Compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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Dissolution de l'assemblée de Polynésie française
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Paris, le 2 avril 2004.
« Monsieur le président,
« En application de l'article 157 de la loi organique n° 2004 192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, j'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement a prononcé la dissolution de l'assemblée de Polynésie française par décret pris en conseil des ministres de ce jour.
« Je vous serais obligé de bien vouloir porter cette information à la connaissance des membres de votre assemblée.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.
« Signé : Jean-Pierre Raffarin »
Acte est donné de cette communication.
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Organismes extraparlementaires
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la commission consultative des archives audiovisuelles de la justice.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des lois à présenter une candidature.
J'informe également le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du Comité des finances locales.
En conséquence, j'invite la commission des finances et la commission des lois à présenter chacune deux candidats appelés à siéger, l'un en qualité de titulaire, l'autre en qualité de suppléant.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
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conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mercredi 7 avril 2004
A 16 heures 30 :
- Demande d'approbation d'une déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette demande, en application de l'article 49, quatrième alinéa, de la Constitution ;
(Dans le débat pourront intervenir un orateur par groupe (15 minutes maximum) et un orateur de la Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5 minutes maximum) ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au Service de la Séance, avant 17 heures, le mardi 6 avril 2004 ;
La demande d'approbation sera soumise au vote par scrutin public à la tribune, en application de l'article 60 bis du Règlement du Sénat.)
Jeudi 8 avril 2004
A 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire :
1°) Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, pour la confiance dans l'économie numérique (n° 144, 2003 2004) ;
(Les délais limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale et pour le dépôt des amendements sont expirés) ;
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
2°) Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au Service de la Séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour prioritaire :
3°) Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 13 avril 2004
A 10 heures :
1°) Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 430 de M. Bernard FOURNIER à M. le ministre de la santé et de la protection sociale ;
(Coût du traitement des eaux pour les petites communes rurales) ;
- n° 435 de M. Claude BIWER à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire ;
( Eligibilité au fonds de compensation de la TVA) ;
- n° 440 de M. Michel DOUBLET à M. le ministre de la culture et de la communication ;
(Redevance d'archéologie préventive) ;
- n° 441 de M. Louis SOUVET à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;
(Calcul du potentiel fiscal des communes membres d'une communauté d'agglomération) ;
- n° 443 de M. Jean-Patrick COURTOIS à M. le ministre de la santé et de la protection sociale ;
(Situation des médecins du travail du personnel hospitalier) ;
- n° 445 de M. Philippe NOGRIX à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ;
(Inquiétudes des familles d'enfants lourdement handicapés) ;
- n° 446 de M. Francis GRIGNON à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer ;
(Aide au logement temporaire) ;
- n° 448 de M. Charles GAUTIER à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ;
(Avenir de l'Ecole Supérieure du paysage de Versailles) ;
- n° 449 de M. Jean-Guy BRANGER à M. le Garde des Sceaux, ministre de la justice ;
(Mise en oeuvre du statut de société européenne) ;
- n° 450 de M. André VALLET à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;
(Moyens à la disposition de la sécurité civile) ;
- n° 451 de M. Bernard JOLY à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ;
(Avenir des maisons familiales rurales) ;
- n° 452 de M. André ROUVIÈRE à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire ;
(Conditions de vente des téléviseurs) ;
- n° 453 de M. Daniel RAOUL à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
(Fonctionnement des Instituts universitaires professionnalisés) ;
- n° 455 de M. Aymeri de MONTESQUIOU à M. le ministre de la culture et de la communication ;
(Calcul de la redevance d'archéologie préventive) ;
- n° 456 de Mme Marie-Claude BEAUDEAU à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ;
(Manque d'équipements pour la prise en charge des personnes handicapées) ;
- n° 458 de Mme Monique CERISIER-ben GUIGA à M. le ministre des affaires étrangères ;
(Moyens du centre de traitement des documents sécurisés) ;
- n° 462 de M. Gérard DELFAU à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ;
(Structures d'accueil des handicapés dans l'Hérault) ;
- n° 463 de Mme Anne-Marie PAYET à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ;
(Dotations accordées à l'université de la Réunion) ;
A 16 heures et le soir :
2°) Eloge funèbre de Michel PELCHAT ;
Ordre du jour prioritaire :
3°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle (n° 215, 2003-2004) ;
( La Conférence des Présidents a fixé :
- au vendredi 9 avril 2004, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au Service de la Séance , avant 17 heures, le vendredi 9 avril 2004.)
Mercredi 14 avril 2004
Ordre du jour prioritaire :
A 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.
Jeudi 15 avril 2004
Ordre du jour prioritaire :
A 9 heures 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.
Le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en séance plénière du dimanche 18 avril au dimanche 25 avril 2004.
Par ailleurs, le Sénat a décidé de reporter du 8 avril au 29 avril 2004 la séance mensuelle réservée à l'ordre du jour fixé par le Sénat, en application de l'article 48, dernier alinéa, de la Constitution.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
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contrat de Volontariat de solidarité internationale
Adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 139, 2003-2004) relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale. [Rapport n° 245 (2003-2004).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord vous dire combien je me réjouis de renouer aujourd'hui, dans le cadre de mes nouvelles responsabilités, mes relations avec le Parlement et tout particulièrement avec le Sénat, auquel m'attachent toujours des liens personnels.
Je me réjouis également de pouvoir le faire à l'occasion de la présentation du projet de loi relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale.
Ce texte représente, en effet, une avancée importante et répond à un double objectif : d'une part, favoriser l'engagement de nos compatriotes, jeunes et moins jeunes, dans des actions de solidarité internationale; d'autre part, renforcer l'efficacité de notre aide au développement.
Ce projet de loi était demandé depuis de nombreuses années par les associations concernées. II a donc fait l'objet d'une concertation longue et approfondie entre les ONG, les organisations non gouvernementales, et les services de l'Etat, dont, évidemment, le ministère des affaires étrangères. Il faut souligner le rôle essentiel de coordination qu'y a joué le comité de liaison des ONG de volontariat.
