PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour vous faire partager quelques observations pour ne pas succomber à l'euroscepticisme.
Je salue l'appel très fervent de M. le rapporteur spécial, de M. le rapporteur général et, naturellement, de M. le président de la délégation pour l'Union européenne en faveur d'un sursaut européen.
Madame la ministre, la cohésion sociale sur l'ensemble du territoire européen et les conséquences de la mondialisation sont nos principaux sujets de préoccupation.
L'Europe est d'abord économique, avec un marché et une monnaie uniques.
Mais comment se fait-il que, politiquement, l'Europe fonctionne comme une espèce de syndicat intercommunal à vocation multiple, ou SIVOM, avec des arbitrages d'ordre cantonal ? (Sourires.) Comment se fait-il que nous soyons parvenus à une situation dans laquelle chacun fait ses comptes pour savoir comment il pourra se rendre au guichet ?
Cela donne du grain à moudre au préfet du département, qui devient subitement le gestionnaire des fonds structurels et conserve ainsi l'impression d'exister et d'exercer un rôle institutionnel.
Pendant ce temps-là, que se passe-t-il sur le terrain ? Les uns et les autres, nous nous sommes battus pour doter l'Europe d'une monnaie unique et pour éviter d'en faire une Europe inique du fait des dévaluations compétitives. Nous avons ainsi une monnaie unique.
Dans les années deux mille, une bourse paneuropéenne, Euronext, regroupant les bourses nationales de Paris, Amsterdam, Bruxelles ou Lisbonne a été mise en place. Elle fonctionne plutôt bien, on en a fait une société, qui est cotée en bourse. Les premiers actionnaires, les banquiers français, prennent leurs plus-values et laissent cette bourse à des fonds d'investissements.
Or, aujourd'hui, cette bourse paneuropéenne va passer sous le contrôle du New York Stock Exchange ! Politiquement, le Président de la République est intervenu. Mais sommes-nous allés jusqu'au bout, madame la ministre ? Une bourse n'est pas simplement une société de marché : elle exerce des prérogatives qui lui sont conférées par la puissance publique. Comment se fait-il que le politique ne se soit pas plus impliqué dans ce dossier ? Pourquoi a-t-on d'emblée écarté une convention, sans doute mal ficelée, avec la bourse de Francfort ?
En outre, dans le présent projet de loi de finances, je note l'apparition d'une ligne nouvelle : le fonds d'ajustement à la mondialisation. Formidable, mais pathétique ! On intervient alors que les emplois sont partis, c'est-à-dire que l'on se donne les moyens de venir en aide à celles et ceux qui ont perdu leur travail à cause des délocalisations.
Mais que signifie cette attitude politique, madame la ministre ? L'Europe ne devrait-elle pas plutôt prévenir les délocalisations, en renforçant la compétitivité du territoire européen et en donnant à la gouvernance politique des instruments pour lutter contre cette espèce de fatalité selon laquelle toute notre production devrait partir ailleurs ? Mais non ! On préfère appeler le SAMU ou utiliser d'autres instruments pour aider les victimes à faire leur deuil de la situation ! On crée ainsi un guichet supplémentaire. Comme le soulignait voilà quelques instants M. le rapporteur général, c'est l'Europe des guichets, des clientèles et de l'assistanat !
Madame la ministre, notre foi en l'Europe est inébranlable. Mais, pour prévenir cette dilution, cet abandon et cette espèce de fatalisme, je voudrais vous exprimer ma protestation. De la part de notre gouvernement, j'attends mieux que des fonds pour panser les plaies et pour apaiser les amertumes.
Je voudrais que l'Europe s'engage dans des politiques commerciales cohérentes. Le yuan est sous-évalué, peut-être à hauteur de 50 %. J'attends que l'Europe prenne des positions claires pour exercer une pression sur les autorités chinoises.
L'Europe est totalement inerte, résignée. D'un côté, il y a la stratégie de Lisbonne, qui est incantatoire : c'est un modèle parfait pour « faire de l'Union européenne l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010 ». Mais, de l'autre côté, sur le terrain, il ne se passe rien.
Ensuite, on nous raconte des belles histoires pour tenter d'anesthésier un peu plus ceux qui ont des sursauts de conscience et d'interrogation.
Madame la ministre, je sais votre engagement et je rends hommage à votre action, mais je voudrais que vous puissiez faire bouger les lignes et secouer le cocotier européen. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 26 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 8 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour vingt minutes.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'issue de près de deux ans de négociations pour le moins laborieuses, l'Union européenne vient de se doter d'un cadre financier pluriannuel couvrant la période 2007-2013. Mais à quel prix !
Les perspectives financières ainsi fixées masquent mal le vide politique et la crise institutionnelle de l'Union européenne. Les intérêts des États membres sont entrés en conflit au point de créer une situation inédite dans l'histoire des négociations budgétaires européennes : pour la première fois, un « paquet final » proposé par une présidence a été rejeté.
Dès décembre 2003, un groupe de six États membres, dont la France, avait exprimé son refus d'une forte croissance du budget européen : position frileuse, significative de la crise que traverse une Union européenne incapable de se rassembler et d'agir en faveur de l'intérêt des peuples européens.
Ce n'est que le 4 avril 2006 qu'un compromis sur le nouveau cadre financier 2007-2013 a été obtenu. Il prévoit 864,3 milliards d'euros de crédits d'engagement, soit 1,048 % du revenu national brut de l'Union et 820,78 milliards d'euros de crédits de paiement, soit 1 % du revenu national brut. Pourcentages peu ambitieux !
La continuité avec les budgets précédents est flagrante et l'on ne peut que regretter que le budget de l'Europe, pour la période 2007-2013, ne semble pas en mesure de répondre à des défis considérables, tels que la solidarité dans le contexte d'une Union à vingt-sept, l'affirmation d'une Europe plus forte, agissant pour un monde plus solidaire et plus sûr, le progrès de la citoyenneté et de la participation des peuples, ou encore la résorption du déficit démocratique de l'Union.
La remise en cause de la correction dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984 constitue certes une avancée importante. Cette rupture dans le système de financement de l'Union constituait un objectif majeur de la France, principal financeur de ce dispositif, à hauteur de 27 %. L'accord conclu lors du Conseil européen de décembre 2005 met également fin au paradoxe qui voulait que le Royaume-Uni, fervent promoteur de l'élargissement, soit l'un des États membres qui contribuait le moins à son financement.
C'est donc bien une décision importante, mais nous désapprouvons les modalités comptables de calcul des dépenses des États membres et les « retours nationaux », qui déprécient les discussions et contreviennent à l'esprit de solidarité qui devrait animer la construction européenne. La contribution des États membres devrait être présentée comme une ambition et non simplement comme un coût.
Cette année, la procédure budgétaire communautaire revêt une importance particulière puisqu'elle constitue la première année de mise en oeuvre des nouvelles perspectives financières dans une Europe à vingt-sept.
Le projet de budget communautaire pour 2007 n'est pas complètement arrêté à l'heure où nous débattons. Il ne peut être définitif qu'après une seconde lecture par le Conseil de l'Union - elle a eu lieu le 21 novembre - et par le Parlement européen, où elle se déroulera en décembre. Par conséquent, comme chaque année, des modifications peuvent intervenir entre le présent projet de budget et sa version finale. Notre vote n'a donc aucun intérêt.
Je regrette d'ailleurs que l'hypothèse, en principe envisageable, d'un vote négatif de notre Parlement sur ce projet de budget puisse provoquer une condamnation pure et simple de notre pays par la Cour de justice des Communautés européennes. La France serait alors contrainte de verser le montant des sommes fixées par le budget de l'Union, ce qui montre les limites du présent exercice.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne peut pas être dedans et dehors !
M. Thierry Foucaud. J'en reviens au projet de budget proprement dit. Le montant total des dépenses est fixé à 125,7 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 114,6 milliards d'euros en crédits de paiement. Il s'établit ainsi à 1,08 % du revenu national brut de l'Union en crédits d'engagements, tandis que le projet de budget pour 2006 ne représentait que 1,005 % du revenu national brut : une légère augmentation est donc à noter. Cependant, comme je l'ai déjà dit, ce budget s'inscrit simplement dans la continuité des précédents. Notre rapporteur spécial a rappelé ce matin le montant de la contribution française.
S'agissant des politiques de compétitivité, les crédits d'engagements augmentent de 11,3 % par rapport au budget pour 2006, tandis que les crédits de paiement diminuent de 8,9 %. Cette dernière diminution résulterait d'une sous-exécution significative au titre des anciennes programmations, ce qui est regrettable, d'autant que la recherche est la principale dépense concernée. La recherche dans le domaine de l'espace et de la sécurité absorbera 50 millions d'euros et 48 millions d'euros seront consacrés au sixième programme-cadre de recherche et développement.
