M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 827, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation de la chaussure en France en général, mais aussi dans le bassin de Romans en particulier, dont la production de chaussures de luxe ne manque pas de clients.
Quelques jours après le dépôt de bilan de Kélian, l'une des trois marques présentes sur le site, intervenu à la fin du mois d'août, l'entreprise Jourdan a été mise en redressement judiciaire. Or, si Jourdan devait effectivement fermer, 800 salariés, sous-traitants compris, se retrouveraient sans travail, alors que le taux de chômage dans l'agglomération de Romans atteint déjà 16,7 %, ce qui est considérable. C'est ainsi que les 342 derniers emplois de Jourdan - je rappelle que l'entreprise en comptait 2 000 en 1971 - seraient menacés.
Bien évidemment, une telle situation ne va pas sans difficultés, et l'émotion est grande parmi les salariés, les élus et la population, l'industrie de la chaussure ne manquant pas de clients. En fin de compte, l'entreprise a pris l'engagement de céder la marque à tout repreneur pour une somme comprise entre 500 000 et 1 000 000 euros, ce qui constitue un premier pas. En fait, l'entreprise a accepté que la marque soit rapatriée ! Mais je ne m'appesantirai pas sur ce point.
Quant à l'entreprise Kélian, ses effectifs sont passés de 620 dans les années quatre-vingt-dix à pratiquement zéro aujourd'hui, ce qui, cette fois encore, ne va pas sans émotion, sans mobilisation.
Le procureur de la République a finalement décidé, le 16 septembre dernier, l'ouverture d'une enquête préliminaire sur les conditions de liquidation judiciaire de Kélian, enquête qui doit être menée à son terme.
Or, monsieur le ministre, si je vous interroge, c'est non pas pour vous demander d'influer sur la justice, mais parce que les pouvoirs publics ne nous semblent pas prendre les mesures nécessaires pour inverser ce cours des choses pour le moins néfaste.
Comme ce fut le cas pour Hewlett-Packard, se pose la question du remboursement des sommes encaissées au titre des fonds publics.
Par ailleurs, au vu de la situation et dans le cadre d'un sauvetage de l'entreprise Jourdan, ne faudrait-il pas intégrer aux résultats de cette société le produit de la vente de ses magasins de Romans et de Paris Champs-Elysées, qui rapportent beaucoup, comme chacun le sait.
A cette fin, l'organisation d'une table ronde ou tout au moins d'une réunion associant l'ensemble des partenaires dont, en premier lieu, les salariés de ce secteur nous paraît urgente et constituerait un signe du bon vouloir du Gouvernement.
Enfin, je souhaiterais savoir à quelles fins les fonds du comité interministériel d'aménagement et de compétitivité du territoire, le CIACT, affectés au bassin romano-pégeois sont mobilisés. Selon mes informations, 300 000 euros seulement seraient destinés aux actions de la filière chaussure, ce qui, si cela était avéré, serait fort regrettable. En effet, nous devons tout de même avoir à coeur, me semble-t-il, de défendre le savoir-faire de l'industrie de la chaussure française.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Madame la sénatrice, vous venez d'évoquer la situation de l'industrie de la chaussure en France, en particulier dans le Romanais et, notamment, la régression historique de l'emploi dans cette région.
Dès l'annonce, les 22 et 24 août, de la liquidation de la société Stéphane Kélian, puis de l'ouverture de la période de redressement judiciaire de Charles Jourdan, le Gouvernement s'est mobilisé. D'ailleurs, le 25 août, soit le lendemain de l'annonce concernant la société Charles Jourdan, je me suis rendu, à la demande du Premier ministre, dans la Drôme avec mes collègues Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher afin de rencontrer les élus et les représentants des personnels.
Nous avons, sans attendre, annoncé aux acteurs locaux la préparation d'un contrat de site en faveur du bassin d'emplois de Romans et du nord de la Drôme, pour tenir compte des trop nombreuses réductions d'effectifs sur ce territoire et accélérer la création de nouveaux emplois ; il s'agissait là d'un premier élément indispensable. A cet effet, un sous-préfet a été rapidement nommé, qui est chargé de mission auprès du préfet de la Drôme, dans le but de coordonner l'élaboration de ce contrat de site.
Lors du comité interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires qui s'est réuni le 14 octobre dernier, c'est-à-dire voilà seulement quelques jours, le contrat de site a été décidé de manière formelle.