Je tiens à cet égard à saluer l'impulsion décisive que mon prédécesseur et ami Pierre-André Wiltzer a donnée à cette concertation ainsi que sa volonté d'aboutir, qui a permis le débat d'aujourd'hui. Je suis pour ma part très heureux et très fier de mener à son terme le travail qu'il a conduit et de montrer la volonté du Gouvernement de poursuivre une réforme souhaitée par l'ensemble des acteurs concernés.
Pourquoi un projet de loi sur le contrat de volontariat associatif de solidarité internationale ?
Les besoins de solidarité sont, partout dans le monde, immenses. En même temps, s'expriment dans notre société, notamment dans la jeunesse, une générosité et un désir de venir en aide aux populations les plus démunies ou victimes de catastrophes. Le volontariat de solidarité internationale est une des manifestations de cette démarche.
Le Gouvernement souhaite encourager cette forme d'engagement et de prise de responsabilités. Le projet de loi est la traduction concrète de cette volonté.
Aujourd'hui, le volontariat civil international est organisé par la loi du 14 mars 2000. Ce système est bien adapté pour l'Etat et les entreprises. En revanche, la loi du 14 mars 2000 n'est pas, bien que ce soit théoriquement possible, utilisée par les associations, car elle institue, outre la limite de vingt-huit ans, une relation de droit public qui ne correspond pas à leur approche. De plus, le montant de l'indemnité du volontaire international est trop élevée et il n'y a pas d'aide spécifique de l'Etat.
Le volontariat associatif est actuellement défini par un décret du 30 ianvier 1995.
Celui-ci concerne une partie du volontariat associatif de solidarité internationale, c'est-à-dire l'envoi de volontaires majeurs, sans limite d'âge, pour des missions d'au moins un an sous la responsabilité d'associations agréées par l'Etat, qui prend à sa charge une partie du coût des missions.
Ce volontariat s'exerce spécifiquement dans le domaine de l'humanitaire et, surtout, dans l'aide au développement. Il concerne environ 2 200 personnes.
Toutefois, ce régime présente un point faible sur le plan juridique : la définition de la nature spécifique du contrat entre une association et un volontaire relève de la loi et non d'un décret.
De plus, le décret ne couvre pas les missions inférieures à un an, qui sont pourtant estimées à plusieurs milliers par an, notamment pour les actions humanitaires d'urgence.
II faut donc créer un cadre juridique sûr, qui s'applique à l'ensemble des missions de volontariat. C'est pourquoi la nécessité d'une loi spécifique au volontariat associatif s'est imposée.
Pour la première fois, une loi couvrira l'ensemble des formes de volontariat associatif de solidarité internationale dans tous les pays hors de l'Union européenne, quel que soit l'âge du volontaire, quelle que soit la durée de la mission, quel que soit le mode de financement de la mission.
Les missions de volontariat seront ouvertes aux Français et aux autres ressortissants de l'Union européenne, mais aussi aux étrangers résidant régulièrement en France.
En termes juridiques, la nouveauté est l'institution d'un type de contrat sui generis qui « organise une collaboration désintéressée » entre une association agréée et une personne majeure.
Ce contrat est de droit privé, pour respecter la liberté de l'engagement entre l'association et le volontaire. Il est limité dans le temps et dérogatoire au code du travail, en raison de son caractère spécifique et original. Il s'agit, en effet, de permettre à celles et à ceux qui le souhaitent, de consacrer un temps dans leur vie à des actions de solidarité, c'est-à-dire à des actions n'ayant aucun but lucratif et relevant exclusivement de l'intérêt général.
En contrepartie, les obligations des associations sont précisées par le projet de loi, qui organise en particulier la protection sociale des volontaires.
Un décret et des arrêtés d'application préciseront certaines dispositions du texte. En particulier, la procédure d'agrément par le ministère des affaires étrangères, y compris les critères qui seront pris en compte.
Le décret instituera une commission paritaire dite « du volontariat de solidarité internationale», qui permettra la nécessaire concertation permanente entre les administrations et les associations. Cette commission sera notamment consultée sur les demandes d'agrément et sur le montant minimum de l'indemnité.
De plus, le décret prévoira un mécanisme de cofinancement, par le ministère des affaires étrangères, des missions de longue durée, mécanisme qui sera très proche de celui qui est actuellement en vigueur dans le cadre du décret de 1995.
Telles sont, mesdames et messieurs les sénateurs, les grandes lignes du projet de loi qui est soumis à votre examen et sur lequel il vous appartient de vous prononcer.(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Poirier, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la solidarité internationale, qu'il s'agisse de l'aide humanitaire ou de la coopération en faveur du développement, font désormais partie de la culture de nos concitoyens, notamment de la jeunesse, pour qui elle représente une forme d'idéal particulièrement vivant et respectable. A côté des dons ou des actions de bénévoles, l'engagement personnel y tient une place notable et croissante, et il s'exprime essentiellement sous la forme du volontariat.
Le volontariat au sein d'associations de solidarité internationale constitue un cadre original, semble-t-il sans équivalent chez nos principaux voisins européens. Il repose fondamentalement sur une démarche personnelle de solidarité, mais s'inscrit dans un statut minimal levant certains obstacles matériels au départ et assurant une meilleure efficacité de la démarche.
Il y a maintenant un peu plus de quatre ans, lors des débats sur les volontariats civils, la commission des affaires étrangères avait souligné que la formule prévue par la loi du 14 mars 2000 pour succéder au service national en coopération ne répondait pas aux besoins du volontariat associatif. Elle avait, en conséquence, insisté pour que le volontariat de solidarité internationale, régi par le décret du 30 janvier 1995, soit résolument conforté.
Pour cette raison, nous avons accueilli avec une très grande satisfaction les orientations définies à partir de 2002 par le Gouvernement, qui a retenu l'encouragement du volontariat parmi les priorités de sa politique de coopération et d'aide au développement, puis élaboré ce projet destiné à doter le volontariat de solidarité internationale d'un statut législatif solide et stable.
Le texte dont nous débattons aujourd'hui était très attendu, en particulier par les associations. Nous avons pu constater, monsieur le ministre, combien votre prédécesseur, Pierre-André Wiltzer, s'était attaché à établir, ainsi que vous l'avez rappelé vous-même, une très étroite concertation avec tous les partenaires concernés par ce projet de loi. Cette concertation se prolonge avec la préparation du décret d'application, et nous sommes convaincus que vous la poursuivrez dans l'application de la loi, car les associations auront une responsabilité tout aussi importante que les pouvoirs publics dans la gestion et le contrôle du dispositif.
