SEANCE DU 4 DECEMBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 2003.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Outre-mer (p. 2 )
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances.
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour les aspects sociaux ; MM. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les départements d'outre-mer ; Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie ; Gaston Flosse, Claude Lise.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
3.
Conférence des présidents
(p.
4
).
4.
Loi de finances pour 2003.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
5
).
Outre-mer (suite) (p. 6 )
MM. Paul Vergès, Jean-Paul Virapoullé, Rodolphe Désiré, Mme Anne-Marie
Payet.
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
MM. Simon Loueckote, Georges Othily, Mme Jacqueline Gourault, MM. Robert
Laufoaulu, Dominique Larifla, Victor Reux.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
Crédits du titre III (p.
7
)
M. le rapporteur spécial.
Adoption des crédits.
Crédits des titres IV à VI. - Adoption (p.
8
)
Affaires étrangères (p.)
MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires étrangères ; Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'aide au développement ; Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les affaires étrangères ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les relations culturelles extérieures et la francophonie ; Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l'aide au développement ; Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour les relations culturelles extérieures ; MM. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la francophonie ; André Dulait, président de la commission des affaires étrangères ; Hubert Durand-Chastel, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Daniel Hoeffel, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Legendre, Bernard Joly, Serge Mathieu.
Suspension et reprise de la séance (p. 9 )
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
5.
Communication relative à une commission mixte paritaire
(p.
10
).
6.
Saisine du Conseil constitutionnel
(p.
11
).
7.
Loi de finances pour 2003.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
12
).
Affaires étrangères (suite) (p. 13 )
MM. Guy Penne, Jean-Pierre Cantegrit, Mme Hélène Luc, MM. Robert Del Picchia,
Aymeri de Montesquiou, Yves Dauge, Daniel Goulet, André Vallet, Mme Josette
Durrieu, MM. Michel Guerry, Jacques Pelletier, Louis Duvernois.
MM. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la
francophonie ; Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Crédits du titre III (p. 14 )
Mmes Marie-Claude Beaudeau, Annie David.
Adoption des crédits.
Crédits du titre IV (p. 15 )
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Amendement n ° II-64 de la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances ; le ministre délégué, Mmes Monique
Cerisier-ben Guiga, Hélène Luc, M. Guy Penne, Mme Danielle Bidard-Reydet, M.
Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'aide
au développement. - Rejet par scrutin public.
Adoption des crédits.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 16 )
8.
Dépôt d'un projet de loi constitutionnelle
(p.
17
).
9.
Dépôt d'un projet de loi
(p.
18
).
10.
Dépôt d'un rapport
(p.
19
).
11.
Dépôt d'avis
(p.
20
).
12.
Ordre du jour
(p.
21
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à douze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 2003
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2003 (n° 67, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 68
(2002-2003).]
Outre-mer
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'outre-mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, nous allons nous prononcer, au terme de ce
débat, sur le projet de budget de l'outre-mer pour 2003, qui s'établit, comme
l'année dernière, à environ 1 milliard d'euros. A structure constante, il
progresse de 1,5 %.
Chaque année, lorsque je présente le projet de budget qui nous est soumis,
j'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le budget que
nous votons ne reflète pas la réalité des crédits que le ministre de
l'outre-mer aura à gérer au cours de l'année à venir, et ce pour deux
raisons.
D'abord, les crédits de l'outre-mer sont généralement mal consommés et environ
20 % des crédits disponibles au titre d'une année sont reportés sur l'année
suivante ; j'en veux pour preuve qu'au cours des cinq dernières années, de 1997
à 2002, l'équivalent d'un budget de l'outre-mer n'a pas été utilisé, comme l'a
d'ailleurs signalé Mme la ministre devant l'Assemblée nationale lors de la
présentation de son budget.
Ensuite, les différentes procédures de régulation budgétaire, qu'elles
s'appellent « contrat de gestion » ou « gel républicain », limitent la capacité
du ministère à dépenser toutes les sommes dont il dispose.
L'année prochaine, les données du problème seront différentes.
D'une part, les reports de 2002 sur 2003 devraient être inférieurs à ceux qui
ont été constatés les années précédentes en raison des annulations de crédits
proposées par le collectif budgétaire que nous examinerons dans deux
semaines.
D'autre part, compte tenu de la dégradation de la conjoncture, des économies
devront sûrement être envisagées sur les crédits de 2003.
Mes chers collègues, il n'est pas possible d'examiner les différents
fascicules ministériels sans tenir compte de l'équilibre général du budget de
l'Etat tel qu'il résulte de l'article d'équilibre que nous avons adopté la
semaine dernière.
A cette occasion, le Gouvernement a fait preuve d'une transparence sans
précédent en indiquant qu'il convenait de revoir à la baisse les prévisions de
recettes fiscales. La révision porte sur 700 millions d'euros.
L'incidence de cette révision a été contenue en dégageant des recettes
supplémentaires. Toutefois, les gestionnaires locaux que nous sommes savent que
les réductions de recettes doivent s'accompagner de réductions de dépenses,
faute de quoi il faudrait augmenter les impôts, ce qui n'est pas
envisageable.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Très bien !
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Vous voyez que j'écoute mon président de commission
!
(Sourires.)
En période de resserrement de la contrainte budgétaire, il est encore plus
urgent de s'interroger sur l'utilité des dépenses et sur l'efficacité des
procédures.
Je ne donnerai qu'un exemple, celui des crédits consacrés à la lutte contre
l'habitat insalubre. Ce sont des crédits d'investissement qui ont vocation à
améliorer une situation à bien des égards catastrophique. Or ces crédits ne
sont pas bien consommés.
Ainsi, 30 millions à 40 millions d'euros sont reportés d'année en année. Nous
ne pouvons plus nous permettre de laisser « dormir » de telles sommes, en
particulier s'agissant de l'outre-mer, où les besoins sont si importants.
Sur les orientations d'ensemble de votre budget, madame la ministre, la
commission des finances s'est félicitée que le projet que vous nous soumettez
commence, précisément, à réorienter les dépenses de l'Etat vers la couverture
des besoins les plus pressants outre-mer.
Les moyens nouveaux sont concentrés sur des actions prioritaires telles que
l'aide à la pierre.
La suppression des crédits de l'ancienne créance de proratisation permet des
redéploiements de crédits bienvenus, en particulier pour financer le «
passeport mobilité » qui constitue un premier pas attendu en faveur de
l'amélioration de la continuité territoriale.
S'agissant de la continuité territoriale, j'ai constaté, lors d'un déplacement
auprès de la Commission européenne, que les autorités communautaires étaient
réellement sensibles aux difficultés rencontrées par l'outre-mer et qu'elles
étaient très demandeuses des propositions que pourraient formuler le
Gouvernement et les élus dans ce domaine. Il y a là une perche qu'il ne faut
pas hésiter à saisir.
Sans entrer dans le détail, je voudrais, si vous le permettez, formuler deux
remarques complémentaires sur le projet de budget qui nous est soumis.
Ma première remarque concerne les crédits des aides à l'emploi du Fonds pour
l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, qui constituent, comme
les années précédentes, le « gros » du budget de l'outre-mer, même si leur part
dans le total diminue.
Il est particulièrement regrettable de constater que les crédits des
dispositifs d'aide à l'emploi non marchand sont intégralement consommés, ce qui
n'est pas le cas des crédits des dispositifs d'aide à l'emploi marchand.
Vous avez annoncé, madame la ministre, votre intention de réhabiliter les CAE,
les contrats d'accès à l'emploi. Nous approuvons cette orientation, qui est
indispensable au développement de l'outre-mer. Dans les DOM, où le salaire
moyen dans le secteur public est deux fois supérieur à celui du secteur privé
et où l'emploi public représente près de la moitié de l'emploi total, il est
urgent de soutenir l'emploi marchand et la compétivité des entreprises en
général.
Je sais que vous avez prévu de le faire dans votre projet de loi de programme
par de nouvelles exonérations de charges et par le rééquilibrage des mécanismes
d'aide fiscale à l'investissement, auxquels j'ai récemment consacré un rapport
d'information. Nous attendons ce texte avec impatience, et je crois savoir que
l'outre-mer l'attend également.
Ma deuxième remarque porte sur les crédits du fonds d'investissement des
départements d'outre-mer, le FIDOM, qui diminuent dans le projet de budget,
alors qu'ils sont d'habitude les mieux consommés. L'Etat aura-t-il les moyens,
en 2003, d'honorer ses engagements contractuels avec les collectivités locales
? La réduction des crédits du FIDOM, qui financent aussi les documents uniques
de programmation, les DOCUP, n'expose-t-elle pas les fonds structurels accordés
à l'outre-mer à l'application de la règle du « dégagement d'office » ?
Ce point est sensible, mes chers collègues, car la Guadeloupe pourrait perdre
35 millions d'euros de fonds structurels en 2003 du fait de l'application de
cette règle.
Madame la ministre, je suis particulièrement sensible à la conception que vous
avez de votre tâche. Depuis l'entrée en fonction du gouvernement auquel vous
appartenez, j'ai le sentiment que l'outre-mer n'est plus un pan de l'action
gouvernementale qu'on laisse fonctionner en circuit fermé. Au contraire, j'ai
le sentiment que les spécificités de l'outre-mer sont désormais prises en
compte par chacun de vos collègues, dans leurs domaines de compétence
respectifs. La cohérence de l'action de l'Etat y gagnera et le ministère de
l'outre-mer a vocation a y veiller, en jouant, en quelque sorte, le rôle de
chef d'orchestre.
Vous êtes confrontée, madame la ministre, à de multiples chantiers et vous les
abordez un par un, avec ordre et méthode.
Les dispositions que vous avez proposées dans le cadre du projet de loi
constitutionnelle sont de nature à nous permettre de faire un grand pas vers le
règlement des problèmes institutionnels, en mettant en place un cadre souple
mais stable.
Ce dossier à peine refermé, vous présenterez un projet de loi de programme,
madame la ministre. Ainsi, l'année 2003 sera plutôt consacrée aux débats
économiques, dont l'actualité révèle malheureusement l'urgence.
Les dispositions du projet de loi de programme, telles que vous les avez
annoncées, sont de nature à envoyer des signaux positifs aux entrepreneurs de
l'outre-mer.
Parallèlement, vous devrez poursuivre les négociations avec la Commission
européenne sur l'avenir de la principale protection dont bénéficie le tissu
économique de l'outre-mer, l'octroi de mer, sans lequel les productions locales
n'auraient aucune chance de concurrencer les produits importés.
Le Gouvernement doit négocier le régime qui suivra celui qui a été institué en
1992. Il s'agit d'un débat de première importance, compte tenu de
l'incompréhension que suscite cet impôt auprès de certains de nos partenaires
européens.
Il faut, madame la ministre, sauver l'octroi de mer. Mais, pour ce faire, il
faut définir un octroi de mer plus transparent, selon des procédures plus
claires et avec des objectifs mieux définis.
Pour résumer, mes chers collègues, que constatons-nous par rapport à l'année
dernière ?
D'abord, la politique de l'Etat outre-mer est en train de prendre une
véritable dimension interministérielle, le ministère veillant à ce que les
spécificités ultramarines soient prises en compte dans tous les aspects de la
politique du Gouvernement.
Ensuite, l'examen du projet de budget, contrairement aux années précédentes,
ne conduit pas à constater de manière résignée que les dépenses en faveur de
l'emploi non marchand progressent ; au contraire, les crédits sont redéployés
vers le financement de dispositifs dynamiques et innovants, tels que le «
passeport mobilité ».
Dans ces conditions, mes chers collègues, la commission des finances a décidé
de vous proposer d'adopter les crédits de l'outre-mer inscrits dans le projet
de loi de finances pour 2003.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
(M. Guy Fischer remplace M. Daniel Hoeffel au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis.
M. Daniel Raoul,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent
budget de l'outre-mer est un budget de transition dans l'attente de
l'élaboration d'une loi de programmation sur quinze ans annoncée par le
Président de la République. Ce texte a pour ambition de définir des mesures
plus adaptées à la situation économique de l'outre-mer, afin notamment de
stimuler l'emploi dans le secteur marchand. Il devrait proposer un système de
défiscalisation profondément rénové et pérenne, afin de constituer un véritable
outil de développement local auquel les entreprises domiennes puissent avoir
accès.
Force est de constater que le dispositif actuel, maintes fois modifié et
corrigé, y compris par la loi d'orientation du 12 décembre 2000 sur
l'outre-mer, est devenu trop complexe pour être attractif, qu'il ne semble pas
répondre aux besoins de financement des entreprises domiennes et qu'il a
surtout constitué une aubaine fiscale pour des métropolitains, conduisant à des
abus.
En outre, ce projet de budget s'inscrit dans le contexte plus général de la
réforme de la décentralisation. La réforme institutionnelle constitue un enjeu
majeur pour les départements d'outre-mer, la réforme de 1946 ayant montré ses
limites en matière d'assimilation en ne permettant pas de prendre en compte
leurs spécificités.
Les propositions de réforme consacrent, dans le repect de l'unité et des
principes de la République, la possibilité pour les DOM d'une évolution
institutionnelle et statutaire « sur mesure », si les collectivités le
souhaitent et avec le consentement des populations concernées.
Madame la ministre, les craintes exprimées par certains élus domiens montrent
la nécessité de réaffirmer solennellement le principe d'appartenance de nos
collectivités d'outre-mer à la République. S'agissant du contexte économique
des départements d'outre-mer, la crise profonde qui touche les Antilles nous
rappelle, s'il en était besoin, leur très grande fragilité structurelle malgré
les progrès qui ont été réalisés dans certains domaines, ainsi que la nécessité
impérative de tenir compte de leur environnement régional pour les aider à y
faire face. Je pense essentiellement au tourisme, au BTP et à la production de
la banane, mais je suis sûr que mon collègue Claude Lise y fera allusion dans
son intervention.
Dans le projet de loi de finances pour 2003, le projet de budget du ministère
de l'outre-mer s'élève à 1 084 millions d'euros. Si les axes d'orientation
majeurs restent l'emploi, l'insertion professionnelle et le logement, ils
traduident également une accentuation du soutien aux collectivités d'outre-mer,
notamment Mayotte et Wallis-et-Futuna, ainsi que les engagements de l'Etat en
autorisations de programme dans la mise en oeuvre des contrats de plan. J'y
reviendrai tout à l'heure.
Pour 2003, les crédits affectés aux aides à l'emploi s'établissent à 477
millions d'euros, en diminution de 8 % à structure constante, et la répartition
actuelle des crédits montre la part prépondérante des dispositifs d'aide aux
emplois du secteur non marchand, qui mobilisent 68 % des financements du
FEDOM.
En outre, il faut souligner que le niveau de consommation de ces crédits n'est
pas satisfaisant s'agissant des dispositifs d'aide à l'emploi dans le secteur
marchand : il atteint 46 % pour la prime à la création d'emploi et 27 % pour
les projets « initiatives jeunes ». Cela donne lieu à des reports d'une année
sur l'autre qui sont utilisés, le plus souvent, pour financer les dispositifs
d'emplois aidés dans le secteur non marchand, ce qui ne respecte pas
l'intention du législateur. Ces dispositifs sont toutefois efficaces sur le
terrain, même s'ils ne sont pas tous pérennes.
Pour 2003, l'ajustement opéré sur le financement des principales mesures
instaurées par la loi d'orientation pour l'outre-mer de décembre 2000 pourrait
être justifié par la mauvaise consommation des crédits constatée en 2001 et en
2002. Sur 23 000 mesures annoncées en 2002, un tiers devraient être réalisées,
alors que les besoins sont énormes. Les causes de ce non-emploi de crédits
doivent être recherchées.
S'agissant des crédits consacrés aux emplois-jeunes, qui sont en augmentation
pour 2003, madame la ministre, vous avez pris l'engagement que tous les
contrats iraient à leur terme. Qu'en sera-t-il l'an prochain ?
Il faut relever la légère réorientation des crédits du FEDOM à travers
l'enveloppe des contrats d'accès à l'emploi, calculée pour financer 5 000
contrats alors que 4 500 étaient programmés en 2002.
Enfin, il faut se féliciter de la création du « passeport mobilité »,
concrétisant le principe de continuité territoriale pour les jeunes dans le
cadre de leurs études, de leur formation ou de leur premier emploi. Mis en
place au 1er septembre, il est destiné à 11 000 étudiants et à 5 000 jeunes en
formation professionnelle les premières estimations qui nous sont parvenues
semblent indiquer que le nombre de bénéficiaires affiché sera atteint dès
2002.
La formation professionnelle et l'insertion doivent être des priorités,
particulièrement dans ces territoires. Tous les moyens qui y contribuent
doivent être mobilisés et le passeport mobilité en est un. Je tiens à signaler
que, en dépit de la crise du tourisme, aucun lycée hôtelier n'est établi en
Guadeloupe ! Par conséquent, des moyens financiers doivent être affectés à la
formation, même s'ils ne dépendent pas de votre budget, madame la ministre.
On peut rappeler que le projet « initiatives jeunes » est conçu pour aider les
jeunes âgés de moins de trente ans à créer leur entreprise ou à suivre une
formation professionnelle dans leur département d'origine ou à l'extérieur,
encourageant ainsi leur mobilité géographique et professionnelle.
L'action du ministère en faveur du logement ne se dément pas compte tenu des
besoins recensés. Votre objectif, madame la ministre, est de consommer
l'ensemble des moyens disponibles afin de limiter l'importance des reports
traditionnellement constatés sur ces lignes, en particulier pour la résorption
de l'habitat insalubre. La simplification des procédures et, sans doute,
l'extinction de la créance de proratisation devraient y concourir.
Les crédits pour 2003 doivent assurer le financement de 15 000 logements, dont
10 000 en construction neuve et 5 000 en amélioration.
S'agissant des interventions de l'Etat en faveur des collectivités
d'outre-mer, le projet de budget pour 2003 accentue les mesures de soutien aux
collectivités, en majorant la section fonctionnement de la dotation de
rattrapage et de premier équipement des communes de Mayotte créée par la loi du
11 juillet 2001 relative à Mayotte, en finançant la desserte inter-îles à
Wallis-et-Futuna et en abondant le fonds mahorais de développement créé par la
même loi de juillet 2001.
En ce qui concerne le financement des contrats de plan Etat-région pour les
départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, les engagements
de l'Etat seront tenus s'agissant des autorisations de programme pour les
années 2001, 2002 et 2003.
En revanche, la diminution de 14 % des crédits de paiement proposée pour 2003
ne permet pas d'assurer le respect minimum de ces engagements.
Je m'interroge, madame la ministre, sur les effets possibles de cette
diminution de crédits. Si cela doit entraîner un ralentissement dans la mise en
oeuvre des contrats de plan et si, par voie de conséquence, les fonds
structurels ne sont pas consommés, les départements d'outre-mer ne risquent-ils
pas de se voir appliquer la règle du « dégagement d'office », introduite en
1999, et de perdre ainsi définitivement des crédits européens ?
Compte tenu de l'importance des financements communautaires ouverts aux
départements d'outre-mer, que comptez-vous faire pour remédier à cette
situation ? Et qu'adviendra-t-il après 2006 de l'aide compensatoire pour le
secteur de la banane ?
Sous réserve de ces observations, auxquelles j'attache personnellement une
très forte importance, la commission des affaires économiques a donné un avis
favorable à l'adoption des crédits concernant l'outre-mer pour 2003.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les aspects
sociaux.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
au cours de ces dernières semaines, l'outre-mer a connu un regain de tension
sociale. Il faut sans doute y voir le signe d'une inquiétude croissante face à
l'évolution de l'activité touristique, soumise à la pression concurrentielle
des pays voisins, mais cette tension est révélatrice d'une crise plus profonde
des sociétés ultramarines. Nos collègues sénateurs de l'outre-mer n'ont pas
manqué de s'en faire l'écho à plusieurs reprises, et ils nous le confirmeront
certainement à l'occasion de l'examen du présent projet de budget.
L'actualité immédiate ne doit certes pas nous dicter nos analyses, mais elle
confirme le diagnostic en deux points de la commission des affaires
sociales.
En premier lieu, l'amélioration de la situation du marché du travail ces
dernières années n'a pas suffi à mettre fin à l'instabilité des sociétés
ultramarines.
En second lieu, la mise sous perfusion d'une économie et le traitement social
du chômage ne peuvent ni tenir lieu de politique économique ni offrir de
véritable perspective de développement durable.
Au-delà des premières solutions qui sont proposées dans le projet de budget,
l'outre-mer exige sans nul doute une action d'une grande ampleur. Le
Gouvernement en est d'ailleurs bien conscient puisqu'il prépare une loi de
programme sur quinze ans.
De fait, en matière d'emploi, le taux de chômage moyen se réduit à un rythme
moins rapide depuis le printemps 2001. Il se maintient à un niveau fort élevé,
qui avoisine 26 %.
En matière de logement, les actions qui ont été engagées n'ont pas permis de
remédier à la situation : le parc de logements est sinistré et le système de
financement est en bout de course. Les bidonvilles sont, hélas ! encore une
réalité en France. Trois années d'application de la loi d'orientation n'auront
pas suffi à remédier à une crise endémique dont les gouvernements successifs
n'avaient vraisemblablement pas pris toute la mesure.
Dans ce contexte préoccupant, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit
une augmentation réelle des crédits de l'outre-mer. Le Gouvernement a en outre
manifesté avec force sa détermination à mettre fin à la sous-consommation des
crédits à laquelle nous avons jusqu'à présent été habitués. Je ne peux que m'en
féliciter.
C'est pourquoi, en matière d'emploi, premier volet du budget de l'outre-mer,
le Gouvernement entend orienter son action vers deux priorités qui me semblent
indispensables pour assurer le rattrapage économique des DOM.
La première consiste à encourager le développement de la mobilité et de
l'insertion professionnelle des jeunes, politique qui comprendra la création
d'un passeport mobilité et l'augmentation des moyens du service militaire
adapté. Ces innovations ont été particulièrement appréciées par la commission
des affaires sociales, laquelle est convaincue, d'une part, que l'insertion
professionnelle des jeunes passe par la mobilité et, d'autre part, que le
succès indiscutable du service militaire adapté mérite d'être conforté.
La seconde priorité vise à réorienter les moyens de la politique de l'emploi.
Elle supposera un réajustement des mesures d'insertion vers davantage de
réalisme. Cette réorientation servira de fondement à la future loi de
programme, dont on sait déjà qu'elle comprendra des mesures en faveur du
secteur productif et de l'investissement.
La commission des affaires sociales, qui n'a eu de cesse, dans ses précédents
avis, que de dénoncer le traitement social du chômage, se réjouit aujourd'hui
de cette stratégie en faveur de l'économie productive.
Pour le reste, deux défis majeurs doivent encore être relevés.
Le premier concerne la promotion du rôle du secteur productif. Cette
revitalisation est devenue essentielle dans des départements où certains
contrats aidés, comme les emplois-jeunes, sont promis à l'extinction.
Le second porte sur l'amélioration des dispositifs d'insertion. L'Etat a, sur
ce point, un rôle à jouer par le biais des agences départementales d'insertion,
dont les marges de manoeuvre financières pourraient être réorientées au service
de la prévention et de l'animation en faveur des jeunes en difficulté, de la
santé des plus démunis et de l'accompagnement des familles : autant de pistes
qui ne doivent pas être négligées si l'on souhaite insérer durablement ces
populations.
En matière de logement, second volet des crédits sociaux du budget de
l'outre-mer, le projet de budget pour 2003 initie une dynamique nouvelle par
une augmentation sensible des crédits et privilégie deux orientations.
Pour remédier aux carences du parc de logements, le Gouvernement prévoit la
construction et la rénovation de 15 000 logements et la poursuite de la
résorption de l'habitat insalubre.
Pour combler les lacunes du système de financemement, il préconise un
dispositif novateur : d'une part, la maîtrise du foncier sera renforcée ;
d'autre part, les aides de l'Etat seront diversifiées pour mieux tenir compte
des besoins en logement des ménages.
La commission des affaires sociales a particulièrement apprécié l'effort du
Gouvernement pour apporter des réponses concrètes et équilibrées aux
difficultés tant des constructeurs que des locataires de logements sociaux
outre-mer.
Reste que la mise en oeuvre de ce programme pourrait se heurter à des
obstacles qui tiennent largement aux difficultés financières des collectivités.
L'ampleur des besoins dans les DOM peut en effet rendre décevante toute action,
fût-elle d'envergure. Aussi importe-t-il de mieux accompagner la maîtrise du
foncier par l'amélioration des mécanismes d'aide à la pierre, la simplification
des procédures administratives et l'instauration d'un soutien efficace aux
acteurs locaux du logement social.
Les premières mesures que vous présentez aujourd'hui, madame la ministre,
augurent de l'ambitieux dispositif que vous préparez dans votre future loi de
programme. En ce sens, et même s'il reste un budget de transition, ce budget
pose des bases, tout en concrétisant d'ores et déjà plusieurs priorités
justifiées par l'urgence sociale dans les DOM.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis
favorable à l'adoption du projet de budget de l'outre-mer pour 2003.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. José Balarello, rapporteur pour avis.
M. José Balarello,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour les départements d'outre-mer.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, la commission des lois, saisie pour avis, a
adopté un rapport en quatre parties dont je vais essayer, dans le temps qui
m'est imparti, de brosser les grandes lignes.
La première partie est consacrée à l'examen de l'évolution des crédits
relevant de notre compétence consacrés aux DOM et aux deux collectivités de
Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Les crédits du ministère de l'outre-mer sont en légère augmentation et
représentent 14 % du total.
Quant aux contributions provenant du ministère de l'intérieur, les crédits de
paiement augmentent de 1 %, les autorisations de programmes de 2,23 %.
Pour le ministère de la justice, si les crédits de paiement progressent de 5
%, les autorisations de programme augmentent de 562 %, pour atteindre 40,9
millions d'euros contre 6,17 millions d'euros en 2002, cette très forte hausse
devant permettre la modernisation du patrimoine immobilier - palais de justice
et établissements pénitentiaires - dont l'urgence se fait sentir. Certaines
prisons, telle celle de Saint-Denis-de-la-Réunion, devraient être prioritaires,
madame la ministre, et nous nous en sommes déjà entretenus à différentes
reprises.
La deuxième partie de notre rapport comporte l'analyse des grandes
orientations gouvernementales qui transparaissent au travers des affectations
budgétaires. Il s'agit non seulement de renforcer les missions régaliennes de
l'Etat - sécurité, justice, maîtrise de l'immigration, fonction publique - mais
également de mettre en place des initiatives nouvelles, par exemple le
passeport mobilité, initiative dont nous vous félicitons, madame la
ministre.
Nous évoquons les évolutions de l'immigration et de la délinquance. Moindre
qu'en métropole, cette dernière n'en est pas moins inquiétante : la délinquance
dite de « voie publique », notamment, augmente de 31,9 % en cinq ans.
Nous évoquons également le problème du trafic de drogue dans la Caraïbe et du
contrôle de l'aéroport de Saint-Martin.
Quant à l'activité de la justice, elle est satisfaisante.
La troisième partie est consacrée aux apports de l'Europe et aux fonds
structurels.
Les quatre départements d'outre-mer français font partie des régions
ultrapériphériques de l'Europe, avec Madère, les Açores et les Canaries, et, à
ce titre, ils bénéficient des fonds structurels, qui ont été portés, pour la
période 2000-2006, à plus de 22 milliards d'euros pour les seuls DOM.
Quant à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, éligibles au Fonds européen de
développement, ils recevront respectivement 15,2 millions d'euros et 12,4
millions d'euros pour la même période.
Reste à savoir si tous les DOM seront capables de consommer ces crédits.
Dans la loi d'orientation pour l'outre-mer, le Sénat avait adopté, sur ma
proposition, une disposition tendant à la création d'une commission du suivi,
car, madame la ministre, vous l'avez confirmé, et M. le rapporteur spécial
s'est abondamment exprimé sur ce point, il y a d'importantes
non-consommations.
Il faudra aider les DOM non seulement à monter les dossiers mais également à
budgétiser les parts restantes, puisqu'il s'agit souvent de financements
croisés.
La quatrième partie de notre rapport traite de l'évolution institutionnelle et
statutaire des DOM et de Mayotte.
Les deux missions d'information menées sur place par la commission des lois
ont fait apparaître la nécessité de prévoir pour les départements français
d'Amérique un statut « cousu main », étant précisé qu'il n'y a pas de problèmes
dans l'océan Indien, la Réunion voulant conserver son statut actuel de
département et Mayotte aspirant à le devenir.
Pour la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, les congrès prévus par la loi
d'orientation sur l'outre-mer se sont réunis respectivement les 17 décembre
2001, 23 février 2002 et 29 juin 2001.
Vous trouverez dans notre rapport le détail de leurs propositions, qui vont
toutes dans le sens d'une plus large autonomie, avec un pouvoir législatif et
réglementaire limité, et de la création d'une nouvelle collectivité se
substituant aux départements et à la région, qui disparaîtraient, avec, pour la
Guyane, la création de districts.
Aucun des DOM ne veut sortir de la République française et de l'Europe, mais,
comme le Président de la République l'a précisé, la consultation des
populations est un préalable à toute modification, d'où l'obligation d'opérer
une révision constitutionnelle modifiant notamment les articles 73 et 74 de
notre loi fondamentale.
Le texte a été examiné par le Sénat en octobre et en novembre 2002 ; il devra
être adopté en Congrés à Versailles.
C'est à notre avis urgent, madame la ministre, pour mettre fin à certaines
incertitudes et aux manoeuvres d'un petit nombre qui, dans certains
départements, perturbent la vie économique, dissuadent les investisseurs de
venir, ternissent l'image de marque de ces admirables régions, qui sont
françaises depuis plusieurs siècles.
Cela étant dit, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption
des crédits consacrés aux départements d'outre-mer pour 2003.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, la
commission des lois saisit l'occasion du débat budgétaire pour faire le point
sur la situation de quatre de nos collectivités d'outre-mer dans les domaines
relevant de sa compétence au fond, en particulier les réformes
institutionnelles, la mise à niveau du droit applicable dans ces collectivités
régies par le principe de la spécialité législative, l'évolution de la
délinquance, l'activité et les moyens des juridictions, les liens d'association
avec l'Union européenne.
La loi de finances pour 2003 devrait être la dernière à traiter des crédits
consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, la catégorie
juridique des territoires d'outre-mer étant en sursis : elle devrait s'éteindre
avec l'adoption de la réforme constitutionnelle en cours relative à
l'organisation décentralisée de la République.
Les Terres australes et antarctiques françaises, caractérisées par l'absence
de population autochtone et, corrélativement, d'assemblée délibérante,
devraient être la seule collectivité à conserver cette dénomination en vertu de
leur loi statutaire. Peut-être faudra-t-il songer l'an prochain à modifier les
domaines de compétence des rapporteurs pour avis, même si les Terres australes
et antarctiques sont d'un grand intérêt !
(Sourires.)
Ce cadre constitutionnel rénové devrait permettre une meilleure adaptation
statutaire à la diversité des situations en faisant, selon l'expression
employée par M. José Balarello et désormais consacrée, du « cousu main ». Je
m'en réjouis, à condition que les évolutions institutionnelles favorisent un
développement harmonieux des collectivités concernées.
Je me félicite également, madame la ministre, du dispositif constitutionnel
qui permettra d'accélérer l'actualisation du droit applicable outre-mer par une
habilitation permanente du Gouvernement à procéder par ordonnances, l'exigence
de ratification expresse de ces ordonnances dans un délai de dix-huit mois
proposée par le Sénat et acceptée par vous, madame la ministre, devant garantir
une meilleure sécurité juridique.
Je ne m'attarderai pas sur les aspects proprement financiers, brillamment
exposés par le rapporteur de la commission des finances, M. Roland du Luart.
Dans la mesure où les travaux de la commission des lois présentent la
spécificité de distinguer les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie
des autres collectivités situées outre-mer, je me contenterai d'ajouter, pour
m'en réjouir, que la part des crédits consacrée à ces territoires dans le
budget de l'outre-mer progresse pour 2003 de près de 4 % et que l'effort
budgétaire global consenti en leur faveur, tous budgets contributeurs
confondus, hors crédits non répartis et coût de gestion des services
métropolitains, s'élève à plus de 1,8 milliard d'euros.
Si la diversité de l'outre-mer en fait la richesse et doit être préservée,
elle ne facilite pas l'exercice d'un exposé en cinq minutes, monsieur le
président, et me contraint à passer du « cousu main » ... au « décousu » !
(Sourires.)
Je n'évoquerai donc que quelques aspects d'actualité.
Tout d'abord, concernant le volet institutionnel, j'observe que la
Nouvelle-Calédonie rencontre encore des difficultés dans le fonctionnement de
son gouvernement régi par le principe de la collégialité, difficultés qui sont
en grande partie dues aux dissensions au sein du mouvement indépendantiste.
J'en veux pour preuve le tout récent renouvellement du gouvernement à la suite
de la démission d'un de ses membres.
Je salue en revanche le succès des « lois du pays ». Sur vingt-deux, une seule
a été soumise au Conseil constitutionnel, et le recours a d'ailleurs été
rejeté. Ces actes sont essentiellement intervenus dans les domaines de la
fiscalité, en particulier pour encourager les investissements dans le secteur
minier, du droit du travail et de la protection sociale.
Madame la ministre, je sais que vous avez reçu plusieurs dirigeants du secteur
minier. Le développement de celui-ci nous préoccupe, bien sûr, car c'est le
gage d'un rééquilibrage économique de la Nouvelle-Calédonie. Les trois projets
en cours sont donc indispensables pour contribuer au progrès économique de la
Nouvelle-Calédonie.
Concernant la Polynésie française, dans l'attente de la prochaine révision
statutaire consécutive à la réforme constitutionnelle en cours, j'observe que
les institutions - qui étaient déjà en avance, monsieur Flosse - fonctionnent
de façon satisfaisante et que certains mécanismes novateurs de 1996 sont
fréquemment utilisés. Ainsi, les procédures de demande d'avis au Conseil d'Etat
sur les questions de répartition des compétences entre l'Etat et le territoire
ont-elles été mises en oeuvre à trente-trois reprises. Le Conseil d'Etat a
d'ailleurs rendu des avis tantôt en faveur de la Polynésie tantôt en faveur de
l'Etat, ce qui prouve que la formule est équilibrée !
Concernant le volet policier et judiciaire, la Nouvelle-Calédonie et la
Polynésie française ont connu l'une comme l'autre, en 2001, une hausse brutale
de la délinquance, en particulier de la délinquance de voie publique et de la
délinquance des mineurs, même si le niveau global est nettement inférieur au
niveau métropolitain, et un taux d'élucidation en revanche particulièrement
élevé.
Il m'est difficile, madame la ministre, d'entrer dans le détail de l'activité
des juridictions, mais je tiens à souligner que, si les réponses aux
questionnaires budgétaires sur la délinquance sont satisfaisantes, les
informations relatives à l'activité des juridictions laissent, cette année
encore, supposer, de par leur indigence, qu'aucun suivi sérieux n'existe.
Je ne peux, sur ce point, que remercier très vivement les chefs des
juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratrif calédoniennes
et polynésiennes, car ils n'ont pas hésité à répondre directement à nos
interrogations, à la différence de la chancellerie, qui s'est, quant à elle,
mise aux « abonnés absents ».
Concernant la politique contractuelle d'aide au développement, je mentionnerai
la pérennisation du fonds pour la reconversion économique de la Polynésie
française par une nouvelle convention signée le 4 octobre 2002, et deux
nouvelles mesures pour Wallis-et-Futuna : le passeport mobilité, d'une part,
qui s'adresse aux jeunes, et une convention de développement, d'autre part,
tendant à accélérer le rattrapage économique et social.
Enfin, je veux rappeler l'aboutissement du processus de révision du lien
d'association entre les pays et territoires d'outre-mer et l'Union européenne,
la nouvelle décision d'association, qui se substitue à celle du 25 juillet
1991, étant entrée en vigueur le 2 décembre 2001. Je rappelle que
l'élargissement de la nouvelle convention profite essentiellement à
Wallis-et-Futuna, ce dont je ne peux que me réjouir.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis
favorable à l'adoption des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à
la Nouvelle-Calédonie dans le projet de budget du ministère de l'outre-mer pour
2003.
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 26 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse.
Madame la ministre, vos crédits, d'un montant de 1,084 milliard d'euros, sont
en augmentation de 1,5 % à périmètre constant. Bien entendu, je me réjouis de
voir que vous avez obtenu une amélioration de vos moyens d'action. Toutefois,
celle-ci ne me paraît pas encore suffisante, surtout si nous nous rappelons que
votre budget ne représente que 0,4 % du budget général de l'Etat. Il est vrai
que d'autres ministères interviennent outre-mer et que les masses en cause, sur
l'emploi desquelles vous avez bien évidemment votre mot à dire, sont beaucoup
plus importantes.
C'est ainsi que, pour l'ensemble des territoires d'outre-mer, les dépenses
ordinaires et crédits de paiement atteignent 227 millions d'euros, dont 47
millions d'euros pour la Polynésie, tandis que, pour l'ensemble des ministères,
les dépenses s'élèvent à 1,852 milliard d'euros, dont 936 millions d'euros pour
la Polynésie.
Vous savez, madame la ministre, que notre position au sujet de cet écart entre
vos moyens et l'action globale de l'Etat en faveur de l'outre-mer n'a pas
varié.
Le gouvernement précédent, qui n'avait pas de véritable politique de
l'outre-mer, n'était représenté que par un secrétaire d'Etat. Le président
Jacques Chirac a voulu montrer l'importance qu'il attache à l'outre-mer en
transformant ce secrétariat d'Etat en un vrai ministère, comme nous le
souhaitions. Cependant, vous devez avoir les moyens d'une grande politique de
la France pour l'outre-mer : c'est ce que j'ai retenu du message de Jacques
Chirac, c'est la volonté qui se manifeste au travers de votre action
déterminée, c'est l'objectif qu'il faut vous aider à atteindre.
Il faut vous soutenir, tout d'abord, pour que votre administration devienne
l'outil performant qui vous est nécessaire. Je ne verrais donc que des
avantages à ce que vous puissiez ouvrir de nouveaux postes de haut niveau dans
le cadre de votre budget. Vous ne devez pas être obligée de transformer des
postes destinés à des services territoriaux en postes d'Etat, ce qui ne me
paraît être ni adapté au problème posé ni satisfaisant pour nous.
Il faut vous soutenir, ensuite, pour que les premières mesures que vous avez
prises afin de rapprocher l'outre-mer de la métropole soient renforcées et
puissent être intégrées et développées dans le projet de loi de programme pour
l'outre-mer que vous préparez. A ce sujet, j'applaudis à la mise en place
remarquablement rapide du « passeport mobilité » en faveur des jeunes faisant
leurs études universitaires ou professionnelles en métropole.
De même, je salue la volonté que vous avez de parvenir à assurer une desserte
aérienne de l'outre-mer. Vous savez que nous avons dû, de notre côté, créer
notre compagnie aérienne. Il nous fallait agir sans attendre devant l'abandon
de notre destination par Air Lib et, dans quelques mois, par Corsair. Pour
maintenir la desserte par Corsair au-delà de la date d'arrêt annoncée
pratiquement sans préavis, nous avons dû aider son exploitation. Et je ne parle
pas des tergiversations d'Air Lib ! J'avoue que j'ai été stupéfait d'apprendre
que les représentants de ces compagnies avaient critiqué nos efforts pour
compenser leur disparition ! Notre compagnie Air Tahiti Nui a donc élargi son
champ d'action, non sans mal, à la desserte de Paris. J'espère qu'elle
bénéficiera des mêmes aides que celles que vous accorderez à la future
compagnie des DOM.
Il faut enfin vous soutenir, madame la ministre, dans votre dialogue avec
certains ministères moins motivés par l'outre-mer que d'autres. Mais je sais
que, dans ce domaine également, vous bénéficiez de l'appui sans réserve du
Président de la République.
Dans ce contexte, permettez-moi de vous remercier à nouveau de votre combat et
de l'aboutissement de la réforme constitutionnelle, qui, pour ce qui nous
concerne, vient d'être approuvée, dans les mêmes termes que par le Sénat, par
l'Assemblée nationale.
Je vous remercie également d'avoir pu pérenniser le fonds de reconversion de
la Polynésie française tout en modifiant profondément son fonctionnement. Vous
aviez pu constater, dans les fonctions que vous occupiez à l'Elysée, à quel
point le précédent gouvernement avait paralysé l'utilisation des crédits qui
nous étaient destinés, aux termes de la convention signée avec Alain Juppé,
alors Premier ministre, en 1996.
Vous avez donc, dans l'esprit de la décentralisation, laissé les choix
d'opportunité à la Polynésie française. Vous avez responsabilisé les élus
polynésiens tout en contrôlant le bon usage des fonds publics. Désormais, le
fonds de reconversion fonctionnera de façon satisfaisante.
Je souhaite par ailleurs que le ministère de Mme Alliot-Marie ne se
désintéresse pas de la Polynésie. Il reste en effet à nous transférer les
terrains et les constructions de Hao, devenus inutiles aux forces armées. Ils
sont en revanche indispensables à la réalisation du projet d'élevage de thons
que nous avons mis au point pour permettre la reconversion de l'atoll et le
développement de la ressource marine en Polynésie française.
En ce qui concerne le ministère de la justice, je remercie le garde des sceaux
de l'intégration des quatorze agents du centre pénitentiaire qui restaient sans
statut. Mais je suis inquiet de constater qu'aucun crédit d'investissement
n'est prévu pour la reconstruction du centre pénitentiaire de Nuutania. La
vétusté, l'état de dégradation et l'inadaptation de ce dernier ont fait l'objet
de rapports multiples ; je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez le
rappeler à votre collègue Dominique Perben, que nous estimons beaucoup.
J'en viens maintenant à un sujet qui préoccupe tous les investisseurs
outre-mer, celui des pratiques restrictives de la direction générale des
impôts. L'outre-mer, vous l'avez dit de la manière la plus claire, ne peut se
développer sans mesures d'incitation fiscale. Celles-ci valent bien mieux que
l'entretien permanent de chômeurs ou d'allocataires du RMI, car elles
permettent la création de ressources propres, donc d'emplois permanents dans
nos collectivités.
M. Bruno Sido.
Tout à fait !
M. Gaston Flosse.
Or je constate que les pratiques dommageables sont toujours en vigueur, au
point que l'on pourrait se demander si la majorité a réellement changé.
Plusieurs dossiers d'investissement sont toujours en souffrance à Bercy.
La première pratique condamnable consiste à plafonner la base défiscalisable.
Cela n'a pas de sens, surtout dans l'hôtellerie, secteur essentiel pour le
développement de la plupart de nos départements et territoires d'outre-mer.
La deuxième pratique est de décider de plus en plus systématiquement des
abattements sur le niveau de défiscalisation.
La troisième pratique, toute récente, consiste à considérer que toute aide de
notre part, quelle que soit sa forme, doit être déduite de la base
défiscalisable.
Ces pratiques, qui se conjuguent avec la lenteur de l'instruction des
dossiers, tendent de plus en plus à faire douter les investisseurs de la
volonté de l'Etat d'appliquer les lois de défiscalisation. Nous attendons donc
votre texte avec impatience, madame la ministre, puisqu'il devrait mettre fin à
ces méthodes dignes de temps révolus. Il ne faudrait pas que ces dernières, si
elles perduraient, aboutissent à remettre en cause les engagements solennels
pris par le Président de la République.
J'aborderai enfin les problèmes de nos communes. Le rôle de ces dernières,
encore très jeunes pour la plupart d'entre elles, se développe, et leurs moyens
ne sont pas à la hauteur des attentes des administrés.
En matière de ressources financières, les communes polynésiennes dépendent,
pour part, des dotations de l'Etat, et, pour l'essentiel, de l'affectation
d'une part des recettes fiscales du territoire. Nous avions prévu, dans la loi
d'orientation de 1994, une dotation supplémentaire de l'Etat, mais le montant
de celle-ci n'évolue pas, alors que les dépenses croissent. Sans la
participation complémentaire du territoire par convention particulière, les
budgets d'équipement des communes seraient inexistants.
Outre les moyens financiers, il manque à nos communes des moyens humains. Les
communes ont besoin de cadres ; il faudrait que l'Etat puisse mettre à leur
disposition des cadres administratifs et techniques de haut niveau. Le
personnel communal, de son côté, attend depuis plusieurs années d'être doté
d'un statut qui devra tenir compte de nos spécificités.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Gaston Flosse.
Monsieur le président, nous n'avons qu'une seule fois dans l'année l'occasion
de nous exprimer !
M. Robert Bret.
C'est vrai pour tout le monde !
M. Gaston Flosse.
Vous pourriez faire une petite exception pour l'outre-mer !
M. le président.
Monsieur Flosse, des décisions ont été prises en conférence des présidents, et
mon devoir est de les appliquer. Je suis très indulgent, mais je ne veux pas
créer de précédent. Le temps de parole n'est pas proportionnel à la distance
!
Je vous invite donc encore une fois à conclure.
M. Gaston Flosse.
J'en ai presque terminé, monsieur le président. L'amélioration du recrutement
et de la formation ainsi que la mise en place du statut se traduiront
évidemment par des surcoûts.
Si le gouvernement de Polynésie est disposé à élargir les possibilités de
fiscalité propre des communes, il est certain qu'un apport supplémentaire de
l'Etat sera nécessaire pour alimenter leur budget de fonctionnement. Je compte
là encore sur votre ténacité, madame la ministre, pour atteindre cet objectif,
avec l'appui du président du Sénat, qui a pu constater sur place la vitalité,
mais aussi les besoins, de nos municipalités.
Madame la ministre, vous vous êtes engagée dans une oeuvre considérable,
difficile, mais passionnante. Nous sommes certains que, grâce à la compétence,
à l'expérience et à la ténacité que chacun vous reconnaît, vous réussirez. De
notre côté, nous vous assurons de notre soutien.
Il me semble nécessaire que, dans l'esprit de votre action, l'outre-mer soit
plus visible en métropole, dans sa diversité et dans sa richesse. Il faut pour
cela créer un lieu à la fois symbolique et productif, un centre culturel et
économique, un témoignage de l'apport que l'outre-mer représente pour la
communauté nationale.
La France est une chance pour l'outre-mer, et l'outre-mer une chance pour la
France. C'est ce que vous voulez montrer, et nous le voulons avec vous.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n'ai pas
l'habitude d'accorder plus d'importance qu'il ne faut au taux de progression
d'un budget. J'aurais donc pu passer très vite sur le fait que le projet de
budget de l'outre-mer pour 2003 marque une augmentation de 1,5 % seulement.
C'est évidemment une progression très faible, inférieure même au taux de
l'inflation, accompagnée de surcroît d'une réduction de 6,31 % des
autorisations de programme !
Toutefois, si je m'attarde un court instant sur ces chiffres, ce n'est surtout
pas pour céder à la tentation d'imiter le comportement de ceux qui n'hésitaient
pas à affirmer ici, les années précédentes, que des augmentations de l'ordre de
3 % ou même de 7 %, à structure constante, caractérisaient des « budgets de
régression » ; c'est, en fait, parce que je suis choqué d'entendre dire que les
précédents budgets de l'outre-mer auraient connu un taux de consommation «
scandaleusement insuffisant », et que celui qui nous est présenté aujourd'hui
jouirait d'un étrange privilège, garantissant à l'avance une consommation des
crédits à hauteur de 100 %. Il y aurait eu, auparavant, des budgets virtuels,
et l'on ouvrirait l'ère des budgets réels !
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
C'est l'effet balance !
M. Claude Lise.
Ce système de défense ne peut évidemment convaincre que ceux qui ignorent
l'existence d'une pratique qui a, hélas ! cours sous tous les gouvernements :
la mise en réserve de crédits en vue de limiter le déficit budgétaire.
Cette pratique explique, pour l'essentiel, la sous-consommation observée, qui
n'est en rien une spécificité du budget de l'outre-mer. De 1999 à 2001, le taux
de consommation globale de ce dernier a toujours été supérieur à 81 %.
Je souhaite bien sûr, et très sincèrement, que le budget pour 2003 puisse
bénéficier du meilleur taux de consommation, mais l'on me permettra d'afficher
un optimisme modéré à cet égard, quand le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie annonce que la France fera ce qu'il faut pour éviter que le
déficit public n'atteigne le seuil des 3 % et quand le ministre délégué au
budget et à la réforme budgétaire annonce clairement un gel de crédits pour le
mois de janvier prochain.
Quoi qu'il en soit, madame la ministre, il aurait été plus simple et plus
juste d'avouer que, dans le contexte budgétaire actuel, il ne vous a pas été
possible de mobiliser un volume plus important de crédits pour l'outre-mer. Je
suis d'ailleurs convaincu que vous avez essayé d'obtenir une enveloppe plus
importante. En effet, contrairement à certains de mes collègues qui adressaient
ce reproche à vos prédécesseurs, je ne vous ferai pas grief de ne pas porter un
réel intérêt à l'outre-mer. Mon positionnement politique ne m'empêche nullement
d'apprécier votre engagement dans l'accomplissement de la mission qui vous a
été confiée, madame la ministre.
Cela dit, si l'on peut relativiser l'importance du taux de progression de
votre budget, il ne peut en aller de même pour celle de l'effort global
consenti en faveur de l'outre-mer par l'ensemble des ministères.
Or, s'agissant de cet effort global, qui représente près de dix fois le budget
de l'outre-mer, c'est malheureusement de stagnation qu'il faut parler, et sur
ce point je ne peux cacher mon inquiétude.
Cela signifie qu'aucune des mesures de la future loi de programmation n'est
financée, et cela confirme que celle-ci n'aura aucun effet dans le courant de
l'année 2003.
Dans quelle situation se trouvera donc l'outre-mer l'année prochaine, en
particulier certains départements déjà en proie à toutes les difficultés que
l'on sait, notamment aux conséquences des véritables crises que connaissent
certains secteurs tels que le tourisme, la banane ou le BTP ?
