Article 3
I. - 1. Les montants et taux applicables aux revenus de l'année 2006 figurant dans l'article 200 sexies du code général des impôts tel que fixé par le A du I de l'article 6 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 sont remplacés par les montants et taux suivants :
Montants et taux figurant dans la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 |
Montants et taux applicables |
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Dans le A du I |
15 758 € |
16 042 € |
31 514 € |
32 081 € |
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4 354 € |
4 432 € |
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Dans les 1° du B du I, 3° du A du II et B du II |
3 570 € |
3 695 € |
Dans le 1° du A du II |
11 899 € |
12 315 € |
Dans les 1° et 2° du B du I, 1° et 3° (a et b) du A du II et C du II |
16 659 € |
17 227 € |
Dans le 3° (b et c) du A du II |
23 798 € |
24 630 € |
Dans les 1° et 2° du B du I, 3° (c) du A du II et C du II |
25 376 € |
26 231 € |
Dans le 1° du A du II |
6,8 % |
7,7 % |
17,0 % |
19,3 % |
|
Dans les a et b du 3° du A du II |
81 € |
82 € |
Dans le B du II |
35 € |
36 € |
70 € |
72 € |
2. Dans le c du 3° du A du II de l'article 200 sexies du même code, le taux : « 5,5 % » est remplacé par le taux : « 5,1 % ».
II. - Le I de l'article 200 sexies du même code est complété par un C ainsi rédigé :
« C. - Les membres du foyer fiscal ne doivent pas être passibles de l'impôt de solidarité sur la fortune visé à l'article 885 A au titre de l'année de réalisation des revenus d'activité professionnelle visés au premier alinéa du présent article. »
III. - Le Gouvernement remet aux commissions des finances des deux assemblées du Parlement, avant le 1er septembre 2007, un rapport relatif aux modalités de rapprochement du versement de la prime pour l'emploi et de la période d'activité, et aux modalités d'inscription du montant de la prime pour l'emploi sur le bulletin de salaire.
Mme la présidente. L'amendement n° I-109, présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Modifier ainsi le tableau constituant le second alinéa du 1 du I de cet article :
1° Dans la dixième ligne de la troisième colonne, remplacer le pourcentage :
7,7 %
par le pourcentage :
9,2 %
2° Dans la onzième ligne de la troisième colonne, remplacer le pourcentage :
19,3 %
par le pourcentage :
23 %
II - Compléter le 1 du I de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement concerne la prime pour l'emploi, la PPE.
Le gouvernement de Lionel Jospin avait créé le mécanisme de la prime pour l'emploi afin de permettre le retour à l'activité de personnes qui en étaient très éloignées. Ces dernières étaient en effet confrontées à une sorte de dilemme économique dont les termes étaient les suivants : quel intérêt aurai-je à retrouver une activité salariée très modestement payée, en particulier au SMIC, si, parallèlement je perds un certain nombre de droits liés aux revenus de la solidarité nationale, aux revenus d'assistance, notamment au RMI ?
L'idée qui avait présidé à la mise en place de ce dispositif était donc de favoriser le retour à l'emploi. Contrairement à ce que disent souvent nos collègues de la majorité, à gauche, on respecte la valeur travail.
Mais, de fil en aiguille, notamment depuis 2002, le Gouvernement - j'en veux pour preuve le débat qui a eu lieu sur une éventuelle réforme de ce dispositif, à laquelle vous avez renoncé pour ce projet de loi de finances - se sert de la prime pour l'emploi pour faire montre d'une politique active en faveur du pouvoir d'achat. Il l'inclut donc dans l'« effort » réalisé en faveur du pouvoir d'achat, lequel fera certainement l'objet d'un débat de fond à l'occasion de l'élection qui s'annonce.
L'amendement n° I-109 vise donc à augmenter significativement la prime pour l'emploi, de manière qu'elle atteigne, dès 2007, le montant qui avait été annoncé en 2003, à savoir l'équivalent d'un mois de travail pour un salarié payé au SMIC.
