SEANCE DU 9 DECEMBRE 2002
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
les budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.
Je suis heureux de saluer, au nom du Sénat, la présence, aux côtés de M. le
garde des sceaux, du général Douin, grand chancelier de l'ordre national de la
Légion d'honneur, et du général de Boissieu, chancelier de l'ordre de la
Libération.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Pierre Demerliat,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
garde des sceaux, monsieur le grand chancelier, monsieur le chancelier, mes
chers collègues, le budget annexe de la Légion d'honneur retrace les moyens
affectés à la grande chancellerie et aux maisons d'éducation recevant les
filles, les petites-filles et les arrière-petites-filles des membres de l'ordre
de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite.
En 2003, le montant des recettes et des dépenses de ce budget annexe, en
augmentation de 4,2 %, atteindra 18,6 millions d'euros. Cette évolution des
crédits en 2003 résulte essentiellement de l'augmentation des crédits de
paiement afférents aux opérations en capital des maisons d'éducation.
Je me limiterai à cette courte présentation chiffrée, en vous renvoyant, pour
plus de détails, à mon rapport, pour mieux insister sur mes principales
observations.
Si l'augmentation des crédits du budget annexe de la Légion d'honneur concerne
surtout les travaux de restauration du cloître, j'apprécie que ses autres
moyens restent stables, malgré la fin des dotations exceptionnelles du
bicentenaire et l'absence de recettes du musée, qui est fermé pour travaux. Je
relève avec satisfaction que sa dotation permettra à l'Ordre d'assurer tant son
bon fonctionnement que la poursuite des travaux de restauration et d'entretien
des bâtiments relevant de sa responsabilité et entrepris depuis déjà plusieurs
années. Néanmoins, il est dommage que les travaux de restauration du musée
n'aient pu être effectués avant les cérémonies du bicentenaire.
Le recrutement des élèves des maisons d'éducation a été élargi aux
arrière-petites-filles des membres de l'ordre de la Légion d'honneur ainsi
qu'aux petites-filles et arrière-petites-filles des membres de l'ordre national
du Mérite. J'apprécie cette initiative, qui permet à ces établisements de
conserver la dimension nécessaire au maintien de la qualité de leur
enseignement. Cette qualité est d'ailleurs attestée par l'excellence des
résultats obtenus : le taux de réussite s'élève à 94,49 % pour le brevet des
collèges, à 98,59 % pour les épreuves du baccalauréat et à 95 % pour le brevet
de technicien supérieur, BTS.
Je me félicite tout d'abord de l'importance accordée en 2002 à la célébration
du bicentenaire de la création de l'Ordre, le 21 mai 1802 par Bonaparte : le
choix d'axer le traditionnel défilé militaire du 14 Juillet sur le thème de la
Légion d'honneur en a marqué le point d'orgue. Je me félicite également du bon
déroulement de ces manifestations.
Même si je fais partie de ceux qui considèrent qu'un effort supplémentaire
doit être fourni dans ce sens, j'apprécie également que, lors des derniers
contingents de nomination, la proportion de femmes ait atteint 24 % pour
l'ordre de la Légion d'honneur et 33 % pour l'ordre national du Mérite.
J'en viens à présent à l'examen des crédits relatifs au budget annexe de
l'ordre de la Libération. La chancellerie est chargée d'en assurer la gestion
et d'apporter éventuellement des secours aux Compagnons et à leurs familles.
Au 30 juillet 2002, l'Ordre comptait 132 Compagnons de la Libération ainsi que
5 500 médaillés de la Résistance, dont 2 500 cotisants.
La subvention du budget général, seule ressource du budget annexe, s'établit
en 2003 à 637 636 euros, en baisse de 17,53 % par rapport à celle de 2002.
Cette diminution n'est que la conséquence de la fin du financement des travaux
de mise en conformité de l'installation électrique de la chancellerie.
Je me limiterai, là encore, à cette présentation sommaire pour vous faire part
de ma satisfaction de voir aboutir en 2003 la réfection totale de la
distribution électrique de la chancellerie, qui avait été retardée pour que
puissent être prises en compte les obligations en matière de sécurité
incendie.
Je me dois, pour terminer, d'aborder l'avenir de ces deux budgets annexes,
dont l'existence est menacée par l'application de l'article 18 de la loi
organique relative aux lois de finances, qui vise à restreindre le champ des
budgets annexes et qui entrera en vigueur pour la loi de finances initiale de
2006.