Le volontariat de solidarité internationale, tel qu'il est aujourd'hui organisé dans le cadre du décret de 1995, se heurte à deux types de difficultés.
D'une part, il repose sur un cadre relativement fragile. Certaines dispositions du décret devraient plutôt relever du domaine législatif et d'autres sont insuffisamment précises pour déterminer l'étendue exacte des droits et obligations de l'association et du volontaire. Des contentieux sont, dès lors, possibles et il manque certainement à cette formule intermédiaire entre le salariat et le bénévolat une base juridique suffisamment solide pour en garantir la pérennité.
D'autre part, le décret ne couvre que les volontaires effectuant des missions de plus d'un an. Un nombre significatif de volontaires échappent par conséquent à toute réglementation et à toute garantie.
La création d'un statut législatif applicable à tous les volontaires, sans distinction de durée de mission, est donc apparue nécessaire pour consolider les actions actuellement entreprises dans le cadre du volontariat et, si possible, pour encourager leur développement futur.
Sans entrer dans le détail du dispositif que vient de décrire M. le ministre, je me limiterai à souligner qu'il présente, aux yeux de la commission, trois mérites essentiels.
Premièrement, tout en reprenant l'architecture d'ensemble du statut du volontaire prévu par le décret de 1995, il lui donne une base légale incontestable. Il pose clairement le principe selon lequel le contrat de volontariat ne relève pas du code du travail et organise une collaboration désintéressée entre l'association et le volontaire, les indemnités versées étant de ce fait non imposables. L'agrément des associations par le ministère des affaires étrangères constitue à la fois un préalable à l'envoi de volontaires et la garantie du contrôle du bon accomplissement des missions.
Deuxièmement, le projet de loi couvre un champ beaucoup plus large que le décret de 1995 et permet de doter d'un statut clair et protecteur des personnes agissant actuellement hors de tout cadre juridique. Il assouplit la condition de nationalité et permet surtout de faire entrer dans le statut les personnes intervenant sur des missions d'une durée inférieure à un an. Il s'agit là d'un point très positif qui assure à cette population des garanties nouvelles en termes de couverture sociale, de formation et d'aide à la réinsertion.
Troisièmement, le projet de loi apporte plusieurs améliorations non négligeables par rapport au décret de 1995. Il dispose notamment que l'engagement pour une mission de volontariat d'au moins un an constitue un motif légitime de démission, ce qui permet à l'intéressé de conserver tous ses droits à l'assurance-chômage à son retour. Il prévoit un régime de congés payés. Il instaure une reconnaissance du temps de volontariat, qui pourra être assimilé à une formation qualifiante dans le cadre du dispositif de validation des acquis de l'expérience.
C'est donc une approbation globale largement positive qu'a exprimée la commission au sujet de ce projet de loi.
Nous souhaitons cependant exprimer deux séries de préoccupations.
Tout d'abord, à la différence du décret de 1995, le projet de loi dissocie le bénéfice du statut de volontaire, qui sera, on l'a vu, extrêmement large, du dispositif budgétaire de soutien aux associations. Nous souhaiterions avoir confirmation de ce que ce volet financier, qui sera certes traité dans le décret d'application, maintiendra les aides prévues dans le décret de 1995 pour les missions réalisées dans les pays en développement, à savoir la prise en charge par l'Etat d'une indemnité forfaitaire de fin de mission, d'une prime de réinsertion versée durant trois trimestres, lorsque l'intéressé ne dispose pas d'autres ressources, et enfin de la majeure partie des charges sociales.
Il apparaît également que le niveau des ressources propres des associations de volontariat est extrêmement variable, certaines ayant accès à des financements plus importants que d'autres. Si le nouveau statut doit concerner un plus grand nombre de volontaires, il faudra donc veiller à ce que les associations les plus fragiles financièrement ne s'en trouvent pas pénalisées.
Enfin, il nous apparaît également nécessaire que l'Etat soit en mesure d'accompagner le développement du volontariat. La ligne budgétaire qui y est consacrée représente environ 20 millions d'euros par an et n'a pas été revalorisée, semble-t-il, depuis plusieurs années. Il faudra, là aussi, mettre en cohérence les moyens financiers et les perspectives ouvertes par le nouveau statut.
Notre deuxième série de remarques porte sur le statut du volontaire et se réfère à des inquiétudes que nous avons perçues lors des travaux préparatoires. Il doit être clair que le volontariat s'inscrit dans une démarche personnelle de solidarité et ne peut en rien se confondre avec un objectif de nature professionnelle. Pour autant, la réinsertion des volontaires à leur retour de mission reste un réel et légitime motif de préoccupation.
La commission proposera plusieurs amendements visant à la prendre en compte.
Nous souhaitons en particulier que figure dans la loi l'obligation pour les associations d'apporter un soutien à la réinsertion des volontaires, par exemple par l'organisation de formations ou de bilans de compétence, ou encore par l'octroi de bourses d'études pour compléter une qualification.
Dans le même esprit, afin de prévenir les difficultés liées à un séjour prolongé en expatriation, nous souhaitons que les contrats ne soient pas conclus pour des durées initiales supérieures à deux ans, ce qui permettra à l'association comme au volontaire de bien mesurer l'opportunité d'un renouvellement.
S'agissant des personnes en attente d'emploi après leur retour, nous proposerons de garantir plus largement le bénéfice des droits à l'assurance chômage acquis dans le cadre d'une activité antérieure.
La problématique de la réinsertion doit donc être prise en compte mais, bien évidemment, toutes les réponses ne peuvent être apportées par la loi. N'oublions pas que le volontariat recouvre des situations personnelles extrêmement diverses, qu'il s'agisse de la tranche d'âge ou du statut professionnel antérieur.
