PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'invite chaque intervenant à respecter strictement le temps de parole de deux minutes trente maximum, de sorte que toutes les questions et toutes les réponses bénéficient de la retransmission télévisée.
AUDIT SUR LES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Gouvernement a demandé, l'été dernier, à un groupe d'experts d'analyser les projets de grandes infrastructures de transports : ferroviaires, fluviales, routières et autoroutières, et de lui remettre ses conclusions sous la forme d'un audit.
Si l'on comprend qu'au lendemain de sa prise de fonctions le Gouvernement ait jugé nécessaire de se doter d'un outil d'aide à la décision en ce domaine complexe et aux enjeux considérables, pour autant, les attentes qui s'expriment sur le terrain sont, vous le savez, extrêmement pressantes.
En effet, un certain nombre de projets ont été interrompus ou retardés, et leur relance s'impose aujourd'hui comme une urgente priorité pour la sécurité publique des usagers, pour le respect des populations riveraines et pour que nous puissions construire et aménager nos réseaux de transport et de communication dans une véritable vision d'avenir.
Le projet d'autoroute A 41 entre Annecy et Genève, dernier maillon manquant de l'itinéraire autoroutier européen mer du Nord-Méditerranée, peut être cité en exemple.
Aussi, au moment où nous apprenons que cet audit vient de vous être remis, sommes-nous impatients, de nous assurer qu'au-delà des critères financiers et techniques retenus les nécessaires éléments d'opportunité, d'aménagement du territoire et de dimension européenne seront également pris en compte.
Je pense, en particulier, à la liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin, axe de communication indispensable entre les régions occidentale, méridionale et centrale de l'Europe, et maillon nécessaire du réseau de transport que notre pays doit assumer en sa qualité de carrefour continental.
Monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer notre assemblée sur la suite que le Gouvernement entend donner à cet audit et sur les perspectives qui s'ouvrent désormais pour apporter les réponses attendues aujourd'hui par les territoires, leurs populations et leurs élus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, prenons l'audit pour ce qu'il est : un document de travail, une photographie, et certainement pas une vision politique des transports.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. En effet, la politique des transports est déterminée par le Gouvernement et proposée à la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Joseph Ostermann. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. L'audit est donc un document de travail et de réflexion intéressant qui pose des problématiques.
Premièrement : peut-on raisonnablement envisager de tripler le frêt dans les vingt ans qui viennent ? C'est la première réflexion que nous devons mener ensemble.
Deuxièmement, le délai de réalisation des projets qui était de sept à huit ans est passé en quelques décennies à douze, voire seize ans. Nous devons donc nous interroger sur les moyens de réduire la durée des procédures.
Troisièmement, comme le montre ce que l'on peut considérer comme la photographie des politiques d'infrastructure passées, nous ne pourrons pas développer de nouvelles infrastructures sans trouver des ressources nouvelles. Nous aurons l'occasion, lors du débat que proposera au Parlement M. le Premier ministre, d'évoquer les ressources nouvelles possibles, en nous référant aux financements qui sont actuellement mis en place dans d'autres pays européens.
Quatrièmement, enfin, nous sommes persuadés au demeurant qu'il faut poursuivre et accélérer une politique d'infrastructures audacieuses dans notre pays, surtout dans la perspective de l'élargissement de l'Union. Sinon, la France sera isolée à l'ouest de l'Europe. Or la France doit rester une terre accueillante dotée d'infrastructures performantes, témoins de son développement économique et social. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
POLITIQUE DE L'EMPLOI ET PLANS SOCIAUX,
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'emploi.
Les chiffres du marché de l'emploi sont effrayants : on dénombre environ 2 500 000 sans-emploi, dont 27 263 dans la Loire.
Dans mon département, le taux de chômage rejoint le niveau national, soit 9,2 %. Mais l'inquiétude naît de la progression notée de 0,7 % en un mois. Elle grandit dans ce climat d'insécurité sociale marqué par 11 000 suppressions d'emplois. Quotidiennement, l'actualité nous livre un nombre saisissant de licenciements économiques, boursiers et de plans sociaux.
La Loire illustre tristement l'inertie de la politique de l'emploi, lequel est d'ailleurs considéré comme variable d'ajustement économique.
Quelques exemples : dans les transports, 210 emplois ont été supprimés dans l'industrie textile, les établissements Lejaby ont été victimes de délocalisation ; il s'agit là de licenciements boursiers.
A GIAT Industries, 745 emplois sont touchés dans le bassin stéphanois, la mort de cette entreprise publique est programmée.
A la Banque de France, tous les départements sont concernés ; le guichet unique, avec la loi d'initiative économique, risque d'entraîner la suppression de nombreux postes.
La protection des salariés est menacée par la décision éhontée de suspendre la loi de modernisation sociale.
Nous sommes dans un climat d'insécurité sociale parce que rien n'est mis en oeuvre pour un développement industriel qui engendre de l'emploi et crée des richesses.
La responsabilité du Gouvernement est engagée. La politique de baisse des charges sociales incite le patronat à recourir aux contrats-jeunes, mais favorise le développement d'emplois peu qualifiés et s'inscrit dans un schéma de courte envergure.
Ne serait-il pas plus efficace, plus pertinent, de pérenniser les emplois-jeunes ? En effet, 230 000 sont concernés et attendent une légitime reconnaissance de leur investissement dans ce dispositif.
Les moins de 25 ans souffrent d'une politique de l'emploi qui semble se calquer sur une politique du chômage et du travail précaire.
Nous avons un engagement envers eux. Une société avance lorsqu'elle mise sur sa jeunesse.
Le Gouvernement ne peut rester impassible ; il doit cesser d'encourager les mécanismes de choix d'intérêts financiers au détriment de l'emploi.
Ma question est la suivante : quelles véritables mesures sont prévues pour l'emploi dans notre pays et plus particulièrement pour les jeunes ? Les emplois-jeunes seront-ils consolidés en emplois définitifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir excuser M. Fillon, qui se trouve actuellement au sommet européen de Bruxelles pour évoquer, avec nos partenaires, le dossier des retraites.
Mme Nicole Borvo. Ah ! Ah !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Sur le sujet que vous avez évoqué, madame la sénatrice, il me semble qu'il faut raison garder et éviter toute caricature.
Vous le savez parfaitement, le Gouvernement a décidé de s'attaquer aux problèmes structurels qui n'avaient pas été traités par le précédent gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Gaudin. Vous avez eu cinq ans !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Il a décidé de s'attaquer aux handicaps de compétitivité qui gênent considérablement notre pays. C'est le cas de l'insertion des jeunes, domaine dans lequel nous avons les plus mauvais résultats de l'Union européenne. (Protestations sur les mêmes travées.)
