M. le président. La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Monsieur le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, vous avez présidé ce matin la première des trois conférences sociales promises par le Président de la République, Nicolas Sarkozy.
Cette conférence tripartite portant sur les conditions de travail, dont le rapporteur général est notre éminent collègue Gérard Larcher, fin connaisseur de ces questions, a notamment réuni les organisations patronales, syndicales et les pouvoirs publics.
Il s'agit d'un thème d'une grande actualité au regard de la volonté du Président de la République de réhabiliter la valeur « travail » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) et alors que va s'engager un débat sur la légitimité du maintien de divers régimes spéciaux de retraite au vu de l'amélioration de la pénibilité de certaines professions.
Les conditions de travail sont un sujet essentiel, car elles conditionnent l'efficacité et la productivité. Elles peuvent aussi être à l'origine de drames humains. La vague de suicides sur des lieux de travail que nous avons connue ces derniers mois en France semble ainsi en grande partie liée à une grave détérioration des conditions de travail.
L'enjeu de cette conférence est donc très important.
C'est la raison pour laquelle je me félicite de la méthode que vous avez adoptée, monsieur le ministre, en faisant le choix d'une large concertation et d'un véritable dialogue social avec l'organisation de sept réunions préparatoires en septembre.
À l'issue de cette conférence, pouvez-vous nous faire part des conditions de travail qui y ont prévalu, du bilan de votre méthode et de l'implication des partenaires sociaux ?
Avez-vous d'ores et déjà pu établir un diagnostic, faire une liste des bonnes pratiques, identifier les mesures à prendre et définir un agenda pour leur mise en oeuvre ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. David Assouline. C'est le rédacteur de la question !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le sénateur, il s'agit en effet d'un sujet important, que le Gouvernement et les partenaires sociaux ont abordé avec le plus grand sérieux.
La conférence qui s'est achevée ce matin ne restera pas sans lendemain. Elle aura des suites, en l'occurrence les annonces et les décisions que j'ai présentées tout à l'heure. Un point de départ des actions, sur lequel je vais revenir, sera ensuite fixé. Cette réunion fait suite à un débat de soixante-dix heures animé par Gérard Larcher, ancien ministre du travail, qui a bien voulu être le rapporteur général de la conférence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Bravo !
M. Xavier Bertrand, ministre. Dix-neuf auditions ont été organisées, et nous avons eu, ce matin, cinq heures de débat avec l'ensemble des partenaires sociaux.
Il en résulte que, s'il est essentiel de travailler plus pour aller chercher la croissance dont notre pays a besoin, il faut également que nos concitoyens puissent travailler mieux, c'est-à-dire qu'ils se sentent mieux dans leur travail.
Les décisions prises ont notamment porté sur le stress, cet ensemble de troubles psychosociaux dont nous avions du mal à parler voilà quelques années et que, pour le dire franchement, nous appréhendons encore difficilement aujourd'hui.
À partir du début de l'année prochaine, des indicateurs nous permettront de mesurer précisément le stress dans les entreprises et de savoir comment y faire face, dans chaque entreprise et dans chaque branche d'activité.
Ensuite, nous souhaitons aider davantage les entreprises désireuses d'investir dans l'amélioration des conditions de travail de leurs salariés. À cet effet, un fonds de 50 millions d'euros sera mis en place, contre 40 millions d'euros prévus initialement, ce qui représente un effort supplémentaire de 25 % consenti par le Gouvernement. En outre, 4 millions d'euros seront versés au Fonds pour l'amélioration des conditions de travail, le FACT.
Grâce à cet effort, nous pourrons utiliser tous les crédits existants. Et si cela est nécessaire, nous irons plus loin à partir de 2009.
Enfin, il nous faut renforcer le dialogue social. N'oublions pas que les 8 millions de salariés qui travaillent dans de très petites entreprises n'ont pas la possibilité de parler de leurs conditions de travail. Les partenaires sociaux, représentants des salariés comme des employeurs, se sont mis d'accord ce matin pour intégrer ce sujet dans la négociation sociale.