Pour une large part, ces questions devront être abordées dans le cadre de la commission du volontariat, instance paritaire créée par le décret de 1995. Nous proposerons que l'existence de cette commission figure expressément dans la loi, car elle doit jouer un rôle fondamental pour superviser la mise en oeuvre du volontariat. Dans notre esprit, la commission du volontariat, outre son rôle consultatif en matière d'agrément, devra s'attacher à promouvoir les « bonnes pratiques » en matière de recours aux volontaires par les associations. Elle pourrait aussi très utilement contribuer à une approche commune des actions de formation, de soutien et d'aide à la réinsertion des volontaires. Toutes les associations, nous l'avons dit, ne disposent pas de moyens équivalents, et il y aurait certainement intérêt à « mutualiser » certaines actions.
En conclusion, il faut saluer une nouvelle fois, monsieur le ministre, la sécurité juridique offerte par le nouveau statut législatif et la protection qu'il apporte aux volontaires, en particulier à ceux qui n'étaient couverts par aucune réglementation. Il s'agit là d'un progrès incontestable de nature à donner une impulsion nouvelle à cette forme d'engagement au service de la solidarité internationale.
A travers les quelques amendements qu'elle propose, la commission des affaires étrangères a eu le souci de consolider le statut du volontaire, en veillant à ne pas le dénaturer. Très différent du salariat, au demeurant largement utilisé par nombre d'associations, ce bénévolat « encadré » constitue un statut intermédiaire dont l'utilité justifie qu'il soit préservé et encouragé.
La commission des affaires étrangères vous demande donc, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi sous réserve du vote des amendements qu'elle propose. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 13 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons discuter d'un dispositif particulier et spécifique à la France : le volontariat de solidarité internationale. Il est spécifique, car il est fondé sur une notion d'engagement désintéressé des volontaires, plaçant ceux-ci dans une position charnière entre le bénévolat et le salariat sans qu'il soit possible de les assimiler à l'un ou l'autre de ces statuts. C'est tout le problème.
II revêt une dimension particulière dans laquelle se .mêlent des valeurs humaines et humanistes, des aspirations collectives et personnelles, des rêves et des espoirs, des conquêtes et des victoires et parfois aussi, malheureusement, de la tristesse et du désarroi. Le volontariat, c'est l'affect, le coeur, les tripes. Le volontariat, c'est le don de soi, l'ouverture aux autres, ce sentiment que nombre de choses sont à faire et que l'on peut apporter sa contribution.
Les jeunes sont nombreux à vouloir s'engager au sein d'une association. Mais il y a proportionnellement peu d'élus - environ 2000 par an - car le volontariat se professionnalise et le profil du volontaire a foncièrement changé ces dernières années. C'est une donnée qu'il ne faut pas perdre de vue.
Et c'est sans doute ici que se cristallise la première critique que je porterai sur un projet de loi qui semble avoir été élaboré principalement pour apporter une sécurité juridique plus grande aux associations, ce dont je ne saurais me plaindre, bien au contraire, car elle est nécessaire et elle constitue une véritable avancée, monsieur le ministre. Toutefois, une autre dimension a été quelque peu oubliée : il s'agit des volontaires eux-mêmes, dans leur dimension humaine, au sujet desquels le texte reste trop évasif.
Il faut se rendre à l'évidence, cet engagement, bien que désintéressé, ne doit pas se faire dans n'importe quelles conditions, avec n'importe quels moyens. Donner de son être, de sa vie doit s'accompagner de garanties si l'on veut à la fois protéger les associations et les volontaires et éviter de créer des obstacles à l'engagement de ces derniers.
Le statut de volontaire de solidarité internationale, tel qu'il était régi par le décret de 1995, n'apportait pas un cadre juridique suffisant, on le sait. Il suscitait de nombreuses interrogations, inquiétudes et réticences, et la loi de 2000 instituant le volontariat civil international n'a en rien réglé le problème. Il apparaît donc nécessaire de légiférer devant une situation qu'associations et volontaires voulaient voir clarifier et encadrer.
Ainsi, ce projet de loi avait la possibilité de répondre aux attentes de tous les acteurs de la solidarité internationale. Mais force est de constater, monsieur le ministre, que, s'il comporte un certain nombre d'avancées, il manque d'ambition, passant sous silence des dispositions déjà présentes dans le décret de 1995 ou éludant certaines mesures réclamées par les associations et les volontaires. En définitive, il détermine un socle de base minimal laissant aux décrets et arrêtés le soin de l'améliorer et de l'étoffer.
Devant le peu de temps qui m'est imparti, je me bornerai à faire quelques remarques que j'aurai l'occasion de développer lors de la discussion des articles.
Ma première remarque concerne la durée des missions. L'abandon de la durée minimale pour définir le contrat de solidarité internationale apparaît comme satisfaisant et permettra aux associations qui envoient des volontaires pour des missions de courte durée d'avoir recours à ce nouveau statut augmentant ainsi le nombre de volontaires potentiels.
Cependant, à l'instar de certaines associations et certains volontaires, je reste très réservé en ce qui concerne la durée maximale fixée à six années cumulées, continues ou non. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point, monsieur le ministre, lors de la discussion de deux des amendements que nous avons déposés.
Un autre grand sujet d'inquiétude concerne la prise en compte du retour de mission des volontaires, qui reste très insuffisante dans ce projet de loi. Il s'agit ici de se placer essentiellement sous l'angle des volontaires, bien que les associations et l'Etat doivent jouer un rôle majeur à cet égard.
En fin de contrat, dans la très grande majorité des cas, les volontaires sont confrontés à des situations très difficiles, notamment sur les plans financier, matériel et professionnel. S'installent alors un mal-être, un isolement auxquels des solutions pensées doivent être apportées. C'est pourquoi nous vous proposerons d'améliorer le texte, en particulier sur la problématique de la réinsertion professionnelle et la validation des acquis et de l'expérience qui constituent une des inquiétudes centrales des volontaires.
Une autre remarque concerne une omission de la part du Gouvernement : il s'agit de la commission de solidarité internationale, dont vous vouliez, monsieur le ministre, renvoyer l'existence au futur décret d'application. Le groupe communiste républicain et citoyen proposera donc de donner une assise législative à cette commission en élargissant le champ de ses représentants et de ses compétences.
Avant de conclure, je souhaite aborder un dernier point, et non des moindres, qui concerne le volet financier du volontariat de solidarité internationale ; je pense notamment au type de missions qui auront vocation à être financées, d'une part, par le ministère des affaires étrangères, d'autre part, par l'enveloppe globale allouée par le ministère au volontariat.
