M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Miraux.
M. Jean-Luc Miraux. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Un mouvement lycéen a annoncé une journée de « blocage général » des lycées pour aujourd'hui.
Le SNES-FSU, principal syndicat des enseignants des lycées et collèges, a appelé tous les personnels à rejoindre l'action des lycéens, partout où les conditions le permettaient, y compris en décidant la grève. Une fédération de parents d'élèves soutient également ce mouvement.
Qui croient-ils donc tromper, ceux qui prétendent ainsi demander le retrait de la loi votée par le Parlement et donc par les représentants du peuple démocratiquement élus ?
Mme Hélène Luc. Vous n'avez même pas participé aux débats sur ce texte !
M. Jean-Luc Miraux. Que proposent-ils comme alternative ? Aucune. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Ils évoquent le « non » au référendum et dénoncent une prétendue école inégalitaire qui préparerait à devenir de la main-d'oeuvre facile.
C'est en fait tout le contraire que nous voulons.
Nous tenons fermement à notre école de la République, qui doit être modernisée. Or, malgré l'enthousiasme et la passion de toute la communauté éducative, des enseignants, des parents d'élèves, des élèves eux-mêmes, cette éducation présente pour le moins quelques faiblesses.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ecoutez au moins ce que disent les lycéens !
M. Jean-Luc Miraux. Ainsi, 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ni qualification ; 80 000 enfants entrent en sixième sans savoir ni lire, ni écrire, ni compter.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Expliquez cela dans vos départements !
M. Jacques Mahéas. Mais quel est le rapport ?
M. Jean-Luc Miraux. La réponse est dans la loi que nous avons votée,...
M. Roland Muzeau. Quelle est la question ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est au Gouvernement de répondre !
M. Jean-Luc Miraux. ... à savoir 2 milliards d'euros ; la création de 150 000 postes d'enseignant en cinq ans ; l'accent mis sur la nécessité de savoir lire, écrire, compter, parler une langue étrangère ; un soutien individualisé de trois heures par semaine pour les élèves qui commencent à avoir des difficultés ; le triplement des bourses au mérite pour les élèves défavorisés. (Brouhaha sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Cela fait trois minutes et quinze secondes qu'il a la parole ! Où est la question ?
M. Jacques Mahéas. C'est la question et la réponse !
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Robert Hue. Le ministre va devoir la poser lui-même !
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, puisque notre collègue fait déjà les réponses !
M. Jean-Luc Miraux. Occultant le vrai contenu de la réforme, cette minorité de protestataires vient perturber la vie lycéenne au moment le plus crucial, celui de la préparation du baccalauréat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la réponse de M. Fillon que vous êtes en train de lire !
M. Jean-Luc Miraux. Quelles mesures, quelles initiatives comptez-vous prendre, monsieur le ministre, afin de rassurer les élèves, leurs familles, les enseignants ainsi que les chefs d'établissements confrontés à ces manifestations ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui ! Les rassurer ! Parce qu'ils sont inquiets, vous les rassurez à coups de bâton !
Mme Hélène Luc. Retirez votre texte, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Domeizel. Pour une minute, puisque la réponse était dans la question !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous allez poser la question, monsieur le ministre : nous avons déjà eu la réponse !
M. Raymond Courrière. Tout a été dit !
M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je suis attentif à l'expression des lycéens qui, depuis plusieurs semaines, manifestent des inquiétudes au sujet de ce qu'ils considèrent comme la montée d'une inégalité dans notre système éducatif.
Mme Hélène Luc. C'est pour cela que vous leur avez envoyé les CRS !
M. François Fillon, ministre. C'est d'ailleurs dans cet esprit que j'ai accepté de surseoir à la réforme du baccalauréat, pourtant nécessaire, pourtant souhaitée par un grand nombre d'organisations.
C'est également dans cet esprit que la loi d'orientation que le Parlement a votée met en place des instruments puissants de lutte contre les inégalités, en particulier un dispositif massif de soutien aux élèves en difficulté à l'école primaire et au collège.
