M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de poser ma question, je vous prie d'excuser ceux de nos collègues qui, en cet instant, assistent aux obsèques de l'épouse du secrétaire général du groupe communiste républicain et citoyen.
M. le président. Le Sénat y est représenté, mon cher collègue.
M. Guy Fischer. Je vous en remercie infiniment, monsieur le président.
Le 18 octobre dernier, faisant sienne une proposition du commissaire Charlie McCreevy, la Commission européenne a franchi une ultime étape dans la libéralisation du marché postal.
Le projet de directive adopté prévoit, en effet, une ouverture totale à la concurrence du secteur courrier au 1er janvier 2009. Le domaine réservé des plis de moins de cinquante grammes devrait être ouvert à tous les opérateurs du marché.
Ce processus de libéralisation des activités postales conduira à une dépréciation de la qualité du service rendu à la population et à une dégradation des conditions de travail des salariés. Si cette directive était adoptée, elle signerait la fin d'un véritable service postal universel.
Face à la gravité d'un tel projet, la mobilisation s'organise en France, ainsi qu'à l'échelon européen, confirmant la défiance des populations à l'égard de la libéralisation des services publics.
Pourtant hier, le Parlement européen a voté, en session plénière, la directive sur les services, dite Bolkestein.
Alors qu'il déclarait avant le référendum du 29 mai 2005 que cette directive était « inacceptable », le Gouvernement a tout simplement laissé la procédure législative se poursuivre. C'est la version proposée par les États membres en mai dernier qui a finalement été adoptée. Certes, elle abandonne le principe du pays d'origine, mais elle n'affirme pas la primauté du droit du pays d'accueil. Cette zone d'ombre laisse augurer un « dumping social » et de nombreux recours juridiques.
La directive « services », comme le projet de libéralisation totale des activités postales, s'inscrit dans la droite ligne de la dérégulation, donnant la priorité à l'intégration par le marché, fondée sur la rentabilité des activités au détriment des usagers et des salariés.
De plus, il semblerait qu'après l'avoir écarté de la directive « services », la Commission remette la libéralisation du secteur de la santé à l'ordre du jour.
En dépit de la condamnation claire par nos concitoyens du traité constitutionnel européen, le Gouvernement ne s'est pas réellement opposé à la libéralisation totale des services dans le marché intérieur. La négociation de la directive relative à la poste devrait être l'occasion pour vous, monsieur le ministre, de promouvoir une conception exigeante des services publics à l'échelle européenne.
M. Dominique Braye. La question !
M. Guy Fischer. Dès lors, avez-vous l'intention de vous opposer à la libéralisation totale des activités postales au 1er janvier 2009 et de demander à cette fin le retrait du projet de directive ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, d'abord je voudrais vous rassurer (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) au sujet du secteur de la santé ; là vous allez un peu loin !
M. Guy Fischer. J'anticipe !
M. Thierry Breton, ministre. Revenons-en à La Poste. La Commission européenne vient d'adopter un projet de nouvelle directive postale, qui doit être soumis au Parlement européen et, ensuite, au Conseil européen.
Je veux réaffirmer la volonté de la France de maintenir un service public postal de très grande qualité.
M. René-Pierre Signé. Ah bon ?
M. Thierry Breton, ministre. Du reste, ce projet de directive prend déjà largement en compte les propositions de la France.
M. Didier Boulaud. On n'y croit pas !
M. Thierry Breton, ministre. Premièrement, le champ et les obligations du service universel postal restent inchangés.
Deuxièmement, la péréquation tarifaire sur les plis individuels est maintenue. Il s'agit d'une exigence très forte de l'égalité d'accès au service public en France, à laquelle le Gouvernement est très attaché.
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas possible !
M. Thierry Breton, ministre. Troisièmement, les droits des consommateurs sont renforcés.
Enfin, et surtout, le projet de directive ne restreint pas les missions de service public complémentaires, telles que l'aménagement du territoire ou le transport de la presse.
Oui, monsieur le sénateur, la France est et restera très attachée au maintien d'un service postal universel de haute qualité, à un prix abordable sur l'ensemble du territoire national.
M. René-Pierre Signé. Dans les zones rurales ?
M. Thierry Breton, ministre. Enfin, nous fixons comme condition à l'adoption de la directive que le futur système de service universel postal soit aussi efficace que le secteur réservé que nous connaissons actuellement pour les plis de moins de cinquante grammes.