Vous vous vantez, monsieur le ministre, de favoriser le pouvoir d'achat des plus modestes. Or, jusqu'à présent, vous vous êtes contenté de mesures limitées concernant la prime pour l'emploi, en mélangeant à dessein simples indexations et coups de pouce restreints, alors que votre gouvernement a interrompu le mouvement de hausse qui avait été programmé dès 2001.
En 2007, le Gouvernement se targuera d'un doublement de la prime pour l'emploi. En réalité, son effort se limite à doubler le montant qu'il envisageait initialement d'y affecter, qui passerait de 500 millions d'euros à un milliard d'euros. Les moyens affectés à la PPE n'auront donc que péniblement doublé entre 2002 et 2007, contrairement à ce qui avait été annoncé en 2003.
Par ailleurs, des mesures techniques coûteuses, notamment le versement mensuel de la prime, dont l'efficacité n'est pas avérée, et l'élargissement du nombre de bénéficiaires, lié au tassement des rémunérations, expliquent une part importante de la hausse du montant consacré à la PPE. Encore avons-nous échappé aux mesures proposées par certains membres du Gouvernement, consistant à faire reverser les trop-perçus aux impôts par ceux qui sont vraiment au bas de l'échelle des rémunérations !
Considérant que la consommation interne est un moteur de croissance économique, nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir adopter l'amendement n° I-109.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission estime que le coût de la mesure prévue par cet amendement serait assez élevé, car le passage d'une majoration de 20 %, proposée par l'article, à une majoration de 30 % entraîne une dépense supplémentaire de 1 milliard d'euros. Vous le comprendrez, madame Bricq, puisque vous êtes membre de la commission des finances, je ne peux pas vous suivre sur ce terrain !
Je souhaite cependant profiter de l'occasion qui m'est donnée pour me tourner vers M. le ministre et évoquer certains éléments relatifs à la prime pour l'emploi qui figurent dans mon rapport écrit.
En effet, j'ai été frappé par toute une série d'anomalies de gestion qui ont été relevées en particulier par la Cour des comptes. Celle-ci note que, pour les trois quarts des membres des foyers ayant bénéficié en 2003 d'une prime individuelle, les revenus ou les heures déclarés présentaient des anomalies : 35 % de surdéclarations, 25 % de sous-déclarations et 15 % d'inexactitudes.
Le contrôle de la prime pour l'emploi et des déclarations nécessaires pour en bénéficier pose, me semble-t-il, un sérieux problème d'administration. La fréquence des anomalies et le fait que celles qui se traduisent par une attribution indue de PPE soient beaucoup plus nombreuses, et de loin, que celles qui ont pour conséquence un manque à gagner pour le contribuable signifient, monsieur le ministre, que le coût pour l'État des dysfonctionnements de ce système est loin d'être négligeable.
Or ce coût va s'accroître avec la générosité supplémentaire dont on fait preuve, de loi de finances en loi de finances, concernant ce dispositif, sans que l'on s'interroge suffisamment sur son adéquation avec les objectifs poursuivis.
J'espère en tout cas que les services de vérification de votre ministère utilisent les données révélant ces anomalies pour améliorer le contrôle fiscal des contribuables qui surdéclarent ou sous-déclarent leurs revenus. Pouvez-vous m'assurer que telle est bien la méthode de recoupement suivie ?
Je serais également heureux que vous puissiez répondre aux questions suivantes : quels sont le montant global et le montant moyen des trop-perçus de prime pour l'emploi ? Plus précisément, quels sont ces montants pour les foyers dont le revenu a augmenté et pour les contribuables ayant perdu leur emploi ? À combien peut-on évaluer les sommes dont l'État renoncera à obtenir le remboursement ?
Pour le moment, monsieur le ministre, je n'ai pas reçu de réponse à ces questions, bien que ces sujets aient figuré, si je ne m'abuse, dans des questionnaires écrits.