Nous souhaitons également renforcer les compétences et la formation des membres des comités d'hygiène et de sécurité, les CHS, afin qu'ils soient plus sensibilisés à la question des conditions de travail, et donc plus efficaces.
Par ailleurs, nous allons donner un nouvel élan à la négociation en la matière. Dès la semaine prochaine, nous signerons un accord concernant le secteur de la découpe de la volaille - métier pénible s'il en est ! -, tendant à l'amélioration des conditions de travail des salariés concernés.
À l'issue de la réunion de ce matin, je tire donc la conclusion que le dialogue social fonctionne dans notre pays, et c'est ce qui nous permettra d'avancer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
EADS
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le Premier ministre, EADS est certainement l'un des plus beaux fleurons de la technologie et de l'industrie européenne et française. Cette entreprise traverse, depuis mai 2005, une zone de turbulences, avec pour conséquences un plan de suppression de 10 000 emplois et une chute de 35 %, en moyenne, du titre.
Seule l'oligarchie qui sait et qui dirige en est sortie indemne, faisant fructifier ses stock-options et retirant ses billes à temps.
MM. René-Pierre Signé et Didier Boulaud. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. Au premier rang figurent l'ex-coprésident d'EADS, Noël Forgeard, et les dirigeants des groupes Lagardère et Daimler.
Entre mai 2005 et juin 2006, 1 200 petits futés...
M. René-Pierre Signé. Pas beau !
M. Pierre-Yves Collombat. ...auront vendu 10 millions de titres EADS, empochant ainsi 90 millions d'euros de plus-values.
M. René-Pierre Signé. Pas beau ! Pas beau !
M. Pierre-Yves Collombat. L'Autorité des marchés financiers, l'AMF, a ouvert une enquête, qui vient de déboucher sur une note transmise au parquet de Paris. Selon Le Figaro, cette enquête conclut à un délit d'initiés massif, commis avant que les difficultés d'Airbus ne soient rendues publiques, provoquant l'effondrement du titre.
On apprend aussi que, fin 2005, le ministre des finances, Thierry Breton, avait été informé de la situation par l'Agence des participations de l'État, l'APE, qui gère les participations publiques dans EADS. Ladite agence lui avait alors conseillé de se désengager au plus vite, ce qui n'a pas été fait.
Monsieur le Premier ministre, trouvez-vous normal de confier la stratégie industrielle de la France à des boursicoteurs, publics ou privés ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment qu'il trouve cela normal !
M. Pierre-Yves Collombat. N'est-il pas temps de réaliser que l'État n'est pas une entreprise privée, et qu'il ne peut ni faire faillite ni avoir pour objectif la valorisation de son patrimoine ? Ce sera ma première question.
Trouvez-vous normal, ensuite, qu'un ministre des finances de la République puisse se laver les mains de manoeuvres portant aussi gravement atteinte à nos intérêts industriels collectifs et n'ouvre pas d'enquête une fois ces agissements connus, comme l'avaient demandé les groupes socialistes du Sénat et de l'Assemblée nationale ?
M. Didier Boulaud. Exactement !
M. Pierre-Yves Collombat. Thierry Breton dit « qu'il n'avait ni à autoriser ni à empêcher » la vente des actions des groupes Lagardère et Daimler. Quant aux représentants de ces groupes, ils affirment que « la procédure a été transparente ».
L'enquête dira ce qu'il en est. Mais si c'est vrai, c'est encore plus grave ! Cela signifierait que l'on peut en France, en toute légalité et sous le regard impassible de l'État, mettre en pièce notre industrie.
Hier soir, tard dans la nuit, le Gouvernement et sa majorité ont traqué les fraudeurs à l'immigration jusque dans l'ADN des enfants. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Ne pensez-vous pas qu'il serait au moins aussi urgent de vous préoccuper des émigrés de la finance,...
M. René-Pierre Signé. Oui !
M. Pierre-Yves Collombat. ...qui menacent notre identité industrielle et nos emplois ? (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les faits reprochés à certains dirigeants d'EADS sont très graves.