Monsieur le sénateur, nous avons effectivement noté une mobilisation des postiers voilà quelques jours. Le Gouvernement tient d'ailleurs à rendre hommage à La Poste et à toutes celles et tous ceux qui font fonctionner ce grand organe au service des Français. Cette mobilisation a été mesurée, puisqu'elle n'a concerné que 15 % de grévistes...
M. Didier Boulaud. Selon la police !
M. René-Pierre Signé. Vous ne savez pas compter !
M. Thierry Breton, ministre. C'est pour nous le signe que, dans leur large majorité, les postiers ont compris que c'est en s'adaptant à un monde qui bouge que La Poste pourra continuer à être fidèle à sa vocation de service public. Telle est en tout cas l'ambition du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.
En 2001, lors du cycle de négociations de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, à Doha, la communauté internationale avait assoupli les textes concernant la propriété intellectuelle et la santé. Ainsi, en cas d'urgence sanitaire, les pays en voie de développement se voyaient offrir la possibilité de copier les médicaments génériques les plus accessibles à partir d'une « licence obligatoire », selon l'expression juridique appropriée.
Or, depuis cette date, force est de constater que cette dynamique porteuse d'espoir s'est enrayée. Selon l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, 77 % des Africains n'ont toujours pas accès aux médicaments antiviraux et 30 % des habitants de la planète n'ont pas accès aux médicaments essentiels. Il est évident que les règles régissant la propriété intellectuelle sont responsables de ce blocage : en Inde, une célèbre firme pharmaceutique est en procès avec le gouvernement, afin que ce dernier interdise la mise sur le marché d'un médicament générique contre le cancer.
Aussi, madame le ministre, mes questions sont les suivantes : la France est-elle prête à peser de tout son poids pour que la nouvelle centrale d'achat de médicaments Unitaid, financée à partir de la taxation des billets d'avion, réponde aux besoins des pays en voie de développement en matière de médicaments génériques et pour que les règles de la propriété intellectuelle dans les statuts de l'Organisation mondiale du commerce soient enfin clarifiées afin que les pays du Sud puissent avoir recours à des licences obligatoires ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, dans la lutte contre le sida, la communauté internationale a pris deux engagements.
Tout d'abord, d'ici à 2010, il s'agit de permettre à tous les malades du sida d'accéder à des traitements antirétroviraux, sachant qu'aujourd'hui, sur les six millions de malades, seulement 1,5 million à 2 millions d'entre eux ont accès à ces traitements.
Ensuite, d'ici à 2015, l'objectif visé est d'arrêter la progression de la maladie et de la faire reculer.
À ce titre, la France a décidé, sous l'impulsion du Président de la République, de mettre en place sans tarder des financements innovants permettant de lutter contre le sida. Cet objectif est à l'origine de la taxe sur les billets d'avion destinée à financer Unitaid, dont la création permettra de faciliter la mise sur le marché de médicaments génériques, qui ont un rôle déterminant dans la baisse des prix.
M. Jean-Marie Bockel. Très bien !
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. C'est dans ce contexte que le Président de la République a adressé, lors de la Conférence de Toronto sur le sida, en août dernier, un message très clair selon lequel il est essentiel que tous les pays puissent utiliser les flexibilités résultant des accords sur les médicaments qui ont été négociés dans le cadre du cycle de Doha.
L'Union européenne a été très active, puisque ces accords de Doha ont été définitivement adoptés par les États membres en juin 2006.
En revanche, la situation est différente dans les pays en développement, où l'on voit parfois des accords bilatéraux remettre en cause la flexibilité obtenue à Doha.
Bien sûr, il en va de la responsabilité des États concernés, mais nous sommes convaincus que la création d'Unitaid, destinée à augmenter l'offre de médicaments, permettra de faciliter la négociation des prix de ces médicaments et d'aller dans le sens de la pleine utilisation de la flexibilité obtenue à Doha pour l'ensemble des pays en développement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
organisation commune des marchés
M. le président. La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Paul Raoult. C'est téléphoné !
M. Gérard César. Monsieur le ministre, la France va engager avec les autres États membres de l'Union européenne une réforme de l'Organisation commune du marché vitivinicole.
La Commission européenne a d'ores et déjà fait connaître ses propositions, qui traduisent sa volonté de libéraliser à outrance le secteur.
Elles vont de la liberté de planter n'importe où à celle d'utiliser toutes les pratiques oenologiques, y compris celles qui sont très éloignées de notre conception traditionnelle du vin, comme l'ajout d'eau ou l'aromatisation, mais aussi à la suppression de toute possibilité de réguler les marchés, notamment en cas de crise exceptionnelle, et à un désengagement financier du secteur.
