SEANCE DU 17 DECEMBRE 2002
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que ce
projet de loi portait sur la vie et l'emploi de centaines de milliers de
salariés, nous avons malheureusement assisté à un débat dans lequel vous avez
choisi délibérément d'expédier le sujet, comme le patronat expédie l'emploi.
Rien de ce que l'opposition a pu dire, expliciter ou développer n'a été pris
en compte ni même entendu. Caricature extrême, la droite sénatoriale s'est
enorgueillie d'adopter des amendements dont l'un concerne quelques exploitants
agricoles, un autre prive les salariés en CDD d'une partie de leur prime de
précarité - et encore, nous avons échappé à l'amendement « coiffeur » !
Quelle tristesse et quelle colère, quand nous savons que, dès aujourd'hui, 200
000 licenciements sont en jeu ! Quelle frustration pour les salariés qui sont
livrés aux plans de licenciement avec moins de droits à la suite de
l'annulation d'une jurisprudence chèrement obtenue par les luttes syndicales !
Quelle sentiment d'injustice quand nous constatons la reprise
in extenso
des desiderata du MEDEF !
Certes, monsieur le ministre, vous protestez contre cette accusation, mais la
vérité est tenace. Le discours du baron Ernest-Antoine Seillières, président du
MEDEF, prononcé à Lyon le 15 janvier 2002, correspond mot pour mot à l'exposé
des motifs de votre projet de loi.
Que dit le baron Seillières ? Rassurez-vous, je ne citerai que quelques
extraits : « Renforçons le rôle de la négociation, en établissant clairement
que la mise en oeuvre des grands principes du droit du travail relève par
priorité de la négociation collective, et que la loi ne doit intervenir qu'en
l'absence d'accord. » Vous dites la même chose !
« Favorisons la négociation d'entreprise, en établissant une nouvelle
hiérarchie des normes qui favorise le dialogue libre au plus près de
l'entreprise, au plus loin du ministre. » C'est pareil !
« Elargissons le champ de la négociation, en donnant la possibilité aux
entreprises petites et moyennes de conclure des accords, en l'absence de
délégués syndicaux. » Vous l'avez fait !
« Les relations sociales ne peuvent plus être un enjeu politique, soumis aux
aléas d'accords politiciens. Nous ne devons plus jamais entendre dans notre
pays des débats aussi ringards que ceux entendus à propos des 35 heures ou de
la loi de modernisation sociale. » Vous avez, monsieur le ministre, monsieur le
rapporteur, repris ces propos à votre compte ! Les faits sont têtus !
Vous avez ouvert la voie, avec votre texte, à l'abandon d'autres dispositions
du code du travail. D'ailleurs, le rapport présenté à l'Assemblée nationale
indique, à la page 22 : « Il est cependant possible que le futur projet de loi
devant être présenté après les négociations interprofessionnelles revienne sur
certaines des dispositions que le présent projet de loi ne vise pas. »
Les interventions de certains de nos collègues de la majorité dans la
discussion générale montrent bien l'émergence de la crainte d'un risque majeur
d'explosion des licenciements à la faveur du projet qu'ils vont pourtant voter.
Si leurs craintes et leurs remarques étaient aussi fondées, pourquoi n'ont-ils
pas amendé ce texte ?
Le mot « concertation » que vous prononcez à chaque instant ne correspond en
rien, je l'ai dit, à la réalité des pratiques gouvernementales. Les dossiers
sur les 35 heures, le SMIC, les licenciements, les budgets de l'emploi et les
emplois-jeunes ont été menés sans concertation ni négociation. Telle est la
réalité, même si elle dérange.
Enfin, comment ne pas être affligé par nos débats ? Quand vous lirez, chers
collègues, le
Journal officiel,
peut-être prendrez-vous conscience du
mépris que représente votre lourd silence pour les salariés menacés d'être
privés d'emploi.
Le groupe CRC, monsieur le ministre, a rempli son rôle de dénonciation, mais
aussi de proposition. Nous pensons qu'il contribuera au rejet de votre
politique par les salariés.
Nous voterons contre votre projet de loi destructeur d'emplois et créateur
d'inégalités supplémentaires.
