compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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DÉPÔT DE RAPPORTS en application de lois

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport 2005 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, établi en application de l'article 5 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine ; ainsi que le rapport d'audit contractuel 2004-2005 relatif à la gestion active de la dette et de la trésorerie de l'Etat, conformément à l'article 8 de la loi de finances rectificative n° 2000-1353 du 30 décembre 2000.

M. le président du Sénat a reçu de M. le président de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie les comptes prévisionnels de la Caisse pour l'année 2006, en application de l'article L. 14-10-3 du code de l'action sociale et des familles.

Acte est donné de ces dépôts.

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Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

tnt et réception de france 3 limousin

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, auteur de la question n° 820, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord me féliciter du lancement de la télévision numérique terrestre, la TNT, qui est d'ores et déjà un grand succès. L'offre gratuite de programmes se trouve ainsi considérablement élargie.

Au moment même où une deuxième série d'émetteurs TNT est en cours d'installation, je souhaite vous interroger sur les problèmes qu'induit l'arrivée partielle de la TNT dans le Limousin.

A l'heure actuelle, 70 000 habitants du nord, de l'ouest et du sud-ouest de la Haute-Vienne peuvent recevoir ces programmes. Tout cela serait donc parfait si ces téléspectateurs pouvaient continuer à recevoir également les programmes de France 3 Limousin. Or, tel n'est malheureusement pas le cas.

En effet, l'émetteur qui permet aux habitants concernés de profiter de la TNT est situé à Maisonnay, dans les Deux-Sèvres, en Poitou-Charentes, et relaie donc, tout naturellement, les programmes de France 3 Poitou-Charentes. Ces habitants sont alors confrontés à un dilemme : soit ils renoncent à recevoir les programmes de France 3 Limousin pour bénéficier de la TNT, soit ils renoncent à la TNT pour continuer à recevoir France 3 Limousin.

Monsieur le ministre, il semble tout simplement que l'implantation des émetteurs TNT ait été guidée avant tout par des considérations d'ordre économique et financier plutôt que par le souci de proposer aux téléspectateurs une offre cohérente.

Ainsi, lorsque le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, a été interrogé sur l'opportunité d'installer un émetteur TNT sur le site des Cars, près de Limoges, d'où la couverture de la Haute-Vienne pouvait être entièrement assurée, il a été répondu que la région Limousin « n'avait pas un potentiel de population suffisant pour justifier un tel investissement ».

Pourtant, un émetteur TNT est bel et bien installé sur le site des Cars, mais il est uniquement destiné à compléter le dispositif de réception de la TNT pour la région Aquitaine et, plus particulièrement, pour la partie du département de la Dordogne limitrophe de la Haute-Vienne.

Monsieur le ministre, vous comprendrez donc mon étonnement, à l'heure où l'aménagement du territoire est prétendument une priorité du gouvernement auquel vous appartenez.

Si, actuellement, ce problème concerne seulement 70 000 habitants de la Haute-Vienne, il risque de toucher demain l'ensemble de la région Limousin. Le programme de déploiement d'émetteurs TNT publié par le CSA ne laisse, en effet, aucun doute quant aux perspectives de couverture du territoire régional. Seuls les habitants des villes de Limoges, dans la Haute-Vienne, de Brive et d'Ussel, en Corrèze, et de Guéret, dans la Creuse, pourront, demain, recevoir la TNT avec les programmes de France 3 Limousin. Comprenez, monsieur le ministre, l'inquiétude des téléspectateurs limousins et de leurs élus.

Certes, jusqu'en 2010, le numérique et l'analogique hertziens cohabiteront, mais est-ce à dire que, après cette date, hors les villes précitées, tout le reste du Limousin sera privé des programmes de France 3 Limousin ? Si tel devait être le cas, l'avenir de la station régionale serait gravement menacé, ce qui est absolument inacceptable.

La TNT devait offrir un plus vaste choix de programmes télévisés. C'est, ou ce sera, le cas. Malgré tout, cette nouvelle technologie ne doit pas réduire l'accès à l'information régionale, information à laquelle les téléspectateurs sont particulièrement attachés, comme le prouve son audience considérable.