La Commission propose, comme mesure phare de son plan, de consacrer près de 24 milliards d'euros à l'arrachage de 400 000 hectares, soit près de 10 % de la surface du vignoble communautaire, alors que, dans le même temps, le commissaire européen Mme Fischer-Boel propose la libéralisation des plantations.
Avant d'envisager l'arrachage de 400 000 hectares, il serait préférable d'enquêter en Espagne, en Italie et en Grèce sur les plantations illicites effectuées, soit environ 120 000 hectares.
M. Dominique Braye. Oui !
M. Gérard César. De même, le maintien de la distillation de crise à l'échelon européen est obligatoire pour la régulation des cours.
Monsieur le ministre, l'importance du secteur vitivinicole pour l'économie de notre pays grâce à nos exportations dans le monde entier n'est plus à démontrer.
Nous sommes opposés à ce que le vignoble communautaire devienne la variable d'ajustement du marché mondial. Nous souhaitons tous ici que l'approche de la réforme soit offensive et non pas un repli sur soi.
Pour surmonter la crise viticole, la priorité, dont tous les professionnels conviennent, est la définition d'une politique de reconquête des marchés et la mobilisation des moyens pour soutenir la promotion et les aides à la commercialisation.
Monsieur le ministre, nous avons reçu ensemble le commissaire européen le 30 octobre, en Gironde, et le lendemain, dans votre département de Charente-Maritime. Je suis certain que vous l'avez convaincue de s'engager énergiquement, dans les mois à venir, à défendre au mieux les intérêts viticoles de la France.
Comment envisagez-vous cette réforme, qui doit définir une position commune des États membres producteurs et qui devra préserver avant tout notre viticulture, fer de lance de l'économie française ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, je partage totalement l'analyse que vous avez exposée à travers votre question.
M. Paul Raoult. Et glou et glou... Il faut du cognac !
M. le président. C'est le jour du beaujolais, ne l'oublions pas !
M. Dominique Bussereau, ministre. Certes, monsieur le président ; nous n'oublions pas ce vignoble qui, les sénateurs du Rhône le savent bien, rencontre des difficultés que nous devons l'aider à surmonter.
Monsieur César, nous avons en effet reçu Mme Mariann Fischer Boel ensemble.
M. René-Pierre Signé. Vous avez trinqué ensemble !
M. Didier Boulaud. En tout cas, vous allez trinquer dans quelques mois ! Vous allez boire le bouillon !
M. Dominique Bussereau, ministre. Nous lui avons tenu tous les deux le même discours : nous sommes favorables à une réforme vitivinicole, mais nous ne pouvons accepter celle que nous a présentée la Commission.
Le projet de réforme élaboré par la Commission semble présupposer la disparition de la viticulture, comme s'il s'agissait de la sidérurgie, alors même que nous savons que, en effet, nous devons gagner des parts de marché.
J'étais en Chine voilà quelques jours.
M. Didier Boulaud. Encore !
M. René-Pierre Signé. La République est bonne mère !
M. Didier Boulaud. Vous pourriez nous emmener, de temps en temps !
M. Dominique Bussereau, ministre. J'ai constaté avec plaisir que nos exportations de vin progressaient dans ce pays de 60 % en valeur cette année ; la hausse est de 33 % pour le cognac. C'est la preuve que, lorsque nous avons une attitude offensive, nous gagnons des parts de marché.
Quel doit être le contenu de cette réforme ? Certainement pas l'arrachage tel qu'il a été prévu, naturellement ; et si nous sommes contraints d'y recourir, ce doit être sur tous les vignobles, dont ceux que vous avez cités, car le recours à l'arrachage temporaire doit être toujours possible en mesure de gestion de crise. Bien sûr, il ne faut pas autoriser à planter : on ne peut pas en même temps vouloir juguler l'offre et autoriser la plantation de manière libérale.
Il faut par ailleurs disposer de mesures de gestion de marché : la distillation, par exemple, doit pouvoir être utilisée non pas comme un outil de gestion, mais comme un outil de crise lorsqu'elle est nécessaire, ainsi que nous la pratiquons.
Enfin, il ne faut pas accepter des mesures comme l'importation de moût de pays tiers, qui dénaturerait complètement notre viticulture.