(Applaudissements sur les travées du groupe
CRC et du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
n'emploierai pas la formule habituelle : « Au terme d'un long débat, nous
allons passer au vote... » Il n'y a pas eu de long débat ; il a duré cinq
heures, guère plus. Les conditions ont été réunies pour que le débat soit, en
quelque sorte, anesthésié. Certes, l'opposition a pu s'exprimer, mais la
commission n'a présenté aucun amendement, ce qui est véritablement nouveau,
étonnant. Les amendements déposés par des sénateurs de droite n'appartenant pas
à la commission, qui reprenaient ceux qui avaient été déposés et débattus à
l'Assemblée nationale, ont été retirés. Je ne crois pas que les différentes
parties de la majorité sénatoriale se soient exprimées, et cela pose un
véritable problème.
Cinq heures, guère plus, pour traiter un sujet aussi lourd, avec les
conséquences que l'on imagine, que l'on connaît, que l'on voit venir. Un tel
comportement me semble inquiétant.
Certes, nous aurons finalement discuté d'amendements qui n'avaient rien à voir
avec le texte initial : le remplacement temporaire d'un chef d'exploitation
agricole, l'amélioration de la formation professionnelle des salariés sous CDD
en prenant sur leurs indemnités de précarité ; nous n'avons pas pu nous
exprimer sur la validation de la capacité professionnelle des coiffeurs - mais
cela viendra -, nous avons parlé du service public de La Poste et des
télécommunications, ce qui est certes important.
Je me demande où est le vrai débat et quel a été l'objet de la réunion que
nous avons tenue et qui était réglée d'avance. Vous avez fait en sorte que le
débat soit plus que maîtrisé et je m'étonne en particulier du comportement de
la commission.
Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit dans la discussion générale. Je
persiste à penser, après les cinq heures que nous venons de passer, que ce
texte est dangereux, qu'il conduira à une régression sociale, que les plans
sociaux se multiplieront. Nous savons bien, hélas ! que nous ne ferons rien, ou
peu de choses, pour lutter contre les licenciements économiques et que des
dizaines de milliers de salariés seront touchés par les plans sociaux au cours
des mois à venir. Le pays connaîtra une aggravation du chômage.
Je le dis à nouveau, je ressens une très grande tristesse devant ce gâchis !
Quand je pense que deux millions d'emplois ont été créés dans ce pays pendant
les cinq années précédentes, que le nombre de chômeurs a diminué sensiblement -
de un million ou presque -, je me demande comment vous faites pour anéantir en
si peu de temps tous ces résultats.
Je souhaite donc que l'on puisse maintenant prendre la mesure des effets
désastreux des lois que vous avez fait voter au cours de ces six derniers mois.
Nous nous retrouverons nécessairement l'année prochaine pour évoquer cette
négociation que vous voulez mettre en place et sur laquelle vous fondez
beaucoup d'espoirs. Pour notre part, nous n'y croyons pas, mais nous jugerons
sur pièces et nous mesurerons, encore une fois, les résultats que vous aurez
obtenus. Nous aurons bien des occasions, je le répète, de faire le point !
En tout état de cause, je souhaite que nous n'ayons pas à constater des dégâts
trop graves pour l'économie et la vie sociale de ce pays, mais je ne suis pas
sûr que nous ne prenions pas cette voie !
(Applaudissements sur les travées
du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Vous ne serez pas étonné, monsieur le ministre, si mon propos ne correspond
pas tout à fait à l'analyse particulièrement négative que nous venons
d'entendre. J'ignore si un débat de cinq heures est long ou court.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Cela ne veut rien dire !
M. Gilbert Chabroux.
Il y a eu six séances à l'Assemblée nationale !
M. Pierre Hérisson.
Quoi qu'il en soit, je suis pour ma part convaincu que le débat a bien eu
lieu.
S'il est une réalité positive pour notre pays, c'est que, au cours d'une
période de croissance, le chômage a reculé : nos collègues ne doivent donc pas
s'attribuer tous les mérites !
Des licenciements économiques, ce sont d'abord des situations personnelles et
familiales mises en péril, des bassins d'emploi déséquilibrés, une économie
locale affaiblie. C'est pourquoi ce dossier ne peut être traité à la va-vite,
sans négociation, avec des solutions imposées d'en haut qui se révèlent
finalement contre-productives.