La transformation en établissement public à caractère administratif de l'ordre
de la Libération est déjà prévue par la loi de 1999, créant le Conseil national
des communes « Compagnons de la Libération ». Cette évolution interviendra
lorsque l'Ordre ne comptera plus un nombre suffisant de Compagnons. Je me
réjouis que la mémoire et les traditions de l'Ordre soient ainsi
sauvegardées.
L'ordre de la Légion d'honneur, qui est très attaché à son autonomie, semble
peu convaincu que la suppression de son budget annexe soit indispensable, et il
se prononce pour le maintien du
statu quo ante
. Les difficultés
soulevées, dans le cas d'une transformation en établissement public, par la
situation de grand maître de l'Ordre du Président de la République, par
l'existence d'un grand chancelier et d'un conseil de l'Ordre, auxquels devrait
s'ajouter un conseil d'administration, sont mises en avant.
Le Conseil constitutionnel, quant à lui, dans ses considérants sur la
constitutionnalité de la loi organique, insiste sur la volonté législative
d'exclure l'inscription dans des budgets annexes d'autres opérations que celles
qui sont définies à l'article 18 et se prononce pour un respect de cette
volonté dans la loi de finances à compter de la date d'application prévue.
Devant les difficultés que pose la situation particulière de l'ordre de la
Légion d'honneur, le recours à un statut
sui generis
pourrait être
envisagé si la forme du budget annexe venait à être abandonnée.
Votre rapporteur espère qu'une issue satisfaisante, pour l'Ordre en même temps
que respectueuse de la volonté du législateur puisse être trouvée au problème
posé par la disparition du budget annexe, programmée dans la loi organique de
2001.
Ces observations étant faites, la commission des finances, suivant la
proposition de son rapporteur spécial et selon la tradition parlementaire, vous
propose d'adopter ces deux budgets annexes.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, monsieur
le grand chancelier de l'ordre de la Légion d'honneur, monsieur le chancelier
de l'ordre de la Libération, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de
le dire M. le rapporteur spécial, le budget annexe de la Légion d'honneur
atteindra en 2003, en recettes et en dépenses, 18,66 millions d'euros, soit une
augmentation de 4,22 %. Cette situation résulte principalement de
l'augmentation des crédits de paiement afférents aux opérations en capital des
maisons d'éducation.
Les ressources du budget annexe de la Légion d'honneur pour 2003 sont
constituées par la subvention versée par le ministère de la justice et par les
recettes propres de la Légion d'honneur.
La subvention budgétaire s'élève à 17,25 millions d'euros en 2003, contre
16,52 millions d'euros en 2002, soit une augmentation de 4,41 %. Les recettes
propres de la Légion d'honneur, d'un montant de 1,41 million d'euros, sont en
augmentation de 1,94 %.
Les dépenses prévues pour l'exercice 2003 sont le reflet de l'évolution des
recettes.
Les dotations de fonctionnement s'élèvent à 18,66 millions d'euros et sont en
augmentation de 0,59 % par rapport à 2002 ; elles assurent le paiement des
traitements des membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires, le
fonctionnement des services ainsi que l'action sociale menée par la grande
chancellerie.
Dans le budget tel qu'il a été préparé pour 2003, les crédits ouverts, à
hauteur de 1,24 million d'euros, permettent de régler les traitements des
membres du premier ordre national et des médaillés militaires.
En 2001, les nominations et promotions dans la Légion d'honneur et l'ordre
national du Mérite ainsi que les concessions de la médaille militaire, qui
constituent la mission première de service public de la grande chancellerie,
ont concerné 13 380 citoyens français, hommes et femmes, civils et militaires,
de tous statuts et de toutes conditions sociales et professionnelles. A ces
décorations conférées aux Français s'ajoutent près de 500 décorations concédées
aux étrangers dans les deux ordres nationaux.
L'informatisation des services de la grande chancellerie, aujourd'hui achevée,
offre des données sociologiques, professionnelles et statistiques sur la
population des personnes décorées. Ainsi, les effectifs globaux des décorés
vivants sont-ils désormais connus avec précision : au 30 juin 2002, la Légion
d'honneur comptait 111 000 membres dans ses rangs.