M. Charles Gautier. Oui !
M. François Fillon, Premier ministre. C'est justement pour cette raison que nous devons faire preuve de retenue dans nos commentaires (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) et respecter les procédures judiciaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Expliquez cela aux salariés !
M. François Fillon, Premier ministre. Une enquête de l'Autorité des marchés financiers est en cours. Celle-ci a d'ailleurs fait savoir, hier, que ses conclusions étaient loin d'être acquises et qu'elles seraient connues au début de l'année 2008. La justice est donc saisie.
Par ailleurs, nous sommes dans un État de droit. (Oui ! sur les travées du groupe socialiste.) Dans ce type d'État, il est d'usage d'attendre les conclusions de la justice avant de commenter la culpabilité de tel ou tel. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Sinon, ce n'est plus un État de droit. Ici, au Sénat, cet argument devrait être compris par chacun !
Il va de soi que l'État ne s'est prêté en aucune façon à une quelconque manoeuvre supposée, dont l'enquête prouvera ou non l'existence, concernant la liquidation d'actions par des porteurs privés.
L'État ne s'y est pas prêté pour une raison simple, monsieur le sénateur : il existait un curieux pacte d'actionnaires, négocié sous une autre majorité (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.),...
M. Charles Revet. Eh oui !
M. François Fillon, Premier ministre. ...qui privait les États français et allemand de tout droit d'intervention dans les affaires EADS ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
C'est justement parce que nous avons été choqués par ce pacte d'actionnaires (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), et pour qu'une telle situation ne se reproduise plus,...
M. Charles Revet. Voilà du travail sérieux !
M. François Fillon, Premier ministre. ...que le Président de la République, Mme Merkel et Mme Lagarde ont modifié, cet été, la gouvernance d'EADS.
M. Yannick Bodin. Rien à voir !
M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, qu'elle soit fondée ou non, cette affaire, qui est d'ordre privé (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), ne doit pas conduire à jeter l'opprobre sur une grande entreprise européenne stratégique.
Elle ne doit pas conduire à faire oublier qu'EADS, après avoir connu une crise de croissance, est désormais une entreprise en plein succès, enregistrant des commandes qui la hissent au niveau de son concurrent américain.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Expliquez cela aux salariés !
M. Jacques Mahéas. Au moins 10 000 emplois supprimés !
M. Didier Boulaud. Nous ne vous lâcherons pas, monsieur le Premier ministre !
M. François Fillon, Premier ministre. Le succès de l'A380 et de l'A350 montre que l'entreprise EADS est sur la bonne voie et qu'elle sort de cette crise de croissance. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Ce sont des patrons voyous !
M. François Fillon, Premier ministre. Cette entreprise doit être accompagnée par les pouvoirs publics sur la voie d'un succès qui devrait faire la fierté de la France et de l'Europe ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la langue de bois de l'État !
M. Didier Boulaud. Des voyous !
M. le président. Monsieur le Premier ministre, la commission des finances du Sénat procédera prochainement à une série d'auditions concernant cette affaire. Monsieur le président de la commission des finances, pouvez-vous nous confirmer cette information ?
M. Jacques Mahéas. Une commission d'enquête !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Effectivement, monsieur le président, nous avons décidé d'entendre un certain nombre de responsables afin de dissiper tous les soupçons. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
MM. Didier Boulaud et Roland Courteau. Il faut une commission d'enquête !
financement de l'école privée
M. le président. La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, la circulaire du 6 septembre 2007 relative à la participation des communes de résidence au financement des écoles privées extérieures, qui tient compte des motifs de forme soulevés par le Conseil d'État relatifs à la circulaire de décembre 2005, suscite de vives réactions de la part de maires, dont je me fais aujourd'hui l'interprète.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
M. Michel Houel. Après la polémique soulevée par la précédente circulaire, les élus locaux et les représentants de l'enseignement catholique étaient parvenus, en quelque sorte, à un modus vivendi. Ils s'étaient en effet entendus sur le fait qu'une commune de résidence pouvait se voir imposer une prise en charge de scolarité seulement dans le cas où elle ne possédait pas d'école publique, si la capacité d'accueil était insuffisante, ou bien dans le cadre des règles classiques de dérogation s'appliquant au secteur public.