Les modalités de cofinancement par l'Etat des missions ont été renvoyées au futur décret d'application qui prévoirait une durée minimale de mission de six mois ou un an, alors même que le projet de loi enlève toute barrière de durée minimale pour effectuer des missions. Ne serait-il pas opportun alors, monsieur le ministre, que toutes les missions puissent bénéficier d'un cofinancement à évaluer précisément en fonction de leur nature et de leur durée ? Je pense ici, par exemple, aux missions effectuées à l'occasion de tremblements de terre.
S'agissant du montant total des crédits du ministère des affaires étrangères consacrés au volontariat, il doit impérativement être réévalué à la hausse. Il n'a connu aucune évolution significative depuis de nombreuses années alors que, parallèlement, les besoins financiers des associations sont de plus en plus importants.
On le sait, l'année 2003 a été catastrophique, jalonnée de gels et d'amputations de crédits - 10% des crédits du mois de février ! - traduisant la situation de marasme dans laquelle se trouve le ministère des affaires étrangères dans son ensemble.
Les conséquences ont évidemment été désastreuses pour les organisations de solidarité internationale. Or, monsieur le ministre, si la France veut promouvoir le volontariat international, le Gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour permettre à ces organisations d'oeuvrer dans des conditions dignes, en évitant à l'avenir tout gel ou amputation de crédits, d'une part, et en révisant à la hausse le budget, d'autre part. Dans le cas contraire, les associations connaîtront des conditions de fonctionnement très difficiles, voire rédhibitoires, et ce sera encore plus vrai pour celles qui ne bénéficient pas des ressources suffisantes pour pallier l'accroissement du nombre de volontaires.
En effet, il ne faut pas que ce projet de loi soit un simple affichage et laisse les objectifs annoncés inapplicables faute de moyens !
Enfin, monsieur le ministre, pourriez-vous apporter des éclaircissements concernant l'appui à la gestion des aides de l'Etat qui s'effectue pour l'instant par le biais du FONJEP, le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire ? Il semblerait en effet que le futur décret d'application prévoie une mise en concurrence de ce dernier, selon l'application des normes européennes, ce qui soulève des inquiétudes sur la future efficacité de ce système.
Je regrette que la commission des affaires étrangères n'ait pas auditionné les associations et les volontaires, qui auraient sans nul doute pu nous apporter des éclaircissements sur ce projet de loi.
Le groupe communiste républicain et citoyen fera donc des propositions pour améliorer et renforcer ce projet de loi et pour faire en sorte qu'il soit le plus favorable possible à tous les acteurs de la solidarité internationale. J'espère que la Haute Assemblée sera sensible à nos remarques, nous permettant ainsi de voter ce texte. En effet, de son évolution même dépendra bien entendu le vote final de notre groupe.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale était très attendu, car le statut juridique des milliers de volontaires effectuant depuis un certain nombre d'années des missions de solidarité dans un cadre associatif, dont plus de 2000 d'une durée supérieure à un an, sur la base du décret du 30 janvier 1995 relatif aux volontaires et aux associations pour la solidarité internationale, n'était pas absolument clair.
Nous sommes donc extrêmement heureux de voir que, faisant suite aux négociations assez longues avec les associations et donc à une concertation importante, un projet de loi nous soit soumis aujourd'hui.
Le volontariat de solidarité internationale fait en effet partie des formes d'engagement par lesquelles, de l'avis de ceux qui connaissent bien les jeunes, ceux-ci manifestent leur volonté d'agir et de s'insérer dans la société. Le passage par les associations est naturellement très important. Le Gouvernement veut encourager cette forme d'engagement par ce texte, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Une telle expérience est en effet très formatrice pour les jeunes volontaires ; elle leur ouvre de nombreux horizons et est très enrichissante tant pour les volontaires eux-mêmes que pour l'ensemble de la société française dans la mesure où les jeunes, une fois rentrés en France, poursuivent souvent des actions dans tous les domaines de la vie quotidienne. Les missions de solidarité existent en effet aussi chez nous, et une pratique à l'extérieur ne peut que les favoriser, d'autant que la volonté de servir l'humanité est l'un des axes forts de tout notre système de pensée et que les jeunes, de plus en plus, y participent de façon active.
La loi du 14 mars 2000 n'était pas adaptée aux volontaires qui ne sont envoyés à l'étranger ni par l'Etat ni par les entreprises, les associations se heurtant, pour entrer dans le cadre de cette loi, à des difficultés majeures.
Le projet de loi relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale nous paraît donc parfaitement adapté, sous réserve de quelques modifications proposées à juste titre par la commission et brillamment exposées par M. le rapporteur.
La rédaction de ce projet de loi s'est appuyée, je le répète, sur une large concertation. A travers ce texte, le volontariat associatif sera encouragé par une structure solide offerte aux volontaires, le partenariat entre l'Etat et les associations chargées de les encadrer devant être renforcé.
Le contrat de volontariat de solidarité internationale n'est, comme tous les orateurs l'ont bien entendu précisé, ni un contrat de travail ni un engagement tout à fait en l'air. L'article 1er du projet de loi le définit comme organisant une collaboration désintéressée entre une association agréée et une personne majeure pour « l'accomplissement d'une mission d'intérêt général à l'étranger dans les domaines de la coopération au développement et de l'action humanitaire ».
La lecture du projet de loi fait néanmoins apparaître quelques points faibles qui ont déjà été soulignés. En particulier, la nature spécifique du contrat entre une association et un volontaire doit relever de la loi et non d'un décret.
Par ailleurs, aucune disposition ne couvrait les missions inférieures à un an. C'est pourquoi la nécessité de la loi s'est imposée, ce dont je me réjouis encore une fois pour tous nos jeunes qui souhaitent s'engager dans la voie de l'humanitaire.
Un autre point de ce projet de loi m'inquiète : ces jeunes volontaires ne bénéficient, à la fin de leur contrat, d'aucune aide financière ni d'allocations chômage, leur action de volontariat n'étant pas juridiquement assimilable à un emploi. Je souhaite donc que le Gouvernement puisse trouver une solution à cette situation lésant ces jeunes empreints de courage et de bonne volonté qui permettent à la France de monter toute une série d'opérations à l'honneur de notre pays. Dans ce domaine, en effet, des associations françaises, comme Médecins sans frontières ou Ingénieurs sans frontières, sont internationalement reconnues.