C'est aussi le cas du taux d'activité des plus de cinquante ans. C'est encore le cas de la formation professionnelle, dont les instruments ne sont plus satisfaisants.
Mme Nicole Borvo. Et allez-y !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Le Gouvernement s'est donc attaqué avec courage et détermination à ces handicaps (Protestations sur les travées du groupe socialiste. Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP),...
M. Jacques Mahéas. Arrêtez !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. ... en assouplissant, d'abord, la loi sur les 35 heures, en instaurant de nouveaux allégements de charges, en mettant en oeuvre un contrat sans charges pour les jeunes, lequel, d'ailleurs, réussit remarquablement bien - jusqu'à ce jour, 50 000 contrats ont été signés - et en organisant, le 18 mars prochain, une table ronde sur l'emploi. (Murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Cette table ronde permettra d'évoquer l'ensemble des sujets avec les partenaires sociaux.
Vous le savez également, le Gouvernement s'est engagé à réactiver le dialogue social.
Mme Nicole Borvo. On le voit pour les retraites !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Les partenaires sociaux se sont réunis voilà deux jours et ont engagé la discussion pour trouver les voies d'un meilleur équilibre entre la légitime protection des salariés et la nécessaire adaptation de notre outil industriel.
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Vous avez évoqué, madame Mathon, les emplois-jeunes.
Vous le savez, nous avons programmé la sortie du dispositif des emplois jeunes au profit du dispositif des contrats jeunes en entreprise. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Pour combien !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. De même, nous allons revoir la question des contrats emploi-solidarité, qui sont utiles quand ils permettent de réinsérer des personnes en difficulté dans le monde du travail, mais qui sont dommageables quand ils servent à dissimuler les chiffres du chômage.
M. René-Pierre Signé. Idéologie !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Dans quelques semaines, le Parlement sera donc saisi d'une réforme globale de ces dispositifs.
M. Didier Boulaud. Intox !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. J'espère, madame, avoir répondu à votre question. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Elle ne nous a pas convaincus !
Mme Hélène Luc. C'est le Premier ministre qui aurait dû répondre à notre question !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au budget.
Monsieur le ministre, le gel de certaines lignes de crédit souligne votre volonté de contenir les dépenses et de ne pas aggraver un déficit déjà très alarmant puisqu'il représente 3 % du PIB, alors que l'écart entre les dépenses et les recettes atteint plus de 17 %.
M. Didier Boulaud. Oh la ! la !
M. Aymeri de Montesquiou. Or tout budget découle en grande partie de ceux qui l'ont précédé. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. Cela, on l'attendait !
M. Aymeri de Montesquiou. Les engagements pris par le précédent gouvernement sans que leur financement soit assuré constituent de véritables bombes à retardement. Je souhaite, monsieur le ministre, en connaître la nature et le montant.
La conjoncture internationale est mauvaise. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. Le chômage monte !
M. Aymeri de Montesquiou. Malgré les atouts de notre pays, son attractivité est compromise par une fiscalité décourageante.
M. Jacques Mahéas. L'ISF ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, je comprends que vous ne vouliez pas concourir à la morosité et à l'aggravation du chômage par des coupes drastiques. Mais la France ne peut pas soutenir indéfiniment un tel déficit en empruntant chaque jour 300 millions d'euros, compromettant ainsi sa position politique au sein de l'Union européenne.
M. René-Pierre Signé. Changez de gouvernement ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Gaudin. Vous devrez attendre un peu !
M. Jacques Mahéas. Cela vient !
M. Aymeri de Montesquiou. Le mot « rigueur » semble aujourd'hui proscrit du vocabulaire politique. Aussi, monsieur le ministre, je vous demande quelles économies vous comptez proposer afin de réduire ce déficit...
M. René-Pierre Signé. l'ISF !
M. Aymeri de Montesquiou. ... et quand, pour une hypothèse de croissance moyenne d'environ 2,5 %, pouvons-nous espérer un retour à l'équilibre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Didier Boulaud. Qu'est-ce qu'il est allé faire dans cette galère !
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué l'héritage. Il n'est pas dans la culture du Gouvernement d'accepter les successions sous bénéfice d'inventaire. Nous n'évoquons donc pratiquement pas cette question. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Néanmoins, M. de Montesquiou a tout à fait raison de s'interroger sur la quantité des dépenses incompressibles auxquelles nous avons à faire face et de se demander combien de « bombes à retardement » ont été posées dans la gestion précédente.
M. Didier Boulaud. Balladur !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Pour vous donner un ordre de grandeur, je vous dirai, monsieur de Montesquiou, que 22 milliards d'euros de dépenses ont été engagés. Ces dépenses sont quatre fois supérieures au budget de la justice et deux fois plus importantes que le budget de la police et de la gendarmerie. Cette dérive se voyait déjà dans la gestion précédente...
M. Didier Boulaud. Rendez-nous Juppé ! (Rires.)
M. Alain Lambert, ministre délégué. ... puisque, en cinq années de législature,...
M. René-Pierre Signé. C'était le choix des Français !
M. Alain Lambert, ministre délégué. ... dont quatre années d'une croissance absolument insolente, le déficit budgétaire n'a été réduit que de 0,5 point de PIB.(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Cornu. Ils ne savent pas gérer !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Face à cette situation, monsieur le sénateur, le Gouvernement a choisi une politique budgétaire responsable.
Tout d'abord, il tiendra la dépense, ce qui n'a pas été fait par le passé.
M. Jacques Mahéas. En gelant les crédits !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Il le fera en utilisant une méthode responsable.
M. René-Pierre Signé. Qui sera bien pire !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Il a ainsi mis en réserve des crédits. Mais cette mise en réserve n'a pas été effectuée en catimini, en cours de gestion : le Gouvernement l'a annoncée au moment même où le budget était présenté. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Parallèlement, le Gouvernement a souhaité maintenir une politique qui soutienne la croissance et l'emploi.
M. Simon Sutour. Il n'est pas à l'aise !
M. René-Pierre Signé. Il a une tâche difficile !
M. Alain Lambert, ministre délégué. C'est ce qui le conduit, monsieur le sénateur, à vous affirmer qu'il fera tout pour que, dans sa politique, rien ne puisse entraîner la récession, ce qui serait le cas si nous venions à relever les impôts ou à procéder à des coupes sévères dans la dépense.
S'agissant du retour à l'équilibre budgétaire, je pense que, sur la base de la croissance que vous avez indiquée, nous l'atteindrons à la fin de la législature. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)
ASSISES DES LIBERTÉS LOCALES
ET TRANSFERTS DE COMPÉTENCES
M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le Premier ministre, vendredi dernier, à Rouen, vous avez présenté les conclusions des travaux des Assises des libertés locales.