Ce contrat de site comportera trois volets - un volet « emploi », un volet « industrie-recherche » et un volet « politique de la ville » -, tous dotés de dispositifs d'intervention et faisant l'objet d'actions très précises envisagées dès maintenant.
Tout d'abord, le volet « emploi » mobilisera, dans le cadre d'une plate-forme de reclassement et de reconversion, l'ensemble des dispositifs d'intervention disponibles. Un accord de principe a ainsi déjà été donné pour la création d'une maison de l'emploi. Dans ce cadre, il est ainsi prévu de proposer aux salariés licenciés de bénéficier d'un appui personnalisé et d'actions de formation renforcées - convention de reclassement personnalisée du plan de cohésion sociale. De plus, des actions en faveur des sous-traitants des entreprises de la chaussure en difficulté sont d'ores et déjà prévues.
Par ailleurs, le volet « industrie-recherche » devrait comporter notamment des actions collectives pour la filière cuir-chaussure. De plus, la zone d'emplois de Romans est concernée par cinq pôles de compétitivité, et bénéficiera, pour deux d'entre eux, du zonage recherche et développement sur une partie de son territoire.
Enfin, le volet « politique de la ville » vise à renforcer les opérations urbaines existantes et à mettre en place de nouvelles interventions.
En résumé, nous avons très rapidement mis en oeuvre les instruments susceptibles d'apporter dans le domaine de la chaussure, mais aussi, bien évidemment, dans d'autres secteurs, des réponses aux inquiétudes que connaît ce département.
Par ailleurs, le tribunal de commerce de Rouen examine en ce moment les candidatures à la reprise de l'entreprise Charles Jourdan. Pour ce faire, il auditionnera le 26 octobre, c'est-à-dire demain, les différentes candidatures. Le Gouvernement, pour sa part, appuiera les options qui reprendront le plus grand nombre de personnels. Nous serons évidemment très attentifs à la condition de la disponibilité de la marque ; cela dit, je le répète, l'affaire est pendante devant le tribunal de commerce.
Au-delà du contrat de site, des décisions du tribunal de commerce et du soutien que l'Etat pourra apporter aux repreneurs, il faut, bien entendu, voir ce que l'on peut faire pour l'industrie de la chaussure en général. A cet égard, dès le 5 septembre dernier, j'ai reçu le président de la fédération française de la chaussure - il a également été reçu par mon collègue Gérard Larcher -, et nous sommes convenus de nous revoir pour approfondir certains points.
Cela dit, dès le 5 septembre, j'ai pu assurer le président de cette fédération du financement du comité interprofessionnel de développement des industries du cuir de la maroquinerie et de la chaussure, le CIDIC, et du centre technique du cuir, le CTC, organismes qui permettent de soutenir la présence des entreprises françaises du secteur sur les salons étrangers, de développer la création et de financer des actions d'innovation dans le secteur. Ce financement avait, il faut le dire, connu quelques interruptions ; notre volonté est de le relancer afin que les actions envisagées puissent se poursuivre dans les meilleures conditions.
Nous avons également prévu dans le projet de loi de finances pour 2006 une amélioration du crédit d'impôt création, le CIC, qui donnera droit dès l'année prochaine non seulement aux entreprises du cuir mais aussi à celles du textile et de l'habillement à une réduction d'impôt de 10 % de leurs dépenses en faveur de la création - cette réduction était jusqu'à présent de 5 % -, ce qui pourra évidemment leur permettre de faire la différence par rapport à leurs concurrents.
De la même façon, nous avons précisé que la défense de la propriété des dessins et modèles ferait partie de cette assiette.
Par conséquent, madame la sénatrice, il existe des dispositions spécifiques à la profession, et qui sont importantes pour le département, sans oublier le soutien clair du Gouvernement en faveur des différentes options de reprise de l'entreprise Charles Jourdan.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, je sais bien évidemment que de nombreux membres du Gouvernement se sont rendus dans la Drôme ; mais il en a fallu beaucoup pour en arriver là !
Certes, l'histoire de la chaussure ne date pas d'hier et le gouvernement auquel vous appartenez n'est donc pas responsable de tout.
Cela dit, les différentes propositions de reconversion ou de plan social ne correspondent évidemment pas au souhait de la population, laquelle sait parfaitement ce qui risque de se passer au bout de quelques mois. J'ajouterai que les gens sont, à juste titre, attachés au maintien de l'industrie de la chaussure française.