Je m'interroge avec d'autant plus de gravité que je m'aperçois, revenant à
votre projet de budget, madame la ministre, que certains choix que vous avez
faits en matière d'aide à l'emploi et à l'activité vont poser problème.
Ainsi, vous réduisez les crédits du fonds pour l'emploi dans les DOM, qui
diminuent de 2,8 % à périmètre constant.
En outre, sept dispositifs sur dix enregistrent une baisse des crédits qui
leur sont affectés : c'est le cas notamment des primes à la création d'emploi,
de l'allocation de retour à l'activité, du congé solidarité, des PIJ, les
projets initiative jeunes, des contrats d'insertion par l'activité et des
contrats de retour à l'emploi, pour lesquels les baisses sont respectivement de
48 %, de 47 %, de 7 %, de 45 %, de 4 % et de 25 %.
Vous avez choisi de réorienter les crédits du FEDOM vers le secteur marchand,
par le biais, en particulier, des CAE, les contrats d'accès à l'emploi. Je
comprend parfaitement ce partis pris. Qui, d'ailleurs, ne préfère pas, lorsque
cela est possible, privilégier l'emploi en entreprise ?
Il faut toutefois tenir compte de la réalité du terrain. Cette réalité,
actuellement, est que les taux de consommation des crédits relatifs aux mesures
d'aide à l'emploi marchand ne sont pas satisfaisants et que les CAE, que vous
voulez promouvoir, semblent devenir moins attrayants depuis la mise en place
des exonérations de charges sociales prévues par la loi d'orientation.
Pourquoi se détourner de dispositifs qui donnent incontestablement des
résultats positifs, ne serait-ce qu'en attendant la mise en oeuvre effective
et, surtout, les effets tangibles de la future loi de programmation ?
Parmi ces dispositifs, certains permettent d'ailleurs de créer de vrais
emplois durables. Je tiens à attirer votre attention, tout particulièrement,
sur deux d'entre eux qui donnent des résultats très intéressants, en Martinique
en tout cas : le congé solidarité et le projet initiative jeunes.
S'agissant du congé solidarité, qui n'est entré en application qu'en 2002, on
comptait en Martinique, voilà environ un mois, 555 salariés ayant fait acte de
candidature et 322 ayant effectivement donné suite auprès de l'ASSEDIC. Ces
chiffres sont appelés à augmenter très vite, surtout si le dispositif est
amélioré. Les candidats potentiels sont, de fait, très nombreux, et il importe
donc d'en tenir compte et de consentir un effort supplémentaire dans
l'immédiat, dans le cadre législatif et réglementaire actuel, puis de prévoir
d'améliorer encore le dispositif dans le cadre de la future loi de
programme.
Les premiers PIJ datent du mois d'avril 2001. Ils ont permis à ce jour, en
Martinique, 466 créations d'entreprise. Il faut donc non pas réduire le montant
des crédits destinés à financer cette mesure, mais simplifier les procédures
actuellement en vigueur et mieux financer l'indispensable accompagnement des
entreprises créées.
Mais, dans le contexte actuel des DOM, on ne peut se passer des dispositifs
visant à procurer une activité à ceux qui ne peuvent bénéficier d'un emploi
marchand. On ne devrait pas les sacrifier avant d'avoir obtenu une dynamisation
suffisante du tissu économique.
S'agissant donc des mesures de soutien à l'emploi et à l'activité, il
m'apparaît indispensable, madame la ministre, d'apporter certaines
modifications aux choix budgétaires que vous avez arrêtés.
En ce qui concerne maintenant le logement, deuxième poste de dépenses du
budget de l'outre-mer, je me félicite de la progression des crédits de paiement
inscrits à la ligne budgétaire unique.
Les besoins en matière de logements sociaux sont, vous le savez, madame la
ministre, considérables dans les DOM, mais il ne suffit pas, pour les
satisfaire, d'abonder la ligne budgétaire unique ; il faut s'attaquer
résolument aux causes de la sous-consommation des crédits, que l'on ne cesse de
dénoncer. Cette année, il faut reconnaître que ce taux de consommation s'est
amélioré, mais le problème est en fait structurel et impose une véritable
réforme des procédures, ainsi que l'adaptation de certains textes législatifs
et réglementaires.
Parmi les autres points de votre projet de budget qui ont retenu mon
attention, je voudrais également signaler l'absence de crédits de paiement et
l'importante baisse des autorisations de programme destinées aux agences pour
la mise en valeur de la zone des cinquante pas géométriques. Cela va évidemment
gêner la mise en oeuvre des politiques d'aménagement souhaitées par les
communes et pénaliser des milliers de familles qui n'en peuvent plus d'attendre
qu'on leur permette de sortir de situations vraiment insupportables.
Bien entendu, il conviendrait d'analyser d'autres points dans le détail,
notamment l'inquiétante baisse des crédits du FIDOM, mais je préfère, avant de
conclure, vous interroger, madame la ministre, sur les orientations qu'entend
retenir le Gouvernement face à certains problèmes particulièrement préoccupants
pour nos concitoyens des DOM.
Il y a bien sûr la question des emplois-jeunes, au nombre de plus de 15 000
dans nos départements : ce sont autant de jeunes que l'on a empêché de basculer
dans le désespoir. Etant donné la situation très particulière des DOM, le
Gouvernement acceptera-t-il de traiter de façon tout à fait spécifique, et pas
uniquement à court terme, le problème que pose l'arrivée à échéance de la
majorité des contrats ?
S'agissant du tourisme, qui, en dehors de difficultés structurelles connues,
va devoir encore pâtir de l'invraisemblable campagne médiatique récemment
orchestrée, j'ai bien compris que la réponse majeure apportée par le
Gouvernement repose sur une politique de défiscalisation intensive et
extensive.
J'aimerais savoir si les autres aspects du problème, et notamment ceux qui ont
trait au transport aérien, vont faire l'objet d'une politique aussi
volontariste. Par ailleurs, quels garde-fous sont prévus pour que l'on ne
retombe pas dans les abus de la loi Pons et pour que les avantages fiscaux
accordés se traduisent par des résultats effectifs et mesurables ?
Un autre secteur est en crise : la banane. Le Gouvernement parvient-il à
infléchir la position des autorités de Bruxelles sur la question de la
revalorisation et de la régionalisation de l'aide compensatoire ? Quelle est,
par ailleurs, sa vision de la sortie de l'OCM en 2006 ?
J'aimerais également, madame la ministre, que vous nous donniez quelques
précisions sur le dispositif que vous prévoyez en remplacement de l'ordonnance
élaborée par le précédent gouvernement pour adapter la législation s'appliquant
aux transports intérieurs et permettre d'avancer dans le nécessaire chantier de
la modernisation de ce secteur. Je souhaiterais aussi savoir si, comme je vous
l'ai déjà demandé, vous acceptez d'accompagner les collectivités locales dans
la politique d'aide aux départs à la retraite des transporteurs.
J'évoquerai un tout autre domaine : l'insertion. Plutôt que de rompre
l'engagement qu'avait pris le précédent gouvernement de verser aux agences
départementales d'insertion une somme équivalente à ce que représentait la
créance de proratisation avant l'alignement du RMI, ne pensez-vous pas qu'il
faut se livrer à une concertation approfondie avec les acteurs locaux, en vue
d'une indispensable réforme ? Celle-ci devrait permettre plus de souplesse dans
l'utilisation des crédits, plus de prise en compte du terrain réel en vue de
plus d'efficacité.
Je ne veux pas conclure sans faire allusion à la réforme en cours du titre XII
de la Constitution.
Je ne reviens pas sur la façon dont les débats ont été menés, et qui, selon
moi, est en totale contradiction avec ce qui a été avancé quant à l'esprit qui
est censé sous-tendre la réforme.
Je préfère me féliciter de l'adoption par l'Assemblée nationale, et avec votre
accord, d'un amendement corrigeant un aspect du texte que j'avais critiqué ici
même. La modification qu'il apporte permet, en effet, de consulter les citoyens
non pas sur un simple cadre institutionnel, une sorte de « coquille vide »,
comme je l'avais dit, mais sur un cadre institutionnel doté d'un contenu. Il
s'agit, je le reconnais, d'une avancée démocratique appréciable et je
m'enhardis à penser qu'il est peut-être encore possible d'améliorer le texte
sur d'autres points fondamentaux.
Il faut, en particulier, que l'on parvienne à reconnaître un véritable droit à
l'initiative locale en matière d'évolution institutionnelle. Au moment où l'on
vante tant les mérites de la décentralisation, il est tout de même paradoxal de
confier au seul pouvoir central l'initiative dans un domaine où ce qui est en
jeu c'est l'avenir des peuples concernés.
Ce droit à l'initiative, les élus des départements français d'Amérique l'ont,
en tout cas, déjà exercé en s'appuyant sur les dispositions prévues par la loi
d'orientation. Vouloir l'ignorer ou se laisser aller à pratiquer en la matière
une stratégie empreinte d'ambiguïté, ce serait, n'en doutez pas, une erreur
lourde de conséquences.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président
de la République et le Gouvernement actuel ont, par leurs déclarations
répétées, suscité de grandes, de très grandes attentes dans les départements
d'outre-mer, en ce qui concerne tant les possibilités d'évolution
institutionnelle que les perspectives de développement économique. Cela leur
crée une ardente obligation : celle de mettre en oeuvre des mesures et des
moyens se situant vraiment à la hauteur des engagements pris.
J'aurais aimé que l'on en eût déjà la traduction dans ce budget de
l'outre-mer. Ce n'est évidemment pas le cas. Cependant, je veux bien attendre
la suite, sans idée préconçue, mais, sachez-le, avec la grande vigilance
qu'inspire une histoire parsemée, hélas ! de trop de rendez-vous manqués et de
trop d'espoirs déçus.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste
et du groupe CRC.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures
quinze, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
Du jeudi 5 décembre au mardi 10 décembre 2002 :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale
(n° 67, 2002-2003) ;
(Conformément à l'article 60
bis
du règlement du Sénat, le vote sur
l'ensemble du projet de loi de finances donnera lieu à un scrutin public à la
tribune.)
En outre, jeudi 5 décembre 2002 :
A
9 h 30 :
Nomination d'un secrétaire du bureau du Sénat, en remplacement de M.
Jean-Patrick Courtois ;
A
15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant 11 heures.)
Mercredi 11 décembre 2002 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
Deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, modifié par l'Assemblée
nationale, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n° 83,
2002-2003) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 10 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mardi 10 décembre 2002.
En application de l'article 59 du règlement du Sénat, il sera procédé à un
scrutin public ordinaire lors du vote sur l'ensemble du projet de loi
constitutionnelle.)
Jeudi 12 décembre 2002 :
Ordre du jour réservé
A
9 h 30 :
1° Question orale avec débat (n° 4) de M. Gérard Larcher à M. le ministre de
l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la
réorganisation des couloirs aériens en Ile-de-France ;
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement,
la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps
dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mercredi 11 décembre 2002) ;
2° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de
résolution de M. Henri de Raincourt tendant à la création d'une commission
d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en
institution et les moyens de la prévenir (n° 315, 2001-2002) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre 2002,
à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
3° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de
résolution de MM. Bernard Plasait et Henri de Raincourt et des membres du
groupe des Républicains et Indépendants tendant à la création d'une commission
d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites (n°
348, 2001-2002) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre 2002,
à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
4° Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant 11 heures) ;
5° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin ;
6° Question orale européenne avec débat (n° QE-1) de M. Simon Sutour à Mme la
ministre déléguée aux affaires européennes sur l'avenir de la politique
régionale européenne ;
(La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les
modalités prévues à l'article 83
ter
du règlement) ;
7° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M.
Daniel Hoeffel relative à la décentralisation de la gestion des fonds européens
(n° 63, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre 2002,
à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
8° Conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi de M.
Philippe Adnot portant réforme des règles budgétaires et comptables applicables
aux départements (n° 64, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre 2002,
à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Lundi 16 décembre 2002 :
Ordre du jour prioritaire
A
10 heures,
à
15 heures
et le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour
2002 (AN, n° 382) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au vendredi 13 décembre 2002,
à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mardi 17 décembre 2002 :
A
10 h 30
(l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement)
:
1° Quinze questions orales :
- n° 11 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité
intérieure et des libertés locales (Réglementation en matière d'hygiène et de
sécurité du travail applicable à la fonction publique territoriale) ;
- n° 53 de M. Bernard Fournier à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation
nationale et de la recherche (Retards récurrents des rectorats dans les
paiements des traitements des enseignants) ;
- n° 63 de Mme Hélène Luc à M. le ministre de la santé, de la famille et des
personnes handicapées (Situation du service diabétologie du CHU Henri-Mondor de
Créteil) ;
- n° 75 de M. Dominique Mortemousque à M. le ministre de la fonction publique,
de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire (Réorganisation des
services publics en milieu rural) ;
- n° 84 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre de la santé, de la
famille et des personnes handicapées (Situation des personnes handicapées en
situation de grande dépendance vivant à domicile) ;
- n° 85 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie (Menace de démantèlement du réseau de succursales de
la Banque de France) ;
- n° 86 de M. Bernard Joly à M. le ministre de l'agriculture, de
l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Maintien du deuxième
versement de la dotation jeunes agriculteurs) ;
- n° 87 de M. Paul Blanc à M. le ministre de l'équipement, des transports, du
logement, du tourisme et de la mer (Problèmes de gestion des communes situées
en aval d'un barrage) ;
- n° 89 de M. Alain Vasselle à M. le ministre des affaires sociales, du
travail et de la solidarité (Dépenses de fonctionnement des services
départementaux d'incendie et de secours) ;
- n° 90 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'agriculture, de
l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Réforme de la politique
commune de la pêche) ;
- n° 91 de M. Pierre Laffitte à Mme la ministre de la défense (Dépenses de
recherche et de développement militaire) ;
- n° 93 de M. Yann Gaillard à M. le ministre des affaires sociales, du travail
et de la solidarité (Revalorisation du minimum contributif) ;
- n° 94 de M. Robert Calmejane à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation
nationale et de la recherche (Conditions d'inscription dans les établissements
scolaires) ;
- n° 95 de M. Jean-François Picheral à M. le ministre de l'agriculture, de
l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Réglementation
communautaire sur l'étiquetage de vins) ;
- n° 101 de M. Gérard Longuet à M. le ministre de l'équipement, des
transports, du logement, du tourisme et de la mer (Saturation de l'autoroute A
4) ;
A
16 heures
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la négociation
collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (urgence
déclarée) (AN, n° 375) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le lundi 16 décembre 2002.)
Mercredi 18 décembre 2002 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures :
1° Suite du projet de loi relatif à la négociation collective sur les
restructurations ayant des incidences sur l'emploi ;
A
18 h 30
et le soir :
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de
finances pour 2003 ;
3° Suite du projet de loi relatif à la négociation collective sur les
restructurations ayant des incidences sur l'emploi.
Jeudi 19 décembre 2002 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30 :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la
conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants
(n° 11, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 18 décembre 2002,
à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
2° Suite éventuelle du projet de loi relatif à la négociation collective sur
les restructurations ayant des incidences sur l'emploi ;
A
15 heures :
3° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi modifiant
la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires,
mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en
diagnostic d'entreprise ;
A
21 h 30 :
4° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de
finances rectificative pour 2002 ;
5° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi
relative à la responsabilité civile médicale (AN, n° 370) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer à l'ouverture de la discussion
générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Eventuellement, vendredi 20 décembre 2002 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30
et à
15 heures :
Navettes diverses.
En application de l'article 28 de la Constitution et de l'article 32
bis,
alinéa 1, du règlement, le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en
séance publique du
dimanche 22 décembre 2002
au
dimanche 12 janvier
2003.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article
48, troisième alinéa, de la Constitution ?...
Ces propositions sont adoptées.
4
LOI DE FINANCES POUR 2003
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.
Outre-mer (suite)
M. le président.
Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'outre-mer, la parole est à M. Paul Vergès.
M. Paul Vergès.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, donner tout
son sens à un budget oblige à dépasser son caractère statique et à appréhender
la réalité mouvante dans laquelle il s'inscrit. C'est aussi se dégager de la
limite de l'annualité budgétaire et garder les yeux fixés sur un horizon qui,
déjà, se dévoile.
Assurément, le nouveau paysage de l'outre-mer prendra forme au cours de
l'année 2003, tant cette année verra la convergence des rendez-vous qui
conditionneront notre avenir.
C'est tout d'abord l'année de la décentralisation et de l'entrée en vigueur de
la réforme constitutionnelle. Je n'insisterai pas, madame la ministre, sur
l'absence d'audace des uns et de fermeté des autres, qui a conduit à vider en
partie la réforme de ses potentialités positives pour la Réunion. Toutefois,
les assises de la décentralisation, qui seront organisées dans notre région au
début de l'année prochaine, pourraient, tout en augmentant les responsabilités
locales, permettre une clarification des compétences entre les différentes
collectivités.
Ces assises de la décentralisation pourraient aussi permettre une contribution
réunionnaise à l'élaboration des futures lois organiques : il est impérieux de
corriger le caractère pénalisant pour l'outre-mer de la rédaction du projet de
loi constitutionnelle en matière de transferts financiers.
Les collectivités d'outre-mer ne demandent pas de responsabilités nouvelles
pour gérer - de plus en plus difficilement, d'ailleurs - la pénurie des moyens.
Elles demandent, pour exercer efficacement ces responsabilités nouvelles, des
moyens adéquats correspondant à une juste reconnaissance de leurs retards, qui
sont amplifiées par la progression démographique.
Mais, au-delà de l'environnement juridique, l'acquisition de la responsabilité
est aussi affaire d'audace, d'imagination et de volonté politique. J'en veux
pour preuve l'importance de la rencontre organisée la semaine dernière, à la
Réunion, par les acteurs associatifs, qui ont affirmé leur volonté de créer une
véritable chambre consulaire de la vie associative. Cette initiative inédite et
originale peut constituer l'un des premiers exemples d'expérimentation de la «
République décentralisée ».
La façon dont l'épineux dossier du désenclavement et de la desserte aérienne a
trouvé un début de solution dans notre île en est un autre. Dans un consensus
exemplaire entre les deux collectivités, la Réunion a fait le pari de maîtriser
son désenclavement et d'offrir aux Réunionnais, avec l'effort attendu de l'Etat
en matière de continuité territoriale, des conditions pérennes et
satisfaisantes de mobilité.
En juin 2003 débuteront les vols entre la Réunion et Paris assurés par la
compagnie régionale Air Austral. Les récents développements en matière de
desserte aérienne de l'outre-mer témoignent de la justesse de la position
réunionnaise.
Dans ce domaine comme dans d'autres si essentiels, nous avons la conviction
que le développement durable serait en permanence menacé si il était tributaire
de contingences extérieures.
Cela est particulièrement vrai en matière d'énergie. La région Réunion a fait
le choix stratégique de parvenir à l'autonomie énergétique d'ici à vingt ans.
Dans notre île, par définition entourée d'eau, dans notre île tropicale,
montagneuse, volcanique, ensoleillée et soumise aux alizés, l'indépendance
énergétique est possible.
L'année 2003 est aussi la dernière année avant l'élargissement de l'Union
européenne. Cela me conduit à faire deux remarques.
Premièrement, il nous faut saisir le mouvement de l'histoire et nous rendre à
l'évidence, sans porter de jugement de valeur : les départements d'outre-mer
seront de plus en plus des régions ultrapériphériques d'Europe.
Pour autant, l'élargissement de l'Union vers l'est ouvre également une période
d'incertitudes. Cela signifie que nous devons consolider ce statut avec le plus
grand soin, au cours de cette année, et lui donner un véritable contenu positif
pour le développement de nos régions. J'ai eu l'occasion de le dire lors des
rencontres de la délégation pour l'Union européenne, je le redis aujourd'hui :
il est d'une haute importance que l'ultrapériphéricité demeure inscrite au plus
haut niveau dans l'ordre juridique communautaire qui sera issu de la nouvelle
architecture institutionnelle de l'Union. Souhaitons à ce propos que les
incohérences de la révision constitutionnelle n'affaiblissent pas
l'argumentation qui sera développée auprès de Bruxelles pour que soient prises
en compte nos spécificités.
Ma deuxième remarque porte sur le dossier de l'octroi de mer. L'année 2003
sera celle de la prorogation d'un an du dispositif. C'est un sursis, certes
important, mais rien de plus. Il ne doit pas occulter que l'enjeu essentiel
réside dans la sauvegarde de l'économie générale du régime actuel pour une
nouvelle période de dix ans. Nous devons donc, d'ores et déjà, veiller à ce que
la chronique de cette réforme annoncée ne se transforme pas insidieusement, à
terme, en chronique d'une extinction annoncée.
L'année 2003 doit surtout voir l'entrée en vigueur de la loi de programme pour
l'outre-mer. Cette loi, qui régira les quinze prochaines années, s'appliquera
dans une période où la population active n'aura jamais été aussi nombreuse à la
Réunion, puisqu'elle coïncidera avec la dernière partie de notre transition
démographique.
En effet, la population active réunionnaise pourrait augmenter de 34 % dans
l'hypothèse basse et jusqu'à 48 % dans l'hypothèse moyenne durant cette
période. Cette force profonde qui agit silencieusement est, je crois, la donnée
fondamentale. Elle indique très clairement que la problématique de l'emploi est
et restera au coeur des priorités pour de nombreuses années encore.
Le budget de l'outre-mer comme la loi de programme annoncée font du
développement de l'économie marchande et de l'objectif d'égalité économique les
axes essentiels de la politique gouvernementale pour relever ce défi.
Si l'objectif de développement est bien évidemment partagé, trois remarques
s'imposent.
Premièrement, pour peu que le concept d'égalité économique recouvre un sens
précis, les Réunionnais savent que l'égalité ne se divise pas et qu'elle n'en
est pas moins politique et sociale.
Deuxièmement, la corrélation entre les exonérations de charges accordées aux
entreprises et le nombre d'emplois créés doit pouvoir être rigoureusement
établie.
Aussi, il me semble essentiel, avant toute amplification, qu'une évaluation
des dispositifs de la loi d'orientation pour l'outre-mer soit conduite.
Il serait souhaitable, pour la clarté des débats, que la commission nationale
prévue à cet effet soit réunie avant la discussion de la loi de programme au
Parlement.
Troisièmement, cela relève presque du bon sens, la complémentarité entre le
secteur marchand et celui de l'économie sociale doit être recherchée. En la
matière, nous devons davantage faire confiance aux statistiques qu'à
l'idéologie ! Les chiffres indiquent sans contestation possible que notre
secteur productif, performant qu'il puisse être, ne pourra absorber, dans les
quinze ans qui viennent, le nombre de jeunes qui arriveront en masse sur le
marché du travail.
Dans ce contexte se pose avec gravité la question actuelle du devenir des
emplois-jeunes dont les contrats arrivent à expiration.
Il ne s'agit pas de faire de procès d'intention aux uns ou autres autres, il
s'agit simplement d'interroger l'Etat sur l'avenir réservé à des milliers de
jeunes qui ne demandent qu'à continuer à travailler et à participer au
développement du pays.
Une importante réunion s'est déroulée sur cette question dans le cadre de la
région, le 4 novembre dernier. De nombreuses solutions ont été esquissées dans
un dialogue avec les jeunes. Une unanimité s'est dégagée en faveur de la
prorogation d'un an des contrats arrivant à expiration. Rien qu'en 2003, 2 400
contrats arriveront à expiration. Au total, plus de 7 000 jeunes sont concernés
; c'est autant que le nombre de planteurs installés dans notre île.
Ne pas trouver de solution à ce problème, c'est obérer, d'ores et déjà, toutes
les conditions de mise en oeuvre et de réussite de la loi de programme.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour conclure,
j'appellerai votre attention sur un fait majeur qui, dès le début de l'année
2003, dominera l'actualité dans l'océan Indien.
Dans un mois et demi, le président des Etats-Unis, M. George Bush, accompagné
du secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, M. Colin Powell, présideront, à
l'île Maurice voisine, une rencontre de trente-huit pays africains.
L'importance nouvelle accordée par les Etats-Unis à cette zone en pleine
mutation nous interroge, comme elle devrait interroger la France et l'Union
européenne.
Si l'avenir de la Réunion est lié à celui de l'océan Indien, n'oublions jamais
que l'océan Indien, zone de paix, est aussi la condition de la stabilité
mondiale.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé.
Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai plaisir cette année à prendre
la parole sur le premier budget que nous présente Mme la ministre de
l'outre-mer.
Alors que l'année dernière j'avais voté contre un budget dont le montant était
à peu près le même - à 1,5 % près - que celui que vous nous présentez, on ne
manquera pas de me demander comment je pourrai voter le vôtre, madame la
ministre.
A cette objection, je répondrai qu'un budget, ce n'est pas seulement un
problème de volume, c'est aussi un problème de volonté politique. Or, comme
vous l'avez dit, madame la ministre, avec la clarté et la passion qui vous
caractérisent, nous allons passer cette année d'un budget déclaratif à un
budget concret, réel, adapté aux réalités de nos départements et territoires
d'outre-mer.
Je vais vous donner un exemple pour illustrer cette évolution. Le budget 2002
prévoyait 23 000 mesures nouvelles... mais il n'en est resté que 7 000 à
l'arrivée.
Pour votre part, dès votre prise de fonctions, vous avez annoncé le passeport
mobilité et vous l'avez mis en oeuvre, permettant à des milliers de jeunes de
passer des concours, de venir travailler en métropole et de trouver ainsi une
dignité par le travail.
C'est la raison pour laquelle nous tenons dès à présent à apporter, à travers
ce budget, notre soutien à la volonté politique qui vous anime pour avancer
avec courage, avec détermination, avec résolution.
La réélection du Président de la République et l'arrivée du nouveau
gouvernement au pouvoir ont suscité un grand espoir, espoir justifié par
l'annonce d'une loi devant porter sur quinze ans et ayant pour objectif
l'égalité économique.
Au moment ou il est procédé aux arbitrages, je voudrais vous dire, madame la
ministre - et à travers vous, à tout le Gouvernement, notamment à son chef,
Jean-Pierre Raffarin - que cet espoir ne doit pas être déçu. Il va donc falloir
tenir compte, dans ces arbitrages, de nos handicaps, de nos retards, de notre
jeunesse, de notre isolement, de notre éloignement.
Mieux vaut investir dans le développement économique, qui rapporte à la
collectivité nationale et à nos régions, que de continuer à jeter l'argent dans
le panier percé de la solidarité nationale passive, qui annihile, qui inhibe et
finit par mécontenter les populations d'outre-mer.
C'est la raison pour laquelle nous choisissons résolument la voie de
l'éducation, du travail, de l'effort, de la responsabilité et de la dignité.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Très bien !
M. Jean-Paul Virapoullé.
Sur ce chemin, nous avons besoin de vous. Faites-nous confiance et investissez
dans l'homme, dans les outils de production, dans la réduction de nos
handicaps. Vous récolterez alors le développement au lieu de renforcer le
besoin d'assistance !
(Marques d'approbation sur les travées de l'Union
centriste et du RPR.)
M. Paul Vergès vient d'aborder la question des emplois-jeunes. J'ajouterai à
ce qu'il a dit que les emplois-jeunes sont pour nous un cadeau empoisonné.
En métropole, il y en avait 300 000, mais la métropole est riche, elle a un
tissu industriel, un tissu commercial, un tissu productif. La Réunion, au
contraire, est pauvre, le tissu commercial et industriel y est limité. Si l'on
souhaite se rendre dans le département voisin, il faut franchir la mer ;
au-delà se trouve l'Afrique, et bien plus loin encore la France métropolitaine
et l'Europe.
Résorber 9 000 emplois-jeunes dans notre économie va nous être très difficile
compte tenu des 12 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du
travail.
Aussi, madame la ministre, nous serons à vos côtés pour demander au
Gouvernement de réintégrer ces jeunes dans l'économie productive, si possible,
mais aussi pour lui rappeler que ces emplois-jeunes sont utiles dans bien des
domaines.
Ils ont, en effet, démontré leur utilité tant au sein des collectivités
locales que dans les associations. Or, dans les pays pauvres, les associations
jouent un rôle de cohésion sociale et de lien culturel extraordinaire. Le
Gouvernement ne pourra pas échapper à la définition d'une politique
d'intégration d'un certain nombre - à mon avis important - d'emplois-jeunes,
politique à laquelle il faudra bien consacrer les moyens budgétaires
nécessaires.
Quand vous plaiderez cette cause, madame la ministre, vous pourrez vous
prévaloir de l'accord de tous les élus de la Réunion. On ne peut pas, comme
vous l'avez si bien dit, laisser des jeunes qui ont fait la preuve de leur
efficacité et de leur dévouement au travail sur le bord du chemin.
Je voudrais maintenant aborder le problème du logement des Réunionnais en
liasion avec leur intégration en métropole. A ce propos, j'ai lu avec beaucoup
de plaisir dans un quotidien national, madame la ministre, que vous entendiez
faire des efforts pour trouver en métropole les moyens de loger nos
compatriotes.
Aujourd'hui se tiennent à la Réunion des forums d'entreprises. Des entreprises
nationales, parmi les plus célèbres, viennent y recruter de la main-d'oeuvre
locale qualifiée grâce à nos lycées, nos collèges, nos lycées professionnels et
nos centres de formation d'apprentis, les CFA. Nous avons passé convention avec
la chambre permanente des métiers, qui a ouvert tous les CFA métropolitains aux
jeunes Réunionnais. Nous ferons de même avec l'APCI, l'assemblée permanente des
chambres de commerce et d'industrie, avec les écoles d'infirmières, etc.
Toutefois, nous nous heurtons au problème du logement. Vous avez remarqué,
comme moi, qu'il ne fait pas chaud dehors : on ne peut pas laisser les enfants
des Réunionnais loger sous les ponts ! Il faut donc trouver des logements. Si
nous parvenons à résoudre ce problème du logement, si, en 2003, nous nous
consacrons à l'humanisation de la mobilité des jeunes qui veulent suivre un
cursus d'intégration par le travail en France métropolitaine ou en Europe, nous
aurons fait un grand pas pour l'accès de ces jeunes à la qualification.
J'en viens à la loi de programme que vous préparez, pour vous assurer de notre
soutien : nous sommes au coude à coude avec vous.
Selon nous, quatre grands chantiers doivent être ouverts.
Tout d'abord, l'égalité économique voulue par le chef de l'Etat suppose
l'égalité d'accès au savoir. Quand les entreprises Bénéteau, Renault ou Peugeot
viennent à la Réunion, ce qui les intéresse, c'est la main-d'oeuvre
qualifiée.
La région et le département font de gros efforts, mais il faut aller encore
plus loin et, si l'on ne peut pas avoir cette égalité d'accès au savoir à la
Réunion, il faut qu'elle soit possible en Europe, en métropole. C'est le
premier pilier, j'allais dire le pilier indispensable à l'épanouissement de
notre jeunesse. Pour cette raison, nous sollicitons l'accès des jeunes
Réunionnais à tous les lieux de savoir européens.
Le deuxième pilier, madame la ministre, c'est la réduction du handicap qu'est
la distance. Après avoir quitté la France, un conteneur de matières premières
devant être transformées à la Réunion passe par dix intervenants : ce n'est pas
un parcours du combattant, c'est un parcours du résistant, avec les coûts y
afférents, et pourtant, la Réunion se développe !
La continuité territoriale, c'est la baisse du coût des matières premières,
c'est la baisse du coût de revient des touristes qui passent dans nos régions,
de telle sorte que se dégagent pour les Antillais des marges d'investissement
et des bénéfices.
La continuité territoriale, c'est aussi la baisse du coût des communications
dans les NTIC, les nouvelles technologies de l'information et de la
communication. Les centres de travail et de téléservices se développent dans
mon département, le dessin animé ayant fait la preuve que nous pouvons devenir
des lieux de production.
Le quatrième pilier, c'est la compétitivité. Madame la ministre, vous allez
baisser le coût du travail. Vous allez mettre en place le chantier de la
défiscalisation. Mais, si l'Etat n'a pas les moyens de faire tout, il faudra
cibler. Comme la Réunion veut exporter dans la région et sur l'Europe, ciblez
sur l'export, prenez des mesures décisives qui, dans les domaines que nous
choisirons ensemble, avec tous les élus locaux, nous permettront de nous
inscrire sur la carte du développement économique. Nous ne sommes pas plus
bêtes que les autres et, grâce à la solidarité, nous possédons un
savoir-faire.
Le dernier pilier - et cela rejoint la mission que vous avez eu l'amabilité de
me confier - c'est l'intégration irréversible, automatique et proportionnée,
compte tenu de nos handicaps, aux mécanismes européens. Dans la nouvelle
Constitution européenne, nous devrons être inscrits en tant que région
ultra-périphérique.
Mais la volonté du Gouvernement ne suffit pas. Il faut aussi celle des
populations et des élus locaux. Nous aussi, nous devons changer de culture.
Nous ne pouvons plus passer notre temps à nous plaindre alors même que nous
n'utilisons pas tous les moyens mis à notre disposition, notamment les moyens
européens. Nous devons passer de la culture de l'enfant gâté, renfermé sur
lui-même, à l'envie de relever le défi de la compétition, de la conquête des
marchés, de la mobilité, du bon usage de la solidarité nationale. Nous devons
avoir le courage de passer de la solidarité passive à la solidarité active.
Nous avons le devoir de dire que les populations de l'outre-mer veulent
inscrire cette nouvelle mandature sous le signe de l'égalité économique, de la
liberté par le travail et la dignité.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Rodolphe Désiré.
M. Rodolphe Désiré.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget pour
2003 du ministère de l'outre-mer, qui s'élève à 1 084 millions d'euros, est en
faible augmentation - 0,60 % - par rapport au budget voté l'année dernière.
Cependant, il faut signaler qu'il ne représente que 11 % de l'ensemble des
sommes allouées par l'Etat à l'outre-mer.
J'ai toujours pensé, et je le déclare ici même à chaque débat budgétaire, que
la politique du Gouvernement en direction des départements d'outre-mer devait
être une politique de projet de développement plutôt qu'une politique de
guichet. Il est évident que, si le budget de l'outre-mer n'a cessé d'augmenter
ces dernières années - de 50 % en cinq ans -, nous n'avons malheureusement pas
connu pour autant une baisse corrélative du chômage et que la situation
économique s'est même globalement aggravée, notamment aux Antilles.
J'ai bien noté les mesures que vous comptez engager, madame la ministre,
concernant le développement de l'emploi dans le secteur marchand et le
logement. Cela constitue une première étape, en attendant la mise en place
d'une loi de programme pour quinze ans, consacrée au rattrapage économique.
Cette durée est nécessaire, me semble-t-il, pour obtenir des résultats
durables. Mais cette loi de programme ne devra pas décevoir.
Je ne m'attarderai pas sur l'analyse des masses financières, et mon
intervention portera surtout sur les conditions d'une véritable relance de
l'économie, plus particulièrement à la Martinique.
Dans le secteur agricole, on ne peut que déplorer la mauvaise santé de la
filière de la banane. C'est la survie de ce pilier de l'économie martiniquaise
- il emploie 20 000 personnes -, qui est aujourd'hui menacée par la baisse des
cours. S'il faut se réjouir du préfinancement, par la Banque de développement
pour les petites et moyennes entreprises, des aides compensatoires, la récente
revalorisation de ces dernières demeure insuffisante pour résorber l'inquiétude
et les contestations légitimes des producteurs. Mais je pense que l'aide à
l'exportation, si elle est mise en place rapidement, pourrait aider la filière
à résister.
La filière ananas, malgré de gros efforts de restructuraion fournis par les
professionnels, souffre d'un endettement chronique. Il convient d'apporter
d'urgence à cette filière les moyens financiers et d'encadrement qui lui sont
nécessaires si l'on ne veut pas qu'elle s'effondre définitivement.
Les fruits et légumes, notamment à la Martinique, n'ont pas de crédits de
promotion inscrits au volet correspondant du FEOGA. Il faudrait y penser lors
de la renégociation du DOCUP, le document unique de programmation, pour
2003-2004.
En manifestant son intention de faire voter une loi de programme, de mettre en
place une défiscalisation plus efficace et d'installer un climat de confiance
favorable à une relance des investissements vers les départements d'outre-mer,
le Gouvernement donne un signe fort en faveur du rattrapage économique.
Mais il faudra probablement envisager aussi la mise en place de zones franches
puisque ce système s'est révélé particulièrement efficace en Corse. C'est l'une
des revendications des professionnels du tourisme.
Les PME de la Martinique, qui ont un poids déterminant dans le tissu
économique local, sont actuellement très inquiètes devant la reprise de la
Société de crédit pour le développement de la Martinique, la SODEMA, par la
BRED, banque privée, alors même que l'Agence française de développement s'est
engagée à renforcer ses interventions aux Antilles.
Concernant le tourisme, comme l'a dit M. le secrétaire d'Etat au tourisme,
c'est d'un véritable « plan Marshall » que nous avons besoin. Il faut rappeler
l'importance de ce secteur qui, malgré ses difficultés actuelles, est à
l'origine, pour l'économie martiniquaise, de retombées financières deux fois
plus importantes que celles qu'induit le secteur de la banane.
J'insisterai plus particulièrement aujourd'hui sur la nécessité d'intervenir
rapidement dans le domaine de la plaisance. Ce secteur à forte valeur ajoutée,
même s'il a résisté à la crise, connaît d'énormes difficultés, essentiellement
dues à la réticence du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
à délivrer les agréments nécessairs à la reconstitution de la flotte de
location. Signalons pour mémoire que la plaisance rapporte à la Martinique deux
fois plus que la navigation de croisière.
Je n'insisterai pas sur le problème du transport aérien, que vous avez abordé
concrètement, madame la ministre, en préconisant d'appliquer le principe de
continuité territoriale. J'apprécie, en outre, les efforts entrepris pour
consolider la position d'Air Lib : le maintien d'une concurrence sur ces
destinations est en effet salutaire, et même indispensable.
La loi Perben du 25 juillet 1994, qui a institué une négociation annuelle sur
le fret, devrait être étendue au transport de passagers de façon que soient
mieux maîtrisés les capacités en sièges et les tarifs sur les lignes des
Antilles et de la Guyane.
Il me reste, concernant la continuité territoriale, à vous dire que ce
principe devrait aussi concerner les nouvelles technologies de l'information et
de la communication.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, j'évoquerai brièvement la nécessaire
relance, dès 2003, de l'économie antillaise, notamment par la commande
publique. La réactivation de celle-ci, qui connaît une baisse constante,
permettrait de sortir le secteur du BTP de la crise à laquelle il est
actuellement confronté. Cela nécessite la mobilisation des collectivités
territoriales, en particulier des communes, et de l'Etat pour qu'un certain
nombre de projets soient accélérés. Je compte sur vous, madame la ministre, en
ce qui concerne la mobilisation des services de l'Etat.
Je voudrais enfin insister rapidement sur deux points.
D'une part, une intervention de l'Etat et de l'Europe s'avère indispensable
pour aider à la rénovation et à la construction d'écoles primaires à la
Martinique, chantier qui est très au-dessus des moyens financiers des communes.
Par exemple, les besoins sont évalués à 35 millions d'euros pour
Fort-de-France, ville de 100 000 habitants, et à 9 millions d'euros pour Le
Marin, ville de 9 000 habitants.
D'autre part, je soulignerai une fois de plus la nécessité d'aborder de
manière déterminée le problème de la sécurité et de la lutte contre les trafics
de stupéfiants et l'immigration clandestine. A quand des accords de coopération
avec nos voisins - la Dominique, Sainte-Lucie et Saint-Vincent - comme la
France a su en passer avec la Roumanie ? Le développement économique n'a aucune
chance de se réaliser dans un environnement instable et violent.
En conclusion, je me réjouis des perspectives qu'ouvre la réforme de la
Constitution en cours pour l'accession à la responsabilité locale des
populations des Antilles et de la Guyane dans le cadre de la République. Dès
lors, le rattrapage économique doit être à l'ordre du jour.
Madame la ministre, comme le dit un proverbe chinois, « un chemin de mille
lieues commence par un pas ». L'effort de rattrapage économique qu'entreprend
le Gouvernement sera long. Et ce n'est pas une mince affaire ! Amener le PIB
des départements d'outre-mer de 52 % à 80 % du PIB moyen métropolitain en vingt
ans devrait être notre objectif. J'ai conscience qu'aujourd'hui vous faites le
premier pas dans cette direction. C'est la raison pour laquelle je voterai
votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens
d'abord à saluer une nouvelle fois l'initiative qu'a prise le Président de la
République en nous dotant d'un grand ministère de l'outre-mer, montrant par là
même son attachement aux territoires ultra-marins et l'importance qu'il leur
accorde.
Madame la ministre, ce projet de budget, même s'il ne répond pas dans
l'immédiat à toutes les attentes, car il est « transitoire », nous donne une
idée de l'ambition de votre future loi de programme.
Fixé à 1,084 milliard d'euros, il affiche une augmentation de 0,56 % par
rapport à 2002, et je m'en réjouis. Certains critiquent cette hausse modérée du
budget. C'est oublier trop vite la politique d'affichage du gouvernement
précédent et les budgets virtuels que vous avez dénoncés lors de votre audition
devant la commission des affaires sociales : le montant cumulé des reports de
crédits des derniers budgets s'élève à 727 millions d'euros, l'équivalent d'un
budget non consommé tous les quatre ans ! Face à l'ampleur des besoins de
l'outre-mer, cela est inacceptable.
Il faut absolument procéder à la simplification de certains circuits
administratifs et mettre fin à la sous-consommation des crédits. Cette demande
est formulée depuis de nombreuses années par les élus de l'outre-mer. Je note
que le Gouvernement s'y emploie par l'utilisation du levier fiscal et la
création d'une cellule de contrôle mensuel de gestion au sein du ministère.
Les engagements pris par Jacques Chirac pendant la campagne pour l'élection
présidentielle vont se concrétiser.
Vous avez axé vos actions autour de deux secteurs prioritaires l'emploi et le
logement, en leur consacrant plus des deux tiers des crédits, et je m'en
réjouis.
Le passeport mobilité destiné à aider les jeunes souhaitant poursuivre leurs
études ou une formation en métropole, se met en place et près de 16 000 jeunes
en bénéficieront. C'est une avancée majeure pour notre jeunesse, qui manque de
perspectives. Leur offrir cette possibilité révèle une réelle considération
pour les jeunes de l'outre-mer. C'est un moyen, parmi d'autres encore à venir,
de concrétiser le principe de continuité territoriale.
Je tiens également à souligner les effort qui sont consentis en faveur de la
formation professionnelle dispensée dans le cadre du service militaire adapté.
En 2003, 3 000 jeunes seront concernés par des mesures d'insertion et par une
formation dont la qualité est unanimement reconnue.
Madame la ministre, la création de véritables emplois durables est un enjeu
pour l'outre-mer, et vous tentez d'y répondre par des mesures concrètes. La
multiplication des emplois aidés ne participe pas d'une véritable politique
pour l'emploi. Afin de répondre à la forte demande des jeunes sans formation,
en 2003, 65 % des crédits du FEDOM seront consacrés aux emplois non marchands
et seulement 35 % aux emplois marchands. Cependant, vu la détermination qui est
la vôtre, madame la ministre, je suis sûre que vous saurez inverser cette
tendance.
Vous montrez déjà que vous en avez la volonté en augmentant le nombre de
contrats d'accès à l'emploi de plus de 11 %. Ce nombre avait en effet diminué
de plus de moitié à la Réunion et des deux tiers dans l'ensemble de l'outre-mer
depuis leur création, en 1997, par l'ancien gouvernement.
Le logement, qui constitue l'autre volet de ce projet de budget, attire toute
mon attention parce qu'il est primordial.
Vous connaissez bien la Réunion, madame la ministre, et vous savez donc que
nous avons besoin de 9 000 logements par an, dont 6 000 logements sociaux.
Je retiens deux points dans vos déclarations sur ce sujet.
Le premier est l'engagement du Gouvernement de consommer en totalité la ligne
budgétaire unique pour 2003. La mise en place d'un contrôle mensuel de la
consommation des aides publiques permettra de suivre au plus près la gestion de
cette ligne budgétaire et de parvenir à cet objectif.
Le second concerne la résorption de l'habitat insalubre. Je constate, à cet
égard, une volonté forte de la part du Gouvernement puisque je relève dans le
projet de budget une augmentation de 10 % par rapport aux crédits de 2002, soit
30 millions d'euros.
Enfin, je tiens à saluer la volonté du Gouvernement d'aligner les allocations
logement sur le niveau intermédiaire de la métropole.
L'ensemble de ces mesures répond aux demandes des élus, des professionnels et
de la population. Ce budget pour l'outre-mer est réaliste et pragmatique.
Je terminerai mon propos, madame la ministre, en soulignant quelques attentes
auxquelles ce budget « de transition » ne répond pas mais qui devront
nécessairement être prises en compte dans la loi de programme pour
l'outre-mer.
La mise en place du passeport mobilité est la mesure phare de ce budget et
ouvre de véritables chances pour nos jeunes. Il me semble toutefois nécessaire
d'encourager également la mobilité à l'intérieur de nos départements.
La création de foyers de jeunes travailleurs dans les principales
agglomérations permettrait à notre jeunesse de lever le handicap de la distance
entre le lieu de travail et le domicile. C'est une étape nécessaire dans
l'appréhension du monde du travail, étape complémentaire du passeport
mobilité.
Pour conclure, je voudrais vous rappeler la gravité du problème de l'effet de
seuil de la CMU, qui prive plus de 20 000 Réunionnais d'une prise en charge
totale de leurs frais médicaux. Il n'est pas acceptable qu'en France les
populations les plus fragiles, à faibles revenus, retraités et handicapés,
hésitent à se soigner parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers qui leur
permettraient de souscrire une assurance complémentaire.
Madame la ministre, vous avez récemment déclaré que, pour régler ce problème,
il fallait une loi. Soyez assurée de mon soutien, car il est difficilement
concevable d'attendre l'entrée en vigueur de la loi de programme pour répondre
aux attentes des personnes intéressées.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
(M. Christian Poncelet remplace M. Serge Vinçon au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote.
Monsieur le président, nous apprécions beaucoup que vous consacriez une part
de votre emploi du temps, déjà très chargé, à la discussion des moyens
consacrés à l'outre-mer. C'est un témoignage fort de votre soutien à son égard.
Vous vous y êtes rendu à plusieurs reprises, vous venez cet après-midi de
marquer une nouvelle fois cet attachement et nous vous en sommes très
reconnaissants.
(Applaudissements.)
Madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour
2003 ne saurait être évoqué, s'agissant des crédits réservés à l'outre-mer,
sans rappeler le projet de révision constitutionnelle, dont nous avons débattu
il y a quelques semaines au sein de la Haute Assemblée.
Affirmer l'intégration de l'outre-mer au sein de la nation française est un
témoignage de reconnaissance et un signe de fraternité qu'attendent de la
représentation nationale les populations d'outre-mer. Car notre souhait le plus
élémentaire, faut-il le rappeler, est que l'on nous considère effectivement
comme des citoyens français, ce dont nul ne saurait douter.
Permettez-moi d'ailleurs de dire qu'il est grand temps que l'outre-mer soit
enfin reconnu au sein du texte fondateur de la Ve République dans sa volonté et
sa fierté d'appartenir à la France et non pas uniquement dans son aptitude à en
sortir.
En proposant ce projet de décentralisation en faveur de nos compatriotes
d'outre-mer, réalisant ainsi une volonté du Président de la République, le
Premier ministre et vous-même, madame le ministre, avez choisi de transformer
ce regard porté sur eux en substituant à la notion de dépendance celle
d'appartenance.
Il est bon que le Gouvernement, comme la représentation nationale, puisse
contribuer à corriger cette image quelquefois peu flatteuse de l'outre-mer, que
tend malheureusement à véhiculer la presse.
En effet, mes chers collègues, notre appartenance à la République française
est bien une réalité.
Elle exprime le choix de toute une communauté et je veux, à cet égard,
souligner l'importance de l'obligation de consultation des populations
intéressées en matière d'évolution statutaire, qui est un principe clairement
énoncé dans cette réforme de notre Constitution.
Ainsi, favoriser l'émancipation des populations d'outre-mer tout en
réaffirmant leur place au sein de la République n'est pas un paradoxe, et leur
donner plus d'autonomie n'est pas non plus la voie ouverte à l'indépendance.
Nos collègues de la Réunion nous ont exprimé, dans un vibrant témoignage, leur
attachement à la nation.
A mon tour, je tiens une nouvelle fois à affirmer, s'agissant de la
Nouvelle-Calédonie, que cette collectivité est bien ancrée dans la République
française, contrairement à ce que certains pourraient penser.
En Nouvelle-Calédonie comme partout au sein de la République, nous sommes
particulièrement attachés à un principe démocratique fondamental, qui est le
fait majoritaire.
Sachez, mes chers collègues, que nous venons d'observer une nouvelle
démonstration de la pression que veut exercer la minorité sur la majorité issue
du suffrage universel.
Le nouveau statut issu de l'accord de Nouméa a introduit le principe d'un
gouvernement collégial, élu par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie à la
représentation proportionnelle des groupes d'élus qui le constituent.
La récente démission de l'un de ses membres et de tous ses suivants de liste a
eu pour effet d'emporter la démission du gouvernement dans son ensemble.
Nous avons découvert, à nos dépens, que la loi organique relative à la
Nouvelle-Calédonie ne prévoyait aucun rempart face à de telles manoeuvres
subversives ayant pour seul objectif la déstabilisation.
Nous avons donc été contraints de procéder à de nouvelles élections et je veux
vous alerter, mes chers collègues, sur les conséquences d'une telle dérive.
En Nouvelle-Calédonie comme partout ailleurs au sein de la République
française, il n'est pas acceptable qu'une minorité dicte sa loi et il nous
appartient à tous de faire respecter le droit de la majorité, en ce qu'elle est
l'indiscutable expression du suffrage universel, principe fondateur de notre
démocratie !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Il résulte sans nul doute de l'intégration des populations d'outre-mer dans la
nation française que l'Etat doit assumer ses obligations en tous points de son
territoire : nous ne pourrions comprendre qu'il en soit autrement.
