PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le ministre, vous avez réussi l'exploit, avant même que votre projet de loi ne voie le jour, de mettre l'ensemble de la communauté enseignante dans la rue...
M. Jean-Claude Carle. Pas l'ensemble !
Mme Danièle Pourtaud. Mais si !
M. François Fortassin. ... les élèves, les parents, les maîtres d'internat, les surveillants d'externat et les professeurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Baudot. C'est vous qui les y avez amenés !
M. François Fortassin. Monsieur le ministre, je n'éprouve pas d'hostilité majeure à l'égard de votre projet de loi. Encore faudrait-il qu'il ne ressemble pas à un sinapisme sur une jambe de bois ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Vous avez voulu faire disparaître le statut de maître d'internat et de surveillant d'externat parce qu'il était vieillot et obsolète. Soit ! Mais on cherche vainement l'idée directrice de votre réforme.
Mme Danièle Pourtaud. Bravo !
M. François Fortassin. Il est vrai qu'a été déposé à l'Assemblée nationale un amendement, auquel je me rallie et qui réserve les postes d'assistants d'éducation aux étudiants boursiers.
Mais vous n'êtes pas allé assez loin ! Si vous aviez retenu l'idée selon laquelle l'élève doit être au coeur du dispositif éducatif, vous auriez intégré ces assistants d'éducation dans les équipes éducatives et pédagogiques !
Mme Danièle Pourtaud. Eh oui !
M. François Fortassin. Je défendrai, au nom de mon groupe, un amendement tendant à réserver ces emplois d'assistants d'éducation aux étudiants qui s'orientent vers les métiers de l'éducation.
Aujourd'hui, des étudiants peuvent passer le CAPES ou l'agrégation sans avoir jamais vu un élève dans une salle de classe et ils ne connaissent rien à la vie scolaire car le comportement d'un élève n'est pas le même dans une salle de classe et au restaurant scolaire. Il est essentiel que les étudiants prennent la mesure de la tâche qui les attend.
Vous prétendez donner de la souplesse aux chefs d'établissement en leur permettant de recruter. Il s'agit, certes, d'une bonne chose sur le plan de la proximité. Mais, monsieur le ministre, n'oubliez pas que, faute de règles claires, vous allez ouvrir la porte à un certain nombre de passe-droits, quels qu'ils soient.
Je suis favorable à la proximité, mais je ne suis pas certain que des jeunes qui seront nommés, parfois à mi-temps, dans deux établissements scolaires auront véritablement le sentiment de faire partie d'une équipe éducative et pédagogique.
Monsieur le ministre, lorsque vous avez présenté ce projet de loi pour la première fois, je l'avais fortement critiqué et je vous avais comparé à un illusionniste. Je maitiens cette comparaison.
Cela dit, comme je suis bon prince, si mon amendement est retenu, je voterai ce projet de loi ! (M. Jacques Pelletier applaudit.)
M. René-Pierre Signé. C'est foutu !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, vous venez nous présenter un projet de loi que vous qualifiez de « technique ». En fait, il contribue à la politique idéologique de démantèlement du service public de l'éducation nationale que mène votre gouvernement.
Vous avez commencé par des restrictions budgétaires, vous avez fermé des classes, supprimé des heures d'enseignement. La carte scolaire est spécialement difficile cette année : des centaines de postes sont supprimés dans les académies du Nord pour compenser les manques dans les académies du Sud.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas compensé partout ! Pas dans les Landes !
M. Ivan Renar. Mais, dans le Nord, les postes ont été supprimés !
M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez aussi gelé une partie des crédits de fonctionnement des établissements, ce qui commence à se faire sentir sur le terrain ; vous avez planifié la suppression de 5 000 emplois d'enseignants par des mesures techniques éparses.
A présent, vous nous présentez ce projet de loi qui constitue une mise en musique de votre budget de 2003 en régression avec une première suppression de 5 600 postes de surveillants.
Dans quelques semaines, 20 000 aides éducateurs seront remerciés, sans aucune indemnité et dans le plus grand mépris. C'est donc un plan de licenciements collectifs qui n'ose pas dire son nom, et ce sans aucun accompagnement social.
Puisqu'il s'agit d'une réforme dont tout le monde sait en vérité qu'elle est bonne, avez-vous dit, comment peut-on expliquer que la majorité des personnes concernées s'inquiète aujourd'hui ?
Dix mois vous auront suffi, monsieur le ministre, pour fédérer contre vous l'ensemble des syndicats des personnels enseignants et non enseignants. En témoigne la liste des organisations qui va de la FSU, la CGT, la CFDT, la FAEN et FO à l'UNSA-éducation...
M. Jacques Baudot. La rue !
M. Jean-Marc Todeschini ... aux parents d'élèves avec la FCPE la PEEP et, aux étudiants avec l'UNEF, la FSE et Sud-étudiant.
M. Bernard Murat. Comme Allègre !
M. Jean-Marc Todeschini. Même les inspecteurs de l'éducation nationale ont fait part de leur désaccord.
M. Jacques Baudot. Vous avez dû en oublier !
M. Bernard Murat. Les gauchos !
M. Jean-Marc Todeschini. Les gauchos ! Il faudra le dire aux jeunes qui sont dans la rue !
C'est bien un plan de casse des services publics en général, de l'éducation nationale en particulier, qui est organisé.
Monsieur le ministre, souhaiteriez-vous être le bon élève de la classe Raffarin ?
M. Jean-Claude Carle. Mais il est le bon élève de la classe !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. En tout cas, il en fait partie !
M. Ivan Renar. Il n'est pas en retard scolaire !
M. Jean-Marc Todeschini. Sur la décentralisation, je l'ai cru un peu !
Je veux maintenant revenir sur quelques points dont la conséquence est, sans nul doute, le démantèlement du service public de l'éducation.
Tout d'abord, parlons de la méthode.
C'est encore un simulacre de concertation, tout comme les assises des libertés locales. En effet, il n'a pas été tenu compte de l'avis quasi unanime de la communauté éducative contre ce projet de loi. Le Conseil supérieur de l'éducation, le Conseil supérieur de la fonction publique et les syndicats ont tous rejeté ce texte. Votre ministère parle beaucoup de concertation mais, sur ce dossier, c'est à un passage en force que l'on assiste.
Ce projet de loi est l'un des étages de la fusée qui prévoit de transférer aux collectivités des responsabilités et, surtout, des charges supplémentaires qui incombent aujourd'hui à l'Etat.
Les aides éducateurs illustraient parfaitement la philosophie des emplois-jeunes : créer des emplois répondant à des besoins émergents non satisfaits.
Ces aides éducateurs, dont les postes seront supprimés, exercent des missions d'encadrement et sont les initiateurs d'activités nouvelles : l'informatique par exemple. Ils ont permis d'améliorer le fonctionnement des bibliothèques, d'aider les élèves en difficulté.
Nombreuses seront les écoles élémentaires et maternelles qui, sans les aides éducateurs, fonctionneront plus mal.
Que pourront faire les maires attachés à leur école, à l'école de la République, à l'école de l'égalité, pour compenser cette disparition ?
Et que dire des écoles rurales qui ne pourront plus organiser des activités dynamiques et attractives dans chaque village ?
Monsieur le ministre, vous allez renforcer le désert français.
M. René-Pierre Signé. Oui !
M. Jean-Marc Todeschini. Quel gaspillage et quelle non-reconnaissance du travail mené dans nos plus petites communes !
M. Jean-Louis Carrère. Tout à fait !
M. Jean-Marc Todeschini. Votre projet de loi va engager de nouveaux transferts de charges inacceptables pour les collectivités locales et insupportables pour les petites communes. Je vais vous en donner un exemple concret.
Je viens de recevoir une circulaire du préfet de région prônant, dans le cadre du projet « Ecoles en réseaux », l'achat de matériel informatique dans chaque école.
L'intention est louable. Vous souhaitez réduire l'hétérogénéité des équipements informatiques et des pratiques pédagogiques. Mais cela se traduira encore par des charges supplémentaires pour les collectivités.