M. Jacques Mahéas. En supprimant des classes!
M. François Fillon, ministre. C'est toujours dans cet esprit que le Conseil national de la vie lycéenne est réuni en ce moment même. J'aurai demain l'occasion de dialoguer avec ses élus sur leurs revendications.
M. Roland Muzeau. Ils sont en garde à vue !
M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, je puis vous assurer que je n'accepterai pas qu'une infime minorité de lycéens bloque le fonctionnement de notre système éducatif, et ce à quelques semaines du baccalauréat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N'acceptez pas que la police tape sur les lycéens, monsieur le ministre !
M. François Fillon, ministre. Le ministre de l'intérieur et moi-même avons donné des instructions extrêmement précises aux recteurs et aux préfets afin que tous les moyens soient utilisés pour mettre un terme à ces blocages.
Je le dis clairement : chaque fois qu'il y aura blocage, il y aura intervention, avec les moyens nécessaires, pour y mettre fin. (Très bien ! et applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
M. Robert Hue. Tous les moyens, c'est clair !
M. François Fillon, ministre. Quant à la violence évoquée tout à l'heure par M. Muzeau, elle est du côté de ceux qui bloquent les établissements, qui les empêchent de fonctionner.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est faux ! La police doit assurer la sécurité des élèves !
M. François Fillon, ministre. Elle est du côté des individus cagoulés qui, ce matin, ont brisé avec des masses les vitres et les portes du rectorat de Paris, qu'il a fallu évacuer cet après-midi. (Exclamations indignées et applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
M. Adrien Gouteyron. C'est honteux !
M. François Fillon, ministre. La plupart des organisations syndicales et des organisations de parents d'élèves, quelles que soient leurs convictions, ont d'ailleurs très courageusement appelé à la fin de ces mouvements, au respect de la loi et au respect des principes de la République.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles ont demandé que la sécurité des lycéens soit assurée !
M. François Fillon, ministre. Il reste quelques organisations - notamment, on l'a entendu tout à l'heure, du côté du parti communiste - qui entretiennent cette colère, qui participent au mouvement. (Vive indignation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh ! C'est scandaleux !
M. Robert Hue. Vous avez un siècle de retard !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas accepter vos propos !
M. François Fillon, ministre. En agissant ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe communiste, vous ne rendez service ni à la jeunesse, que vous prétendez défendre, ni à la démocratie, ni à la République, dont vous bafouez les principes. (Applaudissements vifs et prolongés sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Protestations vigoureuses sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est scandaleux ! Ce sont des accusations sans fondement ! Donnez des preuves !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Ma question s'adresse à M. Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille,...
Mme Nicole Bricq. Il n'est pas là !
Mme Dominique Voynet. ... qui, dit-on, rencontre aujourd'hui les urgentistes. Soit ! Mieux vaut tard que pas du tout !
En décembre 2002, puis en décembre 2003, le Gouvernement a réformé l'aide médicale de l'Etat et la couverture maladie universelle. Passant outre les inquiétudes des associations qui connaissent bien la réalité du terrain - Médecins sans frontières, Médecins du monde, le Samu social de Paris et le Comité médical pour les exilés -, il a supprimé l'accès immédiat à l'aide médicale de l'Etat pour les étrangers en situation précaire de séjour, mettant en péril, selon ces associations, « la santé de 150 000 personnes parmi les plus fragiles d'entre nous ».
De fait, bien des voix se sont alors élevées contre les projets du Gouvernement, parce qu'ils étaient socialement indignes, mais aussi parce qu'ils étaient irrationnels sur le plan de la santé publique, en contradiction totale avec les efforts déployés pour améliorer le suivi des grossesses à risques, par exemple, ou pour enrayer la diffusion de la tuberculose et du VIH.
Au terme d'une procédure engagée par la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, le Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés, le GISTI, et la Ligue française des droits de l'homme, le Comité des droits sociaux du Conseil de l'Europe s'est prononcé sur ces réformes. Il vient de rendre publique sa décision du 3 novembre 2004, par laquelle il met la France face à ses responsabilités en affirmant que « le gouvernement français ne saurait porter atteinte à la dignité humaine, dont l'accès aux soins de santé constitue un préalable essentiel », et qu'il doit accorder un droit à l'assistance médicale à tous « les ressortissants étrangers, fussent-ils en situation irrégulière ».