M. René-Pierre Signé. C'est une question téléphonée !
M. Joseph Ostermann. Ces assises ont constitué une occasion exceptionnelle de consulter dans chaque région, pendant plus de quatre mois, l'ensemble des acteurs concernés, que ce soient les dirigeants socio-économiques, les responsables politiques et associatifs locaux,...
M. Claude Estier. Mascarade !
M. Joseph Ostermann. ... mais aussi et surtout nos concitoyens. Des craintes ont été exprimées, des interrogations aussi, des critiques parfois. Plusieurs centaines de propositions ont émergé de nombeux débats.
La réussite de ces assises, qui ont rassemblé entre 1 000 et 2 000 participants à chaque réunion (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) et suscité plus de 600 propositions au total, témoigne des attentes manifestées en matière de décentralisation.
Cette initiative doit être, en effet, l'occasion de simplifier les procédures, de faciliter le travail des élus locaux et d'améliorer le service rendu aux citoyens, mais sans que s'en trouve pour autant accru le poids déjà trop important des prélèvements obligatoires.
M. Simon Sutour. Question téléphonée !
M. Joseph Ostermann. Le Parlement va se réunir en Congrès à Versailles le 17 mars. Il examinera alors le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, afin d'entériner la première étape de la décentralisation.
Cet été, nous aurons à discuter et à décider des transferts de compétences qui dessineront concrètement le nouveau visage d'une France plus décentralisée et plus proche des citoyens.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas une question, c'est de la pommade !
M. Joseph Ostermann. A l'aune des conclusions des Assises des libertés locales, pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous indiquer quelles compétences pourraient être transférées aux collectivités locales concernées ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo. La réponse est dans la presse, mon cher collègue !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Bernard Piras. La route est longue !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord saluer l'action menée à cet égard par Nicolas Sarkozy et par Patrick Devedjian. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
La réflexion sur la décentralisation proposée au Parlement s'inscrit en effet dans le prolongement des discussions qui ont été préalablement menées ici et là, y compris dans le cadre des travaux menés par la commission sur l'avenir de la décentralisation présidée par M. Mauroy ; j'ai d'ailleurs retenu beaucoup de ses propositions : on peut donc parler de continuité.
Nous avons fait en sorte qu'un travail de terrain soit réalisé, de manière que les uns et les autres soient entendus, dans toutes les régions de France, en métropole comme dans l'outre-mer.
M. René-Pierre Signé. Vous oubliez l'intercommunalité !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. C'est à partir de ce travail de terrain que nous avons tracé une ligne qui sera l'axe des travaux du Parlement, lesquels se dérouleront selon le calendrier que vous venez d'exposer.
Au fond, trois idées clés se dessinent.
Première idée clé : la simplification. Il faut simplifier la vie des Français. Comment ? Par des blocs de compétences clairs. Cela suppose la fin de l'enchevêtrement, de tout ce qui rend la situation opaque et qui déresponsabilise. Il faut créer un grand bloc social de proximité dont l'acteur central serait le département, en liaison avec la commune et la communauté de communes, l'intercommunalité. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. René-Pierre Signé. Tout de même !
M. Bernard Piras. Voilà !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. A côté, il faut un bloc de compétences reflétant la nécessaire cohérence entre Etat et région, concernant notamment tout ce qui est lié au développement économique et à la formation professionnelle.
Deuxième idée clé : la transparence. Elle suppose des relations financières claires. Nous avons en effet connu, dans le passé (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), des situations du type : « Je te confie l'APA, mais pas les moyens de la payer ! » (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Maintenant, c'est : « Je te donne des responsabilités et, en contrepartie, je te donne des financements. »
Bien entendu, tout cela doit être encadré par la Constitution, pour protéger les collectivités territoriales de toute dérive éventuelle.
Troisième idée clé : la réforme de l'Etat. Avec la décentralisation, nous engageons en effet une réforme approfondie. Je pense, par exemple, à l'autonomie des universités ; nous allons dans la direction voulue par la conférence des présidents d'université. Je pense aussi à notre action à l'égard des établissements scolaires. Je pense encore à la responsabilisation des représentants de l'Etat. Parce qu'ils seront plus responsables, ils seront meilleurs gestionnaires : cela permettra d'offrir davantage de services publics, mais aussi des services publics plus efficaces et qui coûteront moins cher, tout en étant de meilleure qualité parce qu'ils seront gérés au plus près du citoyen.
Voilà pourquoi cette réforme est juste. Elle décongestionne un peu notre organisation administrative et répond à l'appel que les Français ont lancé les 21 avril et 5 mai. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. Même pas 20 % des voix au premier tour !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. C'est une réforme qui met la République à portée de tous ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Merci, monsieur le Premier ministre, d'avoir respecté votre temps de parole.
Mes chers collègues, vous savez que, par le passé, lorsque le Premier ministre s'exprimait, je veillais à ce qu'il soit écouté respectueusement. Je vous prie de faire en sorte que, aujourd'hui, il en soit également ainsi.
POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur le Premier ministre, cela ne va quand même pas trop bien dans le domaine social. On le constate tous les jours : les Français n'ont pas le moral.
M. Jacques Dominati. C'est vous qui le dites !
M. Jean-Pierre Masseret. Pourquoi n'ont-ils pas le moral ? Tout simplement parce que, par votre politique, vous alignez progressivement la France sur le moins-disant social dans la compétition internationale. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
En voulez-vous des exemples ?
Le droit de licenciement a été assoupli et, chaque matin, on constate les conséquences de cette mesure.
L'indemnité de précarité a diminué de 40 %.
Les chômeurs sont globalement moins indemnisés.
Le contrôle des fonds publics accordés aux entreprises a été supprimé.
Moins d'impôts pour les riches et amélioration des déductions fiscales pour les plus aisés.
L'école est sous pression budgétaire.
Le logement social est en panne.
M. Jean-Claude Gaudin. Il est tel que vous l'avez laissé !
M. Jean-Pierre Masseret. Plus exactement, on nous dit : « Du logement social, oui, mais pas chez moi, s'il vous plaît ! »
Finis, les soins gratuits pour les plus pauvres, ce qui nous met en contradiction avec le préambule de 1946, donc avec la Constitution. Finie, la couverture maladie universelle, qui fait l'objet de mesures restrictives.
L'impôt de solidarité sur la fortune est allégé, avant d'être totalement vidé de son sens.
Des textes futurs font peser de lourdes menaces : je pense notamment au chèque emploi entreprise, pour le contrat de travail.
Vous venez de parler de la décentralisation. Je fais le pari que là où vous transférez cent francs, les collectivités locales devront mettre cent vingt francs. Ce sont les contribuables locaux qui paieront la différence ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ce qui était vrai hier le restera demain.