Pour la première fois, la loi couvrira l'ensemble des formes de volontariat associatif de solidarité internationale. Les missions de volontariat seront ouvertes aux Français et aux autres nationalités de l'Union européenne, mais aussi aux étrangers résidant régulièrement en France.
Nous nous félicitons donc de ce texte novateur qui s'intéresse enfin véritablement au volontariat associatif. Il représente une avancée significative dans l'appui aux jeunes et, je l'espère aussi, aux associations, la loi sur le mécénat devant apporter, d'une certaine façon, une partie de la réponse aux besoins financiers complémentaires qui sont nécessaires. Mais, par souci d'humanité, nous serons vigilants sur les problèmes de protection juridique des jeunes à la fin de leur contrat.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai eu le plaisir d'entendre notre rapporteur exprimer les mêmes soucis que ceux pour lesquels mon groupe a tenté de proposer des remèdes par ses amendements. Je n'ai qu'un regret, c'est que ce diagnostic partagé ne mène pas aux mêmes dispositions législatives.
J'ai travaillé sur ce texte avec le souci de conforter les associations mais aussi avec celui de prendre en compte l'intérêt des volontaires, en raison d'un souvenir d'échec cuisant. Il s'agit de la demande, déjà ancienne, d'hommes de mon âge, de « gars de chez moi », l'Ouest rural, que le militantisme à la Jeunesse agricole catholique avait menés au volontariat désintéressé à l'époque héroïque des années soixante et pour la retraite desquels les associations n'avaient pas cotisé.
Ces personnes très modestes entraient dans la soixantaine avec une pension amputée parce qu'ils avaient été généreux dans leur jeunesse ! Aucun gouvernement, quelle que soit son orientation, n'a voulu réparer cette injustice. C'est pourquoi le souci de l'intérêt des volontaires m'animera beaucoup dans cette discussion.
Je m'interrogerai donc sur trois points : en quoi ce projet de loi est-il bénéfique pour les ONG ? En quoi est-il bénéfique pour les volontaires au titre de la solidarité internationale ? Quels sont les points sur lesquels notre groupe estime que le texte déposé par le Gouvernement doit être amendé ?
Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ce projet de loi vise à combler un vide juridique. Il a pour objet de donner force de loi à des pratiques conformes au décret de 1995, mais qui pouvaient être attaquées en justice en raison de leur non-conformité au droit du travail.
C'est une reconnaissance de la valeur de l'action des organisations de solidarité internationale ; c'est aussi une reconnaissance, pour les volontaires, qui peuvent espérer une meilleure prise en compte, dans leur parcours professionnel, des acquis de cette expérience généreuse, riche et formatrice.
Je centrerai mon propos sur les analyses et les principes qui sous-tendent les amendements que nous avons déposés.
Voyons d'abord la situation des organisations de solidarité internationale.
La gamme des actions menées par les associations va de l'aide d'urgence professionnelle à la micro-action de développement sur le terrain.
Ces associations sont nombreuses, éparpillées parfois. Leur capacité à gérer des programmes et les personnes qui les mettent en oeuvre est très variable.
Les plus puissantes, souvent les urgentistes, ne dépendent pas du financement public et privilégient le salariat pour les missions longues.
Les moins riches, souvent orientées vers le développement, ont recours à des « bénévoles indemnisés », les volontaires, dont il est question aujourd'hui, et sont à la merci financière de l'Etat.
En ce qui concerne les associations, le projet de loi présente à notre avis deux lacunes.
Alors que la ligne de crédits destinée au soutien aux ONG est restée inchangée depuis 1987 - aucun gouvernement n'a concrétisé financièrement ses beaux discours sur le rôle de la société civile dans les actions de solidarité internationale de la France depuis lors, et tout le monde est donc coupable -, le texte ne comporte pas le moindre engagement financier de l'Etat. Or, simultanément, il élargit considérablement le champ de l'ouverture du droit à une aide publique.
La crainte légitime de certaines ONG est donc que l'éparpillement de maigres crédits ne réduise leurs capacités d'action à néant.
En effet, donner le statut de volontaire de la solidarité internationale à 20 000 personnes au lieu de 2 000 et en financer ne serait-ce que 5 000 avec les mêmes 20 millions d'euros qu'en 1987, c'est s'offrir un bel effet d'affichage politique sur « la France généreuse qui augmente son aide publique au développement » tout en tuant des ONG et nombre d'actions sur le terrain.
Or je constate que c'est ce qui se produit depuis un certain nombre d'années, tout particulièrement depuis deux ans : plus on annonce l'augmentation des crédits d'aide publique au développement - il ne s'agit en fait que d'annulations de dettes et aucun argent frais n'est apporté -moins on agit sur le terrain.
Ainsi, depuis le début de 2004, je ne cesse de recevoir de toute l'Afrique des informations selon lesquelles les chefs de service de coopération et d'action culturelle, échaudés par l'expérience de 2003 et probablement destinataires de consignes confidentielles - je me demande en effet, monsieur le ministre, s'il n'existe pas de telles consignes, en raison de la similitude des situations décrites d'un bout à l'autre de l'Afrique - , ont bloqué la plupart des projets, y compris les projets prioritaires en matière de santé, d'éducation, de lutte contre la pauvreté, car les assistants techniques n'ont pas été nommés comme il était prévu et les crédits sont menacés d'annulation.
Ce projet de loi a donc été conçu pour répondre aux attentes des associations, mais, in fine , celles-ci s'inquiètent des effets pervers, pour elles, de l'absence des crédits nécessaires à son application.
La seconde lacune du texte est l'absence de mention dans la loi de la commission du volontariat.