M. Christian Cambon. Et voilà !
Mme Dominique Voynet. Le Comité des droits sociaux du Conseil de l'Europe reconnaît, certes, qu'une prise en charge est prévue « pour les cas d'urgence mettant en cause le pronostic vital ». Mais c'est pour immédiatement souligner « l'imprécision de ce concept » et les « difficultés dans sa mise en oeuvre pratique ». Il insiste sur le cas des enfants isolés ou à la charge d'adultes eux-mêmes sans papiers, dont le droit à une protection sociale, juridique et économique, garanti par la Charte sociale européenne, est bafoué par la législation française.
Ma question est simple : quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il prendre pour permettre à la France de respecter enfin ses obligations ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur quelques travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Mahéas. C'est un one man show !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Madame le sénateur, l'aide médicale de l'Etat est un sujet qui demande une grande pédagogie.
Mme Hélène Luc. La Constitution européenne, c'est de la pédagogie ; l'école, c'est de la pédagogie... Allez un peu sur place !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. De la pédagogie et certainement pas de la démagogie, vous avez raison, madame le sénateur !
L'AME finance, pour l'essentiel, les frais médicaux engagés pour délivrer des soins indispensables aux personnes étrangères sans couverture sociale. Le dispositif a donc bien une vocation humanitaire, et nous entendons qu'il la conserve.
Il n'a jamais été question de revenir sur ces principes de secours médical, qui garantissent une prise en charge adaptée à toute situation et à toute personne se trouvant sur le territoire français. Cependant, si personne n'a envie de déroger à ces principes, personne n'a non plus envie de les voir détournés, madame le sénateur.
C'est pourquoi le Gouvernement a décidé qu'il faudrait effectivement trois mois de présence ininterrompue sur le territoire pour pouvoir bénéficier de l'aide médicale de l'Etat. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Christian Cambon. Tout de même !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est regrettable !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Mais, dans le même temps, et après avoir joué la carte de la concertation avec les associations concernées, le Gouvernement a pris une circulaire, la circulaire « soins urgents » du 16 mars 2005, qui permet de délivrer des soins urgents aux étrangers en situation irrégulière durant les trois premiers mois de leur séjour sur le territoire dans plusieurs situations, et non pas seulement dans celle que vous avez citée tout à l'heure : vous n'avez pas été, à mon sens, tout à fait exhaustive, madame le sénateur, car vous auriez dû rappeler qu'étaient concernés à la fois le risque vital pour la personne, prévu dans la circulaire, les pathologies contagieuses ou transmissibles, les soins à la femme enceinte et au nouveau-né ainsi que les troubles psychiatriques.
Concernant les enfants mineurs, et conformément au souhait exprimé par le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe, la récente circulaire « soins urgents » prévoit expressément qu'ils bénéficient sans aucune restriction d'une prise en charge au-delà de toute situation d'urgence, compte tenu de leur vulnérabilité.
Ce dispositif a été recentré. En effet, le système, conçu en 1999, ne prévoyait aucune condition de ressources, aucune condition de séjour, pas même d'identité.
M. Eric Doligé. Ben voyons...
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Certains de ses promoteurs ont reconnu que des risques d'abus existaient et que le système pouvait être détourné de son objet.
Nous voulons prendre effectivement en charge toute personne qui, sur notre territoire, souffre ; mais nous ne voulons pas qu'une personne vienne en France uniquement pour se faire soigner et en reparte ensuite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Aujourd'hui, le dispositif est donc recentré sur les personnes qui doivent réellement en bénéficier, et c'est l'honneur de notre pays que de savoir prendre en charge toute personne souffrant sur son territoire. Cependant, il est de notre responsabilité, mais aussi de notre devoir de veiller à ce que ces objectifs humanitaires ne puissent être détournés.
Mme Hélène Luc. Que fait-on des Anglais qui viennent en France ?
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. C'est fidèle à ces principes que le Gouvernement agit en ce domaine, madame le sénateur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
sécheresse de l'été 2003
M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier.