Au demeurant, comment concevoir de délibérer sur une extension de ce dispositif, si nous ne sommes pas en mesure de bien en cerner l'application ? Peut-on nous assurer que, en termes de contrôle de gestion et de bon usage des deniers publics, le dispositif de la prime pour l'emploi est correctement contrôlé ?
Il m'a simplement été précisé que les services seraient en mesure d'effectuer un traitement des anomalies au cas par cas, sans redéploiement d'effectifs. Imaginant la difficulté du problème, j'avoue que cette réponse ne me paraît pas satisfaisante. Il n'est pas vraiment possible de s'en contenter.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques interrogations dont je voulais vous faire part à l'occasion de cette discussion en séance publique, en renvoyant bien entendu à plus tard la question du devenir de ce dispositif. Le Sénat, voilà de nombreuses années - Alain Lambert s'en souvient, puisqu'il présidait alors la commission des finances -, l'avait voulu comme un impôt négatif, il l'avait voulu comme un outil du retour à l'emploi.
Or la PPE est devenue, au fur et à mesure des générosités successives, un outil de distribution de pouvoir d'achat. D'ailleurs, si nous suivions les propositions de Mme Bricq, cette dérive ne ferait que s'accélérer sans cesse. Mais est-ce vraiment ce qu'il faut faire ? Est-ce vraiment ce que l'on veut faire ? Sommes-nous assurés que la dépense considérable engendrée par la prime pour l'emploi est vraiment un levier pour le retour à l'emploi ? Est-ce un levier pour faire passer les bas et les très bas salaires à des rémunérations plus substantielles ? Quels sont les objectifs poursuivis ? La cible est-elle suffisamment bien déterminée ? N'a-t-on pas cédé à la tentation d'un élargissement rendant cette prime moins incitative et moins utile économiquement, tout en alourdissant son coût budgétaire ?
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite prolonger cette série de questions adressées au Gouvernement par M. le rapporteur général.
Tout d'abord, il faut noter que le pouvoir d'achat supplémentaire qui sera octroyé sera financé par un recours à l'emprunt. En effet, ce supplément de prime pour l'emploi creusera un peu plus le déficit et augmentera donc le recours à l'emprunt.
En outre, certains économistes estiment que tout supplément de prime pour l'emploi se traduit immanquablement par une augmentation significative de l'importation de biens de consommation issus de quelques pays largement producteurs de ces biens.
Monsieur le ministre, le ministère a-t-il pu faire une évaluation de la conversion de ces primes en importations supplémentaires ? Comme vous, nous sommes préoccupés par l'évolution de la balance commerciale et nous ne sommes pas sûrs que ces distributions contribuent véritablement à favoriser l'emploi.
Le véritable accroissement de pouvoir d'achat, c'est celui qui résulte d'un supplément de travail et de la croissance, et non pas d'une distribution de fonds publics. Il s'agit là d'un schéma qui, à mon avis, contredit quelque peu les convictions que nous exprimons, les uns et les autres, quotidiennement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Si Mme Bricq m'y autorise, avant de développer l'avis du Gouvernement sur son amendement, je vais répondre aux observations et questions de M. le rapporteur général et de M. le président de la commission.
La prime pour l'emploi a été introduite par le gouvernement de Lionel Jospin à la suite de la décision du Conseil constitutionnel d'annuler la disposition communément appelée « impôt négatif », mécanisme emprunté à la Grande-Bretagne et qui n'a pas pu être mis en oeuvre en France. Par conséquent, la prime pour l'emploi est un succédané ou, pour utiliser le jargon économique, un « optimum de deuxième rang ».
Néanmoins, je souhaite en prendre la défense en apportant quelques éclaircissements, car j'ai le sentiment que vous portez sur cette disposition, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, un regard un peu sévère.
Tout d'abord, la PPE, je le rappelle, est une mesure d'incitation à la reprise du travail. Vous vous interrogiez tout à l'heure sur le fait de savoir s'il existait une cohérence entre cette prime et les valeurs défendues par la majorité. Il me semble que oui.
