M. le président. La parole est à M. François Fortassin, en remplacement de M. Gérard Delfau, auteur de la question n° 1197, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.
M. François Fortassin. M. Gérard Delfau, sénateur de l'Hérault, et moi-même souhaitons attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de M. le ministre de la santé et des solidarités sur l'urgence d'une reconnaissance pleine et entière du métier de sage-femme par l'intégration, au sein du cursus universitaire, des étudiants qui se préparent à cette profession.
Il est temps que cessent les atermoiements du ministère de la santé et du ministère de l'enseignement supérieur, qui, sur cette question, se renvoient la balle. La conférence des présidents d'université s'est déclarée favorable à cette revendication et recommande l'« universitarisation » de la formation de sage-femme au niveau du master.
Une manifestation importante a réuni à Paris plus de 3 000 étudiants et sages-femmes en activité, montrant, s'il en était besoin, l'ampleur du mécontentement. Que pensez-vous faire, monsieur le ministre, pour satisfaire cette demande légitime ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Les sages-femmes, tout comme les médecins et les chirurgiens-dentistes, appartiennent à une profession médicale. Elles sont titulaires, à ce titre, d'un droit de prescription.
Je souhaite, pour ma part, rendre hommage au dévouement, à l'extrême compétence et à la grande humanité des professionnels qui exercent ce très beau métier. Dans un pays, le nôtre, qui s'honore d'avoir le taux de natalité le plus élevé d'Europe, les sages-femmes jouent un rôle très important lors de l'accouchement, mais aussi pendant l'accompagnement de la grossesse. Le Gouvernement souhaite que ce rôle soit renforcé.
Cette profession médicale doit donc voir aujourd'hui pleinement reconnues, dans le cadre de l'organisation des études au niveau européen, les cinq années d'études qu'il faut avoir accomplies pour obtenir le diplôme de sage-femme.
Il n'y a pas d'atermoiement de la part du Gouvernement, monsieur le sénateur : les choses sont claires. Comme je m'y étais engagé, nous avons défini en commun, avec le ministre chargé de l'enseignement supérieur, le 1er décembre dernier, les conditions d'articulation de la formation de sage-femme avec le dispositif LMD, licence-master-doctorat.
Ce processus repose sur trois principes : tout d'abord, les formations dispensées doivent continuer à avoir une finalité professionnelle ; ensuite, l'exercice d'une profession demeurera soumis, comme aujourd'hui, à l'obtention du seul diplôme d'État ; enfin, le troisième principe a trait à l'organisation du diplôme autour des activités et des compétences spécifiques du métier auquel il prépare.
Ces principes étant posés, l'objectif premier que nous nous fixons est d'élaborer un référentiel de formation organisé autour des compétences du métier de sage-femme, visant à décrire dans le détail, pour l'ensemble de la formation, le contenu de celle-ci, ainsi que les exigences à satisfaire, en termes de connaissances et de savoir-faire, pour obtenir le diplôme d'État et pour assurer à la fois la sécurité et la qualité des soins.
Ce référentiel sera arrêté par les deux ministres en un document qui s'imposera à tous les opérateurs - écoles, instituts ou universités - mettant en oeuvre la formation. Dans le cadre de leur autonomie, et de la procédure quadriennale, les unités de formation et de recherche, ou UFR, et les universités qui le souhaiteront pourront dès lors, sur la base de ce référentiel, solliciter l'habilitation par l'État du parcours de formation qu'elles souhaitent proposer pour les sages-femmes.
S'agissant du calendrier, le Gouvernement veut aller vite. Les réunions nécessaires à l'élaboration du référentiel de compétences et à l'ouverture des travaux ont d'ores et déjà débuté. Elles sont organisées conjointement par les directions compétentes du ministère de la santé et du ministère chargé de l'enseignement supérieur, afin de pouvoir aboutir dans les délais les plus rapides.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Je tiens à remercier M. le ministre pour ces précisions, souhaitant pouvoir partager son optimisme.
financement des maisons départementales des personnes handicapées
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 1247, adressée à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le ministre, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a créé les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, et précisé leurs missions, leur organisation ainsi que leur mode de financement. Cette loi a constitué les MDPH en groupements d'intérêt public, GIP, dont le président du conseil général est le président de droit.