Les crédits d'engagements pour les actions relevant de la sous-rubrique « Liberté, sécurité et justice » augmentent de 2,2 % par rapport au budget pour 2006 tandis que les crédits de paiement diminuent de 25 %. La moitié de ces crédits d'engagement seront consacrés au nouveau programme-cadre « Solidarité et gestion des flux migratoires », qui recouvre le fonds pour les frontières extérieures, le fonds européen pour les réfugiés, le fonds européen pour l'intégration des ressortissants de pays tiers et le fonds européen pour le retour.
À cet égard, nous lançons une mise en garde : l'Union européenne ne doit pas se transformer en forteresse et mettre en place des politiques fondées sur des systèmes de contrôle policiers sophistiqués, sur le recul du droit d'asile ou sur les centres de rétention.
Elle doit apporter d'autres réponses, par exemple en déployant tous les efforts nécessaires pour relancer le partenariat euro-méditerranéen. Car, dix ans après la déclaration de Barcelone, ce dernier reste une coquille vide. Il importe donc que, au-delà des déclarations d'intention, l'Union se donne enfin un projet politique et les moyens de le réaliser, un projet au service de la paix, de la justice et de la solidarité avec le Sud.
S'agissant des actions extérieures, les crédits de cette politique sont en forte diminution, de 21,5 % pour les crédits d'engagement et de 15,9 % en crédits de paiement. Un budget de 6,6 milliards d'euros leur est octroyé. La diminution importante des crédits par rapport à 2006 se trouve, certes, en partie justifiée par le fait que les aides de pré-adhésion aux dix nouveaux États membres arrivent à extinction cette année.
En tout état de cause, cela montre que l'Union européenne n'est pas prête à s'imposer comme un acteur mondial sur la scène internationale. Notons que l'action extérieure subissait déjà une réduction de crédits de 3,7 % dans le budget pour 2006. Nous ne pouvons que manifester une vive inquiétude face à cette nouvelle baisse encore plus forte. La diminution de l'engagement financier européen atteste un désengagement politique.
Force est de constater que l'Union européenne n'est toujours pas prête à prendre ses responsabilités ni à peser dans la politique internationale, notamment dans le conflit du Proche-Orient. N'attendons pas l'évolution de la position américaine, engagée dans un soutien toujours plus poussé à la politique de colonisation israélienne !
Permettez-moi d'ailleurs d'exprimer ma plus vive inquiétude face aux déclarations du ministre des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, le 19 octobre dernier, sur une télévision de la communauté juive française. Il a affirmé avoir « beaucoup évolué » en faveur du « mur de séparation » qu'Israël érige en Cisjordanie, en soulignant « qu'Israël a droit à la sécurité ». Ces propos sont inacceptables, ils signifient implicitement que le « droit légitime d'Israël à la sécurité » serait de nature à atténuer l'illicéité de la construction du mur...
M. Philippe Marini. Ils ont besoin de ponts, plus que d'un mur !
M. Thierry Foucaud.... ce qui est absolument contraire à l'avis rendu le 9 juillet 2004 par la Cour internationale de justice, plus haute instance judiciaire des Nations unies, qui condamne cette construction, en demande la démolition ainsi que l'octroi d'une réparation aux populations victimes. Nous considérons qu'il est grand temps que l'Europe prenne ses responsabilités et agisse pour une paix juste et durable au Proche-Orient.
En définitive, le budget que vous défendez, madame la ministre, s'inscrit dans la continuité du projet de société libérale que l'on nous propose. Le groupe communiste républicain et citoyen récuse donc l'esprit qui anime ce projet de budget et votera en conséquence contre le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote du montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation au budget des Communautés européennes constitue, chaque année, une curiosité de notre débat budgétaire.
Après l'Assemblée nationale, le Sénat n'a, en l'occurrence, que le pouvoir de prendre acte de ce montant, fixé pour 2007 à 18,696 milliards d'euros. La représentation nationale ne peut, en effet, qu'assumer les obligations financières découlant des traités signés par la France au niveau européen. En tout état de cause, une attitude de refus du Parlement n'exonérerait en rien la France de ses obligations et ne ferait qu'ajouter à la confusion qui caractérise trop souvent les débats européens.
De plus, le montant soumis à notre vote est lui-même susceptible de variations puisque la procédure budgétaire européenne n'est pas achevée et que le Parlement européen ne procédera à la seconde lecture de son budget que du 11 au 14 décembre. Il semblerait, madame la ministre, qu'un accord soit intervenu hier lors du « trilogue », c'est-à-dire en fait un dialogue à trois, mais nous n'en connaissons pas le contenu à l'heure où nous débattons.
En résumé, quelle que soit l'opinion du Sénat sur la hauteur ou le contenu du budget de l'Union européenne, quelle que soit sa décision sur le montant du prélèvement à opérer sur les recettes de l'État, la France devra acquitter une contribution dont la valeur définitive dépendra, en réalité, de l'exécution du budget européen. Cette situation démontre clairement les limites réelles de notre pouvoir de décision sur ce sujet et le caractère virtuel de notre débat.
La nécessité de doter l'Union européenne d'un véritable système de ressources propres, liées au dynamisme économique, s'impose si nous voulons affirmer une ambition européenne, tout en plaçant le Parlement européen face à ses responsabilités, et sortir des querelles nationales de financement qui bloquent toute évolution significative. Tant qu'il perdurera, le système des contributions nationales, aujourd'hui à bout de souffle, assurera de beaux jours à la théorie des « justes retours », où chaque État membre est essentiellement préoccupé par la préservation de ses intérêts nationaux, mesurés à la modicité du coût subi et à l'ampleur des avantages accordés.
L'Union européenne doit disposer de ressources solides et durables au service d'une politique approuvée par les citoyens ; celles-ci ne peuvent plus être obtenues par des mécanismes de correction ou de régulation des soldes nets comptables.
Le budget de 2007 sera le premier budget des nouvelles perspectives financières ; il sera aussi le premier budget de l'Europe des Vingt-Sept, à la suite de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, le 1er janvier 2007. En dépit de ces particularités, il se caractérise par son manque d'ambition, illustrant l'incapacité de l'Union européenne à promouvoir des projets nouveaux, résultant d'une volonté commune.
Cette situation n'est pas surprenante, elle n'est que la conséquence directe du laborieux compromis élaboré, lors de la présidence britannique, en décembre 2005. Chaque État membre a privilégié la défense de ses intérêts nationaux, au sens le plus étroit, au détriment de l'intérêt général des Européens.
Dans son rapport spécial, notre collègue Denis Badré effectue une analyse détaillée du budget de l'Union. Elle contient toutes les précisions chiffrées nécessaires et fait apparaître clairement que l'effort net de la France reste modeste par rapport à ceux de l'Allemagne, de la Suède et surtout des Pays-Bas. Il varie, selon les méthodes d'évaluation, entre 0,17 % et 0,20 % du revenu national brut. Entre 2007 et 2013, le coût net de l'Union ne dépassera pas 109 euros par an et par Français.
Établies sur la base d'un montant de dépenses fixé à 1,045 % du RNB de l'Union européenne, les perspectives financières tracées pour la période 2007-2013 permettront donc difficilement de faire face aux enjeux d'une Europe qui a besoin de politiques communes dans de nombreux domaines : l'énergie, l'industrie, le développement durable, la recherche, les infrastructures ferroviaires et fluviales. Elles permettront tout au plus d'aménager les équilibres existants, de modifier à la marge la structure des dépenses, alors qu'il faudrait réformer en profondeur une architecture budgétaire frappée d'inertie.
C'est pour cette raison que le budget européen pour 2007 semble, comme le disait à l'Assemblée nationale mon ami Jérôme Lambert, n'être que la copie du précédent, lui-même copie du précédent, etc. Tout semble figé par l'incapacité de l'Union à décider et à mettre en oeuvre des projets concrets, lisibles. De plus en plus, j'ai la conviction que notre contribution au budget de l'Union vient à l'appui d'un projet politique européen illisible et contradictoire pour nos concitoyens.
L'échec de la révision de la directive sur l'aménagement du temps de travail est un exemple précis et emblématique d'une Europe en mal de dynamique et de volonté.
Le problème posé était simple : est-il possible de supprimer, dans la directive sur l'aménagement du temps de travail, la clause d'exception autorisant les États membres qui le souhaitent à dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail, fixée à 48 heures, à la seule condition que le travailleur concerné donne personnellement son accord ?