M. Jean-Pierre Schosteck. Vous admettez donc que c'était vrai quand vous étiez aux affaires !
M. Jean-Pierre Masseret. Cette politique fabrique un contingent d'exclus, introduit des ruptures dans la cohésion sociale, nuit à la démocratie et attise les peurs sécuritaires.
Monsieur le Premier ministre, tous les aspects de votre politique sociale que je viens de citer ne dépendent ni de la situation internationale ni, surtout, de la politique du gouvernement précédent. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Jean-Claude Gaudin. Les Français vous l'ont pourtant dit !
M. Jean-Pierre Masseret. Ces mesures, mes chers collègues, sont le résultat de vos choix idéologiques, de votre vision de la société, de la gestion libérale de l'économie de marché. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Claude Gaudin. Arrêtez !
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Masseret.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Oui, la question !
M. Jean-Pierre Masseret. Elles sont le fruit du droit d'ingérence du MEDEF, que vous écoutez avec tant de bienveillance. Faut-il vous rappeler ici que la politique de la France ne se fait pas ni à la corbeille ni dans les salons du MEDEF ?
M. le président. Monsieur Masseret, veuillez poser votre question ; votre temps de parole est épuisé !
M. Jean-Pierre Masseret. Ma question est simple, c'est celle que se posent tous les Français : quand allez-vous abandonner cette politique néfaste pour la France ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
Plusieurs sénateurs socialistes. Pourquoi le Premier ministre ne répond-il pas lui-même ?
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, j'ai eu le sentiment que vous aviez la nostalgie de la politique qui a été menée par le gouvernement précédent. Elle a pourtant été jugée par les Français, et elle ne l'a pas été favorablement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur Masseret, j'ai trop d'estime personnelle à votre endroit pour vous masquer ce que je pense de vos questions.
Vous êtes pour l'emploi public au détriment de l'emploi privé. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Nous sommes pour l'emploi marchand et pour l'emploi privé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Bernard Piras. Nous sommes pour tous les emplois !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Vous êtes pour l'assistanat. Nous sommes pour la responsabilité. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Didier Boulaud. On voit ce que cela donne !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Vous êtes, avec les 35 heures, pour qu'on travaille moins. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)Nous voulons permettre à ceux qui le souhaitent de travailler plus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Bernard Piras. A tous ?
Mme Nicole Borvo. Et pour des licenciements par milliers ?
M. le président. Mes chers collègues, ne coupez pas la parole à l'orateur.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Vous êtes pour des emplois aidés, sans issue garantie. Nous sommes pour l'emploi des jeunes en entreprise ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo. Dans le privé, on licencie à tour de bras !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Nous avons voulu, à travers la convergence des SMIC, permettre à ceux de nos compatriotes qui ont les salaires les plus faibles de voir leur pouvoir d'achat relevé, afin de soutenir du même coup la croissance et l'emploi. (Brouhaha persistant.)
Voilà la politique que nous menons.
Cinquante mille jeunes sont aujourd'hui en entreprise.
M. Bernard Piras. Allez dire cela aux chômeurs !
M. Alain Lambert, ministre délégué. En d'autres termes, monsieur Masseret, mesdames, messieurs les sénateurs, la politique du Gouvernement est simple,...
M. Didier Boulaud. C'est un échec cuisant !
M. Alain Lambert, ministre délégué. ... elle vise à soutenir la croissance, l'activité et l'emploi. Les Français le savent et ils font confiance au Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud. Combien y a-t-il de contrats jeunes ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Ma question, qui concerne le livret A, s'adresse à M. le Premier ministre.
Avant de vous la poser, permettez-moi, monsieur le Premier ministre, de vous dire ma satisfaction et mon approbation sur le dossier difficile mais vital de la décentralisation. L'enjeu est d'importance puisqu'il s'agit pour notre pays d'être plus efficace, plus réactif, plus compétitif et de mieux « coller » aux attentes de nos concitoyens.
Vous avez prévu, monsieur le Premier ministre, de donner des responsabilités nouvelles importantes aux départements. J'y suis extrêmement sensible, et nous pouvons vous assurer que nous serons au rendez-vous.
Pour autant, tout n'est pas réglé, et il conviendra que nous puissions travailler de concert, afin que les compensations financières que vous avez prévues correspondent aux charges nouvelles, ce dont je ne doute pas,...
M. Jacques Mahéas. Nous si !
M. Philippe Adnot. ... mais aussi préserver la capacité d'autonomie financière indispensable à l'esprit de responsabilité et d'initiative qui nous anime. Nous nous tenons, monsieur le Premier ministre, à votre disposition.
Ma question d'actualité... (Ah ! Enfin ! sur les travées socialistes) concerne l'éventuelle baisse, redoutée, du niveau de rendement du livret A.
Compte tenu de l'évolution de la conjoncture financière et des mesures qu'il conviendrait de prendre pour que, à l'avenir, un ajustement automatique des taux fasse de cette question, non plus un enjeu politique, mais une simple adaptation au bon sens, pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, me préciser les intentions du Gouvernement sur ce point ?
Chacun d'entre nous connaît la destination de l'épargne collectée sur ces livrets et sait aussi combien la question du logement social est cruciale, non seulement pour les personnes qui en bénéficient, mais aussi pour l'activité économique de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Ah ! sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Il choisit ses interlocuteurs !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur Adnot, j'apprécie vos remarques sur la décentralisation, car je connais votre exigence personnelle sur ce sujet en général et sur le rôle des départements en particulier.
M. Eric Doligé. Il a raison !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Pour répondre à votre question, je vous dirai qu'il y a, certes, aujourd'hui, de bonnes raisons économiques de baisser la rémunération du livret A. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. Les petits épargnants sont spoliés !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Toutefois, si les raisons économiques sont absolument légitimes, il existe aussi de mauvaises raisons sociales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Or la politique que je défends s'efforce de toujours préserver l'équilibre entre les contraintes de l'économique et les exigences du social.
C'est la raison pour laquelle je vous répondrai clairement que la baisse de rémunération du livret A n'est pas opportune et qu'elle n'est pas à l'ordre du jour du calendrier du Gouvernement. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées et nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je veux en effet que, dans cette période difficile, l'esprit d'équité et d'équilibre soit respecté.
Nous avons assoupli les 35 heures, mais nous avons aussi relevé le SMIC, par harmonisation vers le haut. (M. Bernard Piras, et plusieurs autres sénateurs du groupe socialiste ainsi que des sénateurs du groupe CRC s'esclaffent.)