Une telle commission, créée par la loi et non par décret, dont la composition aurait l'aval du Parlement, est indispensable à la mise en oeuvre de la loi. Il ne s'agit pas de légiférer pour légiférer ; il s'agit d'appliquer les lois que nous votons. A cet instant, je me référerai à Portalis : on ne rédige pas la loi sans avoir la ferme intention de la faire appliquer. Or, en l'occurrence, on ne trouve pas trace d'un engagement réel d'appliquer le texte que nous allons voter. Pourtant, seule une telle commission peut qualifier les ONG et les OSI, les organisations de solidarité internationale, pour leur entrée dans le dispositif ; elle seule peut orienter les petites ONG vers un partenariat dans leurs actions et vers une mutualisation de leurs capacités à remplir correctement leurs devoirs envers les volontaires qu'elles emploient.
Nous arrivons là au coeur du sujet.
Le texte est intitulé « projet de loi relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale». Or, par définition, un contrat est réciproque : il définit les droits et les devoirs respectifs des deux parties et précise les moyens mis en oeuvre pour atteindre les objectifs.
Hélas, le peu que ce texte arrête au regard des devoirs des associations envers les volontaires n'est gagé par aucun moyen et aucune sanction n'est prévue en cas de manquement ; c'est un contrat déséquilibré entre l'association employeuse et le volontaire employé.
Sur ce point, les observations formulées par le Haut Conseil de la coopération internationale dans son avis sur les ressources humaines méritent de retenir l'attention.
Il est écrit dans ce document que «le volontariat représente une forme d'expérimentation originale qui doit être distinguée mieux qu'elle ne l'est actuellement du salariat comme du bénévolat ». Le Conseil de la vie associative précise qu'« il s'agit d'un engagement réciproque, formalisé, permanent mais de durée limitée (...) d'un acte d'échange mutuel entre une personne qui offre son temps, ses compétences, son travail, son énergie (...) et une collectivité d'accueil qui lui apporte terrain d'apprentissage, d'expérimentation et de perfectionnement personnel (...) ».
De notre point de vue, le volontariat ne doit pas être un commode substitut à une assistance technique en régression.
C'est pourquoi la question de la durée du volontariat est un point clé.
Si ce temps d'engagement, de don de soi, de partage, doit être valorisé et soutenu, parce que c'est un merveilleux contrepoids à la marchandisation de notre société, il est évident qu'il doit être limité pour ne pas être dénaturé et devenir un salariat déguisé.
A cet égard, le défi que nous devons relever ensemble est de trouver des dispositifs adaptés à des engagements qui ne s'inscrivent pas complètement dans le droit du travail. Cependant, prenons garde ! A force de créer des statuts dérogatoires, nous contribuons à la fragilisation d'une législation du travail déjà mise à mal par la politique des gouvernements Raffarin I, II et bientôt III. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
En effet, l'aide d'urgence et l'appui au développement demandent un degré élevé de compétence. Le volontariat ne peut être la réponse durable à de telles exigences. Au-delà d'une période d'exercice d'une durée raisonnable, le volontaire doit devenir un salarié. C'est ainsi que procèdent, dans le respect des personnes qu'elles envoient en mission, des associations telles que Handicap international et Médecins sans frontières.
Il faut donc que les volontaires et les associations trouvent également leur compte dans ce texte.
L'engagement volontaire attire des personnalités généreuses, mais parfois fragiles, éventuellement même fragiles parce que généreuses. Pour éviter de précariser les citoyens qui s'engagent dans cette voie, surtout quand ils sont jeunes, des conditions spécifiques doivent être remplies, en matière de sélection, de formation, d'indemnité, dont le montant doit être décent, de couverture sociale, laquelle doit être complète, y compris au regard de l'assurance chômage, de soutien à la réinsertion en fin de mission.
La limitation de la durée d'engagement continue à deux ans me paraît être la parade la plus sûre au risque de précarisation des volontaires à leur retour en France et au risque de nouveaux départs à l'étranger dans des conditions de plus en plus dangereuses. En effet, combien de volontaires, en Afrique, en Amérique latine, à Madagascar, ont fini par devenir des déclassés, qui, faute d'avoir pu se réinsérer en France, sont repartis à l'étranger dans de mauvaises conditions ? On ne doit pas accepter que la générosité de personnes jeunes puisse mener à de telles conséquences.
Avec ce projet de loi, plusieurs questions restent sans réponse : quelle est la valeur juridique du lien de subordination entre le volontaire et l'association ? Quels sont les éléments caractéristiques du statut de volontaire qui le distinguent du salarié, du bénévole ou du stagiaire ? Quelle instance arbitrera les conflits entre l'institution et le volontaire ? De quelle reconnaissance institutionnelle bénéficiera le temps de volontariat ? Nous avons sur ce point un début de réponse qui reste insuffisant. Quelle place sera réservée à une association para-étatique telle que l'Association française des volontaires du progrès, l'AFVP, dans le futur dispositif ?
Monsieur le ministre, quels sont les objectifs réels de ce projet de loi ? Voulez-vous vraiment soutenir le travail des ONG de solidarité internationale ? Dans ce cas, il fallait vous donner les moyens budgétaires de le faire. Or votre projet est muet sur cet aspect essentiel et les ONG s'alarment dans l'appel de Coordination SUD : « Il ne reste aujourd'hui que 8 millions d'euros au ministère des affaires étrangères pour financer les projets de lutte contre la pauvreté des ONG dans 54 pays de la zone de solidarité prioritaire. » Ce qui est prioritaire dans tout cela n'apparaît pas clairement ! « De nombreux projets approuvés en 2003 par l'administration n'ont pas été payés et un grand nombre de programmes en cours sont arrêtés. L'existence même de dizaine d'associations est mise en péril. »
Quelle est donc cette politique qui propose une loi sur les volontaires de solidarité internationale tout en coupant les crédits aux associations qui travaillent avec eux ?
Autre question essentielle : avez-vous cherché à assurer la sécurité juridique des associations face à des volontaires utilisés comme des salariés quasi gratuits et qui ont porté plainte car ils se sentaient floués ? Pour cela, il aurait fallu faire preuve d'équité en augmentant les garanties juridiques de tous, volontaires tout autant qu'associations. Or ce n'est pas le cas.