Regroupant les commissions départementales de l'éducation spéciale, les CDES, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP, les sites pour la vie autonome, les SVA, ainsi que certains services du conseil général, les maisons départementales des personnes handicapées ont vu le nombre de leurs actions augmenter par rapport aux missions exercées par ces différents services avant l'intervention de la loi. Regroupés au sein des maisons départementales des personnes handicapées, tous ces organismes vont accroître le champ de leurs interventions.
Chargées en tout premier lieu de l'accueil et de l'information du public, les MDPH ont dû, dans la plupart des cas, s'installer dans de nouveaux locaux.
Les difficultés de communication entre les systèmes informatiques initiaux nécessitent d'élaborer, en lien avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, de nouveaux systèmes d'intervention propres aux maisons départementales des personnes handicapées.
La maison départementale des personnes handicapées du département de la Gironde, que j'ai l'honneur de présider, est confrontée à deux problèmes majeurs sur lesquels je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention. Je pense que ces problèmes sont non pas spécifiques à la Gironde, mais communs à l'ensemble des maisons départementales des personnes handicapées.
Se posent, tout d'abord, des problèmes de personnel.
La loi a prévu que les agents de l'État et du conseil général précédemment affectés aux missions actuellement déléguées à la MDPH soient mis à disposition du GIP, mais, également, qu'ils puissent refuser cette mise à disposition. Cette possibilité, dont se sont saisis les agents, notamment ceux de l'État, a conduit à une diminution des effectifs dans les MDPH. Ainsi, en Gironde, 12 agents de l'État, sur 48, ont refusé leur mise à disposition et n'ont pu être remplacés sur des postes budgétaires de l'État.
Pour faire face à cette situation, l'État a détourné des crédits CNSA destinés au fonctionnement de la maison départementale des personnes handicapées vers des créations d'emplois à durée déterminée. C'est le conseil général qui a dû, pour des raisons techniques, créer ces postes sur son propre budget afin de les affecter à la MDPH. Les crédits en question n'étant pas, bien entendu, garantis pour l'avenir, ces emplois de substitution sont temporaires et le personnel concerné se trouve en situation de précarité.
Comme beaucoup d'autres maisons de ce type, la MDPH de la Gironde doit assurer ses missions en les confiant, pour partie, à des personnels non formés et en situation précaire, dans le cadre de dispositions budgétaires qui réduisent ses moyens de fonctionnement, alors même que des personnels expérimentés restent en surnombre dans les services de l'État.
Les MDPH sont également confrontées à des problèmes budgétaires qui découlent, en partie, des questions de personnel.
Pour répondre à leurs missions présentes et à venir, les maisons départementales des personnes handicapées ont besoin de locaux adaptés, de personnel en nombre plus important et d'un système d'information performant, comme l'exige d'ailleurs la CNSA. Or les financements prévus par la loi, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les apports initiaux des membres fondateurs du GIP, auxquels s'ajoute la contribution de la CNSA, sont inférieurs aux besoins des MDPH.
En Gironde, alors que le budget de fonctionnement nécessaire est évalué, a minima, à 3 080 580 euros, le déficit de financement s'élève à 1 184 124 euros. Le conseil général est disposé à couvrir sa part du financement nécessaire. Mais il ne pourra l'assumer seul ! Le fonctionnement de la MDPH de la Gironde sera donc compromis dès le mois de juillet prochain.
Monsieur le ministre, j'ai évoqué le cas de la Gironde, mais je suis certain que la situation est tout aussi préoccupante dans les autres départements.