Oui, 11 % d'augmentation : ça, c'est une politique sociale ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. René-Pierre Signé. Vous n'y croyez même pas !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous avons allégé les impôts, mais, dans le même temps, nous avons versé une prime pour l'emploi à ceux qui ne payent pas d'impôt.
M. Bernard Piras. Quelle victoire !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. C'est un élément très important de cette dynamique dans laquelle nous voulons faire prévaloir l'esprit d'équité.
De même, nous disons qu'il faut développer les entreprises pour soutenir la création d'emplois dans le secteur marchand, mais nous n'hésitons pas à condamner les patrons « voyous » qui ne respectent pas le code du travail ni la dignité des salariés, des travailleurs ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Cette politique d'équité tend donc à équilibrer l'économique, dont nous avons besoin, et le social, auquel nous sommes fondamentalement attachés. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Comme nous sentons aujourd'hui le pays rassemblé face à la crise internationale, face aux doutes, aux tensions et aux bruits de la guerre dans le monde, j'en appelle aussi à la solidarité nationale pour mener la bataille en faveur de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Cette bataille pour l'emploi ne concerne pas les uns ou les autres. C'est celle de la France ! Tout le monde doit se sentir impliqué. Pour livrer cette bataille contre le chômage et pour l'emploi, nous avons aussi besoin de l'unité nationale. (Vifs applaudissements sur les mêmes travées. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.).
M. René-Pierre Signé. Ils ne vont jamais durer cinq ans !
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'Alsace vient de prendre connaissance de l'audit sur les infrastructures de transport et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle a été secouée par les conclusions relatives au TGV Est.
Les réactions sont aujourd'hui très vives ; s'y mêlent émoi, consternation, incompréhension et - pourquoi ne pas le dire ? - colère.
M. Roland Courteau. En Languedoc aussi !
M. Philippe Richert. Permettez-moi d'abord de rappeler que Strasbourg, siège du Parlement européen, est régulièrement confronté aux attaques de parlementaires dont le grief essentiel porte sur les difficultés de desserte de la ville. Plusieurs votes de défiance ont déjà considérablement fragilisé notre position, et même certains de nos plus fidèles amis se rallient aux « pro-Bruxellois ».
D'où l'importance d'un TGV Est réalisé de bout en bout et relié au réseau à grande vitesse allemand.
Il est, du reste, précisé dans l'audit que, si l'Allemagne anticipait la jonction avec Strasbourg, les priorités françaises pourraient évoluer favorablement.
Est-ce à dire que la défense de Strasbourg capitale de l'Europe doit être une priorité à Berlin pour être susceptible d'en devenir une à Paris ? (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. Didier Boulaud. Rappelez Gayssot !
M. Philippe Richert. Deuxième remarque : le TGV Est ne se réduit évidemment pas à sa seule dimension hexagonale, avec Strasbourg comme terminus. C'est un projet européen qui relie notre pays à l'Allemagne et à l'Europe centrale, au moment où l'élargissement de l'Union européenne vers l'Est devient réalité.
Vous aviez d'ailleurs vous-même indiqué dans une récente tribune, monsieur le ministre des transports, que l'Europe devait être notre « nouvel horizon » en matière d'équipements de transport, oubliant cependant l'axe Est-Ouest. Le TGV-Est européen s'inscrit précisément dans cette logique.
Troisième remarque : l'Alsace a accepté de participer au financement du TGV-Est à hauteur de 2 milliards de francs, alors que les travaux de la première phase se situent entre Paris et Baudrecourt.
Comment imaginer, dans ces conditions, que la section Baudrecourt-Strasbourg, qui concerne l'Alsace, ne soit pas également considérée comme une priorité, sauf à considérer que sont remis en cause les engagements pris ? (Applaudissments sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Il a raison !
M. Philippe Richert. C'est pourquoi je vous demande, au nom des sénateurs alsaciens et de toute la population - et je sais, monsieur le président, pouvoir associer la Lorraine à ma demande -, de nous préciser qu'il s'agit bien là d'un rapport exclusivement technique.
Je demande également que la ligne politique défendue jusqu'à présent par le président de la République et par le Gouvernement, celle qui tend à considérer Strasbourg comme cause nationale et le TGV-Est - en totalité - comme prioritaire soit clairement confirmée.
Je souhaite qu'une délégation d'élus soit rapidement reçue au ministère pour dissiper les incompréhensions que cet audit, perçu comme une provocation, a fait naître. (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées de l'UMP, ainsi que les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je tiens à rappeler, monsieur le sénateur, que cet audit est un éclairage : un éclairage d'une situation dont nous héritons. En tout cas, cet audit ne constitue évidemment pas une politique gouvernementale. Cela signifie clairement qu'il n'engage en aucun cas le Gouvernement.
En outre, cet éclairage va être élargi par les rapports que doivent établir d'éminents sénateurs : l'un, celui de MM. Haenel et Gerbaud, concernera le ferroviaire, l'autre, celui de M. de Richemont, concernera le maritime. S'y ajoutera un rapport de la DATAR.
Munis de tous ces éléments, nous allons pouvoir conduire, au Parlement, un vrai débat, à l'issue duquel la représentation nationale décidera ce qu'est une vraie politique des transports et des déplacements.
Cette vision doit être stratégique, cohérente, multimodale, se situer dans une approche européenne et, bien sûr, respecter la notion de développement durable.
Le projet de ligne à grande vitesse s'inscrit parfaitement dans cette logique européenne de développement durable. La déclaration d'utilité publique a été faite, les travaux sont en cours. Il y a, certes, quelques mois de retard mais, en 2007, cette desserte mettra Strasbourg à deux heures vingt de Paris au lieu de trois heures cinquante aujourd'hui ; la barre psychologique des trois heures sera donc franchie.
Je sais que mes collègues du Gouvernement, particulièrement Noëlle Lenoir, comme responsable du comité de pilotage pour la défense de Strasbourg, et François Loos, y sont très attentifs.
La seconde phase de la ligne à grande vitesse Est, qui concerne la portion Baudrecourt - Strasbourg, doit permettre de gagner trente minutes. Ce projet fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique. Nous allons demander la prolongation.
J'ai noté que les auditeurs soulignaient le potentiel de croissance de cette ligne et qu'ils regrettaient surtout un manque d'études. Nous allons entreprendre les études manquantes.
J'ai relevé également que les conclusions techniques des auditeurs de la branche Est de la ligne grande vitesse Rhin-Rhône étaient très positives, monsieur le sénateur. Ce projet va permettre de réduire de près de deux heures le temps de trajet entre Lyon et Strasbourg.
Le Gouvernement compte énormément sur le débat au Parlement pour parfaire la visibilité de l'ensemble. L'audit, « photo-vérité » de la politique précédente en matière transports, ne fait pas toujours plaisir. Mais c'est aussi pour cela qu'il y a eu alternance ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Rendez-nous Gayssot !
