributive des assujettis. Vos services pourront vous faire une analyse de ces exemples étrangers ; vous verrez alors que j'ai raison.
Bien sûr, on peut comprendre que des exonérations soient prévues - je n'y suis pas opposé -, mais elles sont inégalitaires lorsqu'elles ne considèrent pas la réalité des ressources de chacun. Nous avons déjà eu ce débat sur les minima sociaux et je vous encourage à vous reporter au rapport que Mme Létard a présenté sur le sujet.
Vous m'avez accusé tout à l'heure de vouloir créer un effet de seuil lorsque j'ai exprimé mon souhait que les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, soient exonérés. Mais les ressources de ces personnes sont extrêmement modestes : elles perçoivent 625 euros par mois, soit 80 % du SMIC. Lors des débats avec vos prédécesseurs, il nous a été rétorqué que les attributaires de l'AAH bénéficiaient d'avantages supplémentaires, comme l'exonération de la redevance audiovisuelle. Mais il est possible de vivre sans télévision !
Ma proposition ne génère pas un effet de seuil ; au contraire, elle a justement pour objet de lutter contre les conséquences néfastes de celui que vous allez créer avec ces franchises. Aussi, ne me retournez pas le compliment, madame la ministre !
M. Vasselle nous a affirmé que le dispositif des franchises était conjoncturel. J'aimerais que vous le confirmiez devant notre assemblée, madame la ministre ! Cela étant, je n'y crois pas, car une telle mesure est rarement provisoire : de nombreux précédents, que je ne vais pas rappeler, montrent que ce genre de dispositif perdure et s'amplifie toujours.
En attendant que des réformes structurelles interviennent s'agissant des médecins ou des stocks-options, le mécanisme des franchises est maintenu.
Cette disposition que vous nous demandez de voter est foncièrement injuste et inégalitaire. Nous ne pouvons pas l'accepter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, vous pensez que le dispositif des franchises médicales ne nous dispensera pas de réformes structurelles. C'est certain, mais lesquelles ?
Le problème du financement de la sécurité sociale, qui n'est certes pas nouveau, se pose désormais de façon cruciale. Il faudrait examiner l'assiette actuelle des cotisations, les exonérations de cotisations patronales, le rôle des industries pharmaceutiques - qui, après tout, concourent à un service public -, la gabegie du secteur privé au sein même du secteur public, les problèmes de l'emploi, etc.
Tout a changé depuis 1945 !
M. Henri de Raincourt. Tout, sauf le parti communiste !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La lutte des classes n'a pas changé ! Les « deux cents familles » sont plus nombreuses, mais elles ont toujours les mêmes comportements !
En 1945, la France était pauvre, exsangue, avec une population composée à 40 % d'agriculteurs. Ces derniers, tout comme les artisans et plus largement les non-salariés, n'ont pas participé à la création de la sécurité sociale qui était, dans l'esprit de ses fondateurs, réservée aux 60 % de salariés. Ils ont cotisé à hauteur de leurs faibles revenus. Le patronat était, à l'époque, beaucoup moins arrogant et réalisait nettement moins de profits.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En tout cas, à l'époque, cela concernait moins de monde. Les « deux cents familles » sont aujourd'hui beaucoup plus nombreuses, même si leur comportement n'est guère différent !
Ce qui a changé aussi aujourd'hui, c'est la productivité du travail, qui a été multipliée par cinq, ainsi que l'apparition assez récente, après que le France a connu un taux de salariat de l'ordre de 90 %, du chômage d'une grande partie des salariés ou du phénomène des travailleurs pauvres.
On n'arrête pas de consentir des exonérations de cotisations en faveur du patronat ; celui-ci ne fait que profiter des effets d'aubaine pour fabriquer du travail précaire ou aidé sans créer pour autant de vrais emplois. Voilà la réalité ! Mais on va pressurer davantage encore les travailleurs pauvres, en leur faisant payer une franchise dont on sait évidemment qu'elle ne réglera pas le problème du financement de la sécurité sociale, à moins de changer de système.
Voilà ce qui est derrière la création des franchises et derrière votre « assurantialisation » : un recul historique de la sécurité sociale. On va effectivement vers un système minimum pour les pauvres alors que, pour les autres, ce sera le recours aux assurances. À cet égard, nous sommes matraqués de propagandes, de publicités permanentes pour les assurances privées !