Les Britanniques, rejoints et soutenus par plusieurs nouveaux États membres de l'Union, ont refusé la suppression de cette clause d'exception, allant même jusqu'à rejeter l'idée d'une période transitoire à l'issue de laquelle cette suppression interviendrait.
Le Conseil extraordinaire des ministres de l'emploi et du travail, réuni le 7 novembre, s'est donc soldé par un nouvel et retentissant échec dans le domaine de l'Europe sociale. La modeste avancée qui aurait rendu le droit communautaire applicable dans tous les États membres de l'Union ne se concrétisera pas. La présidence finlandaise a déploré cette situation, et la prochaine présidence allemande a déjà fait savoir que le sujet ne serait pas abordé au cours du premier semestre de 2007.
Une nouvelle fois, le triste constat de l'incapacité de l'Union européenne à suivre la voie du progrès social s'est imposé.
Si l'Union européenne peut revendiquer d'incontestables succès, s'agissant de la création d'un espace de paix, du développement des libertés et de la démocratie politique, son bilan en matière économique et sociale est beaucoup plus contrasté. La faiblesse de la croissance, l'importance du chômage, la montée de la précarité engendrent les difficultés importantes rencontrées par les citoyens européens dans leur vie quotidienne. La perte de confiance dans l'Union est nourrie par la paralysie du Conseil européen sur toutes les questions clés pour l'avenir de l'Europe.
En mars prochain, nous allons célébrer le cinquantième anniversaire du Traité de Rome, qui, après l'échec de la Communauté européenne de défense, créait la Communauté économique européenne et engageait la réalisation du Marché commun. Rappelons-nous que, à la même époque, le Royaume-Uni refusait de participer à la démarche des Six et préférait, avec sept autres pays européens, constituer l'Association européenne de libre-échange, avec pour ambition la création d'une vaste zone de libre-échange. Aujourd'hui, l'AELE n'existe plus, et les pays qui la composaient ont, à l'exception de la Norvège, rejoint par vagues successives ce qui est devenu l'Union européenne.
La démarche entamée à Rome a donc prévalu, parce qu'elle a mobilisé la volonté politique d'États qui associaient, pour partie, leurs destins.
Toutefois, ce succès ne débouche-t-il pas aujourd'hui, de manière paradoxale, sur un certain échec ? Ne sommes-nous pas parvenus à un stade où le risque est grand, pour l'Union, de se limiter à être un simple espace économique où le marché impose sa loi sans qu'existent les contre-pouvoirs politiques suffisants pour protéger les citoyens européens ? N'est-ce pas, en définitive, la vision britannique de la création d'une simple zone de libre-échange qui a prévalu ?
Si nous voulons que l'Europe redevienne un espace de croissance, vécu par ses habitants comme une chance, il importe de relancer la dynamique européenne et de donner à ses citoyens des raisons d'espérer, en rompant avec le cours trop libéral imprimé à la construction européenne.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Bernard Frimat. Donner la priorité à la recherche du plein emploi en levant le carcan qu'impose la Banque centrale européenne, promouvoir un traité social qui harmonise par le haut les droits sociaux, retrouver, sur le plan institutionnel, une capacité de décision, tels sont, pour nous, les vrais enjeux du débat européen : à la France d'avoir la volonté de s'impliquer dans cette démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, nous débattons aujourd'hui - et je suis heureux que nous ayons cette possibilité de nous exprimer sur ce sujet - de la participation de la France au budget des Communautés européennes.
Je ne reviendrai pas sur l'économie générale de l'article 32 du projet de loi de finances pour 2007, d'autres avant moi, en particulier notre excellent rapporteur, M. Denis Badré, l'ayant exposée dans le détail.
Le prélèvement opéré, au travers de cet article, s'élève à 18,7 milliards d'euros, soit une augmentation de 5,1 % par rapport à la prévision d'exécution pour 2006, dans le contexte des perspectives financières tracées pour la période 2007-2013 et de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie.
Le centre de gravité du budget communautaire se déplace pour la première fois, puisque la politique de cohésion est désormais le premier poste de dépenses de l'Union européenne, avec 36,2 % des crédits d'engagement, devant les dépenses agricoles de marché, qui représentent 34,2 % de ces derniers.
Le mode de financement de l'Union repose sur des contributions des États membres, dont la ressource assise sur le revenu national brut communautaire constitue toujours une part très majoritaire.
Je souhaiterais, dès lors, aborder plusieurs questions d'ordre général, et surtout relever plusieurs paradoxes.
S'agissant tout d'abord des recettes du budget européen, il est paradoxal, comme l'a souligné Denis Badré, de parler de budget autonome et indépendant des États membres, eu égard à la renationalisation progressive des ressources et à la prépondérance des crédits issus des RNB nationaux.
Par conséquent, comme nous le disons depuis déjà plusieurs années, nous devons dès aujourd'hui réfléchir à une réforme ambitieuse du mode de financement de l'Union européenne, en particulier grâce à la mise en place d'un véritable impôt européen, ce qui irait dans le sens d'une plus grande démocratie et d'une plus grande transparence.
Pour la première fois, nous permettrions à nos collègues parlementaires européens de sortir du statut curieux qui est le leur : ils sont en effet les seuls parlementaires, dans les démocraties existantes, à ne voter que des dépenses, sans voter les recettes et donc sans assumer la levée des impôts devant leurs électeurs.
Peut-être pourrions-nous aussi leur demander d'être plus audacieux et de se transformer en assemblée constituante sur ce sujet. Ce serait là une initiative assez hardie, mais si l'évolution de l'Europe peut se faire à petits pas, elle a aussi besoin d'actes forts qui secouent un peu les torpeurs retardatrices. C'est devant les électeurs qu'ils prendraient eux-mêmes la responsabilité de demander, comme ils l'ont fait cette année avec la Commission européenne, une forte augmentation des dépenses communautaires.
Peut-être cette responsabilité nouvelle leur éviterait-elle aussi de tomber dans un autre paradoxe, que je relève dans les nouvelles perspectives financières ouvertes à l'Union européenne.
Je voudrais évoquer, à cet instant, le cas de l'Agence européenne des droits fondamentaux. Trente millions d'euros sont affectés au financement de cette agence, alors que la Cour européenne des droits de l'homme intervient déjà quand le respect des droits de l'homme est mis en cause dans les États membres. Les recours sont nombreux, ce qui explique que sa situation financière soit critique, même si l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a fait énormément d'économies. Pourtant, on a décidé de consacrer 30 millions d'euros à la création d'une nouvelle agence européenne ayant une mission similaire...
Nous savons tous, madame la ministre, qu'une somme proche de 1 million d'euros est nécessaire pour débloquer la situation et entraîner la décision du prochain Comité des ministres. La France, pays hôte du Conseil de l'Europe, peut-elle être, au côté du Royaume-Uni, de la Pologne et de la Suisse, responsable du blocage de cette évolution ? Au regard de son histoire, notre pays ne serait pas crédible dans un tel rôle.
Renonçons donc, madame la ministre, à la création de l'Agence européenne des droits fondamentaux, le Conseil de l'Europe remplissant depuis longtemps, avec sérieux et impartialité, les missions que lui ont confiées ses pères fondateurs, Winston Churchill, Edouard Herriot ou Konrad Adenauer. Les citoyens européens s'y retrouveront !
J'en reviens maintenant à des remarques plus générales sur le budget des Communautés européennes.
Responsabiliser les députés européens n'est pas suffisant pour donner plus de force à la politique budgétaire européenne. Il faut aussi réfléchir à une autre façon de la développer, de manière plus ambitieuse, en sortant, sans coût supplémentaire, du périmètre du budget européen actuel.
M. le rapporteur spécial a fait allusion aux nouveaux mécanismes de financement extrabudgétaires, tels la « facilité financière de partage du risque » ou « le fonds d'ajustement à la mondialisation », critiqué à juste titre par M. le président de la commission des finances. Cependant, nous devons aller plus loin dans la réflexion.
Il est notamment nécessaire que s'instaure une plus grande concertation entre les États membres, plus particulièrement entre les ministres ayant les mêmes attributions. Quand aurons-nous, dans le cadre de la préparation du budget annuel, des réunions communes des ministres responsables d'un même département, accompagnés de représentants de leurs services budgétaires ? Quand aurons-nous, sur le plan budgétaire, des « réunions de Bercy » européennes, qui permettraient d'aller beaucoup plus loin que le pacte de stabilité ?
Cela alourdirait peut-être la procédure mais aurait le mérite et la vertu de coordonner un certain nombre de politiques à l'échelle européenne, d'éviter les redondances et de dégager de nouvelles marges de manoeuvre, grâce aux synergies mises en place dans ce contexte. Cela nous permettrait peut-être aussi, en amont, d'envisager les problèmes et de sortir de la « politique des guichets ».