Vous avez tracé quelques pistes pour l'avenir, monsieur le ministre. Pour ma part, je suis très méfiante à cet égard, et il me semble - je me fais d'ailleurs en cela le porte-parole des élus et de la population concernés - qu'il faut vraiment tout faire pour conserver ce savoir-faire, afin de satisfaire les clients qui, n'en doutons pas, existent.
Ce n'est pas le coût du travail dans l'industrie de la chaussure qui pose des problèmes, celui-ci n'étant pas très important. Ce qu'il faut, c'est que l'Etat s'investisse pour conserver cette industrie.
Vous savez que Charles Jourdan est aujourd'hui une véritable nébuleuse qui ne compte pas moins de dix-sept sociétés. L'entreprise a été scindée en plusieurs sociétés et filiales, ce qui, en réalité, a facilité un véritable dépeçage de cette entreprise.
Il me semble donc nécessaire de prendre toutes les mesures pour prévenir, combattre et sanctionner de telles attitudes prédatrices qui entraînent des catastrophes sur l'emploi, donc sur la population tout entière.
Il est vrai que nous saurons le 26 octobre, c'est-à-dire demain, quel sera le repreneur de Charles Jourdan. A cette occasion, je le répète, monsieur le ministre, le Gouvernement doit prendre toutes les mesures destinées non seulement à défendre l'intérêt des salariés, mais aussi à assurer l'avenir de cette branche industrielle française.
gel des crédits de fonctionnement de l'enseignement supérieur agricole
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin, auteur de la question n° 811, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Christian Gaudin. Voilà quelques semaines, les chefs d'établissements de l'enseignement supérieur agricole public apprenaient la mise en oeuvre d'une décision de gel de crédits de fonctionnement de la part de leur ministère de tutelle, ce qui, bien évidemment, a aussitôt suscité de lourdes inquiétudes.
Ainsi, pour l'Institut national d'horticulture, l'INH, situé à Angers, dans mon département, cette mesure porte sur une restriction des moyens de 211 000 euros, soit 16,5 % de la subvention de fonctionnement.
Une telle décision, si elle devait être confirmée, serait difficilement supportable pour cet établissement déjà faiblement doté, du fait de sa création récente. Elle obligerait en fait l'INH à un recentrage prioritaire sur les tâches d'enseignement.
De plus, cette restriction budgétaire pénaliserait durablement cet établissement public, qui, pourtant, est appelé à participer à la dynamique de recherche et d'innovation du pôle de compétitivité du végétal spécialisé de l'Anjou, qui vient d'être récemment labellisé par le Gouvernement.
En conséquence, pouvez-vous, monsieur le ministre, m'indiquer le montant des crédits affectés à l'enseignement supérieur et à la recherche, rattachés au ministère de l'agriculture, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2006 ?
En conclusion, je rappellerai qu'une baisse des crédits de fonctionnement par rapport à la précédente loi de finances serait en contradiction avec la priorité du Gouvernement de développer la recherche et l'innovation, notamment au sein des pôles de compétitivité.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, m'exprimant ce matin au nom de M. Dominique Bussereau, j'ai la chance de pouvoir vous annoncer de bonnes nouvelles.
S'agissant des crédits de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur agricoles, je voudrais immédiatement vous rassurer : le ministère de l'agriculture et de la pêche a certes fait preuve de solidarité gouvernementale et contribué à maîtriser la dépense publique. Mais cet effort budgétaire a été moindre pour ce qui concerne l'enseignement supérieur agricole : j'ai ainsi le plaisir de vous informer que les établissements d'enseignement supérieur, dont l'Institut national d'horticulture d'Angers, viennent de recevoir les ressources nécessaires à la poursuite de leur activité.
Au-delà de ce rétablissement de crédits, je souhaite, au moment où la Haute Assemblée engage les travaux d'examen du projet de loi de finances pour 2006, vous confirmer que le Gouvernement conforte son appui à l'enseignement supérieur et à la recherche dans le domaine de compétences du ministère de l'agriculture et de la pêche.
L'enseignement supérieur et la recherche agricoles sont clairement identifiés dans un programme rattaché à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », dont les crédits progressent de 11 % en 2006 par rapport à 2005. Cette augmentation traduit dans les chiffres notre volonté politique de faire progresser ces secteurs.