Or c'est sans réflexion préalable, sans aucune concertation avec les
partenaires sociaux que des dispositions essentielles du code du travail ont
été radicalement modifiées par la loi dite de modernisation sociale, votée au
début de l'année 2002.
Parmi les spécialistes du droit du travail entendus à l'époque par la
commission des affaires sociales du Sénat, on peut citer le professeur
Jean-François Amadieu, qui avait insisté sur le fait que le projet de loi
privilégiait non pas la recherche d'un accord, mais plutôt une vision
conflictuelle des rapports sociaux, en contradiction avec les pratiques en
vigueur chez nos voisins européens. Notre groupe souscrit tout à fait à cette
remarque. Nous pensons qu'il faut redéfinir ce qui a été perdu de vue pendant
quelques années dans notre pays - et non pas dans « ce » pays, comme l'a dit M.
Chabroux, car il s'agit bien ici de notre pays et de l'intérêt général -, à
savoir les rôles respectifs du Parlement, des partenaires sociaux et de l'Etat
dans l'élaboration des règles s'appliquant en matière de droit du travail.
Cette redéfinition nécessaire des rôles est illustrée par le texte que nous
examinons aujourd'hui.
En suspendant l'application des mesures les plus nocives de la loi de
modernisation sociale, qui conduisaient à complexifier et à ralentir les
procédures, ce projet de loi tend à redynamiser le dialogue social, préalable
indispensable à toute nouvelle intervention législative. Comme vous l'avez
indiqué, monsieur le ministre, il s'agit de redéfinir la frontière entre la loi
et le contrat.
En deçà de l'échelon national, ce projet de loi vise aussi à redynamiser la
négociation d'entreprise, en favorisant la conclusion d'accords expérimentaux
majoritaires en matière de licenciements économiques collectifs. L'objectif est
alors d'encourager les partenaires sociaux à élaborer un compromis et de
faciliter ainsi le reclassement des salariés.
Ces accords expérimentaux pourront nourrir la négociation nationale
interprofessionnelle et, le cas échéant, permettre de préparer le futur projet
de loi.
En revanche, notre groupe souscrit aux remarques et aux réticences de notre
excellent rapporteur, Alain Gournac, dont je salue ici le remarquable travail,
s'agissant de la mesure visant à mettre à la charge du FSV le financement des
cotisations de retraite complémentaire des bénéficiaires de l'allocation
équivalent retraite.
Enfin, concernant les dispositions relatives au harcèlement moral au travail,
nous approuvons le rééquilibrage opéré quant aux conditions d'établissement de
la charge de la preuve devant le juge, qui étaient devenues totalement
incohérentes.
En conclusion, le groupe de l'UMP approuve totalement la méthode choisie par
le Gouvernement, consistant à réformer notre droit du licenciement économique
par le dialogue social et à mettre en place les conditions nécessaires à
l'aboutissement de celui-ci. C'est pourquoi nous voterons ce texte tel
qu'amendé par la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Annick Bocandé.
Mme Annick Bocandé.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues, à cette heure tardive, mon intervention sera brève.
Comme vous l'avez signalé dans votre propos introductif, monsieur le ministre,
le Gouvernement a entrepris une vaste refonte du droit social, reprenant un par
un les problèmes soulevés par les législations antérieures, souvent fort
contraignantes et qui, dans bien des cas, vont à l'encontre des intérêts des
salariés.
Ce projet de loi, vous l'avez rappelé, est la manifestation claire et somme
toute logique d'une volonté politique de modifier les dispositions
insatisfaisantes d'un texte souvent contesté.
L'objectif est de simplifier notre droit social, de rendre notre territoire
plus attrayant sur le plan économique, tout en respectant l'équilibre entre les
intérêts des salariés et les contraintes des entreprises.
Le licenciement est un acte grave et dramatique. C'est pourquoi il est
important que cette épreuve, toujours difficile, se déroule dans le climat
social le plus serein possible.
Il me semble, à cet égard, que la négociation prévue par le présent projet de
loi est une contrepartie justifiée et nécessaire aux diverses suspensions que
nous venons de voter, dans la mesure où il placera les protagonistes devant
leurs responsabilités. La relance du dialogue social est un élément majeur du
projet de loi. Comment ne pas souscrire à cette démarche qui redonne la parole
à ceux qui sont directement concernés par les décisions prises ?