La France fait donc tous les efforts possibles pour que soit modifié ce projet de réforme de l'OCM vitivinicole. La semaine prochaine, le dossier sera réexaminé à Bruxelles au cours du prochain Conseil des ministres. L'objectif est de « pousser » la viticulture européenne sur les marchés extérieurs, de l'aider à se moderniser, mais non de la traiter selon un plan aussi brutal que celui qui nous a été initialement proposé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)
plan petite enfance
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous constaterez que nous sommes assez nombreux sur nos travées, toutes proportions gardées, malgré le vote important pour nous qui doit commencer dans peu de temps...
M. René-Pierre Signé. Le vote de la victoire !
M. Alain Vasselle. À cause de vous, on ne siège pas ce soir !
M. Jean-Marie Bockel. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Elle prend en quelque sorte le relais de la question de Mme Gourault, mais porte plus spécifiquement sur les inégalités et les insuffisances de l'accès aux modes d'accueil de la petite enfance et sur l'initiative qu'a prise le Gouvernement de lancer un plan « petite enfance ».
Si l'initiative est louable, elle n'est pas à la hauteur des enjeux pour nos communes. En effet, l'application de la circulaire de la Caisse nationale d'allocations familiales de juin 2006, qui fixe le cadre de renégociation des contrats « enfance » et « temps libre », induit une réduction de la marge de discussion, notamment financière, pour les communes et les communautés, alors que les contrats « enfance », tout le monde le sait, ont eu un succès considérable.
Une telle diminution des moyens est préoccupante pour nous tous. Ces contrats ont permis le développement d'une offre d'accueil en structures pour la petite enfance, de loisirs ou périscolaires, et celui d'actions innovantes pour les familles fragiles ; nous nous y sommes tous impliqués, y compris financièrement. Nous ne sommes pas là pour pleurer, monsieur le ministre, mais je tiens à souligner que nous y avons mis nous-mêmes les moyens, que nous avons utilisé cet effet de levier.
Or les nouveaux contrats uniques « enfance et jeunesse », qui remplacent les anciens contrats « enfance » et « temps libre », seront très encadrés et privilégieront l'aspect quantitatif. L'aide financière apportée par la CAF aux villes et aux communes baissera considérablement. De plus, l'uniformisation des critères, des tarifs, des modes de calcul, entraîne de fait la disparition de la notion même de contrat.
Enfin, les moyens financiers qui pourront être consacrés à des développements futurs paraissent très faibles, et les critères fixés pour le choix des communes sont fondés essentiellement sur le potentiel fiscal, ce qui risque de pénaliser certains de nos territoires confrontés tout particulièrement aux problèmes sociaux et aux besoins d'accueil des jeunes enfants dont les parents travaillent.
M. René-Pierre Signé. Comme d'habitude, ce sont les zones pauvres !
M. Jean-Marie Bockel. En conséquence, monsieur le ministre, je vous demande ce que vous comptez faire pour permettre aux communes et aux agglomérations de continuer d'assumer les coûts de fonctionnement inhérents au maintien d'une politique d'accueil de la petite enfance de qualité, politique qui sert de levier au développement social local et qui, dans le contexte actuel, notamment de crise des banlieues, représente en termes de prévention, il faut bien le dire, un enjeu de société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. René-Pierre Signé. La réponse sera courte : il n'a rien à dire.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, ma politique familiale a pour objet de répondre aux besoins des familles et de répondre aux besoins des femmes. Or, dans notre pays, 80 % des femmes ont une activité professionnelle. Le besoin de garde d'enfants est donc très important et il n'était pas jusqu'à présent suffisamment couvert.
C'est la raison pour laquelle, entre 2002 et 2008, nous aurons financé 72 000 places de crèche supplémentaires. Et comme cela ne suffit pas, puisqu'il y a encore 240 000 enfants pour lesquels les parents n'ont pas trouvé de mode de garde, j'ai fixé avec le plan « petite enfance » l'objectif d'apporter une solution de garde pour tout enfant de moins de trois ans à l'horizon de cinq ans.
Mme Évelyne Didier. Avec l'argent des collectivités locales !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Ce plan mobilisera, en effet, des crédits importants de la branche famille, crédits qui proviendront de la différence entre la progression des ressources de la branche et la progression des prestations qu'elle sert, celle-ci étant moins rapide que celle-là. Cela nous donne une marge de manoeuvre de 600 millions d'euros par an : le plan est donc parfaitement financé et peut être assumé.
Vous posez également la question de l'évolution des contrats. Une communauté urbaine comme celle de Mulhouse a reçu, en l'espace d'un an, des sommes qui sont passées de 2,6 millions à 4,5 millions d'euros. (M. Jean-Marie Bockel approuve.) La progression est donc très nette !