La différence entre le SMIC et le RMI est a priori assez importante, puisque le SMIC représente le double du RMI. Mais il ne faut pas oublier que les avantages liés au RMI disparaissent instantanément lorsque l'on est au SMIC. En « gonflant » la PPE, il s'agit d'agrandir l'écart entre le gain engendré par le RMI et celui qui résulte du SMIC.
Permettez-moi de vous donner des exemples très concrets. Le SMIC correspond environ à 1 000 euros, le RMI à 450 euros. Mais il faut savoir que les personnes au RMI disposent de la CMU et de la CMU complémentaire. Elles bénéficient d'exonérations d'impôts locaux, ne payent pas la redevance audiovisuelle et profitent d'un certain nombre de services gratuits : l'abonnement à EDF, la cantine scolaire, les transports scolaires, les gardes d'enfants. Le fait de reprendre un travail payé au niveau du SMIC entraîne la disparition de tous ces avantages. Il faut en outre trouver une solution, le cas échéant, pour faire garder les enfants !
La prime pour l'emploi, de ce point de vue, est une valorisation du travail. Si le Premier ministre a décidé de s'engager dans la voie de la revalorisation, dans des proportions importantes, de la prime pour l'emploi, c'est tout simplement pour doper la rémunération liée au travail par rapport à la rémunération liée à l'éloignement du travail.
On pourra m'objecter, à juste titre, que la prime pour l'emploi pose un problème philosophique dans la mesure où elle se traduit par un chèque de l'État. C'est la raison pour laquelle je suis de ceux qui pensent qu'il faut l'intégrer dans la feuille de paie. J'ai d'ailleurs demandé à la mission de l'inspection générale des finances qui doit me rendre un rapport en fin d'année sur la PPE, d'étudier cette piste.
De la même manière, on voit bien que la PPE ne suffit pas à elle seule. Un salarié n'a pas pour objectif de rester toute sa vie au SMIC ; c'est d'ailleurs pourquoi je suis très hostile à la proposition de M. Fabius d'augmenter le SMIC à 1 500 euros. Je pense que le vrai débat ne porte pas sur l'augmentation à l'infini du SMIC, mais sur les moyens à mettre en oeuvre pour permettre aux salariés concernés d'entrer dans un processus où ils puissent gagner plus que le SMIC, le plus rapidement possible, grâce aux heures supplémentaires, à la qualification, etc. Il n'a d'ailleurs pas échappé à MM. Marini et Arthuis que la PPE diminue lorsque le salaire s'élève au-dessus du niveau du SMIC : le dispositif a bien une cohérence d'ensemble.
Allons au bout de vos interrogations : vous m'avez demandé, monsieur Arthuis, si l'incidence de la PPE sur les importations de biens de consommation avait été mesurée, puisqu'elle peut, effectivement, avoir des répercussions à ce niveau. Je suis obligé de vous répondre que nous nous heurtons ici à la difficulté intrinsèque à toute mesure de politique économique, vous êtes bien placé pour le savoir : les effets des mesures prises ne peuvent pas tous être ciblés.
Je rappelle que la PPE est d'abord une mesure d'incitation au retour à l'emploi et pas seulement une mesure de soutien du pouvoir d'achat. Une fois que la capacité de consommer a été, en quelque sorte, « dopée », il appartient à notre économie d'être suffisamment performante pour produire en France des produits susceptibles de satisfaire cette demande nouvelle. Cela induit d'autres réformes comme, par exemple, la TVA sociale : vous nous avez fort sagement rappelé hier que vous y êtes profondément attaché ! (M. Arthuis approuve.)
En ce qui concerne les inquiétudes tout à fait légitimes sur la gestion de la PPE évoquées par M. Marini, qui reprenait les conclusions du rapport - remarquable, comme toujours - de la Cour des comptes, nous devons, évidemment, répondre à cette alerte, en vérifiant ses modalités de gestion, les effectifs employés, etc. et en évaluant, notamment, la réalité du risque de fraude.