L'Etat paiera certes jusqu'à 80 % du matériel, mais les communes auront à leur charge le solde et, surtout, le fonctionnement de ces activités informatiques.
Le « tout Internet » que vous souhaitez développer, sans aides éducateurs venant en appui aux enseignants avec un vrai projet pédagogique ne sera donc qu'artificiel.
Parallèlement, vous avez affirmé, à l'Assemblée nationale, que le recrutement des assistants d'éducation en 2003 privilégierait le premier degré. Permettez-moi d'en douter ! Si c'est le cas, ce sera parce que vous diminuerez envore plus que prévu le personnel de surveillance dans les collèges et les lycées !
Mme Danièle Pourtaud. Mais oui !
M. Jean-Marc Todeschini. Depuis le début, on ne comprend pas très bien votre politique. Vous affirmez vouloir mieux lutter contre la violence, alors que vous réduisez la surveillance dans les établissements scolaires. Les aides éducateurs dont vous supprimez les postes avaient, tout le monde le reconnaît, engagé une vraie médiation sociale en nouant des contacts avec les élèves.
Il fallait sans doute aménager le statut des pions et des aides éducateurs, mais certainement pas en restreindre le nombre. L'école sait ce qu'elle leur doit dans les établissements les plus difficiles où ils parvenaient à prévenir la violence.
Vos décisions sont d'autant plus étonnantes, monsieur le ministre, que vous avez vous-mêmes dit qu'avec 85 000 incidents graves recensés l'année dernière, le bilan était calamiteux.
Dans votre projet de loi, les établissements auront en charge le recrutement des assistants d'éducation. Ils en auront donc la gestion. Que se passera-t-il si l'établissement a besoin d'un assistant d'éducation supplémentaire mais qu'il n'a pas les crédits nécessaires pour l'embaucher ? Il se retournera naturellement vers sa collectivité territoriale.
Comment réagira celle-ci ? Pourra-t-elle refuser de prendre en charge cette dépense ? Non, car elle porterait la responsabilité du mauvais fonctionnement de l'établissement et se mettrait à dos l'ensemble de nos concitoyens, qui sont avant tout des parents.
Les communes et les collectivités territoriales doivent-elles permettre à l'Etat de s'exonérer de sa responsabilité républicaine d'éduquer ?
Votre projet de loi est le premier texte qui vient en discussion après la modification de la Constitution concernant la décentralisation. Il donne raison à ceux qui s'inquiétaient des transferts de charges vers les collectivités territoriales.
M. René-Pierre Signé. C'est sûr !
M. Jean-Marc Todeschini. Il y aura celles qui pourront y faire face et les autres, ce qui accroîtra les inégalités d'une commune à l'autre, d'un département à l'autre, d'une région à l'autre.
Ces transferts sournois aux collectivités territoriales amplifieront les disparités entre les régions.
Bien sûr, vous pourrez revendiquer une baisse de l'impôt sur le revenu, mais vous occulterez ainsi l'augmentation des impôts locaux.
D'ailleurs, pour 2003, l'augmentation moyenne des impôts locaux serait de plus de 7 %. Et personne n'y échappera, en particulier les plus faibles de nos concitoyens : Rmistes, chômeurs et petits retraités ; tous seront taxés.
Bravo la décentralisation libérale !
Votre projet de loi va donner encore plus de moyens aux régions les plus riches et pas ou peu de moyens aux régions les plus pauvres !
Je suis malheureusement bien placé pour évoquer cette situation puisque ma région, la Lorraine, voit les plans sociaux se succéder ; les houillères du bassin de Lorraine vont fermer en 2004 et la sidérurgie va subir encore des réductions massives, afin de faire passer de 9 % à 15 % les profits des actionnaires.
M. Jacques Baudot. C'est à cause des 35 heures !
M. Jean-Marc Todeschini. Rappelez-vous qui présidait Usinor et Sacilor.
M. Bernard Murat. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Jean-Marc Todeschini. Cette réforme ne créera pas, contrairement à ce que prétend votre gouvernement, une dynamique de proximité solidaire et égalitaire permettant à nos enfants d'être armés pour affronter la globalisation et participer pleinement à la construction de l'Europe.
Vous êtes pour une dynamique de compétition qui sera fatale à l'esprit républicain, le socle de notre démocratie.
L'éducation nationale représente, avec la recherche, un investissement pour l'avenir et, sur ce point, on ne peut faire de petites économies.
Vous voulez faire mieux avec moins de moyens et vous me direz, comme au moment du vote de votre budget, que la quantité ne fait pas la qualité. Mais quelle qualité donnez-vous à notre enseignement ?
Finie la démocratisation de l'enseignement, finie la pédagogie différenciée, finie l'éducation prioritaire ! Vous ouvrez une brèche qui contribue au démantèlement du service public de l'éducation.
M. Jean-Claude Carle. Effarant !
M. Jean-Marc Todeschini. La mission de l'éducation n'est pas seulement la transmission du savoir, elle est également l'éducation à la citoyenneté. Or l'éducation nationale n'est plus une priorité du gouvernement auquel vous appartenez.
M. Philippe Richert, rapporteur. Mais si !
M. Jean-Marc Todeschini. Vous ne cessez de lancer des plans contre la violence, contre l'illettrisme, pour la santé des élèves, pour l'engagement des jeunes, mais, dans le même temps, vous supprimez des emplois d'enseignants et vous cassez les équipes éducatives en supprimant les aides éducateurs et les MI-SE.
Nous pourrions finir par croire que ce ne sont là que des plans de communication, dont l'objet est d'améliorer votre image, et non l'encadrement des élèves...
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Jean-Marc Todeschini. Si ce projet était porteur de progrès pour l'avenir, il n'aurait pas fait l'unanimité contre lui.
Les missions qui seront dévolues aux assistants d'éducation sont floues et éloignées de celles des aides éducateurs. Or ce sont ces mêmes aides éducateurs qui ont permis d'éviter aux élèves d'être livrés à eux-mêmes et qui, par leur accompagnement, ont réussi à contenir les dérapages. Leur implication dans les établissements a permis à l'école de s'engager dans la voie de la prévention-sanction, et non pas simplement dans celle de la seule sanction-répression. Souvent perçus comme des « grands frères », ils ont contribué à améliorer la vie quotidienne de l'établissement ainsi que les relations avec les parents.
Nous sommes aussi favorables à une saine gestion des deniers publics. Mais, en l'occurrence, ce n'est pas le bon sens, ni la recherche de l'efficacité pour les élèves qui dictent ces choix ; ce sont des positions purement idéologiques et une volonté forcenée d'économiser sur le dos de l'école et des services publics en général, avec le risque d'affaiblir encore les plus faibles de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, les crédits alloués à l'éducation de la jeunesse ne sont pas des dépenses, ils représentent un investissement pour l'avenir. Je ne souhaiterais pas que vous restiez dans notre histoire, certes comme un philosophe respecté par ses pairs, mais surtout comme le ministre de l'éducation nationale qui a rompu le pacte républicain et entamé le démantèlement du service public de l'éducation que l'Europe entière nous envie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je souhaite d'abord vous féliciter d'avoir pris l'initiative de créer les assistants d'éducation et de présenter ce projet de loi qui vise à remplacer, à terme, les MI-SE, les maîtres d'internat - surveillants d'externat, et les aides éducateurs.
Monsieur le ministre, vous avez eu le courage, malgré les critiques bien malvenues de l'opposition, de mener à bien ce grand projet de modernisation. Croyez que nous en sommes satisfaits.
Il me semble en effet inconvenant que l'opposition, qui se targue sans cesse de solidarité, ose se permettre de telles réflexions à propos d'un projet de loi qui vise d'abord à combler ses grossières erreurs ! (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je crois même me souvenir que certains de vos prédécesseurs s'inquiétaient déjà de la précarité du système. Je fais référence à un rapport qui avait déjà qualifié, il y a quelques années, le système des MI-SE de « calamiteux ».