M. Gérard Delfau. C'est la loi Debré !
M. Michel Houel. Il s'agit là d'un simple principe d'équité et de justice. Il ne serait pas acceptable qu'un maire soit obligé de payer deux fois, une fois pour sa propre école et une autre fois pour l'école privée de la commune voisine.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
M. Michel Houel. Il faut également tenir compte du fait que les maires de certaines communes rurales ont des difficultés à maintenir leur école ouverte. Ils supporteront donc mal de voir partir leurs élèves aux frais de la commune. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Président de l'Union des maires de mon département, je reçois, depuis la rentrée scolaire, des élus locaux inquiets qui, pour la plupart d'entre eux, ne sont pas disposés à payer.
M. Jacques Mahéas. Eh oui !
M. Michel Houel. Mon intervention n'est en rien dirigée contre l'enseignement privé - bien au contraire !-, dont je reconnais les compétences. Je comprends que certains parents d'élèves choisissent de lui confier leurs enfants. Mais nous connaissons tous les efforts consentis par les maires pour offrir à leurs administrés des établissements scolaires de qualité.
M. Robert Hue. Publics !
M. Michel Houel. Monsieur le ministre, ne pourrions-nous pas faire de ce modus vivendi la règle ? (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l'UMP, ainsi que sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Il est vrai, monsieur le sénateur, que cette circulaire, dont je rappelle qu'elle a été prise sur proposition sénatoriale (Charasse ! sur les travées de l'UMP.), pose un problème difficile.
Le Gouvernement souhaite, dans cette affaire comme dans tant d'autres, privilégier le dialogue entre les communes, et non la coercition. Ainsi, la circulaire ne prévoit le recours à l'arbitrage du préfet que dans le cas où un accord ne serait pas trouvé, ce qui, vous en conviendrez avec moi en tant qu'élus locaux, est tout de même bien rare.
C'est avec raison, monsieur le sénateur, que vous avez parlé d'équité : le dispositif que nous proposons est en effet équitable, et il l'est non seulement pour les familles, dont la liberté de choix doit être garantie, mais aussi pour les communes, qui n'ont pas à payer deux fois.
L'accord national passé avec l'enseignement catholique ne pouvait pas servir de base juridique solide.
L'annulation - uniquement pour des raisons de forme - de la première circulaire nous a fourni l'occasion d'améliorer un peu le texte dans la nouvelle circulaire, laquelle est parue le 6 septembre dernier, cette fois sous la double signature de Mme le ministre de l'intérieur et de moi-même.
Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous êtes, pour la plupart d'entre vous, également maires, je précise que le nouveau texte a fait l'objet d'une lecture très attentive de l'association des maires de France.
La différence avec la précédente circulaire tient au fait qu'après examen préalable nous avons fait disparaître de la nouvelle circulaire trois dépenses obligatoires : dépenses de contrôle technique des bâtiments, rémunération des agents territoriaux de service des écoles maternelles et dépenses relatives aux activités extrascolaires.
Cette réécriture à laquelle un vice de forme l'a contraint a donc permis au Gouvernement de présenter un meilleur texte qui, je le répète, se place avant tout dans une perspective d'harmonisation, de dialogue et d'apaisement. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
conditions d'interpellation des sans-papiers
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, on peut regarder ailleurs quand on passe devant une soupe populaire des Restos du coeur et que l'on voit des policiers interpeller pour les expulser de pauvres gens qui viennent avaler un bol de soupe. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
On peut passer son chemin quand on voit un grand-père chinois se faire arrêter devant son petit-fils qu'il est venu chercher à l'école. (M. Josselin de Rohan s'exclame.)
On peut être indifférent en constatant que nombre d'enfants qui fréquentent les mêmes écoles que les nôtres...