Mme Janine Rozier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
L'été 2003 s'est singularisé par sa terrible canicule. Sur le territoire de milliers de communes, un nombre incalculable d'habitations ont subi de lourds dommages à cause de l'état de sécheresse des terrains qu'a provoqué cette canicule.
Les deux premiers arrêtés de catastrophe naturelle, pris le 25 août 2004 et le 1er février 2005, ont permis de régler le problème pour plus de 2 000 communes. En effet, sans ces arrêtés, seules les constructions couvertes par la garantie décennale peuvent prétendre à un dédommagement de la part des sociétés d'assurances.
M. François Autain. Notre collègue aborde un bon sujet !
Mme Janine Rozier. Cependant, un grand nombre de communes, pourtant réellement sinistrées, n'ont pas été inscrites sur les listes, et ce en dépit parfois du bon sens, ce qui a suscité l'incompréhension la plus totale des populations concernées.
Pour ne prendre que l'exemple du Loiret, seules 10 communes ont bénéficié de ce classement, dont une seule à l'occasion du deuxième arrêté, alors que 185 d'entre elles restent dans l'attente d'une décision de la commission interministérielle.
M. Didier Boulaud. Chez nous aussi, c'est la même proportion !
M. Jean-Pierre Sueur. Dix communes dans le Loiret, alors que 334 étaient candidates, c'est très insuffisant !
Mme Janine Rozier. Ce n'est pas compréhensible !
L'incompréhension des élus locaux, mais également des victimes et de l'ensemble des citoyens est essentiellement le fait de l'inintelligibilité des critères retenus. Sans doute sont-ils mathématiquement objectifs ; mais comment expliquer, par exemple, que, dans un canton de mon département, pour citer un cas précis, seules trois communes sur douze aient été retenues, alors qu'elles se trouvent dans des situations géologiques et climatiques identiques ?
Mme Evelyne Didier. Bravo !
Mme Janine Rozier. Monsieur le ministre, nous avons conscience qu'un premier effort significatif a été entrepris en début d'année pour élargir les critères et permettre à davantage de communes d'être retenues au titre de l'état de catastrophe naturelle, mais cela reste encore en deçà des attentes de nos concitoyens.
Nous reconnaissons que vous avez su nous écouter et que vous déployez de nombreux efforts pour que nous soyons entendus. J'aurai cependant deux questions à vous poser.
M. François Autain. Ah, tout de même !
Mme Janine Rozier. En premier lieu, je souhaiterais savoir si le Gouvernement envisage d'assouplir ces critères pour ne pas laisser des communes sinistrées hors du champ de l'arrêté.
En second lieu, dans la mesure où certaines communes, pour des raisons purement techniques, risquent de demeurer malgré tout en dehors des critères, j'aimerais savoir s'il peut être envisagé de procéder à un réexamen particulier et individualisé de leur cas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Eric Doligé. C'est la meilleure question !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils sont d'accord !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Madame la sénatrice, nous avons tous en mémoire les terribles épreuves de l'été 2003, que vous avez rappelées, les dégâts matériels, les souffrances humaines.
M. Raymond Courrière. Ah oui !
M. Dominique de Villepin, ministre. C'est pour cette raison que le Gouvernement a voulu élargir les critères traditionnels de la commission d'indemnisation jusqu'à prendre en compte, à ce jour, près de 2 200 communes. Mais, nous le savons, c'est trop peu.
Mme Nicole Bricq. Il en reste 4 000 !
M. Dominique de Villepin, ministre. Nous avons donc voulu aller plus loin et élargir les zones prises en compte. C'est ce que nous sommes en train de faire.
Cependant, c'est encore insuffisant. Pour me limiter moi aussi à l'exemple de votre département, le Loiret, je rappelle que, sur près de 200 communes qui ont fait une demande, pas plus d'une dizaine n'ont à ce jour reçu de réponse.
M. Jean-Pierre Sueur. Elles sont exactement onze !
M. Dominique de Villepin, ministre. Il faut donc aller plus loin, et M. le Premier ministre a décidé de prendre en compte l'ensemble de ces demandes : d'abord, en assouplissant encore davantage les critères de zones communales ; ensuite, pour toutes les demandes qui n'auront pas pu être retenues, en examinant chaque situation au cas par cas, en fonction des dommages individuels.