Aussi, monsieur le ministre, ma question est toute simple : qu'allez-vous faire pour que tous les habitants de la région continuent à avoir accès aux programmes de France 3 Limousin ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Demerliat, en vous écoutant, j'ai songé au cri d'Antigone : « Je veux tout, tout de suite, ou alors je refuse ! »

Je le dis solennellement devant la Haute Assemblée : tous les Français, sans exception, ont le droit de recevoir la télévision par le biais de la télévision numérique terrestre ; ils pourront accéder à cette offre télévisuelle élargie sans changer de poste de télévision, mais en achetant un adaptateur.

De ce point de vue, permettez-moi de vous le dire, en prenant à témoin les sénateurs de la majorité qui, eux, en sont conscients, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et le Gouvernement ont été au rendez-vous, dans le respect de leurs prérogatives respectives, pour faire en sorte que cette technologie soit mise à la disposition de nos concitoyens.

La TNT a été lancée en France le 31 mars dernier, avec les chaînes gratuites. Cette nouvelle offre triple le nombre de chaînes en clair qui sont accessibles aux téléspectateurs recevant la télévision avec la fameuse antenne « râteau ».

La TNT connaît un très vif succès puisque nombreux sont les adaptateurs qui sont achetés ou loués par nos concitoyens.

Parallèlement, l'offre de chaînes s'étoffe. De nouvelles chaînes gratuites sont ou vont être disponibles. Ainsi, i>télé et Europe 2 TV sont diffusées en TNT depuis respectivement le 15 octobre et le 17 octobre derniers. Gulli, la nouvelle chaîne pour la jeunesse faite en partenariat entre France Télévision et le groupe Lagardère notamment, et BFM Info le seront au mois de novembre. Ce sera ensuite le tour des offres payantes commercialisées, probablement avant la fin de l'année.

A son démarrage, au mois de mars dernier, le taux de couverture de la TNT était de 35 % de la population. Depuis le 15 octobre, un Français sur deux est en mesure de recevoir les programmes de la TNT.

Monsieur le sénateur, vous m'avez posé une question spécifique qui a trait à la diffusion de France 3. Certains habitants de la Haute-Vienne ne peuvent pas regarder les programmes habituels de cette chaîne. En effet, ils reçoivent les programmes diffusés depuis l'émetteur de Niort. Or, à ce jour, France 3 ne dispose que d'un canal de diffusion sur ce site et il en est de même d'ailleurs de tous les sites de la TNT.

Cet émetteur desservant majoritairement la région Poitou-Charentes, ce sont les programmes de France 3 Poitou-Charentes qui y sont diffusés. En conséquence, les habitants de la Haute-Vienne qui sont en zone de réception de l'émetteur de Niort ne reçoivent pas l'édition régionale de France 3 Limousin qui leur est destinée.

La topographie de notre pays est complexe et la couverture par le réseau hertzien terrestre des régions obéit à des règles qui ne sont pas strictement celles du découpage administratif. Sur ce point, la topographie a beaucoup d'importance.

Je regrette cette situation pour laquelle, je vous le confirme, des solutions sont recherchées. Le réseau analogique de France 3 est le résultat d'un déploiement sur plus de trente ans. La TNT est née en mars dernier et j'entends favoriser la mise en oeuvre rapide des mesures techniques afin d'assurer rapidement la réception des bons décrochages de France 3.

D'abord, la couverture de la TNT en Haute-Vienne sera significativement élargie lors de la mise en service de l'émetteur de Limoges, prévue entre le 15 juillet et le 15 octobre 2006. Ainsi, monsieur le sénateur, ce seront non pas quelques villes de votre région qui seront couvertes par la TNT, mais l'intégralité des agglomérations, au fur et à mesure du développement des émetteurs. L'émetteur de Limoges diffusera, naturellement, les programmes de France 3 Limousin.

Ensuite, pour les foyers de la Haute-Vienne couverts par l'émetteur de Niort, sera mise en place une diffusion spécifique des programmes de France 3 avec les programmes de France 3 Limousin. Plusieurs solutions techniques sont en cours d'examen.

Je tiens, par ailleurs, à préciser que la solution mise en oeuvre pour les foyers de la Haute-Vienne a vocation à être étendue à l'ensemble des zones de notre territoire où un mauvais décrochage de France 3 est reçu en TNT.