Cette augmentation est aussi liée, naturellement, à des recrutements. La branche famille applique pour les personnels des normes qui sont les plus élevées d'Europe. Que la politique de l'emploi que vous menez puisse vous conduire à aller au-delà et à recruter davantage, nous ne pouvons naturellement vous en blâmer ; mais alors, c'est la politique de la commune plus que la politique de la branche famille !
Les nouveaux contrats ont un mérite : ils assurent le financement des crèches non plus à guichet ouvert, en s'alignant strictement sur les recrutements auxquels ont pu procéder les communes, mais en apportant à celles-ci une subvention sûre. Il est ainsi possible de dégager les moyens nécessaires à la poursuite de notre politique de développement des places dans les crèches, elle-même assortie d'une politique de recrutement d'assistantes maternelles et d'innovations dans les modes de garde : crèches rurales, microcrèches, crèches d'entreprises,...
M. René-Pierre Signé. Avec l'argent des collectivités locales !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... et toujours dans le souci de garantir la qualité de l'accueil de nos enfants. En tout cas, le Gouvernement a l'intention de tenir l'engagement qu'il a pris : qu'il y ait une solution de garde pour tout enfant de moins de trois ans à l'horizon de 2021. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. Vous promettez pour les autres !
M. Didier Boulaud. Vous ne serez plus là !
M. le président. Allons, mes chers collègues ! Le ministre a terminé !
M. René-Pierre Signé. Oui, il a bientôt terminé !
M. le président. Vous êtes fatigué, monsieur Signé ? (Rires.)
M. Didier Boulaud. On ne le tient plus !
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émin.
M. Jean-Paul Émin. Ma question, qui est relative au dispositif France Investissement, s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Grâce aux efforts des gouvernements successifs de Jean-Pierre Raffarin (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) et de Dominique de Villepin (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.),...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sarkozy n'y est pour rien ?
M. Jean-Paul Émin. ... la cohérence des politiques suivies, que ce soit dans la lutte contre le chômage, le développement de la valeur travail ou la politique en faveur de la création et du soutien des entreprises, a produit des résultats positifs pour notre pays.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-Paul Émin. Pour mémoire, je citerai les textes de juillet et août 2005, la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie et la loi en faveur des petites et moyennes entreprises, ainsi que les textes visant au soutien à l'innovation et aux investissements, mais aussi le projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, encore en discussion, dont l'adoption permettra de consolider le capital des entreprises.
M. Yannick Bodin. Et la croissance ?
M. Jean-Paul Émin. La croissance, mon cher collègue, devrait nous permettre d'enclencher le cercle vertueux de la création d'emplois.
M. Didier Boulaud. Zéro point de croissance au troisième trimestre !
M. Jean-Paul Émin. Vous avez souligné, monsieur le ministre, que, « pour une croissance forte et riche en emplois, notre économie a besoin de PME dynamiques qui disposent des moyens nécessaires pour innover et exporter ». C'est bien sûr dans le secteur privé, rappelons-le, que l'on enregistre les meilleurs résultats : pour 2006, on attend 250 000 créations d'emplois, dont 80 % dans le secteur privé. (M. René-Pierre Signé s'esclaffe.) Et ce sont les PME qui, dans ce contexte-là, sont les plus porteuses d'espoir. Elles sont néanmoins très souvent fragilisées par l'insuffisance de leurs ressources financières, que ce soit en fonds propres ou, plus globalement, en capitaux permanents.
Dans la ligne de cohérence des politiques appliquées depuis 2002, et suivant les souhaits exprimés au début de l'année 2006 par le Président de la République d'une amélioration du financement des PME, vous venez, monsieur le ministre, d'annoncer la mise en place d'un dispositif visant à lever en six ans 3 milliards d'euros qui leur seront destinés.
M. Didier Boulaud. Allons-y pour la semeuse ! Je sème à tous vents !
M. René-Pierre Signé. Et ne récolte rien !
M. Jean-Paul Émin. Il importe que le Parlement en soit maintenant mieux informé, car tous ici sommes au contact de ce tissu de PME qui irriguent notre territoire.
Monsieur le ministre, quelles sont les grandes lignes du dispositif ? Quels types d'entreprises en bénéficieront ? Quels sont les partenaires financiers concernés ? Les PME seront-elles vraiment largement associées aux instances de gouvernance de France Investissement ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Émin, je reviendrai tout d'abord sur l'initiative qui, je tiens à le rappeler dans cet hémicycle, a été lancée par le Président de la République et concerne...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La TVA sur la restauration ?