Prenons l'exemple de la défense, qui, compte tenu des montants considérables qui sont en jeu, exige une mutualisation des matériels, des missions et des hommes. La création de l'Agence européenne de défense, chaque État contribuant à son budget, à hauteur de seulement 4,5 millions d'euros en ce qui concerne la France, répond à ce besoin et est un bon exemple d'initiative budgétaire européenne hors budget européen. Elle constitue les prémices d'une politique de défense européenne industrielle plus intégrée.
Un certain nombre de politiques nationales, dont le champ d'action est aujourd'hui circonscrit aux frontières de l'État concerné, pourraient ainsi atteindre la taille critique nécessaire à une plus grande cohérence et, surtout, à une influence bien plus large devant la mondialisation. En particulier, les politiques liées à la stratégie de Lisbonne gagneraient en efficacité, comme l'a dit M. Badré, si elles étaient menées en commun.
Par ailleurs, pourquoi ce travail d'harmonisation budgétaire ne serait-il pas aussi accompli par les parlements nationaux et en leur sein ?
Pour étoffer l'action budgétaire de l'Europe, nous aurions ainsi, d'un côté, le budget communautaire, pour lequel on doit sortir de la logique de représentation des intérêts nationaux, et, de l'autre, une multitude d'initiatives des États membres, qui permettraient à ceux-ci de ne pas se sentir écartés de la construction européenne par une « nomenklatura » européenne efficace, mais aux décisions mal comprises, semblant quelquefois éloignées des préoccupations des opinions publiques.
Ce serait un moyen de faire évoluer la construction européenne, en nous rendant moins prisonniers des limites des institutions actuelles. Cela nous permettrait de retrouver le pragmatisme que les pères fondateurs de l'Europe, comme Robert Schuman, ont toujours souhaité.
L'Europe doit d'abord être une volonté commune. Cette volonté, elle doit la retrouver, et c'est en partie par l'extension de l'harmonisation des budgets nationaux qu'elle y parviendra. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote de ces quelque 18 milliards d'euros de contribution au budget européen a surtout le mérite de nous amener à réfléchir à l'avenir de l'Europe.
Je suivrai les conseils de notre rapporteur spécial, Denis Badré : je ne m'enfermerai pas dans une analyse du taux de retour. Ce serait une grave erreur de ne s'en tenir qu'aux 13 milliards d'euros du budget européen qui nous reviennent.
La commission des finances, à travers son rapporteur général et son président, ainsi que la délégation européenne, par la voix de son président, nous ont d'ailleurs invités à participer à cette réflexion sur l'avenir de l'Europe dans cette période qui est cruciale.
Madame la ministre, je tiens à vous rendre hommage : il n'est en effet pas très facile, après le non de la France au référendum, de faire exister notre pays en Europe et de faire passer des messages. Mais, il faut le souligner, vous avez su vous imposer.
Mes chers collègues, il nous appartient de faire en sorte que l'année prochaine, lors du grand débat politique qui précédera l'élection présidentielle, les choix fondamentaux en matière européenne soient abordés. Le nouveau Président de la République et la majorité issue des élections législatives devront avoir pour mission de proposer à l'Europe un traité simplifié - peu importe son nom - qui corresponde à la réalité de la situation européenne. Notre pays doit être capable, notamment lorsqu'il assumera la présidence de l'Union européenne, de donner un véritable élan et une ambition à l'Europe.
Après que nous aurons fêté - sous présidence allemande - les cinquante ans du Traité de Rome, la France devra saisir cette chance pour affirmer hautement cette ambition et se donner les moyens, dans le respect des votes des autres pays, de pouvoir participer pleinement, sans craindre de perdre des voix de-ci de-là, à cette nouvelle marche en avant que je souhaite pour l'Europe.
À ce moment-là, il faudra traiter de manière très objective les problèmes de la gouvernance, des élargissements, et des politiques communes, y compris la politique agricole commune.
Nous tenons à cette politique, qui a d'ailleurs su évoluer à plusieurs reprises ; elle offre une chance pour l'agriculture européenne, mais aussi pour l'aménagement du territoire et l'espace rural et pour l'environnement.
Il n'est pas possible de comparer les crédits accordés par l'Europe à l'agriculture et ceux qu'elle consacre aux autres secteurs, sans préciser que la PAC est bien une politique commune. Si l'on additionne les dépenses agricoles des États et de l'Europe, cela ne représente que 0,5 % du PIB européen, ainsi qu'on nous l'a rappelé hier lors d'une réunion de la délégation pour l'Union européenne. Arrêtons de dire que ces dépenses sont trop élevées !
Ayons le courage de plaider pour une politique commune de la recherche et du développement, dont tout le monde reconnaît l'importance capitale pour l'Europe. Cela permettra d'augmenter les participations financières à ce budget.
Je souscris totalement aux propos de notre collègue Yves Pozzo di Borgo : nous avons besoin de ressources propres européennes, c'est-à-dire d'un véritable impôt européen, qui permettra au Parlement européen de jouer pleinement son rôle.
En revanche, le propos du président de la délégation pour l'Union européenne m'a paru un peu sévère. Si le Parlement européen veut entendre M. Javier Solana, ce n'est pas pour se substituer aux chefs d'État pour engager des guerres. En France, d'ailleurs, c'est le chef de l'État qui engage les armées,...
M. Adrien Gouteyron. Dieu merci !
M. Jacques Blanc.... et non le Parlement.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. La belligérance, c'est le Parlement !
M. Jacques Blanc. Les députés européens ne peuvent pas se substituer au Conseil en matière de défense, même s'ils peuvent être appelés à voter des budgets. Je remercie cependant le président de la délégation pour l'Union européenne d'avoir ouvert ce débat, qui est très intéressant.
Sur le budget, l'accord du 17 mai 2006 a d'abord eu le mérite - comme cela a été souligné - d'être un accord interinstitutionnel : le Parlement européen a pu jouer son rôle, et il a d'ailleurs bloqué des décisions du Conseil.
Ensuite, et bien que cet accord soit à mes yeux insuffisant, il permet de poursuivre les politiques communes jusqu'en 2013. Je pense notamment à la politique agricole commune, essentielle pour les agriculteurs, qui ne représente d'ailleurs plus que 40 % du budget européen.
Enfin, il respecte les engagements pris lors des élargissements. Même si je ne partage pas l'analyse du rapporteur général sur la Turquie, j'ai été très sensible aux propos qu'il a tenus quant à l'intérêt que nous avions à suivre la situation des deux pays - Bulgarie et Roumanie - qui vont entrer dans l'Europe.
Heureusement que nous avons répondu à leur attente car, après avoir été les victimes de Yalta et d'un système impossible, ils aspirent aujourd'hui à la démocratie et au développement économique, social et politique. Ces pays sont appelés à occuper une place importante en Europe. N'oublions pas, en effet, ce qui se passe dans les Balkans ! Nous serons peut-être un jour bien heureux de les voir jouer un rôle pour créer une dynamique de paix et de respect mutuel dans la région !
Bref, l'accord interinstitutionnel budgétaire a permis de répondre à toutes ces attentes sans nous dépouiller.
La négociation ouverte par le Gouvernement français avec les collectivités territoriales, qu'elles soient régionales ou départementales, pour l'application des crédits européens devrait d'ailleurs être l'occasion de mieux faire percevoir par les bénéficiaires l'origine des fonds. Les crédits du FEDER, du FEADER ou du FSE sont en effet des leviers importants pour l'aménagement rural, l'emploi, le soutien à la recherche et l'environnement.
Je voudrais terminer, comme Denis Badré, en lançant un cri d'espérance : arrêtons de nous « autoflageller ». La situation est certes difficile, mais elle révèle les âmes fortes. J'espère que l'élection présidentielle, puis les élections législatives permettront de faire trancher par le peuple ce débat et de retrouver l'espérance et la flamme européennes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la fin de l'année dernière, lors de ce même débat, nous constations que la construction européenne était en crise. Un an après, le constat reste malheureusement inchangé : manque d'initiative politique, manque de perspectives et manque de priorités clairement définies dans le budget européen. À en croire le Président de la République, 2006 devait être une « année utile ». Dans ce domaine comme dans d'autres, il est permis d'en douter !
Madame la ministre, sans nier vos efforts personnels, force est de poser la question : qu'a fait le Gouvernement pour l'Europe, cette année ? La presse se fait d'ailleurs l'écho ces derniers jours de l'absentéisme notoire de certains ministres français - notamment celui de l'intérieur - aux Conseils européens, qui ne peut qu'être préjudiciable à l'image et à l'influence de la France en Europe.