Bien entendu, nous avons des exemples de pays où il n'existe aucun système public et où l'assurance privée couvre les frais de santé : ainsi, aux États-Unis, il y a un système public minimum - de plus en plus restreint - pour les pauvres et des assurances pour les autres. Lorsque les couches moyennes s'appauvrissent, elles ne peuvent plus s'assurer, et l'on sait ce qu'il advient...
Enfin, je vous signale que les dépenses de santé sont beaucoup plus élevées dans ce type de système. Ce sont les particuliers qui les acquittent et, quand ils ne peuvent plus le faire, il leur est impossible d'aller chez le dentiste ou chez l'opticien, de recevoir des soins ou de se faire hospitaliser : s'ils n'ont pas d'assurance, l'hôpital les met dehors !
Voilà ce que vous nous proposez !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Madame la ministre, l'instauration des franchises remet en cause les fondements solidaires du système de protection sociale français ; nous n'aurons de cesse de le répéter.
Au cours du temps, les Françaises et les Français se feront leur opinion ; nous verrons à ce moment-là où se situe vraiment la justice sociale.
L'instauration des franchises rompt l'égalité entre les bien-portants et les malades. Elle va à contre-courant d'une politique équilibrée de santé publique.
Au cours de l'examen des amendements, nous aurons l'occasion de montrer, à travers l'exemple des affections de longue durée - M. Van Roekeghem les appelle les affections chroniques et aggravées - que le reste à charge pourrait être nettement supérieur à 50 euros. Nous sommes en désaccord sur ce point. On arriverait, en fait, à une franchise de 100 euros ! Cela apparaît très clairement dans le rapport Briet-Fragonard sur la mise en place du bouclier sanitaire. Celui-ci ne pourra pas être mis en place avant 2010, tout simplement à cause du problème que posent les affections de longue durée.
Telles sont les raisons pour laquelle nous demandons que l'amendement n° 334 soit mis aux voix par scrutin public.
Nous reviendrons en détail sur ces questions tout au long de l'examen de cet article, lorsque nous présenterons nos amendements ou expliquerons notre votre.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 152 rectifié et 334.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 26 :
Nombre de votants | 323 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 196 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Les amendements tendant à supprimer cet article ayant été dissociés, la discussion commune n'a plus lieu d'être pour les dix-neuf amendements restants. Certains, cependant, seront regroupés par thème.
L'amendement n° 410, présenté par M. About, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le III de l'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale :
« 1° Lignes de prescription de médicaments mentionnés aux articles ....
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Cet amendement tend à ce que la franchise s'applique non par boîte, mais par ligne de prescription, car le reste à charge par boîte est calculé selon un paramètre qui échappe totalement au malade.
Cette franchise n'aura, à mon avis, aucun effet sur ceux qui choisissent le nombre de boîtes, à savoir les pharmaciens. Elle n'aura aucun effet non plus sur la consommation et n'accroîtra pas les risques d'interactions médicamenteuses.
Je rappelle que, selon Mme la ministre - et je suis d'accord avec elle - 90 % des 402 millions d'actes se traduisent par 880 millions de lignes de prescription et - excusez du peu ! - par 2,5 milliards de boîtes de médicaments.
C'est la raison pour laquelle je propose que la franchise porte sur la ligne, car celle-ci est immédiatement appréhendable par ceux - le médecin et le malade au cours de leur colloque singulier - qui peuvent avoir une action sur la prescription.
Ce dispositif incitera le malade à ne pas réclamer la prescription de médicaments qu'il souhaite se faire rembourser. En outre, il permettra aux médecins de parfaitement prendre conscience de la charge et de la franchise qu'il fait supporter à son patient.
Le plus important, selon moi, c'est de faire considérablement chuter, en France, le nombre d'actes se traduisant par une prescription. Il n'y a pas de raison qu'il en soit ainsi chez nous alors que nos voisins, eux, arrivent à éviter la prescription dans de plus nombreux cas et parviennent peut-être à un meilleur diagnostic. Il faut également éviter le cumul de médicaments sur la même ordonnance afin de limiter les risques iatrogènes, ainsi que ceux qui sont liés aux interactions médicamenteuses.
Je pense donc qu'il est plus pédagogique de passer à une franchise à la ligne plutôt que d'en rester au dispositif actuel, même s'il est certainement plus aisé à mettre en place. Selon le calcul que j'ai effectué, il suffirait d'une franchise à la ligne de 1,10 euro ou de 1,20 euro pour obtenir la même rentabilité que la franchise par boîte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission des affaires sociales a considéré que si la proposition de M. About était pertinente et méritait d'être examinée, il fallait mesurer sa faisabilité et évaluer les problèmes techniques que poserait sa mise en oeuvre.