Quelles mesures l'État ou la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie envisagent-ils de prendre afin de permettre aux maisons départementales des personnes handicapées d'assumer les compétences que leur assigne la loi et qui sont essentielles pour mettre en oeuvre une authentique solidarité nationale en faveur des personnes handicapées ? Que compte faire l'État pour assurer un financement pérenne et serein des maisons départementales des personnes handicapées ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, vous connaissez mon attachement personnel pour le département de la Gironde, qui a été pour moi une école de la décentralisation, voilà maintenant vingt-cinq ans : fonctionnaire de l'État, j'ai en effet été mis à la disposition du président du conseil général... que vous étiez déjà ! (Sourires.) Je garde d'ailleurs un excellent souvenir de cette période !
Monsieur le sénateur, l'État et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie font tout leur devoir pour que les maisons départementales des personnes handicapées puissent fonctionner dans de bonnes conditions.
Il n'est nullement dans mon intention d'ouvrir une polémique sur des points ne relevant pas du sujet qui nous occupe, mais vous conviendrez que, lors de la création, sans financement, de l'allocation personnalisée d'autonomie, votre département a été confronté à une situation réellement embarrassante.
En revanche, grâce à la maison départementale des personnes handicapées et à la prestation de compensation du handicap, vous recevez un soutien non seulement en nature, grâce aux mises à disposition de fonctionnaires de l'État et, parfois, de locaux dont l'État continue à payer les loyers, mais aussi sur le plan financier.
En effet, des dizaines de millions d'euros ont été débloqués à l'échelon national pour faire fonctionner les maisons départementales des personnes handicapées.
En outre, des sommes ont été distribuées par l'État aux départements pour cofinancer la prestation de compensation du handicap. D'ailleurs - c'est tout à fait normal, et je ne le reproche pas aux départements -, ces sommes n'ont pas pu être dépensées l'année dernière.
Par conséquent, objectivement, vous êtes actuellement dans une situation où vous avez reçu beaucoup plus d'argent de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie que vous n'avez pu en dépenser, ce qui revient à faire assurer la trésorerie des départements par les recettes de la Journée de solidarité.
À l'évidence, vous assurerez très rapidement la montée en régime de la prestation de compensation du handicap. Par ailleurs, l'efficacité des maisons départementales des personnes handicapées permettra de compenser l'avance qui vous a été faite.
Cependant, force est de constater que la situation que je décris prévaut actuellement dans tout le pays. Des sommes distribuées par l'État pour le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et pour la prestation de compensation du handicap ne sont pas dépensées, s'élevant, dans de très nombreux départements, à des dizaines de millions d'euros.
Je vais vous donner des précisions chiffrées, pour répondre à votre question, monsieur le sénateur.
Afin d'assurer le démarrage des maisons départementales du handicap dans les meilleures conditions, 70 millions d'euros ont été attribués en 2005 et 2006 aux départements. À ces crédits s'ajoute une dotation reconductible de 20 millions d'euros en 2006, portée à 30 millions d'euros en 2007. C'est une dotation pérenne.
En outre, 1 400 agents ont été mis à disposition ou recrutés grâce aux crédits que nous avons dégagés lorsque leur mise à disposition n'était pas possible. Ces crédits ont été non pas « détournés », comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, mais bien dégagés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, avec l'accord de l'Assemblée des départements de France, qui siège au sein du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
C'est ainsi que, en 2005, une première délégation de crédits de 989 973 euros a été versée par l'État à la maison départementale des personnes handicapées de la Gironde pour son installation.
Au premier trimestre de 2006, une nouvelle aide exceptionnelle de 237 629 euros lui a été attribuée. Elle a été suivie au mois de juillet dernier d'une délégation de 61 286 euros, somme répartie en fonction des constats opérés par une mission de l'Inspection générale des affaires sociales quant aux besoins du département.
Ces aides s'ajoutent à la dotation de fonctionnement reconductible de 458 500 euros, attribuée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie en 2006 et qui va être augmentée de 50 %.