Je souhaite que cette négociation interprofessionnelle aboutisse, qu'elle
marque le début d'une nouvelle manière d'envisager les rapports partenariaux au
sein des entreprises et qu'elle soit une véritable réussite pour la démocratie
sociale.
Enfin, j'ai pris acte des précisions que vous avez apportées, monsieur le
ministre, en réponse à nos interrogations sur l'opportunité de décider la
suspension plutôt que l'abrogation des articles de la loi du 17 janvier
2002.
C'est pourquoi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le groupe de l'Union centriste votera le présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il y a une
pathologie politique inquiétante dans nos sociétés modernes, c'est bien
l'irresponsabilité et l'indifférence à l'égard du bien commun essentiel que
constitue, précisément, une société où chacun se sent responsable de la vie de
ses semblables, à commencer par les plus proches d'entre eux, dans sa vie
civique ou sa vie de travail.
On perçoit une trace de cette pathologie dans l'absentéisme électoral.
Monsieur le ministre, vous avez récemment mis en oeuvre des efforts
remarquables pour enrayer cette glissade, à l'occasion des élections
prud'homales. Ce combat est essentiel pour éviter les conséquences de
l'indifférence, qui sont historiquement bien connues depuis l'Antiquité : ce
fut la tyrannie ; c'est, à l'époque moderne, le totalitarisme.
Cette démobilisation résulte soit de l'individualisme cultivé par le
libéralisme absolu, que je récuse, soit de la rigidité juridique de normes
collectives excessives et paralysantes, que je récuse également.
C'est bien pourquoi la reconquête de la responsabilité individuelle en acte,
dans une optique de fraternité pour la vitalité de la société, est aujourd'hui
une priorité absolue. L'année 2002 devrait nous inciter à ne pas l'oublier,
sans que l'on se borne à évoquer la loi du 17 janvier.
Or le meilleur champ d'application d'une réactivation de cette pratique de la
responsabilité individuelle dans la vie collective est bien fourni par
l'organisation de l'entreprise, parce qu'il y existe une méthode, le
paritarisme, et un rythme, une fréquence de la négociation collective sans
équivalents jusqu'à présent dans la vie civique.
La philosophie de ce projet de loi correspond très directement à cet objectif
de relance du dynamisme social à la base. C'est pourquoi l'enjeu lié à celui-ci
est considérable : ses retombées seront beaucoup plus amples que son cadre
d'application immédiat ne peut le laisser penser. Ces dernières ne soulèvent
pas d'inquiétudes, mais suscitent au contraire notre espoir face aux menaces
qui pèsent sur l'avenir de la civilisation. C'est toute une pédagogie du
progrès social qui est à l'oeuvre, et c'est donc avec une profonde et sereine
confiance que je voterai ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
mes chers collègues, la loi dite de modernisation sociale, comme le rappelait
tout à l'heure M. Fischer, a d'abord été un texte bâclé, mal préparé, pour
devenir par la suite une loi brouillonne, une loi fourre-tout. Comment ne pas
se souvenir qu'elle comporte deux cent vingt-quatre articles, alors que le
texte initial du gouvernement de l'époque n'en comptait que quarante-six ?
Etait-ce là un travail bien mené ? Est-ce, monsieur Chabroux, à la durée des
débats que l'on doit apprécier la valeur d'une loi ? Je crois que tout
législateur sait bien que c'est la concision d'un texte qui fait sa qualité.
Devant une loi qui renferme bon nombre de dispositions engendrant des effets
néfastes pour la vie de l'entreprise, le climat social au sein de celle-ci et
l'emploi, il était temps de marquer une pause et d'engager un nouveau dialogue
social permettant d'élaborer une réflexion utile.
Cela étant, on a adressé à la commission le reproche de ne pas avoir déposé
d'amendements. Etait-ce donc une obligation ?
M. Gilbert Chabroux.
On peut en débattre !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Non, cela démontre simplement, monsieur
Chabroux, que, au rebours de la loi brouillonne et fourre-tout dite de
modernisation sociale, le texte dont nous débattons aujourd'hui n'a pas été mal
préparé ni bâclé !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Eh oui !
M. Gilbert Chabroux.
Ah bon ?
M. Nicolas About,
président de la commission.
M. le ministre a su nous présenter un projet
de loi modéré.