Et ce sont leurs amis politiques qui, aujourd'hui, viennent nous faire la morale et affirmer, sans aucun état d'âme, que ce projet de loi est mauvais !
M. Jean-Louis Carrère. Il n'est pas mauvais, il est très mauvais !
M. Jean-Claude Carle. Avouez, mes chers collègues, que c'est tout de même un comble !
Il est en effet flagrant que notre système d'encadrement scolaire est très lacunaire et fonctionne mal. Il est donc urgent de le réviser.
Je ne citerai qu'une date pour montrer à quel point cette organisation pouvait être périmée : le dispositif des MI-SE, comme l'a rappelé notre collègue Pierre Martin, fut créé en 1937. Comment penser qu'il puisse être encore adapté aux exigences de notre système éducatif actuel ?
M. Daniel Reiner. Et Jules Ferry, 1880 !
M. Jean-Claude Carle. Il faut être lucide, ne plus avoir peur de souligner qu'un système est inadapté et ne pas se contenter de le remarquer. Il faut faire en sorte qu'il change, même si cela doit entraîner de réelles modifications.
Notre pays d'une manière générale et les grands corps d'Etat en particulier ont souvent peur du changement,...
M. Jean-Claude Carle. ... mais il faut savoir avancer, modifier, innover. C'est ce que vous faites, monsieur le ministre. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Aussi, c'est avec force que nous soutenons votre projet de loi, car c'est un bon projet (Exclamations sur les mêmes travées) qui répond à plusieurs nécessités.
Tout d'abord, il assure un véritable statut aux nouveaux assistants d'éducation qui pourront être embauchés pour trois ans renouvelables une fois, avec un contrat de droit public, au lieu de cinq ans auparavant sans porte de sortie.
M. Jean-Louis Carrère. Trois ans !
M. Jean-Claude Carle. L'avenir de ces jeunes est donc mieux assuré ! Jusque-là, force est de constater qu'après avoir passé cinq ans au sein de l'éducation nationale, ces jeunes sortaient bien souvent sans aucune formation ni qualification supplémentaire et, par conséquent, sans aucune assurance de trouver un emploi.
Vos prédécesseurs avaient en effet oublié de définir la véritable mission de ces jeunes, souvent amenés à assurer de multiples fonctions, et ce sans aucune cohérence. (M. René-Pierre Signé proteste.) Le précédent gouvernement avait en outre omis, je le répète, de prévoir les conditions de sortie de ce dispositif.
M. Jean-Louis Carrère. Quand on ne sait pas de quoi on parle !
M. Jean-Claude Carle. Car, enfin, soyons clairs : qui avait plongé ces jeunes dans un état de précarité totale ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Qui a développé deux catégories d'emplois dans la fonction publique, les titulaires et les précaires ?
M. René-Pierre Signé. On a baissé le chômage !
M. Jean-Claude Carle. Au nom de la solidarité, les socialistes ont mené une politique d'opportunité et non une véritable politique sociale ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Permettez-moi de vous dire que, pour ma part, je trouve ce manque de respect, ce manque de prévoyance particulièrement choquants !
L'Etat doit avant tout être exemplaire, aussi votre projet de loi vient-il, monsieur le ministre, corriger ces erreurs ou, à tout le moins, ces oublis.
Ce texte n'oublie pas que, si les assistants sont souvent contraints de travailler pour financer leurs études, ils ne doivent pas être défavorisés par rapport à leurs camarades et leur avenir ne doit pas en pâtir. Or, le projet de loi prévoit non seulement la promotion de services à mi-temps afin de permettre aux étudiants de poursuivre leurs études dans les meilleures conditions, mais également la validation des acquis dans le cadre du cursus universitaire.
Ensuite, ce projet de loi intègre une dimension sociale non négligeable puisqu'il s'adresse en priorité aux étudiants boursiers. Ces jeunes pourront donc cumuler leur emploi et une bourse.
M. René-Pierre Signé. En priorité ?
M. Jean-Claude Carle. Par ailleurs, les élèves eux-mêmes tireront le meilleur bénéfice de ce nouveau dispositif. En effet, avec 6 000 assistants d'éducation spécifiquement chargés de la surveillance, 10 000 postes pour les écoles primaires et 6 000 pour les collèges et les lycées, avec en tout dès la rentrée prochaine 82 000 jeunes adultes pour encadrer les élèves, il est incontestable que, contrairement à ce que tente obstinément de faire croire l'opposition, les fonctions d'assistance éducative seront notablement améliorées.
Ce projet de loi vise également à apporter une aide indispensable à ceux qui en ont le plus besoin. Je pense bien sûr aux handicapés. Monsieur le ministre, nous vous félicitons d'avoir prévu une augmentation du nombre de personnel encadrant ces jeunes et les aidant à s'intégrer au milieu scolaire. Ils seront désormais 6 000, soit 5 000 de plus qu'à l'heure actuelle. (Mmes Nicole Borvo et Danièle Pourtaud s'exclament.)
M. Jean-Marc Todeschini. Ils ne savent pas compter !
M. Jean-Claude Carle. Enfin, il me semble tout à fait logique que, dans certains cas, le chef d'établissement puisse recruter directement les assistants d'éducation. En effet, qui mieux que lui est capable de jauger, d'évaluer très exactement les besoins de son établissement et d'être le meilleur garant d'un bon recrutement ?
Permettez-moi, à ce stade de mon intervention, de revenir sur deux points.
En premier lieu, il me semble, monsieur le ministre, que, dans ce domaine comme dans d'autres, l'inflation continue des moyens n'est pas la meilleure façon de régler les problèmes de l'éducation nationale.
En effet, alors que le budget du ministère de l'éducation nationale a doublé en quinze ans, que le nombre d'enseignants a crû de 40 %, un élève sur trois aujourd'hui ne maîtrise pas les disciplines de base au collège...
M. Jean-Louis Carrère. Il n'y a pas qu'eux !
M. Jean-Claude Carle. ... et un jeune perd une année d'enseignement entre la sixième et la terminale en raison de l'absentéisme des professeurs. (Protestations et rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Ils vont aimer cela !
M. Jean-Claude Carle. C'est le rapport sénatorial qui le dit ! Il est donc nécessaire de privilégier aujourd'hui le qualitatif autant que le quantitatif.
M. Jean Chérioux. Il n'y a qu'à voir les résultats !
M. Jean-Claude Carle. En effet, un meilleur encadrement des élèves passe aussi par l'amélioration de la répartition des tâches au coeur des établissements et par une formation des enseignants...
M. René-Pierre Signé. Insulte aux professeurs !
M. Jean-Claude Carle. ... qui leur permettrait de savoir gérer et appréhender plusieurs problèmes à la fois : tâches éducatives, mais aussi soutien psychologique et encadrement moral des élèves.
M. Jean-Louis Carrère. Et les inspecteurs généraux !
M. le président. Monsieur Carrère, laissez parler l'orateur !
M. Jean-Claude Carle. En second lieu, je souhaiterais que soient multipliées les opérations de partenariat avec les collectivités locales. Je citerai, pour illustrer mon propos, l'action qui a été menée dans la région Rhône-Alpes, intitulée « Permis de réussir », en 1991.
Ce projet permet d'aider de nombreux jeunes, issus de 950 établissements différents. Ils se voient proposer un certain nombre de mesures de soutien et d'activités qui leur permettent, par exemple, de mieux découvrir le monde de l'entreprise et du travail, afin de mieux choisir leur orientation, ou de mieux s'intégrer à la société grâce à des activités sportives, culturelles, ou bien encore grâce à des échanges avec l'étranger.
Un tel projet tend à prouver qu'un travail avec les régions permet d'approfondir et de mettre en place de réels moyens de soutien aux jeunes, et ce dans des domaines très divers. Je suis convaincu que la voie contractuelle est toujours plus efficace que la voie réglementaire.
Je souhaiterais enfin que le nouveau dispositif que vous nous proposez aujourd'hui, monsieur le ministre, soit complété à l'avenir par l'utilisation de compétences disponibles et qui ne demandent qu'à s'exprimer : celles des jeunes retraités.