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi voulez-vous prendre en compte des situations individuelles ? Il faut prendre en compte les communes.
Mme Nicole Bricq. Le cas par cas ? Cela ne marche pas !
M. Dominique de Villepin, ministre. Nous allons une fois de plus mettre le père Ubu aux orties, accueillir le bon sens et donner toute sa place au coeur, comme il se doit dans notre République. Telle est la vocation du Gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas la bonne réponse, on y reviendra !
M. Didier Boulaud. C'est un enterrement de première classe !
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
Monsieur Boulaud, votre collègue M. Signé n'étant pas là pour vous interrompre, M. Courrière pourra vous écouter dans la sérénité. (Sourires.)
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, j'ai téléphoné ce matin à M. Signé, et je sais qu'il me regarde. (Rires.)
Ma question, qui porte sur la défense, s'adressait à Mme Alliot-Marie. Malheureusement, elle n'est pas des nôtres aujourd'hui, c'est donc à vous, monsieur le Premier ministre, que je m'adresse.
Monsieur le Premier ministre, depuis trois ans, vous n'avez pas eu de mots assez durs pour fustiger l'action du gouvernement précédent en matière de crédits militaires. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Eric Doligé. Il a eu raison !
M. Henri de Raincourt. Tout à fait !
M. Didier Boulaud. Le Président de la République, chef des armées depuis maintenant dix ans, n'a pas été en reste non plus.
En 2002, vous avez fait adopter par le Parlement une loi de programmation militaire couvrant la période 2003-2008 en affirmant à qui voulait l'entendre qu'elle serait enfin la première réellement réalisée intégralement.
Nous avions, pour notre part, exprimé notre opposition à cette programmation, parce que nous la trouvions irréaliste, tant l'augmentation annoncée des crédits ne pouvait être, en fait, qu'une illusion dans le contexte budgétaire général.
Les faits sont hélas ! en train de nous donner raison, et vos propres amis politiques de l'Assemblée nationale, en rendant publics les errements de votre gestion, confirment que cette programmation militaire, comme les précédentes, est en passe de devenir lettre morte.
Pour permettre aux citoyens qui nous regardent et qui nous écoutent en ce moment de bien comprendre, il est bon de leur expliquer que vous avez fait voter pour 2004 des crédits que vous avez été incapables de dépenser. Il s'agit exactement de 2 775 millions d'euros d'équipements qui n'ont pas été utilisés par nos armées. Monsieur le Premier ministre, c'est à quelques euros près le montant du budget du ministère de la culture pour la même année 2004. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Par exemple, douze chars Leclerc ont été livrés au lieu des quarante-cinq annoncés, trois chars AMX 10 RC ont été rénovés sur les cinquante-deux qui étaient envisagés, aucun hélicoptère Tigre sur les sept qui étaient prévus n'a été livré, seuls trois avions Rafale sur cinq ont été livrés, et nous savons désormais que les frégates multimissions ne seront pas financées.
Alors que bon nombre de parlementaires ont regretté par ailleurs la faiblesse de certains budgets de la nation, notamment en matière sociale, pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, si les crédits que vous avez fait inscrire avaient pour but de réellement équiper nos armées ou si ce n'était somme toute que des leurres (Exclamations sur les travées de l'UMP) visant à tromper la vigilance des militaires et à faire croire à l'opinion publique que la droite pouvait garantir mieux que d'autres sa sécurité ?
J'espère que, dans votre réponse, que j'attends avec curiosité, vous ne ferez pas référence, une fois de plus, c'est-à-dire une fois de trop, monsieur le Premier ministre, à l'argument éculé de l'héritage socialiste que vous avez déjà largement utilisé et auquel plus personne ne croit désormais ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le sénateur, si vous lui aviez fait part de votre question, Mme Alliot-Marie aurait pu être là pour vous répondre.