Le dispositif qu'il propose permettrait effectivement de responsabiliser à la fois le prescripteur et le patient en instaurant un véritable dialogue entre eux au moment de la prescription. Car il s'agit plus d'un problème de prescription que de nombre de boîtes et de consommation de médicaments. Que je sache, en effet, ce n'est pas le patient qui indique au médecin les médicaments qu'il doit prendre et qui fixe le nombre de boîtes !
La proposition de M. About m'apparaissant tout à fait pertinente, je m'en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L'amendement présenté par Nicolas About vise à appliquer la franchise par ligne de prescription plutôt que par boîte.
M. François Autain. C'est un amendement révolutionnaire !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je partage évidemment votre souci, monsieur About, de promouvoir les grands conditionnements lorsque ceux-ci sont justifiés, car ils évitent, en cas de traitement long, la délivrance de plusieurs boîtes. En outre, et ce n'est pas le moindre de leurs avantages, les gros conditionnements reviennent moins cher à l'assurance maladie.
C'est, d'ailleurs, pour répondre à cette préoccupation que l'article 35 bis a été introduit par l'Assemblée nationale. Il exige des pharmaciens, lorsque la durée du traitement est d'au moins trois mois, et même en cas de traitement mensuel, qu'ils délivrent les médicaments en grand conditionnement si celui-ci est disponible.
La mesure que vous proposez va dans le même sens, mais elle est évidemment inapplicable aujourd'hui. En termes de gestion du dispositif, elle supposerait, en effet, une modification radicale du système informatique de remboursement des médicaments, tant du côté des pharmaciens que du côté de l'assurance maladie.
En effet, les logiciels utilisés aujourd'hui par les caisses et dans les pharmacies reposent sur un remboursement par boîte et ignorent les lignes de prescription. Or je vous rappelle qu'une ligne de prescription peut comporter différentes références. La mise en oeuvre de cette mesure demanderait donc une refonte totale du système. Elle aurait évidemment un impact très significatif sur le système informatique et sur le mode de travail des officines.
L'application de la franchise par ligne de prescription est, de toute façon, totalement impossible pour 2008. Elle signifierait donc le report de la franchise.
M. François Autain. Peut-être allons-nous voter cet amendement alors ? (Rires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, auriez-vous un esprit pervers ? J'en doute !
Je souligne que, sur les recommandations de la Haute Autorité de santé, un travail important est aujourd'hui fait pour que les conditionnements soient adaptés à la durée des traitements. La Haute Autorité émet un avis sur l'adéquation entre le conditionnement et le traitement de la pathologie. Des progrès considérables, vous l'avez vu, ont été accomplis dans ce domaine, en particulier pour les grands conditionnements adaptés aux traitements de trois mois.
Le cumul des garanties que nous avons obtenues à l'article 35 bis dans le cadre de la discussion avec l'Assemblée nationale, avec le plafonnement annuel à 50 euros de la franchise et la politique de mise à disposition des patients de grands conditionnements, répond déjà à vos préoccupations et permet de protéger l'accès aux soins des plus fragiles.
Sous le bénéfice de ces explications, et puisque le rapporteur avait sollicité l'avis du Gouvernement, je vous demanderai de retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur About, l'amendement n° 410 est-il maintenu ?
M. Nicolas About. Madame la ministre, grâce à vos collaborateurs, je connaissais déjà la réponse qui me serait apportée. C'est la raison pour laquelle je l'ai fait expertiser et elle est effectivement conforme à ce que vous venez de vous présenter : pour l'instant, il est impossible de retenir le système des franchises à la ligne.
M. François Autain. C'est dommage ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Nicolas About. Toutefois, même si je vais retirer cet amendement, je voudrais insister sur un point.
Après les discussions que nous avons eues hier sur la dénomination commune internationale, et puisque les prescriptions s'effectueront désormais sous cette forme, le dispositif des franchises serait, me semble-t-il, plus simple à appliquer en prenant en compte non pas les dosages, mais le nombre de fois où la dénomination apparaît sur une prescription ou une ordonnance.
Cela dit, je regrette que le seul système retenu soit celui des franchises à la boîte. Il est effectivement rentable, mais il n'a malheureusement aucune vertu pédagogique.
Quoi qu'il en soit, je retire l'amendement n° 410 et je reviendrai sur le sujet l'année prochaine. (Murmures ironiques sur les travées du groupe CRC.)