M. Daniel Reiner. Ils sont de moins en moins jeunes !
M. Jean-Claude Carle. Ils pourraient faire bénéficier les jeunes de leur expérience professionnelle, mais aussi, d'une manière plus large, apporter un « savoir-être » qui fait souvent défaut et pallier un tant soit peu le rôle primordial des grands-parents,...
M. Jean-Louis Carrère. Il ne fallait pas le dire ! Il a tout gâché !
M. Jean-Claude Carle. ... que les contraintes de notre société actuelle ont considérablement réduit. Cette mesure ne nécessite aucun investissement et peut, si vous me permettez l'expression, « rapporter gros ». (Exclamations et rires sur les travées du groupe socialiste.)
En conclusion, monsieur le ministre, votre projet de loi prouve à quel point vous souhaitez aller dans le sens d'un véritable soutien personnalisé aux élèves et combien, par conséquent, vous êtes attaché à défendre l'avenir de l'éducation nationale.
Nous nous réjouissons que le Premier ministre ait annoncé le 3 avril dernier qu'un débat sur l'éducation nationale devrait se tenir au Parlement avant la fin de l'année. Enfin, l'éducation reprend toute sa place dans notre pays ! (Rires et protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Il faut oser !
M. Jean Chérioux. Vous aviez créé des emplois au rabais, des faux-semblants !
M. Jean-Claude Carle. Le débat au Parlement ne se réduira plus à la seule discussion de la première ligne du budget de la nation, un dimanche après-midi, comme cela a pu être le cas voilà quelques années.
Enfin, notre souci premier ne se limite plus à la satisfaction des revendications des différents corporatismes, il est bien de remettre l'élève au centre de notre système éducatif. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Jean-Marc Todeschini. On l'avait oublié jusqu'à maintenant !
M. Jean Chérioux. Cela changera !
M. Jean-Claude Carle. Sachez donc, monsieur le ministre, que c'est avec force et conviction que nous soutiendrons votre projet de loi. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Quel dommage, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas été présent dans cet hémicycle, le 28 novembre dernier, pour entendre un certain Luc Ferry nous déclarer, lors du débat sur le budget de l'éducation nationale : « Il y aura plus de surveillants dans les établissements à la rentrée 2003 qu'à la rentrée 2002 ! »
M. Luc Ferry, ministre. Ce sera bien le cas !
M. Jean-Louis Carrère. C'est une belle attaque !
Mme Danièle Pourtaud. Permettez-moi de vous plaindre, monsieur le ministre, d'avoir autant de difficultés à tenir vos engagements dans ce gouvernement.
Car qu'en déduire, monsieur le ministre, sinon une regrettable « erreur de calcul », lorsque vous proposez de remplacer 21 000 aides éducateurs dans les écoles et les collèges et 5 600 surveillants dans les collèges et les lycées par seulement 16 000 assistants d'éducation, parmi lesquels 6 000 auxiliaires de vie scolaire pour l'intégration des élèves handicapés ! Vous ne prévoyez pas 10 600 postes en plus, mais bel et bien 15 500 personnes en moins pour l'assistance pédagogique, le soutien scolaire, les nouvelles technologies, la documentation, la surveillance des études, de la cantine et des récréations, les tâches administratives ! (M. Jean-Marc Todeschini applaudit.)
M. Jean-Louis Carrère. Et voilà !
M. Jean Chérioux. C'est du baratin !
M. Jean-Marc Todeschini. Ce ne sont pas des phrases, ce sont des lignes budgétaires !
Mme Danièle Pourtaud. Finalement, monsieur le ministre, votre projet de loi signifie 15 500 adultes en moins dans les établissements scolaires.
M. Serge Lagauche. Eh oui !
Mme Danièle Pourtaud. Pensez-vous vraiment, monsieur le ministre, que ce soit ainsi que l'on pourra, en particulier, lutter contre la violence en milieu scolaire ?
Je sais bien que votre ministre délégué compte sur les « clôtures, les portails électroniques » et autres « miradors et barbelés »... mais bon !
M. Luc Ferry, ministre. Oh !
Mme Danièle Pourtaud. Permettez-moi de vous rappeler que, étant recrutés exclusivement parmi les étudiants, les maîtres d'internat et surveillants d'externat, les « pions », comme on les appelle familièrement, sont plus proches des adolescents parce qu'intervient une solidarité générationnelle. De plus, ils renvoient une image positive des études.
Or, au lieu de renforcer les effectifs, vous supprimez des postes. C'est un choix dramatique pour le secondaire et un grave recul dans le primaire, où les instituteurs seront les premiers à faire les frais de cette politique : ils seront seuls, comme cinq ans auparavant, pour animer les classes, les bibliothèques et l'initiation à l'Internet.
Venons-en maintenant au texte lui-même. Il faut le dire clairement, ce projet de loi instaure les « petits boulots » généralisés dans l'éducation nationale, ouverts à tous et sans aucune garantie de durée et de pérennité.
En effet, les assistants d'éducation seront embauchés désormais par les directeurs d'établissement et non plus par les recteurs, comme c'était le cas pour les MI-SE, de surcroît sans aucune durée minimale d'embauche, pour un maximum de trois ans renouvelables une fois.
Vous l'avez confirmé tout à l'heure, monsieur le ministre, et notre collègue Jean-Claude Carle vient en outre d'enfoncer le clou, rien n'interdira d'embaucher au coup par coup, ici et là, des mères de famille ou des retraités, voire des étudiants, disponibles au pied levé, pour un salaire incertain. Sans parler de recrutements de complaisance, on peut imaginer que des pressions s'exerceront auxquelles il sera plus difficile de résister localement.
Surtout, ces postes, puisqu'ils sont ouverts à tous, ne seront plus réservés aux étudiants. Vous aviez pourtant promis, lors de la table ronde du 27 novembre dernier, de donner « une priorité absolue aux étudiants et aux jeunes ». Cet engagement, introuvable dans la version initiale du projet de loi, a finalement été ajouté à l'Assemblée nationale, pour les « étudiants boursiers » !
En fait, monsieur le ministre, si nous sommes bien informés de vos projets, les étudiants qui deviendront assistants d'éducation vont travailler plus pour être payés moins, comme vient de le dire notre collègue Serge Lagauche. Alors que les MI-SE travaillaient pour un salaire de plein-temps vingt-quatre à vingt-huit heures par semaine, vos assistants d'éducation auront droit à trente-cinq heures par semaine pour le SMIC ou - puisque, c'est vous qui le dites, un plein-temps « n'est guère propice aux études réussies » - à un mi-temps pour la moitié du SMIC !
Ainsi, plutôt que d'augmenter les bourses ou d'assurer l'autonomie des étudiants par un revenu minimum étudiant, vous donnez aux boursiers le droit de rater leurs études en travaillant. Quant à ceux qui ne sont pas boursiers, ils devront, s'ils vous écoutent, vivre avec 400 euros en moyenne par mois, correspondant à la moitié du SMIC.
Je ne crois pas que ces mesures soient de nature à démocratiser l'accès à l'enseignement supérieur dans ce pays !
Il y a malgré tout une logique à cela, mais je crains qu'elle ne fasse pas plaisir à entendre : le Gouvernement veut faire des économies sur le dos des étudiants les moins favorisés, quitte à laisser plus d'enfants et d'adolescents livrés à eux-mêmes dans les établissements scolaires.
Mais ce n'est pas une surprise, tous ces choix ne faisant que confirmer les coupes sévères dans les budgets de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. En effet, sans compter les 44 millions d'euros enlevés à l'enseignement supérieur, ce sont plus de 177 millions d'euros de crédits sur vos budgets qui ont été globalement amputés.
J'en conclus que le Gouvernement, à travers ce texte comme ailleurs, sacrifie l'avenir pour baisser aujourd'hui et, paraît-il, demain, les impôts des Français les plus favorisés.
C'est pourquoi je vous encourage, mes chers collègues, à entendre les protestations unanimes, émanant tant des syndicats que des étudiants ou des parents d'élèves, et donc à voter, comme le groupe socialiste, contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. René-Pierre Signé. Bravo !