L'audit que j'ai confié à l'inspection générale des finances doit aussi aborder cette question, puisque j'ai demandé un diagnostic sur la nature et l'ampleur des anomalies constatées dans le versement de la PPE. Il conviendra, bien entendu, de dissocier ce qui relève de l'erreur de ce qui relève de la mauvaise foi. Il faut bien voir que les cas de fraude caractérisée se limitent, soit à une usurpation d'identité - qui peut intervenir également dans une fraude à la sécurité sociale, ou tout autre type de fraude, d'ailleurs -, soit à la sous-estimation de son revenu en vue d'être éligible à la PPE.
Avec la déclaration préremplie, le problème ne se posera plus de la même manière, nous pourrons en mesurer les effets dès cette année.
Nous allons donc examiner cette question de très près. Je vous communiquerai, bien sûr, les conclusions de cet audit qui seront rendues publiques, puisque j'ai à coeur, comme vous le savez, de publier tous les audits que nous faisons réaliser, notamment sur Internet.
Je répondrai maintenant à Mme Bricq, en la priant de m'excuser de terminer par sa question, mais il m'a paru plus cohérent de procéder ainsi.
Permettez-moi, madame, en premier lieu, de rappeler le chemin parcouru : au début du deuxième mandat du président Chirac, la PPE était en moyenne de l'ordre de 380 euros ; elle s'élève maintenant à 948 euros, soit pratiquement 1 000 euros ou l'équivalent d'un treizième mois. Cela représente un très bel effort !
Vous me demandez s'il n'est pas possible de faire encore mieux : c'est sans doute possible ! En tout état de cause, je déduis de votre question que vous n'êtes pas foncièrement hostile au fait que nous ayons déjà augmenté la PPE. En vertu du proverbe selon lequel « qui peut le plus, peut le moins », je peux formuler le secret espoir que vous voterez cette mesure, puisqu'elle correspond à ce que vous souhaitez, même si vous considérez que nous devrions aller plus loin ! Nous avons quasiment triplé la prime pour l'emploi, nous pourrions bien sûr la quintupler ou la sextupler, mais ce n'est déjà pas si mal !
En second lieu, la prime pour l'emploi n'est qu'une incitation à reprendre un travail. Il nous faut maintenant lutter contre ce que l'on appelle la « trappe à bas salaires », pour permettre aux salariés concernés de gagner plus. Cette question fera l'objet d'un débat dans les mois qui viennent, à l'occasion de l'élection présidentielle. À titre personnel, je m'engagerai totalement dans ce débat, notamment parce que je pense qu'il est temps d'aborder ces questions, de poser le problème des charges sociales, notamment des charges sociales salariales, etc. Nous aurons donc l'occasion d'y revenir.
Enfin, il y a un impératif de finances publiques à respecter : je n'ai pas pu aller au-delà des montants inscrits dans ce projet de loi de finances, j'aurais bien aimé le faire, mais il faut que les comptes soient ronds.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'invite votre assemblée à repousser cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste a eu raison de déposer cet amendement parce qu'il a permis un débat sur le fond. En présentant cet amendement, j'ai rappelé, à titre liminaire, que l'esprit originel de la prime pour l'emploi était bien de favoriser le retour à une activité salariée et qu'il a été perdu de vue, me semble-t-il, monsieur le ministre, depuis que votre majorité a accédé aux responsabilités.
Je souscris à l'explication que vous avez donnée. Quand nous avons mis en place cette prime pour l'emploi, nous avons peut-être eu tort, effectivement, de ne pas aller au bout de notre logique qui était celle de l'impôt négatif - j'emploie cette expression même si c'est une mauvaise traduction. La prime pour l'emploi a donc souffert, dès le départ, d'une ambiguïté.