Je pourrais reprendre mot pour mot mon intervention de l'an dernier. En effet, les États membres ne semblent plus être capables aujourd'hui de dépasser leurs intérêts nationaux et de retrouver un élan collectif fondé sur la recherche d'avantages communs. Le compromis financier européen d'avril 2006, proche de celui de décembre 2005, l'illustre malheureusement assez bien. Dépasser la conception d'une Union européenne réduite à la somme des intérêts de chaque État membre me semble aujourd'hui une urgence.
Bernard Frimat a eu raison de rappeler que ce budget sera le premier de la période 2007-2013 et qu'il sera le premier de l'Europe à vingt-sept.
En raison de son rôle fondateur dans l'Union européenne et du rejet, l'année dernière, de la Constitution européenne, la France a un double devoir d'impulsion d'une relance européenne. Or personne en Europe ne perçoit cet élan. Certes, une augmentation de 5,1 % de la contribution de la France au budget des Communautés européennes pour 2007 est prévue, mais cela ne permet pas de déterminer des priorités budgétaires nouvelles et lisibles, comme nous l'avions souhaité l'an dernier.
Surtout, cela ne compense pas l'absence de volonté politique claire et de crédit aux yeux de nos partenaires pour prendre des initiatives fortes.
Le bilan de votre politique en matière européenne depuis 2002, c'est que nous avons perdu l'un et l'autre, volonté et crédit, sur la scène européenne. Nous savons aujourd'hui qu'il faudra attendre la présidence allemande en 2007 et un changement de majorité dans notre pays, puis la présidence française, pour créer les conditions de cette relance urgente.
Notre collègue Bernard Frimat a fort bien rappelé tout à l'heure les problèmes liés à la véritable déconnexion du budget de l'Union avec la réalité, ainsi que les risques liés à la directive sur le temps de travail. Pour ma part, je prendrai deux exemples de domaines dans lesquels nous souhaitons restaurer la volonté politique de notre pays : les conséquences de l'élargissement et les fonds structurels.
En effet, depuis le début des négociations sur les perspectives financières, le Président de la République et votre Gouvernement tiennent un double langage. D'un côté, vous voulez prévoir plus d'argent pour les nouveaux États membres, maintenir la PAC et les fonds structurels au même niveau, et assurer pour la France un taux de retour stable. D'un autre côté, vous défendez bec et ongles un budget européen plafonné à 1 % sur l'ensemble de la période.
Votre position a toujours été contradictoire. L'accord interinstitutionnel a fixé un plafond à 1,04 %, bien loin du compromis luxembourgeois. Je peux comprendre que vous considériez cet accord comme un succès, mais ce n'est pas notre cas : les perspectives financières ne sont à la hauteur ni des besoins des nouveaux États membres ni du besoin des régions pour relancer la croissance et assurer un haut niveau d'emploi.
S'agissant de l'élargissement, si nous ne voulons pas que celui-ci tire l'Union vers le bas et crée ainsi à l'égard de l'Europe une nouvelle désaffection de nos concitoyens et des désillusions chez les nouveaux entrants, la traduction budgétaire doit être à la mesure des enjeux. L'Europe comptera vingt-sept pays dans un mois, avec l'arrivée de la Bulgarie et de la Roumanie. Une solidarité particulière est nécessaire à leur égard, sous peine d'engendrer des difficultés pour l'ensemble des pays de l'Union. Le budget européen leur consacrera 16,2 milliards entre 2007 et 2009 : ce n'est pas à la hauteur de cette attente.
Ici, en France, doit-on rappeler que ces deux pays, Bulgarie et Roumanie, participent à la francophonie ? À leur égard, la France doit donner des signes tangibles de son engagement dans ces deux causes, l'Europe et la francophonie.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !
Mme Catherine Tasca. Or, si nous sommes le deuxième contributeur au budget de l'Union en valeur absolue, nous ne sommes que le sixième en pourcentage du PNB.
En ce qui concerne les fonds structurels, nous constatons la même incohérence française. La base de la poursuite de la construction européenne, c'est la solidarité entre les nations et entre les territoires. C'est pour cela que les fonds structurels pour les régions ont été créés.
Or que constate la Cour des comptes européenne dans son rapport annuel ? Les Vingt-Cinq sont loin de consommer tous les crédits : à la fin de 2005, il restait 62,2 milliards d'euros non engagés. Au 31 juillet 2006, seulement 45 % des crédits avaient été engagés, contre 54 % l'année précédente à la même époque.
La France est particulièrement mal placée en ce domaine. Nous avons dû payer cette année 245 millions d'euros d'amende pour nous acquitter de l'astreinte de sous-utilisation des crédits des fonds structurels alors que des parties importantes de notre territoire et de ses habitants - je pense notamment aux banlieues et aux zones rurales - ont un besoin urgent de ressources. Cette sous-utilisation est incompréhensible. Nous attendons donc, madame la ministre, que vous nous éclairiez sur ce point.
Il est urgent, madame la ministre, de renforcer la solidarité en Europe, avec les nouveaux entrants, d'une part, avec les régions qui en ont le plus besoin, y compris en France, d'autre part. Le budget de l'Union que vous nous avez présenté ne le permet pas réellement et la France en est en partie responsable.
Nous attendions pourtant du Gouvernement de la France qu'il donne l'exemple et qu'il fasse pencher la balance en ce sens dans les négociations européennes. Ce n'est que comme cela que nous pourrons redonner confiance à nos concitoyens dans l'idée européenne.
Pour conclure, je constate que, tout comme en politique intérieure, votre gouvernement laisse se creuser l'écart entre le discours, les orientations affichées et leur traduction en actes concrets, notamment en termes de moyens budgétaires. Ce n'est pas ainsi, madame la ministre, que l'on pourra restaurer le crédit de la France auprès de ses partenaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés si j'évoque ce matin l'Europe sous un aspect plus bucolique, à travers ses espaces ruraux.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien !
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. La Corrèze ! (Sourires.)
M. Bernard Murat. Eh oui, il est bien normal que le sénateur de la Corrèze s'intéresse un peu aux problèmes des espaces ruraux et de l'agriculture.
Madame la ministre, voilà quelques mois, lorsque nous sommes allés rencontrer à Bruxelles des commissaires européens, je vous ai fait part de notre espoir de voir ce budget, dont les effets s'étaleront en fin de compte jusqu'en 2013, apporter des garanties pour nos territoires ruraux. Nous devons, nous comme l'Europe, aider ces jeunes agriculteurs, ces femmes et ces hommes extraordinaires qui consacrent tout leur temps à leur passion, car ils sont, en fait, les aménageurs de nos territoires.
Nous examinons ce matin les dispositions relatives au prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes. L'occasion m'est donc offerte d'évoquer le premier budget communautaire s'inscrivant dans le cadre des perspectives financières 2007-2013.
Les espaces ruraux ont jusqu'à présent largement bénéficié de la politique régionale, il faut bien le dire. Sur la programmation 2000-2006, ils auront mobilisé près d'un tiers des crédits du FEDER et 26 % des crédits du FSE. L'effet en termes de développement, d'image et de valorisation des territoires ruraux est incontestablement positif. Mais, à l'avenir, la manne des fonds structurels risque d'être moins importante pour ces zones rurales.
Le nouvel objectif est désormais d'aider les régions à anticiper et à promouvoir le changement économique dans les différentes zones, en renforçant leur compétitivité et leur attractivité.
En ce qui concerne plus spécifiquement les espaces ruraux, l'objectif est de concentrer les interventions sur les territoires organisés proposant une stratégie de développement locale intégrée s'appuyant sur un diagnostic de territoire et de concentrer les interventions vers des actions innovatrices. Jusque-là, tout va bien !
Mais, madame la ministre, il importe aujourd'hui que le « fléchage Lisbonne » des crédits ne soit pas considéré comme un obstacle au financement des actions en faveur des espaces ruraux. Via le FEDER et le FSE, les interventions en matière de technologies de l'information et de communication, d'énergies renouvelables ou de création d'entreprises sont primordiales. Le FEDER et le FSE doivent donc conserver une dimension rurale, tout comme le FEADER doit avoir une dimension non agricole et pouvoir exercer une action en faveur de la diversification économique du milieu rural.
En résumé, il s'agit de préserver un volet « développement rural » significatif dans une politique durable de cohésion qui, pour la prochaine programmation, fait la part belle, il ne faut pas le cacher, au développement urbain.
Les territoires ruraux constituent pourtant 90 % de l'espace européen et représentent 25 % de la population de l'Union européenne. Il ne faudrait pas que l'écart existant entre les zones rurales et urbaines s'accentue. Il n'y aura d'ailleurs pas de développement des territoires urbains sans prise en compte des zones périurbaines et rurales.