M. le président. La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Monsieur le ministre, d'emblée, je dois vous dire que je souscris pleinement à la démarche que vous avez entreprise en proposant un statut des assistants d'éducation, et ce pour de multiples raisons que je n'exposerai pas toutes.
Tout d'abord, il y a urgence pour les deux cadres d'emplois concernés. En effet, les emplois-jeunes, outre le fait qu'ils constituaient un traitement artificiel du chômage des jeunes prenant pour modèle les ateliers nationaux de 1848,...
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère. Et M. Chérioux s'y connaît !
M. André Lardeux. ... n'étaient pas pérennes. Aucun dispositif de sortie, que ce soit sur le plan statutaire ou sur le plan financier, n'était prévu. On avait donc recours, sinon au « chèque en bois », du moins à la technique du sapeur Camembert : creuser un trou pour en combler un autre.
M. René-Pierre Signé. C'est une nouvelle technique ! C'est très courant !
M. André Lardeux. Ce dispositif était d'autant plus critiquable que s'y étaient réfugiés des gens qui, manifestement, n'en relevaient pas, préférant le confort douillet de l'assistance publique aux intempéries des concours de la fonction publique ou du recours au marché de l'emploi.
M. René-Pierre Signé. Voilà qu'il fait de la météorologie !
M. André Lardeux. Certes, on nous dit : « Mais c'est dramatique, ces postes sont indispensables ! » J'ai envie de répondre : « Comment faisait-on avant ? Comment font ceux qui n'en disposent pas, car il y en a ? Faut-il croire que certains sont plus efficients que d'autres ? »
Aussi, les cris d'orfraie que l'on pousse à ce propos sont bien excessifs et n'ont sans doute aucun rapport avec la modernisation de notre système éducatif.
Il y a aussi urgence pour les MI-SE, dont on va enfin moderniser le statut près de soixante-dix ans après sa mise en place.
On affirme que notre pays est rétif aux réformes et nous en avons là une illustration flagrante. Les évolutions de la société, des études universitaires, justifient amplement la réforme que vous proposez, monsieur le ministre, surtout quand on connaît la vitesse des transformations actuelles.
Pour ce qui est des surveillants d'externat, que j'ai eu l'occasion d'observer lorsque j'étais en lycée, il est patent qu'ils ne surveillaient plus les élèves (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)...
M. René-Pierre Signé. Ils jouaient à la belote !
M. André Lardeux. ... du fait de la brièveté de leur présence en établissement et de la limitation croissante de leur rôle aux tâches administratives, notamment la gestion des absences. Par ailleurs, certains établissements ne pouvaient guère bénéficier de ce dispositif.
Les thuriféraires habituels du toujours plus d'emplois publics s'étranglent en criant au démantèlement du service public. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Si l'augmentation continuelle du nombre d'emplois était la réponse adaptée, cela se saurait !
M. Jean-Louis Carrère. C'est la mauvaise graisse !
M. Henri de Raincourt. Le mammouth !
M. André Lardeux. Monsieur Carrère, vous avez de bonnes références avec M. Allègre !
M. Jean-Louis Carrère. Non, la mauvaise graisse, c'est Alain Juppé !
M. André Lardeux. Or il n'en est rien ! Bien au contraire, les demandes de moyens sont une antienne obsolète montrant le manque d'imagination et de pragmatisme de ceux qui se prétendent les porte-parole des enseignants. En réalité, cela est la cause d'un gaspillage considérable. En cinq ans, le budget de l'éducation nationale a crû de 20 %, alors que les effectifs scolaires ont baissé et cela n'a nullement amélioré les performances du système éducatif.
M. Jean Chérioux. Loin de là !
M. Jean-Louis Carrère. Qu'est-ce que vous en savez ?
M. André Lardeux. En dépit de la baisse des effectifs par classe, deux enfants sur dix ne lisent pas correctement à l'entrée en sixième.
De plus, la relation entre le niveau des dépenses éducatives et la performance scolaire est faible. Nous ne faisons pas mieux que les Tchèques, qui dépensent deux fois moins par élève, ce que la Cour des comptes vient d'ailleurs de rappeler à l'issue de son contrôle. Elle écrit : « Rien, aujourd'hui, ne permet d'affirmer que la logique de croissance du taux d'encadrement favorise l'efficacité de l'enseignement et la réussite des élèves. Les recherches actuellement disponibles sur cette question concluent, au contraire, à l'absence d'effets significatifs et mesurables d'une politique de réduction de la taille des classes, sauf pour les publics en très grande difficulté. »
M. Jean-Louis Carrère. Et le désir s'accroît quand l'effet se recule !
M. André Lardeux. En augmentant massivement les effectifs d'enseignants alors que la démographie baissait, on n'a rien résolu.
Dans l'enseignement secondaire, l'expérience montre d'ailleurs - je puis en témoigner - qu'une classe de trente élèves est meilleure qu'une classe de vingt élèves, car une classe plus nombreuse suscite l'émulation. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas possible !
M. André Lardeux. D'ailleurs, le nombre de postes est un faux problème.
M. Jean-Louis Carrère. J'aime les gens qui ont des certitudes !
M. André Lardeux. S'il manque des adultes, il n'y a qu'à remettre devant les élèves tous ceux qui devraient y être et qui n'y sont pas !
Il est également vrai que la revendication des moyens est une attitude commode pour éviter de poser quelques questions de fond qui gênent : l'ennui à l'école, le système d'orientation, les causes de la violence, la revalorisation du métier d'enseignant et, là, il ne s'agit pas seulement d'une question budgétaire.
Aussi, le dispositif que vous proposez, monsieur le ministre, en ce qui concerne les assistants d'éducation va dans le bon sens puisqu'il allie qualité, simplicité, souplesse, efficacité et proximité.
Que ces emplois soient prioritairement réservés aux étudiants est assez logique. Cependant, ce recrutement ne doit pas être exclusif car la présence d'adultes plus âgés peut s'avérer utile.
Par ailleurs, personne n'a vocation à s'installer de façon durable dans ces emplois, dont l'aspect « emploi : aide sociale » ne peut être seul pris en compte. Il y aura lieu d'être vigilant pour que les « éternels étudiants » ne s'y incrustent pas. Il me semblerait logique que la priorité soit donnée aux étudiants déjà engagés fermement dans un cycle d'études supérieures.
Il nous faudra également veiller à ce que ceux qui pourront cumuler une bourse et une rémunération ne se trouvent pas dans une situation telle que ceux qui n'auront accès ni à l'une ni à l'autre considèrent ce cumul comme une injustice profonde.
De plus, le renouvellement de ces bourses doit tenir compte essentiellement des critères universitaires.
Que le recrutement soit réalisé par les chefs d'établissement est indispensable. D'ailleurs, ces derniers recrutaient déjà les emplois-jeunes. Certes, il faut éviter le favoritisme, mais de simples mesures d'inspection devraient permettre de sanctionner les éventuels fautifs. Je n'ose imaginer qu'il puisse y en avoir parmi les fonctionnaires !
Ce recrutement au plus près de la réalité va dans le sens de la déconcentration et de la décentralisation. En effet, il est de plus en plus inconcevable que l'on puisse conduire un projet d'établissement sans avoir son mot à dire dans le recrutement des personnels chargés de le mettre en oeuvre. Les recommandations de la Cour des comptes vont d'ailleurs dans ce sens.
M. René-Pierre Signé. On ne peut pas faire mieux !
M. André Lardeux. En revanche, monsieur le ministre, je « mettrai un bémol » à votre souhait de voir les collectivités locales s'impliquer dans ce dispositif, sauf si c'est à moyens constants et dans la perspective d'une future décentralisation. Dans le cas contraire, ce serait un transfert de charges sans compensation.
M. Jean-Marc Todeschini. Eh oui !
M. André Lardeux. Je souscris totalement aux orientations pour affecter ces assistants d'éducation. La surveillance des élèves est un moyen d'assurer leur sécurité et de leur permettre de travailler dans des conditions de calme suffisantes.