Cet effort permettra de soutenir la dynamique engagée par l'enseignement supérieur agricole, qui a entrepris de se structurer en pôles de compétences de formation et de recherche attractifs et performants à l'échelle mondiale. Certains de ces ensembles, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, travaillent en synergie avec les pôles de compétitivité mis en place récemment par M. le Premier ministre et confirmés lors du dernier comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires.
Notre recherche et notre enseignement supérieur agricoles sont reconnus et contribuent pleinement à garantir la qualité et les innovations dans tous les secteurs liés à la production agricole. Ils méritent assurément de travailler de manière sereine et efficace. Soyez donc sûr, monsieur le sénateur, que nous utiliserons l'ensemble des dispositifs institués par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances pour préserver leur budget des mesures de régulation.
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le ministre, je vous remercie de ce rétablissement de crédits. La répartition des postes de recherche entre les pôles de compétitivité a en effet été décidée lors du comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires du 14 octobre 2005. Elle est bien sûr de niveau stratégique. Je souhaite vivement que le rétablissement des moyens financiers s'accompagne de l'affectation effective de ces postes.
conditions de commercialisation des médicaments génériques
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, auteur de la question n° 781, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.
M. Gilbert Barbier. Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, j'avais attiré l'attention du ministre de la santé sur d'éventuelles dérives dans la commercialisation des médicaments génériques. N'ayant pas reçu de réponse satisfaisante sur le fond, je me permets de reprendre aujourd'hui mon propos.
Comme vous le savez, l'article L. 5121-10 du code de la santé publique rend possible l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché pour un médicament générique deux ans avant l'expiration des droits de propriété intellectuelle qui s'attachent à la spécialité de référence.
Cette disposition, introduite en décembre 2003, permet un accès plus rapide des médicaments génériques au marché.
Certains, jouant les Cassandre, nous assuraient voilà quelques années que le médicament générique ne marcherait jamais. Les chiffres démontrent qu'ils ont eu tort : son taux de pénétration est en progression constante dans notre pays !
L'article L. 5121-10 du code de la santé publique devrait renforcer encore cette tendance. Cependant, en prévoyant l'inscription de la spécialité générique dans le répertoire des groupes génériques dès l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché, il favorise aussi le risque de commercialisation illicite.
En effet, les fabricants peuvent avoir la tentation - et il semble que certains y succombent assez facilement - de commercialiser leurs produits sans attendre l'expiration des brevets. Cela leur est d'autant plus facile que l'inscription au répertoire rend possible la substitution sans considération de la validité des brevets.
N'ayant pas les moyens de vérifier cette validité, les pharmaciens peuvent ainsi se rendre complices malgré eux de contrefaçons, en exerçant leur droit de substitution.
Vous le savez, face à de telles dérives, les titulaires de brevets ont bien des difficultés à faire valoir leurs droits devant les tribunaux, en raison de l'inefficacité des procédures de référé, de la longueur des actions en contrefaçon et de l'incertitude qui pèse sur l'issue des procès.
Il me paraît primordial de garantir à ces titulaires de brevets une exploitation paisible de leurs produits. Le médicament princeps et le générique ont tous deux leur place dans le système de santé, comme le soulignent de nombreuses discussions relatives au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le développement de l'un ne doit pas pénaliser l'autre.
Certains proposent la création d'un registre des brevets des médicaments, à l'instar de l'Orange book américain. Hébergé par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et vérifié par l'Institut national de la propriété industrielle, celui-ci permettrait à toutes les parties d'avoir accès facilement aux informations relatives à la validité des titres de propriété intellectuelle et de pouvoir agir en connaissance de cause.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre opinion sur cette proposition. Il me semble que la création d'un registre des brevets ne ralentirait en rien l'arrivée sur le marché des génériques : aux Etats-Unis, où ce registre existe, une boîte de médicaments sur deux contient des génériques !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les conditions actuelles de commercialisation des médicaments génériques. Je tiens d'abord à souligner que le développement de ces derniers est à l'évidence une nécessité économique, qui concilie les exigences de santé publique et notre préoccupation commune de garantir l'avenir de l'assurance maladie. En maîtrisant les dépenses de médicaments, nous dégageons les moyens d'admettre au remboursement de nouveaux produits nés des innovations thérapeutiques de l'industrie pharmaceutique.