EXPULSION D'ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'aurais voulu poser ma question à M. de Villepin, mais je comprends parfaitement que, compte tenu des circonstances, il ne puisse pas être parmi nous cet après-midi.
J'aurais voulu lui poser cette question en raison du tort que causent au renom de la France une opération telle que l'expulsion par charter, lundi dernier, de cinquante-quatre Africains à partir de l'aéroport de Roissy, ainsi que les intentions désormais affichées par le Gouvernement en la matière.
Au moment où notre pays s'élève contre le recours à la guerre dans l'affaire irakienne, je forme le voeu que cet effort ne faiblisse pas. Au moment où il affirme vouloir nouer des liens privilégiés avec l'Algérie, pourquoi ce retour à la pratique honteuse des charters ?
M. Jean-Claude Gaudin. Aucun rapport !
Un sénateur de l'UMP. Et Sangatte ?
M. Louis Mermaz. Je n'ai pas attendu le changement de majorité et de gouvernement pour dénoncer dans un rapport, au nom de la commission des lois, la honte pour la République que constitue le fonctionnement des zones d'attente et des centres de rétention administrative.
J'ai demandé aussi, en son temps, qu'il soit tenu compte des liens historiques entre la France et les pays francophones.
Comment ne pas comprendre qu'une opération telle que celle qui a été menée lundi dernier à Roissy cause un grave dommage au rayonnement de la France ? Etait-il opportun de renvoyer trente-quatre ressortissants ivoiriens à Abidjan, ce qui a fait courir, au demeurant, les risques les plus graves - je l'ai constaté hier - aux fonctionnaires qui les ont accompagnés ? Il n'aurait plus manqué qu'un charter fût dirigé sur Alger au moment du voyage du Président de la République !
Je visitais hier après-midi avec deux collègues, Mme Marie-Christine Blandin et M. Yves Dauge, non seulement la zone d'attente pour les personnes en instance, la ZAPI 3, mais aussi la salle de correspondance du terminal 2 A de Roissy, où nous avons trouvé trente-six personnes, hommes et femmes, entassées dans un local dégradé. Certaines étaient détenues dans cette pièce depuis dimanche, dans une zone de non-droit. Ce local était dépourvu de sanitaires et de douches.
M. le président. Posez votre question, monsieur Mermaz !
M. Louis Mermaz. La question, la voici : que va-t-on faire pour changer cela ?
Je vous laisse deviner la détresse de ces personnes, à commencer par celle des femmes qui auraient voulu bénéficier de conditions d'hygiène élémentaires.
Deux heures plus tard, le nombre des voyageurs retenus dans ce lieu était passé à quarante-six, dont un tout petit enfant.
M. le président. Votre question !
M. Louis Mermaz. J'en viens à ma conclusion, monsieur le président.
J'ai constaté la même situation dans la zone de correspondance du terminal F, où vingt Africains étaient serrés les uns contre les autres, assis à même le sol, dans une sorte de débarras dont il avait fallu laisser la porte ouverte. À qui fera-t-on croire que la quatrième puissance économique au monde ne peut dégager quelques crédits pour changer cela ?
Est-on, enfin, certain que toutes ces personnes ont vraiment été mises au courant de leurs droits et de la procédure à suivre, éventuellement, pour l'obtention du droit d'asile ?
Je vous demande donc, monsieur le ministre, s'il n'est pas temps de changer de telles pratiques si nous voulons offrir au monde un autre visage de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Vous aurez remarqué, mes chers collègues, que, du côté de la majorité, on a écouté attentivement et silencieusement l'intervention de M. Mermaz ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
L'exemple étant donné, que tout le monde le suive !
M. Jean-Claude Gaudin. Et pourtant, nous ne partageons pas le même avis !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Mermaz, permettez-moi de vous dire avec la même sincérité que vous parlez bien mal de notre pays, qui n'a pas à être culpabilisé.
De tous les pays du monde, la France est l'un de ceux qui est le plus ouvert à l'immigration internationale et qui est le plus généreux. Je regrette que, au sein de la Haute Assemblée, un de ses membres...
M. Jean-Claude Gaudin. Un seul !
M. Nicolas Sarkozy, ministre ... puisse accuser ainsi son pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives protestations sur les travées du groupe socialistes et du groupe CRC.) Souffrez ma réponse jusqu'au bout ! (Les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC martèlent : « C'est scandaleux ! »)
Mais je veux vous dire une deuxième chose, monsieur Mermaz. Votre question, outre qu'elle est choquante par rapport à ce que fait notre pays dans le monde, est doublement incohérente.
M. Jacques Mahéas. C'est scandaleux !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. En effet si les retours groupés sont contraires aux valeurs des droits de l'homme, c'est donc que l'Internationale socialiste a explosé puisque le gouvernement socialiste et vert allemand a été co-organisateur, avec le gouvernement français, du vol groupé qui a renvoyé dans leur pays cinquante-quatre Africains. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations renouvelées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Mais il y a les Chinois, aussi !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'avais cru comprendre que M. Schroeder était un grand ami, à l'époque de l'Internationale socialiste, de M. Jospin !
Mais il y a mieux, monsieur Mermaz : j'ai voulu savoir quelle était la ligne de conduite de nos quatorze partenaires de la Communauté européenne en ce domaine. Tous, sans exception, organisent des retours groupés.
Mme Nicole Borvo. C'est contraire à la convention européenne des droits de l'homme, monsieur le ministre !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Les socialistes britanniques en ont organisé trente-quatre l'an passé, les Espagnols vingt-six, les Hollandais vingt-sept. Le seul pays à ne pouvoir décider qui peut venir sur son territoire ou qui n'a pas le droit d'y résider serait la France ?
M. René-Pierre Signé. Il est touché !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je relève une dernière incohérence dans votre question, monsieur Mermaz. Mais vous en êtes-vous même seulement rendu compte ? Vous reprochez en effet au Gouvernement qu'il y ait trop de monde dans la zone d'attente de Roissy et, dans le même temps, que nous ramenions dans des conditions particulièrement dignes ceux qui s'y trouvent ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Vous étiez hier après-midi à ZAPI 2 et à ZAPI 3, je vous en donne acte, monsieur Mermaz. J'y étais la nuit dernière. Ces zones comptent trois cents places dignes. Or cinq cents personnes y attendaient, dont deux cents dans des conditions indignes. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé que les dernières seraient renvoyées dans leur pays, après examen de chacun de leurs dossiers dans le délai de vingt jours par les services du ministère des affaires étrangères.