La seconde orientation concerne l'intégration des enfants handicapés dans les écoles et collèges, notamment. Globalement, on ne peut que se réjouir de cette proposition qui va dans le sens de l'école obligatoire universelle et de la fin d'une ségrégation mal vécue par les familles concernées.
Cependant, tout le monde n'est pas intégrable et il faudra soigneusement éviter de donner des espérances fallacieuses. Les assistants chargés de l'intégration ne pourront pas tout prendre en charge.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà un discours progressiste !
M. André Lardeux. Par ailleurs, il faut agir, monsieur le ministre, en étroite concertation avec les collectivités locales, notamment les départements. Force est de constater que, jusqu'alors, cela n'a pas été le cas.
La majorité des collectivités a consenti des efforts importants pour améliorer l'accessibilité des personnes à mobilité réduite. Cela étant, une intégration accrue en milieu ordinaire peut aussi constituer un transfert de charges non compensé. Il faudra donc, me semble-t-il, lors des réformes à venir dans le cadre de la décentralisation, modifier la composition des commissions départementales de l'éducation spéciale, les CDES. En effet, leurs décisions peuvent engager la participation financière des départements dans le domaine des transports scolaires sans que le conseil général ne soit associé à la décision, ni même, parfois, n'en soit informé.
Organiser à la dernière minute le transport d'élèves handicapés est compliqué, sans compter qu'il faut se soumettre au code des marchés publics. En outre, les élus locaux rencontrent des difficultés pour trouver des entreprises aptes et disponibles pour effectuer ce service.
Vos propositions vont donc dans la bonne direction, monsieur le ministre.
Voilà enfin une réforme concrète et réaliste...
M. René-Pierre Signé. Eh bien, concluez !
M. André Lardeux. ... qui vise à améliorer la qualité du service public, et non pas seulement la quantité. Le « toujours plus » a manifestement fait faillite.
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
M. André Lardeux. Il nous faut offrir un meilleur service d'enseignement aux élèves, en gardant présent à l'esprit que le service public ne peut pas tout faire. L'école est un lieu d'apprentissage de savoir, de certains savoir-faire. En revanche, le savoir-être relève de la responsabilité première des parents, qui sont là pour donner les repères nécessaires, notamment en matière d'autorité et d'effort.
M. René-Pierre Signé. Travail, famille, patrie !
M. André Lardeux. Il nous faut réaffirmer que l'école est d'abord un lieu où l'on travaille, et non pas un centre d'animation socioculturel. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
Votre projet de loi est un élément de la reconstruction de l'édifice scolaire. C'est pourquoi, monsieur le ministre, comme tous mes collègues de la majorité sénatoriale, j'y apporte mon total soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. Vous ne pouvez pas applaudir cela !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le projet de loi que vous nous présentez avec quelque précipitation, monsieur le ministre, aurait pu répondre à plusieurs objectifs de qualité : l'encadrement adulte dans les lieux d'enseignement ; un volet social à destination des étudiants sans ressources ; la reconnaissance des missions des emplois-jeunes ; enfin, l'accueil des handicapés dans l'école par un personnel durable et formé.
Mais la rigueur budgétaire l'emporte sur l'intérêt de chacun. Les jeunes scolarisés auront à leurs côtés au moins dix mille adultes de moins.
Est-ce vraiment le moment de livrer les jeunes à eux-mêmes quand on dénonce la violence, la toxicomanie, le racket, y compris à des fins électorales ? Est-ce vraiment le moment, quand se répandent les agressions verbales ou physiques, racistes, antisémites ou sexistes envers les filles ?
Le volet social ne sera pas non plus au rendez-vous. En ouvrant la porte au recrutement de non-étudiants, vous placez les chefs d'établissements en difficulté. Certes, on peut faire confiance à 99 % d'entre eux pour résister au clientélisme ou aux demandes inadaptées. Mais ne croyez-vous pas qu'ils ont autre chose faire que d'alourdir leur tâche par des refus ingrats ?
En période de montée du chômage, forte sera la demande et pathétiques seront les arguments des demandeurs. Quant aux heureux étudiants embauchés, ils risquent vite de déchanter. Astreints à des temps de présence accrus, moins bien rémunérés, ils seront peu disponibles pour leurs cours et travaux pratiques. Enfin, les handicapés pouvaient espérer une véritable reconnaissance par un personnel spécifique. Vous y êtes presque, monsieur le ministre, mais pourquoi pratiquer l'amalgame des statuts, précariser ces contrats exigeant qualification et savoir-faire, et ne pas prévoir une formation en amont ? Ce que vous avez tant reproché aux emplois-jeunes, pourquoi le reproduisez-vous en moins bien ?
Dans les propos que vous avez tenus aujourd'hui, j'ai relevé deux points qui concernent les aides éducateurs. Leurs missions, avez-vous dit, n'avaient pas été précisées. Ne pensez-vous pas que ce fut une richesse qui aurait pu devenir un acquis si vous n'aviez tout détruit ? Nous n'en sommes plus au temps des cabinets et des ministres omniscients qui décrétaient dans un bureau ce qui était bon pour le peuple.
L'une des richesses des emplois-jeunes fut bien de coproduire sur le terrain, dans le respect des métiers existants, des missions adaptées aux établissements : animateurs de sites informatiques, de clubs de langues, d'ateliers de poésie, lecteurs de contes... Se retrouveront-ils tous à la surveillance des réfectoires ?
Vous rangez les emplois-jeunes dans la catégorie des « assistés ». Ce mépris fait bien peu de cas de ces jeunes qui se sont consacrés à des missions éducatives utiles, dont chacun s'est félicité, et qui ont été rémunérés pour des tâches loyalement exécutées.
De plus, vous oubliez tous ceux qui, durant leur contrat, ont trouvé un autre emploi, ainsi que le rôle d'insertion qu'a joué ce dispositif.
En conclusion, je voudrais simplement, monsieur le ministre, en appeler au respect de la chose publique. Depuis l'arrivée de ce Gouvernement, nous assistons non pas à des inflexions plus conformes à vos choix libéraux, non pas à la qualification de dispositifs qui méritaient de franchir une nouvelle étape - je pense aux emplois-jeunes, pour lesquels cinq ans d'expérience avaient permis l'identification de nouvelles missions, de nouveaux métiers -, mais au démontage précipité et méthodique de tout ce qui était acquis, comme s'il fallait au plus vite dépenser moins pour compenser les fausses recettes affichées dans le budget. La jeunesse et la formation méritent mieux que cette coupe brutale.
Aussi, monsieur le ministre, je n'aurai qu'une question à vous poser : êtes-vous résolu à refuser tous les amendements, comme ce fut le cas pour le dernier texte, au point de mobiliser le Conseil constitutionnel, ou bien êtes-vous prêt à accepter quelques propositions qui amélioreraient votre projet de loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, dernier orateur inscrit.
M. René-Pierre Signé. Ce sera le bouquet final ! (Rires.)
M. le président. Nous allons en juger par nous-mêmes, monsieur Signé !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Essayez de ne pas nous décevoir !
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup vient d'être dit et bien dit. Je ne peux que souscrire aux propos de mes collègues du groupe socialiste ; j'éviterai donc de les reprendre inutilement. Permettez-moi tout de même de bien pointer les contradictions de ce projet de loi et, ce faisant, celles de la politique éducative du Gouvernement.
La première contradiction, et la plus évidente, concerne le statut des assistants d'éducation. On dit au ministère que ce statut est « moderne » et « unique ». Insistons d'emblée sur le fait qu'il ne suffit pas de créer un statut « unique », c'est-à-dire qui échape aux dispositions de l'article 3 du statut général de la fonction publique, pour être « moderne ». Pour l'Etat, la cotisation à l'assurance chômage et l'indemnisation par les ASSEDIC est préférable au versement des allocations de perte d'emplois. Mais est-ce moderne ? La « modernité » ne rime pas avec de telles subtilités.