Pour que cette loi ne serve pas seulement à produire des effets d'annonce sur la multiplication - purement optique - du nombre de volontaires et sur la magnifique générosité de la société française afin de masquer le désengagement de l'Etat, désengagement constaté tous les jours sur le terrain, il faudrait que la loi atteigne les résultats suivants : reconnaissance juridique, institutionnelle et sociale du volontariat, protection du citoyen volontaire et enfin la garantie d'une juste implication financière de l'Etat pour soutenir efficacement les associations.
Nous allons défendre des amendements qui visent à atteindre ces objectifs afin de dépasser l'espèce de consensus découragé qui règne depuis longtemps, et pas seulement depuis que M. Raffarin est Premier ministre. Ces objectifs pourraient se résumer ainsi : puisque l'Etat se désengage sauvons ce qui peut l'être, le décret de 1995, en laissant pour plus tard la construction d'un véritable statut du volontaire adapté aux exigences de l'heure et capable de s'insérer dans l'espace européen.
La résignation ne doit pas présider à des débats portant sur la solidarité de la France avec les peuples injustement frappés par la pauvreté et la guerre. Nous nous emploierons à améliorer ce texte, et de l'accueil réservé à nos propositions par notre assemblée dépendra notre vote final.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Mantienne.
M. Bernard Mantienne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le volontariat international sous toutes ses formes doit être fortement encouragé. Il a pris une ampleur nouvelle depuis la professionnalisation des armées lancée par le Président de la République en 1997.
Loin d'être un volet secondaire de notre rapport au monde, le volontariat doit s'inscrire dans le cadre plus vaste d'un repositionnement de la France sur le plan international et d'une redéfinition des modalités d'action de sa politique étrangère.
En effet, notre pays doit pouvoir accompagner les grandes mutations tant économiques que géopolitiques qui se sont accélérées depuis plus d'une dizaine d'années. Parce que le monde change, les moyens d'actions de la France sur la scène internationale ne peuvent être les mêmes que ceux qui étaient employés il y a encore vingt ans.
Dans le cadre d'une mondialisation de plus en plus prononcée, l'heure est plus que jamais au dialogue, à la coopération et au développement économique et culturel. Vu sous cet angle, le volontariat international doit être considéré comme l'un des éléments du rayonnement de la France à l'étranger. Il assure la possibilité à des Français, le plus souvent jeunes, de participer à des actions très diversifiées dans des pays autres que ceux de l'Union européenne.
Il convient de distinguer deux types de volontariat. Le premier est un volontariat administratif ou économique. Il participe à la présence française dans les pays concernés et favorise tant la croissance locale que l'équilibre de la balance commerciale de l'hexagone par l'expansion de nos exportations. Le deuxième type de volontariat, celui dont il est question aujourd'hui, est humanitaire et solidaire. Il permet à des Français d'apporter leur aide à des associations travaillant hors de l'Union européenne.
Le volontariat solidaire ne doit pas être négligé. Aider les nombreuses ONG qui viennent au secours de populations plongées dans la guerre ou le dénuement, ou qui tâchent patiemment, avec un dévouement admirable, de modifier les structures locales de production dans les pays les moins avancés est une action fondamentale.
Sur le plan strictement économique et social, le volontariat solidaire peut assurer aux pays concernés une aide substantielle tant il est vrai que le développement passe avant toute chose par l'acquisition d'un savoir-faire. Sans lui, le capital n'est pas suffisant et les investissements infructueux.
En outre, on ne le répétera jamais assez, en matière de volontariat solidaire, le gain n'est pas unilatéral. Nul doute qu'une telle expérience est particulièrement enrichissante pour les volontaires. Ainsi, aider les pays les plus pauvres ou les plus en difficulté à accéder au développement, c'est honorer la France et ses idéaux, mais c'est également l'enrichir.
Développer le volontariat solidaire suppose que lui soit donné un fondement juridique à la fois adapté et solide, ce que propose votre texte, monsieur le ministre. En effet, si le volontariat civil international est bien assis sur la loi du 14 mars 2000, il n'en est pas de même du volontariat solidaire. Aujourd'hui régi par le décret du 30 janvier 1995, le statut de volontaire dans un cadre associatif doit être rénové de façon urgente. En effet, le décret en question ne règle que la situation des volontaires envoyés pour une période supérieure à une année. De surcroît, les associations rencontrent de sérieuses difficultés pour entrer dans le cadre de la loi de 2000.
Il s'avère donc nécessaire de renforcer et d'élargir ce statut afin de combler le vide juridique préjudiciable au développement du volontariat solidaire. C'est ce qu'organise le présent projet de loi destiné à se substituer au décret de 1995. Le contrat de volontariat de solidarité internationale, contrat de droit privé dérogatoire du droit du travail conclu entre une personne majeure et une association en vue de l'accomplissement à l'étranger de missions d'intérêt général, est particulièrement attendu par les associations engagées dans des actions internationales.
Je soutiens particulièrement l'article 4 de ce projet de loi, en vertu duquel les associations concernées seront tenues d'assurer une formation aux volontaires. A l'heure où l'accent est mis sur la formation professionnelle, le volontariat solidaire pourra ainsi être considéré comme un facteur d'amélioration de l'employabilité des volontaires.
Je l'ai déjà dit, le projet de loi que vous nous proposez monsieur le ministre, est un bon projet par son contenu. Il est en effet nécessaire de donner un fondement juridique solide au volontariat solidaire. Avec les améliorations que nous pourrons y apporter, ce projet représente un progrès.
Ce projet est aussi remarquable par la manière dont il a été élaboré. Une procédure de concertation avec les associations concernées a en effet été mise en oeuvre depuis le début dans le cadre de la commission Coopération-développement. Le texte que nous examinons aujourd'hui est donc la matérialisation des attentes et besoins des acteurs de terrain eux-mêmes. De plus, un groupe restreint continue de travailler sur la rédaction du décret et des arrêtés. Présentes en amont de la confection de la loi, les associations le seront aussi en aval pour son application.
Parce que je sais à titre personnel à quel point l'action des volontaires associatifs internationaux apporte aux pays qui les accueille, parce que j'ai pu mesurer la valeur de leur engagement, l'intensité de leur implication et la force de leur courage, je mesure aussi à quel point il est juste et urgent de les aider en votant le présent projet de loi, projet que Portalis nous aidera à appliquer sans nous décourager.
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Serge Vinçon au fauteuil de la présidence.)