Qu'il soit dit devant la Haute Assemblée - ce sera ma conclusion - que, si la France est ouverte à tous les immigrés qui ont des papiers, ceux qui n'en ont pas seront raccompagnés chez eux, de façon soit individuelle, soit groupée. A ma connaissance, en effet, le devoir d'un ministre de l'intérieur, c'est d'appliquer la loi. C'est ce qui a été fait, et c'est ce que nous continuerons à faire. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
ENTRETIEN DES CIMETIÈRES FRANÇAIS EN ALGÉRIE
M. le président. La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy. Ma question s'adresse à M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
Les Français ont suivi avec intérêt toutes les étapes du voyage du président Chirac en Algérie. Je présume que beaucoup approuvent cette initiative du Président de la République de marquer une rupture avec un passé douloureux et tragique. On tourne la page d'une guerre dure, cruelle, aux conséquences désastreuses pour nos compatriotes pied-noirs et pour les harkis, aux séquelles toujours présentes et vivaces.
Tournons la page, oui, mais ne jetons pas le livre ! Comme toujours, l'Histoire - la vraie - s'écrira plus tard. Mais, aujourd'hui, que nul ne demande l'oubli des événements, de l'histoire d'une communauté et de ses souvenirs. Cela s'appelle le respect !
Ce respect que nous devons aux identités, aux religions, aux sentiments, nous le devons aussi aux sépultures. Or la France dénonce depuis longtemps le manque d'entretien des cimetières français en Algérie. Il n'y a pas que le cimetière de Saint-Eugène, avec ses 30 000 tombes. L'Algérie compte en effet 600 cimetières chrétiens ou israélites, soit près de 400 000 sépultures.
L'association pour la sauvegarde des cimetières en Algérie, l'ASCA, constate depuis longtemps l'état lamentable de ces cimetières, qui sont profanés, pillés, voire squattés.
Nous sommes donc très satisfaits que le Président de la République ait annoncé la mise en place d'un plan de rénovation sur cinq ans pour sauver de l'abandon les cimetières chrétiens et juifs d'Algérie.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais vous interroger sur deux points.
Dans ce contexte de réconciliation, pourriez-vous tout d'abord nous préciser les grandes étapes de ce plan et la manière dont vous travaillerez avec les autorités algériennes, mais aussi, je pense, avec les associations de rapatriés ? Nous voudrions notamment connaître la manière dont seront organisés les regroupements de sépultures et la création de mausolées pour que soient enfin assurées une bonne restauration et une bonne surveillance des cimetières.
En outre, au moment où les archives des uns et des autres sur la guerre peuvent s'ouvrir aux historiens et aux chercheurs, le sort des milliers de disparus de 1962, de ceux, Français et Harkis, qui ont été engloutis dans les combats et les événements des dernières heures, des derniers jours, mérite notre attention. Aussi j'aimerais savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, si le Gouvernement a les moyens et l'intention de procéder aux recherches concernant ces disparus de 1962. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, le Président de la République vient en effet d'accomplir une visite d'Etat en Algérie, une visite d'une force exceptionnelle, l'accueil qui lui a été réservé en fait foi. Les uns et les autres ont d'ailleurs pu le constater au travers des reportages de télévision et de radio.
M. René-Pierre Signé. C'est l'arbre qui cache la forêt !
M. Jacques Mahéas. Les Kabyles ont apprécié !
M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat. Nous sommes, comme vous, extrêmement attachés à l'entretien des cimetières français, car cette question revêt une très grande importance. Le Président de la République s'est d'ailleurs rendu personnellement, vous l'avez souligné dans votre intervention, au cimetière de Saint-Eugène, à l'occasion d'une cérémonie particulièrement émouvante.
Monsieur le sénateur, ne doutez pas que l'Etat remplira son devoir. En accord avec le Gouvernement algérien, un plan très ambitieux sera mis en oeuvre sur cinq ans par le ministère des affaires étrangères et la mission interministérielle aux rapatriés, en lien avec les associations représentatives et les collectivités locales françaises.
Une commission technique franco-algérienne a déjà été mise en place. Elle arrêtera dès le mois de juin un certain nombre de propositions.
Avant le 31 décembre 2003, les autorités algériennes effectueront un recensement général des cimetières chrétiens et israélites.
Notre objectif est d'assurer un état d'entretien digne pour ces sépultures. Les solutions de remise en état et de regroupement seront arrêtées et entreprises au cas par cas.
Naturellement, les cimetières militaires seront également pris en compte dans ces opérations.
La mission aux rapatriés informera les familles, cela va de soi, de la situation et des démarches à effectuer, le cas échéant.
Vous pouvez ainsi constater, monsieur le sénateur, l'importance du plan annoncé par le Président de la République.
Par ailleurs, vous avez évoqué les archives des disparus de 1962. En effet, c'est une question extrêmement délicate. Le Gouvernement a décidé de faciliter avec bienveillance l'examen des archives au cas par cas, suivant les demandes qui seront présentées par les chercheurs et les historiens.
Monsieur le sénateur, voilà les réponses que l'on peut apporter aux questions que vous avez bien voulu poser au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
PERSPECTIVES EN TERMES DE PARITÉ
ET « MARCHE »DES JEUNES FEMMES DES CITÉS
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Dominique Braye. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
Dans la perspective de la Journée internationale de la femme, qui se déroulera le 8 mars, après-demain, vous avez souhaité, madame la ministre, lancer une nouvelle dynamique fondée sur l'engagement de la société tout entière pour une égalité entre les hommes et les femmes.
L'Etat, les collectivités locales, tous les acteurs du monde économique et l'ensemble de la société civile sont concernés.
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Dominique Braye. L'égalité professionnelle, salariale, le partage des responsabilités et l'accès des femmes aux postes de décision dans tous les domaines sont autant d'enjeux auxquels des réponses doivent être apportées. Notre société évolue d'ailleurs dans le bon sens, vers une égalité des droits des hommes et des femmes.
C'est dans ce contexte volontariste que s'inscrit la démarche de plusieurs associations, qui lancent aujourd'hui un cri d'alarme.
Elles dénoncent et luttent courageusement contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles dans certains quartiers, où l'image de la femme, contrairement au reste de notre pays, n'est pas celle d'un être humain ayant droit au respect de sa liberté et de sa dignité.
M. Didier Boulaud. A Roissy !
M. Dominique Braye. Ce cri de révolte et de détresse, lancé au coeur même de notre pays, doit être entendu. Ces jeunes filles, qui sont agressées moralement et très souvent physiquement, surtout si elles refusent d'être soumises, doivent être protégées.