Par ailleurs, le manque de clarté concernant les recrutements et les recrutés, le flou de leurs missions, laissent grandement à désirer. Même si vous l'avez démenti, rien n'empêche, dans ce texte, que ces postes soient ouverts à d'autres qu'à des étudiants ; l'idée en a été avancée.
Deuxième contradiction, celle, classique, entre les mots et les faits : on ne peut pas prôner dans le discours la lutte efficace contre la violence, le retour de l'autorité, la lutte contre l'illettrisme, ainsi que contre les violences racistes et antisémites, contre la drogue et contre l'absentéisme, en réduisant la présence des personnes physiques dans les écoles, les collèges et les lycées.
La suppression des MI-SE, sans concertation, pénalise les étudiants modestes : c'est un ascenseur social qui disparaît d'un trait de plume. On ne peut pas en appeler à l'école républicaine et la défaire.
Autre contradiction : prôner le dialogue social et faire du forcing social. On se demande, au passage, quel sentiment étrange cela procure d'avoir l'Union nationale inter-universitaire, l'UNI, comme seule alliée dans cette affaire. Vous appelez au dialogue social, monsieur le ministre, mais vous restez sourd aux remarques et aux demandes !
Contradiction suivante : votre décentralisation fera appel aux collectivités locales. Mais celles-ci ont plus besoin d'emplois supplémentaires que de charges budgétaires. Or l'égalité qui doit exister entre les établissements sur tout le territoire national est le fondement de l'égalité des chances. L'éducation est aussi affaire d'aménagement du territoire, donc d'égalité territoriale.
On peut craindre, avec raison, que votre insuffisant dispositif d'assistants d'éducation ne laisse les zones rurales sur le bord de la route. La mission du service public d'éducation prend un sens concret pour les départements ruraux comme la Nièvre, que je représente. Pour ces départements, l'enjeu repose sur un défi : attirer les investissements, donc offrir une main-d'oeuvre qualifiée. Cela passe par l'éducation de nos jeunes aux nouvelles technologies. Vous savez bien que les aides éducateurs jouaient un rôle central dans la sensibilisation à ces outils. Vous savez aussi que ceux qui ne seront pas familiarisés avec les nouvelles techniques de communication seront les illettrés de demain.
Partout, ces aides éducateurs ont fait émerger des besoins souvent insatisfaits, souvent insoupçonnés. En somme, il s'agit de maintenir la présence de l'éducation nationale en milieu rural. Le maintien de cette présence repose aussi sur la présence de jeunes adultes qui complètent l'offre éducative. L'Etat ne peut pas se décharger de sa responsabilité républicaine d'éduquer.
En somme, monsieur le ministre, vous n'êtes pas pour l'école républicaine. Le contenu de votre projet de loi nous paraît anti-éducatif, et les partisans de l'éducation républicaine ne peuvent que se prononcer contre.
L'éducation nationale mérite un débat national, et de toute urgence. Il aura lieu, nous dit-on, dans le courant de cette année. Mais le débat a lieu tous les jours dans les écoles et dans les établissements ! Ce texte sur les assistants d'éducation constitue un choix de société : celle que vous êtes en train de coproduire nous inquiète. Les acteurs de l'éducation nationale s'inquiètent chaque jour un peu plus de votre politique. Je crains qu'ils n'aient pas tort, et notre opposition claire sera d'autant plus résolue. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de féliciter l'ensemble des intervenants, et tout particulièrement votre rapporteur, Philippe Richert, pour la qualité de son travail. Le rapport qu'il nous a présenté et les arguments excellents qu'il a avancés ont parfaitement mis en valeur l'intérêt de ce nouveau dispositif. Cela étant, M. le rapporteur ayant posé trois questions précises, je souhaite lui répondre d'emblée.
La première question portait sur le problème du recrutement des assistants d'éducation par les écoles.
Parce qu'elles ne sont pas des établissement publics, les écoles ne peuvent pas recruter elles-mêmes les assistants d'éducation. On est dans le même cas de figure que pour les emplois-jeunes, où l'on était obligé de passer par l'intermédiaire des collèges. Tout s'est d'ailleurs fort bien passé. Sachez cependant, monsieur le rapporteur, vous qui vous inquiétez à ce sujet, que les auxiliaires de vie scolaire seront recrutés par les inspecteurs d'académie. C'est une première réponse à votre interrogation. En outre, comme je l'ai souhaité - c'est l'objet d'un des amendements adoptés par l'Assemblée nationale - , les directeurs d'école seront associés au recrutement, s'ils le souhaitent et quand ils le souhaitent. De toute façon, le cadrage du dispositif sera de la responsabilité des inspecteurs d'académie.
Comme pour toute affectation, ce sont les inspecteurs d'académie qui décideront que les postes seront affectés à telle ou telle école ou à tel ou tel établissement. Une fois ainsi cadré par les rectorats, le recrutement se fera ensuite de manière plus proche par les chefs d'établissement, principaux ou proviseurs. Les directeurs d'école seront associés au choix des candidats postulant à des emplois dans les écoles. Donc, au total, le dispositif me semble raisonnable.
La deuxième interrogation de M. le rapporteur concerne les étudiants boursiers : la priorité est clairement inscrite dans la loi. Donc, comme vous le souhaitez, je m'engage à faire préciser dans la circulaire, selon la formulation qui, je crois, nous est commune, que le dispositif est destiné en priorité aux étudiants boursiers, ensuite, dans l'ordre, aux étudiants, aux jeunes et, si on n'a trouvé personne,...
M. Jean-Louis Carrère. A quelqu'un d'autre ! (Rires.)
M. Luc Ferry, ministre. ... à d'autres catégories de la population. Après tout, pourquoi pas ?
Il est important que ce soit précisé dans la loi, tout en ménageant une certaine souplesse pour ne pas bloquer le dispositif de recrutement et ne pas créer d'éventuelles possibilités de recours, ce qui rendrait le dispositif extrêmement lourd et, encore une fois, risquerait de le bloquer.
M. le rapporteur m'a enfin interrogé sur les jeunes qui travaillent au sein des associations. Les jeunes et les associations, voilà deux problèmes différents et presque, en un sens, contradictoires.
Le dispositif des assistants d'éducation est prévu pour aider les jeunes qui travaillent déjà comme auxiliaires de vie scolaire dans des associations. Cela étant, on peut m'objecter que, si les jeunes quittent les associations pour rejoindre des établissements publics de l'éducation nationale, lesdites associations seront en quelque sorte dépouillées.
Voilà pourquoi il est nécessaire de prévoir un dispositif qui permette d'aider les associations. Le CIVIS, le contrat d'insertion dans la vie sociale, que nous mettons en place avec mon collègue François Fillon, sera, je crois, la bonne réponse.
Tels sont, monsieur le rapporteur, les éléments de réponse que je tenais à apporter à vos légitimes interrogations.
Mme Férat, notamment, m'a interrogé sur le nombre des personnes recrutées. Il est clair que le nombre total d'aides éducateurs, d'assistants d'éducation et de MI-SE en poste dans les établissements sera moindre parce qu'il sera en gros de 82 000 à la prochaine rentrée, soit environ 15 000 personnes de moins qu'actuellement. Je ne l'ai jamais nié. Essayons de comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là.
Pour fixer les idées, imaginons un instant que je n'aie pas levé le petit doigt, que j'aie attendu la rentrée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Ce ne sont pas 15 000 personnes mais 20 000 dont nous aurions dû constater la disparition de nos effectifs dès le mois de janvier dernier. Voilà ce qui était programmé !
Lorsque je suis arrivé au ministère, aucune ligne de crédit n'était prévue (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste), aucune prorogation du dispositif législatif jusqu'au mois de juin, aucune indemnité de chômage non plus n'étaient prévues pour les jeunes qui devaient sortir du dispositif à partir du mois de janvier.