Avant même d'ouvrir ses portes, votre maison départementale avait donc reçu près de 1,75 million d'euros, et cela uniquement pour son fonctionnement. Je dois d'ailleurs noter qu'elle n'a été mise en place que le 18 décembre 2006, soit dix-huit mois après le vote de la loi et plus d'un an après la parution des décrets régissant les maisons départementales.
Pour 2007, cette dotation de fonctionnement reconductible sera augmentée de 100 000 euros. Le montant global des versements de l'État à la maison départementale des personnes handicapées de la Gironde s'établira donc à 556 500 euros en 2007.
Concernant les mises à disposition de personnel, 20 agents de l'État ont été mis à disposition de votre maison départementale, 4,5 sont en prestation de services. Pour les 10 agents qui ont refusé leur mise à disposition, 442 000 euros vous ont été versés en 2006. Ces crédits permettent de prolonger 9 contrats et d'opérer 5recrutements complémentaires pour 2007.
Je sais que vous souhaitez affecter cette enveloppe destinée au remplacement des personnels de l'État à la couverture des dépenses de fonctionnement de votre maison départementale, lesquelles sont en augmentation en raison du montant du loyer et des charges locatives des nouveaux locaux de la maison départementale.
Pour terminer, je tiens à souligner que, en 2006, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a délégué au conseil général de la Gironde la somme de 11,725 millions d'euros pour faire face aux dépenses de la prestation de compensation du handicap. Or, à ce jour, les dépenses du département sur ce chapitre se sont élevées à 1,47 million d'euros en 2006.
Ainsi, plus de 10 millions d'euros se trouvent dans les caisses du département de la Gironde. (MM Bernard Dussaut et Philippe Madrelle s'exclament.) En outre, vous le constatez certainement et de façon tout à fait pertinente, ces sommes font des petits, puisqu'elles produisent des intérêts, que je ne vous réclame pas !
Le département de la Gironde a donc reçu, en 2006, 10 millions d'euros de plus qu'il n'en a versés pour les personnes handicapées. Je peux vous assurer que l'État sera particulièrement vigilant et attentif à l'usage de ces crédits au profit des personnes handicapées - vous le souhaitez certainement vous-même -, et j'espère que vous aurez à coeur d'agir avec lui pour fournir aux personnes handicapées du département de la Gironde le service public de qualité auquel elles ont droit et qu'elles attendent.
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le ministre, si je confirme votre chiffre de 11 millions d'euros relatif à la somme déléguée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au conseil général de la Gironde pour la prestation de compensation du handicap, je ne souscris pas à votre estimation des dépenses du département dans ce domaine, puisque ces dernières s'élèvent non pas à 1,47 million d'euros, mais à 4 millions d'euros. Les informations qui vous sont communiquées ne semblent pas traduire la réalité !
Cela étant, si l'on m'annonce que les 7 millions d'euros restants sont acquis au département, je m'en réjouis ! D'autant qu'ils compensent tout juste les dépenses globales affectées par le département à la maison départementale des personnes handicapées, et ce depuis 2005. Je souligne cette date, monsieur le ministre, car notre maison départementale existait déjà à cette époque, mais sur trois sites différents. Elle est maintenant sur un seul site, et, en d'autres termes, il y a dorénavant unité de lieu, comme dans le théâtre classique ! (Sourires.)
Cependant, il est à craindre que, devant la montée en charge de la prestation de compensation handicap, cette marge de manoeuvre ne devienne très rapidement insuffisante. D'ailleurs, connaissant votre attachement à la Gironde, vous savez certainement que, selon les statistiques de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ce département est le premier de France en termes de prestations de compensation du handicap. Je suis réellement inquiet devant cette évolution.