Après le dramatique décès à Vitry-sur-Seine, voilà quelques mois, d'une jeune femme qui avait été immolée par son agresseur, nous avons pu voir récemment, sur une chaîne du service public, un reportage concernant une jeune fille qui avait été la victime, comme beaucoup d'autres malheureusement, d'un viol collectif. Elle regrettait d'avoir porté plainte, en raison du harcèlement dont elle et sa famille faisaient désormais l'objet.
M. Jean-François Picheral. La question !
M. Dominique Braye. Une autre exprimait, il y a quelques jours, la peur que lui inspirent certains jeunes hommes qui exigent des jeunes filles qu'elles rendent des comptes sur leur comportement, leur habillement, leurs sorties et leur manière de vivre en général.
M. le président. Posez votre question, monsieur Braye !
M. Dominique Braye. Madame la ministre, à deux jours de la célébration de la Journée internationale de la femme, je souhaiterais connaître les mesures que vous entendez prendre pour lutter contre toutes les formes de violence faites aux femmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir, en posant votre question, démontré que l'égalité est la cause autant des hommes que des femmes.
Comme vous l'avez très bien dit, les femmes ont droit à la dignité et au respect.
M. Didier Boulaud. C'est une « Jupette » qui vous répond !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Les violences dans notre pays sont parfaitement inacceptables. Le Président de la République l'a rappelé avec force hier, en demandant qu'elles soient singulièrement sanctionnées.
Ce que je voudrais vous dire, c'est que la marche à laquelle vous faites allusion est une cause juste. Nous soutenons depuis l'origine ces jeunes filles. Nous les avons d'ores et déjà entendues et nous les recevrons encore, bien évidemment.
Nous sommes en train d'élaborer un plan d'action pour l'ensemble des quartiers, qui sera fondé sur le renforcement des partenariats et sur une pédagogie de la responsabilité. Car il est tout à fait important de savoir que le meilleur rempart de la démocratie, ce sont des jeunes formés et responsables. (Mme Danièle Pourtaud brandit un article du journal Libération relatif à la marche des animatrices du mouvement « Ni putes ni soumises ».)
Je voudrais ajouter, mais vous l'avez également rappelé, que c'est à la société tout entière - donc à nous tous - de faire en sorte que la place des femmes soit respectée dans notre société. C'est une exigence de la démocratie. C'est une exigence de justice. C'est aussi une exigence pour notre économie : M. le Premier ministre évoquait à l'instant la bataille pour l'emploi et pour la croissance ; or les femmes sont les forces vives de la nation.
Mme Danièle Pourtaud. Le message passe mal ! (Mme Danièle Pourtaud brandit à nouveau le même article).
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Il est tout à fait logique, dans un souci de performance collective autant que d'accomplissement et d'épanouissement personnel, de leur faire la place qu'elle méritent en politique, dans la vie sociale et professionnelle et dans l'économie tout entière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Mme Danièle Pourtaud et M. Jacques Mahéas brandissent toujours le même article.)
M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier.
Mme Janine Rozier. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
Monsieur le ministre, les derniers chiffres laissent apparaître, pour la fin de l'année 2002, une légère diminution des actes de violence scolaire par rapport à l'année précédente. Nous nous en félicitons, nous vous en félicitons.
Mme Nicole Borvo. Et la diminution du nombre des aides-éducateurs ?
Mme Janine Rozier. Ces chiffres demeurent toutefois très impressionnants. Ainsi, 33 603 faits ont été comptabilisés entre les mois de septembre et décembre 2002. En outre, il ne se passe pas un jour sans que la presse ne se fasse l'écho d'actes de violence sérieux et alarmants. Hier encore, un collégien de 3e a blessé un de ses camarades de classe en lui portant deux coups de couteau de cuisine dans le dos, et ce pour une raison dérisoire selon les observateurs.
La cour de récréation est devenue, dans certains établissements, le lieu où se règlent les difficultés entre les élèves, avec de plus en plus de violence. Les élèves s'insultent et se battent pour la moindre broutille.
La violence se banalise dans les relations quotidiennes et devient un mode de fonctionnement pour certains élèves. Les parents qui exercent leur responsabilité parentale sont le plus souvent effrayés devant l'absence ou l'insuffisance de sécurité qui règne dans certains établissements. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. Et les aides-éducateurs, qu'en avez-vous fait ?
Mme Janine Rozier. Les parents découvrent, à l'occasion d'incidents de plus en plus graves, que leur enfant peut se trouver en situation de danger à l'école.
M. le président. Veuillez poser votre question, madame Rozier !
Mme Janine Rozier. Nous savons, monsieur le ministre, que vous vous êtes attaqué à ce dossier dès votre arrivée rue de Grenelle.
Pouvez-vous nous préciser le contenu des mesures et des actions que vous envisagez pour maintenir le calme dans les établissements ? En effet, la majorité des élèves ne demande qu'à apprendre. L'autorité et le savoir doivent prévaloir sur la violence ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Madame la sénatrice, vous avez raison de rappeler que les signalements sont en diminution. Mais nous prenons ces chiffres avec prudence parce que c'est un travail de longue haleine que le Gouvernement a engagé en toute cohérence avec l'action conduite par M. Nicolas Sarkozy et la volonté exprimée par M. le Premier ministre. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
Il ne s'agit pas de faire des effets d'annonce et je ne voudrais pas que des événements ponctuels, même s'ils sont dramatiques, même s'ils sont épouvantables, cachent la continuité de l'action publique. (Exclamations sur les travées socialistes.) Il ne faudrait pas que l'arbre cache la forêt.
Je rappelle que nous avons décidé de renforcer le pouvoir des chefs d'établissements, notamment pour leur permettre de mieux exercer leur autorité. Vendredi dernier, à Rouen, M. le Premier ministre a annoncé que les chefs d'établissement autonomes disposeront de moyens accrus pour réagir.
Nous avons également décidé, comme vous le savez, de rappeler les règles dans un livret des droits et devoirs des élèves. Les élèves seront obligés de signer un contrat lorsqu'ils entreront dans un établissement scolaire. Nous serons ainsi certains qu'ils connaîtront bien leurs obligations. Cela nous permettra surtout de mettre en place des dispositifs qui permettent de renvoyer des établissements les auteurs de ce type d'agissements.
Toutefois, je le répète, ne nous laissons pas impressionner par les événements.
M. Didier Boulaud. TF1, TF1 !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. L'action éducative doit s'inscrire dans la durée et mobiliser tous les acteurs. Saluons le courage de ceux qui, confrontés à ces difficultés, manifestent leur volonté de lutter contre ce fléau, et rappelons que, dans la plupart des cas, les établissements scolaires de France vivent dans la sérénité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Vous enlevez des éducateurs !
Mme Nicole Borvo. Vous avez dit le contraire il n'y a pas longtemps !
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)