Certes, se pose la question de l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché, pour des médicaments génériques, deux ans avant l'expiration du brevet protégeant la spécialité de référence issue de la recherche et du développement de l'industrie. Si l'on veut que cette recherche se poursuive en France, il faut, bien sûr, protéger les brevets et éviter qu'avant leur expiration les médicaments génériques ne puissent effectivement être commercialisés en violation de toutes nos règles de droit.
A ce sujet, je tiens tout d'abord à vous préciser que la vérification de l'exploitation d'un brevet ne relève pas de la compétence de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé : les objectifs de l'agence sont avant tout la sécurité sanitaire au service de la santé publique et la gestion des autorisations de mise sur le marché. L'agence s'efforce de faciliter la mise sur le marché de tous les médicaments pouvant profiter à la santé publique, qu'il s'agisse de génériques ou de médicaments sous brevets.
Je voudrais également vous indiquer qu'autorisation de mise sur le marché ne signifie pas droit de commercialiser. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé peut être amenée, pour permettre la commercialisation d'un médicament générique dès le jour de l'expiration du brevet, à autoriser sa mise sur le marché antérieurement à sa commercialisation effective, afin que les industriels puissent anticiper sur la commercialisation en fabriquant les médicaments et en préparant leur distribution pour le jour J.
Ce dispositif a été mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Il avait été observé, en effet, que le conditionnement de l'autorisation de mise sur le marché à la fin de la période de protection du brevet pouvait entraîner des délais de plusieurs mois avant que les génériques ne soient effectivement disponibles sur le marché. Nous avions voulu à l'époque, avec la représentation nationale, éviter ces retards, parce que nous souhaitions le développement effectif des génériques.
Le souci de permettre la commercialisation des médicaments génériques dans les meilleurs délais ne doit toutefois pas porter préjudice au droit de propriété intellectuelle détenu par les fabricants des molécules princeps.
Pour cela, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé informe systématiquement le fabricant de la molécule princeps avant de l'inscrire au répertoire des groupes génériques. Cela permet au laboratoire, s'il s'y croit fondé, de saisir le juge pour commercialisation illicite d'un générique. Les cas de ce type sont d'ailleurs très rares : à ce jour, un seul nous a été signalé. Nous resterons bien sûr très vigilants pour qu'il continue à en aller ainsi.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le ministre, votre réponse est satisfaisante en théorie. Mais vous savez bien qu'une procédure judicaire engagée contre une contrefaçon exercée avant l'expiration du brevet durera deux, trois, quatre, voire dix ans.
Ester en justice dans ce type d'affaire est très difficile, d'autant que la procédure du référé est rarement utilisée. Certains laboratoires ont tenté de faire juger leur affaire en référé, seule procédure susceptible d'arrêter la commercialisation du médicament. Cela leur a toujours été refusé, au motif que les contrefaçons ne menaçaient pas fondamentalement les laboratoires.
Il serait intéressant d'améliorer l'information du public et des pharmaciens à cet égard : la protection offerte par les brevets permet en effet aux laboratoires, en particulier aux laboratoires français, de réaliser des recherches et des investissements financiers pour développer de nouvelles molécules.
régime de prévoyance et de retraite des élus salariés en suspension de contrat de travail
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 805, transmise à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Mme Catherine Procaccia. L'article L. 122-24-2 du code du travail permet à un salarié d'obtenir, à sa demande, la suspension de son contrat de travail lorsqu'il est élu au Sénat ou à l'Assemblée nationale et qu'il justifie auprès de son employeur d'une ancienneté minimale d'une année.
Cet article, dans son dernier alinéa, dispose qu'un décret fixera les conditions dans lesquelles les salariés conserveront leurs droits durant la durée de leur mandat, notamment en matière de prévoyance et de retraite.
A l'approche des renouvellements des assemblées parlementaires en 2007 et en 2008, il m'apparaît important, monsieur le ministre, que vous puissiez faire le point sur la situation et nous indiquer en particulier comment vous comptez favoriser un accès des salariés aux fonctions de parlementaires. En effet, j'ai compté parmi les sénateurs seulement 16,3 % de salariés, dont tous ne sont peut-être plus encore en activité.