C'est pourquoi nous attendons beaucoup de la politique du Gouvernement pour
l'outre-mer, car les besoins en matière de développement sont notoires, et les
efforts des populations, qui donnent à ces archipels toute leur dimension
économique et culturelle méritent d'être davantage soutenus par l'Etat.
C'est ainsi que je formule de nouveau, madame le ministre, une demande maintes
fois réitérée concernant les conditions d'accueil de la population scolaire en
Nouvelle-Calédonie, qui est en pleine croissance, notamment dans le Sud.
Vous n'ignorez pas, en effet, que la province Sud se trouve aujourd'hui dans
une véritable impasse budgétaire, car elle assume la part de financement
incombant à l'Etat en matière de construction des collèges, de dépenses
relatives à l'enseignement privé et à la médecine scolaire.
Nous espérons, madame le ministre, que vous ne vous contenterez pas d'une
réponse de principe à ce sujet.
L'outre-mer a toujours permis à la France de rayonner économiquement,
socialement et culturellement partout dans le monde. Mais sa diversité, qui
constitue son extraordinaire richesse, se traduit aussi par de fortes
disparités en termes de développement.
S'il convient notamment de se féliciter de l'attribution aux départements
d'outre-mer d'un statut de région ultrapériphérique au regard de la
réglementation européenne, ce qui leur ouvrira la porte à de nouvelles aides,
je tiens aussi à souligner le lourd handicap que continuent de subir certaines
collectivités d'outre-mer en matière de financements européens.
Ainsi, l'effort particulier qui a été annoncé dans ce projet de budget pour
favoriser le développement de Wallis-et-Futuna est un premier pas que nous
saluons, tant sont importants les besoins de cet archipel, dont plus de la
moitié de la population réside en Nouvelle-Calédonie.
Je voudrais, à cet égard, vous interroger, madame le ministre, sur l'épineuse
question du non-recouvrement des créances du centre hospitalier territorial de
Nouvelle-Calédonie, qui accueille régulièrement des malades de
Wallis-et-Futuna.
Votre prédécesseur s'était empressé d'ignorer ce problème, qui ne fait
qu'empirer au fil du temps et constitue une source sérieuse de déséquilibre
pour le fonctionnement de l'hôpital.
Vous avez souvent insisté, madame le ministre, sur un élément marquant de la
politique du Gouvernement pour l'outre-mer, qui est de responsabiliser les
acteurs locaux, de faire en sorte que l'activité prenne le pas sur
l'assistance.
C'est un langage que nous comprenons parfaitement - Jean-Paul Virapoullé s'est
longuement exprimé tout à l'heure sur cette nouvelle volonté politique qui
anime l'ensemble de l'outre-mer - puisqu'il correspond pleinement à notre
conception du développement.
Il est en particulier essentiel que nous puissions continuer à bénéficier d'un
dispositif de défiscalisation renforcé. Nous souhaiterions donc qu'à l'occasion
de l'examen du projet de loi de finances pour 2003 vous puissiez nous apporter
quelques assurances à ce sujet.
Une autre de nos préoccupations majeures est la continuité territoriale avec
la métropole. Nous nous réjouissons, à cet égard, de la mesure que vous avez
prise et qui vise à accroître la mobilité des jeunes de l'outre-mer, tant il
paraît essentiel que nos étudiants puissent compléter leur formation et
acquérir une expérience en métropole, élargissant ainsi leur horizon.
Cependant, donner à l'outre-mer les moyens de son développement passe
incontestablement par une baisse des coûts du transport aérien. Je vous saurais
gré, madame le ministre, de nous apporter quelques précisions sur les
engagements du Gouvernement dans ce domaine.
Depuis plusieurs années, la collectivité territoriale de Nouvelle-Calédonie et
ses provinces sont tenues, pour soutenir les filières de production agricole
tournées vers l'exportation, de subventionner massivement ces secteurs, afin de
compenser la charge que représente le fret maritime et aérien.
Sur le plan interne même, l'activité économique est fortement pénalisée par la
lourdeur des coûts de transport entre les différents pôles économiques de
l'archipel : c'est particulièrement le cas en Polynésie française, comme en
Nouvelle-Calédonie.
Le Gouvernement a-t-il l'intention, madame le ministre, de prendre en compte
le problème de la continuité territoriale ? Et, si oui, dans quelle mesure ?
Pour conclure, je voudrais témoigner ma confiance au Gouvernement quant à sa
capacité à donner aux populations d'outre-mer la place qui leur revient. Nous
sommes sensibles, à cet égard, madame le ministre, à la façon dont vous
appréhendez la situation et les enjeux de l'outre-mer.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily.
Madame le ministre, le budget pour 2003 que vous présentez devant notre Haute
Assemblée n'appelle de ma part aucune critique. Les critiques, vous les avez
certainement entendues à l'Assemblée nationale et vous risquez de les entendre
ici. Pour autant, je ne me livrerai pas au petit jeu qui consiste à brosser
dans le sens du poil pour faire plaisir ou dans l'autre sens pour déplaire.
Vous l'avez dit, il s'agit d'un budget de vérité et de transition. Les
priorités sont l'emploi et le logement.
La lecture du budget et l'analyse faite par notre excellent rapporteur, M.
Roland du Luart, révèlent l'insuffisance, sinon la réduction des crédits pour
ce qui concerne les infrastructures en Guyane.
Vous n'ignorez pas, madame la ministre, l'immense chantier que nous avons à
réaliser dans ce pays de Guyane pour relier les régions entre elles - car la
Guyane comprend plusieurs régions - et pour créer des espaces nouveaux pour
développer l'activité des hommes et des femmes de ce pays.
Je suis persuadé que les explications que vous nous apporterez pourront
peut-être nous faire comprendre les raisons de ce choix et, peut-être, nous
convaincre de son bien-fondé.
Par ailleurs, je souhaiterais que vous puissiez nous indiquer l'état de la
réforme du fonds d'investissement des départements d'outre-mer, le FIDOM, que
vous allez nous proposer.
J'observe que le FIDOM régional et départemental avait permis pendant de très
nombreuses années aux conseils régionaux et départementaux de l'outre-mer de
concourir, en partenariat avec l'Etat, à l'aménagement du territoire et aux
investissements d'ordre économique.
Pourrais-je vous suggérer, au stade où vous en êtes de votre réflexion sur
l'élaboration de ce nouveau décret, de créer, tout en prenant en compte la
nécessaire obligation de maintenir le FIDOM général de l'Etat, une section du
FIDOM communal ? Ce dispositif pourrait permettre à chaque commune d'outre-mer
d'obtenir une certaine somme et de se voir attribuer des subventions
complémentaires, soit par le département, soit par la région, ou d'accéder à
l'emprunt. En effet, vous n'ignorez pas que bon nombre de communes d'outre-mer
ne disposent pas de recettes fiscales suffisantes pour entreprendre des actions
dans ce domaine.
S'agissant des crédits alloués au logement social en outre-mer, qu'il me soit
permis de vous indiquer que ce secteur mérite des réajustements significatifs
et une réforme de fond. A défaut de telles mesures, la situation ne pourra que
continuer à se dégrader.
La production de terrains viabilisés reste la priorité pour permettre la
relance de la construction de logements sociaux. Pour répondre à ces besoins,
il faut encore insister sur la mise en place des fonds régionaux d'aménagement
foncier et urbain, les FRAFU, assortis des dotations financières adéquates.
Dans le secteur locatif, le logement social et le logement très social
bénéficient de procédures efficaces.
Néanmoins, il nous faut adapter les plafonds, car les coûts de production
divergent d'un département à un autre et le secteur du bâtiment et des travaux
publics reste très fragile dans certains départements.
La situation est encore beaucoup plus grave dans le domaine de l'accession. Il
faut envisager une refonte complète des produits destinés à l'accession très
sociale, compte tenu du blocage du logement évolutif social et de l'inexistence
d'autres produits destinés à la clientèle sociale et intermédiaire.
Votre ministère a en charge la gestion de la ligne budgétaire unique. Depuis
2002, cette ligne est ouverte au financement des résidences sociales pour
personnes âgées et des foyers pour étudiants, de même qu'à la diversification
des aides à l'amélioration des logements.
Cependant, aucune disposition réglementaire n'est prévue pour l'attribution de
cette aide aux gestionnaires des établissements sociaux et médico-sociaux des
départements d'outre-mer, qui doivent obligatoirement restructurer les locaux,
en application de l'arrêté du 26 avril 1999 fixant le contenu du cahier des
charges et de la convention pluriannuelle imposée par l'article 23 de la loi n°
97-60 du 24 janvier 1997.
En effet, jusqu'ici, cette aide n'était accordée qu'aux propriétaires occupant
les lieux, aux opérateurs de logements sociaux dans le cadre d'une opération
programmée d'amélioration de l'habitat ou d'un programme d'intérêt général et
dans le cadre de travaux présentant un intérêt architectural. Madame le
ministre, je vous demande de porter une attention particulière à ce sujet et
d'envisager la réforme nécessaire.
Le gouvernement précédent avait annulé les dispositions de l'article 199
sexies
C du code général des impôts, qui ouvrait droit à une réduction
d'impôt sur le revenu pour dépenses de grosses réparations, d'amélioration ou
de ravalement d'immeuble payées entre le 31 décembre 1999 et le 31 décembre
2002. Pour amorcer votre politique de l'habitat et du logement, je vous demande
de renouveler le bénéfice de cette disposition en intervenant auprès de M. le
ministre délégué au budget.
En effet, une telle mesure permettrait d'encourager l'activité et la création
d'emploi dans les PME et les TPME de l'artisanat et du bâtiment des
départements d'outre-mer. Il faut créer le travail avant de créer l'emploi.
Pour ce qui est de la Guyane, l'immensité du chantier à entreprendre est telle
que la loi de programme n'y suffira pas.
La Guyane mérite mieux. Une loi de programmation d'investissements pour son
aménagement et pour le rattrapage des équipements et infrastructures à réaliser
serait mieux adaptée, et ce sur une période d'au moins quinze ans pour
seulement permettre d'amorcer le développement économique.
L'une des grandes causes du sous-développement de la Guyane est l'immigration.
Ce phénomène constitue une plaie en Guyane.
En France métropolitaine, le ministère de l'intérieur a engagé une lutte pour
régler le problème de l'immigration avec la fermeture du camp de Sangatte.
Hier, c'était l'opération à Choisy-le-Roi, avec l'expulsion des Roms.
La Guyane est depuis de très nombreuses années une terre d'accueil : accueil
des Martiniquais après l'éruption de la montagne Pelée en 1802, des Polonais
dans les années cinquante, avec la création du bureau pour l'immigration en
Guyane, des Hmongs en 1977. Mais, aujourd'hui, il nous est insupportable de
voir arriver dans notre pays des populations qui n'ont ni notre culture ni
notre histoire.
Il ne peut plus être question de seuil de tolérance. Ces immigrés ne
contribuent pas à nous aider à bâtir ce pays de Guyane. L'Etat est responsable
de ce que nous appelons un génocide par substitution du peuple guyanais.
Force est de constater que le laxisme dont ont fait preuve les gouvernements
successifs pour régler ce problème a contribué à faire perdurer le
sous-développement.
Le temps est venu pour que des dispositions énergiques mais humaines soient
prises. Nous sommes prêts à intégrer ceux qui sont présents aujourd'hui dans
notre communauté guyanaise et s'engagent à participer avec nous à la
construction et au développement de la Guyane.
Cette immigration me conduit à penser qu'il s'agit d'une subvention déguisée
de l'Etat, de prestations sociales versées insolemment aux peuples des pays
limitrophes ou venus d'ailleurs. Les Guyanais en ont assez !
Puisque vous prenez des dispositions en France métropolitaine, faites de même
en Guyane !
J'aurais pu vous demander où en est le remboursement de la CMU dans le
département de la Guyane, où en sont les 35 % de recettes d'octroi de mer
perçus par le département de la Guyane au détriment des communes.
J'aurais pu vous interroger sur l'ODEADOM, l'Office de développement de
l'économie agricole dans les départements d'outre-mer, sur la situation
difficile de la trésorerie de l'UAG, l'université des Antilles-Guyane, ou sur
la situation sanitaire catastrophique en Guyane... Madame la ministre, il nous
faut « mieux d'Etat », mais non pas « plus d'Etat ».
Si, en France, au nom des droits de l'homme, certains esprits chagrins
refusent le principe de la double peine, cette disposition me paraît
extrêmement importante pour la Guyane. Il importe que vous puissiez, avec le
ministère des affaires étrangères, engager rapidement - comme je l'avais
demandé à votre prédécesseur, par courrier en date du 2 mai 2001 - la mise en
place d'une représentation diplomatique du Guyana en Guyane française, puisque
les autorités de cet Etat ne reconnaissent pas comme leurs citoyens ceux qui
viennent exercer la violence dite sud-américaine sur le territoire français de
Guyane.
Vous le devez, vous le pouvez, car, bientôt, un climat xénophobe et raciste
s'installera dans ce pays.
Dans vos revendications, il y a le souhaitable, mais votre budget nous propose
le possible. Ainsi donc, c'est dans la raison - et avec beaucoup de raison -
que je voterai les crédits que le Gouvernement et vous-même apportez à
l'outre-mer.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, conçu comme un
budget de transition dans l'attente du vote d'une loi de programme sur quinze
ans, le projet de budget de l'outre-mer pour 2003 « redéploie » les crédits de
ce ministère vers deux priorités annoncées : l'emploi, l'insertion et la
formation, d'une part, le logement, d'autre part.
Par ailleurs, ce projet de budget témoigne d'une réelle volonté d'apporter un
soutien financier aux collectivités d'outre-mer, notamment aux moins avancées,
les îles Wallis et Futuna et Mayotte.
Je voudrais ici, au nom du groupe de l'Union centriste - et comme le ferait
mieux que moi mon collègue Marcel Henry -, souligner avec intérêt les
principales mesures concrètes en faveur de Mayotte, sans toutefois taire nos
préoccupations pour l'avenir.
L'évaluation de l'impact des orientations prioritaires fixées par le
Gouvernement sur le développement économique et social de Mayotte est facilitée
par la présentation individualisée des lignes budgétaires consacrées à la lutte
pour l'emploi, la formation et l'insertion sociale.
Les crédits consacrés aux contrats emplois-solidarité et aux contrats emplois
consolidés sont augmentés sensiblement alors que ceux qui financent les mesures
en faveur de l'emploi sont maintenus à leur montant de l'année 2002.
La formation est également soutenue largement grâce au doublement de la
dotation affectée au paiement des bourses en faveur des étudiants mahorais et à
l'extension à Mayotte du passeport mobilité, la nouvelle mesure, ô combien
justifiée ! du Gouvernement en faveur des jeunes d'outre-mer.
L'ouverture d'une ligne budgétaire réservée aux actions de santé à Mayotte
laisse augurer non seulement d'une évaluation précise des dépenses sanitaires
supplémentaires engendrées par l'immigration clandestine, qui est toujours en
hausse dans l'île, mais aussi de leur prise en charge effective par l'Etat,
conformément aux règles de droit commun.
Enfin, la notable majoration des crédits de la dotation de rattrapage et de
premier équipement des communes de Mayotte ainsi que de ceux du fonds mahorais
de développement traduit en actes l'ambition de votre ministère, madame la
ministre, d'être à la fois pragmatique et ouvert aux adaptations nécessitées
par la situation particulière de chaque composante territoriale de
l'outre-mer.
L'idée de développer chaque territoire ultramarin non pas seulement en
fonction de son statut institutionnel, mais surtout en raison de ses besoins
réels en matière de progrès économique, social et culturel est comparable aux
généreuses dispositions de l'article 299, paragraphe 2, du traité sur l'Union
européenne qui permettent d'adapter la solidarité européenne aux handicaps
structurels et aux retards économiques des régions ultrapériphériques. Et je
vous remercie de mettre à l'étude, en liaison avec nos partenaires de l'Union,
l'application de ces dispositions à Mayotte, puisque notre île demeure
pénalisée par sa simple éligibilité au fonds européen de développement.
Nous saluons, en outre, le rétablissement, si souvent réclamé, en faveur de
Mayotte du principe d'une « convention de développement », en complément des
actions financées par le contrat de plan. Une telle procédure, initiée dans
l'île en 1987 et appliquée jusqu'en 1999, a fait ses preuves en matière de
rattrapage des retards de développement.
Ce contrat de progrès est d'autant plus le bienvenu que le contrat de plan
Etat-Mayotte pour la période 2000 à 2004 n'a quasiment pas reçu de commencement
d'exécution. Il importe, dans ces conditions, de veiller à concrétiser les
engagements de l'Etat afin de renforcer la confiance, notamment des
investisseurs.
A ce sujet, nous croyons devoir souligner combien les projets de réalisation
d'une piste d'aviation de 3 000 mètres et d'un deuxième quai en eau profonde à
Longoni, que l'ensemble des Mahorais attendent, demeurent déterminants pour le
développement de l'île.
D'une manière générale, nous appelons votre attention sur la nécessité de
compléter par des textes d'application un certain nombre de dispositions
importantes applicables à Mayotte. Ces textes sont en effet sans portée, faute
de mesures spécifiques d'application. On peut citer, à cet égard, les
dispositions relatives au fonds d'intervention pour la sauvegarde de
l'artisanat et du commerce, le FISAC, au fonds de compensation de la TVA, le
FCTVA, et à la mise en place du décret relatif au fonds mahorais de
développement.
Compte tenu du tarissement progressif des ressources du FIDOM et des
difficultés constatées sur le contrat de plan, il semble plus que jamais
indispensable d'élaborer un véritable plan de développement de Mayotte, qui
pourrait, je le répète, être financé par les fonds structurels européens.
C'est pourquoi il est grand temps que le Gouvernement dépose officiellement
auprès de l'Union européenne la candidature de Mayotte au statut de région
ultrapériphérique. L'étude de faisabilité commandée par M. le Président de la
République à M. Jean-Paul Virapoullé, sénateur en mission sur la réforme du
statut des départements d'outre-mer français en Europe, offre l'occasion de
faire le point sur ce sujet en recueillant l'avis des élus de Mayotte.
Pour terminer, nous voulons insister, madame la ministre, sur la
non-consommation, cette année, des crédits du fonds de coopération régionale
pour Mayotte. Nous sommes prêts pour cette coopération, comme nous demeurons
ouverts au dialogue, dès lors que la volonté mahoraise d'ancrage dans la
République française est respectée par tous.
Mais il ne peut y avoir d'effort de coopération en direction des Comores
voisines sans un engagement précis et des actes concrets venus des autorités
comoriennes pour juguler le fléau, nuisible à tous, d'une immigration
clandestine qui pervertit aujourd'hui tous les équilibres sociaux mahorais. A
cet égard, nous comptons sur la ferme détermination que vous avez affichée lors
de votre visite à Mayotte au mois de septembre dernier.
Sous le bénéfice de ces observations, les élus du groupe de l'Union centriste,
en particulier M. Marcel Henry, voteront, madame la ministre, en faveur de
l'adoption du projet de budget de votre ministère pour 2003.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, étant donné le
peu de temps imparti aux orateurs et parce que les rapporteurs - que je
remercie de leur excellent travail - ont déjà dit l'essentiel sur l'ensemble du
budget de l'outre-mer pour 2003, je me concentrerai sur les questions relatives
à Wallis-et-Futuna.
Mais auparavant, je voudrais profiter de cette prise de parole pour rendre un
hommage appuyé à Mme Girardin et à son équipe. En effet, depuis quelques mois,
nous ressentons bel et bien un changement d'état d'esprit au ministère. Nous
sommes passés d'une logique d'assistance à une politique volontariste de
développement. Et c'est de cela que nous avons besoin, particulièrement à
Wallis-et-Futuna, pour créer les conditions de notre propre développement
économique et social.
Ce budget, avant même la prochaine loi de programme pour l'outre-mer voulue
par le Président de la République, illustre déjà cette orientation.
Pour Wallis-et-Futuna, l'effort que vous consentez est important, puisqu'il
correspond à une hausse de 11,5 %, et je tiens à vous en remercier, madame la
ministre.
La desserte aérienne inter-îles reçoit une aide tout à fait bienvenue.
La convention de développement promise par le Président de la République prend
forme. Des crédits liés à cette convention sont d'ores et déjà inscrits dans le
budget ; cette convention sera, je le rappelle, discutée dans les prochains
jours avec la mission du territoire. Cette dernière est arrivée ce matin et
vous avez bien voulu accepter de la recevoir, madame la ministre, avant de nous
rendre visite dans le Pacifique.
Cette visite sera pour vous, madame la ministre, l'occasion de vous rendre
compte sur place que les mesures prises en faveur de notre territoire n'ont
rien de superflu ! Elles se justifient pleinement par le retard de
développement de Wallis-et-Futuna et la nécessité d'un rattrapage économique
urgent.
Chez nous, certains chiffres parlent d'eux-mêmes : 2 500 salariés sur 15 000
habitants, dont près de la moitié dans le secteur public ou para-public et
presque un quart dans les chantiers de développement. Reste donc seulement un
peu plus d'un quart dans le secteur privé. Cela se passe de commentaires !
Mais cet effort financier consenti par l'Etat risque d'être sans impact si,
parallèlement, des moyens humains ne sont pas mis en place pour la réalisation
de ces projets. Je sais que la sous-consommation des crédits est un problème
général et récurrent, mais, à Wallis-et-Futuna, cela devient critique.
L'expérience montre que les crédits ne sont pas consommés par manque de
personnel compétent au sein du service des travaux publics, qui est chargé des
études, de la réalisation et du suivi des projets et des grands travaux sur le
territoire. Est-il normal qu'en quarante ans de statut de territoire
d'outre-mer Wallis n'ait que quarante kilomètres de routes goudronnées ? Un
kilomètre par an ! Pour un territoire faisant partie de la France, pays qui
compte de très grandes entreprises pour la réalisation des routes, cela ne
manque pas de surprendre.
Il faut que cela cesse. Nous avons besoin de personnels et je vous demande
instamment, madame la ministre, de faire le nécessaire pour augmenter le nombre
des ingénieurs qui doivent mettre en oeuvre les projets dont le territoire a
tant besoin.
L'argument consistant à dire que la question du foncier serait la raison du
retard des réalisations d'infrastructures est fallacieux. La vérité tient au
nombre insuffisant d'ingénieurs et à la mauvaise gestion des crédits. Si ce
problème n'est pas réglé, la convention sera un échec.
Après ce point essentiel, je voudrais aborder la question de notre agence de
santé et, tout d'abord, de sa dette à l'égard de la compagnie Air Calédonie et
du centre hospitalier universitaire de Nouméa. Cette dette est essentiellement
due aux évacuations sanitaires vers la Nouvelle-Calédonie.
Mon collègue et ami Simon Loueckhote se soucie aussi de ce problème et vient
de l'évoquer ; nous aimerions savoir quelles mesures sont envisagées pour y
remédier, puisque l'agence de santé est un établissement public national.
Enfin, le recrutement des médecins pose également un problème. Je souhaiterais
ainsi, pour la continuité et la qualité des soins dispensés, que le territoire
puisse bénéficier d'un recrutement de médecins de la fonction publique.
Madame la ministre, nous avons toujours l'impression de mendier et de demander
toujours trop pour la santé de nos populations isolées. Mais comparons les
chiffres des dépenses de santé entre la métropole et le territoire de
Wallis-et-Futuna : 2 300 euros environ par habitant et par an pour la
métropole, et 590 euros pour Wallis-et-Futuna. Aussi, est-ce vraiment sans
honte ni scrupule que je me permets de demander l'aumône : accordez-nous le
droit à la santé !
Enfin, pour terminer, je souhaite attirer votre attention, comme M. Brial l'a
déjà fait à l'Assemblée nationale, sur les graves difficultés que nous
rencontrons du fait de la situation de monopole dans laquelle se trouve
l'unique banque présente sur le territoire. Il faut absolument mettre fin à
cette situation et, pour cela, nous avons besoin de l'aide de l'Etat.
D'une manière générale, madame la ministre, je voudrais vous redire toute
notre confiance et aussi tout l'espoir que suscite pour nous la stratégie de
développement durable qui se met en place et pour laquelle nous savons pouvoir
compter sur votre soutien personnel et sur l'expertise de vos services.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Dominique Larifla.
M. Dominique Larifla.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on dit du
budget qu'il est l'âme d'une politique. Je m'efforcerai donc, à travers ce
propos, de vous faire part avec franchise et concision de mon opinion dans les
cinq minutes qui me sont imparties.
Il ressort de la lecture de ce projet de budget, en dépit des explications
apportées, que son taux d'augmentation est inférieur à celui de l'inflation.
Or, dans le même temps, lorsque l'on parle de la situation de la Guadeloupe à
la faveur de l'actualité de ces derniers jours, elle est dite « préoccupante »,
voire « catastrophique ».
Cette année, sous les feux médiatiques, jamais la situation n'est apparue
aussi alarmante. Ce contexte justifie la mise en oeuvre sans tarder d'une
politique active et volontariste.
Nos départements, qui ont à surmonter de nombreuses difficultés, sont
maintenus dans l'attente de la loi de programme annoncée pour la fin de cette
année et doivent se contenter d'une transition sans ambition et sans réelle
nouveauté.
La politique et surtout la gestion des crédits de l'ancien gouvernement ont
largement fait l'objet de vos critiques, madame la ministre. J'y reviendrai.
Vous avez annoncé maintenir le cap de la priorité accordée à la lutte contre
le chômage et au rattrapage dans le domaine du logement.
Pourtant, s'agissant du chômage, les perspectives offertes par les mesures
mises en place depuis 2000 sont réduites cette année. A travers l'offre, c'est,
en effet, l'horizon de nombreux chômeurs qui est limité par la réduction des
mesures potentielles.
Même si l'on peut en contester la philosophie, les emplois aidés ont constitué
un véritable traitement social de l'inactivité avec, de surcroît, pour nombre
d'entre eux, une véritable utilité collective.
Il faut souligner, madame la ministre, que vous avez eu la sagesse de
poursuivre, en le renforçant, le dispositif de formation par le SMA, le service
militaire adapté.
Indéniablement - je peux en témoigner au quotidien - le SMA joue un rôle
essentiel dans la formation des jeunes et les résultats sont encourageants.
Dans la perspective de l'arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail,
vous déclarez, madame la ministre, ne vouloir laisser « personne au bord de la
route ». Nous partageons cette préoccupation.
Vous annoncez donc des cellules de reclassement. Le principe est lisible,
certes. Je vous saurais gré, cependant, de m'en communiquer le contenu et de
m'indiquer la direction de ce reclassement.
En matière de formation, j'attire votre attention sur la qualité de
l'enseignement dispensé par l'université Antilles-Guyane, malheureusement
handicapée par d'importants coûts de fonctionnement qui résultent de son
éclatement sur trois pôles. Les étudiants y suivent leur cursus dans des
conditions qui tendent à se dégrader.
La situation hospitalière de la Guadeloupe, singulièrement celle du CHU,
appelle des mesures d'urgence pour faire face notamment au sous-encadrement en
personnel et au déficit en moyens matériels.
En matière de logement, une augmentation de l'offre, traduction de la
consommation effective des crédits, ne peut être possible sans une
simplification administrative de l'accès à la ligne budgétaire unique par les
bailleurs sociaux, entre autres.
La direction départementale de l'équipement doit les accompagner et jouer
pleinement le jeu.
Ni nos jeunes, ni nos malades, ni nos chômeurs, ni nos familles ne peuvent
attendre ! Bref, dans cette situation, les départements d'outre-mer ne peuvent
patienter.
J'en reviens donc à la question de la gestion budgétaire qui a largement
justifié la révision des crédits de l'outre-mer.
Le budget de l'outre-mer, les années précédentes, n'a pas échappé aux
différents gels de crédits et autres contrats de gestion, qui expliquent la
sous-consommation des crédits votés en loi de finances initiale.
Réduire les crédits, c'est fermer les perspectives sans même chercher à agir
sur les moyens de réalisation, d'autant que vous avez eu la charge de
l'exécution d'une part du budget de 2002.
Qualifier d'« affichage » le niveau des crédits votés en 2002 revient à
anticiper l'exécution du présent budget pour 2003, établi sur des hypothèses de
croissance et, partant, sur des recettes incertaines.
Votre politique pour l'outre-mer ne peut donc se lire, pour l'heure, qu'à
l'aune de vos intentions.
Je reste donc dans l'attente de la loi de programme.
(Applaudissements sur
les travées du RDSE. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Victor Reux.
M. Victor Reux.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de
l'outre-mer affiche une augmentation de 1,50 % par rapport au précédent, ce qui
peut paraître peu mais, comme chacun le sait, il ne représente que le dixième
environ des transferts des divers ministères vers la France ultramarine.
Vous avez raison, madame la ministre, de stigmatiser le laxisme de ceux qui
vous ont précédée, laxisme entraînant ainsi un haut niveau des budgets non
utilisés et reportés alors qu'il y a tant à faire outre-mer.
Focalisé sur des projets concrets, ce budget de terrain, mais également de
transition, traduit bien la volonté de situer l'emploi et la formation au
centre des priorités de votre gouvernement.
Pour autant, il ne néglige pas les autres volets essentiels ou innovants tels
que la création du passeport mobilité, l'augmentation des crédits pour le
logement - la ligne budgétaire unique augmente de 7,5 % -, dont la dotation a
été doublée pour Saint-Pierre-et-Miquelon, ou encore la promotion de moyens
particuliers destinés à permettre le rattrapage économique et social des
collectivités qui en ont le plus besoin.
Enfin, tout comme en métropole, vous ne tirez pas un trait sur les
emplois-jeunes, puisque vous prévoyez même un accompagnement individualisé en
fin de contrat.
J'aborderai quelques sujets plus spécifiques à ma collectivité.
Le premier est le secteur de la pêche artisanale, notamment s'agissant la
campagne 2002, laquelle, vous le savez, madame la ministre, s'est soldée par de
mauvais résultats, tout simplement parce que, pour certaines espèces, la
ressource n'était pas au rendez-vous.
Cette filière d'activité a vu, au cours de la décennie précédente, la
naissance et le développement d'inititives pour que ne meure pas localement un
métier de tradition. Leurs auteurs ont dû faire des investissements importants.
S'ils n'étaient pas aidés et si l'année à venir et la suivante n'était pas
meilleures, ce secteur de notre diversification économique se trouverait en
péril.
Vous sachant sensible à cette question, je renouvelle donc la demande que
j'avais faite ici-même à votre prédécesseur, qui, à l'évidence, ne l'a pas
entendue, afin que puisse avoir lieu dans les eaux avoisinant l'archipel, et ce
dès que possible, une mission française d'évaluation de la ressource
halieutique qui pourrait être effectuée par l'Institut français de recherche
pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER. Ainsi, les divers acteurs de la pêche
locale, disposant de données scientifiques plus fiables, se trouveront aidés
dans le choix de leurs orientations.
Par ailleurs, dans ce même secteur - vous pourrez le constater lors de votre
prochaine visite -, le projet en cours de réalisation d'exploitation de
coquilles Saint-Jacques lancé à Miquelon est porteur d'emplois. Il a nécessité
aussi de lourdes mises de fonds de la part des actionnaires locaux : 860 000
euros en 2002 seulement.
Toutefois, les aides publiques normalement prévues ne semblent pas se
concrétiser, alors que les deux années à venir seront cruciales pour la
viabilité de l'entreprise. Pouvez-vous m'indiquer où est la participation de
l'Etat dans cette entreprise prometteuse ?
Dans le secteur de la pêche et dans l'archipel, je veux également souligner,
madame la ministre, l'émotion soulevée par l'annonce faite par le Canada, à
l'instar de la Commission de Bruxelles récemment, d'une probable et forte
réduction de quotas autorisés de cabillaud déjà bien maigres.
La situation économique de l'archipel ne s'est guère améliorée depuis le
changement de majorité au conseil général en mars 2000. Elle n'a fait
qu'empirer.
En parallèle, la dégradation de notre situation budgétaire constitue un
facteur défavorable pour la commande publique, ainsi que pour l'investissement
en général.
S'agissant de la commande publique, et compte tenu des troubles sociaux qui
ont eu lieu récemment du fait des errements de l'exécutif local, je suis
également demandeur de la venue sur place d'une commission d'enquête sur les
marchés publics pour faire le point en ce domaine, où se posent de nombreuses
questions.
S'agissant de la situation budgétaire, la collectivité est confrontée à un
endettement semblable à celui qu'elle connaissait avant 1994, notamment en
raison de la charge des emprunts qu'elle a dû contracter pour participer aux
dépenses liées à la construction du nouveau complexe aéroportuaire. C'est
pourquoi je demande, cette année encore, qu'une partie de la dette de la
collectivité territoriale soit exceptionnellement prise en charge par
l'Etat.
Pour ce qui est des investissements, j'espère que, dans la future loi de
programme, Saint-Pierre-et-Miquelon, malgré son régime fiscal spécifique,
pourra être mieux loti que par le passé en matière de défiscalisation, laquelle
est indispensable pour les investissements.
Madame la ministre, nous venons tout récemment de voter le projet de loi
relatif à la décentralisation. S'agissant du transfert de compétences relatif à
notre zone économique exclusive, notre ZEE, au large de
Saint-Pierre-et-Miquelon, au profit de la collectivité territoriale, votre
prédécesseur n'a jamais répondu à la question suivante, que je tiens donc à
poser à nouveau à cette tribune : où en est-on de l'élaboration du cahier des
charges prévu et de son approbation par le Conseil d'Etat pour ce transfert de
compétences ?
Cette interrogation se greffe sur l'important sujet de la prospection et de
l'exploitation éventuelles des hydrocarbures dans les fonds sous-marins
avoisinant l'archipel, et dans notre zone économique exclusive en
particulier.
Dans cette zone, vous le savez, depuis le forage intervenu en avril 2001, tout
semble au point mort, mais le contexte s'est modifié avec le règlement du
contentieux existant entre les provinces canadiennes de Nouvelle-Ecosse et de
Terre-Neuve, lequel avait entraîné un moratoire sur les forages en zone
maritime canadienne.
Ce moratoire n'ayant plus de raison d'être, il est normal que l'on se pose la
question de savoir si les compagnies étrangères qui se sont montrées
intéressées par notre ZEE le seront autant que par le passé.
Quel que soit le cas de figure envisagé, il me semble indiqué que notre zone
économique exclusive soit, pour le futur, concrètement prise en compte dans le
« Plan hydrocarbures » français. Madame la ministre, me rejoignez-vous sur ce
point ?
Autre sujet que je voudrais aborder touchant la santé, celui des évacuations
sanitaires d'urgence par voie aérienne, majoritairement vers le Canada, et,
dans une bien moindre mesure, en inter-îles vers Saint-Pierre à partir de
Miquelon.
Il s'agit pour la compagnie Air Saint-Pierre d'une contrainte forte puisqu'en
fait - et c'est le cas depuis quarante ans - l'Etat, la collectivité et les
particuliers comptent sur elle pour ce type d'évacuation qui peut intervenir à
n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, dans des conditions
météorologiques souvent difficiles.
Cette astreinte effective de mise à disponibilité du matériel et des hommes
vingt-quatre heures sur vingt-quatre engendre des coûts importants, qui vont
augmenter avec le remplacement incontournable du petit bimoteur affecté à ce
service depuis longtemps.
Compte tenu du fait que nous n'avons pas sur place de SAMU ou d'autre
organisme public susceptible d'assurer les missions d'urgence, d'assistance et
de protection sanitaire du citoyen, il me paraît indiqué que, dans la future
loi de programme, des dispositions soient prévues afin que l'Etat prenne en
charge une partie des coûts induits par ces missions permanentes qui ne
relèvent pas d'un service commercial ordinaire.
J'ajouterai quelques remarques au sujet de la loi d'orientation, qui est
appliquée dans l'archipel pour ce qui relève de l'exonération des charges
sociales, des projets initiatives jeunes, les PIJ, de l'apurement des dettes
sociales et le fonds d'échanges culturels.
Des difficultés inhérentes aux particularités locales freinent cependant la
concrétisation des mesures prévues en matière de congé-solidarité et de
parrainage, notamment.
L'application de la loi d'orientation pour l'outre-mer se poursuivra en
attendant que la loi de programme prenne le relais.
Dans cette perspective, afin de faire le point, peut-on envisager la mise en
action de la commission de suivi - c'est l'article 74 -, de manière à savoir si
tous les acteurs économiques concernés jouent le jeu en matière de création
d'emplois et de maîtrise des coûts du travail ? Compte tenu de la situation à
ce sujet dans l'archipel, le rapport de cette commission permettrait d'y voir
plus clair et de mieux encadrer les dispositions en gestation en vue de leur
finalité.
Enfin, sur un plan culturel et économique, j'appelle votre attention sur
l'avenir de la station locale RFO, et précisément sur la diffusion de son
signal hertzien sur le Canada.
Avec une retransmission vers 300 000 abonnés, soit environ un million de
téléspectateurs, ce média constitue à partir de l'archipel une véritable
vitrine de la France et de la francophonie vers un public très attaché à notre
culture.
Avec de 70 à 80 salariés, RFO tient une place importante dans notre fragile
équilibre économique. Recrutant majoritairement sur place, cette station est un
excellent vecteur de formations valorisantes dans les métiers d'avenir
porteurs. Elle mérite donc d'être défendue contre les pressions destinées à
restreindre sa diffusion chez nos voisins.
Madame la ministre, je pense que le pragmatisme et le réalisme qui
caractérisent la démarche du Gouvernement dans son approche des problèmes de
l'outre-mer marqueront vos réponses, aujourd'hui et par la suite, à mes
interrogations en faveur de mes concitoyens. Aussi est-ce bien volontiers que
j'apporterai mon total soutien à votre budget, tel que vous nous le présentez.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Brigitte Girardin,
ministre de l'outre-mer.
Monsieur le président, madame, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est avec plaisir et
conviction que j'ai l'honneur de défendre devant votre assemblée, pour la
première fois, le budget du ministère de l'outre-mer. C'est pour moi l'occasion
de vous présenter les grandes orientations de l'action du Gouvernement pour les
dix collectivités dont j'ai la charge.
Ce projet de budget est d'abord une première concrétisation des engagements du
Président de la République pour l'outre-mer.
Le premier engagement tenu est celui d'une attention particulière accordée à
la création d'emplois dans le secteur marchand, qui est la base du
développement économique outre-mer. Le projet de budget pour 2003 prévoit une
réorientation des crédits du FEDOM vers la création de vrais emplois durables
dans ce secteur productif. Je vous remercie, madame Létard, de l'avoir relevé
avec satisfaction. On en revient à l'esprit de la loi Perben, qui avait créé le
FEDOM ; il est ainsi prévu d'augmenter de plus de 11 % le nombre de contrats
d'accès à l'emploi.
Je tiens à vous rassurer, monsieur Lise : je ferai en sorte que les CAE
conservent leur attractivité pour les employeurs. Cela est possible, notamment
par le relèvement du montant des exonérations de charges sociales qui y est
associé. Je note qu'une telle amélioration aurait pu être apportée par la loi
d'orientation de mon prédécesseur pour relancer l'emploi dans le secteur
marchand. Nous veillerons à le faire dans la loi de programme.
La persistance, outre-mer, d'un taux de chômage trois fois supérieur à celui
de la métropole justifie amplement cette réorientation du FEDOM.
Si le budget pour 2003 contient encore des financements importants pour les
emplois aidés, qui sont par nature des emplois précaires, c'est qu'il s'agit
d'un budget de transition - vous l'avez remarqué, monsieur Raoul - dans
l'attente de la loi de programme qui vous sera présentée au début de l'année
prochaine et dont l'objectif est de substituer une logique d'activité à une
logique d'assistance. Nous devons offrir à la jeunesse d'outre-mer de
véritables perspectives d'emploi.
Pour répondre à votre interrogation, monsieur Lise, je vous indique que si,
comme je le souhaite, la loi de programme est votée au plus tard le 1er juillet
prochain, elle sera financée en loi de finances rectificative en 2003 et en loi
de finances initiale en 2004.
Les moyens financiers en faveur des emplois aidés augmentent encore en 2003
pour tenir compte des engagements pris et de cette période transitoire. Ce
n'est qu'en 2004 que les effets de la loi de programme seront pris en compte.
Il est inexact de dire que les moyens du FEDOM diminuent ; je le dis en réponse
aux quelques critiques que j'ai entendues.
Je vous rappelle que les moyens du FEDOM représentent 44 % de mon budget. Les
dotations pour les contrats emploi-solidarité, les contrats emploi consolidé et
les emplois-jeunes augmentent en 2003 de 6 %. Je vous rappelle aussi que 15 %
de mon budget est consacré aux emplois-jeunes !
Beaucoup d'entre vous, notamment MM. Lise, Vergès, Virapoullé, Larifla et bien
d'autres, ont exprimé à juste titre sur le devenir des emplois-jeunes une
inquiétude que je comprends parfaitement.
Ainsi que je l'ai maintes fois précisé, tous les contrats iront à leur terme
et chaque jeune en fin de contrat bénéficiera d'un accompagnement individualisé
afin qu'aucun d'eux, j'y insiste, ne soit laissé au bord du chemin.
Je vous rappelle, monsieur Larifla, monsieur Lise, que le précédent
gouvernement n'avait pas pris de disposition pour assurer à ces jeunes une
sortie positive du dispositif. Mon objectif est donc qu'une solution soit
trouvée, au cas par cas, pour chaque jeune. A cet effet, j'ai donné instruction
aux préfets de travailler avec les structures de reclassement mises en place
dans chaque collectivité. Un dispositif transitoire est en cours de
finalisation pour les jeunes qui n'auront pu sortir de ces emplois. Il
s'appliquera jusqu'à ce que l'on aboutisse à une solution pérenne.
En outre, pour répondre aux besoins du monde associatif, nous étudions
actuellement, avec le ministre des affaires sociales, un nouveau dispositif
d'insertion des jeunes qui comportera un volet spécifique pour l'outre-mer.
Nous devons tous nous mobiliser - et j'ai bien entendu M. Jean-Paul Virapoullé
sur ce sujet - et nous montrer créatifs afin de trouver de vraies solutions en
matière d'emploi pour tous ces jeunes qui arrivent au terme du dispositif.
C'est en tout cas la volonté que j'ai au plus profond de moi-même et que j'ai
affichée. Mais je ne fais pas preuve de naïveté. Compte tenu du nombre de
jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l'emploi, il serait illusoire
de penser que le secteur marchand les absorbera dans leur totalité. Nous
travaillons donc à des solutions intermédiaires.
Dans ce budget, nous avons fait un effort particulier en créant 500 postes
supplémentaires pour le SMA, qui est un véritable instrument d'insertion et de
formation. Son succès n'est plus à prouver, et je note d'ailleurs que vous vous
en êtes tous félicité, ce dont je vous remercie. Je vous rappelle que
pratiquement tous les jeunes qui passent par le SMA trouvent un emploi à la fin
de cette formation et de cette insertion.
Le deuxième engagement tenu est celui d'un premier contenu donné au principe
de continuité territoriale, avec la création du passeport mobilité au profit de
11 000 étudiants et de 5 000 jeunes en formation.
Ce passeport - dont vous avez tous salué la création - répond à une attente
forte des jeunes d'outre-mer et permet de faciliter leur mobilité vers la
métropole ou une autre collectivité d'outre-mer dans le cadre de leurs études,
de leur formation ou de leur accès à un premier emploi. Il est en vigueur
depuis le 1er septembre pour les jeunes en formation, et même depuis le 1er
juillet pour les étudiants.
La continuité territoriale pour nos jeunes ne doit cependant pas se limiter à
prendre en charge le coût de leur transport. Il faut aussi organiser leur
accueil en métropole. A cet égard, je partage pleinement le souhait de M.
Jean-Paul Virapoullé de répondre à cette attente et, notamment, de régler le
problème du logement. Effectivement, il faut mettre en place une véritable
politique du logement pour ces jeunes.
Dès que je suis arrivée à la tête de ce ministère, j'ai constaté que l'Agence
nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, qui
devrait normalement jouer ce rôle, n'avait malheureusement plus de structures
dirigeantes depuis plusieurs années, qu'il s'agisse de président ou de
directeur général. Je me suis donc employée à remédier à cette situation. J'ai
demandé à l'ANT, l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des
travailleurs d'outre-mer, de prendre des contacts avec les bailleurs sociaux de
métropole pour que des logements soient réservés aux jeunes d'outre-mer dans
leurs parcs immobiliers. Le CNARM, le comité national de l'action des
Réunionnais en mobilité, pourrait appuyer cette démarche. On peut aussi
envisager que l'Etat réserve un volume de logements pour ces jeunes d'outre-mer
dans le parc HLM, selon des modalités financières à préciser.
Il faut faire vite pour concrétiser cette continuité territoriale au profit de
la jeunesse, qui est la principale richesse de l'outre-mer. C'est pourquoi je
souhaite que ces mesures soient mises en place dès le printemps prochain.
Après le passeport mobilité et le renforcement de l'ANT, nous engagerons une
deuxième étape, dans le cadre de la future loi de programme, pour améliorer les
transports terrestres, maritimes et aériens, et faire baisser leur coût,
problèmes que vous avez été très nombreux à évoquer.
Je souhaite favoriser la concurrence dans le transport aérien et éviter les
situations de monopole. Plusieurs mesures en faveur des compagnies existantes
et d'une nouvelle compagnie dédiée à l'outre-mer sont actuellement soumises à
l'arbitrage du Premier ministre. Elles permettraient aux compagnies aériennes
de consolider leurs conditions d'exploitation sur la desserte de l'outre-mer et
de mettre en place un dispositif d'allégements du coût du transport, en
partenariat avec les collectivités locales concernées et avec le soutien des
fonds européens.
MM. Virapoullé et Désiré ont évoqué la question des NTIC, qui est importante
et étroitement liée à la continuité territoriale.
Les télécommunications entre la métropole et l'outre-mer posent en effet de
sérieux problèmes, notamment en termes de coûts. Ceux-ci sont encore trop
élevés, même s'ils ont, il faut le reconnaître, baissé depuis trois ans.
Cette baisse devrait se poursuivre dans les mois à venir grâce à la libération
des canaux satellitaires par le ministère de la défense et à l'évolutions des
techniques qui permettent précisément d'envisager des coûts plus réduits. Je
veille avec mes deux collègues du Gouvernement - Mme la ministre déléguée à
l'industrie et Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles
technologies - à ce que toutes les dispositions soient prises pour faciliter la
concurrence entre les opérateurs et faire ainsi baisser les coûts d'accès et
les abonnements.
Le troisième engagement tenu consiste à mettre en place des moyens financiers
supplémentaires pour le développement économique et social des collectivités
nécessitant un effort particulier de rattrapage. Il s'agit des deux conventions
de développement pour Mayotte et pour Wallis-et-Futuna, pour un montant
respectif de 20 millions d'euros et 2,5 millions d'euros sur cinq ans, qui
s'ajoutent aux contrats de plan.
Je tiens à remercier tout particulièrement les élus de ces deux collectivités,
avec lesquels nous avons travaillé de façon très constructive, pour que ces
conventions puissent être signées avant la fin de l'année. J'espère, monsieur
Laufoaulu, que nous construirons ainsi plus d'un kilomètre de route par an à
Wallis-et-Futuna !
Ces moyens viennent renforcer de manière pragmatique ceux qui existent déjà et
qui sont insuffisamment mobilisés, comme le fonds mahorais de développement, ou
qui sont enlisés dans les arcanes de l'administration, tel que le fonds d'aide
au développement de Wallis-et-Futuna. Ce n'est pas acceptable alors que les
besoins sont patents. Nous allons donc faire aboutir ces projets d'ici à la fin
de l'année, afin de les rendre opérationnels en 2003.
J'ajoute que les moyens des chapitres 68-01 et 68-90, qui regroupent notamment
ceux du FIDOM et du FIDES, augmentent. Ils prennent en compte avec réalisme
l'ensemble des besoins contractualisés au titre des contrats de plan ou de
développement et financent certains besoins importants, tel le plan global de
développement de l'agriculture en Guyane.
Monsieur Othily, je suis d'accord avec vous sur la nécessité de moderniser la
gestion du FIDOM, mais je crois qu'il faut d'abord tirer tous les enseignements
de l'expérience un peu controversée du FIDOM décentralisé ces dernières années
avant d'envisager de créer de nouvelles sections territoriales. Je rappelle, en
effet, qu'une dette de 5 millions d'euros a été réglée par le Gouvernement cet
été, lors de l'élaboration du collectif budgétaire.
J'ai bien noté, monsieur Othily, les remarques que vous avez formulées sur les
mécanismes à mettre en oeuvre pour faciliter l'accès au logement. Sachez que
nous avons travaillé sur ces sujets dans le cadre de la préparation de la loi
de programme.
Je partage également votre analyse sur les besoins d'infrastructures que
connaît la Guyane. Je suis favorable au maintien d'un chapitre budgétaire
destiné spécialement à financer ces besoins et je procèderai, en 2003, à une
analyse de l'emploi des crédits qui doivent être recentrés sur les grandes
infrastructures, notamment les infrastructures de communication.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la place privilégiée que le Gouvernement
souhaite donner à l'outre-mer dans l'action gouvernementale se reflète dans ce
projet de budget. Vous l'avez presque tous souligné : à périmètre constant, il
augmente de 1,5 %, soit une progression supérieure à celle du budget de l'Etat,
ce qui témoigne de l'effort accompli en faveur de l'outre-mer dans un contexte
budgétaire difficile.
Cet effort se réalise au profit des préoccupations majeures de l'outre-mer, à
savoir, d'une part, l'emploi, la formation et l'insertion et, d'autre part, le
logement, toutes préoccupations qui sont au coeur de mes priorités.
L'effort du Gouvernement pour l'outre-mer est d'autant plus remarquable que,
ces dernières années, les budgets ont enregistré un taux de consommation qui
n'est pas convenable.