France Télévision a étudié l'ensemble des sites concernés et j'assumerai toutes les responsabilités qui m'incombent en fonction des études techniques afin d'assurer l'adéquation des décrochages de France 3 avec les bassins auxquels ils sont destinés.

Ainsi, progressivement, c'est l'ensemble du territoire national qui recevra la TNT. Les citoyens de chaque région ont bien évidemment droit à l'information régionale diffusée par France 3.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.

M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le ministre, je suis entièrement d'accord avec vous, la TNT, comme je l'ai dit, représente un progrès considérable.

Mon inquiétude, que vous n'avez que très partiellement levée, concerne des informations émanant du CSA.

Vous avez évoqué l'émetteur de Limoges, mais il ne couvrira que cette très grande ville du Centre Ouest. Or il n'est pas prévu que les zones rurales soient desservies. Je vous ai indiqué qu'à l'horizon 2010 seules les villes de Limoges, Tulle, Brive et Guéret seraient couvertes.

Certes, vous avez fait remarquer que des solutions étaient à l'étude. En revanche, vous n'avez pas donné de date, ni de délai. Pendant les années, sinon les décennies à venir, les habitants des zones rurales seront privés de leur station régionale à laquelle ils sont très attachés. En effet, France 3 Limousin bénéficie d'un taux d'audience de 40 %, taux le plus fort pour ce qui concerne les stations régionales de France. Ses émissions ont un intérêt culturel et sportif sur le plan local. En cas de phénomènes météorologiques graves, d'inondations par exemple, c'est le seul moyen de transmettre les informations.

Monsieur le ministre, ne laissez pas les zones rurales, qui sont déjà relativement enclavées, privées de ce vecteur de culture et d'information.

Accès à la télévision numérique en Haute-Loire

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, auteur de la question n° 744, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Adrien Gouteyron. A mon tour, monsieur le ministre, je veux vous interroger sur la télévision numérique terrestre. Vous avez affirmé à deux reprises que la totalité de notre territoire sera couverte par la TNT. Dont acte ! Mais permettez-moi d'évoquer mon département.

On connaît les avantages non négligeables de la TNT que vous avez rappelés, comme le nombre de chaînes, la qualité de l'image, du son et une possibilité d'interactivité.

Vous avez dit également que l'on pouvait disposer de la TNT en achetant simplement un adaptateur relativement bon marché, ce qui est un autre avantage important.

J'ai relevé, moi aussi, les prévisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel selon lesquelles, dès le mois de mars 2005, plus de 30 % du territoire sera couvert ; ce taux s'établira à 50 % au mois de septembre de la même année, à 65 % au premier semestre 2006 et à 85 % en 2007. A ce propos, le président du CSA a affirmé qu'il fallait impérativement trouver la solution pour garantir aux habitants des zones de montagne ou des régions frontalières qu'ils recevront la TNT. C'est aussi ce que vous venez d'indiquer, monsieur le ministre. Il faut donc trouver les moyens techniques d'assurer cette diffusion.

Pour mon département, on me dit que la région située à l'ouest sera assez rapidement couverte dans le courant de l'année 2006 grâce à l'émetteur de Clermont-Ferrand. J'aimerais en avoir confirmation. La couverture du bassin du Puy-en-Velay serait prévue pour 2007. Je souhaiterais obtenir de plus amples indications sur ce point.

Par ailleurs, M. Estrosi a déclaré avec beaucoup de force qu'il faudrait trouver les moyens technologiques afin d'assurer une couverture totale de notre territoire d'ici à 2007. Or, selon les chiffres dont j'ai connaissance concernant cette dernière année, le taux de couverture s'élèverait à 85 % du territoire. Par conséquent, 15 % de notre territoire ne serait pas desservi, ce qui représente quelque neuf millions d'habitants. Monsieur le ministre, quelles mesures vont être prises afin de remédier à cette situation ? Et je ne doute pas de la volonté du Gouvernement.