M. Thierry Breton, ministre. ... France Investissement.
D'abord, vous avez raison, monsieur le sénateur, il faut associer et Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin...
M. Didier Boulaud. On les associe ! On n'est pas près de les oublier !
M. Thierry Breton, ministre. ... aux efforts considérables qui ont été consentis depuis quatre ans pour le développement de nos petites et moyennes entreprises.
Aujourd'hui, la France dispose de l'un des tissus les plus dynamiques de petites entreprises, voire de très petites entreprises. Je rappelle que le Président de la République avait fixé comme objectif pour les cinq années de la période 2002-2007...
M. Didier Boulaud. La résorption de la fracture sociale !
M. Thierry Breton, ministre. ... de dépasser le million de créations de petites entreprises. Je le dis clairement : ce chiffre sera dépassé. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Cela signifie que, dans notre pays, des hommes et des femmes sont prêts à prendre des risques, ce sont des entrepreneurs, et c'est formidable.
M. Didier Boulaud. Chirac candidat !
M. Thierry Breton, ministre. C'est vrai qu'ils ont souvent la tâche difficile, c'est vrai qu'il est souvent méritoire de lutter contre l'effet dévastateur des 35 heures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations véhémentes sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Pourquoi ne les avez-vous pas supprimées ?
Mme Raymonde Le Texier. Vous avez eu cinq ans pour le faire !
M. Paul Raoult. Il aurait fallu du courage politique !
M. Thierry Breton, ministre. C'est vrai qu'il faut du courage pour lutter contre les effets de seuil. C'est vrai que, malgré tout cela, ces hommes et ces femmes se battent tous les jours. C'est vrai aussi que nous avons assoupli ce dispositif qui a coûté tellement cher à la France : plus de 100 milliards d'euros que nous avons dû emprunter pour que l'on puisse travailler 35 heures payées 39 heures. Et ce sont nos enfants qui payent ! Mais cela, vous en avez l'habitude : « c'est demain qu'on paye... ». (Brouhaha persistant sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Raoult. Il nous provoque !
M. Thierry Breton, ministre. C'est vrai qu'il a fallu beaucoup de courage à Jean-Pierre Raffarin pour permettre de travailler davantage.
Mme Raymonde Le Texier. Inepties !
M. Yannick Bodin. Voilà quatre ans qu'il parle des 35 heures, et il ne les a jamais supprimées !
M. Paul Raoult. Il n'a qu'à les supprimer ! Quel manque de courage !
M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît ! Laissez parler M. le ministre !
M. Thierry Breton, ministre. Mais c'est vrai aussi qu'aujourd'hui on retrouve partout le coût des 35 heures : dans la faiblesse du pouvoir d'achat des Français, qui a été amputé parce que les augmentations salariales ont été limitées pendant trois ans, ce que Lionel Jospin avait revendiqué ; mais également dans le prix de la baguette de pain. Et c'est vrai qu'on ne retrouve ce coût ni en Allemagne, ni en Belgique, ni en Italie... (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Malgré tout cela, il y a des entrepreneurs en France.
Aujourd'hui, c'est de plus de 3 milliards d'euros qu'ils vont pouvoir bénéficier, parce qu'il faut aider nos entreprises et nos petites entreprises à grandir. Grâce à un dispositif tout à fait innovant entre, d'une part, la Caisse des dépôts et consignations et, d'autre part, les acteurs privés, les entreprises vont pouvoir utiliser ce flux amont pour renforcer leurs fonds propres.
M. Yannick Bodin. Et la baisse de la TVA sur la restauration ?
M. Thierry Breton, ministre. Y seront donc associées des entreprises privées, des banques - la Société générale, la Caisse nationale des caisses d'Épargne, Natexis -, mais aussi des assurances comme Axa, AGF, le groupe Ama.
Monsieur le sénateur, vous souhaitez savoir comment fonctionnera très concrètement France Investissement sur le terrain.
Pour les PME, les interlocuteurs sont bien sûr les fonds d'investissement qui interviennent dans les entreprises qui se développent en France. Ce qu'apportera France Investissement, c'est davantage d'argent public et privé pour ces fonds d'investissement.
L'intérêt, c'est que ce dispositif est immédiatement opérationnel et qu'il s'ajoute à l'ensemble de la politique qui a été menée sur les pôles de compétitivité. Il s'agit donc bien d'une politique de mobilisation sans précédent pour les PME françaises. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Pour la communication, vous êtes costaud !