Monsieur du Luart, vous l'avez noté dans votre intervention, et je tiens à
répondre aux critiques que j'ai entendues, notamment de la part de M. Lise : ce
n'est pas l'existence même d'une sous-consommation des crédits que je critique,
car c'est un constat que l'on peut faire dans d'autres secteurs ; c'est son
ampleur, que je ne peux accepter au regard des besoins à financer. En effet,
j'ai constaté, à mon arrivée au ministère, que plus de 727 millions d'euros
avaient été reportés en cumul ces dernières années.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Eh oui ! malheureusement !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Nous avons donc perdu, au cours de la précédente législature,
l'équivalent d'un budget de l'outre-mer. C'est un véritable gâchis ! Je ne peux
que déplorer que de telles occasions aient été manquées au profit de
l'outre-mer.
Les crédits reportés représentent ainsi, l'équivalent de trois années de
dotations de la ligne budgétaire unique pour le logement, ou près de deux
années de crédits pour l'emploi du FEDOM.
Afficher, comme auparavant, des augmentations de budget pour ne pas consommer
l'ensemble des crédits est, à mon avis, un non-sens et relève d'une logique
avec laquelle je souhaite rompre résolument.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
La commission vous suivra !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
L'essentiel de notre travail ne se résume pas à la simple
présentation d'un budget une fois l'an. Il faut agir au jour le jour pour
consommer les crédits, utilement et efficacement.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Quelle ne fut pas ma surprise en constatant que, dans le même
temps où les reports de crédits progressaient au rythme de l'augmentation du
budget, l'Etat était complètement défaillant dans la tenue de ses engagements à
l'égard de plusieurs collectivités d'outre-mer !
Je vais vous en donner quelques exemples.
Dans les quatre DOM, les budgets des assemblées départementales ont subi des
prélèvements indus au titre de la couverture maladie universelle pour un
montant de 70 millions d'euros.
(M. Georges Othilly fait un signe
d'approbation.)
Dès 2003, nous mettrons un terme à ces erreurs inadmissibles. J'espère aussi
traiter la situation particulière des communes de Guadeloupe qui ont été
injustement pénalisées par une augmentation brutale de leurs contingents d'aide
sociale, grevant ainsi leur budget.
Par ailleurs - c'est un deuxième exemple - le gouvernement précédent a
instauré l'obligation légale pour l'Etat de financer le fonds intercommunal de
péréquation des communes de Polynésie à hauteur de 7,9 millions d'euros par an.
Mais il n'a pris aucune mesure budgétaire pour respecter son engagement sur les
années 2001 et 2002. Nous sommes en train de régler cette question.
Monsieur Flosse, vous avez souligné également la situation financière des
communes de Polynésie, dont les ressources propres doivent être réévaluées.
C'est une demande que je comprends parfaitement. Elle est notamment liée à
l'instauration d'une fiscalité propre des communes, que vous avez d'ailleurs
évoquée à l'occasion de la présentation du budget à l'assemblée territoriale le
19 septembre dernier. Il conviendra alors de définir une base fiscale et de
laisser la liberté aux communes de fixer le taux en fonction des recettes
attendues. La part du territoire dans le financement des communes pourra, dans
ces conditions, être réduite.
J'ajoute, monsieur le sénateur, que la dotation de rattrapage que vous évoquez
pourrait prendre, pour l'Etat, la forme d'une défiscalisation. Vous savez que
je propose, dans le cadre de la loi de programme, l'éligibilité à la
défiscalisation de certains équipements structurants pour les communes, comme,
par exemple, les stations d'épuration, les unités de dessalement de l'eau de
mer ou de production d'électricité.
Un autre exemple de non-respect par l'Etat de ses engagements peut être relevé
en Nouvelle-Calédonie. La dotation pour la construction et l'équipement des
collèges a été insuffisamment abondée. Monsieur Loueckhote, vous avez raison de
vous élever contre cette situation : l'Etat n'a pas respecté le critère des
effectifs scolarisés fixé par la loi. Ce sont plusieurs millions d'euros qui
manquent, alors que les besoins sont criants. Là aussi, nous sommes en train de
mettre fin à ce manquement inacceptable de l'Etat.
Le projet de budget que je vous présente rompt résolument avec ces pratiques
et s'inscrit dans une dynamique pragmatique, au plus près des réalités de
terrain et des attentes de nos compatriotes d'outre-mer. Répondre aux attentes,
faire ce que l'on annonce, c'est aussi respecter celles et ceux pour lesquels
nous travaillons.
Le développement économique et social durable de l'outre-mer passe par un
respect mutuel des engagements dans le cadre d'un partenariat financier
clairement exprimé entre l'Etat et les collectivités. C'est pourquoi je
veillerai à ce que les concours financiers de l'Etat aux collectivités
d'outre-mer soient effectivement versés, conformément aux engagements pris, et
soient adaptés aux besoins spécifiques de l'outre-mer.
Pour assurer, précisément, une bonne prise en compte des spécificités de nos
dix collectivités d'outre-mer, il me paraît essentiel d'insister sur la
nécessaire cohérence de l'action de l'Etat outre-mer.
Je le souligne avec d'autant plus de plaisir que, cette année, l'outre-mer a
retrouvé toute sa place au coeur de l'organisation gouvernementale avec un
ministère à part entière, dont la vocation interministérielle est enfin
réaffirmée. C'est à la fois une marque de respect, de reconnaissance et
d'estime à l'égard de ces Français d'outre-mer, qui sont une part irremplaçable
de notre communauté nationale et qui apportent à l'épanouissement de notre pays
une immense et généreuse contribution.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
C'est avant tout pour eux que le Gouvernement a
la volonté de mener une action ambitieuse fondée sur la confiance, avec pour
objectif l'égalité économique, définie par le Président de la République comme
l'étape ultime de l'accès à la pleine citoyenneté de chacun par le travail et
la dignité.
En effet, vous le savez, les moyens de mon ministère ne représentent pas
l'ensemble de l'effort que l'Etat consacre à l'outre-mer : il s'agit seulement
d'un dixième des crédits qui y sont affectés. Il est donc de ma responsabilité
d'intervenir auprès de mes collègues du Gouvernement pour qu'ils mettent en
place, dans les domaines qui relèvent de leur compétence, les financements et
les moyens propres à satisfaire les besoins de l'outre-mer.
J'ai bien noté les demandes qui ont été formulées par M. Flosse. Bien entendu,
je les transmettrai à mes collègues du Gouvernement.
Dans cet esprit, et à titre d'exemple, j'ai décidé de relancer l'action de la
commission interministérielle de coordination des investissements de l'Etat
outre-mer, afin de garantir, sous mon autorité, la cohérence des actions
économiques et des investissements de l'Etat. Je constate d'ailleurs que cette
commission ne s'est plus réunie depuis quatre ans, témoignant sans doute du
faible intérêt porté à l'action concrète de l'Etat outre-mer.
Cette action est d'autant plus essentielle qu'il existe outre-mer une très
forte imbrication entre les contrats de plan et les actions financées au titre
des DOCUP. Il importe donc de dynamiser cette synergie, que l'on ne retrouve
pas en métropole. Je rappelle que 85 % des actions des contrats de plan des
quatre DOM bénéficient d'un financement européen. Mon ministère a donc
participé activement à l'élaboration des mesures de simplification
administrative permettant une meilleure consommation des crédits européens pour
éviter des dégagements d'office qui seraient une catastrophe pour les
collectivités concernées. Je réponds sur ce point à l'interrogation de M.
Raoul.
Mon ambition est de faire simple et pratique, surtout quand on connaît le
poids des investissements publics dans les économies d'outre-mer.
Mon souci de cohérence de l'action de l'Etat outre-mer s'illustre aussi dans
la lutte contre l'insécurité - MM. Balarello, Hyest et Othily l'ont souligné -,
qui est aggravée outre-mer, en particulier en Guyane et à Mayotte, par le poids
de l'immigration clandestine.
Je veille à ce que les particularités de l'outre-mer soient pleinement prises
en compte, et ma présence comme membre permanent du conseil de sécurité
intérieure me permet de faire valoir certaines spécificités et d'obtenir un
renforcement significatif des moyens de police et de gendarmerie, comme ce fut
le cas en Guyane cet été.
En matière de sécurité, vous attendez tous légitimement des faits. Je peux
vous dire que nous sommes en train de renverser la tendance, puisque la
délinquance de voie publique a sensiblement fléchi grâce aux mesures prises par
le Gouvernement avec, en particulier, la création, comme en métropole, des
groupements d'intervention régionaux.
Nous avons, vous le savez, engagé en Guyane une action déterminée pour lutter
intensivement contre l'orpaillage clandestin, et les premiers résultats sont
encourageants. Je tiens à remercier à cet égard M. Othily de nous avoir aidés à
modifier le code minier, afin de permettre la destruction sur place du matériel
des orpailleurs clandestins.
Sur l'initiative du préfet de Guyane, les opérations ciblées se succèdent
depuis le 30 septembre dernier. Plusieurs tonnes de matériels, des milliers de
litres de carburant, des groupes électrogènes, du ravitaillement ont été saisis
et détruits, et une centaine de personnes en situation irrégulière ont été
interpellées.
Il faut que les orpailleurs clandestins, et surtout leurs commanditaires,
comprennent que, désormais, ces activités ne seront plus rentables en Guyane
pour ceux qui les exercent dans l'illégalité.
J'ai bien noté votre souci, monsieur Othily, de faire en sorte d'activer, sur
le plan de la coopération régionale, la conclusion d'accords. C'est déjà le cas
avec le Brésil, et nous travaillons actuellement pour en conclure avec le
Surinam et le Guyana.
Cependant, toutes ces actions seraient vaines si elles n'étaient pas
accompagnées par des mesures significatives pour moderniser la gestion des
crédits du ministère.
Je sais que votre assemblée s'est montrée soucieuse de faire réaliser des
économies à l'Etat. C'est un point sur lequel j'ai veillé lors de l'élaboration
de mon budget, en ne reconduisant pas les 31 millions d'euros de la
compensation de la créance de proratisation. Comme vous le savez, mesdames,
messieurs les sénateurs, cette créance comportait deux volets : l'un consacré
au logement, l'autre destiné à l'insertion.
Le volet du logement, qui était le plus important, a été inscrit durablement
dans la base budgétaire de la ligne budgétaire unique, conformément aux
engagements du Président de la République. L'autre volet a été supprimé, car le
maintien de la part « insertion » de la créance de proratisation ne se
justifiait plus du fait de la disparition, à compter du 1er janvier 2002, du
différentiel entre le niveau du RMI dans les DOM et celui de la métropole.
Je précise que, compte tenu du mode de financement des agences départementales
d'insertion, les ADI, cette économie de structure se réalisera sans
bouleversement de la situation financière de celles-ci. En effet, le
réalignement du montant du RMI outre-mer sur celui de la métropole augmente
mécaniquement la dépense de RMI et donc d'autant la part que le conseil général
doit lui consacrer.
En maintenant la compensation de cette créance, l'Etat organisait au profit
des ADI un effet d'aubaine les conduisant à bénéficier à la fois d'une dotation
du département augmentée et d'une créance qui n'avait plus lieu d'être.
J'ajoute que les quatre ADI disposent d'un confortable fonds de roulement, de
120 millions d'euros, correspondant à quatre années de créance.
J'estime, par ailleurs, nécessaire d'accomplir un effort pour mieux mobiliser
les moyens financiers des ADI.
De même, les mesures de la loi d'orientation pour l'outre-mer de mon
prédécesseur ont été financées, cette fois-ci, de manière plus réaliste. En
effet, sur les 23 000 mesures affichées au titre du projet initiatives-jeunes,
du congé solidarité et du retour à l'activité, seul un tiers au mieux aura été
réalisé. Une réflexion au premier euro dépensé a permis de réajuster ces
mesures à 9 300, ce qui représente, par rapport à ce qui sera effectivement
réalisé en 2002, une augmentation de 23 %. Nous évitons ainsi d'immobiliser
inutilement 30 millions d'euros que l'on sait ne pas pouvoir dépenser.
Plus généralement, j'entends, à compter de 2003, commencer à combler le retard
de modernité dont souffre le ministère et faire en sorte que l'outre-mer
participe activement aux efforts de modernisation de la gestion des crédits
publics et s'inscrive pleinement dans les orientations de la réforme de
l'Etat.
Mon objectif est simple : dynamiser la ressource budgétaire du ministère, avec
cette conviction qu'un bon budget n'est pas un budget qui augmente
systématiquement dans des proportions importantes. C'est d'abord un budget qui
optimise les ressources pour faire plus et mieux.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Parmi les mesures que j'ai retenues, figure une déconcentration
plus importante de crédits, notamment ceux du FEDOM et ceux qui concernent la
réhabilitation de l'habitat insalubre. Cela va donc dans le sens que vous
souhaitez, monsieur le rapporteur spécial.
Une expérimentation sera conduite en Martinique pour déconcentrer des crédits
du FEDOM. Il n'est pas davantage normal que ce soit à Paris que l'on décide,
par exemple, des bourses pour les étudiants, des crédits pour la formation des
cadres ou de certains crédits de rémunération pour du personnel embauché
localement.
Enfin, la modernisation de la gestion des crédits du ministère se concrétise
par la mise en place d'un contrôle de gestion, afin de me permettre de
connaître régulièrement l'état des dépenses et la réalisation des objectifs,
pour ne pas être en situation de justifier le besoin en constatant la dépense.
Le contrôle de gestion est un outil aujourd'hui indispensable pour piloter
correctement un budget.
Ces différents outils, mesdames, messieurs les sénateurs, me permettront
d'améliorer de façon significative le taux de consommation de mes crédits au
profit de l'outre-mer.
Je répondrai maintenant plus précisément aux questions que, les uns et les
autres, vous m'avez posées.
Vous avez été nombreux à évoquer la « crise » du tourisme, relayée par la
presse de façon sans doute un peu exagérée. Mme Létard, MM. Lise, Désiré et
Larifla ont souligné, avec raison, l'importance de ce secteur clé du
développement économique de l'outre-mer, notamment aux Antilles.
Compte tenu des difficultés actuelles, j'estime indispensable de bâtir
rapidement un plan d'action pour la sauvegarde et la relance du tourisme
outre-mer. Je précise que les choix en matière de développement touristique
sont d'abord une affaire locale et qu'il appartient, en premier lieu, au corps
social, aux élus, aux entrepreneurs et aux collectivités d'outre-mer de définir
la place que cette activité doit occuper dans leur économie.
Face à cette situation préoccupante, le secrétaire d'Etat au tourisme, M. Léon
Bertrand, et moi-même avons engagé, dès le mois de septembre dernier, au sein
de nos ministères, une réflexion concertée avec les forces vives locales, afin
de définir un plan d'action pour la relance du tourisme outre-mer. Nous
détaillerons très prochainement ces mesures.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le levier fiscal doit être plus
largement utilisé pour remettre à niveau nos infrastructures touristiques. J'ai
proposé des mesures spécifiques pour ce secteur dans le cadre de la future loi
de programme et du nouveau système de défiscalisation qui sera mis en place.
Monsieur Lise, je vous remercie d'avoir évoqué le dossier important et
sensible des agences des cinquante pas géométriques. Il est vrai que, créées en
1996, ces agences n'ont réellement été mises en place qu'à partir de 2000. Ce
délai s'est traduit par un retard important dans l'accomplissement des missions
qui leur sont imparties.
Aujourd'hui, ces agences rencontrent des difficultés de financement. Nous
étudions plusieurs solutions. Je vous confirme, d'ailleurs, que les premiers
reversements du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie au
titre des occupations et des cessions interviendront dans les semaines qui
viennent.
M. Vergès a bien voulu souligner, et de façon opportune, les potentialités
extraordinaires de nos collectivités d'outre-mer en termes d'environnement ;
elles ont, de surcroît, un véritable besoin d'indépendance énergétique.
J'ai, pour ma part, eu l'occasion d'évoquer la nécessité de développer le
recours aux énergies renouvelables lors du séminaire gouvernemental consacré au
développement durable qui s'est tenu voilà quelques jours. L'outre-mer a
effectivement des potentialités extraordinaires : le soleil pour l'énergie
solaire, le vent pour les éoliennes, les volcans pour la géothermie et, en
Guyane, l'eau pour l'hydroélectricité.
Malheureusement, les potentialités ne sont pas suffisamment exploitées. Il
faut que nous donnions un coup d'accélérateur afin que les collectivités
territoriales aient accès à une électricité à moindre coût. Je pense à Mayotte,
où le coût de l'électricité est près de sept fois supérieur à celui qui est
pratiqué en métropole. Je compte, dans le cadre de la loi de programme, user
notamment du levier fiscal pour donner une nouvelle impulsion au développement
de tels investissements, qui, je le crois, sont de nature à améliorer la vie
quotidienne de nos compatriotes d'outre-mer.
MM. Lise et Désiré, notamment, ont évoqué certains problèmes agricoles bien
connus, ceux de la banane et de l'ananas.
Les producteurs de bananes antillais connaissent une grave situation
financière.
Avec l'appui d'Hervé Gaymard, nous avons obtenu diverses mesures d'urgence
pour aider les producteurs et leurs groupements à refaire surface. Il s'agit,
tout d'abord, d'une revalorisation de 2,84 centimes d'euro par kilo de l'avance
sur l'aide compensatoire au titre de l'année 2002. Je reconnais que ce
résultat, qui n'a pas été facile à obtenir, est loin d'être satisfaisant, mais
il devrait, je pense, permettre aux groupements de producteurs et aux planteurs
de retrouver un peu d'oxygène.
Pour répondre au manque de trésorerie des groupements de producteurs, vous
savez que deux autres mesures ont été obtenues : tout d'abord, une augmentation
du préfinancement de l'avance sur l'aide compensatoire à 100 % par la BDPME, la
banque du développement des PME, ensuite, l'élaboration, à l'échelon national,
d'un dispositif d'urgence, par la transformation partielle en subventions des
prêts de l'ODEADOM - l'office de développement de l'économie agricole dans les
départements d'outre-mer - et, à l'échelon local, par l'appui à la mise en
place de fonds de garantie permettant aux groupements de producteurs d'accéder
à des emprunts destinés à préfinancer une plus grande partie de l'aide
compensatoire.
J'en suis tout à fait consciente, ces mesures d'urgence ne suffisent pas.
C'est pourquoi, avec M. le ministre de l'agriculture, nous allons lancer, dès
le début de l'année 2003, une grande concertation des professionnels afin
d'anticiper l'avenir de l'OCM banane dans l'Union élargie et dans la
perspective de l'éventuelle révision de 2006.
Je peux vous assurer, monsieur Lise, que nous défendrons toujours aussi bien
le volet interne que le volet externe de l'OCM banane, avec la même
détermination et la même conviction, même si la tâche n'est pas facile car,
hormis les Espagnols et les Portugais, nous n'avons guère de soutien au sein de
l'Union.
S'agissant de l'ananas de Martinique, monsieur Désiré, j'ai envoyé, en accord
avec M. le ministre de l'agriculture, une mission en Martinique, afin de faire
le point sur la situation technique et financière de la SOCOMOR. Ce travail
d'évaluation et de concertation mené à l'échelon local devrait nous permettre
de répondre, d'ici à la fin du mois de janvier, à l'attente de la Commission
européenne, qui souhaite que la France présente un programme 2003-2006 plus
équilibré entre la commercialisation en frais et la transformation. Et je
veillerai, avec M. Hervé Gaymard, à ce que le calendrier soit respecté et à ce
qu'un programme quadriennal solide soit présenté à la Commission pour
approbation.
Monsieur Désiré, vous avez également souhaité avoir des précisions sur les
conditions de financement de l'économie outre-mer. Vous avez fait part de vos
inquiétudes sur l'accès au crédit, au financement des entreprises et à la
SODEMA, la société de crédit pour le développement de la Martinique.
La baisse du coût du crédit dans les départements d'outre-mer depuis 1995,
même si elle n'a pas éliminé les écarts de taux d'intérêt avec la métropole, a
tout de même favorisé le financement des activités des entreprises et des
particuliers.
Par ailleurs, l'accès au crédit des entreprises est désormais facilité par des
outils d'ingénierie financière mis en place dans les quatre régions d'outre-mer
par l'Etat et par les collectivités régionales, avec le concours du FEDER, tel
le fonds de garantie dénommé « Fonds Dom ».
Face aux difficultés des filiales financières de l'Agence française de
développement, notamment de la SODEMA, dont les parts de marché se réduisent de
plus de 10 % chaque année, la recherche d'une solution durable est en cours,
après concertation avec les collectivités locales. Nous sommes donc très
vigilants sur ce dossier, et nous allons essayer de trouver la solution la plus
adaptée.
Vous avez également évoqué, monsieur Désiré, le problème des constructions
scolaires. Je partage votre souci et votre constat sur la nécessité d'un plan
de rattrapage pluriannuel en ce domaine. Les besoins sont effectivement très
importants pour faire face à une forte poussée démographique et à un bâti
existant qui présente, vous l'avez dit, de sérieuses lacunes en termes de
sécurité.
Notre jeunesse d'outre-mer, bien évidemment, doit bénéficier sur place d'une
formation de qualité, ainsi que de véritables perspectives d'emploi durable.
Aussi, je partage votre avis sur la nécessité de mettre en oeuvre un véritable
plan de rattrapage partout où le besoin est criant. C'est la raison pour
laquelle je vais envoyer prochainement sur place, avec l'accord du ministre
chargé de l'éducation nationale, une mission d'évaluation qui sera chargée de
dresser un état des lieux et d'établir des priorités.
Madame Payet, vous avez évoqué la CMU, dossier qui requiert toute mon
attention depuis mon entrée en fonctions. Vous avez traité avec beaucoup de
pertinence du problème de seuils instaurés par la loi du 27 juillet 1999. Le
dispositif mis en place n'est absolument pas adapté aux spécificités de
l'outre-mer, et tout particulièrement celles de la Réunion, où, pour des
raisons historiques, la culture mutualiste est peu étendue. Le système a
conduit à une régression sociale d'autant plus injustement vécue que le coût
des prestations de santé est plus élevé outre-mer qu'en métropole.
Je partage donc pleinement votre analyse et souhaite faire en sorte que les
moins démunis outre-mer ne soient plus pénalisés par l'instauration de la
CMU.
J'ai donc pris contact, depuis plusieurs mois déjà, avec le ministre chargé de
la santé, M. Jean-François Mattei, qui partage complètement mon analyse, pour
que nous essayions de régler ce dossier au plus vite.
Nous avons réfléchi à deux pistes possibles.
La première consisterait à majorer, dans les départements d'outre-mer, le
montant de l'aide à la mutualisation et à faire en sorte que les personnes
concernées soient couvertes par une bonne assurance complémentaire.
La seconde piste - je ne cache pas qu'elle a ma préférence - consisterait à
relever, toujours dans les départements d'outre-mer, le plafond des ressources
ouvrant droit à la CMU complémentaire. Cette proposition figure dans le projet
de loi de programme actuellement soumis à l'arbitrage du Premier ministre.
Pour rester sur les problèmes de santé, je voudrais répondre à la fois à M.
Loueckhote et à M. Laufoaulu sur la dette de l'agence de santé de
Wallis-et-Futuna envers l'hôpital Gaston-Bourret de Nouméa du fait des
évacuations sanitaires vers la Nouvelle-Calédonie. Cette dette est
préoccupante, car elle grève le développement de l'agence de santé ; elle sera
progressivement apurée dans le cadre d'un accord mutuel en cours de discussion
entre l'agence de santé et l'hôpital Gaston-Bourret.
Je vous précise, à cette occasion, que le directeur de l'agence de santé doit
prendre ses fonctions le 1er janvier prochain. J'espère donc que nous pourrons
régler ce problème dans les meilleurs délais.
Vous avez également évoqué monsieur Laufoaulu, le problème des travaux publics
à Wallis-et-Futuna. J'avais déjà été interrogée à l'Assemblée nationale sur
cette question par M. Victor Brial, dans le cadre de la discussion
budgétaire.
Depuis, la situation a progressé, et je suis intervenue de nouveau pour que le
recrutement du chef du service des travaux publics à Wallis-et-Futuna avance.
Je peux d'ailleurs vous annoncer que l'intéressé sera sur le territoire avant
Noël. Il lui reviendra de prendre la mesure des moyens humains et budgétaires à
la disposition de son service. S'il le juge nécessaire, il pourra proposer des
ajustements en fonction des tâches et des chantiers à venir.
Je veillerai, avec mon collègue chargé de l'équipement, à ce que ses
propositions soient étudiées avec l'attention qu'elles méritent.
J'en viens maintenant à Mayotte. Madame Gourault, vous avez bien voulu
exprimer les préoccupations de votre collègue Marcel Henry, notamment sur
certains fonds au profit de Mayotte.
Je précise que le décret ouvrant le droit au fonds de compensation pour la TVA
aux communes de Mayotte est actuellement en cours de signature et devrait être
publié d'ici à la fin de l'année. Il en est de même pour le décret fixant le
fonctionnement du fonds de coopération régionale.
La mise en place du fonds mahorais de développement a pris du retard sous le
gouvernement précédent, retard que nous nous sommes attachés à combler. Le
décret organisant le fonctionnement de ce fonds a été signé par les ministres
concernés et sera publié dans les tout prochains jours.
Quant au fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la
restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, outil
majeur pour le développement local de l'artisanat, il fait actuellement l'objet
d'une réforme. Un nouveau cadre juridique est prévu pour 2003. M. le Premier
ministre a pris l'engagement de maintenir pour les trois années à venir la
dotation de 71 millions d'euros, soit 3,9 millions d'euros de plus qu'en 2002.
Je veillerai à ce que Mayotte puisse bénéficier de ces crédits dès 2003.
Enfin, vous avez insisté sur la nécessité pour Mayotte de bénéficier du statut
de région ultrapériphérique. Je peux vous assurer que, sur ce sujet, le
Gouvernement tout entier est mobilisé dans le cadre, notamment, des travaux de
la Convention sur l'avenir de l'Europe pour que nous puissions obtenir de nos
partenaires une modification de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. M.
Jean-Paul Virapoullé, que j'ai chargé d'une mission sur l'application de cet
article, nous y aide. Nous ferons tout pour que Mayotte puisse accéder au
statut de région ultrapériphérique, et ainsi bénéficier des fonds structurels
européens.
Monsieur Reux, j'aurai, dans quelques jours, l'occasion de me rendre dans
votre bel archipel et je détaillerai, alors, mes réponses aux nombreuses
questions que vous m'avez posées concernant Saint-Pierre-et-Miquelon.
La filière pêche est effectivement un sujet de préoccupation permanent. Vous
savez, monsieur le sénateur, que j'ai déjà obtenu des résultats, dont une aide
exceptionnelle à l'investissement au bénéfice des Nouvelles pêcheries. Nous
travaillons actuellement à la mise en oeuvre d'une mesure d'urgence en faveur
des petits pêcheurs artisans.
Pour l'avenir, afin de déterminer les potentialités en matière halieutique, je
souhaite que soit réalisée le plus rapidement possible une étude exhaustive des
ressources halieutiques de la zone économique de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les
discussions sont en cours entre mes services et les organismes compétents, dont
l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, afin
d'élaborer un programme de travail.
Vous avez évoqué la situation financière des collectivités de
Saint-Pierre-et-Miquelon : elle est effectivement préoccupante. Nous sommes en
train d'analyser ces difficultés pour imaginer des solutions pérennes.
J'estime, en effet, qu'une approche d'ensemble des finances locales est
nécessaire et qu'il ne faut pas se limiter à des mesures ponctuelles.
S'agissant des perspectives d'exploitation d'hydrocarbures au large de
Saint-Pierre-et-Miquelon, le Gouvernement a pleinement conscience de l'enjeu et
c'est déterminés que nous menons, avec le Canada, des négociations, au
demeurant difficiles, sur la répartition des retombées économiques à venir.
Je compte d'ailleurs, sur le chemin de Saint-Pierre-et-Miquelon, m'arrêter à
Ottawa pour discuter avec le gouvernement canadien de ce dossier important pour
l'économie et l'avenir de l'archipel.
Concernant Air Saint-Pierre et le coût des astreintes liées aux évacuations
sanitaires, je voudrais préciser que le fonds d'intervention pour les aéroports
et le transport aérien, le FIATA, qui est géré par le ministère chargé des
transports, intervient pour compenser en totalité le déficit d'exploitation des
liaisons internationales régulières vers le Canada.
Je terminerai avec un dossier un peu délicat : la diffusion de Radio France
Outremer, RFO, au Canada. Il est vrai que cette diffusion est une bonne chose
pour la francophonie, mais elle soulève un certain nombre de problèmes
juridiques pour les ayants droit des programmes diffusés par Télé
Saint-Pierre-et-Miquelon, problèmes que nous ne pouvons pas ignorer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces éléments de réponse ne constituent
qu'une première étape de la politique ambitieuse que mènera le Gouvernement
pour l'outre-mer, dans le strict respect des engagements pris par le Président
de la République.
Je tiens à remercier vivement les rapporteurs de la qualité de leur analyse de
projet de budget et à les assurer que je tiendrai le plus grand compte de leurs
remarques.
Dans quelques jours, les assemblées locales d'outre-mer seront consultées sur
le projet de loi de programme qui tracera pour quinze ans l'avenir économique
et social de nos collectivités d'outre-mer. J'aurai le plaisir, avant l'été
prochain, de défendre devant vous ce projet de loi de programme promis par le
Président de la République. Je le ferai avec beaucoup de conviction, beaucoup
de détermination et beaucoup d'enthousiasme aussi, car, au-delà de l'égalité
économique, qui est un droit pour nos concitoyens d'outre-mer, il faut que,
ensemble, nous puissions bâtir un vrai projet de société, où la participation
etl'épanouissement de chacun sera la règle.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
(M. Serge Vinçon remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de l'outre-mer et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III :
moins
462 726 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, il ne vous a pas échappé que la commission des finances n'a pas
déposé d'amendement tendant à réduire les crédits de l'outre-mer. Il ne s'agit
cependant pas d'un traitement de faveur : lorsque la commission se livre à un
tel exercice, seuls les budgets régaliens sont sanctuarisés.
Cela ne signifie pas non plus qu'il ne soit pas possible de réaliser des
économies sur le budget de l'outre-mer, qui, je le rappelle, augmente plus vite
que le budget de l'Etat dans un contexte de rigueur budgétaire.
Pourquoi donc ne pas avoir présenté d'amendement de réduction ?
Il est apparu que, pour la préparation du budget de 2003, le ministère de
l'outre-mer avait excellemment joué le jeu de la maîtrise des dépenses
publiques en acceptant des réductions de certains crédits. Il nous a aussi
semblé que les annulations de crédits prévues par le collectif budgétaire, à
hauteur de 49 millions d'euros, constituaient déjà un signal important en
faveur de la maîtrise des dépenses publiques.
La commission des finances considère que l'exemption dont bénéficie le
ministère de l'outre-mer doit être interprétée comme une incitation à une
gestion efficace en 2003, afin qu'il n'y ait plus de crédits non employés dans
le budget de l'outre-mer, faute de quoi les dotations en lois de finances
devraient être revues à la baisse. Je pense, madame la ministre, que vous
partagez cette analyse.
La commission des finances a décidé, à la demande de son président, de
procéder, à mi-année, à des auditions des ministres sur l'exécution de leur
budget. C'est dans ce cadre que nous pourrons, madame la ministre, vérifier
a posteriori
l'utilisation des crédits inscrits au budget du ministère
de l'outre-mer.
D'ici là, mes chers collègues, je vous appelle à nouveau à adopter les crédits
qui vous sont présentés pour l'outre-mer.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 647 322 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 8 970 000 euros ;
« Crédits de paiement : 2 602 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 406 967 000 euros ;
« Crédits de paiement : 118 414 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernantl'outre-mer.
Affaires étrangères
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
les affaires étrangères.
Mes chers collègues, M. Dominique de Villepin, ministre des affaires
étrangères, nous prie de bien vouloir excuser son absence : il est aujourd'hui
à Berlin avec le Président de la République et le Chancelier Schröder.
Nous avons toutefois le plaisir d'accueillir au banc du Gouvernement M.
Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie,
et M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
La parole est à M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, lors de l'examen du projet de budget du ministère
des affaires étrangères pour 2002, j'avais dénoncé les impasses budgétaires, la
diminution des crédits et le mauvais traitement réservé à un ministère
régalien. Ces observations, partagées par mes éminents collègues de la
commission des affaires étrangères, avaient conduit le Sénat à rejeter le
budget, malgré la « tradition » républicaine qui consiste à voter ces crédits
en période de cohabitation.
Mon analyse s'est malheureusement révélée exacte, puisque nous avons voté,
dans le cadre de la loi de finances rectificative du 6 août 2002, des rallonges
de crédits substantielles au profit du ministère des affaires étrangères.
Le budget du ministère des affaires étrangères pour 2002 a en revanche été une
victime privilégiée de la régulation budgétaire. On ne peut évidemment pas se
satisfaire d'un budget dans lequel l'autorisation du Parlement est bafouée
parce que les prévisions de dépenses ne sont pas sincères et que les crédits
votés ne peuvent pas être engagés.
La régulation budgétaire, dirait un bon auteur, est un mystère français
destiné à répondre au vertige financier du présent.
Ses conséquences sont particulièrement néfastes pour les affaires étrangères.
En effet, les projets de nos postes à l'étranger nécessitent un important
travail de programmation. On ne peut pas, à la dernière minute, organiser une
tournée du théâtre des Amandiers de Nanterre ou d'un corps de ballet aux
Etats-Unis ou en Russie ! Des accords de coopération doivent être passés au
préalable avec des partenaires locaux et, lorsque le gel « monarchique »
intervient, ces projets sont bloqués alors que la France a donné sa parole, ce
qui met les postes dans une situation particulièrement difficile. Fort
heureusement, la parité entre l'euro et le dollar a évolué favorablement et le
ministère des affaires étrangères a pu obtenir de Bercy une levée partielle du
gel de ses crédits sans laquelle il eût été impossible à la plupart de nos
postes à l'étranger de boucler la gestion de l'exercice.
En raison des missions qui sont les siennes, le ministère des affaires
étrangères doit connaître précisément à l'avance les crédits dont il peut
disposer pour l'ensemble de l'année. Il faut donc se féliciter de l'initiative
du ministre délégué au budget, Alain Lambert, visant à annoncer très tôt dans
l'année les crédits susceptibles d'être l'objet de mesures de régulation. C'est
un pas dans la bonne direction, même s'il est insuffisant.
Il me fallait rappeler les principaux traits de l'exercice budgétaire en cours
pour vous présenter le projet de budget qui nous est soumis. Celui-ci
constitue, selon M. Dominique de Villepin, un budget de « sincérité » et de «
transition » qui implique le choix du mouvement, et donc des trois exigences de
la vérité, de la volonté et des résultats, exigences qu'il assigne à notre pays
dans son dernier ouvrage.
C'est un budget de sincérité, car il vise à fixer les dotations en loi de
finances initiale en fonction des prévisions de dépenses. Cet objectif se
traduit par une hausse importante des crédits de paiement inscrits sur le fonds
européen de développement et par une hausse, plus modérée cependant, des
dotations consacrées aux contributions obligatoires et aux rémunérations des
personnels.
Le projet de budget des affaires étrangères pour 2003 s'élève à 4,114
milliards d'euros, soit une hausse apparente de 13,3 %. Elle doit cependant
être relativisée puisqu'elle n'est plus que de 5,6 % si on la compare à
l'ensemble des crédits ouverts en 2002, y compris ceux de la loi de finances
rectificative. Par ailleurs, si l'on considère l'évolution des moyens du
ministère à périmètre constant sans prendre en compte la création des nouveaux
contrats de désendettement-développement, qui sont dotés de 91 millions
d'euros, la hausse réelle est inférieure à 3 %.
C'est un projet de budget de transistion qui vise à rétablir le cap par
rapport aux années antérieures, mais cette opération ne peut s'effectuer d'un
seul coup de barre - fût-il donné par Ellen Mac Arthur
(Sourires)
- dans
le contexte budgétaire difficile que connaît notre pays.
Par conséquent, le ministère a dû établir deux priorités, qui ont été fixées
par le Président de la République : la relance de notre aide publique au
développement et l'amélioration des procédures d'instruction des demandes
d'asile. Mon éminent collègue Michel Charasse, rapporteur spécial des crédits
de l'aide publique au développement, vous en entretiendra avec infiniment de
compétence.
La réforme des procédures d'asile implique, dès 2003, la création de
soixante-six postes supplémentaires pour réduire les délais d'instruction des
demandes et l'augmentation de près d'un quart de la subvention versée à
l'Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides, l'OFPRA.
L'accélération des procédures est indispensable, mais le problème de fond
reste que notre système actuel fabrique des sans-papiers. Sur cent demandes
d'asile, quatre-vingt-dix sont refusées, mais seules trois à quatre personnes
sont expulsées. Les autres demandeurs ne répondent pas aux critères
d'expulsion, se voient repoussés par leur pays d'origine ou, pour la plupart
d'entre eux, disparaissent dans la nature. Par conséquent, la réforme annoncée
par le Président de la République doit permettre d'enregistrer de réels
progrès, mais l'accélération de l'examen des dossiers accroîtra, dans un
premier temps, le nombre de sans-papiers si l'on ne rend pas plus efficace
l'application des décisions de refus d'asile et si l'on n'améliore pas les
contrôles aux frontières.
A titre d'exemple, l'aéroport de Roissy, qui constitue l'une des principales
portes d'entrée des immigrants clandestins dans notre pays, a été aménagé dans
une perspective commerciale et de confort des passagers. En revanche, il ne
répond à aucune règle de sécurité. Lorsque l'on descend d'avion, il est très
facile de disparaître quelques minutes dans les toilettes pour déchirer ses
papiers et de se présenter au contrôle des frontières en prétendant ne pas
connaître son nom. Ainsi, on est un demandeur d'asile supplémentaire.
Actuellement, l'aérogare de Roissy est comme le deuxième étage des Galeries
Lafayette : on peut y faire tout ce qu'on veut, sauf être contrôlé ! Ce
problème est grave. Si l'on veut régulariser les entrées et contrôler les flux
migratoires, il faut mener une action coordonnée entre les ministères
compétents.
Si l'OFPRA se voit doté de moyens supplémentaires, ce n'est pas le cas des
services des visas, que le rapporteur de l'Assemblée nationale avait qualifiés,
voilà deux ans, de « parents pauvres » du ministère des affaires étrangères.
Des recrutements ont été effectués mais, compte tenu de la progression de la
demande, le ministère évalue aujourd'hui à quatre-vingts personnes le déficit
en emplois de ces services. Or le projet de budget prévoit cinquante-sept
suppressions d'emplois. Par conséquent, les quatre-vingts emplois manquants
devront être pourvus par redéploiement, et rien ne dit que ces personnes auront
une qualification quelconque dans le domaine de l'instruction des demandes de
visas. L'enjeu est de taille.
J'ai pu constater, à l'occasion de déplacements à l'étranger, combien les
moyens en personnel de ces services étaient insuffisants. En effet, le nombre
de dossiers qu'un agent peut traiter par an est évalué à 3 000, et à 2 500 dans
les zones à fort risque migratoire. Or, entre 2000 et 2001, ce nombre est passé
de 3 830 à 4 120, ce qui signifie que l'examen des demandes de visas est de
plus en plus rapide et superficiel.
En outre, il est évident que les indispensables recrutés locaux travaillant
dans ces services peuvent être soumis à de fortes, voire à de dangereuses
pressions. Il est donc indispensable que les notifications de refus soient
faites par des agents expatriés qui ne restent pas trop longtemps dans le
pays.
Comme chaque année, je constate que les contributions volontaires aux
organisations relevant des Nations unies servent de variable d'ajustement à
notre budget et, comme chaque année, je déplore que la France occupe parmi les
pays contributeurs un très médiocre douzième rang, ce qui n'est pas concevable
de la part d'un membre permanent du Conseil de sécurité et réduit notre rôle
dans de nombreux organismes de l'Organisation des Nations unies.
Dans d'autres domaines, le ministère des affaires étrangères est « au milieu
du gué ». L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE,
extrêmement chère à tous mes collègues sénateurs des Français de l'étranger,
présente une situation financière extrêmement inquiétante. Son fonds de réserve
ne correspond plus qu'à six jours de fonctionnement et il lui faudra réaliser
une économie de 6,4 millions d'euros au cours de l'exercice 2003. Le collectif
de fin d'année prévoit une dotation de 4 millions d'euros, qui permettra
d'augmenter quelque peu les ressources du fonds de roulement, mais qui ne règle
pas le problème.
Les Français qui sont installés à l'étranger demandent pourtant instamment de
pouvoir assurer à leurs enfants une scolarité dans un système éducatif
français. C'est une priorité.
Nous envisageons, bien entendu, des économies. L'une d'elles consisterait à
déconventionner les établissements à l'étranger où le nombre d'élèves francais
est faible. En tout état de cause, il faut explorer de nouvelles pistes de
financement, et des priorités très claires doivent être assignées à l'AEFE. La
conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens permettrait peut-être de
répondre à cette exigence, car, monsieur le ministre délégué, monsieur le
secrétaire d'Etat, l'inquiétude sur l'avenir de l'AEFE est extrêmement
forte.
Un autre volet de l'action du ministère est suspendu à des décisions qui
doivent intervenir mais qui n'ont pas encore été définitivement arrêtées : il
s'agit de l'audiovisuel extérieur. Les aides à la présence des chaînes
françaises sur les bouquets satellitaires sont réduites en 2003 et seront
supprimées en 2004, ce qui traduit l'échec de cette politique.
Quant aux autres acteurs de notre politique audiovisuelle extérieure, Radio
France Internationale, Canal France International et TV5 ont été modernisés au
cours des dernières années grâce, en particulier, aux investissements très
importants qui ont été réalisés pour numériser leur production. Mais, dans
l'immédiat, ces acteurs télévisuels ont pour public essentiel les communautés
française et francophone.
Or, à travers l'avenir de l'audiovisuel extérieur, c'est la conception de la
francophonie et du rayonnement culturel de notre pays qui est en jeu. Il s'agit
de savoir si nous avons la volonté de toucher des publics non francophones,
tels que ceux du Moyen-Orient ou d'Asie.
La création d'une chaîne internationale d'information en continu devrait faire
l'objet d'une dotation de crédits en loi de finances rectificative. L'idée est
excellente, mais il faudra prévoir des moyens importants. D'ailleurs, la
situation décrite par le projet de budget qui nous est soumis est provisoire
dans ce domaine, d'autant plus que la négociation engagée avec RFI pour
conclure un contrat d'objectifs et de moyens a échoué.
Le recentrage des actions et du réseau du ministère des affaires étrangères
est encouragé par la mise en oeuvre des dispositions de la loi organique
relative aux lois de finances. Le ministère a d'ores et déjà engagé des
réformes importantes, notamment en matière de comptabilité et de globalisation
des crédits. Toutefois, je vous suggère, monsieur le ministre délégué, monsieur
le secrétaire d'Etat, de mettre en oeuvre un véritable contrôle de gestion. Ce
sera un progrès considérable, car les procédures actuelles ne sont ni efficaces
ni efficientes. Les petites ambassades sont submergées par des paperasseries
aussi incompréhensibles qu'inutiles et le montage des dossiers leur prend un
temps considérable. Je pense, par exemple, au COCOP, le comité d'orientation,
de coordination et de projets.
Il est par conséquent nécessaire d'adapter les contrôles et les exigences
formelles aux enjeux financiers et aux moyens humains. C'est un gage
d'efficacité de la dépense.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je me permets également
d'appeler votre attention, comme je l'ai fait dans mon rapport écrit, sur des
domaines dans lesquels des progrès restent à faire ; c'est le cas en
particulier de l'immobilier. L'insuffisante coordination des services et le
formalisme des procédures sont la cause essentielle de très nombreux
dysfonctionnements, notamment à Chypre. Je souligne également, mais mes
collègues interviendront sur ce sujet, l'importance des bourses dans
l'enseignement supérieur pour faire venir davantage d'étudiants étrangers dans
les écoles et les universités de notre pays, ce qui implique l'amélioration de
leur accueil.
Mes chers collègues, le ministre des affaires étrangères souhaite renforcer
son rôle de synthèse et de coordination de l'action extérieure de la France. Je
souscris pleinement à cet objectif pour avoir, hélas ! trop souvent constaté
les effets désastreux de l'absence de cohérence et de cohésion des services
dans nos postes à l'étranger. Cette révolution pacifique passe par un
renforcement du rôle et de l'autorité de l'ambassadeur sur l'ensemble des
services français présents à l'étranger.
A vouloir tout faire, on ne fait rien convenablement, surtout lorsque l'on ne
dispose pas des moyens adéquats. Il faut fixer des priorités très claires à
notre action extérieure.
Notre réseau à l'étranger est le plus important au monde après celui des
Etats-Unis. Au cours des dernières années, il n'a subi que des évolutions «
cosmétiques ». Or l'ampleur de ce réseau a un coût extraordinairement élevé,
qui réduit d'autant les crédits d'intervention du ministère.
Monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, est-il réellement
indispensable d'entretenir aujourd'hui six consulats en Allemagne, avec 315
expatriés dans l'ensemble des services administratifs français dans ce pays,
alors que nous en avons trois fois moins en Chine et cinq fois moins en Pologne
? Est-il indispensable de conserver trois consulats en Belgique, avec un
effectif de 45 personnes ? Je pourrais multiplier les exemples et citer encore
notre consulat à Edimbourg...
Ne faudrait-il pas plutôt réduire notre réseau au sein de l'Union européenne
pour renforcer notre présence dans les pays d'Europe centrale et orientale
candidats à l'adhésion à l'Union européenne, en Chine et dans les pays
émergents ?
En matière d'implantation de nos postes diplomatiques, le choix du mouvement
doit être la règle, même si, selon mon auteur favori, « penser le destin
français est une tâche redoutable ».
La volonté de rompre avec les mauvaises habitudes budgétaires du passé et
l'espoir d'une plus grande cohérence de l'action extérieure de la France à
l'avenir ont conduit la commission des finances, mes chers collègues, à
proposer au Sénat l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 2003. M.
le ministre des affaires étrangères sait en effet que le temps est venu
d'entendre le cri des mille gargouilles de Notre-Dame et il veut chasser sur
ses terres d'élection : l'imagination, le courage, l'humilité, l'éthique,
l'action.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, le
monde a commencé à porter une un peu plus grande attention aux pays en voie de
développement et à la fracture économique Nord-Sud, perçue comme un des
facteurs aggravants si ce n'est créateurs de la vague inédite de terrorisme à
l'encontre de l'Occident.
Diverses crises, telles que la famine en Angola ou le conflit afghan, ainsi
que d'importantes intiatives internationales - sommets de Monterrey et de
Kananaskis, NEPAD africain, sommet de Johannesburg - ont alimenté la
problématique du développement comme elles en ont souligné les cruelles
défaillances.
Le contexte international est donc aujourd'hui plus favorable à l'aide au
développement, mais la vigilance s'impose, car les intérêts sont encore
divergents et les projets de partenariat Nord-Sud sont parfois plus conformes à
la rhétorique qu'à une exigence de contenu réel.
La France a fait entendre sa voix et entend jouer un rôle moteur dans le
soutien aux pays pauvres, mais tend surtout à passer aux actes - enfin !
dirions-nous à la commission des finances - en amorçant la reprise d'un effort
important, ou en tout cas plus important, en faveur de l'aide publique au
développement.
Au-delà des nouveaux moyens financiers, cependant, certaines orientations
demeurent contestables et la stratégie de long terme mérite d'être affinée.
L'effort français d'aide publique au développement a connu une décennie de
recul et a chuté de 0,42 % du PIB en 1996 à 0,31 % en 2000. Je voudrais
d'ailleurs rappeler qu'à une époque où j'exerçais moi-même certaines
responsabilités gouvernementales nous avions atteint 0,66 % ou 0,67 %.
Quant à l'aide agricole, qui inclut les apports nets de capitaux privés, sa
diminution est encore plus marquée puisqu'elle est passée de 2 % du PIB en 1982
à moins de 0,6 % en 1999.
L'aide publique au développement, l'APD, tend ou commence à tendre aujourd'hui
à se redresser et elle a fait cette année l'objet d'engagements présidentiels
fermes. Elle devrait ainsi être relevée à 0,39 % du PIB en 2003, atteindre 0,5
% en 2005 et se conformer à l'objectif des Nations unies de 0,7 % d'ici à 2010.
J'ajoute que les méthodes de calcul nous sont défavorables puisque un certain
nombre d'aides spécifiques de coopération française n'entrent pas dans le
calcul de l'APD, et je pense, en particulier, à la coopération militaire.
Il semble donc que la France prenne enfin la mesure de cette ardente
obligation, mais l'ampleur de la tâche est immense et les inégalités tendent à
s'accroître, particulièrement en Afrique, qui fait toujours figure de «
continent oublié » de la croissance économique et est très affectée par la
pandémie du sida.
Il faut également espérer que l'exécution bugétaire soit plus conforme aux
prévisions qu'elle ne l'a été depuis deux ans, et plus particulièrement cette
année. Si la régulation budgétaire demeure un mal nécessaire, particulièrement
en ces temps de pénurie fiscale et d'atonie économique, il reste que la
coopération et le développement font malheureusement trop souvent office de
variable d'ajustement. Il faut dire que les affamés des pays que nous aidons ne
défilent pas dans les cortèges à la Bastille,
a fortiori
en tête des
cortèges...
Les perspectives budgétaires passablement dégradées pour 2003 imposent
toutefois d'améliorer la gestion et d'accroître notablement par rapport à 2002
la consommation des crédits de certains chapitres. Il n'est en effet pas
admissible que des gaspillages, chasses gardées et zones d'ombre perdurent,
alors que les affaires étrangères et l'aide au développement bénéficient d'un
traitement budgétaire favorable dans un contexte global très contraint.
J'attire donc votre attention, monsieur le ministre délégué, sur le fait
qu'une gestion efficace de l'exécution des dépenses constitue une condition
nécessaire pour que la régulation atteigne des proportions raisonnables et pour
que la crédibilité budgétaire de l'action extérieure soit assurée.