Avant le lancement de la TNT ou au début de sa mise en oeuvre, on entendait ou on lisait parfois dans la presse des propos sceptiques. Je constate que de telles remarques sont singulièrement dépassées, démenties par les faits, et je m'en réjouis. C'est une raison supplémentaire pour donner des assurances aux départements comme le mien.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, chacun définit des objectifs. Quant à moi, il m'appartient, sous l'autorité du Premier ministre, de les mettre en oeuvre concrètement tout en tenant compte de la répartition du travail et des prérogatives du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Je vous le répète, chaque Française, chaque Français a le droit de recevoir la télévision grâce à la TNT. Le système sera opérationnel.

Le Gouvernement a su respecter un certain nombre de rendez-vous. Personne ne pensait qu'il aurait le courage et la capacité politique d'arbitrer pour que les normes technologiques soient retenues et pour que le dispositif soit opérationnel au jour dit, soit le 31 mars dernier, ce qui a été vérifié.

J'ai le même objectif que vous, à savoir que la TNT soit diffusée sur l'ensemble du territoire national. Les habitants de la ville de Tours ne recevant pas encore la TNT, je partage votre sentiment. (Sourires.) Comme vous le constatez, les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés !

Ainsi que vous me le faites remarquer, la Haute-Loire ne fait effectivement pas partie des zones couvertes actuellement par la TNT.

Toutefois, le 19 juillet dernier, le CSA a fixé la date d'ouverture du site TNT du Puy-en-Velay entre le 15 juillet et le 15 octobre 2006. Ainsi, l'arrivée de la TNT en Haute-Loire interviendra dès 2006.

L'accès aux services nouveaux proposés par la TNT est attendu par tous. C'est pourquoi, alors que 85 % de notre territoire devait être desservi par la TNT à la fin de l'année 2007, dès le mois d'avril dernier, le Premier ministre a souhaité que le calendrier de déploiement soit accéléré et que des solutions qui permettront, dès cette échéance, à tous les Français de recevoir une offre gratuite de service de télévision en numérique, soient mises en place.

Dans cette perspective, un groupe de travail conjoint entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Direction du développement des médias, c'est-à-dire le Gouvernement, a été mis en place. L'ensemble des acteurs impliqués dans la TNT ont pu collaborer aux travaux de ce groupe.

A l'occasion de la mise en service officielle de quinze nouveaux émetteurs pour la TNT le 15 octobre dernier, le Premier ministre a appelé les acteurs de la télévision numérique à se rassembler pour que l'ensemble des Français puissent recevoir les dix-huit chaînes gratuites offertes par la TNT. Il a aussi demandé d'accélérer le déploiement de la TNT afin que 100 % des Français puissent y avoir accès à la fin de l'année 2007.

Pour ce faire, le Premier ministre a annoncé une série de mesures.

Tout d'abord, les moyens mis à la disposition du fonds de réaménagement du spectre seront renforcés.

Par ailleurs, pour régler les questions complexes spécifiques aux zones frontalières, en raison de la présence de partenaires et de questions parfois liées à la défense, il a demandé au ministre délégué à l'industrie d'engager avec nos voisins des discussions sur les fréquences utilisables. Mais nous savons parfaitement que, dans certaines régions, le système classique ne pourra pas être mis en oeuvre.

Dans ces régions frontalières dans lesquelles la pénurie de fréquences disponibles rendra vraisemblablement nécessaire le recours aux innovations technologiques les plus performantes, le Premier ministre a également décidé la création d'un fonds d'accompagnement du numérique dès 2006. Autrement dit, lorsque nous allons être obligés de mettre en place un système technologiquement spécifique, il faudra le financer afin qu'il reste gratuit pour tous nos concitoyens.

L'ensemble de ces mesures contribuera à assurer rapidement un accès au service de la TNT étendu et généralisé.

En conclusion, je veux indiquer que deux catégories de responsabilités doivent être assumées. Tout d'abord, le dispositif technologique doit permettre d'irriguer l'ensemble du territoire. Par ailleurs, pour qu'une telle desserte représente un progrès, sont en cause non seulement la technologie, mais aussi le contenu des programmes. Comme vous, je souhaite que tous les créateurs de télévision soient au rendez-vous.

Je préfère constater l'impatience ; c'est bon signe. Cela signifie que les programmes sont attractifs et que chacun veut les voir.