Je souhaiterais donc connaître précisément les dispositions s'appliquant en matière de retraite et de prévoyance à ces salariés qui voient leur contrat de travail suspendu pendant cinq ou six ans et ne peuvent pas ensuite renouveler leur demande de suspension.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice, il faut bien entendu tout faire pour éviter que des salariés élus ne soient pénalisés dans leurs droits à retraite du fait de leur élection.
Vous avez appelé mon attention sur les droits à retraite et à prévoyance des membres des assemblées parlementaires dont le contrat de travail est suspendu pendant la durée de leur mandat. Vous mentionnez l'article L. 122-24-2 du code du travail qui prévoit, dans son dernier alinéa, qu'un décret fixe les conditions dans lesquelles ces droits sont conservés pendant la durée du mandat parlementaire.
Je souhaite revenir un instant sur la genèse de cette disposition.
Le dernier alinéa de l'article L. 122-24-2 du code du travail a été introduit lors de la discussion de la loi du 2 janvier 1978, portant dispositions particulières applicables aux salariés candidats ou élus à l'Assemblée nationale ou au Sénat, à la suite de l'adoption d'un amendement présenté par la commission des affaires sociales du Sénat.
A la lecture des débats, il ressort que la commission des affaires sociales du Sénat visait les régimes conventionnels de protection sociale. La commission s'inquiétait, à juste titre, du risque pour des élus de se voir priver d'avantages que les conventions conclues par les partenaires sociaux auraient réservés aux salariés dont le contrat de travail n'était pas rompu ou suspendu au moment de leur adoption.
Le ministre du travail de l'époque avait alors souligné que le renvoi à une disposition réglementaire était problématique, puisque ce point relevait pleinement du champ de compétence des partenaires sociaux, donc de la convention. Par conséquent, le décret prévu au dernier alinéa de l'article L. 122-24-2 du code du travail n'a pu être pris.
Néanmoins, s'agissant de l'acquisition de droits à retraite durant un mandat parlementaire, permettez-moi de vous rappeler quelles sont les dispositions en vigueur.
Tout d'abord, les points acquis auprès des régimes complémentaires par les députés et par les sénateurs, antérieurement à leur mandat, sont intégralement conservés durant leur mandat électoral.
Ensuite, les députés et sénateurs sont affiliés durant leur mandat auprès des régimes des assemblées.
Enfin, le régime général prend en compte les périodes d'assurance validées par les députés et par les sénateurs auprès des régimes des assemblées afin de déterminer le taux de la pension servie par le régime général.
Aussi, bien que le décret prévu par l'article L. 122-24-2 du code du travail n'ait jamais été publié, il apparaît que les droits à retraite et à prévoyance des élus sont préservés.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre.
Nous avons effectivement, mais en vain, cherché ce décret qui avait été prévu en 1978.
Vous nous confirmez que les points acquis par les députés et par les sénateurs antérieurement à leur mandat auprès des régimes complémentaires sont intégralement conservés. Heureusement ! Imaginez que, après trente ans d'activité, ces droits soient perdus : voilà qui inciterait encore moins les salariés à solliciter un mandat parlementaire !
Il n'en demeure pas moins que plusieurs systèmes cohabitent : le salarié relève d'un régime, avant de passer sous le régime parlementaire, puis d'être réintégré dans le précédent régime. Le cumul des points acquis sous les différents régimes ne se fait pas toujours très facilement. Fort heureusement, l'Assemblée nationale et le Sénat prévoient un régime d'assurance vieillesse, qui n'est d'ailleurs pas forcément plus performant que celui des salariés des entreprises.
Je regrette que les salariés d'une entreprise ne puissent pas cotiser à titre complémentaire, sur la base du volontariat, pour assurer leur retraite. En effet, lorsque l'on a cinquante ans et que l'on est élu pour six ans, on peut se dire que l'on pourra tout abandonner à l'issue de son mandat. En revanche, lorsque l'on a vingt-cinq ou trente ans, que l'on entame un mandat - et aujourd'hui, aucun élu ne peut croire qu'il restera parlementaire jusqu'à soixante ans -, la reprise d'activité peut être difficile. Pour de jeunes salariés, s'engager dans la vie parlementaire sans disposer de toutes les garanties quant à leur régime de retraite constitue un véritable challenge.
M. le président. N'oublions pas non plus que, contrairement à une idée largement répandue dans l'opinion publique, les ministres ne perçoivent aucune retraite !