Enfin, s'agissant des personnels, douze agents de l'État n'ont pas voulu venir dans notre maison départementale, alors qu'ils sont en surnombre ailleurs ! Ce n'est pas normal ! Je vous demande donc de faire tout votre possible auprès des services de l'État pour remédier à cette situation aberrante (M. Bernard Dussaut acquiesce.) et faire en sorte qu'ils rejoignent notre maison départementale pour personnes handicapées, que j'ai inaugurée récemment avec le secrétaire général de la préfecture. Je serais d'ailleurs très heureux de vous y recevoir, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
9
Éloge funèbre de Marcel Lesbros, sénateur des Hautes-Alpes
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Marcel Lesbros. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Il est des circonstances douloureuses dans lesquelles il est bien pénible de remplir son devoir. Celui qui m'incombe aujourd'hui m'attriste profondément, comme vous tous d'ailleurs.
Depuis ce jour du 25 janvier 2007 où l'on a appris que Marcel Lesbros, sénateur des Hautes-Alpes, avait rendu le dernier soupir, notre assemblée ressent un grand vide. Comme l'a excellemment dit notre collègue le président Jean-Claude Gaudin, qui a bien voulu me représenter lors de ses émouvantes obsèques en la cathédrale de Gap, « avec lui, nous perdons à la fois un ami et un grand serviteur de la France et des Hautes-Alpes, mais surtout un grand serviteur de la personne humaine ». On ne saurait, je crois, mieux dire.
Par ses éminentes et solides qualités, par sa nature franche et loyale, le docteur Marcel Lesbros avait trouvé depuis 1989, date de sa première élection au Palais du Luxembourg, une place naturelle au Sénat. Sa longue carrière au service de son pays et de ses concitoyens l'y prédestinait.
Marcel Lesbros appartenait à cette génération qui a connu l'épreuve de la guerre et de l'Occupation. Il s'était engagé dans la défense de la patrie et avait ensuite tout naturellement prolongé, à la Libération, son action dans la vie publique. Cela pendant plus de soixante ans.
Né le 9 septembre 1921 à Gap, Marcel Lesbros était fils de commerçants. Enfant, il arpentait les rues du chef-lieu des Hautes-Alpes pour aller à l'école communale, puis au lycée Dominique-Villars. Après son baccalauréat, il embrasse la carrière médicale. Il s'inscrit à la prestigieuse faculté de médecine de Lyon. Il y obtient son doctorat, qu'il complète par une impressionnante série de spécialités : médecine légale, diplôme d'hydrologie et de climatologie.
Mais Marcel Lesbros allait être confronté à la défaite et à l'occupation de son pays, qu'il ressentit comme un drame. Dès lors, très tôt, il s'engage dans les maquis dans le sud de son département. Membre des Forces françaises de l'intérieur, il apporte à ses compagnons l'ardeur combative du sportif accompli qu'il était. Il leur apporte aussi les compétences naissantes d'un jeune externe en médecine.
De cette participation aux combats de la Libération, il gardera un attachement profond pour le monde des anciens combattants, qu'il soutiendra inlassablement, ici même, jusqu'à son dernier souffle.
L'estime qu'il suscitait lui ouvrit alors le chemin de l'engagement au service de ses concitoyens. Élu conseiller municipal de Gap pour la première fois en 1947, il fut ensuite maire de Châteauvieux, de 1953 à 1977, puis de La Saulce, de 1977 à 2001.
Ses mandats municipaux étaient pour lui une source intarissable d'enseignements et de joie. Marcel Lesbros appartenait à cette catégorie d'hommes publics pour qui l'engagement politique était surtout fondé sur le contact avec les citoyens et pour qui l'amitié et la confiance l'emportaient sur l'idéologie et les appareils partisans.
Il se plaisait à rappeler que sa profession avait favorisé sa carrière politique. Le médecin, disait-il, est le mieux placé pour comprendre la psychologie de ses patients ; il appliqua ce précepte à ses électeurs, que ce soit dans son cabinet ou sur le marché de sa ville, où il aimait rencontrer ses administrés.