La France, mes chers collègues, nous l'avions dit et répété en commission des
finances, avait perdu sa position de leader de l'aide au développement au cours
des années passées. Elle était ainsi en 2001 le cinquième donateur de l'OCDE en
montant absolu - derrière le Royaume-Uni, qui a récemment entrepris un
important effort en la matière - et le septième en part du PIB. Je rappelle que
les Etats les plus généreux sont habituellement les pays scandinaves, qui sont
les rares Etats à dépasser l'objectif des Nations unies de 0,7 %. La France n'a
toutefois pas fait exception à la tendance globale à la diminution de l'aide au
développement au sein du G7. Je ne le dis pas pour nous rassurer, mais nous
n'étions donc pas, de ce point de vue, dans une situation isolée.
La baisse de l'aide française au cours de la décennie quatre-vingt-dix s'est
portée essentiellement sur l'aide bilatérale, alors que les crédits alloués à
l'aide multilatérale et en particulier européenne ont augmenté. Les crédits
d'aide européens ont ainsi doublé entre 1996 et 2002.
Le projet de budget pour 2003 inverse heureusement cette tendance, avec une
progression de 20,4 % de l'aide bilatérale et une diminution de 9 % de l'aide
multilatérale, ce dont il faut se féliciter, car les crédits s'empilent à
Bruxelles. C'est un drame permanent que Bruxelles ne fasse rien des moyens que
lui donnent les Etats membres, en particulier la France, premier donateur !
L'aide au développement est une politique publique transversale par nature et
les intervenants sont très nombreux ; l'aide est de ce fait dispersée. Outre
les deux principaux chefs de file que sont les ministères des affaires
étrangères et des finances, qui lui consacrent respectivement 1,9 milliard
d'euros et 1 milliard d'euros de crédits budgétaires, une dizaine de ministères
techniques apportent leur concours : l'éducation nationale, la recherche, qui
subventionne abondamment certains organismes publics, l'agriculture, qui
finance l'achat de l'aide alimentaire, et beaucoup d'autres ministères qui sont
impliqués pour des montants en général réduits, à savoir l'intérieur,
l'écologie, la culture, la santé, l'équipement, la justice et les sports.
Au total, ces ministères apportent une contribution de 295 millions d'euros,
soit 9,3 % de l'ensemble des crédits budgétaires de l'APD.
Ces crédits budgétaires ne constituent pas l'effort global d'aide publique,
puisque près de 46 % des crédits d'aide au développement ne transitent pas par
le budget général mais par le prélèvement européen sur recettes, qui financent
les affaires européennes, et des comptes spéciaux du Trésor, qui financent
notamment les consolidations de dettes envers la France et une partie des
ressources de l'Agence française de développement.
Il résulte de cette caractéristique et de la multiplicité des intervenants un
manque réel de lisibilité et de cohérence, que la récente fusion des ministères
des affaires étrangères et de la coopération n'a pas, bien au contraire,
arrangé. En outre, les clés d'affectation des crédits d'aide au développement
au sein de chaque chapitre budgétaire ne sont pas ou sont peu explicitées, ce
qui permet finalement de faire en sorte que les chiffres correspondent aux
priorités annoncées.
Principal opérateur en matière d'aide au développement, le Quai d'Orsay y
consacre près de 46 % de ses crédits en 2003. Au sein des chapitres
budgétaires, la répartition est cependant très variable.
La hausse des crédits du ministère des affaires étrangères affectés à la
coopération et au développement est très importante puisqu'elle approche 25 %.
Cette progression repose toutefois essentiellement sur des aides financières
indirectes et sur l'impact bilatéral d'engagements multilatéraux plutôt que sur
le soutien à la coopération technique et à l'aide-projet. Ainsi, les crédits de
coopération militaire - ce qui, comme on dit en Auvergne, n'est peut-être pas
très « finaud » dans la période actuelle - baissent de 10,3 %, étant précisé
que la coopération militaire consiste à apporter une assistance technique aux
armées étrangères, et non pas à fournir des troupes et des moyens à des pays
étrangers.
Les crédits de coopération technique diminuent de 4 %, l'appui aux initiatives
privées et décentralisées régresse de 2,3 % et la coopération audiovisuelle
demeure stable.
Aussi, lorsque l'on considère l'aide publique dans son ensemble, on constate
que les principaux facteurs de progression sont les suivants.
Les contrats de désendettement-développement, qui constituent une traduction
française originale de l'initiative internationale pour les pays pauvres très
endettés, sont dotés de 91 millions d'euros.
Une mesure de sincérité budgétaire - enfin ! monsieur le ministre délégué - en
faveur du fonds européen de développement, dont la dotation avait été
sous-estimée en loi de finances initiale pour 2002, est prise : le FED est
ainsi d'emblée abondé à hauteur de 496 millions d'euros, contre 218 millions
d'euros dans le projet de loi de finances pour 2002.
La forte hausse des annulations et consolidations de dettes représente plus de
1,2 milliard d'euros de charge pour les comptes spéciaux du Trésor.
Bercy augmente ses versements aux fonds multilatéraux de développement, en
particulier le fonds africain de développement et le fonds mondial de lutte
contre le sida, le paludisme et la tuberculose, auquel la France versera une
première tranche de 50 millions d'euros, conformément aux engagements du
précédent Premier ministre, après l'ouverture de 150 millions d'euros
d'autorisations de programme cet été.
En outre, le fonds de solidarité prioritaire, le FSP, et l'Agence française de
développement, l'AFD, qui sont les deux instruments majeurs de l'aide
bilatérale, voient leurs autorisations de programme augmenter d'environ 25 % et
leurs crédits de paiement reconduits.
Ces deux opérateurs manifestent toutefois des dysfonctionnements communs, tels
que la lenteur extrême d'exécution de nombre de projets, l'impact sévère de
gels massifs de crédits et une montée en puissance limitée des projets dans les
nouveaux Etats de la zone de solidarité prioritaire.
Le processus décisionnel du FSP a été récemment rationnalisé et l'AFD s'est
lancée - au printemps dernier, devrais-je préciser - dans une vaste réflexion
sur sa stratégie et ses instruments financiers dans le but de promouvoir un
positionnement plus sélectif et une maximisation de l'effet de levier, mais je
tiens à dire que j'ai peu apprécié les orientations nouvelles quand elles m'ont
été présentées - elles ne sont pas encore arrêtées - car l'Agence n'avait rien
inventé de mieux que de se retirer progressivement des pays les plus pauvres,
ce qui n'était pas vraiment très astucieux !
M. de Villepin et vous-même, monsieur le ministre délégué, avez récemment fait
état de l'intention du Gouvernement d'orienter l'aide française prioritairement
sur l'Afrique, contrairement donc à ce que voulait imposer l'AFD. Je me
félicite de cette meilleure prise en compte des plus nécessiteux, tant il est
vrai que la période récente avait été marquée par une certaine dispersion de
l'aide. En 2001, les pays les moins avancés ne recevaient en effet que 28 % de
l'aide française et l'Afrique subsaharienne 38 %. La programmation géographique
de la direction générale de la coopération internationale et du développement,
la DGCID, traduit cependant dès 2002 un redéploiement certain, que je tiens à
souligner, sur le continent africain.
En revanche, la répartition sectorielle me paraît beaucoup plus critiquable,
puisque 46 % des crédits de la DGCID sont consacrés à la coopération artistique
et culturelle, et 17 % à la coopération audiovisuelle, secteurs qui, jusqu'à
nouvel ordre, n'ont jamais contribué à apporter un grain de riz dans la gamelle
de l'Africain ! Je sais bien que « qui dort dîne » et que l'on peut dormir
devant la télévision, mais il y a des limites !
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les
relations culturelles extérieurs.
Pas du tout !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
A cet égard, je considère que le projet de création
d'une chaîne d'informations dans les pays arabes doit être l'occasion de
rationaliser notre offre audiovisuelle et de mettre fin à certains doublons
avant qu'ils ne deviennent des « triplons ». Je veux parler de TV5 et Canal
France International, dont nous aurons l'occasion de reparler un peu plus
tard.
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis.
Oh là là !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est la Cour des comptes qui le dit !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la
francophonie.
Le rapport de la Cour des comptes n'est pas la Bible !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Quand la Cour des comptes dit quelque chose qui vous
convient, vous dites que c'est bien, et, quand elle dit quelque chose qui ne
vous convient pas, vous dites que c'est mal ! La Cour des comptes, c'est la
Cour des comptes, et je n'ai rien inventé !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je n'ai jamais été très convaincu, lors de mes voyages en Afrique, par les
diffusions de ces chaînes de télévision, notamment CFI.
(Mmes Danièle Pourtaud et Monique Cerisier-ben Guiga protestent.)
Au sein de l'aide multilatérale, à présent, il convient de prêter une
attention particulière au canal communautaire, et plus particulièrement à
l'activité du fonds européen de développement, le FED, ou plutôt à son absence
d'activité.
J'ai par le passé souligné à maintes reprises l'inefficacité chronique de ce
fonds, la rigueur excessive de ses procédures et la sous-consommation
dramatique des crédits.
La situation s'est quelque peu améliorée en 2001 puisque le taux de
décaissement pour le huitième FED est à présent de 36 % et qu'une réforme des
procédures et structures de l'aide européenne dans son ensemble a été initiée.
Néanmoins, le montant de la trésorerie du FED a encore augmenté de 40 % et le
montant des restes à liquider, qui sont donc des crédits dormants, approche les
8,5 milliards d'euros.
Cette situation a deux inconvénients majeurs.
D'une part, l'ampleur des versements au FED, dont la France est, avec 25 %, le
premier contributeur, réduit les marges de manoeuvre de l'action bilatérale
française au profit d'une aide apatride, alors même que Bruxelles est déjà
influencé par les positions des donneurs scandinaves et anglo-saxons.
D'autre part, cette contribution serait plus admissible si la preuve de
l'impact sur le terrain de l'aide européenne avait été faite. Or nous sommes
loin du compte et l'action européenne demeure invisible pour les pays les plus
pauvres. Je l'ai moi-même constaté sur le terrain à de très nombreuses
reprises.
Le FED fait donc aujourd'hui figure de vaste caisse d'épargne et de parodie de
politique communautaire. Dans ces conditions, il paraît indispensable - Jacques
Chaumont et moi-même l'avons dit maintes fois aux autorités françaises,
notamment au Président de la République - que la France, premier contributeur,
accentue la pression sur la Commission et réclame une obligation de résultat au
FED.
A défaut, le Gouvernement devra hausser le ton et provoquer un vrai débat,
fût-il douloureux, sur l'aide européenne au développement.
En attendant une vraie amélioration de l'utilisation du FED, je suggère que
soit pérennisée la formule qui a été mise en place dans le collectif de cette
année. Il s'agirait d'affecter à la coopération bilatérale la part des
versements de la France au FED qui n'aura pas été consommée en fin d'exercice,
plutôt que d'avoir des crédits dormants.
Je souhaiterais enfin évoquer les carences de la modernisation de nos
structures d'aide au développement. Sur un plan budgétaire, la fusion des deux
ministères des affaires étrangères et de la coopération a induit un réel manque
de lisibilité qui ne facilite pas le contrôle parlementaire - c'est le moins
que l'on puisse dire - et les indicateurs et objectifs du ministère des
affaires étrangères se montrent encore très parcellaires et trop axés sur
l'efficience plutôt que sur l'efficacité de l'utilisation des crédits.
Sur un plan organisationnel, la nouvelle direction générale mise en place en
2000, quelle que soit la qualité de ceux qui l'ont dirigée ou qui la dirigent,
fait parfois figure de « monstre » administratif difficilement gérable et
exerce un contrôle moins approfondi de son action sur le terrain. Au niveau
local, l'ambassadeur ne dispose pas de l'autorité fonctionnelle et de la
responsabilité budgétaire propres à assurer une bonne coordination entre les
multiples intervenants des ministères.
Pour conclure, je reviens sur les principales caractéristiques de ce budget et
sur mes propositions, qui sont celles, d'ailleurs, de la commission des
finances.
Au chapitre des points positifs figurent le relèvement important de l'effort
français d'aide au développement, les engagements pris sur le long terme et un
effort de sincérité budgétaire.
De même, le recentrage au profit de l'Afrique et l'augmentation de l'aide
bilatérale constituent des motifs de satisfaction.
En revanche, l'inefficacité persistante de l'aide communautaire, le soutien
insuffisant à la coopération technique et militaire, les incertitudes entourant
l'aide-projet et l'inachèvement de la modernisation des structures contribuent
à nuancer fortement cette appréciation.
La commission des finances suggère de pérenniser l'aide-projet par une
stratégie claire, car il s'agit de l'aide la plus visible pour les populations,
et de rationaliser l'organisation de l'aide alimentaire par un regroupement, au
sein du budget des affaires étrangères, des lignes afférentes au financement de
l'achat et du transport des denrées. J'ajoute que l'on pourrait en outre
s'assurer de temps en temps que lesdites denrées arrivent, qu'elles ne sont pas
volées dans les ports au moment du débarquement ou qu'elles ne disparaissent
pas - mais pas pour tout le monde ! - quelque part en mer ! Nous pourrions
réaliser ainsi quelques économies budgétaires...
La commission des finances suggère encore de renforcer la coordination
financière exercée par les ambassadeurs, qui doivent être les uniques
ordonnateurs secondaires de l'action extérieure de la France, comme les préfets
dans les départements, et de doter les ambassades d'un secrétaire général,
comme dans les préfectures, pour assurer l'administration.
La commission des finances propose enfin qu'un véritable programme de «
coopération et aide au développement » soit défini dans le cadre d'une mission,
éventuellement interministérielle, sur l'action extérieure de la France, servie
par des indicateurs synthétiques et cohérents. La loi organique du 1er août
2001 devrait à cet égard être un levier utile de modernisation du
fonctionnement du Quai d'Orsay.
C'était bien, je le signale au passage, l'une des intentions des commissions
des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale, comme des deux coauteurs de
la loi organique que sont Didier Migaud à l'Assemblée nationale et Alain
Lambert dans cette assemblée.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, et comme M. Jacques
Chaumont l'a fait voilà un instant, je vous propose, au nom de la commission
des finances, de voter le projet de budget de l'aide au développement, ce qui
recouvre non seulement les crédits consacrés à l'aide au développement du
budget des affaires étrangères que nous examinons en cet instant, mais aussi
l'ensemble des crédits d'aide au développement inscrits dans les autres budgets
ministériels, dont j'ai donné la liste tout à l'heure et sur lesquels la
commission des finances a aussi émis un avis favorable.
J'abuserai encore un instant de mon temps de parole, monsieur le président,
pour féliciter notre collègue Jacques Pelletier, qui vient d'être nommé
président du Haut Conseil de la coopération internationale.
(Applaudissements.)
J'ai siégé dans cet organisme. Jusqu'à présent, il ne servait à rien et
j'avais proposé sa suppression.
(Rires.)
Cette année, je me retiendrai,
et j'espère que, l'année prochaine, je n'aurai qu'à me féliciter de cette
retenue !
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste,
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Monsieur Pelletier, nous nous associons aux compliments de M. le rapporteur
spécial !
M. Jacques Pelletier.
Je vous remercie !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis.
M. Jean-Guy Branger,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, il est difficile, après que des orateurs aussi éminents que les
rapporteurs spéciaux de la commission des finances sont intervenus, d'apporter
des éléments nouveaux sur le projet de budget du ministère des affaires
étrangères. Tout a été dit, et je limiterai donc mon propos à trois
remarques.
Tout d'abord, le projet de budget qui nous est présenté se révèle meilleur que
celui de l'an passé. Si, effectivement, l'augmentation de plus de 13 % des
crédits est le résultat de changements de périmètre, la hausse, sans ces
modifications, est supérieure à 3,5 %. Rappelons que, en 2001, la progression
du budget était inférieure à l'inflation.
Ensuite, cette augmentation permet d'accroître la part des crédits du
ministère des affaires étrangères dans l'action extérieure de la France et dans
le budget de l'Etat. Le rôle du Quai d'Orsay en matière de pilotage
interministériel des affaires étrangères en est conforté.
Mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées soutient cette évolution et appuie la volonté du ministre des
affaires étrangères d'engager une réflexion approfondie sur le rôle
interministériel du Quai d'Orsay et sur les implantations françaises à
l'étranger.
En effet, il n'est pas normal que chaque ministère développe, sans
coordination ou presque, son implantation extérieure. L'ambassadeur, à l'instar
du préfet dans le département, doit voir son autorité affirmée à l'étranger,
sur les services consulaires comme sur la chancellerie, ainsi que sur les
services des autres départements ministériels.
Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur ce dernier point, sur
lequel la commission des affaires étrangères, unanime et fortement appuyée par
l'ensemble des membres de la commission des finances, a insisté cette année de
façon particulière. Je crois donc qu'il mérite d'être pris en compte, et nous
serons attentifs, au cours de l'année à venir, aux progrès qui, nous
l'espérons, seront enregistrés dans ce domaine.
Enfin, comme l'a souligné M. Jacques Chaumont, les implantations françaises à
l'étranger doivent être réexaminées et repensées.
Trop souvent, nous avons déploré que le réseau n'évoluait pas suffisamment, et
toujours selon une logique comptable : pour ouvrir quelque part, il fallait
impérativement fermer ailleurs. Il faut aujourd'hui nous engager dans une
réflexion approfondie et courageuse. Le travail diplomatique au sein de
l'Europe a changé, tout le monde le constate : tirons-en les conséquences.
De même, l'harmonisation des conditions de vie doit conduire à une conception
différente de la protection consulaire pour nos ressortissants. C'est là aussi
un point qui a été fortement mis en exergue.
Plus largement, la coordination régionale ou thématique de l'action de nos
postes bilatéraux est devenue un impératif. Pourrez-vous nous confirmer,
messieurs les membres du Gouvernement, l'échéancier de ces réflexions ? Le
Parlement en aura-t-il bien la primeur ?
Je terminerai mon propos par deux questions relatives à la gestion des
personnels et à la préparation de la mise en oeuvre de la loi organique
relative aux lois de finances, la LOLF.
Selon le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution budgétaire en 2001 -
M. Michel Charasse y a fait référence tout à l'heure -,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Il faut le faire avec prudence !
(Sourires.)
M. Jean-Guy Branger,
rapporteur pour avis.
... le ministère des affaires étrangères
emploierait de 20 000 à 25 000 personnes, ce qui représente plus du double des
emplois budgétaires inscrits au « bleu ».
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Il y a des contractuels !
M. Jean-Guy Branger,
rapporteur pour avis.
Je m'inquiète donc, et je ne suis pas le seul, de
la manière dont cette situation sera clarifiée lorsque le ministère devra,
conformément à la loi organique relative aux lois de finances, indiquer les
effectifs nécessaires à la réalisation de tel ou tel programme ou mission.
Par ailleurs, le ministère a procédé à la fusion des crédits de rémunération
des personnels recrutés localement avec les crédits de fonctionnement à
l'étranger. Une fois la loi organique entrée en vigueur, recourir à une telle
solution ne sera plus possible, et je voudrais donc savoir quelles mesures il
est envisagé de prendre pour remédier à cette siuation.
En conclusion, parce que ce projet de budget constitue une évolution positive,
permet une clarification, assure une mise à niveau des crédits et prépare des
décisions importantes en ce qui concerne le réseau et le rôle interministériel
des affaires étrangères, la commission vous propose, mes chers collègues,
d'approuver les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2003.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la
francophonie.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je comptais consacrer le
temps de parole qui m'est imparti à la seule situation financière de l'Agence
pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, mais je ne peux laisser
passer sans réagir ce que j'ai entendu dire à propos de notre audiovisuel
extérieur, qui constitue tout de même une remarquable réussite. Il ne faut pas
oublier que TV5 est reçue par 130 millions de foyers dans le monde, qu'elle est
relayée par quarante et un satellites et 6 000 réseaux câblés. Actuellement,
huit émissions différentes sont diffusées simultanément, les programmes étant
adaptés aux fuseaux horaires et un sous-titrage étant possible en huit langues.
Ce n'est pas rien ! On ne peut pas dire que notre audiovisuel extérieur ne vaut
rien !
(Mme Hélène Luc approuve.)
M. Jean Chérioux.
Le rapport !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ce n'est pas TV5 qui est en cause, c'est CFI !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
On ne peut pas prendre en considération les avis
d'une Cour des comptes qui a rédigé un rapport entièrement fondé sur une
comparaison implicite et permanente avec la BBC. Nous n'avons pas la BBC, nous
ne l'aurons jamais !
M. Jean Chérioux.
Le rapport !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
La BBC a quatre-vingts ans d'âge et dispose d'un
budget de 5,1 milliards d'euros, une fois et demie supérieur à celui de
l'ensemble de notre audiovisuel extérieur. Elle compte 24 000 salariés et,
produisant elle-même ses programmes, elle a donc la maîtrise des droits, ce qui
n'est pas notre cas. Par conséquent, cessons d'écouter une Cour des comptes
peuplée de gens peut-être très intelligents mais qui établissent des rapports
sur l'audiovisuel extérieur sans y connaître grand-chose !
(Protestations
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Applaudissements
sur les travées du groupe CRC.)
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est noté ! La prochaine fois que la Cour des
comptes dira quelque chose qui vous arrangera, je penserai à vous le rappeler
!
Mme Hélène Luc.
Mme Cerisier-ben Guiga a raison !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
J'en viens maintenant à la situation de l'AEFE, qui
a été créée voilà douze ans.
Ses réussites, indéniables - il faut les garder présentes à l'esprit et ne pas
sombrer dans le catastrophisme en cas de difficultés budgétaires, même si elles
sont nombreuses -, tiennent, pour l'essentiel, à la cohérence acquise et
maintenue d'un dispositif de près de 300 écoles réparties dans 125 pays, doté
de plus de 6 000 fonctionnaires et d'autant de personnels enseignants,
administratifs et de service recrutés localement.
Elles tiennent aussi à la progression régulière des effectifs scolarisés,
passés de 144 000 en 1990 à 159 000 aujourd'hui, ainsi qu'à la coexistence, en
leur sein, d'élèves français - 44 % du total aujourd'hui, contre un tiers en
1990 - et d'élèves étrangers, de nationalité, très diverses.
Elles tiennent enfin à des résultats excellents à tous les examens. De ce
fait, le baccalauréat français obtenu à l'étranger ouvre les portes des
meilleures universités françaises et étrangères. Il permet ainsi, dans bien des
universités américaines, d'entrer directement en deuxième, voire en troisième
année, ce qui n'est pas négligeable.
Ces succès sont obtenus dans le cadre d'une gestion du réseau marquée par une
grande économie, puisque 0,7 % seulement du budget est affecté au
fonctionnement du siège et que pas un seul poste de fonctionnaire n'a été créé
en douze ans, alors que l'effectif accueilli s'est accru de 13 000 élèves.
Toutefois, cet ensemble est fragilisé, depuis l'origine, par un
sous-financement constant, qui est aggravé par la structure du budget, composé
à 82 % de salaires - un réseau d'écoles doit rémunérer ses enseignants ! -, sur
lesquels se répercutent les mesures prises pour l'ensemble de la fonction
publique.
Ainsi, l'augmentation de 0,7 % du point d'indice à compter du 1er décembre
coûtera 1,5 million d'euros en année pleine à l'Agence, dont le budget s'élève
à 420 millions d'euros.
Alors qu'une participation croissante est demandée aux familles pour financer
les frais de scolarité de leurs enfants, le budget de l'Agence stagne, avec une
hausse moyenne annuelle de 2,17 % depuis 1995, qui ne couvre pas l'inflation
cumulée et des effets change-prix souvent défavorables.
La situation de l'Agence est aujourd'hui difficile, cette dernière ayant dû
effectuer en 2002 une forte ponction sur son fonds de roulement pour équilibrer
son budget, ce qui fait que ce fonds de roulement ne représente plus qu'environ
une semaine d'activité. Rappelons que, avant les premières ponctions opérées
par le ministère des finances en 1994, l'AEFE avait constitué un fonds de
roulement représentant près de trois mois d'activité. Ce sont nous, parents
d'élèves, qui avions contribué à la constitution de ce fonds de roulement, mais
le ministère des finances l'a ponctionné à partir de 1994.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Il ne faut jamais laisser dormir des tas de noisettes
!
(Sourires.)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
Certes, mais c'est quand même nous qui avions
constitué ce fonds !
Aujourd'hui, le point de rupture est atteint, avec l'inscription dans le
projet de budget d'une économie de 6,4 millions d'euros, au titre d'une
rationalisation du réseau dont le contenu reste indéterminé. Cet abattement
budgétaire correspond à la suppression d'au moins cent postes d'enseignant
titulaire ou au déconventionnement forcé de nombreux établissements.
C'est pourquoi, à la suite de la commission des affaires étrangères de
l'Assemblée nationale, la commission des affaires étrangères du Sénat a adopté
un amendement relatif à cette question. Il ne sera pas présenté en séance,
puisque nous savons très bien que le règlement nous interdit de le faire, mais
il visait en fait à soutenir le ministère des affaires étrangères dans ses
négociations avec le ministère chargé du budget.
La commission des affaires étrangères considère que, au regard du budget
global de l'Etat, cette économie est dérisoire, mais qu'elle aura un effet
disproportionné sur les capacités de l'AEFE à remplir sa mission.
Par conséquent, je vous demande instamment, monsieur le ministre délégué,
monsieur le secrétaire d'Etat, au nom de l'ensemble des membres de la
commission que je représente ici, de nous exposer, d'une part, les motifs de
cette pseudo-économie de 6,4 millions d'euros, et, d'autre part, les
dispositions que vous envisagez de prendre pour réduire ses effets néfastes.
Sous ces réserves, la commission des affaires étrangères a donné un avis
favorable à l'adoption des crédits des relations culturelles pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC,
ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour l'aide au développement.
Monsieur le président,
monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, la part dévolue à l'aide au développement au sein du budget des
affaires étrangères semble connaître, cette année, un début de redressement,
conforme aux engagements pris par le Président de la République de ramener le
montant de cette aide financière à un niveau plus proche des besoins et des
attentes de nos partenaires.
L'aide française au développement, passée, ces dernières années, au second
plan des priorités, devait afficher des ambitions claires dans un climat
international profondément changeant, dont l'instabilité se nourrit, ne
l'oublions pas, des inégalités de développement. Défaitisme et indifférence ne
sont donc plus de mise.
Dans ce contexte, les orientations dessinées par ce projet de budget me
paraissent positives à plusieurs égards, même si, au vu des événements récents,
des motifs d'inquiétude persistent.
Le volume de notre aide est certes en augmentation, sous l'effet notamment de
l'effort consacré à la question difficile du traitement de la dette. Mais cet
effort était indispensable, alors qu'un continent entier demeure à l'écart des
flux de financement internationaux.
La part bilatérale de notre aide voit son érosion enfin enrayée, sur fond
d'augmentation générale des crédits. Les autorisations de programme dévolues au
fonds de solidarité prioritaire et à l'Agence française de développement
progressent, et c'est heureux car la diminution des crédits enregistrée ces
dernières années ne permettait plus à la France d'honorer ses engagements sur
le terrain, au risque d'une réelle perte de crédibilité. Ce redressement,
assorti d'une stabilisation des effectifs de notre assistance technique, qui
n'avaient cessé de décroître depuis la mise en oeuvre de la réforme de notre
outil de coopération, était indispensable. Il devra être confirmé.
Les priorités de notre action apparaissent plus clairement, même si
l'évolution du périmètre de notre zone de solidarité prioritaire, ou ZSP, est
modeste. La ZSP doit permettre une plus grande concentration de l'aide là où
elle est le plus nécessaire, c'est-à-dire dans les pays les moins avancés
d'Afrique subsaharienne, où l'aggravation de la pauvreté constitue un véritable
défi, ainsi que dans les pays partenaires incontournables de la France - je
pense particulièrement ici aux pays du Maghreb.
Aussi, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mon
intervention d'aujourd'hui est-elle, sur les points évoqués, à l'opposé de
celle de l'année dernière. La commission des affaires étrangères s'en félicite,
mais, sur certains points, ce projet de budget me paraît perfectible.
J'évoquerai plus particulièrement, à cet égard, trois sujets.
Le premier concerne directement notre travail de parlementaires. Les crédits
consacrés à l'aide au développement restent très peu lisibles, tout comme,
d'ailleurs, ceux qui sont alloués aux relations culturelles, auxquels ils sont
souvent mêlés. Pourtant, chacun s'accorde sur le fait qu'il s'agit de deux
budgets tout à fait différents. Pourquoi, dès lors, ne pas identifier plus
clairement chaque dotation ?
Mon deuxième sujet de préoccupation tient à la part croissante de notre aide
dévolue au canal européen.
La réforme entamée sous présidence française commence à porter ses fruits,
mais les décaissements sont encore beaucoup trop lents, les procédures
d'instruction anormalement longues et l'efficacité globale nettement
insuffisante. La pertinence d'une aide européenne au développement n'est pas en
cause, mais notre pays ne peut accepter, devant des besoins immenses et
urgents, que des crédits considérables restent dormants. L'absence d'évolution
dans ce domaine ne pourrait qu'affecter la confiance de nos concitoyens quant à
l'efficacité, et donc à la nécessité, d'une aide aux pays les plus pauvres.
Mon troisième sujet de préoccupation, qui est même un sujet de profonde
inquiétude, concerne la baisse, poursuivie cette année, des crédits de
coopération militaire, et ce pour tous les postes. Ces crédits diminuent depuis
plus de six ans et, avec eux, le nombre de coopérants militaires, le nombre de
stagiaires étrangers et notre assistance aux organisations régionales. La
réduction constatée des crédits inscrits au budget des affaires étrangères
n'est pas compensée par l'effort, pourtant remarquable en qualité, effectué sur
le terrain par le ministère de la défense.
Cette diminution des crédits, dans le contexte d'instabilité que connaît
l'Afrique, où les organisations régionales ne sont manifestement pas en mesure
de prendre le relais, ne paraît absolument pas raisonnable. On peut d'ailleurs
se demander si les événements de Centrafrique se seraient produits si nos deux
bases militaires, remarquables et performantes, n'avaient pas été brutalement
supprimées en 1998 et transférées aux troupes centrafricaines.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
francophonie.
Très juste !
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis.
A la lumière des événements récents, il est évident
que tant la consolidation de l'Etat de droit que la professionnalisation des
armées locales ne sont pas encore des acquis suffisants pour rendre possible un
désengagement de notre pays en Afrique.
Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les bémols que je souhaitais apporter
aux appréciations, par ailleurs tout à fait positives, de la commission des
affaires étrangères sur ce projet de budget.
L'effort budgétaire n'illustre pas à lui seul la contribution française à
l'aide au développement, mais il est essentiel pour que nos intervenants, sur
le terrain, puissent retrouver l'enthousiasme et le souffle dont ils étaient
porteurs. Notre pays s'est donné des objectifs ambitieux, à la mesure des
attentes dont il est l'objet. Dans la logique de partenariat qui est la nôtre,
l'utilisation des crédits alloués à l'aide au développement engage
particulièrement notre responsabilité. Ces dépenses publiques ayant pour
corollaire un impératif d'efficacité, nous avons la double obligation d'être
les garants de cette exigence et, surtout, de ne pas décevoir.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les
relations culturelles extérieures.
Monsieur le président, monsieur le
ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est
particulièrement difficile d'évaluer avec précision l'effort budgétaire de
l'Etat en matière de relations culturelles extérieures.
En effet, la rationalisation des structures ministérielles, qui s'est
concrétisée par la création de la direction générale de la coopération
internationale et du développement, la DGCID, ne s'est malheureusement pas
traduite par la clarification de la présentation des crédits alloués aux
actions culturelles de la France à l'étranger.
En dépit de ces difficultés, il reste néanmoins possible de distinguer les
principales actions destinées à favoriser le rayonnement culturel de notre pays
à travers le monde.
S'agissant de l'enseignement français, je tiens d'abord à souligner les
excellents résultats obtenus par le réseau de nos établissements scolaires à
l'étranger.
Ce réseau a ainsi accueilli près de 160 000 élèves en 2002. En dix ans, ce
sont plus de 8 000 élèves supplémentaires qui se sont ainsi inscrits dans nos
établissements.
Cette progression des effectifs s'accompagne de la forte augmentation du
nombre d'élèves français étudiant dans les établissements du réseau et
bénéficiant d'une bourse. Entre 2000 et 2002, ce nombre a progressé de 13 %,
pour atteindre aujourd'hui plus de 18 500.
A titre personnel, je crois qu'il conviendrait néanmoins, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'on se préoccupe non seulement du
sort des élèves français, mais également de celui des élèves nationaux de ces
établissements. Il serait en effet souhaitable de limiter la progression des
droits d'inscription, ou que ces élèves bénéficient, eux aussi, de bourses. Car
on ne peut pas faire subir à ces élèves et à leurs familles l'augmentation
régulière et non négligeable des frais d'écolage des établissements du réseau
tout en déplorant le départ des élèves vers des établissement anglophones.
La commission se félicite, par ailleurs, de la progression des crédits alloués
à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE. Ceux-ci
progressent de 6 %, pour atteindre 335 millions d'euros en 2003.
Il paraît néanmoins nécessaire de rappeler que cet effort financier reste
insuffisant : l'AEFE sera confrontée l'année prochaine à un besoin de
financement de 6 millions d'euros. Face à cette situation, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous dire comment sera
assuré le financement de l'Agence pour l'année à venir ?
S'agissant de l'action audiovisuelle extérieure, on peut regretter que les
subventions allouées aux opérateurs diminuent de 1,9 % par rapport à la loi de
finances initiale pour 2002. Et je crains que ce ne soit même pis à la fin de
cette séance !
Certains d'entre eux bénéficieront cependant de mesures nouvelles.
C'est le cas à la fois de RFI, dont la subvention augmente de 1 %, et de TV5,
qui bénéficie d'une mesure nouvelle de 2,15 millions d'euros. Votre rapporteur
ne peut que se féliciter de cette progression, qui consacre le travail effectué
par la chaîne au cours des dernières années. En effet, reçue dans cint
vingt-cinq pays sur les cinq continents par 132 millions de foyers, soit plus
que BBC World et que CNN International, TV5, qui a régionalisé ses programmes,
recruté de grandes signatures et donné la priorité à l'information, est devenue
une chaîne mondiale de référence, dont la France détient six neuvièmes du
capital et fournit plus de 66 % des programmes.
J'ajouterai que les séquences d'information diffusées à heures fixes sont
désormais réalisées à Paris et que la relance de TV5 Etats-Unis semble sur le
point de réussir.
Je tiens néanmoins à rappeler que les 2,15 millions d'euros de crédits
supplémentaires accordés à la chaîne seront insuffisants pour financer deux des
priorités du plan stratégique 2002-2005. En effet, l'effort financier
nécessaire pour permettre d'augmenter le volume de programmes sous-titrés et
d'introduire de nouvelles langues telles que le russe et le chinois a été
évalué à 10 millions d'euros par an. De même, l'objectif consistant à faire de
l'information sur TV5 une référence mondiale nécessiterait 5 millions d'euros
supplémentaires.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, alors que les modalités exactes du
projet de chaîne d'informations internationale ne sont, semble-t-il, toujours
pas arrêtées, pourquoi, au lieu de se lancer dans la création
ex nihilo
d'une chaîne qui nécessiterait au moins 100 millions d'euros
d'investissements, ne pas miser sur l'existant et garantir à TV5 les moyens
financiers indispensables à son développement ?
Pour ces raisons, j'émets personnellement quelques réserves à l'égard de ce
budget. Néanmoins, la commission des affaires culturelles a donné un avis
favorable à l'adoption des crédits des relations culturelles extérieures pour
2003.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
francophonie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en tant que rapporteur, j'ai pour
mission de donner un avis sur les crédits du ministère chargé de la
francophonie. Mais ces crédits sont loin de rendre compte de l'effort français
en ce domaine.
Ainsi, depuis 1987, sur l'initiative de notre regretté collègue Maurice
Schumann, le Gouvernement présente, en annexe de la loi de finances, un état
des crédits concourant au développement de la langue française et à la défense
de la francophonie.
Ces crédits s'élèvent, pour 2003, à 883,25 millions d'euros, contre 873,52
millions d'euros en 2002, soit une hausse d'un peu plus de 1 %.
Même si d'autres ministères - culture, éducation, recherche - apportent leur
contribution à l'action internationale en faveur de la francophonie, celle-ci
relève, pour plus de 90 %, du ministère des affaires étrangères, et plus
particulièrement de deux services. Le premier, c'est la DGCID, et notamment sa
sous-direction du français - notre collègue Mme Pourtaud vient d'en rendre
compte. Le second, c'est le service des affaires francophones, qui est, lui,
chargé de l'action multilatérale en faveur de la francophonie. C'est lui qui
prépare et suit les instances politiques de la francophonie et ses « opérateurs
». Il est en particulier chargé de l'appui aux associations, pour lesquelles
son enveloppe de crédits est identique à celle de l'an dernier.
Quant au financement des opérateurs - Agence internationale de la
francophonie, Agence universitaire de la francophonie, Association
internationale des maires francophones et Université Senghor -, il s'effectue
par versements au Fonds multilatéral unique, qui regroupe les contributions des
différents membres de la francophonie, par les chefs d'Etat.
Au sommet de Beyrouth, le chef de l'Etat s'est engagé à augmenter le concours
de la France à l'occasion du projet de loi de finances rectificative pour
2002.
D'ores et déjà, la France, tous apports confondus, est de loin le premier
bailleur de la francophonie, puisqu'elle finance 62 % de l'Agence
internationale de la francophonie, 89 % de l'Agence universitaire de la
francophonie, 98 % de l'Association internationale des maires francophones et
80 % de l'Université Senghor. Elle finance aussi, on vient de le rappeler,
l'essentiel de TV5.
Cet effort financier important est-il justifié ?
Le sommet de Beyrouth nous permet de répondre oui. Il a été un succès. Il
démontre que la francophonie est bien une dimension majeure de la politique
étrangère de la France. Quoi de plus symbolique que de réunir un sommet en pays
arabe, à Beyrouth, sur une ligne de fracture du monde ? Quoi de plus
réconfortant que de voir que ce sommet a attiré cinquante-cinq pays et qu'il
traitait de thèmes qui sont des thèmes de fond et des thèmes d'actualité : la
défense du multilinguisme et de la diversité culturelle, le dialogue des
cultures et le refus de la guerre des civilisations dont nous menace M.
Huntington, ainsi que la volonté de faire adopter par l'Unesco une convention
internationale garantissant le multilinguisme ?
Quant à la prise de position ferme de la France sur l'Irak, elle a été
approuvée par l'essentiel des participants et relayée à l'ONU, où certains pays
francophones ont apporté un appui précieux aux thèses françaises.
Il est donc bien clair que la francophonie est un élément de notre diplomatie
d'influence au service de la paix.
Pour autant, tout va-t-il bien ?
La francophonie linguistique demeure menacée. Elle l'est d'abord en France, et
nous avons constaté la remise en cause de la loi Toubon à travers un arrêt de
la Cour de justice des Communautés européennes, l'arrêt Geffroy. Il a fallu une
réaction énergique des autorités françaises pour qu'un décret en date du 1er
août 2002 précise que, si les langues étrangères peuvent être utilisées en
France pour l'information des consommateurs, elles doivent l'être outre
information en français et elles ne sauraient se substituer - elles ou des
pictogrammes - à l'information en français de nos consommateurs.
Cette aventure - la menace d'une condamnation par la Cour européenne de
justice - montre combien il est nécessaire que les représentants français
veillent scrupuleusement au volet linguistique des décisions qui sont prises à
Bruxelles avant que ces décisions ne soient prises et non après, quand il nous
faut chercher à en atténuer des effets que l'on n'avait pas prévus
suffisamment.
Il faut une indispensable pugnacité pour enrayer une évolution défavorable. Je
pense, par exemple, au comportement de la Commission européenne et, il faut
bien le dire, à M. Prodi, qui a tendance à faire de l'anglais la langue de
communication extérieure de l'Union. Je pense au programme européen
Socrates-Comenius, qui est réservé, dans la pratique, aux enseignants européens
ayant une parfaite maîtrise de l'anglais, même si l'on veut s'en défendre. Je
pense à certains renoncements de décideurs politiques et à ce grand parti
politique européen qui rassemble des partis politiques qui sont représentés ici
et dont le président international signifie aux partis membres que la seule
langue de ce parti est l'anglais. Pour nous, c'est inacceptable !
Il faut impérativement obtenir que la diversité linguistique soit inscrite
dans le futur traité constitutionnel européen.
M. Jacques Pelletier.
Très bien !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Pas forcément les langues régionales !
(Sourires.)
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
En attendant, je voudrais saluer la très claire et
salutaire prise de position du président de notre assemblée, M. Poncelet, qui,
récemment, dans un discours à Brives, a déclaré : « J'affirme que c'est la
Commission et même la Cour de justice de Luxembourg qui sont en situation
d'infraction aux principes mêmes qui fondent la volonté des Européens de vivre
ensemble », quand elles veulent nous contraindre aux aberrations linguistiques
que je rappelais à l'instant.
Puissions-nous garder cette détermination à l'esprit quand il nous reviendra
d'examiner le traité sur le brevet européen, que nous ne sommes pas très
pressés de ratifier, monsieur le ministre !
Sous le bénéfice de ces remarques, et après avoir rappelé son souhait de voir
la francophonie bénéficier d'un ministère qui lui soit propre, la commission
des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de
la francophonie pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. André Dulait,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les
principales données chiffrées du budget du ministère des affaires étrangères
pour 2003, que les rapporteurs viennent d'analyser avec une grande
précision.
Je voudrais cependant relever certains éléments novateurs dans le documents
qui nous est soumis cette année, en particulier l'innovation de vérité des
crédits, qui explique la hausse apparente substantielle du budget, de plus de
13 %. La dotation au Fonds européen de développement et la dotation en faveur
de notre participation aux organisations internationales, largement
sous-évaluées dans le passé, retrouvent un niveau initial correspondant à nos
ambitions dans ces secteurs.
Les actions permises et les priorités retenues par ce budget correspondent
bien à des préoccupations que notre commission exprimait depuis longtemps : il
en est ainsi de l'effort réalisé en matière d'aide au développement, qui
redonne plus de place à notre action bilatérale.
Sur le plan de l'action audiovisuelle extérieure, le projet de chaîne
d'information continue, dû à l'initiative de M. le Président de la République,
répond à un besoin avéré pour tous ceux qui recherchent une continuité et une
logique de programmation - que TV5, par définition, ne peut guère offrir
aujourd'hui -...
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas vrai ! Regardez-la !
M. André Dulait,
président de la commission des affaires étrangères.
... et privilégie une
présentation spécifique de l'actualité internationale. La faisabilité d'un tel
outil semble toutefois difficile compte tenu, d'une part, de son impact
financier et, d'autre part, des engagements multilatéraux qui caractérisent
aujourd'hui notre organisation télévisuelle extérieure. Je vous serais
reconnaissant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de
compléter notre information sur ce projet.
Au-delà des questions budgétaires, je voudrais saluer la volonté affichée du
ministre de redonner de la cohérence à nos structures d'action extérieure, dont
la dispersion est illustrée par un seul chiffre : la part minoritaire du Quai -
40 % - dans l'ensemble de nos moyens d'action à l'étranger.
C'est évidemment au ministère des affaires étrangères que doit revenir le rôle
d'impulsion et de coordination de notre action internationale. De même, dans
les postes diplomatiques, il doit clairement être donné à l'ambassadeur la
possibilité de remplir sa mission de synthèse et de mise en cohérence des
services de l'Etat à l'étranger. L'éparpillement des crédits, des centres de
décision et des moyens d'application de notre action à l'étranger est source
d'inefficacité, de surcoût et de confusion.
Pour remédier à cette situation, le ministère des affaires étrangères doit
pouvoir s'appuyer sur une volonté gouvernementale collective : la mise en place
d'une structure interministérielle s'impose donc pour symboliser l'engagement
collectif des différents ministères engagés dans l'action extérieure de la
France, structure dont il faut espérer qu'elle poursuivra et dépassera l'action
engagée en 1996 par le Comité interministériel des moyens de l'Etat à
l'étranger, le CIMEE.
On peut également attendre de la mise en oeuvre, à compter de 2006, de la loi
organique relative aux lois de finances, la LOLF, si celle-ci permet d'aller
au-delà des informations fournies par l'actuel « jaune » budgétaire, une
clarification des missions et des programmes y afférents. Nous espérons qu'elle
sera l'occasion de supprimer les doublons, de rationaliser les dépenses et
d'harmoniser les actions.
Il faut aussi - et c'est l'un des chantiers difficiles que le ministre a
décidé d'ouvrir - travailler au redimensionnement de notre réseau diplomatique
consulaire et culturel.
Nous connaissons les difficultés politiques considérables qui peuvent naître
avec nos partenaires étrangers à l'occasion d'éventuelles fermetures
d'implantations. Sachez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
que la commission est consciente des difficultés que présente cet exercice,
mais également de sa nécessité. Elle est prête à concourir à votre réflexion
dans le cadre de l'information complète et précise du Parlement sur les
données, sur les enjeux et sur les orientations du ministère sur ce dossier.
Si toute notre diplomatie repose sur des moyens humains, sur des structures
cohérentes et sur des financements adaptés, ce n'est pas son seul ressort. Je
voudrais ici saluer, après d'autres, le volontarisme de notre action
internationale depuis plusieurs mois : il suffit de rappeler le dossier
irakien, qui a été géré avec habileté et efficacité, ou la sollicitude active
témoignée à l'occasion des crises africaines, de Madagascar à la Côte d'Ivoire,
même si notre action sur le terrain est quelquefois mal perçue ou mal appréciée
par une certaine presse locale, toujours orientée. La France a, sur ces
différents thèmes, des messages, des responsabilités et des capacités d'action
particuliers, qu'elle utilise au mieux des intérêts de la paix.
S'agissant de l'Irak, quelle lecture, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, notre pays fait-il, à ce stade, des premiers jours
d'application de la résolution 1441 et des nouvelles modalités d'inspection
qu'elle prévoit ? Pourriez-vous également nous indiquer sur quelles décisions
reposent les opérations aériennes conduites, en ce moment même encore, par les
forces britanniques et américaines dans les zones dites de non-survol, et nous
préciser la position de la France sur le sujet, sachant les conséquences qui
pourraient être tirées de ces opérations au regard de la résolution 1441 ?
Pour ce qui concerne la Côte d'Ivoire, je vous serais reconnaissant, monsieur
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous faire part de la réaction de
la France face aux préoccupants développements intervenus ces derniers jours
dans ce pays, où notre diplomatie comme nos soldats se sont retrouvés de
nouveau en première ligne.
Je voudrais aborder brièvement, pour terminer, un des aspects de la
construction de l'Europe, qui figure désormais au premier rang de nos priorités
diplomatiques. Je me limiterai à un des éléments qui relève au plus près des
préoccupations de notre commission, celui de l'« Europe puissance » à travers
l'Europe de la défense.
L'échec de la reprise par l'Union, le 15 décembre prochain, de la mission «
Renard roux » en Macédoine, entraînant la prolongation de l'action de l'OTAN,
n'a pas été une bonne nouvelle pour la crédibilité de l'ambition européenne en
ce domaine. Nous en connaissons tous la cause immédiate : la difficulté de
parvenir à un accord entre l'Union et l'OTAN sur l'utilisation des capacités de
cette dernière. Peut-on raisonnablement espérer que, d'ici au mois de février
prochain, date d'échéance de cette prolongation, les blocages seront levés ?
Et, si c'est le cas, à quel prix et avec quelles conséquences sur la nature
même de la mission ?
Il est peut-être une cause plus profonde aux obstacles rencontrés : la
difficulté de construire à quinze - et demain à vingt-cinq - un véritable cadre
d'action politique européen dans ce domaine. C'est pourtant sur ce pari que
reposait le bel édifice dont les fondations furent jetées à Helsinki. Il n'est
pas perdu, certes, mais force est de constater que son cheminement est
laborieux.
Dans ce contexte difficile, monsieur le ministre, la récente initiative
conjointe franco-allemande décidée à Prague, le 21 novembre dernier, en vue
d'enrichir sur ce point le débat de la Convention européenne me semble
constituer une démarche positive. Outre l'inscription de la notion de
solidarité et de sécurité commune dans le futur traité, le texte conjoint
prévoit comme condition à la flexibilité de la politique européenne de sécurité
et de défense, la PESD, la mise en place de coopérations renforcées,
jusqu'alors proscrites dans ce domaine, dont les conditions de déclenchement se
trouveraient, parallèlement, allégées.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
avait en son temps déploré que le traité de Nice écarte la défense du domaine
des coopérations renforcées. L'initiative est donc heureuse et doit être
poursuivie. Néanmoins, des interrogations demeurent. Est-il possible d'imaginer
un cadre de coopération militaire européen n'incluant pas la Grande-Bretagne ?
Pourtant, celle-ci est résolument hostile, précisément, à tout mécanisme de
coopération renforcée.
Ce sujet nous place au coeur d'une question essentielle : peut-on espérer une
« Europe-puissance » à quinze, puis à vingt-cinq, voire plus, ou bien le
réalisme ne commande-t-il pas plutôt de faciliter, dans le domaine redevenu
central de la défense, la stratégie des « groupes pionniers », qui, seule,
pourrait conjuguer ambition et efficacité ? Merci, monsieur le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir répondre à nos questions.
Mes chers collègues, c'est au regard de notre diplomatie active et ambitieuse
que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
vous propose de voter les crédits du ministère des affaires étrangères pour
2003.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 40 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Hubert Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, l'examen du projet de budget des affaires étrangères pour
2003 survient à un moment crucial pour la diplomatie française, celui où elle
retrouve toute sa force et sa capacité à influer sur les affaires du monde.