Mais avec vous, il n'y a plus aucune ambiguïté : vous en faites un instrument de défense du pouvoir d'achat. C'est là que votre raisonnement ne tient pas. Si vous aviez respecté l'esprit originel, vous auriez dû conduire une politique macro-économique tendant à augmenter le nombre d'emplois salariés dans le secteur marchand. Or tous les chiffres montrent que, depuis que vous êtes aux affaires, l'amélioration de l'emploi est due à la modification des statistiques, aux emplois aidés - que vous avez rétablis après les avoir supprimés, mais pas au niveau antérieur - et à la démographie, bien sûr. Au demeurant, le taux de croissance actuel ne permet tout simplement pas à l'économie de créer des emplois.
À partir du moment où vous utilisez la PPE pour soutenir le pouvoir d'achat, nous acquiesçons, mais nous vous demandons de l'augmenter dans la mesure où notre économie connaît, effectivement, un problème de pouvoir d'achat.
M. le rapporteur général balaie mon amendement sous prétexte qu'il coûte trop cher, puisque la dépense supplémentaire induite passerait de 500 millions à 1 milliard d'euros.
Revenons alors sur un autre débat qui nous oppose : vous n'avez cessé, depuis cinq ans, de créer des niches fiscales, et cela continue, monsieur le rapporteur général, vous le savez ! Les niches fiscales introduites successivement dans les lois de finances depuis 2002 n'atteindront leur plein effet qu'en 2006, 2007, 2008. Vous avez pris de l'avance sur les budgets futurs !
Cette politique de baisses d'impôts, inefficace et injuste - nous l'avons dit et nous le redirons tout au long de cette discussion -, ne profite qu'à une catégorie de la population. Or, sans elle, ni les déficits ni l'endettement n'auraient atteint les niveaux actuels et le budget disposerait des crédits nécessaires pour satisfaire les besoins des plus mal lotis.
Quant à la référence au SMIC à 1 500 euros qu'a faite M. le ministre, ce n'est pas une proposition de M. Fabius, mais de tous les socialistes !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je saisis l'occasion de la discussion de cet amendement déposé par nos collègues socialistes pour revenir sur le contenu de la prime pour l'emploi.
Selon les éléments fournis par le rapport général, plus de 9 millions de foyers fiscaux bénéficient aujourd'hui de ce crédit d'impôt. Le nombre de salariés faiblement rémunérés ne cesse donc de croître, au moment même où les patrimoines des plus fortunés progressent.
Je mettrai en parallèle le nombre d'attributaires de la prime pour l'emploi et celui des personnes vivant sous le seuil de pauvreté, évalué à environ 7 millions, si l'on en croit une publication toute récente de l'INSEE.
Les corrélations entre les deux populations existent, même si elles ne sont pas parfaites. Elles confirment la réalité : malgré la richesse créée par le travail, malgré la masse importante que constitue le produit intérieur brut marchand, malgré le fait que notre pays demeure la cinquième puissance économique du monde, le partage des fruits du travail n'est pas équitable et induit des inégalités de revenus, de situations et de patrimoines parfaitement intolérables. Le nombre important de bénéficiaires de la prime pour l'emploi en atteste.
Comme vient de le rappeler Nicole Bricq, la PPE était initialement une aide au retour à l'emploi, tendant à épargner à ceux qui retrouvaient un travail les conséquences financières dues à la perte des aides dont ils pouvaient bénéficier, en particulier les aides au logement et quelques autres. Elle est aujourd'hui revalorisée afin de constituer pour ses bénéficiaires un véritable treizième mois de rémunération, selon l'objectif énoncé dans le bleu budgétaire.
Nous ne somme plus du tout dans la démarche initiale ! En clair, la PPE s'inscrit en lieu et place d'une rémunération, laquelle correspond aux efforts accomplis par le salarié en termes de production, de productivité du travail. Elle se résume à un dispositif d'impôt négatif, financé par l'impôt, donc en dehors, en quelque sorte, du lieu où s'accomplit l'activité professionnelle.