En 1961, Marcel Lesbros fait son entrée au conseil général, où, élu du canton de Tallard sans discontinuer pendant trente-sept ans, il s'affirmera comme un défenseur infatigable et un promoteur efficace de ce « pays » qu'il aimait tant, comme en témoigne son action quotidienne pour ses habitants.
Ses qualités seront très vite distinguées au sein de l'assemblée départementale : l'humaniste, le travailleur, l'homme généreux et convivial y feront merveille.
Lorsqu'il sera porté à la présidence du conseil général, en 1982, Marcel Lesbros mettra son dynamisme au service des perspectives nouvelles ouvertes aux départements par la décentralisation. Il restera seize ans président du conseil général.
Ces années constitueront pour Marcel Lesbros l'un de ses meilleurs souvenirs. Il se plaisait à souligner que les responsabilités nouvellement confiées aux élus permettaient de répondre avec plus d'efficacité et de rapidité aux préoccupations des habitants.
La confiance que lui vouaient ses compatriotes s'étendit à ses pairs. Il fut ainsi trésorier de l'assemblée départementale des présidents de conseils généraux durant plusieurs années.
Cheville ouvrière de la mise en place de la décentralisation, Marcel Lesbros avait également perçu l'importance qu'allait prendre la région dans le paysage institutionnel. Aussi, dès 1974, il siégea au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il en fut vice-président jusqu'en 1989, date de son élection au Sénat.
Après un tel parcours, Marcel Lesbros se devait tout naturellement de siéger dans cet hémicycle. Il y accède donc en 1989, comme chaque fois qu'il brigue les suffrages de ses concitoyens : avec force, détermination, mais aussi discrétion, sachant mieux que quiconque que « le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit ».
Au Palais du Luxembourg, Marcel Lesbros déploiera une activité à la mesure de l'homme engagé et du travailleur qu'il fut sa vie durant. Membre de la commission des affaires sociales, il y était le rapporteur sourcilleux des crédits des anciens combattants. Il prolongeait de la sorte sa fraternité d'armes avec ses compagnons de combat.
Il eut la joie, quelques semaines avant la fin de sa vie, de voir levée la cristallisation des pensions des anciens combattants des anciennes colonies françaises, combat pour lequel il avait inlassablement multiplié ici même les interventions. Tout au long des débats, Marcel Lesbros ne manquait jamais de rappeler la nécessaire reconnaissance que la patrie se devait de manifester envers ses plus humbles et fidèles serviteurs. Là encore, son opiniâtreté et sa ferme détermination ont été couronnées de succès.
Marcel Lesbros avait reçu en reconnaissance de son action les plus hautes distinctions nationales et étrangères. Titulaire de la Croix de guerre à vingt-sept ans, ainsi que de la Croix du combattant volontaire de la Résistance, il fut ensuite nommé chevalier de la Légion d'honneur, puis promu officier de l'ordre national du Mérite. Les liens qu'il avait tissés avec la Principauté de Monaco, singulièrement avec le prince Rainier, lui avaient aussi valu d'être nommé dans l'ordre de Saint-Charles, la plus haute distinction monégasque.
Mais la place que Marcel Lesbros avait prise parmi ceux qui sont les serviteurs passionnés de l'idéal républicain se mesure avant tout aux regrets profonds et unanimes que notre ami disparu laisse aujourd'hui dans nos coeurs.
La foule émue des Gapençais et des Hauts-Alpins autour de son cercueil a témoigné de la haute estime et de l'affection qu'il avait su s'attirer au cours de soixante années de vie publique. Cet éloge massif, fervent et spontané fut l'expression de la reconnaissance d'une ville et d'un département envers un homme unanimement reconnu comme un serviteur éminent de la République et de la patrie.
Je tiens ici à adresser à son épouse, si douloureusement éprouvée, à ses enfants, à ses petits-enfants et à tous ses proches l'hommage de la sympathie profondément attristée du Sénat de la République. Puisse la part que nous prenons au deuil qui les frappe être un adoucissement à leur chagrin, qu'en la circonstance nous partageons.