M. Bruno Sido. Démagogie !
M. David Assouline. ... vont en classe tous les jours la trouille au ventre, sans savoir s'ils retrouveront en rentrant leurs parents, sans savoir si c'est le jour où leur vie va basculer. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
On peut poursuivre tranquillement ses vacances quand on apprend, le 9 août, qu'un enfant russe de douze ans a chuté du quatrième étage d'un immeuble à Amiens en fuyant la police venue arrêter son père et sa mère,...
M. Bruno Sido. Démago !
M. David Assouline. ...ne pas être troublé, le 12 septembre, quand un homme d'origine maghrébine tombe du quatrième étage d'un immeuble à Roussillon, dans l'Isère, pour échapper aux gendarmes venus l'interpeller,...
M. Yannick Texier. Il est scandaleux de dire cela !
M. David Assouline. ...ne pas être bouleversé d'apprendre que, dans le quartier de Belleville, le 21 septembre, Mme Zhang, Chinoise de cinquante et un ans, est morte après avoir chuté du premier étage pour avoir tenté d'échapper à ce qu'elle prenait pour une opération policière visant à l'expulser du territoire.
On peut trouver normal qu'un ministre convoque les préfets pour les sommer de « faire du chiffre » - cela a fait dire à un syndicat de policiers : on nous demande de faire de l'abattage... - et accélérer son pas, quand on prend le métro, en voyant des contrôles aux faciès opérés en masse pour remplir les objectifs de ce ministre. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Démagogie !
M. David Assouline. On peut s'habituer à ce que ce même ministre donne instruction aux préfets de rappeler à l'ordre les élus qui parrainent des sans-papiers, voire ceux qui accordent des aides sociales aux familles de ces derniers,...
M. Dominique Braye. Démago !
M. David Assouline. ...finir par trouver banal qu'un élu soit incité à ne pas venir en aide à une personne en danger, comme le code pénal lui ordonne pourtant de le faire, et à se transformer en un simple dénonciateur aux services de police des familles nécessiteuses sans-papiers.
M. Alain Gournac. Démago !
M. David Assouline. On peut tenter de réduire à une mesure technique l'introduction des tests ADN dans une loi dont le but est de rendre la vie de famille impossible aux travailleurs immigrés régulièrement installés sur notre territoire alors même que, de toute évidence, il s'agit d'une rupture éthique et philosophique profonde avec notre tradition républicaine et notre conception de la famille.
M. Alain Gournac. N'importe quoi !
M. Bruno Sido. Démago !
M. David Assouline. On peut tout cela, monsieur le ministre, et on peut se réveiller un jour dans une autre société, une société où l'indifférence aux autres accompagnée du repli sur soi et sur sa communauté aura laissé s'installer un autre ordre en lieu et place d'une République fraternelle et métissée !
M. Dominique Braye. C'est l'hôpital qui se moque de la charité !
M. David Assouline. Dès lors, monsieur le ministre, ma question est simple : quand allez-vous cesser de sacrifier notre « vivre ensemble » et les immigrés sur l'autel de votre campagne électorale ininterrompue et démagogique ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Démago vous-même ! Vous savez de quoi vous parlez !
M. Josselin de Rohan. C'est vous qui faites de l'électoralisme !
M. David Assouline. Quand allez-vous consacrer votre énergie et celle de la police à lutter contre les violences, qui ne cessent d'augmenter, année après année, dans nos quartiers populaires et dont les premières victimes sont les immigrés qui y vivent et leurs enfants, souvent français ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Monsieur Assouline, si j'ai bien compris votre question - posée sur un ton relativement modéré (Rires sur les travées de l'UMP.) -, vous m'interrogez sur les conditions d'interpellation des étrangers en situation irrégulière.
M. Yannick Bodin. Et sur les dégâts connexes !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je voudrais, au travers des exemples que vous avez communiqués, préciser un fait, un principe et une exigence.
Je commence par le fait : vous avez évoqué, à juste titre, l'accident mortel qui est survenu à Mme Zhang au mois de septembre dernier.
Monsieur Assouline, je ne doute pas un instant de votre honnêteté intellectuelle (Exclamations sur les travées de l'UMP.) ...
