SEANCE DU 9 DECEMBRE 2002
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur les crédits.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire
d'Etat, monsieur le grand chancelier, monsieur le chancelier, nous n'avons pas
de remarque particulière à faire sur les budgets annexes de l'ordre de la
Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.
Le budget de la Légion d'honneur est en progression de 4,22 %.
En recettes, les droits de chancellerie sont semblables à ceux de 2002, le
poste des pensions et trousseaux des élèves augmente de 3,57 % et, si les
droits d'entrée au musée sont en baisse de 10 %, c'est pour la simple raison
qu'il est fermé pour travaux. La subvention d'Etat augmente de 4,41 %.
Les dépenses sont celles de personnel, lequel comprend 415 personnes,
d'alimentation - en augmentation de 6 % - et d'attribution de secours, sur la
base moyenne de 619 euros en 2001.
Les opérations d'entretien des bâtiments ne présentent pas d'anomalies ; quant
aux travaux, ils font l'objet de financement par la trésorerie propre et par
mécénat.
S'agissant du devenir des budgets de la Légion d'honneur et de l'ordre de la
Libération, diverses solutions sont envisagées pour qu'ils soient en conformité
avec la loi du 1er août 2001 limitant les budget annexes.
Le budget annexe de l'ordre de la Libération, qui comprend encore un nombre
important de compagnons - 132 - et de médaillés de la Résistance - 5 500 - ,
n'appelle pas non plus de remarques particulières : les dépenses sont en
augmentation de 0,29 % en fonctionnement, et les travaux de mise en conformité
des installations sont maintenant achevés.
A la demande de notre rapporteur spécial, M. Jean-Pierre Demerliat, nous
voterons en faveur de ces budgets tels qu'ils nous sont présentés.
Dès lors, on peut se demander pourquoi j'interviens ce matin.
Tout d'abord, pour exprimer cet accord. Il n'est pas si fréquent que nous
votions un budget. Mais aussi, et beaucoup plus peut-être, pour faire une
suggestion au Sénat quant au devenir de la Légion d'honneur.
La Légion d'honneur est la plus vieille institution républicaine. Elle a été,
durant ces deux siècles, une marque officielle du pouvoir en place, mais aussi
l'image de l'héroïsme et du patriotisme des soldats de la République. Elle fut
aussi le témoignage d'un hommage justifié, puisque, dans les premières
promotions de 1803, l'on trouve les noms de savants comme Cuvier, Monge,
Chaptal, Montgolfier, d'artistes comme David, Gérard, Houdon ou d'écrivains
comme Bernardin de Saint-Pierre et Proudhon.
Combien de citoyens ont reçu la Légion d'honneur ? Vous venez de rappeler,
monsieur le garde des sceaux, qu'en 1962, alors que la France retrouvait le
temps de la paix, l'ordre de la Légion d'honneur comptait 300 000 membres. Le
général de Gaulle, estimant alors la progression trop importante, fixa le
nombre de membres pour la fin du siècle à 125 000. L'objectif est atteint,
puisque la Légion d'honneur compte aujourd'hui 112 330 membres.
L'Ordre a connu une importante déflation puisque, au cours des trois dernières
décennies, ses effectifs ont été réduits des deux tiers.
Les champs de bataille sur lesquels la France s'est impliquée sont
heureusement moins nombreux et, par conséquent, le nombre des militaires
retenus pour la décoration ne pourra aller qu'en diminuant.
Faut-il pour autant la supprimer ? Nous ne le pensons pas, mais il
conviendrait de la faire évoluer vers la société civile, voire citoyenne.
A l'origine, la fidélité au pouvoir politique fut le critère primordial. Par
la suite, il céda la place aux mérites militaires. Les hommes de lettres,
d'arts, peintres, musiciens, furent honorés à juste titre, en plus grand
nombre.
Mais, il convient de le reconnaître, l'Ordre demeure encore élitiste, puisque
ce sont toujours des titres exceptionnels qui sont retenus.
Il faudra attendre le 31 mars 1906 pour que deux rescapés de la catastrophe de
Courrières soient faits chevaliers de la Légion d'honneur, Charles Pruvost et
Henry Neny, pour avoir : « fait preuve d'une force morale exceptionnelle et
d'une capacité professionnelle remarquable pendant les vingt journées de luttes
et de souffrances subies par eux et leurs camarades - treize rescapés - au fond
de la mine de Courrières ».
Aujourd'hui, la vie citoyenne, la vie professionnelle, la vie sociale, la vie
associative nous offrent des exemples de qualités et de vertus mises au service
de la société par des hommes et des femmes qui doivent pouvoir entrer en plus
grand nombre dans l'Ordre.
Nous ne sommes pas insensibles aux nouvelles orientations définie par le
Président de la République, qui, le 5 février 1996, recommandait de veiller « à
une représentation de tous les niveaux hiérarchiques jusqu'aux plus modestes,
afin que les hommes et les femmes qui remplissent leurs fonctions de façon
exemplaire avec efficacité, intelligence et dévouement se voient aussi
récompensés. C'est dans cette voie que réside l'avenir de la Légion d'honneur
». Nous le pensons également.
Dès lors, les choix qui s'imposent ne doivent-ils pas rompre avec des
pourcentages fixés
a priori
, des répartitions, des équilibres qui sont
certes nécessaires mais qui ne correspondent pas toujours à une répresentation
réelle des mérites, des valeurs ?
Actuellement, les légionnaires se répartissent ainsi : 65 % de militaires et
assimilés pour 35 % de civils. Parmi les civils, 30 % sont issus du service
public et 25 % du secteur économique. Je vous laisse juge de ces pourcentages,
mes chers collègues !
Je poursuis : 13 % des légionnaires exercent des professions médico-sociales,
10 % sont des élus locaux, 8 % des sportifs ou des artistes, et 5 % exercent
des activités liées aux services.
Des catégories de population sont donc pratiquement exclues de cette
reconnaissance des mérites ; je pense notamment aux employés, aux ouvriers et
même aux artisans ou commerçants, très peu nombreux. Auraient-il moins de
mérites et de vertus ?
La responsabilité ne doit plus être la seule référence.
La qualité du travail, l'innovation, la modernité peuvent aussi être honorées,
et ce pour le plus grand bien de la nation. Tel sera notre souhait, monsieur le
garde des sceaux, en votant le budget qui nous est présenté.
M. le président.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter.
Bien entendu, nous voterons les crédits de la Légion d'honneur, et j'en
profite pour saluer avec admiration, comme je l'ai toujours fait d'ailleurs, la
réussite aux examens des élèves de la Légion d'honneur.
Toutefois, en relevant le taux de réussite incomparable, qui vaut des
félicitations tant au corps enseignant qu'aux élèves, je ne peux m'empêcher de
me demander comment on peut obtenir ce taux de 98,59 % ? Peut-être
pourriez-vous m'apporter des éclaircissements sur les 0,59 %, monsieur le garde
des sceaux !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est de la simple arithmétique !
M. le président.
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 40.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président.
« I. - Autorisations de programme : 1 321 000 euros ;
« II. - Crédits : 1 053 618 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 41.