M. Gilbert Chabroux.
Il était parfait !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Presque, monsieur Chabroux ! En effet, vous
aurez pu constater que quelques amendements ont été présentés en vue de
l'améliorer.
M. Gilbert Chabroux.
Ils sont venus comme des cheveux sur la soupe !
(Sourires.)
M. Nicolas About,
président de la commission.
Quoi qu'il en soit, il s'agit là d'un texte
modéré, cohérent et équilibré, devant lequel - ce n'est d'ailleurs pas la
première fois - la commission des affaires sociales a su réagir avec
intelligence et sagesse.
Il convenait simplement de se donner du temps, de suspendre un certain nombre
de dispositions néfastes et d'engager une négociation avec les partenaires
sociaux. Il nous est apparu nécessaire de « donner du temps au temps », comme
disait quelqu'un, d'offrir cette chance non pas au Gouvernement, mais aux
partenaires sociaux, pour aboutir à un texte mieux construit que la loi
déplorable jusqu'à présent en vigueur.
Par ailleurs, d'autres textes n'ont pas fait l'objet d'amendements de la part
de la commission : ce fut le cas de l'excellente proposition de loi communiste
du 4 juillet 2001 relative à la mise en place d'une allocation d'autonomie pour
les jeunes de seize à vingt-cinq ans, ou du texte de Mme Bachelot du 21
décembre 2001 visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements
sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur
charge une personne en situation de handicap.
Par conséquent, lorsque la commission est saisie d'un texte d'une grande
qualité - cela est rare, il est vrai -, elle ne l'amende pas pour le plaisir
d'amender, mais elle essaie de lui accorder sa chance et de ne pas le «
parasiter » par des amendements qui ne seraient pas nécessaires.
Ma dernière remarque s'adressera à M. Fischer. Vous nous avez fait le reproche
de ne pas avoir formulé de propositions. Or je n'en ai pas relevé non plus dans
vos amendements !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Moi non plus !
M. Roland Muzeau.
Vous ne les avez pas entendues, alors !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Aucune proposition n'y figure, aucune, alors
même que M. Chabroux reconnaissait tout à l'heure, à la tribune, que la loi de
modernisation sociale n'a pas tout réglé, loin de là ! Vous n'avez donc fait
aucune proposition, et vous demandez que l'on revienne à un texte qui n'a pas
permis de résoudre les problèmes !
M. Gilbert Chabroux.
Nous, nous sommes modestes !
M. Guy Fischer.
On vous a interrogés !
M. Nicolas About,
président de la commission.
La vérité, c'est que, après avoir fait
adopter, en d'autres temps, un texte brouillon, incomplet et bâclé, vous vous
retranchez aujourd'hui derrière votre modestie !
Si, mes chers collègues, vous pensiez à l'inverse de nous que le texte du
Gouvernement n'était pas parfait, j'aurais souhaité que vous fassiez de vraies
propositions qui nous permettent de progresser. Or cela n'a pas été le cas.
Pour ce qui nous concerne, nous avons le sentiment d'avoir fait oeuvre utile
en soutenant ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je souhaite en cet instant exprimer ma satisfaction. Nous avons
peut-être débattu sans coeur, mais nous avons fait un important travail en
amont ! Même si cela étonne quelque peu certains, nous avons rencontré tous les
syndicats, et nous vous avons livré tout à l'heure les résultats de ces
contacts.
Je tiens moi aussi à remercier M. le ministre d'avoir proposé un bon texte.
Lorsque l'on est devant une erreur, on peut la constater, mais il est
nécessaire de la corriger très rapidement. Alors, oui, vous avez raison,
monsieur le ministre : il faut relancer le dialogue social. Oui, il est
nécessaire d'instaurer de nouveaux rapports dans l'entreprise. Oui, il faut
essayer de créer un nouvel état d'esprit.
Monsieur le président, je veux aussi vous remercier de votre courtoisie et de
la manière dont vous avez dirigé les débats. Eh oui, de temps en temps, il faut
le dire !
(M. le président de la commission et M. Pierre Hérisson
applaudissent.)
Monsieur le président de la commission des affaires soicales, ce que je vais
dire va certainement vous étonner, mais je tiens à vous remercier d'avoir
laissé une grande place au rapporteur, et c'est, me semble-t-il, important.