Je ne citerai que trois exemples : la résolution des Nations unies sur l'Irak,
pour laquelle la France a permis d'aboutir à une décision équilibrée ralliant
l'ensemble de la communauté internationale ; le retour du binôme
franco-allemand, qui peut laisser espérer des initiatives nouvelles dans une
Union européenne qui en a bien besoin ; enfin, tout récemment, l'implication de
la France en Colombie pour contribuer à la libération des otages détenus par
les Forces armées révolutionnaires colombiennes, au nombre de 800, dont la
sénatrice franco-colombienne Ingrid Betancourt, figure rayonnante de la
francophonie qui défend courageusement la démocratie dans ce pays rongé par
quarante ans de guerre civile.
(Mme Hélène Luc approuve.)
Une telle action à l'extérieur, claire et déterminée, a besoin du relais
d'une administration efficace aux moyens renforcés.
Les moyens renforcés s'inscrivent dans le projet de budget des affaires
étrangères pour 2003, qui s'élève à 4,1 milliards d'euros, traduisant en fait
une augmentation de 5,6 % pour des mesures nouvelles. Félicitons-nous de cette
amélioration pour le ministère des affaires étrangères, dont les crédits, non
prioritaires, avaient été réduits régulièrement ces dix dernières années.
Une administration efficace requiert aussi une réforme des structures de
l'aide extérieure de la France, le ministère des affaires étrangères devant
être le centre de coordination et d'impulsion de toute l'action extérieure de
l'Etat. En effet, douze ministères concourent actuellement au fonctionnement
des réseaux à l'étranger. Sur les 8 629 agents de l'Etat ayant exercé à
l'étranger en 2001, 5 522 relèvent du département, soit seulement les deux
tiers ; quant aux crédits, ils sont répartis sur 28 sections budgétaires.
Certes, les ambassadeurs assurent la coordination et l'animation de toutes les
actions françaises à l'étranger. Mais ne conviendrait-il pas, monsieur le
ministre, que, comme les préfets en France, ils soient les ordonnateurs uniques
des dépenses de l'Etat dans leur pays d'accréditation, même si la complexité de
l'action extérieure rend cette unicité fort délicate ?
Afin de parvenir à une plus grande rationalisation des crédits, il me semble
que la politique immobilière du ministère pourrait être améliorée s'il évitait
de coûteuses opérations de location de résidences et de bureaux pour les
ambassades et les consulats. La formule d'achat par crédit-bail, autorisée par
la loi du 2 juillet 1966, permettrait de répartir les montants des achats sur
des durées étalées jusqu'à quinze années et plus. Ainsi seraient évités le
renouvellement de baux toujours plus onéreux ainsi que l'obligation, à la fin
des baux, de remettre les lieux dans l'état où ils ont été reçus lors du
premier bail. Le contrat de location-vente peut définir exactement le montant
des annuités d'amortissement de l'achat, c'est-à-dire l'opération
d'investissement, la différence avec le crédit budgétaire représentant les
intérêts, soit le coût opérationnel. De nombreux pays ont régulièrement recours
à cette formule et obtiennent de sociétés immobilières spécialisées ou de
banques d'excellentes conditions de crédit, avec des taux d'intérêt très bas.
Pourquoi pas la France ?
Deux secteurs de dépenses prioritaires retiendront mon attention.
L'aide publique au développement étant tombée de 0,57 % du PIB en 1994 à 0,32
% en 2000, le Président de la République s'est engagé, lors du sommet de
Johannesburg, à la majorer de 50 % en cinq ans, puis à la doubler pour
atteindre l'objectif « idéal » de 0,70 % du PIB d'ici à dix ans. Cet objectif
généreux, qui vise à réduire la pauvreté dans le monde, est aussi un objectif
responsable, susceptible de réduire les risques du terrorisme international. La
France peut et doit montrer l'exemple dans sa volonté de coopération pour le
développement et pour la paix.
Autre dépense prioritaire, les crédits en faveur des Français de l'étranger
progressent dans trois domaines essentiels : la sécurité des communautés
françaises à l'étranger, dont les crédits font l'objet d'un renforcement
important - de 30 % - pour mieux répondre aux risques grandissants dans le
monde, et l'intervention française en Côte d'Ivoire pour assurer la protection
de nos ressortissants est un exemple de cette priorité du Gouvernement ; l'aide
sociale aux Français défavorisés, dont le nombre s'accroît chaque jour à
l'étranger, qui voit aussi ses crédits progresser de 4,3 %, enfin, l'Agence
pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, dont les dotations
augmentent de 7,7 %.
Il faut dire un mot des établissements d'enseignement français à l'étranger,
dont la situation financière est préoccupante. L'AEFE, qui a dû faire face à un
afflux de 10 000 élèves supplémentaires en dix ans sans que ses crédits
croissent en proportion, a puisé dans son fonds de roulement, qui n'est plus
aujourd'hui que de trois jours. Cette quasi-inexistence de marge de manoeuvre
est aggravée par le fait que les mesures d'amélioration du statut des
enseignants résidents, arrêtées l'an dernier, sont financées sur ce fonds.
L'Agence pourra-t-elle continuer longtemps ainsi, alors qu'il lui est demandé,
dans le même temps, de rationaliser son réseau pour réaliser 6,4 millions
d'euros d'économies ?
De même, l'augmentation inexorable des coûts de scolarité supportés par les
familles, compensée pour les familles françaises à revenus modestes par
l'attribution de bourses, pèse maintenant sur les familles à revenus moyens,
qui éprouvent souvent des difficultés à maintenir leurs enfants dans
l'enseignement français. Il faudrait donc encore abonder les crédits des
bourses.
De fait, le réseau scolaire français à l'étranger - l'un des plus importants
au monde, et qui jouit d'une réputation d'excellence - représente un coût
certain pour le petit budget du ministère des affaires étrangères. Pour
résorber cette crise de croissance, n'est-il pas temps de donner la cotutelle
de l'AEFE à l'éducation nationale, dont le budget pourrait utilement renforcer
notre réseau scolaire à l'étranger ? Le maintien de la francophonie dans le
monde en dépend en grande partie.
Enfin, il serait juste de reconnaître le travail accompli par les associations
gestionnaires de parents d'élèves en leur témoignant davantage de confiance.
Demanderez-vous à l'Agence, monsieur le ministre, de s'abstenir des multiples
contrôles, tatillons et répétés, qui font perdre du temps et ne présentent pas
de réel intérêt pour la bonne marche des établissements ?
Monsieur le ministre, nous connaissons votre attachement à nos compatriotes
expatriés. Nous soutenons votre effort budgétaire en leur faveur pour 2003.
Pour l'avenir, et dans le cadre que tracent les lois de décentralisation, une
réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger est indispensable pour
parvenir à une meilleure représentation de nos ressortissants établis hors de
France. Nous comptons sur vous pour l'appuyer le moment venu.
M. Robert Del Picchia.
Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel.
Les tâches qui vous attendent pour renforcer la place de la France dans le
monde sont donc considérables. Le présent budget, qui est un budget de
transition, n'y suffira pas, mais il constitue un premier pas vers un
redressement et vers une ambition nouvelle pour une France forte dans une
Europe puissante. Tel est le message du projet de budget du ministre des
affaires étrangères, que je voterai avec enthousiasme.
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme MoniqueCerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, nous, Français établis à l'étranger, Français
d'Argentine et de tous les pays en proie à des crises financières, Français
d'Israël et de Palestine, tant de fois endeuillés, Français de Côte d'Ivoire et
de toute une Afrique victime de la guerre, nous mesurons l'aggravation de la
situation internationale. Nous en subissons de plein fouet les conséquences,
sous la forme de la perte d'emploi et de ressources et, parfois, sous la forme
de l'exode. Nous sommes fréquemment exposés à la menace terroriste et aux
guerres.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à
l'occasion de ce débat budgétaire, j'évoquerai les deux sujets que sont les
capacités du ministère à venir en aide aux Français de l'étranger en difficulté
et les menaces de guerre et la lutte contre le terrorisme d'aujourd'hui.
En 2003, les consulats auront-ils les capacités de mener une action sociale
efficace en faveur non seulement de ces Français que les crises économiques et
politiques de leur pays d'accueil laissent démunis, mais aussi de ceux auxquels
la chance n'a pas souri dans une expatriation toujours risquée ?
Ce sujet me tient à coeur : en 1999, je remettais au Premier ministre un
rapport sur l'exclusion sociale dans les communautés françaises à l'étranger.
J'y faisais des propositions qui ont été reconnues comme aussi pragmatiques et
mesurées que possible. J'insistais alors sur la nécessité de franchir le fossé
qui sépare l'assistanat du xixe siècle de l'insertion sociale d'aujourd'hui.
Les principales mesures que j'avais proposées ont été depuis lors testées et
validées. Notons l'autonomie des comités consulaires pour l'action et la
protection sociale, qui a facilité l'action du poste de Buenos Aires face à la
crise financière et à ses conséquences pour les Français. Relevons aussi
l'allocation locale d'insertion sociale, dont les résultats ont été positifs
pour ses bénéficiaires, tant à Madagascar qu'au Sénégal, ainsi que
l'instauration à Dakar, sur le modèle de ce qui avait été réalisé à Tananarive,
de la formation professionnelle destinée aux jeunes adultes.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, étendrez-vous ces mesures
de modernisation en 2003 ? L'augmentation de 2,7 % des crédits d'aide sociale
consulaire
stricto sensu
permet-elle d'espérer une amélioration
qualitative et quantitative de l'aide sociale pour les Français à l'étranger
?
L'espoir est faible, car trop de faits démentent la promesse des crédits.
Notre inquiétude naît de trois facteurs.
Pour la première fois en vingt ans d'histoire de l'aide sociale française à
l'étranger, le gel budgétaire a frappé, en août 2002, les crédits d'aide
consulaire à hauteur de 15 %, ce qui représente une perte de 2,6 millions
d'euros. Cette mesure aurait entraîné une diminution de 50 % à 60 % des
allocations versées aux personnes âgées et aux handicapés si elle n'avait été
levée le 23 octobre. Mais les aides à durée déterminée ont été supprimées
jusqu'à la fin de l'année. Or c'est le seul instrument qui permette aux
consulats de faire face aux situations de détresse accidentelles.
Notre inquiétude s'alimente aussi des consignes données à certains consultats
de diminuer le taux de base local, prélude à une baisse des allocations pour
2003. Nous voudrions comprendre pourquoi de nombreux consuls déclaraient encore
à la fin du mois de novembre, soit six semaines après ladite levée, ne pas être
informés de la levée du gel budgétaire. Que signifie cette rétention de
l'information ? Où a-t-elle eu lieu ?
Autre motif d'inquiétude : l'absence de toute création de poste d'assistants
sociaux, alors que le ministère estime qu'il lui manque 80 postes dans les
consulats et que la réforme du mode de paiement des visas exigera 30 postes
supplémentaires en 2003. Qui gérera l'aide sociale quotidienne ? Qui gérera les
bourses scolaires ? Leur nombre atteint maintenant plus de 18 000 par an : il
faut les gérer, et bien les gérer, car ce sont les deniers de l'Etat.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Les ambassadeurs sont payés pour cela !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Qui gérera la mise en oeuvre de la troisième catégorie solidaire de la Caisse
des Français de l'étranger, la CFE ? Là aussi, il faut du personnel compétent
pour que les deniers de l'Etat soient bien attribués.
Quelles assurances donnerez-vous aux Français de l'étranger, monsieur le
ministre ? Quels engagements fermes prendrez-vous en matière d'aide sociale qui
soient de nature à apaiser leurs inquiétudes, qui sont multiples ?
Inquiétude sur le devenir des crédits d'aide sociale que nous votons
aujourd'hui : gelés une première fois, pourquoi ne le seraient-ils pas une
seconde fois ?
Inquiétude, car, en l'absence de personnel spécialisé, on continuera de
distribuer des aides à la mode du xixe siècle, sans faire la nécessaire
réinsertion sociale.
Inquiétude, car le ministère prend actuellement des dispositions qui laissent
présager son désengagement de la formation professionnelle à l'étranger.
Le Conseil supérieur des Français à l'étranger, le CSFE, et sa commission
spécialisée seront-ils mis devant le fait accompli après-demain, à l'occasion
de la réunion de son bureau permanent ? A quoi sert notre conseil consultatif ?
A écouter des discours ? Je vous ferai remarquer que ce que veut le CFSE, c'est
avoir prise sur la réalité. Il attend de la considération et des pouvoirs, et
non pas seulement des discours.
J'aborderai maintenant mon deuxième propos, qui concerne les menaces de guerre
et la lutte contre le terrorisme d'aujourd'hui, et je le ferai au nom du groupe
socialiste.
Tout d'abord, la France a fait du très bon travail à l'ONU. Nous avons fait
triompher le droit international, nous avons fait triompher le
multilatéralisme.
M. André Dulait,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Nous devons rendre hommage à l'action du ministre des affaires étrangères et
de notre représentation à l'ONU.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Du très bon travail !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Toutefois, nous sommes au bord d'une nouvelle crise internationale majeure.
Les inspecteurs font leur travail en Irak et, pendant ce temps, les Etats-Unis
poursuivent leurs préparatifs militaires. Cette situation nous fait
sérieusement réfléchir.
Mme Hélène Luc.
C'est une situation inacceptable !
M. Serge Mathieu.
Tout à fait inacceptable !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le ministre, quelle sera l'attitude de la France si les Etats-Unis
déclenchent une opération militaire contre Bagdad ? Si le Gouvernement envisage
d'associer la France à cette guerre, nous vous demandons fermement un débat et
un vote préalable au Parlement.
Mme Danièle Pourtaud.
Absolument !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
En effet, la dictature irakienne menace beaucoup plus, de notre point de vue,
son propre peuple que la paix du monde. Une intervention armée étrangère
apportera-t-elle un soulagement à ce peuple ? Nous ne le croyons pas. Ceux qui
parient sur les résultats incertains d'une guerre et sur un renouveau politique
apporté dans les convois de l'armée américaine font très probablement un
mauvais calcul.
Mme Danièle Pourtaud.
Tout à fait !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
La situation actuelle en Afghanistan est là pour nous éclairer sur ce
point.
Rien ne décrédibilise plus les notions de démocratie et de droits de l'homme
aux yeux des peuples qui en ont toujours été privés par l'Occident - ou avec sa
bienveillante approbation - que d'aller défendre des intérêts pétroliers en
agitant cette bannière. Rien n'alimente mieux les discours fallacieux des
propagateurs du terrorisme contemporain.
Ayant longtemps vécu en Afrique du Nord, et après dix ans de voyages dans le
monde, je peux dire que, vue d'Afrique, d'Amérique latine, du monde arabe,
d'Asie, l'histoire contemporaine fait apparaître une contradiction flagrante
entre les progrès de la démocratie depuis le xixe siècle dans nos pays et une
politique internationale qui en a souvent bafoué tous les principes. Nous
croyons que c'est l'une des explications du succès actuel de la propagation des
idéologies fondées sur la violence auprès de peuples qui n'ont jamais connu que
l'oppression, la colonisation, puis les simulacres de démocratie et de
politique de développement dont nous nous sommes bien accommodés depuis les
années soixante, à cause de la guerre froide et tant que nos grandes
entreprises en tiraient profit.
Depuis le 11 septembre 2001, les maux profonds et meurtriers qui secouent la
planète ont-ils disparu ? Les famines, les conflits en Afrique, la répression
en Corée du Nord, au Tibet et en Chine, l'oppression des paysans en Bolivie ou
au Brésil, le conflit meurtrier entre Israël et les Palestiniens, tout cela
a-t-il disparu ? Nous craignons que la hantise légitime du terrorisme
internationalisé n'occulte ces problèmes de fond. Or ce sont ces problèmes qui
constituent le terreau fertile où prospère la propagande terroriste
anti-occidentale.
Sommes-nous en train d'apporter les bonnes réponses aux défis du terrorisme
?
L'incapacité de la communauté internationale à faire respecter une seule des
résolutions du conseil de sécurité destinées à protéger le peuple palestinien
est-elle la bonne réponse au terrorisme ?
Notre complaisance à l'égard des régimes qui prospèrent grâce à la captation
de la rente pétrolière, de l'Arabie Saoudite à l'Algérie, est-elle la bonne
réponse au terrorisme ?
Notre indifférence face à la poursuite de la guerre russe en Tchétchénie
est-elle la bonne réponse au terrorisme ?
Notre laisser-faire face aux dégâts de la mondialisation libérale dans le
tiers monde est-elle la bonne réponse au terrorisme ?
Les désordres du monde actuel trouvent leur origine dans la violence qui n'a
jamais cessé de s'exercer tout au long du xxe siècle. Dans les pays arabes et
en Iran dès les années cinquante, en Indonésie dans les années soixante, en
Amérique latine dans les années soixante-dix, les groupes sociaux porteurs de
modernité ont été persécutés, les dirigeants syndicaux assassinés, les élites
décimées et contraintes à l'exil. Cette violence généralisée a créé des vastes
zones de non-démocratie et de non-droit.
Le plus souvent, cette violence a été le fait de politiques délibérées menées
par les grandes puissances. On peut citer le plan Condor en Amérique latine,
orchestré par les Etats-Unis, et l'assassinat des opposants en Afrique, réalisé
avec la collaboration de divers services secrets. Ce n'est pas un hasard si ces
régions du monde connaissent aujourd'hui des situations de grande instabilité
et une violence chronique. Faute de véritables élites, disparues dans la
tourmente dans ces quarante dernières années, les faux prophètes et les
seigneurs de guerre y ont le champ libre.
La lutte indispensable contre le terrorisme international ne suffira pas à
calmer les tempêtes qui agitent les trois quarts de la planète, surtout si on
l'envisage sous le seul angle militaire. La part du renseignement et de la
coopération policière internationale est le volet immédiat et essentiel de
cette lutte. Les changements fondamentaux de la politique internationale, sous
l'égide des Nations unies, est le second volet de l'action à long terme.
En politique internationale, les pays démocratiques ont le devoir de mettre en
accord - enfin ! - leurs actes avec leurs principes. A défaut, nous laisserons
aux générations futures un monde où les fragiles conquêtes des droits de
l'homme et des droits des peuples nées, au xviiie siècle, de la Révolution
américaine et de la Révolution française, seront submergées par des violences
qui s'alimentent de nos propres contradictions.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, mon intervention portera sur les relations
franco-allemandes, d'une part, et sur le Conseil de l'Europe, d'autre part.
Nous savons tous que le moteur franco-allemand a été l'élément qui a permis,
depuis la fin de la guerre, de faire progresser la construction européenne. En
effet, aucune grande avancée dans la construction de l'Union européenne ne
s'est réalisée sans un accord prélable entre la France et l'Allemagne. Chaque
fois qu'un grain de sable s'est inséré dans ces relations, il s'en est suivi
une période de stagnation pour l'Union européenne.
Nous allons, le mois prochain, célébrer le quarantième anniversaire du traité
de l'Elysée, fondement de cette coopération qui a résisté à toutes les
alternances politiques, d'un côté comme de l'autre. Ce fut la force du moteur
franco-allemand ! Cette commémoration ne doit pas simplement nous inciter à
porter un regard sur le passé, elle doit surtout marquer le point de départ
d'une époque nouvelle, car je suis persuadé que si la coopération
franco-allemande a été un moteur important dans une Europe qui est passée de
six à quinze Etats, elle le sera également dans une Europe à vingt-cinq
Etats.
M. Robert Del Picchia.
C'est exact !
M. Daniel Hoeffel.
Si les deux pays sont d'accord, de nouvelles avancées et une stabilisation de
l'Union européenne se réaliseront. S'ils ne le sont pas, une menace pèsera sur
l'unité de l'Europe.
Cette coopération ne s'est pas exercée seulement sur le plan politique. Elle
s'est aussi appuyée sur le rapprochement des entreprises, des universités. Les
collectivités locales y ont beaucoup contribué à leur manière. D'autres
instruments ont été créés, notament l'Office franco-allemand pour la jeunesse,
la chaîne de télévision Arte - laquelle devrait d'ailleurs se recentrer sur la
coopération franco-allemande, qui fut sa vocation première -, mais aussi les
centres d'études et de recherches franco-allemands.
Permettez-moi en cet instant de formuler quelques remarques à propos de
l'intervention de Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Il a estimé qu'il était
souhaitable - et, sur le principe, il a raison -, que les représentations
consulaires françaises dans les pays d'Europe soient réduites au profit
d'implantations consulaires sur d'autres continents.
Je suis d'accord sur le principe, mais en l'assortissant d'une exception sur
le plan culturel : je regrette, pour ma part, que les délégations culturelles
et les centres culturels français en Allemagne aient fait l'objet d'un
véritable démantèlement, ...
M. Guy Penne.
Bravo !
M. Daniel Hoeffel.
... à un moment où la coopération culturelle, scientifique, universitaire et
linguistique me paraît fondamentale pour consolider les liens d'amitié entre la
France et l'Allemagne.
M. Pierre Laffitte.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
C'est à partir d'une coopération sur les plans linguistique et culturel que
l'on pourra intéresser à nouveau la jeunesse et créer un support plus solide en
matière de relations économiques entre les deux pays. Comment ne pas regretter
qu'en vingt ans l'enseignement de la langue allemande en France ait régressé de
50 %...
M. Jacques Legendre.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
... et que l'évolution de l'enseignement du français en Allemagne ait connu la
même évolution ?
Et l'on s'étonne après de l'hégémonie progressive de l'anglais sur le
continent européen ! Si nous n'apprenons pas à nouveau la langue du voisin,
nous contribuerons à cette évolution que notre collègue Jacques Legendre
regrettait, à juste titre, tout à l'heure.
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
Ma deuxième observation concernera le Conseil de l'Europe.
Si certains de nos collègues sont mieux placés que moi pour en parler, je
pense que, venant d'une région où est implanté, depuis 1949, le Conseil de
l'Europe, je puis l'évoquer rapidement.
Voilà une institution qui est implantée sur le sol français depuis plus de
cinquante ans qui est pourtant mal connue, trop souvent sous-estimée, pas assez
valorisée ni utilisée.
Or, faut-il le rappeler, le Conseil de l'Europe a un bilan positif à son
actif. Bien des réalisations qui ont eu lieu dans le domaine des droits de
l'homme sur notre continent européen sont à mettre à son crédit.
L'apprentissage de la démocratie dans les pays d'Europe centrale et d'Europe
de l'Est est en partie l'oeuvre du Conseil de l'Europe où pouvait se dérouler
le dialogue franc et loyal entre tous les pays, de l'Atlantique à l'Oural,
sinon au Conseil de l'Europe ? Mais c'est aussi le seul endroit où a lieu un
débat sur une politique d'aménagement du territoire européen : il ne se déroule
plus nulle part ailleurs.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, un
soutien moral, un soutien budgétaire sans équivoque, un soutien politique clair
au Conseil de l'Europe me paraît essentiel pour stabiliser cette institution, à
laquelle la France doit porter un intérêt au moins équivalent à celui que lui
portent les pays d'Europe de l'Est. Elle a besoin de considération ; je suis
persuadé que le Gouvernement français fera tout pour qu'il en soit ainsi.
Je terminerai par une question : la charte européenne de l'autonomie locale a
été élaborée il y a un certain nombre d'années au Conseil de l'Europe. Elle a
été signée, mais quelles sont les perspectives de son éventuelle de sa
ratification par la France ?
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, nous vivons dans un monde de violence, de conflits plus ou
moins ouverts, d'Etats fragilisés, mais aussi de résistances appuyées sur les
valeurs universelles de justice et de droit.
Les événements du 11 septembre 2001 ont permis aux Etats-Unis de légitimer
leur rôle de victime ayant droit à réparation. Ils ont désigné leurs
adversaires et veulent les punir eux-mêmes dans le lieu et au moment où ils le
décideront. Si, durant les guerres du Golfe, du Kosovo et de l'Afghanistan, les
Etats-Unis ont bénéficié d'un large appui international, la position du
président Bush concernant l'Irak ne fait plus l'unanimité.
De nombreux pays, notamment ceux de l'Union européenne, inquiets de cette
volonté impériale, ont choisi de soutenir le droit international comme rempart
à cet interventionnisme unilatéral.
Après huit semaines de négociations difficiles, où la diplomatie française a
joué un rôle particulièrement efficace, la résolution 1441 a été adoptée à
l'unanimité du Conseil de sécurité et acceptée par les autorités irakiennes.
Cette résolution, malgré l'interprétation américaine, met l'accent sur la
mission politique de contrôle des inspecteurs de l'ONU et ouvre la possibilité
d'un règlement pacifique. Dans leur déclaration commune, la France, la Russie
et la Chine insistent sur le fait qu'elle « exclut toute automaticité dans le
recours à la force » et que « le Conseil de sécurité reste au coeur des
décisions à venir ».
La guerre ne doit pas être inéluctable. Tout doit être mis en oeuvre pour que
cette mission se déroule sans entrave ni provocation de part et d'autre. Il
faut soutenir cette initiative.
La France et l'Union européenne ne pourraient-elles pas envoyer une mission
parlementaire pluraliste et multinationale pour conforter l'action menée par
les inspecteurs, sous la direction de Hans Blix ?
En effet, le gouvernement américain prend des initiatives contestables et
provocatrices : opposition à la reconduction pour 180 jours de la résolution «
pétrole contre nourriture », qui permettait d'importer des denrées nécessaires
au peuple irakien, déjà affamé par l'embargo ; bombardements récents sur la
ville de Bassora, qui ont fait quatre morts et une vingtaine de blessés. Ces
actions, loin de gêner le régime dictatorial de Saddam Hussein, ne font
qu'aggraver la vie quotidienne de la population. Elles ne visent qu'à créer un
incident.
Au-delà de la volonté d'éliminer les armes de destruction massive, la
stratégie américaine vise en fait d'autres objectifs : la mainmise sur les
ressources pétrolières et la mise en place d'un gouvernement favorisant ses
intérêts économiques et géostratégiques.
Les menaces de guerre sont donc particulièrement réelles. La France,
l'Allemagne et l'Union européenne, qui ont déjà tenu un rôle positif et
constructif, doivent tout faire pour sauvegarder la paix.
Déjà, le Forum social européen qui s'est tenu à Florence a mobilisé un million
de personnes pour la paix. Les conséquences d'une guerre seraient en effet
considérables. Elles le seraient pour le peuple irakien, qui vit depuis plus de
dix ans un drame quotidien. Elles le seraient par la déstabilisation de la
région qu'elles pourraient entraîner par l'éclatement des frontières qu'elles
occasionneraient, par les pleins pouvoirs qu'elles laisseraient au gouvernement
israélien ultranationaliste pour régler, à sa manière, le problème
palestinien.
En renforçant l'emprise des Etats-Unis, une guerre conforterait un nouvel
ordre mondial, fondé sur leur volonté hégémonique.
Enfin, elle pourrait avoir des répercussions à l'intérieur même des pays
européens, où les populations musulmanes - notamment les jeunes - sont
particulièrement sensibles aux injustices des politiques « deux poids, deux
mesures ».
Comme le problème irakien, le dramatique conflit israélo-palestinien doit
trouver le plus rapidement possible une solution politique. Depuis plus de
cinquante ans, le peuple palestinien lutte pour la reconnaissance de sa
dignité. Il aspire à la création d'un Etat, avec Jérusalem-Est comme
capitale.
Après des avancées considérables, l'arrivée au pouvoir d'Ariel Sharon, qui est
fondamentalement hostile à cette perspective, a fait échouer toute négociation
sérieuse. L'extension continuelle des colonies et de leurs routes de
contournement, la multiplication des check-points, le bouclage systématique des
territoires, les couvre-feux imposés vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans
les villes autonomes et dans les camps palestiniens, enfin, la récente
construction d'un mur de séparation entre les deux communautés ont créé les
conditions d'une vie quotidienne totalement inhumaine.
Le chômage frappe désormais de 50 % à 80 % des Palestiniens, dont la majorité
vit avec moins de 2 dollars par jour.
Malgré cela, si des formations extrémistes, comme le Hamas et le Djihad
islamique, s'appuient sur le désespoir pour organiser des attentats terroristes
contre les populations civiles israéliennes, le peuple palestinien, dans sa
majorité, refuse de cautionner de tels actes, continue de soutenir la
perspective d'une solution politique en espérant l'aide et l'engagement des
pays démocratiques.
A la demande de la communauté internationale, Yasser Arafat a annoncé des
élections législatives pour janvier 2003. Cette échéance doit être tenue.
L'Union européenne, qui défend la sécurité, le respect des droits de l'homme et
la démocratie, doit s'engager davantage. Elle pourrait proposer une présence
internationale et demander l'évacuation des territoires occupés par l'armée
israélienne pour garantir le bon déroulement de ces élections.
La France peut-elle prendre l'initiative, avec d'autres pays européens,
d'envoyer sur place des observateurs internationaux ? Au-delà de leur mission
de contrôle, ils pourraient être un facteur d'apaisement et préparer ainsi les
conditions d'une reprise de négociations ultérieures.
Si nous apprécions le retour de la Russie sur la scène internationale et le
rôle que sa diplomatie peut y jouer, la guerre en Tchétchénie reste, pour nous,
une grande préoccupation. Là encore, la dramatique prise d'otages de Moscou a
montré la nécessité pour l'Europe et la France d'aider à une reprise des
négociations entre les autorités russes et tchétchènes pour un règlement
politique de ce conflit.
Mais l'élément fondamental de la situation internationale demeure l'inégalité
criante et croissante entre la pauvreté des pays du Sud et la richesse des pays
du Nord. Près de trois milliards d'hommes survivent avec moins de 2 dollars par
jour. La dette et le sida peuvent illustrer cette injustice à dimension
planétaire.
La dette des pays pauvres, qui atteignait 534 milliards de dollars en 1980,
est passée à 2 068 milliards de dollars en 2000. Le service annuel de cette
dette est sept fois supérieur à l'aide au développement. Nous réclamons son
annulation, qui serait un facteur de solidarité ouvrant d'autres
perspectives.
Quant aux derniers chiffres publiés sur le sida, ils sont terrifiants : 42
millions de personnes contaminées ! Les pays riches possèdent les traitements,
mais l'accès à la trithérapie est réservé à seulement 4 % de la population
mondiale. Là encore, il y a une véritable faillite de la solidarité, et
l'argent attribué au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le
paludisme, créé en juin 2001, n'a toujours pas commencé à être distribué.
L'aide au développement et le rôle de la coopération sont des thèmes
essentiels sur lesquels ma collègue Hélène Luc interviendra.
C'est dans ce contexte que nous examinons aujourd'hui, monsieur le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget. Nous constatons avec
satisfaction qu'il bénéficie d'une hausse sensible, en progression de 13,24 %
par rapport à 2002, ce qui représente 4,11 milliards d'euros.
Si nous observons que les contributions obligatoires augmentent de plus de 10
%, nous regrettons la stagnation des contributions volontaires.
Le problème le plus préoccupant est celui des fonds accordés à l'UNWRA,
l'agence des Nations unies pour l'aide aux réfugiés de Palestine. Après le gel
de la subvention de 2002, le ministère a décidé le déblocage d'un engagement de
2 millions d'euros. Cette somme, identique à celle qui fut accordée en 2001,
n'a toujours pas été versée. Ce qui est encore plus grave, c'est l'absence de
réponse de la France à un appel d'urgence lancé par l'UNWRA pour faire face aux
besoins accrus des Palestiniens en matière d'aide alimentaire.
Pouvez-vous nous indiquer quelles sont, dans ce domaine, les intentions du
Gouvernement ? Cette question paraît d'autant plus d'actualité que nous venons
d'apprendre la destruction, par l'armée israélienne, d'un entrepôt du programme
alimentaire mondial installé à Gaza.
Enfin, si nous apprécions l'augmentation de 127 % de la somme accordée au
Fonds européen de développement, nous souhaiterions plus de transparence quant
au fonctionnement de cette institution et une complète utilisation de ces
crédits.
Compte tenu de tous ces éléments, le groupe CRC a décidé de s'abstenir sur ce
projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du
groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, il y a quelques temps paraissait à Paris le livre
d'un ancien Premier ministre centrafricain, M. Jean-Paul Ngoupandé, intitulé
L'Afrique sans la France
. En quelques mots tout est dit de la rumeur qui
court de Dakar à Brazzaville selon laquelle l'Afrique doit apprendre à se
passer de la France, car la France ne s'intéresse plus à l'Afrique.
Or l'Afrique est en difficulté. La Côte d'Ivoire en offre une bien triste
illustration. Abandonner un ami en difficulté est évidemment un comportement
inacceptable. Je sais bien, monsieur le ministre, que telle n'est pas votre
attitude - je vous connais trop pour en douter un seul instant - ni celle du
Gouvernement, ni celle du Président de la République. Vous venez d'ailleurs de
le montrer par des actes et vous le montrez encore par l'effort significatif
que vous proposez d'accomplir en faveur du développement dans le présent projet
de budget. C'est pourquoi nous vous soutenons et c'est pourquoi, en ce qui me
concerne, je le voterai sans aucune réserve.
Mais il est temps d'accomplir d'autres actes forts, car la France et
l'Afrique, la France et les Africains risquent de se méconnaître et de
s'éloigner.
Nombreux ont été les jeunes Français qui ont servi jadis comme coopérants en
Afrique. Ils ont appris à connaître et à aimer ce continent. Nous ne voyons
plus guère de ces jeunes coopérants puisqu'il n'y a plus de service
militaire.
Qu'allez-vous faire, monsieur le ministre, pour favoriser la présence en
Afrique de nombreux jeunes Français apportant toute leur générosité ? Ne
faudrait-il pas songer à créer une sorte d'office franco-africain de la
jeunesse favorisant des rencontres, des séjours, une action partagée ?
Car les jeunes Africains sont eux aussi de moins en moins nombreux à connaître
véritablement notre pays. Les étudiants africains des années soixante et
soixante-dix - dont certains sont maintenant ministres ou chefs d'Etat -
avaient une véritable connaissance de notre pays, pour avoir fréquenté, par
exemple, les quartiers universitaires de Lille et de Montpellier ou le Quartier
latin. Ils y avaient d'ailleurs parfois, et même souvent, dénoncé le
colonialisme. Et ils sont maintenant nos meilleurs amis !
Si l'élite africaine des pays francophones parle encore le français, ses
références, ses souvenirs sont de plus en plus à Montréal, à Atlanta, à
Washington ou à New York.
Qu'allez-vous faire, qu'allons-nous faire, pour assouplir l'excessive sévérité
des visas étudiants, rouvrir nos universités et nos grandes écoles à une
jeunesse qui trouve encore naturel d'y être accueillie et qui ne se résigne à
aller voir ailleurs que parce que, décidément, il est trop difficile de venir
étudier en France ?
Au-delà de l'action urgente à mener pour concourir au rétablissement de la
concorde dans de nombreux pays africains, il y a cette nécessaire action de
fond à conduire pour que la France garde en Afrique son influence, sa place, et
qu'elle puisse continuer à y oeuvrer avec efficacité.
Qu'allez-vous faire, monsieur le ministre, pour que notre diplomatie conserve
en son sein les véritables connaisseurs et sincères amis de l'Afrique que
furent longtemps nos ambassadeurs sortis de l'Ecole nationale de la France
d'outre-mer ?
(Très bien ! sur le banc des commissions.)
Est-il prévu de corriger, chez
nos jeunes diplomates, ce tropisme qui les porte trop souvent à préférer les
postes en Europe ou dans les organisations internationales ?
Comment comptez-vous donner à la France cette nouvelle génération d'experts,
mais aussi de passionnés de l'Afrique, dont notre diplomatie a besoin et dont,
après tout, M. Dominique de Villepin est sans doute un bon exemple ?
Dans quelques semaines, se tiendra à Paris un sommet franco-africain.
Puisse-t-il être l'occasion de réaffirmer avec éclat et de populariser cette
sympathie profonde que beaucoup de Français et beaucoup d'Africains éprouvent
les uns envers les autres !
Puisse-t-il aussi être l'occasion, pour la France, de manifester sa
détermination à agir vite et fort dans deux domaines qui oblitèrent l'avenir de
l'Afrique, à savoir la crise profonde de son système éducatif et l'extension
galopante du sida !
Notre désengagement est allé trop loin. Cessons de redouter d'être suspectés
de je ne sais quelle ingérence. Nous avons, à l'égard de nos partenaires
africains, un devoir de respect. Ils sont indépendants, et nous les avons
d'ailleurs souvent aidés à installer leur indépendance.
Des Etats déstructurés et pauvres - je pense, notamment, pour bien la
connaître, à la malheureuse République centrafricaine - ont besoin, pour se
reconstituer, d'une présence plus forte de Français, en particulier d'experts
français.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, sur le Gouvernement et sur le
Président de la République pour affirmer que, demain, à nouveau, la France sera
aux côtés des Africains.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, dans le monde entier, la France symbolise la liberté,
l'exercice de la démocratie et renvoie au siècle des Lumières.
La qualité des participants au premier sommet francophone à s'être tenu en
terre arabe - c'était à Beyrouth, en octobre dernier - a montré que ce sommet
était une tribune permettant de faire écho à l'ensemble des préoccupations du
monde puisqu'y ont été abordés le terrorisme, la menace irakienne, le rôle des
Nations unies, le conflit israélo-arabe et la politique des Etats-Unis.
Certes, la langue est un élément de reconnaissance identitaire mais elle est
avant tout un moyen de communiquer.
Néanmoins, ce qui unit les membres de la famille francophone dépasse le strict
cadre de la langue. Les événements ont montré que cette communauté a accompagné
des processus de démocratisation et de défense des droits de l'homme.
Au-delà de l'expression d'une civilisation, une langue est donc un lien entre
des civilisations différentes, pour lesquelles elle devient une référence de
valeurs.
L'attirance pour l'organisation internationale de la francophonie a conduit
certains à se gausser sur la démarche de pays dont le français n'était pas
précisément la langue véhiculaire mais qui souhaitaient rejoindre les
cinquante-cinq nations qui constituent cette structure. En fait, cette volonté
prouve la confiance des pays pauvres dans la mission des quatre nations
industrialisées que sont la France, le Canada, la Suisse et la Belgique :
celles-ci constituent un rempart contre les conséquences de la mondialisation.
Comment, sinon, faire face aux exigences, aux contraintes techniques et
juridiques posées par l'Organisation mondiale du commerce ?
Aussi cocardiers que nous soyons, la préservation de l'usage du français
dépasse donc l'orgueil hexagonal. Pourtant, le français n'arrive plus qu'au
neuvième rang des langues les plus pratiquées. Au-delà des ambassades et des
consulats, pourquoi ne pas profiter davantage du réseau des alliances, qu'il
faudrait aider plus significativement, ainsi que des SOFTE, les services
officiels français du tourisme à l'étranger, dans le domaine du tourisme ?
Afin d'optimiser l'utilisation des crédits consacrés à la francophonie, il
conviendrait de les réunir dans un budget global. Aujourd'hui, ce sont une
demi-douzaine de ministères qui interviennent à travers un nombre difficilement
estimable d'associations subventionnées et une petite dizaine d'instances
multilatérales qui mènent des actions de toutes sortes. L'opacité dans la
répartition des tâches et des moyens est telle que l'on est bien en peine d'en
déchiffrer l'organisation.
Or, selon un chiffrage fondé sur les informations qui ont pu être réunies et
qui, évidemment, ne sont pas exhaustives, les sommes consacrées à la
francophonie dépassent 2,4 milliards d'euros. La logique voudrait que ces
crédits soient gérés par un seul ministère.
Deux points me semblent préoccupants par rapport au repli entamé : d'une part,
on s'achemine, par simple voie administrative et sans aucun débat politique,
vers un régime linguistique fondé sur une seule langue, l'anglais, au sein de
la Commission européenne et du Conseil de l'Europe ; d'autre part, la
traduction en français des brevets européens est abandonnée.
L'Angleterre ayant été à la pointe de l'industrialisation, beaucoup de
nouvelles techniques ont été nommées dans son idiome. Aujourd'hui, l'anglais
est devenu la langue d'échange dans les communautés scientifiques, et il
s'impose sans pour autant avoir de réelle légitimité.
Il n'y a aucune fatalité à cela. Il convient de réagir.
Ce n'est ni de la paranoïa ni du nombrilisme ; c'est la mise en exergue d'une
rédaction de plus en plus systématique dans la seule langue anglaise des
documents de travail européens que stigmatise un syndicat de fonctionnaires de
cette sphère.
Tout repose sur un distinguo subtil : langues officielles et langues de
travail. Le règlement adopté en 1958 n'opère pas de distinction entre ces deux
catégories. Il est convenu que ce choix unique conduit à une perte de
créativité, de pensée, à un appauvrissement des institutions. Si l'on pousse à
l'extrême ce diktat linguistique, on finira par choisir des intervenants pour
leur seule capacité à s'exprimer en anglais et non pour leurs compétences.
Il me semble que, si l'on veut que l'Europe existe comme bloc culturel et
économique face aux Etats-Unis d'Amérique, il est nécessaire qu'elle affirme sa
spécificité au regard tant de l'expression que des règles. Il me serait
agréable de connaître la position du Gouvernement à ce sujet.
Le « tout anglais », pour ce qui concerne les brevets, est encore évitable
puisque le précédent gouvernement n'avait pas ratifié les dispositions
incriminées dans le protocole de Londres, texte qui vise à mettre fin à
l'obligation de traduction des brevets européens pour les rendre juridiquement
opposables en France. En fait, 93 % des brevets européens sont rédigés en
allemand ou en anglais.
L'entrée en vigueur de ce texte profiterait en premier lieu aux principaux
déposants de brevets européens, qui sont majoritairement des entreprises
américaines et japonaises. Cela achèverait de marginaliser les sociétés
françaises, déjà distancées. Elles seraient alors soumises à un afflux
supplémentaire de textes non traduits.
L'Espagne, l'Italie et le Portugal ont refusé de signer le protocole.
Si l'on occulte le fait que la France est en retard dans la « course aux
premiers dépôts », c'est-à-dire ceux qui servent de base aux extensions de
protection à l'échelle européenne, le protocole, s'il était validé,
augmenterait l'incertitude juridique sur la portée de certains droits en
favorisant les politiques de dépôts massifs des grands déposants. La filière
française de la propriété industrielle ne traiterait plus que 7 % du total des
brevets délivrés, les consultations et expertises des 93 % de brevets restants,
dorénavant non traduits en français, revenant aux conseils allemands, pour 18
%, et surtout anglais, pour 75 %.
Notre Premier ministre s'étant élevé contre la signature du protocole de
Londres par le précédent gouvernement, je souhaiterais connaître les intentions
du Gouvernement sur un sujet qui engage une partie de la capacité innovante de
la nation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Serge Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, la discussion du projet de budget des affaires étrangères
pour 2003 s'inscrit dans un contexte international principalement marqué par le
Moyen-Orient, l'impasse persistante du conflit israélo-palestinien et la
reprise des inspections en Irak.
La situation de la communauté internationale vis-à-vis de l'Irak a
considérablement évolué depuis notre débat du 9 octobre dernier. La résolution
1441 du 8 novembre dernier a été adoptée par le Conseil de sécurité, et les
inspections, dont nous demandions la reprise, ont commencé de manière
opérationnelle voilà quelques jours.
Je voudrais tout d'abord réitérer mon appui à notre diplomatie. Dans un
contexte extrêmement difficile, notre pays a joué un rôle moteur au sein du
Conseil de sécurité pour la recherche d'une solution à la crise irakienne, dont
nous espérons que l'issue sera pacifique.
Au moment où nous parlons, rien ne nous permet d'affirmer que cette longue
crise - elle dure depuis plus de dix ans - va trouver son aboutissement. Tout,
en effet, dépend aujourd'hui de l'Irak : d'ici à quelques jours, le 8 décembre,
la déclaration de l'ensemble des armements prohibés que détiendrait l'Irak
devra être faite au Conseil de sécurité.
La situation humanitaire en Irak demeure un sujet de très vive préoccupation.
Il est évident qu'une intervention militaire serait une catastrophe pour la
population, non seulement en termes de pertes civiles directement dues aux
opérations à terre et aux bombardements, mais aussi parce que la distribution
de vivres et de rations alimentaires serait alors purement et simplement
interrompue.
Le représentant à Bagdad du programme alimentaire mondial rappelait récemment
que 60 % de la population ne survivait que grâce à ces rations et que
l'interruption du programme reviendrait à laisser 15 millions de personnes dans
le dénuement.
Comme vous le savez, l'équilibre financier du programme « pétrole contre
nourriture » n'existe plus depuis lontemps du fait de la baisse considérable
des exportations irakiennes. Plus de 1 600 contrats, représentant 3 milliards
de dollars, ne peuvent être exécutés faute de trésorerie. Parmi ceux-ci
figurent évidemment de nombreux contrats portant sur l'approvisionnement en
nourriture.
J'ai toujours indiqué que nous devions donner à l'Irak une perspective claire
de sortie de l'embargo. La fermeté nécessaire de la communauté internationale
ne doit pas exclure la générosité, bien au contraire. Nous ne pouvons qu'être
extrêmement préoccupés par le développement du sentiment anti-occidental dans
ce pays. La propagande anti-américaine du régime de Bagdad ne peut que
s'étendre, à mon avis, à l'Occident tout entier. L'exacerbation du sentiment
national et la résurgence d'un certain extrémisme islamique, dont témoignent
les attentats contre les chrétiens, sont les produits directs du désespoir de
la population.
Dans le rapport de notre groupe d'amitié, publié en février dernier, nous
avions appelé à des « gestes réciproques ». Le premier de ces gestes devait
être l'acceptation par l'Irak du retour des inspecteurs. Que ce retour ait été
obtenu par la menace et la contrainte importe peu. Le résultat est celui que
nous voulions, c'est-à-dire prouver que l'Irak n'est pas un danger dans la
région et que ce pays se conforme aux dispositions des résolutions du Conseil
de sécurité. La résolution 1441 a fixé des échéances claires et rapprochées
pour atteindre cet objectif.
Il me semble que, parallèlement à cette action, nous devons envoyer un message
d'espoir à la population irakienne en indiquant clairement, comme l'a du reste
fait M. Hans Blix, que, si les conditions de désarmement sont respectées,
l'embargo sera alors définitivement levé. Il s'agit, là aussi, du respect des
dispositions des résolutions précédentes.
Mais nous devons aller plus loin, en permettant et en assurant
l'approvisionnement alimentaire de la population dès maintenant. Comment
pouvons-nous imaginer que l'état de sous-nutrition organiséee dans lequel est
maintenu l'immense majorité du peuple irakien ne soit pas interprété comme une
punition volontairement infligée par les puissances occidentales ?
J'avais soutenu comme un moindre mal les modifications du dispositif de
sanction qui, avec la nouvelle
Goods Review list,
aurait dû permettre
une amélioration très sensible du programme « pétrole contre nourriture ». Il
n'en a rien été et l'administration américaine, en demandant une révision de
cette liste pour y inclure de nouveaux produits, contribue encore à donner aux
citoyens irakiens l'impression d'une volonté implacablement répressive.
J'ajoute - mais faut-il une nouvelle fois répéter cette évidence ? - que
développement économique et démocratie vont toujours de pair. De ce point de
vue, la reconduction pour neuf jours du programme humanitaire, en dépit de nos
efforts, ne peut qu'apparaître comme un message très négatif aux citoyens
irakiens.
Ainsi, notre fermeté nécessaire sur la question du désarmement ne doit pas
exclure l'autre volet de notre politique qui est, à terme, la stabilisation de
la région. Je sais que c'est le but évident de notre diplomatie. Pourtant,
l'attitude de certains de nos alliés ne me paraît pas aller dans ce sens et
pourrait être interprétée comme des tentatives de pousser l'Irak à la faute.
Je pense aux récentes déclarations du secrétaire d'Etat américain à la
défense, qualifiant de « violation patente » de la résolution 1441 les
incidents sur les zones de non-survol. La France s'est retirée ou a interrompu
sa participation à ces opérations depuis longtemps. Nous avons, pour notre
part, dénoncé clairement les bombardements réguliers, dont la fréquence semble
s'être accélérée depuis quelques mois. Encore hier, des bombardements sur
l'Irak se sont soldés par des morts civils. Si l'Irak, aux termes de la
résolution 1441, doit s'abstenir de tout acte susceptible d'aggraver la
tension, il me semble aussi que les puissances occidentales doivent s'appliquer
la même règle.
A travers des déclarations de ce type, les occidentaux donnent l'impression au
peuple irakien que la guerre est inéluctable et que l'autorité des Nations
unies n'est qu'un habillage destiné à donner une légalité juridique
internationale à une intervention militaire américaine.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est tout à fait cela !
M. Serge Mathieu.
Comme vous l'avez récemment rappelé, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, la résolution 1441 prévoit un dispositif en deux temps qui
passe obligatoirement par un rapport de M. Blix ou de M. El Baradei sur les
violations éventuelles de l'Irak. Ce n'est que dans un second temps, et sur la
base de ce rapport, que le Conseil de sécurité déciderait des actions à
entreprendre.
Il importe de montrer que la guerre n'est pas une fatalité et que nous
travaillons avec un esprit de générosité à la sortie de la crise.
J'évoquerai à présent les relations que nous avons avec un autre pays qui me
tient à coeur et qui vous est cher aussi, monsieur le secrétaire d'Etat :
l'Albanie.
L'Albanie joue un rôle central pour la stabilité et la paix dans la région et
je me félicite que notre pays soutienne fermement les efforts considérables
faits par les gouvernements successifs pour construire un Etat démocratique.
Les progrès politiques récents doivent être signalés.
La récente élection d'un président de consensus, M. Moisiu, qui a été élu, en
juin dernier, à la majorité absolue au premier tour de scrutin par le
Parlement, constitue un grand succès et marque la capacité des deux principaux
partis à s'entendre. Depuis cette date, les rapports entre la majorité et
l'opposition semblent apaisés et le boycott du Parlement a pris fin. Pour les
prochaines échéances électorales, les deux partis travaillent ensemble à
proposer des réformes du code électoral, des listes et peut-être, si cela
s'avère nécessaire, de la Constitution.