Plus de poids doit être accordé aux communes rurales, qui représentent aujourd'hui un potentiel de développement inexploité. À l'heure où nous constatons une réappropriation de l'espace rural par les urbains, où les nouvelles technologies modifient en profondeur la vie des campagnes, où une ruralité moderne se met en place, il serait dommageable que l'Europe oublie ces zones rurales.
Vous pensez, madame la ministre, que le milieu rural tient, avec la mise en place de la nouvelle politique de cohésion pour la période 2007-2013, une carte majeure de son propre développement. Peut-être, mais il va falloir l'aider à saisir et à exploiter l'opportunité qui lui est offerte, car elle n'apparaît pas si évidente. Dans ce domaine, de gros efforts d'information doivent être faits, via les chambres d'agriculture.
Une Europe forte, compétitive et solidaire ne pourra se bâtir sans un monde rural européen dynamique.
Je me permettrai donc de proposer la mise en place d'une synergie entre la politique de cohésion et la politique agricole commune, politique agricole sur laquelle je souhaite brièvement donner mon sentiment.
La PAC demeure l'une des rares véritables politiques communautaires, peut-être même la seule. Elle est aujourd'hui, avec la mise en place progressive du découplage, partiel ou total selon les productions agricoles, de la modulation et de la conditionnalité des aides, à un tournant de son histoire. Cela n'a d'ailleurs pas échappé au Président de la République. Si la France est parvenue à garantir la stabilité de son financement jusqu'en 2013, de vives critiques sont émises sur son coût, sur son efficacité économique et environnementale, voire sur sa légitimité.
Comme le suggérait M. le rapporteur spécial, la France va donc devoir profiter de la présidence de l'Union, qu'elle exercera au second semestre de l'année 2008, pour formuler des propositions claires et novatrices, et ainsi s'imposer dans un domaine important pour notre économie et pour nos territoires.
Vous ne m'en voudrez pas, madame la ministre, d'évoquer brièvement, en tant qu'élu de la Corrèze, le projet de budget pour 2007 et ses coupes excessives prévues dans les dépenses agricoles. Ces coupes, qui représentent 746 millions d'euros en crédits d'engagement et 788 millions d'euros en crédits de paiement, affectent des secteurs sensibles comme les aides aux plus démunis, aux producteurs de lait en particulier. Elles ont été dénoncées dans d'autres enceintes, mais je tenais à le dire ici, de même que je souhaitais signaler, en écho à mon propos, la chute des crédits dédiés au développement rural.
Pour beaucoup, le projet de budget pour 2007 ne présente que peu d'innovations. Il est à l'image de l'Union européenne aujourd'hui, c'est-à-dire figé.
Madame la ministre, je formulerai donc un souhait pour conclure : que l'Europe des projets, que nous appelons tous de nos voeux, trouve rapidement une expression telle qu'elle puisse susciter une adhésion nouvelle des Européens et un espoir pour notre jeunesse. Je sais, madame la ministre, que nous pouvons compter sur vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté très attentivement vos interventions et j'ai pris bonne note de vos observations dans le cadre de ce débat sur le prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.
Je suis heureuse de vous présenter, pour la deuxième fois, le projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir.
Comme plusieurs d'entre vous, j'irai au-delà des questions budgétaires afin de poursuivre l'échange que nous avons ensemble sur l'Union européenne, échange dont je vous remercie. Je connais en effet l'intérêt que vous portez aux sujets européens. En témoigne le succès des sessions de sensibilisation auprès des institutions européennes que nous organisons avec vous, que vient d'évoquer M. Murat.
Avant de répondre à vos principales interrogations, je tenais donc à vous remercier de votre implication. Permettez-moi de saluer tout particulièrement votre rapporteur spécial, M. Denis Badré, qui a été établi un rapport de grande qualité.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Comme toujours depuis douze ans ! (Sourires.)
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. En effet, monsieur le président !
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez combien je m'emploie au sein du Gouvernement à améliorer la formation et l'association du Parlement...
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. C'est vrai !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée.... aux questions européennes. Je pense que nous avons déjà obtenu quelques résultats à cet égard.
Pour ma part, je vous parlerai aujourd'hui du projet de budget communautaire pour 2007 qui, dans son état actuel, est pratiquement définitif. Dans un premier temps, j'évoquerai les résultats de l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 sur les perspectives financières pour la période 2007-2013. Je terminerai mon propos sur l'avenir du budget communautaire, question dont je sais qu'elle retient votre attention et celle de M. le rapporteur spécial, autant que celle du Gouvernement.
Le projet de budget communautaire pour 2007 est le premier budget établi dans le cadre de l'accord sur les nouvelles perspectives financières 2007-2013, dont sont définitivement convenus le Parlement européen, le Conseil et la Commission le 17 mai dernier.
Cet accord interinstitutionnel avait été rendu possible par l'accord intervenu lors du Conseil européen de décembre 2005 entre les chefs d'État ou de gouvernement des Vingt-Cinq. De notre point de vue, il s'agit fondamentalement d'un bon accord, car il permettra de financer les politiques existantes dans le cadre d'une Europe élargie à vingt-cinq membres, bientôt à vingt-sept, d'assurer la solidarité à l'égard des nouveaux États membres et de lancer ou de renforcer des politiques nouvelles là où elles sont nécessaires.
Ainsi, le montant total du budget communautaire pour la période 2007-2013 atteindra-t-il 864,3 milliards d'euros en crédits d'engagement. Permettez-moi, madame Tasca, de vous rappeler que ce montant n'est pas si éloigné de celui qui avait été proposé par l'ancienne présidence luxembourgeoise et que la France avait accepté.
Vous savez également que notre pays a joué un rôle clé pour que l'accord se fasse en décembre, à défaut de s'être fait en juin, et qu'il réponde aux besoins de l'Union. J'y vois de la constance de notre part et non de l'incohérence. J'y vois même une réussite puisque, en euros constants, le budget européen augmente de plus de 55 milliards par rapport à 2006. Il est même supérieur de 4 milliards d'euros à l'accord conclu au Conseil européen. Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil écoute le Parlement et tient compte de ce qui lui est dit, en tout cas dans la sphère européenne.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Cela arrive parfois !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Sur ce total de 864,3 milliards d'euros, plus de 158 milliards d'euros seront investis dans les nouveaux États membres : ces transferts de solidarité représentent plus de trois points de PIB annuel pour ces pays, pendant les sept années à venir. Ils demeurent le meilleur moyen d'assurer la modernisation de nos nouveaux partenaires, leur rattrapage économique et social, et donc la réussite de l'élargissement.
Je suis convaincue que la cinquième vague d'élargissement qui vient de s'achever sera une réussite, parce que les conditions de cette réussite sont réunies.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. C'est vrai !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Monsieur le rapporteur général, j'ai bien entendu vos réflexions sur nos nouveaux partenaires et sur ce que traduisent certains mouvements électoraux.
Pourtant, je constate que l'idée européenne progresse à l'Est, comme en témoigne l'exemple de la Pologne. Le pays, sinon ses gouvernants, adhère chaque jour davantage à l'idée européenne.
Tout n'est donc pas si simple, et sachons voir les mouvements de l'histoire. En Europe, ce sont des mouvements de progrès. N'oublions pas ce que fut le XXe siècle !
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Très bien !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur spécial, ainsi que M. Jacques Blanc, et je vous en sais gré. Situons le débat où doit l'être.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Le principe de solidarité qui gouverne l'Union s'incarne également dans le nouveau fonds d'ajustement à la mondialisation, soutenu par la France, dont la mise en place devrait commencer au début de l'année 2007, pour autant que le Parlement européen vote, comme il a prévu de le faire, le 30 novembre, c'est-à-dire demain.
L'Union européenne lutte contre les délocalisations...
M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne sait pas trop comment !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. ...par de multiples moyens, notamment, je viens de l'indiquer, par l'élargissement. Elle aide également ceux qui ont perdu un emploi à en retrouver. Les 500 millions d'euros annuels que pourra consacrer le fonds d'ajustement à la mondialisation sont destinés à des dépenses que vous qualifieriez d' « actives ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas très convaincant !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Enfin, le budget consacré aux politiques de croissance sera en forte augmentation. Ainsi, les crédits destinés à la recherche croissent de 36 % par rapport à l'année 2006.
Le paquet financier 2007-2013 préserve également les intérêts français ; le Gouvernement y a veillé et continuera de le faire. La politique agricole commune est préservée, conformément aux engagements pris par le Président de la République au moment de sa réforme en 2002 puis en 2003.
L'ensemble du territoire français pourra continuer à bénéficier de la politique de cohésion, pour laquelle la dotation française devrait atteindre 14,3 milliards d'euros, en euros courants, pour la période budgétaire considérée.