Vous laissez le rapporteur s'exprimer, avancer son argumentation. Il y a
quelque temps, il était difficile de le faire.
(Sourires.)
Je tiens également à remercier les administrateurs et le personnel de la
commission, qui réalisent un travail remarquable, et j'emploie le mot à
dessein.
Mes chers collègues de la majorité, je veux aussi vous remercier, car vous
avez soutenu un bon texte.
M. Roland Muzeau.
Ils sont restés muets !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je parle, monsieur Muzeau, de tous mes collègues de la
majorité qui ont soutenu ce texte et que je remercie solennellement, car,
contrairement à ce qui a été dit, ils ont rendu service à l'emploi : la loi de
modernisation sociale était néfaste.
M. Gilbert Chabroux.
Nous en reparlerons !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Elle risquait de conduire à des non-embauches et à toutes
sortes de difficultés au sein des entreprises.
Enfin, je dirai au personnel du Sénat à quel point je suis heureux de pouvoir
travailler avec des personnes de leur qualité.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. François Fillon,
ministre.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon,
ministre.
Je tiens à remercier le Sénat de la qualité et de l'efficacité
de son travail, et de la haute tenue des débats que nous venons d'avoir.
Je trouve tout à fait injustes les reproches qui viennent de m'être adressés.
Le débat aurait été bâclé ; or le Gouvernement avait prévu que l'examen de ce
texte pourrait se prolonger jusqu'à demain soir, et rien ne vous empêchait, si
vous le souhaitiez, d'y consacrer davantage de temps.
M. Gilbert Chabroux.
Il n'y a pas de combattants !
M. Roland Muzeau.
Ils sont six à droite. Sur deux cents, ce n'est pas beaucoup !
M. François Fillon,
ministre.
Vous non plus, vous n'étiez guère nombreux à participer à ce
débat.
Il n'est pas très juste d'accuser la commission ou l'organisation des débats,
alors qu'en réalité la gauche éprouve au sujet de ce texte un grand embarras
qui se traduisait tout à l'heure, dans les propos de M. Chabroux, par un
certain dépit devant la modération de la majorité. J'avais déjà perçu une
réaction semblable à l'Assemblée nationale, où l'opposition rêvait d'une
majorité plus remuante, adoptant des amendements qui auraient heurté les
partenaires sociaux, contribuant ainsi à créer un climat social difficile.
M. Gilbert Chabroux.
C'est le débat démocratique !
M. François Fillon,
ministre.
Je remercie la majorité d'avoir compris que ce texte n'est
qu'un appel à la négociation et donc, par définition, ne devait pas susciter le
dépôt d'amendements en nombre. C'est lorsque nous disposerons du texte issu de
la négociation collective que pourra s'engager le débat de fond qu'aujourd'hui
nous n'avons fait qu'effleurer.
La majorité n'aura pas à regretter sa modération ni sa prudence, parce que ce
sont elles qui nous permettront de modifier profondément la structure des
relations sociales dans notre pays.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Bien sûr !
M. François Fillon,
ministre.
Tant que certains, dans notre pays, considéreront que
l'entreprise est un lieu où doivent peser des contraintes parce que ses
dirigeants n'auraient pas d'autre souci que de faire des profits sur le dos des
salariés, tant que, de l'autre côté, on ne se préoccupera pas suffisamment de
trouver les voies du dialogue pour que l'entreprise soit un endroit harmonieux
où les aspirations des uns et des autres soient prises en compte, la France
sera en retard par rapport aux grands pays modernes et ne réussira pas à
prendre le tournant de la mondialisation.
Or c'est cette dernière qui nous oblige à innover pour remplacer
progressivement des secteurs d'activité qui se délocaliseront dans des pays en
train de se développer - et auxquels on ne peut pas reprocher de se développer
!
Cette modernisation, nous ne pourrons l'obtenir que si les partenaires sociaux
sont proches, sont forts, sont responsables, et c'est à cela, mesdames,
messieurs les sénateurs, que vous avez appelé aujourd'hui.
Ce sera difficile. Je ne sais pas si nous réussirons, mais je suis convaincu
que nous avons pris ce soir une décision qui peut changer profondément la
nature des relations sociales dans notre pays.
(Applaudissements sur les
travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
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