M. Didier Boulaud. Non, elle est à l'Assemblée nationale !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Une séance de questions d'actualité appelle des réponses spontanées, mais, si vous souhaitez des réponses précises sur des sujets précis, il est bon d'avertir le ministre pour qu'il soit présent à coup sûr. Mme Alliot-Marie tient beaucoup à ce que la démocratie parlementaire puisse s'exprimer pleinement et, quand elle est saisie d'une question, elle est présente.
M. Didier Boulaud. Non ! Mme Alliot-Marie est à l'Assemblée nationale !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je me sens le devoir de vous rappeler quelques réalités, mais je constate que vous avez vous-même voulu éviter qu'on vous les rappelle.
Vous n'avez pas voulu que l'on parle de l'héritage socialiste. Vous n'avez pas voulu que l'on parle - je vous promets que je n'en parlerai pas - du retard de la loi de programmation militaire votée sous le gouvernement socialiste. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Didier Boulaud. Elle est à l'eau !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je ne parlerai donc pas de ce retard, de ces années perdues, de ce manque d'équipements et de ces promesses non tenues, non, je n'en parlerai pas et je vous le confirme ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Et je demande à mes amis de ne pas plus évoquer ce retard, parce que je ne voudrais pas que l'on vous contrarie sur ce point. (Rires sur les mêmes travées.)
Nous avons élaboré, à la demande de M. le Président de la République, une loi de programmation militaire : elle sera respectée.
M. Jean-Pierre Sueur. Elle ne l'est pas aujourd'hui !
M. Didier Boulaud. Elle est à l'eau !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pendant cinq ans on a fait en sorte que le moral des armées soit au plus bas, que l'équipement des armées soit au plus bas et que la présence de la France dans les conflits extérieurs, demandée par les organisations internationales, soit au plus bas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Raymond Courrière. Qu'a fait Chirac ?
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Qu'avons-nous fait, nous ? Nous avons bâti, sous l'autorité du chef de l'Etat, chef des armées, une loi de programmation militaire qui donne à notre pays non seulement les moyens humains et techniques nécessaires, mais aussi les moyens stratégiques. (Mme Janine Rozier applaudit.)
M. Didier Boulaud. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Aujourd'hui, cette force d'intervention intervient au nom de la paix, je pense à l'ONUSI et à la Côte d'Ivoire, au nom des organisations internationales, et elle est présente non pas pour faire la guerre, mais pour faire la paix.
Mme Nicole Bricq. On a peur !
M. Yannick Bodin. Mauvais exemple, la Côte d'Ivoire !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Car c'est cela, la puissance de la France : être capable de mobiliser des moyens pour son armée, non pas pour faire la guerre, mais pour assurer la sécurité des populations et pour défendre les valeurs auxquelles nous sommes attachés, c'est-à-dire, au premier chef, la paix. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le sénateur, je vous le dis avec fermeté : la France sera au rendez-vous budgétaire.
M. Didier Boulaud. Elle ne le sera pas, c'est fini !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. La France sera au rendez-vous technologique, la France sera au rendez-vous des ressources humaines.
M. Didier Boulaud. Elle ne le sera pas, ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'Assemblée nationale ! (M. Didier Boulaud brandit un rapport d'information de l'Assemblée nationale.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Mais la France sera surtout au rendez-vous de son message universel, en participant à une défense commune au sein d'une Union qui, grâce au traité établissant une Constitution pour l'Europe,...
M. Roland Muzeau. Cela faisait longtemps !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ...pourra défendre nos valeurs sur l'ensemble de la planète, car telle est notre mission, mesdames, messieurs les sénateurs, faire la paix partout dans le monde. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud. C'est fini !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. D'ailleurs, je vous remercie de soutenir cette démarche, qui permet aujourd'hui aux Français de se mobiliser pour ce traité. (Mmes et MM. les sénateurs de l'UMP se lèvent et applaudissent longuement.- Quelques sénateurs de l'UC-UDF applaudissent également.- Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) )
M. Robert Hue. Le « non » a encore gagné trois points !
M. Didier Boulaud. Lisez donc le rapport que viennent de publier à l'Assemblée nationale certains de vos amis, monsieur le Premier ministre !
M. François Autain. En tout cas, il est populaire au Sénat, à défaut de l'être dans l'opinion !