De même, la constitution du gouvernement que dirige M. Fatos Nano a marqué la
fin des tensions internes du parti au pouvoir dont les différends avaient
conduit à une certaine instabilité politique. Le fait que la lutte contre la
corruption et les trafics soit identifiée comme une priorité du gouvernement
contribue à donner une image très positive de l'Albanie.
Il n'est donc pas étonnant que ces progrès se soient traduits par la décision
de l'Union européenne d'ouvrir les négociations de l'accord de stabilisation et
d'association que nous appelions de nos voeux voilà un an. Je sais le rôle que
la France a joué dans cette décision. Il nous faut, à présent, accompagner
l'Albanie dans ses efforts continus pour développer l'Etat de droit. L'étape de
l'accord d'association est capitale puisque l'assimilation des normes
européennes est un impératif qu'il faudra progressivement réaliser dans les
années à venir. Je souhaite que notre coopération permette d'oeuvrer en ce sens
dans tous les domaines, y compris le domaine parlementaire.
Autre fait marquant, au sommet de la francophonie à Beyrouth, l'Albanie est
devenue membre à part entière. Cette décision, très attendue, est d'autant plus
méritée que 30 % des élèves albanais apprennent le français dans le système
scolaire obligatoire.
(M. le secrétaire d'Etat acquiesce.)
En dépit des offensives de l'anglais,
notre langue demeure la deuxième langue apprise en Albanie.
Nous nous devons de poursuivre nos efforts et je sais que notre Alliance
française est fort active. Je suis persuadé que nous pouvons encore accentuer
notre présence, notamment en ayant enfin un centre culturel français digne de
ce nom à Tirana.
La présence de notre langue est un atout culturel qui est également
important pour développer nos investissements. De ce point de vue, la présence
économique française est insuffisante. Certes, l'investissement ne se décrète
pas et je sais que la législation sur la propriété et sur le droit des sociétés
doit encore être améliorée. Il n'en demeure pas moins que, comparée à celle que
prennent les entreprises italiennes, la place qu'y occupe notre pays n'est pas
celle que son influence devrait lui valoir. Sans doute le fait de disposer à
Tirana d'un poste d'expansion économique de plein exercice pourrait-il
favoriser l'investissement français !
Je me félicite, monsieur le ministre, de la reprise des contacts au plus haut
niveau entre nos deux pays. Lors d'un entretien entre M. Chirac et M. Nano, à
l'occasion du sommet de Beyrouth, l'hypothèse d'une visite d'Etat du Président
de la République française en Albanie a été évoquée. Une telle visite serait
effectivement l'occasion de relancer nos relations bilatérales dans tous les
domaines avec un pays auquel nous lient des relations d'amitié anciennes et
solides.
Tels sont, mes chers collègues, les quelques mots que je voulais prononcer à
l'occasion de l'examen du projet de budget des affaires étrangères. Derrière
ces crédits, il y a des pays amis de la France et des hommes qui attendent de
nous aide, assistance et amitié.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux : nous les
reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures
quinze, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
COMMUNICATION RELATIVE À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
6
SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président a été informé, par lettre en date du 4 décembre 2002, par le
président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi d'une demande
d'examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés de la
loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de
la distribution.
Acte est donné de cette communication.
7
LOI DE FINANCES POUR 2003
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.
Affaires étrangères (suite)
M. le président.
Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les affaires étrangères, la parole est à M. Guy Penne.
M. Guy Penne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, j'interviendrai sur plusieurs points, et je commencerai
par une question qui me semble fondamentale : ce débat budgétaire n'est-il pas
surréaliste ?
Avant même de l'avoir fait voter par le Parlement, le Gouvernement informe que
ce budget ne sera pas tenu ! On prépare à Matignon et à Bercy les coupes
claires qui viendront alléger les crédits toujours trop minces du ministère des
affaires étrangères. Et voilà que, devançant les ciseaux de Bercy, notre
commission des finances fait du zèle et souhaite amputer, encore et encore, ce
frêle budget !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est honteux !
M. Guy Penne.
Cette majorité sénatoriale qui critiquait hier les budgets de M. Védrine se
prépare à voter aujourd'hui des crédits réduits en se prêtant elle-même au jeu
de massacre !
Il s'agit d'un budget modeste, qui s'inscrit dans la continuité. Le budget des
affaires étrangères ne représente pas, en effet, la totalité de l'action
extérieure de la France. Celle-ci est caractérisée, depuis des années déjà, par
la dispersion et la dilution au détriment de son efficacité. Je ferai donc les
mêmes critiques que par le passé.
Les rapporteurs ont fait oeuvre utile en rappelant les points positifs du
projet de budget, mais il faut aussi, pour être juste, rappeler les points
négatifs.
Ainsi ont été évoquées les contributions obligatoires en augmentation. Il faut
parler aussi des contributions volontaires qui restent au niveau de 2002 et qui
sont donc insuffisantes pour assurer la présence et l'influence de la France
dans les organisations internationales.
L'augmentation prévue des crédits destinés à la sécurité des Français de
l'étranger reste très inférieure aux besoins et ne correspond pas aux annonces
faites lors de la préparation du budget. Pensons à la situation actuelle de nos
compatriotes dans certains pays africains où, ici et là, se multiplient des
conflits dont ils sont directement les victimes.
Le budget de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger ne
permettra pas à cette dernière de terminer l'année scolaire. Rien n'est venu me
rassurer depuis l'intervention que j'ai faite en commission. Le fond de
roulement épuisé ne permet une survie que de quelques jours.
La part relative des crédits de rémunération et de fonctionnement diminue :
37,4 % contre 41,2 % l'année dernière. La perte sèche est de cinquante-sept
emplois.
La coopération décentralisée n'est pas bien lotie dans ce budget. Pourtant, le
Président de la République l'avait mentionnée dans son programme en dix points
sur la politique de coopération. Or nous pouvons constater que les crédits
d'appui à la coopération privée ou décentralisée vont baisser de 2 % ! Les
initiatives locales et le travail des ONG constituent un apport fondamental au
renouveau de la coopération. Diminuer leurs crédits est un mauvais signal
adressé aux collectivités locales et aux centaines de bénévoles qui animent le
réseau associatif solidaire.
En ce qui concerne les crédits pour le fonds de solidarité prioritaire et pour
l'Agence française de développement, s'il faut se féliciter de l'augmentation
des autorisations de programme, il faut aussi rester vigilant quant à leur
transformation ultérieure en crédits de paiement, ce qui n'est pas
automatique.
Nous ne pensons pas que le budget pour 2003 contribue à donner une chance de
réussite au voeu de M. le Président de la République sur les crédits d'aide au
développement : - 50 % d'augmentation en cinq ans ! Actuellement, un gel des
crédits important affecte les crédits pour 2002 de la coopération et de l'APD.
On donne d'une main et on efface de l'autre. Ces crédits semblent être la
variable d'ajustement choisie par le Gouvernement pour donner l'illusion de
contenir les dépenses !
Nous constatons, encore une fois, hélas ! que ce budget n'est pas prioritaire
aux yeux du Gouvernement. Les gouvernements passent et les mauvaises habitudes
restent...
En dehors des augmentations dues aux contributions obligatoires, aux crédits
du FED et au complexe mécanisme des contrats de désendettement-développement,
le budget des affaires étrangères augmente de 1,9 %. On peut dire qu'il stagne
!
Quel avenir pour la coopération militaire ?
L'évolution de la coopération militaire n'est pas claire. Cette année encore,
les crédits diminuent et atteignent leur limite basse. Quel est le sens des
mesures d'économie affichées sur la coopération militaire ? Celle-ci
passera-t-elle sous contrôle exclusif du ministère de la défense ?
Une clarification s'impose, d'abord à l'égard de la politique de défense et de
sécurité de la France, qui considérait naguère cette coopération comme faisant
partie d'une stratégie de rayonnement extérieur et d'influence à l'étranger.
Elle s'impose ensuite à l'égard de nos partenaires étrangers, qui pâtissent du
manque d'intérêt français et qui devront aller chercher ailleurs ce que la
France leur refuse.
Or nous avons peut-être une certaine spécificité à défendre en la matière. Il
est évident qu'il faut revoir l'ensemble de la coopération militaire, comme
d'ailleurs nous devrions nous pencher sérieusement sur les accords de défense
liant notre pays à des pays tiers. Toutefois, cette révision ne peut pas se
faire au détour d'une ligne budgétaire effacée d'un trait de plume. Il faudrait
nous présenter un bilan global de cet aspect de notre coopération.
J'en viens à l'aide au développement, au FMI et au désordre mondial.
En ce qui concerne l'APD, signalons que, s'il est bon d'augmenter les crédits,
il faut aussi, et de toute urgence, réfléchir à l'utilisation de l'aide. Vaste
sujet sans doute ! On peut toutefois d'ores et déjà avancer une piste de
réflexion en ce qui concerne le rôle important, trop important, pris par
certaines instances internationales comme le FMI et la Banque mondiale.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères.
Très
bien !
M. Guy Penne.
En effet, ces organismes à la légitimité douteuse ont aujourd'hui un pouvoir
de vie et de mort - le mot n'est pas trop fort - sur les économies des pays
émergeants et les pays les plus pauvres. Ces organismes arrivent à imposer
leurs conditions ; l'APD des Etats passe après pour limiter, dans le meilleur
des cas, les dégâts.
L'exemple dramatique de l'Argentine nous interpelle et nous contraint à un
examen attentif et approfondi de cette question, de la place et du rôle du FMI
et de la Banque mondiale dans la recherche d'un modèle de développement
équilibré et respectueux des peuples.
Nous savons que les politiques prônées par les grandes organisations
financières internationales ont mené plusieurs pays vers des catastrophes
sociales ou ont contribué à accroître leur dépendance à l'égard des « grands
pays développés ». Ajustements structurels, ouverture de leurs marchés,
libéralisation à outrance, réduction de l'Etat, démantèlement des services
publics et de la sécurité sociale ont conduit ces pays à s'enfoncer dans la
pauvreté et à hypothéquer leur avenir. Cela a souvent été fait, il est vrai,
avec la collaboration d'élites locales incompétentes ou corrompues, parfois
même l'un et l'autre !
Face à ces drames, lourds de conflits à venir, le montant de notre APD semble
bien dérisoire. Surtout, il nous semble que reprendre la main face aux
organisations telles que le FMI et la Banque mondiale est aussi important
qu'augmenter notre aide.
Nous nous honorerions à montrer une plus grande vigilance à l'égard de
l'action des organisations financières internationales et des conséquences
sociales et politiques de leur action.
La doctrine américaine d'aide au développement consiste à mettre en
compétition les pays pauvres pour obtenir l'aide de Washington et à opérer une
sélection à partir de critères établis par la
Heritage Fondation
,
fondation de la droite extrême américaine. L'APD n'est pas une priorité du
gouvernement des Etats-Unis : elle représente à peine 0,11 % du PIB. Nous ne
partageons pas la même conception.
C'est sur le terreau de la pauvreté - cela a déjà été dit par d'autres
collègues - que prolifèrent les désordres et les guerres, les terrorismes et
les intégrismes. Nous avons, nous Européens, tout intérêt à combattre
aujourd'hui la pauvreté en nous attaquant à ses racines pour assurer à nos
enfants un monde meilleur.
J'en viens au moteur franco-allemand, qui a déjà été évoqué, notamment par M.
Daniel Hoeffel. Nous devons saluer le redémarrage de cette pièce essentielle de
la construction européenne. Deux propositions conjointes sont venues illustrer
cette relance attendue : la première sur la politique européenne de sécurité et
de défense, la seconde sur la justice et les affaires intérieures.
Ces deux textes proposés à la Convention revêtent bien entendu une grande
importance : ils contiennent des propositions concrètes que nos partenaires
peuvent accepter. Il faut s'attarder aussi sur la symbolique de cette action
commune franco-allemande. On peut dire que, lorsque l'entente entre l'Allemagne
et la France fonctionne, l'Europe va mieux. Il convient donc d'encourager
toutes les actions et propositions communes du couple franco-allemand - je
rejoindrai encore M. Daniel Hoeffel sur ce point - et notamment de porter un
coup d'arrêt au démantèlement des centres culturels français en Allemagne.
J'évoquerai maintenant la Tchétchénie : petit Etat, petit peuple... grand
malheur. La guerre s'y poursuit. Il s'agit bien d'une guerre menée,
aujourd'hui, au nom de la lutte contre le terrorisme. Est-ce à dire que le
terrorisme se trouve à l'origine de cette guerre ?
La population civile souffre du durcissement de la politique de la Russie :
des milliers de civils sont touchés par des actions militaires, de graves
violations des droits de l'homme sont commises. D'importantes organisations
internationales dénoncent l'existence de crimes de guerre.
La nouvelle guerre de Tchétchénie se déroule depuis 1999 dans une grande
indifférence internationale.
L'OSCE devrait pouvoir jouer un rôle dans le conflit du Caucase, avant que la
régionalisation du conflit entraîne de graves conséquences pour l'Europe :
déplacements de population, terrorisme, mafias, etc.
Peut-on envisager une commission internationale pour aborder la question de la
guerre de Tchétchénie ?
On ne peut pas parler aujourd'hui de relations internationales sans aborder la
question du blanchiment d'argent, mais le temps qui m'est imparti ne me permet
pas de développer davantage.
Je tiens à évoquer la dégradation de la situation sur le continent africain,
qui se généralise. Peut-être pourriez-vous nous indiquer quelles sont les
conséquences du voyage de M. de Villepin en Côte d'Ivoire. Le rappel de notre
ambassadeur, monsieur Vignal, fait-il partie de la relance de nos efforts
diplomatiques ? Les perspectives d'installation d'une force militaire
interafricaine qui permettrait de mettre fin à la mission de protection de
l'armée française sont-elles proches ?
Enfin, quel accueil le Gouvernement français fait-il au rapport de l'ONU sur
le pillage organisé de l'ancien Zaïre ? Quelle est notre attitude et quelles
initiatives pensez-vous prendre pour aider l'ONU dans cette tâche ? Pour
terminer, je voudrais dire que M. le ministre a bien voulu proroger la
commission temporaire de réforme, qui avait été mise en place par M. Hubert
Védrine.
Le travail des délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger s'est
acru. Nous voulons renforcer leur rôle, mais, évidemment, cela aura un coût.
La représentativité du Conseil supérieur des Français de l'étranger a été
évoquée dans le cadre de la loi de décentralisation. Le renfort du ministre des
affaires étrangères nous est indispensable, d'autant que ce dernier préside
actuellement le Conseil. Qu'en serait-il si le nouveau statut transformait ce
Conseil en établissement public ? Quel serait le souhait de M. le ministre et
quel serait le statut personnel du directeur de cet établissement public ?
Enfin, on critique ici et là le caractère réduit du Conseil supérieur des
Français de l'étranger pour élire les sénateurs représentant les Français
expatriés. Quelle proposition pourriez-vous faire étudier pour élargir ce
collège électoral, par exemple par la création d'une circonscription unique ?
Ne peut-on mieux faire entendre encore la voix de nos compatriotes expatriés en
leur accordant également la possibilité d'élire des députés ?
En conclusion, le groupe socialiste m'a chargé de vous dire que nous nous
abstiendrons sur ce budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, la discussion annuelle de ce projet de budget est
l'occasion pour moi de faire le point sur l'action sociale qui est menée à
l'égard des deux millions de Français qui vivent hors de France, dont un
certain nombre - malheureusement, ce nombre est croissant - se trouvent dans
des situations difficiles du fait de leur âge ou de leur handicap. Ce sont eux
qui, prioritairement, sont les bénéficiaires du fonds d'assistance du ministère
des affaires étrangères, créé en 1977 sous l'impulsion du Premier ministre de
l'époque, M. Raymond Barre.
En 2002, ce fonds d'assistance a connu un certain nombre d'aléas ; souhaitons
que le projet de budget pour 2003 qui nous est soumis, et qui amorce une
progression, ne connaisse pas les mêmes !
Revenons quelques instants sur l'année en cours. Le budget que nous avait
présenté votre prédécesseur, monsieur le ministre, notamment le chapitre
relatif à l'assistance aux Français de l'étranger, n'avait progressé que très
faiblement - 1,8 % - s'établissant à 17,339 millions d'euros, ce qui a conduit
la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger,
au sein de laquelle je siège et qui fixe le montant des allocations «
solidarité et handicapé » pour l'ensemble de nos postes consulaires, à
n'accorder que des augmentations limitées en nombre et en montant lors de sa
réunion du 5 mars 2002.
J'ajoute que, dans une vingtaine de postes, les taux de base ont même été
révisés à la baisse. Je ne peux que regretter une telle situation, car si,
depuis 1998, la ligne budgétaire affectée au fonds d'assistance a été
revalorisée de 18 %, dans le même temps, les dépenses ont augmenté de 27 %, ce
qui se traduit par un déficit des aides à nos compatriotes.
Dans votre intervention du 2 septembre 2002 devant le Conseil supérieur des
Français de l'étranger, le ministre des affaires étrangères, M. Dominique de
Villepin, nous avait annoncé une hausse de 500 000 euros des crédits du fonds
d'assistance dans le projet de loi de finances pour 2003. En examinant ce
dernier, j'ai pu constater que cette promesse était respectée puisque le titre
IV, chapitre 46-94, fait état d'une augmentation de 1 000 000 d'euros, dont 500
000 euros pour la ligne budgétaire consacré à « l'assistance à l'étranger ».
Je m'en réjouis, car dans le contexte budgétaire actuel, c'est la marque de
l'intérêt qui est porté aux Français vivant à l'étranger.
J'exprime le voeu, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que
cette augmentation - dont nous nous félicitons - ne constitue qu'une première
étape et que cet effort soit poursuivi dans les années à venir, afin que les
expatriés disposent enfin d'aides comparables à celles de leurs compatriotes de
métropole et que l'écart existant puisse, un jour, disparaître totalement.
Dans cette perspective, je formule un souhait particulier : il concerne les
enfants français handicapés en résidence à l'étranger. Certes, ils bénéficient
d'une allocation « enfant handicapé », mais son montant reste minime lorsqu'il
s'agit d'enfants qui souffrent d'un handicap lourd. Aussi ces derniers sont-ils
encore très nettement désavantagés par rapport aux handicapés mineurs de
métropole. Une augmentation circonstanciée, adaptée aux besoins, serait donc la
bienvenue.
Une autre ligne budgétaire du chapitre 46-94 a retenu mon attention ; je veux
parler de celle qui est consacrée à la contribution à la couverture santé des
personnes à faible revenu dans le cadre de la caisse de sécurité sociale des
Français de l'étranger. Il s'agit donc de l'aide qui est apportée par l'Etat
aux expatriés désireux d'adhérer à l'assurance maladie de la caisse de sécurité
sociale des Français de l'étranger, mais dont les revenus sont trop faibles.
Cette aide est inscrite à l'article 19 de la loi de modernisation sociale.
Conformément aux engagements de l'Etat, cette ligne budgétaire demeure stable
à 152 449 euros par an.
L'entrée en vigueur tardive, à la fin du mois d'avril 2002, des mesures
contenues dans l'article 19 de la loi de modernisation sociale et, notamment,
de celles qui sont relatives à la troisième catégorie aidée, ne nous permet pas
encore de juger de l'impact réel de cette disposition.
Néanmoins, monsieur le ministre, afin qu'un plus grand nombre de nos
compatriotes puissent en bénéficier, il est probable - comme je l'ai indiqué à
votre collègue chargé de la santé - que le conseil d'administration de la
caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger sera amené à proposer des
aménagements. Je tenais à vous en informer, car nous devons, d'une part,
poursuivre nos réflexions concernant les allocataires du fonds d'assistance -
qui ne disposent ni des minima sociaux ni de la couverture maladie universelle
qui leur est attachée - et, d'autre part, faire en sorte que tous puissent un
jour bénéficier de la couverture maladie de la caisse de sécurité sociale des
Français de l'étranger, ce qui est l'une de mes demandes constantes depuis de
nombreuses années.
Il est donc absolument nécessaire de poursuivre l'effort entrepris cette année
en renforçant les crédits d'assistance aux Français de l'étranger. Il s'agit,
bien sûr, de répondre aux demandes croissantes de nos compatriotes et de leur
assurer des allocations qui leur permettent d'avoir des conditions de vie
décentes, mais aussi d'apporter une aide plus importante à ceux des
allocataires qui ne peuvent toujours pas adhérer à la caisse de sécurité
sociale des Français de l'étranger en raison de la faiblesse de leurs
ressources, et ce malgré la création de la troisième catégorie aidée. Par
exemple, la prise en charge de leur accès à l'assurance maladie des expatriés
représente, en quelque sorte, un parallèle avec ce qui existe en métropole
s'agissant de la couverture maladie universelle pour les bénéficiaires des
minima sociaux.
Je veux dire un mot des retraites dues par les Etats africains aux expatriés
retraités, retraites pour lesquelles ces derniers ont cotisé. De nombreux
organismes africains de sécurité sociale sont défaillants, ce qui pénalise nos
compatriotes. C'est un sujet récurrent, très longuement exposé à cette tribune
par moi-même et par beaucoup de mes collègues. Nous attendons une action du
Gouvernement en la matière.
Avant de conclure, je souhaite évoquer le sujet des sociétés françaises de
bienfaisance, dont certaines reçoivent des subventions du ministère des
affaires étrangères. Celles-ci leurs permettent d'apporter une aide matérielle
aux Français expatriés les plus défavorisés et d'intervenir en complément des
allocations versées par le ministère. Elles suppléent ainsi, de plus en plus
fréquemment, l'action de nos postes consulaires, qui sont dans l'impossibilité,
nous l'avons vu, de faire face, pour l'instant, à toutes les demandes.
Ces actions nécessitent donc des subventions ciblées plus importantes. Nous
devons, là aussi, poursuivre nos efforts. Il s'agit d'apporter l'aide réelle
que nos compatriotes français de l'étranger sont en droit d'attendre de l'Etat
français, surtout pour les plus démunis qui, malheureusement, sont de plus en
plus nombreux dans le monde.
Depuis une trentaine d'années, nous nous sommes mobilisés pour mettre en place
une couverture sociale globale en faveur des Français de l'étranger : je pense
aux assurances volontaires maladie, maternité, accidents du travail de la
caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger ; je pense aux systèmes
de retraite ; je pense, enfin, au fonds d'assistance du ministère. Certes, nous
devons encore parfaire le système, mais le plus urgent me paraît être le fonds
d'assistance, qui, aujourd'hui, ne joue pas pleinement le rôle qu'il devait
avoir à l'origine auprès de nos compatriotes les plus démunis.
On peut comprendre que vous deviez prendre en compte certaines restrictions
budgétaires. Mais, franchement, est-ce une raison pour que, dès qu'un problème
de ce type se pose, on le fasse supporter aux plus désavantagés de nos
expatriés, comme cela a failli être le cas cette année ?
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne pourrons aller de
l'avant que si vous augmentez fortement le fonds d'assistance ; Alain Juppé et
Hubert Védrine, deux de vos prédécesseurs, l'avaient compris. Ce doit être
désormais notre objectif commun, comme M. de Villepin l'a indiqué devant
l'Assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger. D'autant
que vous aurez à coeur, j'imagine, de mettre en oeuvre l'engagement du
Président de la République : « la solidarité nationale s'exprime aussi - à
l'égard des Français de l'étranger - dans le domaine de la protection sociale
en abondant fortement le fonds d'action sociale au cours des cinq prochaines
années, afin de faire face à l'afflux des demandes, et en améliorant le système
d'assurance maladie de façon que le plus grand nombre de nos compatriotes n'en
soient plus exclus ».
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, et du RPR, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, nous abordons la discussion des crédits consacrés à la
coopération dans un monde empreint de violence, d'inégalités et de frustration
qui nous montre combien les politiques mondiales ont échoué.
Cependant, il ne s'agit pas d'une fatalité. Ce système, fondé sur une vision
capitalistique des relations dans laquelle le facteur économique prime sur le
facteur humain, n'est pas l'issue obligée. L'avenir et la solution sont dans
une plus juste répartition des richesses si nous voulons faire évoluer notre
planète.
Koffi Annan, secrétaire général de l'ONU, l'a lui même rappelé, lors du sommet
sur le millénaire : « le plus important, c'est que l'être humain soit au centre
de tout ce que nous faisons ».
Pourtant, le fossé entre pays riches et pays pauvres ne fait que s'agrandir :
600 millions d'enfants vivent dans le dénuement le plus total ; 1,4 milliard de
personnes n'ont pas accès à l'eau potable et 2,6 milliards de personnes vivent
sans installation d'assainissement.
La question de l'eau est un enjeu majeur de notre siècle. Pourtant, le sommet
de Doha a entrepris de l'intégrer dans la sphère marchande et, à Johannesburg,
en septembre dernier, les multinationales de l'eau étaient très présentes. Or
nous travaillons pour que l'eau soit un bien commun de l'humanité. Ce thème,
abordé lors du forum social de Florence, sera repris en novembre 2003 au forum
social de Saint-Denis.
Les chiffres relatifs à la faim dans le monde sont, eux, aussi éloquents : 24
000 personnes meurent de faim chaque jour, soit une personne toutes les quatre
secondes, alors que la planète produit suffisamment de céréales pour nourrir
l'ensemble de la population mondiale. L'augmentation de 2 millions d'euros dans
ce budget est appréciable, mais elle reste très insuffisante si la France veut
respecter les engagements qu'elle a pris lors de la convention de Londres.
L'objectif de réduire de moitié le nombre de personnes qui souffrent de la
faim sera atteint - comme l'a reconnu le directeur général de l'Organisation
des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO - avec
quarante-cinq ans de retard ! Le sommet mondial de l'alimentation, qui s'est
tenu récemment à Rome et dont l'objectif était de relancer la lutte contre la
faim, nous laisse des plus perplexes sur les réelles intentions des pays
industrialisés.
Une grande source d'inquiétude concerne le domaine de la santé. Le dernier
rapport de l'ONUSIDA recense 42 millions de personnes porteuses du virus, 5
millions de nouvelles infections et 3,1 millions de décès, dont 610 000 enfants
de moins de quinze ans. C'est une véritable pandémie dont les gouvernements du
Nord et du Sud n'ont pas pris la pleine mesure.
La vie humaine ne doit pas être l'otage des grandes firmes pharmaceutiques qui
réclament des sommes colossales. Des solutions sont envisageables, comme la
prévention, la vaccination, la baisse des prix des médicaments, la diffusion
sans restiction des génériques et, surtout, la mise en place d'une véritable
politique mondiale de diffusion des thérapies. Monsieur le ministre, monsieur
le secrétaire d'Etat, nous sommes comptables devant l'humanité. Il faut agir
vite !
En ce qui concerne le domaine de la culture et de l'éducation, dans le monde,
plus de 100 millions d'enfants ne vont pas à l'école, dont une grande majorité
de filles. Pourtant, la culture et l'éducation sont les remparts essentiels
contre l'ignorance et l'intolérance. Elles sont les portes du progrès et de la
tolérance. Albert Camus disait fort justement : « Une nation qui éduque est une
nation qui se civilise. » Nous devons permettre un accès libre aux écoles et
leur gratuité.
Je suis très heureuse d'avoir participé, avec tous les groupes politiques du
Sénat et son président, à la reconstruction des lycées franco-afghans de Kaboul
l'an dernier, en coopération avec le ministère des affaires étrangères et
France Culture.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
Mais il faut prolonger cette action en ouvrant des écoles primaires, des
facultés et des hôpitaux. La France a été et doit rester un moteur essentiel en
la matière. C'est pourquoi je déplore, dans ce projet de budget, la baisse des
crédits octroyés à la francophonie et aux relations culturelles.
Qui plus est, il est inacceptable - j'y insiste - qu'un amendement vise à
diminuer les crédits attribués à l'aide pour le développement et à la
francophonie à hauteur de 2 millions d'euros. Bien évidemment, nous voterons
contre cet amendement !
Par ailleurs, ces dernières années, les sommets pour le développement et la
coopération ont été très fréquents. Qu'il s'agisse de Monterrey, de Rome ou de
Johannesburg, un mouvement mondial s'est amorcé. Mais les participants ont
avant tout adopté des résolutions, et il convient maintenant de les appliquer.
Ils ont mis l'accent sur les désaccords existant entre les Etats-Unis, l'Europe
et les pays du Sud.
La France s'est positionnée en faveur d'une politique de développement et de
coopération plus humaniste. Nous devrons donc nous engager à l'échelle mondiale
et européenne, car certains pays, comme la Roumanie, connaissent une véritable
misère qui pousse des populations à s'expatrier massivement pour s'installer
dans de véritables bidonvilles. Habitant à Choisy-le-Roi, j'en ai vu l'exemple
douloureux.
Il convient donc au plus vite d'engager un travail approfondi de coopération
et d'aide entre la France, l'Europe et ces pays afin d'apporter des réponses
humaines et que ces hommes, ces femmes et ces enfants puissent vivre dans leur
pays. Il faut défendre les droits de l'homme. Il faut le dire, la solution
n'est pas de les expulser, mais au contraire d'aider à vivre en France ceux qui
sont là.
Il est donc nécessaire de mettre en place un véritable plan mondial contre la
pauvreté et pour le développement dans toutes ses dimensions.
Depuis plusieurs années, avec le groupe communiste républicain et citoyen,
nous demandons l'instauration d'une taxe sur les mouvements financiers. Le
Président de la République a repris cette idée récemment, il faut vite la
concrétiser !
Il convient aussi d'être plus à l'écoute de la société civile et des
collectivités locales. De nombreux conseils municipaux et généraux, à l'exemple
de Paris, de Marseille, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, poursuivent
une politique efficace en la matière. Bien que le Président de la République,
lors du sommet de Johannesburg, ait souligné la nécessité d'appuyer de telles
actions, ce projet de budget enregistre une baisse des crédits en faveur des
initiatives privées et de la coopération décentralisée. La France, en accordant
une part très faible de son aide publique au développement aux organisations
non gouvernementales et aux collectivités locales, se trouve très mal placée
par rapport aux autres pays européens.
La France, à elle seule, même si elle peut faire beaucoup, ne pourra renverser
cette logique. Il est nécessaire que les Etats-Unis prennent enfin la part qui
devrait être la leur. Malheureusement, ils viennent récemment d'annoncer la
création d'une agence indépendante pour distribuer leur aide publique au
développement suivant des critères hautement subjectifs fondés sur des concepts
de « bonne gouvernance » et de « bonne gestion économique », accordant l'aide
aux pays qui se soumettront aux injonctions du président Bush. C'est un autre
défi qui est lancé, selon moi, à l'ONU.
Pour conclure, je souhaite l'adoption d'une loi de programmation en matière de
coopération, comme en matière militaire, qui permettrait de définir le cadre
nécessaire au seuil de 0,7 % du PIB et au financement des opérations de
coopération, mais également de circonscrire des gels de crédits trop fréquents.
Le Président de la République avait évoqué une telle loi ; maintenant, il faut
s'y acheminer.
Le groupe communiste républicain et citoyen reconnaît, monsieur le ministre
délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, l'effort consenti en matière de
coopération et de développement dans ce budget, mais, avec 0,4 % du PIB, nous
sommes encore loin du compte et des 0,7 % prévus pour 2010. Il faudra y
parvenir en temps voulu et pourquoi pas, monsieur le ministre délégué, monsieur
le secrétaire d'Etat, en posant avec force cet objectif à l'ONU : y arriver
avant 2010 !
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Robert Del Picchia
M. Robert Del Picchia.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, les problèmes mondiaux viennent d'être traités et
je serai plus terre à terre.
Toutefois, avant d'aborder quelques points qui seront, vous vous en doutez,
consacrés aux Français de l'étranger, je tiens à exprimer publiquement mes
félicitations à votre ministère dans son ensemble, à vous-mêmes, monsieur le
ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, et à Dominique de Villepin.
En effet, vous avez entendu et vous entendrez encore quelques remarques
négatives, voire des plaintes, sur le fonctionnement de certains services du
ministère, ambassades ou consulats, peut-être en partie justifiées, mais là
n'est pas mon propos. En revanche, à titre personnel, j'ai envie de dire un
grand « bravo » à la politique étrangère de la France, inspirée par le
Président de la République, conduite par le ministre, suivie par vous-mêmes,
monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, et appliquée par
les fonctionnaires.
Le consensus sur les succès diplomatiques des derniers mois n'est contesté ni
à droite ni à gauche ni dans cette assemblée ni à l'Assemblée nationale. La
liste des points les plus visibles est longue : l'affaire irako-américaine, les
accords européens, la politique agricole commune, le financement de
l'élargissment ; n'oublions pas, bien sûr, la coopération en matière de défense
avec l'Allemagne, et même les progrès réalisés en Afrique.
Dominique de Villepin n'a pas ménagé son engagement, ses heures de sommeil ni
ses kilomètres de voyages, tout comme Renaud Muselier aux quatre coins du
monde, Pierre-André Wiltzer en Afrique et ailleurs, et Noëlle Lenoir dans les
marathons européens.
L'image de la France et son retentissement à l'étranger en sont sortis
grandis, ce dont nous vous remercions.
Permettez-moi de me féliciter particulièrement de la prise en compte de la
sécurité des Français de l'étranger en tête des priorités, comme l'a rappelé
Dominique de Villepin, dans ce monde incertain où plus rien n'est prévisible et
où l'imprévisible est trop souvent catastrophique.
Je partage en outre les interrogations du président de la commission des
affaires étrangères, André Dulait, en particulier sur l'Europe de la défense,
la coopération renforcée avec l'Allemagne et les autres pays européens, et je
m'associe aux propos de M. Hoeffel sur le couple franco-allemand et sur le
Conseil de l'Europe.
Mais venons-en, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, à
l'avenir des Français de l'étranger. J'exprimerai tout d'abord ma satisfaction
sur l'avancée consacrée par le projet de loi constitutionnelle relatif à
l'organisation décentralisée de la République : je veux parler de la
reconnaissance dans la Constitution des « instances représentatives des
Français de l'étranger ».
Jusqu'à présent, il ne figurait qu'une seule référence aux Français de
l'étranger dans la Constitution, à l'article 24 : « Les Français établis hors
de France sont représentés au Sénat. »
Grâce aux efforts conjoints de votre ministère et des ministères de la justice
et des libertés locales, l'article 39 de la Constitution devrait, dès
l'adoption définitive du projet de loi constitutionnelle, consacrer le principe
de l'existence de « projets de loi relatifs aux instances représentatives des
Français de l'étranger ».
Ce pas important en faveur des expatriés et de leurs représentants au Conseil
supérieur des Français de l'étranger, le CSFE et au Sénat démontre l'ambition
du Gouvernement en faveur d'une vraie réforme du CSFE.
La commission de la réforme, son président, Guy Penne, et l'ensemble des
délégués souhaitent que le CSFE devienne l'« assemblée des Français de
l'étranger », l'AFE.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de décentralisation, le garde des
sceaux a annoncé au Sénat le dépôt d'un projet de loi organique qui devrait
être soumis au Parlement au printemps 2003.
Serait-il raisonnable, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire
d'Etat, d'envisager de faire de l'assemblée des Français de l'étranger un
établissement public placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères
et, bien entendu, aux prérogatives partagées ? et établissement public pourrait
avoir des compétences qui seraient déterminées en accord avec le ministère.
Par ailleurs, il est de notoriété publique, comme nous l'avons entendu à cette
tribune, que l'agence pour l'enseignement français à l'étranger rencontre des
difficultés financières. On connaît l'augmentation du budget et on sait qu'il
est demandé un plan d'économies de 6,4 millions d'euros qui ne pourraient être
réalisées que sur le budget de fonctionnement. Des économies trop lourdes
risquent d'induire de graves conséquences pour les établissements, telles que
des déconventionnements, des taxations sur les fonds de roulement, des
restrictions dans les subventions aux établissements, au prix, dans certains
cas, de la sécurité des élèves et des personnels.
De surcroît, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat,
l'Agence et l'image de la France à l'étranger n'en sortiraient pas indemnes.
Ces mesures seraient perçues comme un désengagement et bloqueraient la
confiance alors même que l'on resterait loin de l'objectif d'économies fixé.
Le ministre des affaires étrangères, bien conscient de ce problème, a déjà
indiqué que ce plan d'économies pourrait être étalé sur plusieurs années.
Pour remédier aux difficultés budgétaires de l'Agence, l'une des pistes
pourrait être la prise en charge partielle ou totale des bourses scolaires par
le ministère de l'éducation nationale. Il faut savoir que l'extension de notre
réseau et le maintien à son niveau de qualité ont conduit la plupart des
établissements à augmenter régulièrement les frais de scolarité. Il est
peut-être bon de rappeler à cette tribune, pour ceux de nos collègues qui ne le
savent pas ou qui l'ont oublié, que l'école publique française à l'étranger est
privée, payante et parfois chère.
Dans le passé, la gestion des bourses scolaires à l'étranger était assurée par
le ministère de l'éducation nationale. Elle a été transmise à l'AEFE en 1990,
au moment de sa création. Pourquoi n'envisagerions-nous pas un transfert de
charges pour payer une partie des bourses qui viendrait en déduction du budget
?
Si l'enseignement est un sujet de préoccupation majeur pour les Français de
l'étranger, il en est un autre qu'il ne faut pas négliger afin de préserver le
lien qui les unit à la France : la chaîne d'information. Nous savons que le
projet de budget pour 2003 n'y pourvoira pas, mais nous pouvons y réfléchir
pour l'avenir. L'une des solutions consisterait à reprendre la chaîne
européenne d'information Euronews, en augmentant tout simplement la
participation de la France qui est, à l'heure actuelle, de 38 %, afin d'obtenir
la majorité et de faire de la chaîne européenne une chaîne d'information
française.
Je voudrais conclure, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétariat
d'Etat, en abordant, après Jean-Pierre Cantegrit, le problème des retraites. Je
tiens à remercier particulièrement votre ministère, puisque l'on vient
d'apprendre que l'OPS, l'organisme en charge du paiement des retraites à
Djibouti, avait enfin repris le paiement des pensions de nos compatriotes qui,
après avoir cotisé parfois toute une vie, ne percevaient plus leur retraite
depuis des années.
C'est une très bonne nouvelle. Néanmoins, de nombreux pays africains ne le
font pas encore, aussi espérons-nous que vous obtiendrez le même succès dans le
déblocage de ces pensions impayées.
Telles sont, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques
réflexions complémentaires que je souhaitais apporter à ce débat. C'est avec
plaisir et enthousiasme, comme le disait Hubert Durand-Chastel, que je voterai
ce budget, et c'est avec grand intérêt que j'écouterai vos réponses qui, j'en
suis sûr, seront tout aussi pertinentes que les questions qui vous ont été
posées par nos collègues.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, par tradition, la France a une diplomatie forte et
originale, une indépendance politique et une force de proposition unique. Elle
est un acteur essentiel dans le débat international, tant au sein des Nations
unies que par son action propre, dont la qualité est reconnue ; son rôle dans
la crise irakienne en est un exemple éloquent.
Pour avoir les moyens de son ambition, notre pays doit disposer d'un outil
diplomatique performant. La hausse du budget des affaires étrangères est un
élément déterminant. En effet, ce budget a des incidences majeures non
seulement politiques mais aussi économiques. Nous devons lui donner toute son
efficacité en améliorant le fonctionnement du ministère et en ciblant notre
action.
Pour ce qui est des réformes au niveau interministériel, des efforts pour
rationaliser les actions extérieures de la France sont à saluer, qu'il s'agisse
de la réforme comptable de 1997, de la fusion, en 1998, des ministères des
affaires étrangères et de la coopération, ou de l'expérimentation des sept
postes mixtes à vocation consulaire et commerciale.
Notre pays peut sans doute s'enorgueillir de disposer du deuxième réseau
diplomatique et consulaire au monde, grâce à ses cent soixante-neuf ambassades
et représentations permanentes. Mais ce réseau n'est pas pleinement adapté aux
changements stratégiques mondiaux. La France doit être plus présente là où
s'inscrit l'avenir, et non là où sa présence n'est qu'un héritage de
l'histoire.
Pour ce qui concerne l'Union européenne, la recherche d'efficacité d'un
redéploiement de nos effectifs diplomatiques et consulaires nous conduit à
considérer l'ampleur de notre présence. Les vingt-quatre consulats français
dans les pays de l'Union européenne emploient près de cinq cents personnes,
soit le quart des effectifs diplomatiques et consulaires totaux, et coûtent
près de 21 millions d'euros, ce qui représente 5 % des dépenses. Si l'Union
européenne est une réalité, la suppression des consultats dans les pays de
l'Union et l'exercice de leurs fonctions par les autorités locales en seraient
la conséquence logique. Cette solution serait économique, et symboliquement
très forte ; elle ferait de nos ressortissants des citoyens européens à part
entière.
Nos ambassades en Allemagne, en Espagne, en Italie au Royaume-Uni emploient
aussi près de cinq cents personnes. Sont-elles, aujourd'hui encore, toutes
indispensables ?
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Non !
M. Aymeri de Montesquiou.
Je vous remercie de cette réponse, monsieur le rapporteur spécial.
Il existe un hiatus considérable entre la « demande de France » émanant des
régions stratégiques pour les équilibres et économiques mondiaux et notre
réactivité à celle-ci. Notre récente action en faveur de la paix a souligné
combien cette demande était forte.
Pour illustrer cette affirmation, je choisirai la zone de la mer Caspienne,
qui représente 20 % des réserves mondiales de pétrole et qui a été plus
particulièrement sensible à l'action diplomatique de la France pour éviter la
guerre en Irak.
Dans cette zone se trouve l'Iran, qui joue un rôle clé pour le Moyen-Orient et
qui représente un marché de 65 millions d'habitants. Soyons-y plus présents,
avant que les Américains n'y reprennent pied.
Cette zone comprend aussi l'Asie centrale, où nous ne sommes guère présents,
et le Kazakhstan, en particulier, qui ne veut pas devenir un protectorat
américain et qui produira 150 millions de tonnes de pétrole dans dix ans.
J'ajouterai à cette liste l'Afghanistan, petit marché, mais aussi lieu de
confrontation entre diverses interprétations de l'Islam. Notre pays, reconnu
comme respectueux de toutes les religions, peut y trouver l'occasion
d'apparaître comme le pays occidental le plus à même d'être l'interlocuteur
privilégié du monde musulman.
Dans un autre contexte, nous ne pouvons bien sûr abandonner l'Afrique, même si
sa situation est parfois décourageante. Cependant, notre capacité financière ne
nous permet pas d'agir sans partenaires : la Libye assagie ou le Canada
francophone, monsieur le ministre délégué, pourrait être l'un de ceux-ci.
Notre action récente aux Nations unies a montré que nous refusions la loi du
plus fort, acceptée sans doute au xixe siècle, mais qui ne doit plus avoir
cours aujourd'hui. Dans le droit fil de cette politique, une action constante
en faveur de l'application de toutes les résolutions des Nations unies
accroîtrait notre capital de sympathie auprès des pays qui refusent tout
hégémonisme.
Avant de conclure, je voudrais insister, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, sur la faiblesse de notre action en faveur des étudiants
étrangers. Nous en accueillons, c'est un exemple parmi d'autres, 50 % de moins
que la Grande-Bretagne. C'est un point très faible de notre organisation
interministérielle, car ces étudiants constituent des relais politiques et
économiques essentiels pour le futur.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous comptons sur votre
énergie pour que notre diplomatie demeure l'un de nos atouts majeurs pour
diffuser nos valeurs humanistes et universelles. Nous comptons sur vous pour
mener une diplomatie audacieuse, courageuse et visionnaire, en développant nos
relations avec des pays qui seront, dans un avenir proche, sur le devant de la
scène internationale, et en donnant toute son importance à l'Organisation des
Nations unies.
Les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen
voteront les crédits destinés à votre ministère.
(Applaudissements sur les
travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge.
Je voudrais attirer d'emblée l'attention de M. le ministre et de M. le
secrétaire d'Etat sur un point : en votant les crédits de l'Agence française de
développement, que je connais bien puisque j'ai siégé plusieurs années au sein
de son conseil de surveillance, avec certains de mes collègues ici présents,
nous lui accorderons 137 millions d'euros de crédits de paiement. Or il faut
savoir que quelque 160 millions d'euros ont déjà été engagés ; par conséquent,
l'Agence française de développement va se trouver, à la suite de notre vote, en
cessation de paiements. Nous avions déjà connu cette situation l'an dernier,
car l'Agence avait alors subi un gel de 20 % de ses crédits, que M. Charasse a
qualifié tout à l'heure de « mal nécessaire ».
Pour ma part, je pense, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
qu'en ce qui concerne les interventions de la France à l'étranger, notamment
dans le cadre des rapports étroits que nous entretenons avec des pays du
tiers-monde en matière d'opérations de développement, il conviendrait de ne pas
procéder à une régulation budgétaire. Sinon, nous nous plaçons dans une
situation d'échec, ce qui est quand même grave. Je comprends que l'on pratique
la régulation budgétaire, c'est parfois nécessaire, mais il est des domaines où
il vaut mieux éviter de le faire : c'est une vieille histoire !
En tout cas, j'insiste sur le fait que, après le gel de 20 % des crédits en
2002, nous allons voter 137 millions d'euros de crédits de paiement, alors que
les engagements atteignent d'ores et déjà 160 millions d'euros. Comment
fera-t-on face à cette situation, techniquement et politiquement ? C'est un
point qui m'inquiète beaucoup.
J'ajouterai, à propos de l'Agence française de développement, que celle-ci a
consenti des prêts à des pays qui vont bénéficier de suspensions de dettes.
L'Agence a donc besoin d'une garantie de l'Etat, laquelle s'élèverait, d'après
mes informations, à 1,1 milliard d'euros, ce qui est nettement insuffisant. Là
aussi, comment s'y prendra-t-on pour résoudre l'équation ? Soit on donne des
chiffres, qui devront être exacts parce que l'on établit des budgets sincères,
soit on se contente d'affirmer que la garantie sera apportée, sans autres
précisions, mais on ne peut laisser l'Agence dans l'incertitude. Cela dit,
l'annulation de la dette est évidemment une excellente chose.
Par ailleurs, M. Charasse a évoqué à juste titre le Fonds européen de
développement, le FED. J'avais rédigé un rapport sur celui-ci voilà environ
deux ans et il est vrai que la consommation des crédits n'est pas
satisfaisante. Les raisons en sont multiples. Pour ma part, je crois qu'il faut
revenir sur cette question de la non-consommation des crédits du FED et en
débattre à l'échelon européen.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement.
C'est
sûr !
M. Yves Dauge.
M. Charasse propose de reprendre les crédits qui n'auront pas été consommés.
Ce serait la solution idéale, évidemment, mais j'ignore si elle est applicable.
L'année dernière, M. Charasse avait proposé une autre solution, consistant à ne
pas attribuer les crédits et à attendre la suite des événements. En tout état
de cause, il s'agit d'un vrai sujet, la France étant le premier contributeur au
FED, à hauteur de 25 % des crédits. Comment peut-on aider l'Europe à dépenser
cet argent ?
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est bien le problème !
M. Yves Dauge.
On ne peut, à mon avis, se contenter de reprendre les crédits qui n'auront pas
été utilisés. La France doit aider l'Europe à être efficace, et il n'est pas
mauvais, en soi, que notre pays contribue à hauteur de 25 % au budget du Fonds
européen de développement, à condition qu'il puisse, au travers de cette
contribution, mener une vraie politique de développement. Cependant, la
réflexion doit être conduite à l'échelon européen.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Bien sûr !
M. Yves Dauge.
J'ai assisté à des réunions, en particulier à Londres, où l'on débattait des
moyens de mieux dépenser, mais la discussion n'a pas abouti. Reprenons-la et
faisons progresser l'Europe sur ce sujet, qui est quand même un beau sujet. En
soi, il n'est pas mauvais, je le répète, que la France alimente le FED à
hauteur de 25 %.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Nous ne disons pas le contraire !
M. Yves Dauge.
Cela étant, la France doit obtenir, par le biais de cette contribution, que
l'Europe conduise une politique de développement pour le tiers monde qui soit
reconnue comme exemplaire. M. Charasse a soulevé une vraie question : le
fonctionnement du FED n'est pas satisfaisant, il faut l'améliorer, mais quoi
qu'il en soit on ne peut en rester là.
S'agissant toujours du développement, que le Gouvernement essaie de
revaloriser, l'aide publique au développement est une bonne chose, je le
reconnais. Cependant, que prendra-t-on en compte dans le calcul ? Quel sera
l'effet de l'annulation de la dette ? Des prévisions ont été faites, nous
verrons bien ce qu'il en sera, mais je souhaite pour ma part que le
Gouvernement réussisse à accroître l'aide au développement. De ce point de vue,
nous avons connu, dans le passé, des années vraiment mauvaises, et il faut
rectifier le tir.
J'évoquerai maintenant le réseau des centres culturels français à l'étranger,
sujet sur lequel j'ai eu l'occasion de travailler. Je suis toujours en relation
étroite avec de nombreux directeurs de centre, et je puis vous dire, monsieur
le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que la régulation budgétaire a été
très durement ressentie.
Ainsi, beaucoup de centres se sont vus privés, dans les derniers mois de
l'année, de crédits d'intervention : on continue à rémunérer les fonctionnaires
ou les salariés, mais on n'a plus les moyens de mener aucune action,
d'organiser une exposition, de travailler en partenariat ou de monter un
projet. On ne peut plus rien faire !
Je n'accuse pas le ministère des affaires étrangères d'être responsable de
cette situation, car il est victime d'une politique budgétaire aveugle. Tout
cela n'a aucun sens : on laisse subsister une structure privée de moyens
d'action, donc de vie. Tous les directeurs de centre culturel que je connais se
désespèrent de cet état de choses. Certains d'entre eux, qui sont des personnes
remarquables, ont décidé de renoncer à leurs fonctions pour regagner leur
ministère d'origine, parce qu'ils n'acceptaient plus de travailler dans de
telles conditions.