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Monsieur le ministre, je vous exprime toute ma satisfaction.

Vous avez ainsi indiqué que tout le territoire serait couvert par la TNT à la fin de l'année 2007, même si l'on doit faire appel à un fonds qui permettra de mettre en oeuvre des technologies particulières. Je me réjouis de cette confirmation.

Vous avez ajouté que les « tuyaux » ne suffisaient pas et que les programmes devaient être satisfaisants. J'espère qu'ils seront à la hauteur des efforts technologiques et des investissements financiers réalisés.

application de la loi littoral

M. le président. La parole est à M. André Trillard, auteur de la question n° 795, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. André Trillard. Monsieur le ministre, le vote à l'unanimité des parlementaires de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi littoral, témoignait du consensus existant autour de l'urgence qu'il y avait à prendre des dispositions pour sensibiliser les acteurs locaux et l'opinion à la préservation d'un capital de plus en plus menacé, cela sans renoncer pour autant aux impératifs du développement économique.

Si, aujourd'hui, l'unanimité demeure plus que jamais s'agissant des objectifs fixés par ce texte, tous les élus concernés s'accordent à reconnaître que cette loi, souvent imprécise et dont plusieurs décrets d'application ont été tardifs, incomplets et contestés, a donné lieu à une jurisprudence génératrice de situations aberrantes, voire explosives.

Cette loi a donc eu pour conséquence des situations aberrantes, dans la mesure où les propriétaires de terrains jusque là constructibles, au terme de règlements d'urbanisme avalisés par l'administration, se voient brusquement privés de toute possibilité d'édifier quelque construction que ce soit, individuelle ou professionnelle, parfois en raison de l'interprétation restrictive donnée par les services de l'Etat au mot « village ».

Pire encore, des permis de construire délivrés le plus régulièrement possible se voient frappés de nullité à la suite d'un arrêt de la jurisprudence administrative interprétant a minima un article trop imprécis.

La loi littoral a également eu pour conséquence des situations explosives. Indépendamment des légitimes réactions des particuliers ou des professionnels concernés, chez les élus désavoués, l'incompréhension engendre une colère justifiée.

Je bornerai ici mon propos aux difficultés auxquelles se trouvent aujourd'hui confrontés les agriculteurs des zones rurales littorales, en particulier en raison de l'application de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme.

Cet article prévoit une dérogation permettant de construire en discontinuité pour les seuls cas d'installations classées. Or nombreuses sont les exploitations proches du littoral qui, telles les serres, ne sont pas considérées comme des installations classées et qui ne peuvent, par conséquent, pas bénéficier d'une dérogation.

Dans le seul département de la Loire-Atlantique, 34 communes sont concernées par les problèmes d'application de la loi littoral : 19 communes littorales maritimes, 9 estuariennes, mais aussi les 6 communes riveraines du lac de Grand Lieu, sur le pourtour duquel 90 exploitations agricoles sont également concernées.

Les effets pervers de la loi littoral ont été amplement exposés lors de la discussion au Sénat de la loi relative au développement des territoires ruraux, en janvier dernier : gel du développement des exploitations agricoles, frein à l'installation des jeunes agriculteurs, engorgement des circuits administratifs et contentieux, insécurité juridique pour les maires qui délivrent des permis de construire susceptibles d'être annulés après intervention du juge administratif.

Lors de la discussion de cette loi, le précédent gouvernement avait annoncé, d'une part, la parution d'une circulaire explicitant les conditions dans lesquelles doit être appliquée la loi, en prenant en compte l'ensemble des évolutions récentes de la jurisprudence et en particulier l'arrêt du Conseil d'Etat « Mme Barrière » du 3 mai 2004. Les élus devaient, en outre, être destinataires d'une plaquette d'explication de la circulaire, dont le texte aurait dû être élaboré avant l'été 2005.

Le Gouvernement avait annoncé, d'autre part, la création d'un Conseil national du littoral, qui devait être saisi très rapidement des propositions contenues dans les rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat, notamment celui de MM. Patrice Gélard et Jean-Paul Alduy de juillet 2004.