J'indique pour mémoire que en 1962, le premier ordre national vit ses
effectifs culminer à 320 000 membres. A l'époque, le général de Gaulle,
Président de la République, prescrivit une politique de déflation ; dans le
code de la Légion d'honneur, qu'il fit préparer et publier, fut fixé un
objectif à atteindre pour la fin du xxe siècle : 125 000 membres. Cet objectif
a donc bien été rempli à la date prévue, au prix d'un effort soutenu avec
constance par les grands maîtres de la Légion d'honneur.
Une inflation jugulée, des effectifs réels connus, des nominations et
promotions maîtrisées permettent désormais aux instances des ordres nationaux
de renforcer le caractère universel de ces institutions nationales, d'une part,
en les ouvrant davantage à certaines activités de caractères civil -
l'enseignement, la recherche, la formation, la santé, la solidarité nationale -
d'autre part, en y faisant figurer des femmes, qui, pour l'année 2001, comme
vient de le rappeler M. le rapporteur spécial, ont représenté 24 % des décorés
de la Légion d'honneur et 33 % des récipiendaires de l'ordre national du
Mérite.
Les crédits affectés au fonctionnement de l'administration centrale de la
grande chancellerie et des maisons d'éducation représentent 15,57 millions
d'euros et sont consacrés pour plus des trois quarts aux charges de
personnel.
Enfin, l'action sociale - secours et allocations - en faveur des membres des
ordres nationaux ou de leurs familles reste fixée à 52 730 euros pour l'année
2003. Les dépenses en capital prévues en 2003 représentent 1,32 million d'euros
en autorisations de programme et 1,8 million d'euros en crédits de paiement.
En 2003, la dotation des crédits de paiements est essentiellement consacrée à
l'entretien des bâtiments des maisons d'éducation et de la grande chancellerie.
Dans ses deux maisons d'éducation, la grande chancellerie de la Légion
d'honneur a pour mission d'assurer l'éducation de près de mille élèves, filles,
petites-filles et arrière-petites-filles des deux ordres.
Selon une habitude bien établie, les résultats obtenus aux examens à la fin de
l'année scolaire 2001-2002 par les élèves des maisons d'éducation ont été
excellents.
Ainsi, 94,49 % d'entre elles ont obtenu le brevet des collèges, 98,59 % ont
réussi aux épreuves du baccalauréat et 95 % ont obtenu le brevet de technicien
supérieur.
Ces résultats sont d'autant plus impressionnants qu'ils sont fondés non pas
sur la sélection des meilleures, mais sur la qualité de l'éducation et de
l'enseignement qui sont prodigués dans ces établissements.
L'année 2002 est celle du bicentenaire de la Légion d'honneur, instituée par
la loi du 29 floréal an X. Elle a été marquée par de nombreuses manifestations
et commémorations, les unes nationales, les autres - plus d'une centaine - à
caractère local.
Ces manifestations ont été inaugurées au début de l'année par une cérémonie
présidée au palais de l'Elysée par le Président de la République, suivie par un
hommage au fondateur de l'Ordre, aux Invalides.
Par la suite, nous avons pu observer le défilé du 14 Juillet, ainsi que les
colloques organisés au mois de septembre, qui ont permis d'évoquer l'histoire
de la Légion d'honneur et la place qu'elle a prise depuis deux siècles dans
l'histoire de la France.
D'autres manifestations sont prévues, en 2003 et en 2004, pour marquer
l'anniversaire des premières nominations, puis des premières remises de la
croix de la Légion d'honneur.
Quant au budget de l'ordre de la Libération, dont la ressource unique est la
subvention de la Chancellerie, il s'élève à 637 000 euros, soit une
augmentation de 0,23 %. A son propos, il faut noter que l'adoption de la loi de
mai 1999, qui a créé le Conseil national des communes « Compagnons de la
Libération », permettra, par l'institution de cet établissement public à
caractère administratif de pérenniser l'ordre de la Libération lorsque celui-ci
ne comprendra plus un nombre suffisant de Compagnons de la Libération.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments dont je souhaitais
vous faire part à l'occasion de la présentation de ces budgets, en vous
demandant de bien vouloir les adopter.
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant les budgets
annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération et figurant aux
articles 40 et 41.
LÉGION D'HONNEUR