À ses collègues du groupe UMP, j'exprime, avec nos très sincères condoléances, la solidarité et la compassion du Sénat. Enfin, je tiens à assurer nos collègues de la commission des affaires sociales, qui perdent en Marcel Lesbros un membre actif, assidu et emblématique, de la part que le Sénat tout entier prend à leur peine.
Marcel Lesbros, repose en paix ! (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement souhaite s'associer à l'hommage qui est aujourd'hui rendu à Marcel Lesbros, sénateur des Hautes-Alpes.
Vous avez évoqué avec émotion, monsieur le président, la personnalité de Marcel Lesbros et rappelé très complètement son parcours. Au nom du Gouvernement, je salue donc à mon tour très simplement mais très sincèrement la mémoire d'un homme qui a consacré toute sa vie à ses concitoyens et à l'action publique.
Ce qui caractérise la carrière politique de Marcel Lesbros, c'est certes sa longévité, son dévouement au service de son pays et de ses concitoyens, mais aussi son attachement au territoire des Hautes-Alpes et à ceux qui l'habitent.
Ce dévouement et cette proximité trouvaient son prolongement dans la profession qu'il avait choisi d'exercer. Médecin de campagne unanimement apprécié et reconnu, Marcel Lesbros était toujours disponible pour ses patients. Particulièrement attentif aux autres, il aimait les écouter et les soutenir.
C'était également tout le sens de son engagement politique. Pour lui, les mandats venaient moins récompenser le travail accompli que l'encourager à servir davantage encore l'intérêt général.
Élu exemplaire, Marcel Lesbros fut avant tout un citoyen dont l'action mérite d'être soulignée. Souvenons-nous - vous l'avez évoqué, monsieur le président - de son comportement aux heures les plus sombres de notre histoire, quand il décida de rejoindre le Maquis de Jubéo et de Chabre, après avoir échappé à la Gestapo. Il mit alors au service de ses compagnons d'armes ses compétences d'étudiant en médecine.
Après la guerre, ce combattant courageux, cet humaniste doté de toutes les qualités requises pour faire de la politique, choisit tout naturellement de poursuivre son action au service de la France en s'engageant dans la vie publique, et ce pendant plus de soixante ans.
Je ne rappellerai pas, monsieur le président, les différentes étapes de sa carrière politique, puisque vous les avez parfaitement retracées. Néanmoins, comme vous, je soulignerai qu'il a toujours eu la confiance et le soutien indéfectibles de ses concitoyens, avant de siéger au sein de votre Haute Assemblée en 1989.
Élu local émérite, Marcel Lesbros fut un sénateur exemplaire. Tout au long de ses dix-sept années de mandats nationaux, il sut pleinement concilier son travail d'élu de terrain, proche des préoccupations et des espoirs de nos concitoyens et son vrai goût pour le travail législatif.
Membre très actif de la commission des affaires sociales, il mit toute son expérience d'ancien résistant au service du monde des anciens combattants. Dans les textes dont il fut, à de nombreuses reprises, rapporteur de la commission, il s'attacha à améliorer la condition de ces hommes qui ont combattu pour notre liberté.
Marcel Lesbros laissera le souvenir d'un humaniste, d'un homme généreux, d'une personnalité chaleureuse, d'un élu toujours disponible, attentif et dévoué, accomplissant ses mandats avec un sens aigu de l'intérêt général.
Sur toutes les travées de votre assemblée, l'heure est au recueillement. À son épouse, à ses enfants, à toute sa famille, à ses collègues, j'exprime au nom du Gouvernement et en mon nom personnel notre profonde tristesse et notre solidarité dans l'épreuve qu'ils traversent.
M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie de vous associer à l'hommage que nous venons de rendre à Marcel Lesbros, notre ami regretté.
Mes chers collègues, conformément à la tradition, en signe de deuil, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.