Le Gouvernement s'était engagé à ce que les dispositions réglementaires nécessaires soient prises rapidement afin que les dispositions de la loi puissent être réellement applicables dans les meilleurs délais. Or, force est de constater, dix mois plus tard, que nous n'avons été informés d'aucune mesure.

Ma question, dès lors, est simple : le Gouvernement va-t-il tenir les engagements pris et mettre en oeuvre rapidement les moyens annoncés ?

En effet, monsieur le ministre, préciser certains points de la loi littoral pour éviter les dérives jurisprudentielles contraires à l'esprit du législateur, ce n'est pas porter atteinte à un texte dont personne ne nie le bien-fondé : c'est au contraire le conforter en le mettant à l'abri des critiques justifiées, nées d'interprétations ayant pour origine une méconnaissance des réalités du terrain.

A cet égard, quelle suite donnerez-vous à une proposition très concrète, consistant à réunir au plus tôt un groupe de travail composé notamment d'élus et de représentants des professionnels concernés, afin de faire les propositions d'aménagement qui s'imposent et de ne pas laisser au seul juge administratif l'interprétation de la portée des dispositions qualifiant les espaces proches du littoral ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je vous répondrai au nom de M. Dominique Perben, qui n'a pu être présent ce matin.

Votre question est très importante, car elle porte sur la compatibilité entre, d'une part, le développement de l'activité économique et agricole et, d'autre part, la protection nécessaire de l'environnement et du littoral.

Elle est aussi utile, dans la mesure où vous nous faites part des retards que vous avez pu constater dans l'application de la loi littoral. Il est donc normal que l'on se mobilise autour de cette question.

Le Gouvernement a affirmé, lors du débat sur la loi relative au développement des territoires ruraux, sa volonté de ne pas remettre en cause la loi littoral, qui assure un juste équilibre entre les impératifs de protection du littoral et les nécessités, tout aussi légitimes, de développement de ce dernier.

Comme vous l'avez observé, un certain nombre de dispositions de la loi littoral, parce qu'elles sont exprimées dans des termes généraux, créent des difficultés d'interprétation pour les communes littorales, et nous le reconnaissons.

L'article L.146-4 du code de l'urbanisme, et plus particulièrement la notion d'« espaces proches du rivage » qu'il contient, est source de difficultés juridiques. Néanmoins, l'évolution récente de la jurisprudence a permis de clarifier cette notion.

Par ailleurs, la loi relative au développement des territoires ruraux précise que le paragraphe I de l'article L.146-4, selon lequel l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, soit en continuité des agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, « ne fait pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d'origine animale ne soient pas accrus ».

Ces évolutions devraient permettre d'assurer la pérennité et le développement des exploitations agricoles dans les communes littorales.

M. Gilles de Robien, alors ministre de l'équipement, avait demandé à ses services de préparer une circulaire explicitant de façon plus précise les conditions dans lesquelles doit être appliquée la loi.

Cette circulaire, dont la parution est urgente et que vous attendez, est en cours de rédaction. Elle prendra en compte l'ensemble des évolutions récentes de la jurisprudence et sera accompagnée d'une plaquette d'explication à l'usage des élus.

Elle s'inscrit parfaitement dans les orientations fixées par le Président de la République à La Rochelle, le 18 juillet dernier, lors du trentième anniversaire du Conservatoire du littoral.

Enfin, comme vous l'avez rappelé, la loi relative au développement des territoires ruraux a créé un Conseil national du littoral. Le décret fixant sa composition est en cours de signature. C'est dans le cadre de ce conseil qu'une réflexion sur les questions de gestion intégrée du littoral pourra être utilement menée.

Vous pouvez compter sur moi, monsieur le sénateur, pour faire part à Dominique Perben, qui en est d'ores et déjà parfaitement conscient, de l'urgence que vous estimez requise pour l'installation de ce conseil, ainsi que pour la parution de la circulaire et l'édition de la plaquette d'explication.

M. le président. La parole est à M. André Trillard.

M. André Trillard. Monsieur le ministre, vous m'avez rassuré. Je souhaite simplement que la loi littoral connaisse le même succès que la loi montagne, qui, très riche en apports, a dû être adaptée à un moment donné. En effet, en tant que législateurs, nous ne pouvons pas confier l'avenir de nos territoires à la seule jurisprudence.