Je précise, madame Tasca, que notre consommation de crédits s'est améliorée par rapport aux années passées. Les corrections financières sont toujours regrettables. Les négociations financières sont difficiles. Lorsque nous sommes heureux d'obtenir des résultats et des crédits, nous sommes malheureux de devoir en rendre. Continuons à nous améliorer, car les progrès considérables que nous avons réalisés par rapport à la période budgétaire précédente demeurent insuffisants.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. C'est vrai !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Par ailleurs, nous recevrons 6,4 milliards d'euros sur sept ans pour financer des actions dans le domaine du développement rural. M. Murat a rappelé l'importance de tous nos territoires pour notre pays, et je l'en remercie. Non seulement nous ne négligeons pas cette dimension, mais nous y tenons.
Nous bénéficierons naturellement aussi de retours sur d'autres politiques, comme la recherche.
Enfin, l'accord sur les perspectives financières 2007-2013 pose les bases d'une réforme permettant le financement équitable de l'élargissement, puisqu'il permet, pour la première fois depuis 1984, une révision profonde et durable, fair-play, si vous voulez, du rabais britannique. Celui-ci diminuera de 10,5 milliards d'euros sur la période 2007-2013. Cet accord organise aussi la future réforme du budget, évoquée par plusieurs d'entre vous, mais j'y reviendrai.
J'en viens maintenant au projet de budget de l'Union européenne pour l'année 2007.
Permettez-moi d'abord d'évoquer la contribution française au budget communautaire. En 2007, elle devrait s'établir à 18,7 milliards d'euros, contre 17,8 milliards d'euros l'an dernier, selon la prévision d'exécution dont nous disposons. Cette hausse s'explique par la conjugaison de l'entrée en vigueur des perspectives financières 2007-2013 que je viens de décrire et de l'achèvement progressif des programmes de la période 2000-2006. La France sera ainsi en 2007, derrière l'Allemagne et comme les années précédentes, le deuxième contributeur du budget communautaire, dont elle finance 16 % du total.
Mais la France sera aussi le deuxième bénéficiaire du budget derrière l'Espagne, avec des retours estimés à 13,5 milliards d'euros en 2005. Il est important de faire connaître ces chiffres-là tout autant que ceux de notre contribution, car comment pouvons-nous imaginer faire apprécier l'Europe à nos concitoyens si nous ne leur montrons pas qu'elle les aide dans leur vie quotidienne ?
C'est pourquoi, à partir du 1er janvier 2007, à la demande du Premier ministre et notamment en liaison avec les ministres de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, nous appliquerons un nouveau système d'affichage. À chaque fois qu'un projet aura été rendu possible grâce à des cofinancements européens, un dispositif d'information devra le signaler de façon obligatoire, systématique, avec quelques contrôles à la clef.
M. Jacques Blanc. Très bien !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. L'affichage sera donc la règle pour tous les projets dépassant 500 000 euros et un site Internet spécifique sera créé dans chaque région.
Au total, si l'on raisonne en solde net, c'est-à-dire en calculant la différence entre notre contribution brute et nos retours...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est détestable !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. ...- ce qui constitue une approche partielle déformant la réalité politique de l'Europe -, la France reste contributrice nette au budget européen ; elle fait partie des pays les plus développés. Ce solde net devrait passer en moyenne à 0,37 % de notre revenu national brut sur la période 2007-2013, soit environ 109 euros par an et par habitant.
Voilà le raisonnement purement comptable, mais ce n'est pas le bon !
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Ouf !
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Très bien !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Je remercie ceux d'entre vous qui l'ont souligné.
Si l'on veut savoir ce que l'Europe nous coûte et ce qu'elle nous rapporte il est indispensable de tenir compte aussi de tout ce qu'elle apporte et qui ne se retrouve pas dans les données budgétaires et donc dans le présent débat.
Je pense en particulier, sur le plan économique, aux gains issus du grand marché européen, qui représente les deux tiers de nos exportations ; je pense surtout aux gains politiques de la construction européenne que sont la paix, la liberté et la démocratie, qui n'ont pas de prix. Pensons-y quand nous parlons d'Europe !
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Tout à fait !
M. Denis Badré, rapporteur spécial. C'est très vrai !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Je vous remercie de l'avoir fait, monsieur le président de la délégation, monsieur le rapporteur spécial. L'Europe est évidemment l'un des meilleurs investissements que nous puissions faire ; je souscris pleinement à vos propos et à votre vision.
Le projet de budget communautaire pour 2007 sera le premier à vingt-sept États membres, comme l'ont également souligné M. Frimat et Mme Tasca. Il a été examiné par le Conseil de l'Union en première lecture le 14 juillet dernier, puis par le Parlement européen, toujours en première lecture, le 26 octobre.
Un accord a été trouvé hier entre le Parlement et le Conseil sur ce budget, sans modification des attributions des institutions qui demeurent fixées par les traités.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Tant mieux !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Le secrétaire général et haut représentant de l'Union a, par le traité, déjà l'obligation de faire rapport au Parlement européen.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. C'est vrai !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Cet accord devrait être validé sans changement aujourd'hui au Comité des représentants permanents, le COREPER, puis dans le courant du mois de décembre, en deuxième lecture, par le Parlement européen.
Le budget, qui devrait ainsi être formellement adopté avant la fin de l'année, s'élèvera, pour 2007, à 126,4 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 115,5 milliards d'euros en crédits de paiement.
Monsieur Frimat, vous avez souhaité connaître le contenu de cet accord et c'est légitime. Toujours sous la même réserve formelle, les dépenses en faveur de la croissance et de la compétitivité, la rubrique 1A, s'élèveraient à 9,3 milliards d'euros, soit une hausse de 18 % par rapport à 2006. Au sein de cette rubrique, les dépenses consacrées à la recherche sont majoritaires, avec une dotation de 5,4 milliards d'euros. Par ailleurs, conformément aux décisions prises au mois de décembre dernier par les chefs d'État et de Gouvernement, la Banque européenne d'investissement mettra en place, dès le début de l'année 2007, une facilité de financement pour la recherche, qui permettra de soutenir jusqu'à 30 milliards d'euros de projets supplémentaires.
Les autres volets de la rubrique 1A sont également en forte progression par rapport à 2006 : 27 % pour l'éducation, qui recouvre notamment les bourses Erasmus et Leonardo,...
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Très bien !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. ...18 % pour les réseaux transeuropéens, 52 % en faveur du programme pour l'innovation et la compétitivité, qui bénéficie notamment aux PME.
Les actions structurelles, rubrique 1B, sont dotées d'une enveloppe de 45,5 milliards d'euros, soit une augmentation de près de 15 % par rapport à 2006, ce qui en fait le premier poste du budget de l'Union, avec 36,2 % des dépenses, devant les dépenses agricoles de marché ; c'est la première année que le montant consacré aux fonds structurels et à la cohésion dépasse les dépenses agricoles de marché.
Cette politique bénéficie aux nouveaux États membres, comme j'en ai souligné l'intérêt, mais également à l'ensemble des territoires de l'Union. Nous y avons veillé, non sans difficultés.
La rubrique 2 regroupe l'ensemble des dépenses en matière de ressources naturelles. Pour les dépenses agricoles de marché, deuxième poste budgétaire de dépenses désormais, le projet prévoit une enveloppe de 42,4 milliards d'euros, soit une légère baisse des crédits de 1,4 % par rapport à l'année 2006.
La France s'est ralliée à cet accord parce qu'il préserve nos intérêts. En particulier, l'accord trouvé en deuxième lecture revient sur un certain nombre de réductions qui avaient été envisagées en première lecture portant sur le lait et sur les plus démunis, qui n'étaient pas acceptables par la France et contre lesquelles elle s'était élevée avec succès.
M. Murat a justement souligné que nous avions refusé de donner notre accord en première lecture. Ces réductions ayant été corrigées en deuxième lecture, nous avons pu approuver ce budget.
Par ailleurs, toujours sur la rubrique 2, les crédits consacrés au développement rural augmentent de 3 % et l'instrument financier en faveur de l'environnement LIFE+ voit ses moyens croître de 15 %.
Les actions concernant la justice et les affaires intérieures, rubrique 3A, augmentent de 150 % par rapport au budget précédent, à périmètre constant, c'est-à-dire en dehors des facilités Schengen et Kaliningrad qui expirent à la fin de l'année 2006. Nous y avons veillé, car les crédits étaient particulièrement faibles, comme l'a souligné M. le président de la délégation.