M. Dominique Braye. Nous, on en doute !
M. Brice Hortefeux, ministre. Moi, je fais crédit !
...et je me permets donc de vous préciser que cette personne, dont j'ai naturellement, comme vous, appris avec tristesse le décès, n'était absolument pas poursuivie dans le cadre d'une opération de lutte contre l'immigration irrégulière.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la peur, monsieur le ministre ! Inutile de chercher d'autres explications !
M. Didier Boulaud. Cela montre quelle ambiance vous avez créée !
M. Yannick Bodin. C'est la peur qui l'a tuée !
M. Brice Hortefeux, ministre. Il s'agissait en fait d'une opération décidée par la police à la demande du parquet et à la suite d'une dénonciation d'un ressortissant chinois à l'égard d'un autre ressortissant chinois.
M. Yannick Bodin. Elle a eu peur de vous !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je comprends que cette précision gêne votre raisonnement, mais cela montre bien qu'il ne s'agissait en rien d'une opération de lutte contre l'immigration irrégulière.
M. David Assouline. Je n'ai pas dit le contraire !
M. Didier Boulaud. C'est l'ambiance !
M. Yannick Bodin. C'est parce que vous faites peur !
M. Dominique Braye. Et vous, vous faites pitié !
M. Brice Hortefeux, ministre. Après le fait, j'en viens au principe.
Je suis le ministre de la loi ; je ferai donc respecter la loi,...
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre. ... et je le ferai selon une règle simple : c'est peut-être là, monsieur Assouline, une différence entre vous et nous, mais, sauf cas particulier, tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. Yannick Bodin. Vivant !
M. Brice Hortefeux, ministre. Simultanément, un étranger en situation régulière qui respecte nos lois, qui partage nos valeurs, qui cherche du travail ou exerce un travail a le droit de bénéficier d'un effort d'intégration.
M. René-Pierre Signé. Pour combien de temps ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Ce n'est pas l'un ou l'autre : c'est l'un et l'autre !
Tout cela suppose un principe : il ne s'agit pas, contrairement à ce que vous dites, de « faire du chiffre »,...
M. Didier Boulaud. Si ! C'est le préfet qui nous le dit !
M. Yannick Bodin. On connaît vos chiffres ! Vous nous les avez donnés !
M. Brice Hortefeux, ministre. ...mais de faire respecter un principe avec lequel nous ne transigeons pas : chaque pays, et la France comme les autres, c'est-à-dire pas plus mais pas moins que les autres, a le droit de choisir qui il veut et qui il peut accueillir sur son territoire ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
J'en termine par l'exigence : oui, vous avez raison sur ce point, monsieur le sénateur, il y a aussi une exigence de protection. Nous avons le devoir de protéger les personnes immigrées...
M. Yannick Bodin. Elles ont la trouille !
M. Brice Hortefeux, ministre. ...qui sont elles-mêmes les premières victimes des passeurs, des réseaux, des filières, des marchands de sommeil,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ceux-là, vous ne les embêtez pas beaucoup !
M. Yannick Bodin. Il n'y a rien à cet égard dans votre projet de loi !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je veux donner à la Haute Assemblée la primeur d'un chiffre qui n'a pas encore été communiqué.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est rare !
M. Brice Hortefeux, ministre. Sur les huit premiers mois de l'année 2007, ce sont 2 366 passeurs qui ont été interpellés,...
M. Yannick Bodin. Il n'y a rien contre eux dans le projet de loi !
M. Brice Hortefeux, ministre. ...soit une augmentation de 23 % par rapport à la même période l'année dernière, et même de 98 % par rapport à 2004 ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne s'en portent pas plus mal !
M. Paul Raoult. Que faites-vous contre les patrons qui emploient de la main-d'oeuvre clandestine ?
M. Didier Boulaud. Et que fait la ministre de l'intérieur ?
M. René-Pierre Signé. Rien !
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Assouline, sur un sujet aussi sensible, il faut éviter la générosité en trompe-l'oeil,...
M. Didier Boulaud. Avec vous, on ne craint rien !