M. Jean-Louis Carrère. On nous fait le coup à chaque fois !
M. Luc Ferry, ministre. Mais cessons cette discussion, qui n'a pas lieu d'être, sur les modalités de l'indemnisation du chômage : que le ministère soit son propre assureur ou qu'il y ait affiliation aux ASSEDIC, cela ne change absolument rien pour les jeunes. N'espérez quand même pas me prendre à ce piège un peu gros ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
La vérité, c'est que, si quelque chose était programmé, c'est bien le départ de 20 000 emplois-jeunes à compter du mois de janvier dernier, et que rien n'avait été prévu à la place. (Protestations sur les mêmes travées.)
Mais, messieurs de l'opposition, si vous aviez trouvé le dispositif si formidable, je vous renvoie la question : pourquoi ne pas l'avoir pérennisé vous-mêmes ?
M. Jean-Claude Carle. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère. Nous allions le faire ! (Rires sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - M. le ministre rit également.)
M. Jean-Marc Todeschini. Vous étiez directeur des programmes, vous êtes devenu ministre !
M. Jean-Louis Carrère. C'est de la mauvaise foi !
M. Luc Ferry, ministre. Vous alliez le faire ? Mais la fin des contrats était prévue depuis cinq ans : vous n'étiez pas pris par surprise ! Pourquoi n'avoir pas lancé une procédure de titularisation ? Pourquoi n'avoir pas mis en place un dispositif qui prenne le relais ? Pourquoi n'avoir pas anticipé ? Vous me répondez que vous alliez le faire. Reconnaissez que la réponse est un peu facile.
M. Jean-Louis Carrère. Et la question un peu douteuse !
M. Luc Ferry, ministre. Sur la question de la rémunération, il s'agissait de fondre en un seul deux dispositifs. Or, reconnaissez-le, nous nous sommes rapprochés bien davantage du dispositif des MI-SE, qui était favorable aux jeunes, que du dispositif des emplois-jeunes, qui ne l'était véritablement pas. Et, quand j'ai dit que les jeunes étaient mis en position d'assistés pour cinq ans, ce n'était évidemment pas une critique ni des jeunes eux-mêmes ni des missions qu'ils pouvaient remplir et que je veux au contraire pérenniser.
M. Jean-Marc Todeschini. Ah bon ?
M. Luc Ferry, ministre. Avouez cependant que leur imposer pendant cinq ans une espèce de rémunération sans mission, sans formation et sans rien à la sortie n'était pas une solution. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Serge Lagauche. Ils pouvaient sortir avant !
M. Jean-Louis Carrère. On en reparlera !
M. Luc Ferry, ministre. Mme Blandin se félicite de l'absence de définition précise du dispositif des emplois-jeunes, mais M. Signé critique, au contraire et à juste titre, cette absence de précision.
La loi comporte deux éléments précis : d'une part, l'aide à l'intégration des handicapés et, d'autre part, les fonctions de surveillance. Pour le reste, il faut en effet un peu de souplesse parce que cela dépendra des projets éducatifs.
Quant à la précarité, n'allez pas me dire, monsieur Todeschini, que les contrats de droit public sont plus précaires que les contrats de droit privé, qui constituaient le régime de droit commun des emplois-jeunes. Bien évidemment, s'agissant de contrats de droit public, il n'est pas prévu de recours devant les prud'hommes. Mais les personnes concernées bénéficieront exactement des mêmes recours que tous les contractuels de l'éducation nationale.
M. Serge Lagauche. Pour les MI-SE, c'était possible !
M. Luc Ferry, ministre. Donc, il n'y a rien là de nouveau ou d'inquiétant. Je ne crois pas, d'ailleurs, que les tribunaux administratifs soient moins soucieux de la protection des individus que les conseils de prud'hommes.
M. Jean-Louis Carrère. C'était possible pour les MISE !
M. Luc Ferry, ministre. Encore une fois, il s'agit de fusionner deux dispositifs : on ne peut donc pas conserver tous les avantages des deux.
M. Jean-Marc Todeschini. Pourquoi pas ?
M. Jean-Louis Carrère. Mais si !
M. Luc Ferry, ministre. Cette hypothèse de bon sens était déjà prévue depuis bien longtemps.
Permettez-moi, sur le fond, d'apporter trois précisions.
Tout d'abord, et contrairement à ce qui a été dit, le financement de ces 16 000 recrutements en septembre prochain est assuré à 100 % par l'Etat. L'Etat prend ses responsabilités. Il n'est pas question de mettre à contribution les collectivités territoriales. Cela méritait d'être précisé afin d'apaiser certaines craintes ; M. Lardeux a eu d'ailleurs tout à fait raison de poser la question. Donc, nous prenons nos responsabilités et le financement est à 100 % celui de l'Etat.
M. René-Pierre Signé. Par la suite ?
M. Luc Ferry, ministre. Ensuite, j'ai toujours peine à comprendre pourquoi le débat sur les moyens - alors que nous disposons de ce rapport admirable de la Cour des comptes - est présenté dans les termes où vous le présentez, messieurs de l'opposition ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Le budget que je vous ai soumis a augmenté de 2,2 %. Selon les chiffres de la Cour des comptes, ce budget a crû de 35 % depuis 1990, alors que le nombre d'élèves a considérablement diminué.
Ces chiffres rappelés, je dois dire que les questions budgétaires sont loin, pour moi, d'être des questions misérables. Il ne s'agit ni de votre argent ni du mien. Il n'y a pas des ministres généreux ou pingres...
M. Serge Lagauche. Libéraux !
M. Jean-Louis Carrère. Il y a des ministres pertinents, et d'autres pas !
M. Luc Ferry, ministre. Quand on arrive dans un ministère et que l'on s'aperçoit, d'une part, que 95 % du budget sont déjà mangés par la rémunération des personnels et que, d'autre part, les 5 % restants sont très largement dépassés parce que l'on fait de la « cavalerie » ; la situation est grave.
Pour quelles raisons s'agit-il d'une question noble, et non pas de considérations misérables ?
Tout simplement parce que les dépassements budgétaires sont la fin de la politique, par le manque de marge de manoeuvre qu'ils entraînent. Voilà pourquoi la rigueur budgétaire n'est pas un problème misérable que j'aurais honte d'affonter. Au contraire, je suis persuadé que, si l'on peut faire mieux avec moins, étant comptable des deniers de l'Etat, il faut le faire : c'est parfaitement légitime et tout à fait honorable (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. Jean-Louis Carrère. C'est un peu démago !
M. Luc Ferry, ministre. Enfin, si je me suis engagé à ce qu'il y ait plus de surveillants à la rentrée 2003, je précise qu'il ne faut pas confondre surveillants et emplois-jeunes, car ce n'est pas la même chose ! Il y aura 6 000 surveillants à la rentrée prochaine, soit quatre cents de plus qu'à la rentrée 2002. Je n'aurai aucune peine à tenir cette promesse grâce au contingent de 16 000 assistants d'éducation qui seront recrutés au mois de septembre.
Quant à la solution du problème de la violence, on voudrait nous enfermer dans une espèce de contradiction : le ministre de l'éducation nationale serait donc assez bête...
M. Serge Lagauche. C'est vous qui le dites !
M. Jean-Marc Todeschini. Pas nous !
M. Luc Ferry, ministre. ... pour, d'un côté, prôner le rétablissement de l'autorité dans les établissements et, de l'autre, décider la suppression des surveillants.
La bonne réponse ne consiste pas à placer un surveillant derrière chaque élève. Il s'agit de régler le problème de la violence en s'en prenant aux causes et non pas aux effets. Il ne suffit pas d'augmenter le nombre de surveillants de 5 000, 10 000, 20 000, 30 000, et pourquoi pas 1 million ? Le problème n'est pas là. La question est de savoir pourquoi la violence se développe dans les établissements, pourquoi on renonce à l'éducation des élèves et comment on peut rétablir l'autorité.
Il va de soi que, dans l'urgence, il faut des surveillants. Encore une fois, je les déploierai, mais cela ne résoudra pas le problème de la violence dans les établissements.
Il faut appréhender le problème autrement, en traitant les causes et pas seulement les effets. Cela méritera entre nous une vraie discussion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Serge Lagauche. Ce sont de belles paroles !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans le discussion générale ?...
La discussion générale est close.