La priorité au sein de ce budget est accordée à la protection des frontières et à la gestion des flux migratoires, qui concentrent plus de la moitié des crédits. Chacun voit bien que le problème des migrations concerne l'Europe tout entière et non pas seulement certains de ses États membres ; il appelle donc des réponses européennes.
C'est ce que les chefs d'État et de Gouvernement ont évoqué en octobre dernier lors du Conseil informel de Lahti, en Finlande. Les États membres devront mieux coordonner leurs mesures nationales ; c'est particulièrement vrai au sein de l'espace Schengen, qui a supprimé les contrôles aux frontières intérieures, ce qui signifie que les décisions internes des États dans ce domaine ont forcément des effets sur les autres États membres.
C'est pourquoi, au-delà des nécessaires efforts budgétaires, il est indispensable de se doter en la matière d'une véritable discipline commune, dont les premiers éléments ont été agréés au Conseil « Justice et affaires intérieures » des 4 et 5 octobre 2006.
Monsieur Pozzo di Borgo, vous avez évoqué l'Agence des droits de l'homme et le budget du Conseil de l'Europe. S'agissant de l'Agence, les travaux se poursuivent au sein du Conseil et avec le Parlement européen. Nous avons approuvé le principe de cette agence...
M. Yves Pozzo di Borgo. Cela ne changera rien !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. ...mais les questions restent nombreuses, notamment sur son champ géographique et sur sa compétence éventuelle dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Sur ces points, nous attendons de nouvelles propositions de compromis de la part de la présidence.
Concernant le budget du Conseil de l'Europe, la France figure parmi les cinq premiers contributeurs, avec une contribution qui s'élève à 38 millions d'euros, soit 12,5 %. Il s'agit de la deuxième contribution de notre pays aux organisations internationales. La discussion budgétaire se poursuit à Strasbourg. Si une augmentation du budget du Conseil de l'Europe était décidée, nous devrions, le moment venu, trouver le moyen de tenir nos engagements. Je ne doute pas que nous y parvenions. (M. Yves Pozzo di Borgo s'exclame.)
Les crédits consacrés à la mise en oeuvre des programmes Culture, Media, Jeunesse, Santé et Protection des consommateurs, qui figurent sous la rubrique 3B, s'élèvent à 600 millions d'euros, ce qui correspond globalement à une diminution d'environ 4 % par rapport à 2006, même si les crédits de paiement sont en progression.
En outre, cette rubrique devrait voir ses crédits augmenter pour les années suivantes, puisque l'accord sur les perspectives financières prévoit une hausse de 14 % sur la période 2007-2013.
La rubrique 4, les actions extérieures, se voit dotée d'un budget d'un peu plus de 6,6 milliards d'euros. Monsieur Foucaud, la forte baisse apparente par rapport à l'année 2006 tient à un effet de périmètre lié à la sortie de cette rubrique, à partir de 2007, des crédits destinés à la Bulgarie et à la Roumanie. Nul n'ignore en effet que la Bulgarie et la Roumanie, où je me rends à compter de ce soir, nous rejoindront à partir du 1er janvier prochain.
Neutralisés de cet effet, les crédits de la rubrique 4 progressent d'environ 1,5 %. Je rappelle que ces crédits recouvrent notamment l'aide publique au développement, dont l'Union européenne et ses États membres sont les premiers contributeurs au monde. Leur participation représente plus de la moitié des fonds, de même qu'ils fournissent plus de 60 % de l'aide à l'Afrique.
Nous, Européens, avons pris en 2002 des engagements pour augmenter cette aide. Nous les tenons ! D'ailleurs, la Haute Assemblée sait bien que la France se bat pour accroître les moyens consacrés au développement, y compris grâce à des financements innovants, car elle a voté la création de la taxe sur les billets d'avion, qui représente 200 millions d'euros en année pleine. Il est à noter qu'une douzaine de pays ont d'ores et déjà rejoint notre initiative.
Alors que le Parlement européen avait envisagé de réduire de moitié les crédits de la PESC, le Conseil, notamment sur l'initiative de la France, a rétabli ces crédits dans l'avant-projet de budget - l'accord vient d'avoir lieu -, soit 159,2 millions d'euros, en hausse de plus de 50 % par rapport à l'année précédente.
La cinquième rubrique concerne les dépenses administratives. Celles-ci s'élèvent à un peu plus de 6,8 milliards d'euros, soit une hausse limitée à 3,7 %, ce qui est très raisonnable dans le cadre d'une Union passée à vingt-sept États membres.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget pour 2007 reflète les priorités de l'accord sur les perspectives financières.
Pour conclure, permettez-moi d'évoquer l'avenir du budget communautaire.
Je l'ai déjà dit, l'accord intervenu pour la période 2007-2013 est bon et permet dès maintenant de financer l'Europe élargie. Pour tout dire, c'était même le seul accord à notre portée.
Nous le savons bien, le monde n'est pas statique. Nous savons aussi que les attentes de nos concitoyens à l'égard de l'Europe, loin de diminuer, s'accroissent et changent de nature, je l'ai d'ailleurs souvent souligné. En un mot, ils lui demandent désormais de devenir un acteur global, une puissance dans la mondialisation. C'est la raison pour laquelle, monsieur Arthuis, les autorités françaises, tout comme les plus hautes autorités allemandes, ont exprimé leur intérêt face au rapprochement d'Euronext et de la bourse de Francfort. Or, ne l'oublions pas, dans cette opération, la décision appartient aux opérateurs et à leurs actionnaires.
Nous cherchons les moyens de mieux adapter l'Union européenne au monde d'aujourd'hui, comme l'ont fait les chefs d'État ou de gouvernement au Conseil informel de Hampton Court l'an dernier - qui était essentiellement consacré à cette problématique d'avenir -, puis à nouveau à celui de Lahti le 20 octobre en décidant de nouvelles orientations sur les questions de migrations, d'énergie et d'innovation. Ce qui vaut pour les politiques vaudra naturellement pour le budget européen, qu'il faudra adapter dans le futur.
C'est d'ailleurs parce qu'ils étaient conscients de la nécessité de cette future réforme que les chefs d'État ou de gouvernement ont prévu en décembre 2005 un rendez-vous en 2008-2009 pour commencer à préparer le budget de l'après-2013. Cette réflexion devra bien sûr se faire dans le respect des engagements pris jusqu'en 2013. Les décisions n'entreront en vigueur qu'après le 1er janvier 2014.
Nous souhaitons aborder cette réflexion dans un esprit d'initiative - sans attendre, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur spécial - et marcher main dans la main avec notre partenaire allemand, qui commencera sa présidence dans quelques semaines.
Sans doute faudra-t-il, à terme, doter ce budget d'une ressource propre véritablement européenne pour clore enfin ces marchandages récurrents entre pays européens sur qui finance quoi et pour combien. Plusieurs d'entre vous ont regretté ces marchandages. MM. Yves Pozzo di Borgo et Jacques Blanc ont même évoqué des pistes de solution. Je sais que votre commission des finances et votre Délégation pour l'Union européenne y travaillent déjà avec M. Alain Lamassoure, ancien ministre et député européen ; je sais aussi que vous aborderez le sujet lors de la prochaine réunion commune du Parlement européen et des Parlements nationaux les 4 et 5 décembre. Je suis cette réflexion avec attention et j'en attends beaucoup, comme, d'une façon générale, de tous les travaux de la COSAC, et je suis avec intérêt vos récentes propositions, monsieur Haenel.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Merci, madame la ministre !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget pour 2007, comme l'accord sur les perspectives financières 2007-2013, marque une réorientation des priorités de l'Union européenne : plus d'efforts pour la compétitivité, plus d'efforts pour la solidarité dans notre continent.
Cinquante ans après le traité de Rome, dont nous fêterons l'anniversaire le 25 mars prochain, reconnaissons-le, malgré des hauts et des bas, la construction européenne a constamment progressé. Et si nos concitoyens expriment des interrogations à son égard, ils expriment aussi de fortes attentes. À nous d'agir efficacement pour y répondre.
J'ai entendu l'appel que plusieurs d'entre vous ont lancé afin que les questions européennes soient traitées à leur juste place dans le débat politique important que va connaître notre pays. J'ai moi-même en d'autres occasions - et je recommencerai - publiquement formé le même voeu. L'Europe doit être un élément du choix démocratique de 2007 !
M. Jacques Blanc. Très bien !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Je le répète, à nous d'agir. Pour l'heure, le budget européen exprime des choix, il est le reflet de cette volonté. C'est pourquoi je vous demande de voter aujourd'hui le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne au titre de son budget pour 2007. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous passons à la discussion de l'article 32.
Article 32
Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est évalué pour l'exercice 2007 à 18,696 milliards d'euros.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 32.
(L'article 32 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quinze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.