Compte tenu de la structure des recettes du budget de l'État, ce crédit d'impôt est financé, d'abord et avant tout, par le biais de la TVA ou des droits indirects de toute nature. C'est-à-dire, pour faire court, que les salariés « bénéficiaires » de la prime pour l'emploi paient eux-mêmes, notamment au travers de leurs achats quotidiens, le montant de l'aide qu'on va ensuite leur rétrocéder.
Par ailleurs, faut-il le souligner, cette prime pour l'emploi ne dispense pas ses bénéficiaires de payer la contribution sociale généralisée. Même si vous proposez d'ajouter en effet 500 millions d'euros au montant consacré à la PPE, ce seront quand même des sommes très importantes - 2 269 millions d'euros de CSG et 147 millions d'euros de CRDS - qui seront payées et supportées essentiellement par les salariés l'année prochaine.
De plus, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, en raison de son champ d'application, la prime pour l'emploi s'avère malheureusement - c'est le constat que l'on peut faire sur le terrain - une incitation au développement de l'emploi à temps partiel imposé, sous rémunéré, qui ne constitue pas le meilleur mode de reconnaissance des compétences professionnelles des salariés. Le rapport du CERC dont je parlais tout à l'heure nous incite à réfléchir sur ce sujet.
Si on y ajoute une autre mesure prise par votre gouvernement, la réduction des charges salariales pour tous les salariés payés au SMIC, on voit bien que votre conception de la politique de l'emploi se traduit par une baisse du revenu salarial.
Telles sont les observations que nous voulions présenter à l'occasion de la discussion de cet article. Nous ne prendrons pas part au vote sur cet amendement : nous pensons en effet que c'est une véritable amélioration du pouvoir d'achat via le salaire qui est à l'ordre du jour et nous sommes aussi de ceux qui proposent de porter le SMIC à 1 500 euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.
M. Alain Lambert. Je souhaite également expliquer mon vote sur l'amendement n° I-109 et sur l'article 3.
Je suis naturellement opposé à cet amendement, pour des raisons que Mme Bricq a parfaitement exposées. Notre collègue estime en effet que la prime pour l'emploi n'est plus appropriée à l'objectif poursuivi, mais elle propose d'accroître les sommes qui y sont consacrées. Je ne trouve pas cette explication totalement cohérente, c'est pourquoi cet amendement ne me convainc pas.
Je voulais en outre vous dire, monsieur le ministre, que je suis plus convaincu par l'analyse du rapporteur général, développée dans son rapport très documenté, et par celle du président de la commission des finances que par celle que vous nous avez présentée, toute révérence gardée.
Je tiens à souligner, monsieur le ministre, que le rapport d'audit qui vous sera remis par l'inspection générale des finances sera décisif. Si vous ne parvenez pas à faire en sorte que la prime pour l'emploi figure sur la feuille de paye, il faudra supprimer ce dispositif.
En effet, nous ne pouvons pas continuer à consacrer une part aussi importante du fruit du travail des Français au versement de primes dont, au fond, on ne sait pas de façon certaine à qui elles profitent. Comme l'explique très bien le rapport de M. Marini, il s'agit d'un instrument inefficace, complexe, mal contrôlé et, finalement, sans relation avec le travail.
Monsieur le ministre, puisque vous avez affirmé que vous teniez beaucoup, vous aussi, à ce que la prime pour l'emploi apparaisse sur la feuille de paye, attachez-vous à cet objectif ; s'il ne peut être atteint, il faudra que nous ayons le courage de supprimer ce dispositif, je le répète, car nous ne pouvons continuer comme cela.
M. le rapporteur général l'a dit : c'est par solidarité qu'il préconise l'adoption de l'article 3. Je suis exactement dans les mêmes dispositions que lui, mais je ne pense pas que nous puissions, au nom de la solidarité, poursuivre dans cette voie pendant vingt-cinq ans. C'est donc la dernière fois, pour ma part, que je voterai un tel article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-109.