SEANCE DU 12 DECEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi.
Monsieur le président, je soutiens depuis vingt ans le Gouvernement de la
République, qu'il soit de gauche ou de droite - j'ai, voilà longtemps, renoncé
à ces clivages subalternes quand il s'agit de défendre l'ordre républicain et
l'intérêt national -, et mon propos ne saurait être polémique.
Monsieur le ministre de l'intérieur, je ne mets pas un seul instant en doute
votre volonté de réussir là où d'autres ont échoué. Mais je crois bon de
rappeler les faits.
On recensait 287 attentats en 1999 ; la renonciation préalable à la violence a
conduit aux accords de Matignon, que quarante-quatre élus corses, prêts à tous
les abandons, ont massivement approuvés. Une seule raison justifiait ces
accords : l'espoir d'un retour à la tranquillité publique et l'arrêt du
terrorisme.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Nicolas Alfonsi.
Ils prévoyaient, pour 2004, un référendum constitutionnel censé doter la Corse
d'une collectivité unique. Deux conditions suspensives étaient en outre prévues
: l'accord des pouvoirs publics en place et le rétablissement durable de la
paix civile.
M. Henri Weber.
C'est vrai !
M. Nicolas Alfonsi.
Or, l'année 2002 nous ramène à la case départ : on a recensé 310 attentats à
ce jour et vous avez déclaré, monsieur le ministre, envisager une consultation
des Corses dès 2003 sur les institutions qu'ils souhaitent. Ainsi, non
seulement vous ne « rembobinez » pas le fil de l'histoire - l'ancien Premier
ministre nourrissait cette illusion -, mais vous en écrivez le deuxième
épisode, en allant bien au-delà de l'accord initial.
Le 16 avril dernier, à Ajaccio, le Président de la République déclarait : « La
Corse a besoin d'autre chose que d'un rafistolage constitutionnel. En tout
premier lieu, elle a besoin qu'il soit mis un terme à la violence. Je
n'accepterai pas demain ou en 2004 ce que j'ai refusé hier. »
M. le président.
Votre question, s'il vous plaît, monsieur Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi.
Depuis lors, la communauté corse n'a retrouvé la sérénité que durant quelques
semaines. Elle souhaite que soit dissipée l'ambiguïté actuelle. Soit le
Gouvernement réaffirme que les orientations claires du chef de l'Etat
constituent le socle de son action, soit il envisage de poursuivre la politique
engagée par Lionel Jospin en l'accélérant, soit il s'efforce, au nom d'une
prétendue neutralité qui serait irresponsable de la part de l'Etat, de se
défausser sur les électeurs corses, lesquels ne pourraient, dans les
circonstances actuelles, faire des choix politiques qui les dépassent et qui
appartiennent en réalité au Gouvernement.
Il est en effet impensable que celui-ci n'ait pas clairement à l'esprit, au
moment même où cette consultation interviendrait, les orientations qui doivent
guider son action. Quelles sont ces orientations ?
(Applaudissements sur les
travées du RDSE et sur quelques travées du groupe socialiste. - M. Paul
Loridant applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur le sénateur, si la question corse était facile, cela se
saurait !
Permettez-moi de vous le dire, dater le début de la violence en Corse de
l'échec des accords de Matignon, ce serait ne pas connaître la Corse. Prosper
Mérimée, dans
Mateo Falcone,
a parfaitement défini le caractère corse en
la matière. La violence est endémique en Corse depuis des lustres, et chacun le
sait.
(M. Alain Gournac applaudit.)
Monsieur Alfonsi, je vous apprécie beaucoup et je me reconnais dans nombre de
vos propos. Il n'y a qu'un mot sur lequel je me vois contraint de manifester
mon total désaccord. C'est le mot « ambiguïté ». Il n'y a pas d'ambiguïté de la
part du Gouvernement français : nous n'acceptons pas la violence.
Comment faut-il agir face à une société qui est gangrenée par la violence
depuis tant d'années ? Cela ne se règle pas en sept mois ! A la minute où je
vous parle, sept Corses sont en prison. Nous saurons ce soir, à la fin de la
garde à vue, ce qu'il en est.
Cela faisait bien longtemps, monsieur Alfonsi, que des terroristes n'avaient
pas été arrêtés.
M. Nicolas Alfonsi.
Je me réjouis de cette nouvelle détermination !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Nous poursuivrons tous ceux qui se rendront coupables de
violences. Nous dénoncerons les comportements malhonnêtes et mafieux.
Mais je veux dire avec non moins de force à la Haute Assemblée qu'en Corse la
réponse policière ne peut être la seule réponse.
M. Paul Raoult.
Ailleurs non plus !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
L'Etat de droit exige une réponse policière, mais il s'agit
aussi de trouver, enfin, les voies du développement pour la Corse. Car la
question reste posée : pourquoi cette région de France qui a plus d'atouts que
les autres reste-t-elle condamnée depuis tant d'années, aussi bien sous des
gouvernements de droite que de gauche, au sous-développement ? C'est cette
question que le Gouvernement veut résoudre.
Samedi matin, je serai avec vous pour poursuivre ce débat-là, monsieur
Alfonsi.
(Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
NOUVELLES MESURES EN MATIÈRE DE LUTTE
CONTRE LA GRANDE DÉLINQUANCE