En ce qui me concerne, j'avais tenté d'estimer les besoins, que j'avais
évalués à 500 millions d'euros supplémentaires sur cinq ans. L'an dernier, les
crédits avaient été augmentés de 20 millions d'euros - c'était un petit pas
dans la bonne direction -, mais, cette année, ils sont stables. Cela pourrait
être pis, mais les responsables de centres culturels s'inquiètent fortement de
la régulation budgétaire à venir. En fait, si ce projet de budget s'inscrit
plutôt dans une tendance au redressement et comporte des éléments positifs,
tout le monde redoute un « matraquage » par le biais d'une régulation
budgétaire analogue à celle qu'a subie le budget du ministère de la culture :
voilà quelques jours, nous avions vraiment de la peine pour M. Aillagon ! On
craint cette régulation sauvage qui vient détruire toutes les politiques,
surtout dans des domaines fragiles comme celui de la culture. Personnellement,
je plaide pour notre réseau de centres culturels, qui est magnifique et animé
par des gens remarquables, présents de longue date sur le terrain.
Je me ferai en outre l'écho de propos tenus par certains collègues sur le
nécessaire réaménagement géographique du réseau, mais il ne s'agit pas de
donner au ministère chargé du budget des armes pour réduire celui-ci ! En
effet, dès que l'on veut procéder à une réorganisation, l'administration du
budget en profite pour diminuer les crédits...
Il faut revoir l'implantation géographique des centres. Je me suis rendu en
Allemagne, pays important, souvent évoqué, où j'ai rencontré l'ambassadeur et
le conseiller culturel et étudié les problèmes de très près. A quoi sert un
réseau culturel français en Europe, alors que l'on construit l'Europe, dont la
dimension culturelle est considérable ? Qui décide dans notre pays ? J'ai eu
l'impression que, finalement, personne ne pouvait rien faire ! Des gens à
Berlin, prenaient des décisions, mais aucune directive politique claire n'était
donnée ! On a laissé des personnes qui se croient investies d'une mission
supérieure réorganiser le réseau culturel français.
Il s'agit pourtant d'une affaire d'importance ! L'histoire des relations entre
la France et l'Allemagne est riche, notamment sur le plan culturel. Mais qui
s'occupe de quoi ? Qui décide de supprimer des postes ici, d'implanter un
centre là et selon quels critères ? J'ai alerté les pouvoirs publics sur cette
situation, mais on m'a répondu qu'il est difficile d'intervenir et que les
ambassadeurs font ce qu'ils veulent... Je trouve cela vraiment choquant ! Les
ambassadeurs ont de grandes qualités, mais ils sont tout de même au service
d'une politique. Je demande à nouveau qui décide quoi en Allemagne. Il est
possible que le réseau culturel français dans ce pays doive être amélioré ou
recalibré, mais cela doit être défini en fonction d'une véritable politique.
C'est essentiel, et je pourrais tenir le même discours à propos de tous les
pays européens.
Cela m'amène d'ailleurs à souligner que ce travail doit être accompli en
Amérique latine, en Asie du Sud-Est, en Afrique : chaque continent, chaque pays
doit faire l'objet d'une politique spécifique. Il faut faire du « sur mesure »,
car le système actuel fonctionne à l'aveugle, sous la menace des suppressions
de crédits. Les personnels présents sur le terrain font ce qu'ils peuvent, et
l'administration subit des contraintes trop fortes et, peut-être, une
organisation insuffisamment adaptée.
Pour ma part, j'ai plaidé pour la création d'agences, parce qu'une souplesse
de gestion me semble nécessaire, mais, en tout état de cause, je vous alerte,
monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation qui
prévaut aujourd'hui. Il s'agit d'une question essentielle. Les personnels sont
de qualité, certains moyens existent, mais la suppression, chaque année, de
crédits de fonctionnement rend impossible toute action sérieuse. Nous nous
trouvons, toutes tendances confondues, devant une contradiction fondamentale
avec ce que nous voulons pour la France et pour le rayonnement de la France
dans le monde. On ne peut continuer ainsi !
J'insiste enfin sur le fait que trop de salariés embauchés localement sont
traités d'une manière inconcevable. Ils sont sous-payés, travaillent sous
contrats précaires, alors que - pardonnez-moi de le dire, mes chers collègues,
les expatriés sont sur payés !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ah ! Ah !
M. François Trucy.
Ils vont être contents de l'apprendre !
M. Yves Dauge.
C'est le constat que j'ai fait ! Trop, c'est trop !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
M. Dauge est courageux !
M. Yves Dauge.
D'ailleurs, certains fonctionnaires m'ont dit eux-mêmes qu'ils étaient trop
payés
(Sourires),
qu'il était inadmissible de recevoir autant d'argent alors
que les autochtones étaient aussi mal traités. Les écarts sont trop importants
! Je voulais insister sur cette question, même si je sais qu'elle n'est pas
facile à aborder.
En conclusion, je nourris néanmoins beaucoup d'espoir pour le réseau culturel
français à l'étranger, et je pense que le ministère des affaires étrangères
partage ce grand espoir.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe
CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, depuis un certain temps déjà, je formais à plus d'un titre
le projet de solliciter un bref entretien avec le nouveau ministre de la
coopération et de la francophonie pour lui exposer un sujet qui me tient à
coeur et qui concerne le vaste secteur de la francophonie - je prends en
quelque sorte ici ce soir le relais de notre excellent collègue M. Dauge.
Cependant, des événements récents ont transformé ce qui n'était qu'un souhait
en un impératif.
J'ai la modeste ambition de vous faire partager le témoignage et les remarques
d'un élu local et européen - puisque je suis membre du Conseil de l'Europe -,
président d'une association qui vient de diffuser 1 600 tonnes de livres, ce
qui représente huit millions de volumes, dans 114 pays dans le monde.
Certes, les vicissitudes de leurs missions procurent à toutes les associations
des satisfactions en même temps qu'elles leur imposent des contraintes. Mais
que d'attentes s'expriment de la part de nos amis étrangers, ne serait-ce que
du simple fait que, pour eux, tout est gratuit ! C'est sur les associations que
pèsent les frais considérables de stockage et d'acheminement des documents,
même si ceux-ci leur sont fournis gracieusement.
Je vous citerai un exemple. Le ministre de l'économie et des finances a fait
collecter l'année dernière 150 000 livres dans ses services. C'est moi qui les
ai reçus, mais personne ne m'a donné d'argent pour les acheminer à l'autre bout
du monde. On évoquait tout à l'heure les relations privilégiées de la France et
la dimension culturelle de notre pays : je veux indiquer là un moyen simple
d'action. Il ne faut pas partir de grandes considérations, il faut simplement
vivre au quotidien, et c'est ce que je tente d'illustrer.
Ce sont, tout simplement, les ambassades dans le monde, les Alliances
françaises, qui sont démunies de moyens, que mon association essaie d'aider,
monsieur le ministre. Alors, quand on parle de régulation, quand on parle de
diminution de crédits, soit ! Mais priver une association comme celle que je
préside de 150 000 francs, c'est la contraindre à mettre la clé sous la porte,
à licencier le personnel et à se dissoudre. Voilà un exemple précis de la
coopération vue par la France !
Je n'ai aucun pouvoir, je ne suis qu'un bénévole. Le conseil d'administration
de mon association est constitué d'anciens ambassadeurs qui ont gardé la fibre
de la francophonie ; on compte parmi ses membres des universitaires, des
éditeurs, des transporteurs... Tous ont décidé de dissoudre l'association le
1er janvier prochain. Cela ne relève ni de votre responsabilité, monsieur le
ministre, ni de celle du contrôleur financier. Alors qui est responsable ?
La francophonie illustre si parfaitement ce que l'on appelait jadis le « mal
français » qu'elle constitue un cas d'école de cette pathologie. Vous héritez,
monsieur le ministre, d'une administration morcelée, d'une communication et
d'une harmonisation difficiles à cerner, de l'incapacité à assurer le suivi des
actions engagées. Des dizaines de colloques et de rencontres sont organisés,
certes ; des rapports sont rédigés, qui plus est avec intelligence, sans doute
; mais le tout sombre le plus souvent dans un oubli profond.
Cette longue énumération, j'imagine, ne vous apprend rien, et nous sommes déjà
convaincus que votre désir est très grand de remédier à de telles situations.
Assurément, nous pouvons vous en féliciter et vous faire confiance. La balle,
si je puis dire, est maintenant dans votre camp !
Le cadre administratif de la francophonie se caractérise par l'éclatement des
services entre les ministères de la culture et de la communication, des
affaires étrangères, de l'économie et des finances. Il aurait dû être unifié
par la création d'une délégation générale à la langue française chargée de
coordonner les différentes actions des ministères concernés. Or, de
coordination, il y en a peu, je le sais ; en revanche, la réglementation - et
ce n'est pas toujours le plus utile ! - prolifère, tout comme les budgets et
certains coûts de fonctionnement.
Les actions se multiplient ; chaque institution, ignorant l'autre, organise
son colloque, diffuse son rapport, apporte sa pierre - je devrais dire son
grain ! - à l'édifice, bientôt chancelant, si l'on n'y prend garde, de la
francophonie.
C'est dans ce contexte que l'on voit actuellement telle ou telle direction
chargée de la francophonie animée du désir de réformer le secteur associatif
sans avoir pris auparavant la précaution de se réformer elle-même.
Comment imaginer, comment proposer la réorganisation d'un secteur, véritable
mosaïque, qui, étant associatif, est par définition totalement libre et protégé
par la Constitution ? Comment rendre un secteur efficace alors que souvent il
ne fait que renvoyer l'image de certains de ses organes de tutelle ? Comment
aider la francophonie sans décourager les bonnes intentions et les bénévoles,
qui, parce qu'ils ne coûtent rien, sont si actifs ? Comment rendre son
efficacité à un secteur où la réglementation prend le pas sur la protection et
sur le soutien effectif de la langue ?
Comme jadis Martin Luther King, je me suis pris à rêver d'une francophonie
regroupée en un seul lieu, sous l'égide d'une direction unique, donc cohérente,
couvrant des sous-directions spécialisées et coordonnant leurs efforts dans le
respect de l'altérité.
Monsieur le ministre, ne croyez-vous pas qu'il est plus que temps de réagir,
face au désastre annoncé qui se dessine sous nos yeux ? Une chose est de ne pas
gagner d'influence, de ne pas gagner de populations à la francophonie ; une
autre chose est de perdre du terrain par négligence et par autosatisfaction
!
Un exemple, parmi tant d'autres, m'a été rapporté par l'ambassadeur de Géorgie
en France. Je vous le relate, parce que j'aime bien le concret. En 1996,
l'université de Tbilissi, en Géorgie, a mis en place deux chaires de langues
étrangères : l'une pour la langue allemande, l'autre pour le français. Les
étudiants apprennent l'allemand, mais le professeur de français, réclamé à tous
les niveaux et par tous les services, n'a toujours pas été nommé, ce qui a
provoqué successivement l'interrogation, la surprise et, enfin, quatre ans
après la demande initiale, la défiance de nos interlocuteurs.
La France qui ne répond pas à ces demandes simples est une France qui perd et
qui, à terme, se discrédite.
Sans vouloir pratiquer la politique du « y-a-qu'à », je m'interroge : ne
pourrait-on faire oeuvre utile dans ce secteur en rationalisant quelque peu son
organisation ? Il n'est pas question de bousculer les ordres établis, certes,
ni de faire de révolution, qui plus est au sein de plusieurs administrations à
la fois. Ne pourrait-on cependant regrouper certains services, notamment les
services de documentation ? Chaque direction ou organe dispose d'un service de
documentation, que ce soit la délégation générale de la langue française, le
Haut Conseil de la francophonie ou d'autres encore !
Monsieur le ministre, pour retrouver la place qui était la nôtre dans le
concert des nations, il nous faut une vraie politique de la francophonie. Nous
ne doutons pas que vous allez vous employer à la rétablir. Les moyens
nécessaires à cette tâche ne sont pas seulement financiers : il s'agit de faire
montre de volonté et de cohérence, et de suivre nos actions.
Bref, il est urgent de réorganiser le grand secteur de la francophonie, qui
certes porte l'image de la France et de sa culture, mais qui constitue aussi
l'« avant-pont » de relations économiques privilégiées. Vous ferez ainsi, sans
aucun doute, monsieur le ministre, des économies financières, mais surtout,
vous mettrez un peu de bon sens et d'efficacité dans un secteur qui en manque
mais qui, fort de ses bénévoles et de leur amour de la France, est à mon sens
déterminant pour assurer le rayonnement de notre pays, conformément aux voeux
exprimés par le Président de la République, notamment lors du dernier sommet de
Beyrouth.
Dans cette perspective, je vous apporte mon soutien total et sans équivoque,
monsieur le ministre, afin que vous puissiez remplir votre difficile, mais ô
combien importante mission !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Guy Penne.
La conclusion n'était pas cohérente avec les arguments exposés !
M. le président.
La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, la politique étrangère la plus efficace - l'histoire le
montre - est celle qui tend à assurer une ligne politique indépendante, claire
et déterminée.
Comment renforcer notre sphère d'influence et notre capacité de nous faire
entendre ? Comment faire respecter les décisions de l'ONU partout dans le monde
? Bref, comment donner à la France la place qui est la sienne parmi les nations
les plus développées ? Tels sont les défis que le projet de budget pour 2003
tente de relever ; telle est, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, la volonté du Gouvernement. Je vous en donne volontiers acte.
Notre outil diplomatique, cela a été souligné à plusieurs reprises, a
impérativement besoin d'être rénové après avoir connu plusieurs années de
déclin. En augmentant de 13,4 % les moyens d'intervention internationale de la
France, le Gouvernement remet à niveau le deuxième réseau diplomatique du
monde. Il est important, puisqu'il comporte 152 ambassades, 105 postes
consulaires et 21 représentations. Soyons clairs : la politique étrangère,
c'est la voix de la France, et c'est à l'Etat et à lui seul qu'il revient de
remplir cette mission fondamentale.
Cela étant, si ce projet de budget est en forte augmentation, certains postes
ne méritent pas la rigueur qui leur est imposée.
Ainsi, monsieur le ministre, je suis perplexe lorsque je constate une nouvelle
baisse des effectifs du personnel, mais surtout une baisse des crédits affectés
à l'enseignement français à l'étranger, ...
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
M. André Vallet.
... aux établissements culturels, aux opérateurs de l'action audiovisuelle et
à la coopération militaire.
La France a en Méditerranée, au Proche-Orient et en Afrique des intérêts
d'ordre économique, culturel, politique et stratégique auxquels sa vision du
monde est conforme. Cela dérange parfois les puissants, mais suscite souvent
une attente forte de la part de très nombreux peuples.
Ainsi, le continent africain, plus particulièrement l'Afrique francophone,
traverse l'une des crises politiques et militaires les plus graves de son
histoire. Du Maghreb à l'Afrique centrale, où la guerre fait rage, les
gouvernements et les élites ne cessent de faire appel à notre pays. Ne laissons
pas les autres nations, surtout les nations anglo-saxonnes, s'attribuer un
droit de regard exclusif là où se porte traditionnellement et historiquement
notre attention.
Dans le domaine de la sécurité militaire ou privée, par exemple la France
possède un savoir-faire et une éthique propres qui s'opposent la plupart du
temps aux conceptions anglo-saxonnes,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Et scandinaves ! Ces mormons de l'Europe du Nord !
Ces moralisateurs !
M. André Vallet.
... aussi bien par leur déontologie que par leur efficacité.
Depuis la décolonisation, le pré carré africain s'est construit sur des
accords et une confiance réciproques. Au vu des événements tragiques qui
frappent nos pays, et plus encore depuis le 11 septembre 2001, il serait
navrant de persévérer et de continuer à le disloquer. Le dernier attentat au
Kenya et la situation en Côte d'Ivoire, où les rebelles pourraient avoir été
formés et entraînés par l'Arabie saoudite
via
le Burkina Faso, montrent
que, face à l'internationalisation de nouvelles formes de terrorisme, il est
indispensable de resserrer nos liens avec l'ensemble des pays francophones : il
y va de la sécurité de tous.
Enfin, j'aimerais m'attarder un instant sur la situation au Moyen-Orient, tout
particulièrement en Irak. Lorsque la France est déterminée et cohérente dans
ses positions et dans son langage, elle peut tenir son rang de grande puissance
et faire échec à des pays dont les intérêts ne sont pas obligatoirement les
siens.
La représentation nationale - unanime, je l'espère - ne peut qu'approuver,
monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, l'action diplomatique qu'a
déployée la France au cours de ces derniers mois.
C'est dans cette partie du monde que va se jouer la paix de l'humanité dans
les années à venir. Or les causes de déstabilisation sont nombreuses :
croissance démographique explosive, montée de l'islamisme, crise du pétrole...
Il faut donc soutenir les forces démocratiques de l'Irak, surtout quand elles
demeurent fidèles à l'esprit de laïcité et de modernité.
Nul n'ignore que des problèmes plus difficiles encore devront être résolus
pour assurer la paix du monde au cours des prochaines années et pour garantir
aux générations montantes le développement des richesses matérielles et
spirituelles auxquelles elles peuvent légitimement prétendre. La défense de la
morale internationale demeure l'arme la plus efficace dans ce monde où
l'information peut agir puissamment sur l'opinion des peuples.
C'est cette morale que votre budget, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, propose de soutenir. M. de Montesquiou le disait il y a un
instant : la majorité du groupe du RDSE est tout à fait en accord avec vous et
vous apporte son total soutien.
(Applaudissements sur les travées du RDSE de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu.
Monsieur le président, cher collègue Daniel Hoeffel, vous avez tout à l'heure
consacré une grande partie de votre propos au Conseil de l'Europe, ce qui est
assez nouveau. Comme vous, nous sommes assez nombreux ici à y siéger. J'ai
également choisi de l'évoquer : il n'est pas connu, alors, autant en parler
quand l'occasion nous en est offerte !
Il s'agit d'une institution qui nous donne la possibilité de bien connaître
les nombreux pays qui en sont membres. En effet, il compte quarante-quatre pays
membres, bientôt quarante-cinq avec la République fédérale de Yougoslavie.
Dans le monde d'aujourd'hui, dont vous avez tous parlé, j'identifie trois
menaces.
La première, bien sûr, c'est le terrorisme et toutes les formes de
criminalité.
La deuxième, c'est le risque américain, incarné à la fois par le président
Bush
(M. Jean-Marie Poirier fait un signe dubitatif)
et par la puissance
militaire des Américains, face à laquelle l'Europe divisée est faible ; étant
faible militairement, elle est peu considérée, et elle est humiliée. Quand on
va aux Etats-Unis, on en revient choqué. J'y étais encore la semaine dernière,
et j'avoue que j'ai du mal à m'en remettre.
C'est vrai, la politique de la France, ces derniers mois, ces dernières
semaines, a été bien menée. Il est également vrai, hélas ! que l'on ressent à
l'ONU une forte résignation du conseil de sécurité. Nous n'échapperons pas à
cette guerre, et je crains que, malgré tous nos efforts, nous n'y soyons
entraînés. Je suppose que les engagements financiers suivront, que des
prévisions sont déjà établies. Peut-être, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, nous ferez-vous part de votre sentiment.
La troisième menace est celle que nous percevons le plus nettement quand on
vit en Europe : la montée des différentes formes de nationalisme, tous ces
particularismes ethniques, identitaires, autonomistes, qui ont pour support
l'espace qu'est la région.
Permettez-moi de dire que le débat que nous avons eu au Sénat sur la
régionalisation, au cours duquel nous avons vu s'ouvrir dans un pays comme le
nôtre, la France, ce type d'espace, suscite un certain nombre d'inquiétudes. En
effet, dans toutes les régions de tous les pays de l'espace européen, que ce
soit dans les Balkans, dans le Caucase, en Espagne, en Catalogne ou, tout près
des Hautes-Pyrénées, dont je suis l'élue, au Pays basque, se développe ce que
l'on craint, c'est-à-dire ces particularismes qui peuvent nous conduire très
loin.
Oui, la Convention est une chance. J'espère que nous saurons aller au-delà :
je crois que l'Europe de la défense et de la sécurité est vraiment
indispensable. Dans l'immédiat, nous ébauchons et juxtaposons un certain nombre
d'initiatives nationales, un certain nombre de budgets nationaux. A quand une
initiative commune ? A quand un budget commun ? C'est une question !
Cette Europe politique, il faudra bien la faire. Nous avançons, tant mieux !
L'Europe sera sociale, et ce sera l'Europe des Etats, des nations et des
peuples. En aucun cas elle ne sera l'Europe des régions.
M. Jacques Legendre.
Très bien !
Mme Josette Durrieu.
Au demeurant, les populations ne sont pas hostiles à l'Europe telle que nous
la construisons. Le bon sens l'emporte, comme en a témoigné le passage à
l'euro, qui s'est opéré, finalement, dans la facilité et même dans la joie.
Quelle surprise ! Je suppose que nous l'avons tous ressenti ainsi.
L'Europe avance, disais-je, et, après la plupart de mes collègues, j'évoquerai
brièvement l'élargissement. Je dois avouer, d'ailleurs, que je préfère le terme
de « réunification ».
Oui, l'élargissement est un défi ! Oui, c'est sûrement une chance ! En tout
cas, c'est une garantie pour la paix. La paix a un prix, mais s'il n'y a pas de
paix, elle n'a plus de prix : cela revient au même.
Les Quinze symbolisent la réconciliation. Le bilan est-il positif ou non ?
Pour nous, la France, et pour les autres pays - l'Espagne, le Portugal, la
Grèce et l'Irlande -, à l'évidence, oui ! Si tel est le cas, pourquoi en
irait-il autrement pour vingt-cinq pays, voire pour vingt-sept ? Ce serait
aussi, pour eux, synonyme de paix et de stabilisation. Nous avons peur, parce
qu'avec l'élargissement nous irons plus loin encore vers le coeur de l'Europe
centrale. Mais la Hongrie serait-elle moins européenne que le Danemark ?
Sûrement pas !
M. Bruno Sido.
Et la Turquie ?
Mme Josette Durrieu.
La Bulgarie, qui nous amène aux marges de l'Europe orientale, serait-elle
moins européenne ? Je ne le crois pas !
L'Europe élargie comptera plus de 500 millions d'hommes ; elle verra sa
superficie augmentée de plus de 30 %, sa population de plus de 30 %, et sa
richesse d'à peine 5 %.
Tout cela suscite encore des peurs. Mais c'est l'Europe, c'est leur Europe,
ils ne l'ont jamais quittée ! C'est leur espace autant que le nôtre, et nous
qui, au Conseil de l'Europe, parlons tant du droit des peuples, du droit des
hommes, devons le reconnaître : ils ont droit à l'Europe.
A l'évidence, la démocratie avance, et elle avance vite et bien dans ces pays.
En quelque dix ans, treize ans, nous leur avons fait faire des progrès
inespérés, des progrès immenses. Nous qui travaillons depuis un certain nombre
d'années au sein de ce Conseil de l'Europe si mal connu, si injustement
inconnu, y compris des parlementaires français, nous savons quel chemin nous
faisons faire à ces pays, quel accompagnement nous offrons à ces peuples, à
cette classe politique que nous côtoyons quotidiennement, à ces élus qui sont
nos collègues, nos amis.
Le travail effectué au sein du Conseil de l'Europe à Strasbourg, à côté de la
Cour européenne des droits de l'homme, dont les juges sont élus par les
parlementaires du Conseil de l'Europe, est immense. Aussi, monsieur le
ministre, je regrette que vous ayez choisi de diminuer de 5 % les crédits
accordés à cette assemblée. J'en appelle à vous pour transformer votre vision
de son travail, parce qu'il serait parfaitement injuste qu'il ne soit pas
reconnu.
Il est absolument nécessaire qu'il soit poursuivi car il est essentiel, et
notre démarche est extrêmement positive. Les crises politiques qui peuvent être
évitées grâce à lui coûteraient bien plus cher que les 5 % que vous essayez
d'économiser ! Je pense que vous reviendrez sur ce point, qui me paraît
important.
L'élargissement aura un coût, c'est évident ; pensons à la solidarité, à la
cohésion régionale dont les fonds structurels sont l'expression et qui sont
l'un des principes de base du traité de Rome.
Ce coût a été estimé à 35 milliards d'euros ; je ne sais pas s'il sera revu à
la hausse ou à la baisse. Je suppose que les budgets européens seront adaptés,
de même que la progressivité et la pondération des aides.
Bref, s'il fallait satisfaire nos égoïsmes, nous pourrions dire qu'un nouveau
marché s'ouvre avec un immense espace de croissance de 500 millions
d'hommes.
J'ai envie de dire : les économies de ces pays sont dynamiques. En France, on
vit sur un certain nombre de lieux communs et de clichés. Allons voir un peu ce
qui se passe ailleurs !
Vous avez certainement lu comme moi, avec quelques regrets, que la
compétitivité de la Hongrie - on le perçoit quand on s'y rend - est supérieure
à celle de la France, qui, elle, est tombée au trentième rang. Quoi qu'il en
soit, j'ai l'impression que la pauvreté de ces pays représente le plus grand
risque d'instabilité.
Je vais aller un peu plus loin, et ce n'est pas de la provocation, au
contraire, il me semble que c'est une évidence : l'Europe ne s'arrêtera pas là,
si l'on veut la paix, si l'on ne veut pas la guerre.
On lit beaucoup de choses sur la Turquie, et j'en dirai deux mots. Mais il est
évident qu'il faudrait que l'on parle davantage de l'intégration des Balkans !
En effet, l'intégration des Balkans sera l'une des conditions de la paix. Il
faudra, de façon évidente, y parvenir, et peut-être plus vite qu'on ne le
pense.
Les Balkans, c'est la Bosnie-Herzégovine, avec son noyau musulman, la Croatie,
bien sûr, et la République fédérale de Yougoslavie, avec son Kosovo musulman,
et ce sera, un jour aussi, l'Albanie musulmane et la Macédoine. Comment
allons-nous sortir de cette affaire ? Dans l'Union européenne, il y a déjà dix
millions de musulmans, mais ceux-là font partie intégrante de l'Europe.
N'oublions pas que la guerre a souvent démarré dans cette partie du monde !
Il est un mot que nous répétons souvent ici, mais qui est parfaitement méconnu
en Europe : c'est le mot « laïcité ». Dans cette grande Europe de quarante-cinq
Etats que j'évoque, il n'y en a que quatre qui ont le mot « laïc » dans leur
Constitution : la France, la Turquie, la Bulgarie et l'Azerbaïdjan. Ce mot,
auquel nous devons donner toute sa force, n'a aucun sens pour tous les autres
pays d'Europe.
Au sujet de la Turquie, je dirai que, géographiquement, elle ne fait pas
partie de l'Europe. Cependant, derrière la géographie, qui n'a pas de sens, il
y a l'histoire, il y a la stratégie, il y a la géopolitique, qu'elle soit
européenne ou mondiale, il y a la mise en perspective du devenir géopolitique
de l'Europe. La Turquie a toujours été un pays charnière. Elle est en effet
située aux portes de la Russie, et la Russie restera toujours la Russie.
Je ne sais pas pourquoi nous imaginons toujours qu'elle puisse un jour
intégrer l'Europe. En fait, elle voudra conserver sa force et la faire grandir
chaque jour un peu plus. On oublie trop souvent les immenses richesses que
contient la Sibérie !
Et puis, au sud, il y a la Méditerranée. Nous devrons préserver cet espace,
comme nous l'avons toujours fait autrefois. Malte et Chypre en font également
partie. Tout à l'heure, l'un de nos collègues a parlé de Malte, « si près de la
Libye assagie ! ». Je ne sais pas si la Libye est assagie. En tout cas, Malte
est très près de la Libye.
Un peu plus au sud-est, il y a le Moyen-Orient, avec la fameuse question
d'Orient. Et l'on en revient à la Turquie, pays charnière qui a toujours
maîtrisé le passage de la mer Noire par les détroits. Elle préservait l'espace
méditerranéen de tout ce qui pouvait remonter du sud, de l'espace musulman,
mais elle le protégeait aussi contre la puissance de la Russie.
En conclusion, je dirai que l'Europe doit faire de la politique pour créer son
avenir. Elle doit avoir un projet : quel beau projet !
M. le président.
La parole est à M. Michel Guerry.
M. Michel Guerry.
Monsieur le ministre, mon propos s'articulera autour de deux thèmes : l'avenir
de l'enseignement français à l'étranger et la sécurité de nos compatriotes hors
de France.
Comme vous le savez, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger
remplit une mission d'éducation des enfants français vivant à l'étranger qui
est sans pareil : son réseau d'enseignement scolaire national est le premier
dans le monde.
Sa mission, l'Agence la remplit dans des conditions financières qui, depuis
trop longtemps, ont atteint leurs limites.
L'an dernier, le réajustement des rémunérations des enseignants titulaires de
l'éducation nationale recrutés localement n'a pu être réalisé qu'en supprimant
des postes d'expatriés et en asséchant les réserves financières de l'Agence.
Vous conviendrez, monsieur le ministre, qu'il est devenu aujourd'hui
impératif, pour garantir un niveau pédagogique convenable dans nos
établissements à l'étranger, que les postes d'enseignants expatriés soient non
seulement maintenus mais renforcés.
M. Guy Penne.
Très bien !
M. Michel Guerry.
En effet, au-delà des finances de l'Agence, nous constatons que c'est la
qualité même de l'enseignement dispensé qui est en péril.
En septembre dernier, M. Dominique de Villepin a évoqué, devant le Conseil
supérieur des Français de l'étranger, la nécessité de « développer
l'implication du ministère de l'éducation nationale » si l'on veut « stabiliser
les ressources et la capacité à agir de l'Agence ».
Ces propos, nous les répétons depuis des années. En effet, pour sortir de
l'impasse dans laquelle se trouve l'Agence, une implication réelle et concrète
du ministère de l'éducation nationale nous semble indispensable !
Pourtant, rien ne se profile à l'horizon.
Est-il si difficile d'obtenir une collaboration interministérielle entre le
ministère des affaires étrangères et le ministère de l'éducation nationale,
dans un domaine qui est traditionnellement le sien ?
A cette question, il m'a été régulièrement répondu que le problème était à
l'étude. Pourtant, rien de concret n'a encore vu le jour.
Attend-on que la situation dégradée devienne irréversible ?
Envisage-t-on concrètement - et je reprendrai encore une formule de M. de
Villepin - ce « développement de l'implication du ministère de l'éducation
nationale » dans la gestion de l'Agence ?
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous aujourd'hui
vous engager devant la Haute Assemblée à en faire un axe effectif de votre
action en faveur de nos compatriotes à l'étranger ?
Autre thème que je souhaite aborder : la sécurité.
La sécurité a été un thème central pour les Français lors des campagnes
présidentielle et législative.
A cette préoccupation légitime, nos compatriotes de l'étranger ajoutent celle
qui concerne leurs biens, et parfois leur propre vie.
De l'attentat de Karachi aux événements de Côte d'Ivoire et de Centrafrique,
l'histoire récente nous a cruellement rappelé que nos compatriotes pouvaient
être la cible de tous les désordres.
Les évacuations de Français dans un pays à risque se déroulent en général de
façon satisfaisante, comme j'ai pu moi-même m'en rendre compte.
A cet égard, je tiens à saluer l'efficacité de nos militaires et de nos
représentants, ainsi que le dévouement des élus du Conseil supérieur des
Français de l'étranger.
Toutefois, si ces évacuations se passent bien, elles ne règlent que
l'urgence.
En effet, à leur retour en France, combien de nos compatriotes, ayant tout
laissé derrière eux, rencontrent pour se réinsérer de telles difficultés - tant
sociales que psychologiques - qu'ils en deviennent des étrangers dans leur
propre pays !
Nous le savons tous fort bien, ceux qui rentrent dans de telles conditions ne
retourneront pratiquement jamais s'installer à l'étranger, ni dans leur ancien
pays de résidence ni même dans un autre pays.
Combien d'entre eux, pourtant, malgré les difficultés, seraient prêts à rester
sur place, à entreprendre à nouveau, à refaire leur vie !
C'est l'intérêt même de notre pays, de sa vitalité et de son rayonnement !
Alors, comment leur permettre de le faire ?
L'aide aux Français de l'étranger les plus démunis est l'une des priorités que
vous avez fixées dans le cadre de la loi de finances pour 2003.
Au-delà de la « réponse à la lancinante et douloureuse question de
l'indemnisation », comme le rappelait le Président de la République, cette
priorité doit comporter un volet de mesures incitatives qui permettraient à
nombre d'entre eux de reprendre une activité économique.
Ce serait émettre un signal fort si notre pays affirmait envers et contre tous
sa volonté de maintenir une communauté française dynamique dans des pays
réputés à risque.
Nos communautés à l'étranger attendent du Gouvernement un geste politique sans
ambiguïté qui leur montre que la solidarité nationale s'exerce de façon
positive aussi pour eux.
Au-delà, demeure une question beaucoup plus profonde et préoccupante, celle de
la présence de la France à l'étranger.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie à
l'avance des réponses que vous pourrez apporter aux légitimes préoccupations de
nos compatriotes.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, il convient d'abord de se féliciter de la reprise de
l'effort d'aide publique au développement.
Alors que l'effort d'aide au développement s'était singulièrement amenuisé
pendant la dernière décennie, passant de 0,63 % à 0,32 % du PIB, je ne puis que
me féliciter du fait que la reprise amorcée en 2001 ait été confirmée par le
Président de la République, d'abord au G8, ensuite à Johannesburg, avec des
objectifs clairs : atteindre 0,5 % du PIB d'ici à cinq ans et 0,7 % du PIB
d'ici à dix ans, conformément aux engagements internationaux que nous avions
pris voilà déjà bien longtemps.
En 2002, l'aide publique a augmenté de près de 900 millions d'euros, notamment
en raison de la forte hausse de l'aide bilatérale - 25 % -, et de la forte
progression des annulations et consolidations de dettes - 30 %.
En 2003, l'aide publique devrait augmenter de 600 millions d'euros,
principalement en raison de l'accroissement du volume des annulations de dettes
accordées dans le cadre des allégements consentis aux pays pauvres très
endettés, ce qui représente 594 millions d'euros, dont 91 millions d'euros
prévus au titre des contrats de désendettement-développement.
Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que
l'augmentation de l'aide publique soit due seulement aux annulations de dettes.
L'aide publique devrait être en augmentation par rapport à ces annulations et
non pas s'y substituer.
Je pense que, dans ce domaine, il faut que nous retrouvions de réelles marges
de manoeuvre.
Dans le dernier rapport du PNUD - le programme des Nations unies pour le
développement - sur le développement humain en 2002 il est rappelé que les
objectifs du Sommet du millénaire sont loin d'être atteints : 2,8 milliards de
personnes dans le monde vivent toujours avec moins de 2 dollars par jour.
Quant au rapport Zedillo, qui préparait la récente conférence de l'ONU sur le
financement du développement qui s'est tenu à Monterrey en mars 2002, il
estimait les besoins de financement des pays en développement à 50 milliards de
dollars. Nous en sommes loin !
Il conviendra évidemment de veiller à ce que ces engagements ne soient pas
remis en cause par les exercices de régulation budgétaire, dont le budget de
l'aide au développement est souvent - et j'en sais quelque chose - l'un des
premiers à souffrir alors qu'il devrait
a priori
en être préservé.
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour l'aide au développement.
Absolument !
M. Jacques Pelletier.
Ne pourrait-on envisager, pour rester dans la ligne des engagements du
Président de la République, que les dépenses d'aide au développement soient, en
quelque sorte, « sanctuarisées » ?
Le relèvement de notre effort d'aide au développement devra aussi se traduire
par un renforcement de l'efficacité de cette aide et par une forte amélioration
de notre capacité à influencer les choix de nos partenaires bilatéraux,
européens et multilatéraux. Il faut que la France fasse entendre une voix forte
dans ces enceintes internationales, où nous devons entraîner tous les pays
amis.
Je pense que le renforcement de l'efficacité de notre aide au développement
passera, d'abord, par une clarification des objectifs qui lui sont assignés.
Le développement devrait être une véritable priorité par rapport à la
politique culturelle extérieure ou aux objectifs commerciaux : toute activité
d'aide au développement comporte, bien évidemment, à des degrés divers, des
dimensions culturelles ou commerciales liées à nos intérêts, mais celles-ci
devraient être subordonnées à l'action de développement et non l'inverse.
Dans le cadre des objectifs de développement du sommet du millénaire auxquels
la France a souscrit, l'action de soutien au développement devrait, selon moi,
s'orienter dans trois directions.
La première est la promotion des droits de l'homme, de la démocratie et de
l'Etat de droit. Il s'agit, en d'autres termes, de favoriser la bonne
gouvernance dans les pays aidés et de renforcer le partenariat avec les
organisations des sociétés civiles locales.
La deuxième est la lutte contre la pauvreté et les inégalités, ce qui
implique, notamment, de favoriser l'accès aux services élémentaires :
éducation, eau potable, énergie, et surtout santé à l'heure où des dizaines de
millions de personnes sont atteintes du sida dans de nombreux pays en
développement et vont mourir si rien n'est fait rapidement.
Enfin, la troisième est la promotion du développement durable dans ses quatre
dimensions : le soutien à la création et au développement des entreprises et
l'incitation aux investissements privés, l'équité sociale, la sauvegarde de
l'environnement, la promotion de la diversité culturelle.
Cette action de développement doit être conduite en pleine association avec
les organisations des sociétés civiles des pays partenaires, notamment dans la
mise en oeuvre des contrats de désendettement-développement déjà évoqués.
Dans un souci de transparence, de cohérence et de sensibilisation, il serait
enfin souhaitable que le Gouvernement présente chaque année un rapport au
Parlement sur sa politique en matière de coopération au développement.
Un tel rapport est réclamé depuis longtemps. Il permettrait de faire une
présentation cohérente de l'action de la France en matière d'aide au
développement et de faire ressortir les synergies entre nos engagements
européens et multilatéraux et nos activités bilatérales, elles-mêmes éclatées
entre plusieurs opérateurs. M. Michel Charasse, notre excellent rapporteur
spécial, a parfaitement décrit les difficultés et les imperfections du
système.
A partir d'un tel rapport, le Parlement pourrait à la fois débattre des
orientations de la politique d'aide au développement, ce qu'il ne fait guère
qu'à l'occasion de l'examen du budget des affaires étrangères - souvent, de
surcroît, à une heure avancée !
(Sourires)
- et sensibiliser nos concitoyens à ces questions par une
meilleure information.
Une présentation ainsi rénovée irait d'ailleurs dans le sens de la réforme de
l'ordonnance organique relative aux lois de finances adoptée l'an dernier
grâce, notamment, aux travaux du Sénat et de sa commission des finances.
Enfin, un tel rapport, qui ne manquerait pas de susciter des débats, ne
pourrait que contribuer à une meilleure évaluation de notre politique d'aide au
développement, évaluation aujourd'hui difficile en raison de l'éclatement
institutionnel qui préside à la définition et à la mise en oeuvre de cette
politique.
Enfin, je souhaite, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que
l'augmentation substantielle de l'aide au développement en France, dont je vous
félicite, ait un effet d'entraînement sur nos partenaires du Nord. C'est une
nécessité morale : nous ne pouvons pas laisser des milliards d'hommes vivre,
que dis-je vivre, survivre, et souvent mourir, dans un sous-développement
intolérable, bien au-dessous du seuil de pauvreté.
L'écart, grandissant, de niveau de vie entre pays du Nord et certains pays du
Sud est source d'immigration clandestine et de conflits. C'est, de plus, un
excellent terreau pour le terrorisme.
La France a toujours porté une très grande attention aux pays du tiers monde.
La France doit appeler à nouveau à une croisade contre ce sous-développement
qui engendre tant de misère. Un tel appel trouverait, monsieur le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat, un large écho sur toutes les travées de notre
assemblée.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, on l'a déjà dit mais il
est utile de le répéter, le budget des affaires étrangères n'est pas un budget
comme les autres, car il symbolise notamment l'effort substantiel que la France
est prête à fournir pour occuper son rang dans ce qu'on appelle les « affaires
du monde ».
Le renforcement de la présence de la France dans le monde devient donc à la
fois une priorité et un enjeu pour réaliser des ambitions nouvelles et pour
atteindre les objectifs assignés à notre diplomatie, sous l'impulsion du
Président de la République.
Le projet de budget des affaires étrangères pour 2003 devient ainsi le
baromètre des ambitions extérieures de la France. Il est en augmentation de
plus de 13 %, et nous ne pouvons que nous en réjouir, même s'il y a lieu de
relativiser cette progression en raison de chapitres sous-financés, car
sous-évalués dans le budget 2002.
Ce projet de budget représente bien une rupture avec les budgets des toutes
dernières années par sa volonté d'accompagner l'action extérieure de la France
là où les besoins sont définis, là où notre action s'impose, là où la France
doit prendre sa place et retrouver sa voix.
J'ose croire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ayant
adressé ces compliments sincères, que vous continuerez sur cette lancée après
l'adoption de ce budget que beaucoup d'entre nous, au Parlement, considérons
comme un budget de transition, une transition qui porte aujourd'hui les signes
tangibles de l'espérance que nous plaçons dans votre volonté de réajuster nos
besoins extérieurs à nos moyens intérieurs.
Somme toute, à l'analyse des chiffres et des faits, je suis tout de même
interrogatif sur un point particulier, et néanmoins essentiel, qui concerne le
rayonnement de la France au moyen de l'audiovisuel extérieur.
C'est un vecteur de développement primordial, sur les plans tant culturel
qu'économique, les deux aspects étant indissociables. Il suffit de voyager pour
être conforté dans cette idée.
Or, sur ce point fondamental, on ne peut pas dire que votre projet de budget
soit porteur. Les crédits de l'action audiovisuelle extérieure ne tiennent
aucunement compte de la création, indispensable, d'une nouvelle télévision
française d'information internationale.
Est-il, en effet, compréhensible qu'année après année, comme l'affirme le
Président de la République, nous en soyons encore à déplorer les insuffisances
persistantes de l'information et de l'audiovisuel francophones sur la scène
mondiale ?
Il faut reconnaître que, en dépit des efforts des uns et des autres, notamment
de TV5, nous sommes encore loin de disposer d'une grande chaîne d'information
internationale en français, capable - soyons ambitieux ! - de rivaliser avec la
BBC ou CNN.
M. André Dulait,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
M. Louis Duvernois.
Notre problème, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, est
relativement simple, et je ne doute pas que vous en soyez déjà conscients :
c'est l'éparpillement des moyens publics qui pourraient être consacrés à la
mise en oeuvre d'un grand projet audiovisuel extérieur.
A l'heure de la rationalisation budgétaire, des contraintes diverses exercées
par la situation économique mondiale, européenne et nationale, l'esprit ne doit
plus être aux querelles d'indépendance entre partenaires potentiels.
L'esprit est au regroupement des forces publiques et des talents des créateurs
professionnels, nombreux dans notre pays, pour concevoir et animer une
télévision internationale à l'image de la France, de sa diversité, de sa
culture, de sa vision singulière d'un monde de plus en plus dominé par le «
politiquement correct » de la pensée unique et forcément réductrice, parce que
précisément unique. Il est grand temps de réagir et d'envisager dès maintenant
des efforts importants pour mener à bien ce grand chantier de l'audiovisuel
extérieur sans lequel, dans les années à venir, la France ne serait plus la
France, celle qu'on écoute, qui influence l'humanité par sa langue universelle,
sa manière d'être, sa pensée, face à des contradicteurs multiples.
Dans un environnement mondial où règne la concurrence, cette chaîne de
télévision continue que nous appelons de nos voeux devra s'adosser sur des
partenaires choisis et bien cibler son public : les Français expatriés ou en
déplacement, les étrangers francophones et francophiles, les leaders d'opinion
étrangers, francophones ou non, d'ailleurs, car on sait bien que le
sous-titrage est une excellente méthode pour l'apprentissage d'une langue
étrangère.
Cette chaîne devra défendre une vision de l'actualité internationale à la fois
objective et originale, sans pour autant être la « voix officielle de la France
», de manière à conférer une crédibilité maximale à ce moyen d'expression et de
diffusion mondiale.
Le président de CNN International Networks, dans un surprenant point de vue
publié dans
Le Figaro
du 1er décembre dernier, a souhaité textuellement
« bonne chance au projet de CNN à la française », reconnaissant
de
facto,
et probablement non sans quelques arrière-pensées compétitives ou
politiques, qu'une télévision française internationale, se caractérisant par sa
différence de regard, d'analyse, de ton et par son objectivité éditoriale,
allait arriver tôt ou tard.
Le moment est venu de conduire une réflexion accélérée sur notre système
audiovisuel extérieur, beaucoup trop morcelé, beaucoup trop complexe, dans
lequel le manque de synergie verrouille toute ambition nationale orientée,
régulée et constructive.
La réflexion actuellement menée sur cette question « patine », tandis que nos
amis et concurrents, eux, s'organisent rapidement. A l'heure du numérique, les
savoir-faire éditoriaux et les réseaux d'information comptent plus que la
technique. Or notre pays possède en la matière de grands savoir-faire.
La récente décision du Gouvernement britannique de détacher la chaîne de
télévision d'information internationale BBC World du reste de la BBC - celle-ci
étant recentrée sur sa vocation domestique -, en la regroupant avec la radio
internationale BBC World Service, montre à l'évidence le bien-fondé de cette
affirmation.
Il faut que cette nouvelle télévision française internationale en devenir, par
la diffusion d'images originales non disponibles sur les chaînes concurrentes,
puisse s'imposer progressivement dans le paysage audiovisuel mondial, ces
images étant en outre susceptibles d'être reprises sur des télévisions
étrangères, ce qui démultiplierait largement son impact direct dans les pays de
diffusion.
Un projet audiovisuel de cette envergure exige des pouvoirs publics qu'ils
repensent prochainement les engagements financiers de l'Etat dans l'audiovisuel
extérieur, dont le budget actuel s'élève à 165 millions d'euros.
Ne nous cachons pas derrière l'arbre qui, lui-même, cache la forêt ! Dressons
un inventaire de la situation des opérateurs susceptibles de mettre en place
cette chaîne appelée à être ensuite déclinée prioritairement en anglais et en
arabe.
Ainsi, cette nouvelle télévision française internationale bénéficierait
nécessairement, sur le plan tant structurel qu'éditorial d'un adossement à
Radio France Internationale, qui compte aujourd'hui parmi les médias
internationaux de référence. Il faut que cette nouvelle télévision devienne
aussi une chaîne de référence concurrençant CNN, BBC World ou Al-Jazira, qui
sont constamment citées par les médias. Une coopération réelle entre France
Télévision, qui appartient au service public, et la nouvelle chaîne « tout info
» est, en outre, l'un des fondements du projet.
Dans ce nouveau paysage audiovisuel extérieur, il est par ailleurs nécessaire
de recentrer TV5 sur sa mission originale : celle d'une grande chaîne
francophone - et non pas française - généraliste, prioritairement destinée aux
publics des pays où la francophonie est réelle.
Là encore, méditons sur la coexistence outre-Manche entre BBC Prime, chaîne
généraliste destinée aux expatriés et aux étrangers ayant conservé des liens
étroits avec la Grande-Bretagne, et BBC World, chaîne d'information destinée
aux décideurs, aux relais d'opinion et aux rédactions du monde entier.
Le recadrage de TV5 Monde, dont la France est le premier bailleur de fonds,
s'imposerait d'autant plus que le caractère « tout info » de la télévision
française internationale suivrait vraiment la ligne éditoriale ainsi définie,
la promotion de la culture et les distractions de qualité convenant davantage à
TV5 Monde, d'essence multilatérale, comme le montre Arte dans le domaine
culturel.
D'autres partenaires doivent aussi être envisagés : l'Agence France-Presse,
qui se trouve dans le peloton de tête des agences mondiales d'information
généraliste et multimédia ; Canal France International, dont il faudra bien un
jour définir l'avenir, mais dont le réseau satellitaire mondial peut en tout
cas être utilisé immédiatement ; Euronews, enfin, pour ses réseaux
satellitaires et à la condition que la société devienne à majorité française.
En outre, il ne faut pas exclure des participations de divers partenaires du
secteur privé.
Tel est, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, le grand
chantier qui doit s'ouvrir au sein même de votre ministère, ainsi qu'à
l'échelle interministérielle, afin que l'audiovisuel extérieur soit un outil de
rayonnement et d'influence pour notre pays, appuyant votre action diplomatique
et notre action culturelle extérieure.
Ce chantier n'est pas aujourd'hui inscrit dans le présent projet de budget,
mais nous savons que vous n'y êtes pas indifférent et que, dès 2003, vous vous
engagerez à le prendre financièrement en compte, tout comme vous soutenez déjà,
en raison de la situation internationale, la création d'une chaîne de
télévision régionale à destination du monde arabe.
Quoi qu'il en soit, pour la hausse qu'enregistre ce budget par rapport au
précédent, pour son caractère de budget de transition par ses ambitions, pour
votre volonté anticipée d'accompagner la création d'une chaîne de télévision
française internationale au sein d'un pôle de communication extérieur regroupé
et davantage performant, je voterai le projet de budget que vous proposez.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Pierre-André Wiltzer
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un honneur pour moi de
présenter devant la Haute Assemblée, avec mon collègue Renaud Muselier, le
projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2003.
A travers ce projet de budget, c'est toute l'action extérieure de la France
qu'il vous est proposé d'examiner.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. le ministre des affaires
étrangères, Dominique de Villepin, qui a dû quitter Paris, comme vous le savez,
pour accompagner le Président de la République en Allemagne, et qui regrette de
ne pas pouvoir, ce soir, vous présenter lui-même le projet de budget de son
ministère.
Selon le souhait du président de la commission des finances, j'éviterai de me
livrer à une présentation globale de ce projet de budget. Je consacrerai
l'essentiel de mon intervention aux réflexions de vos rapporteurs et des
orateurs qui viennent de s'exprimer. Elles ont été extrêmement riches, et le
temps me manquera donc pour les évoquer toutes autant qu'elles le mériteraient.
Je demande d'ailleurs l'indulgence de celles et ceux qui se sont exprimés si je
n'ai pas, dans ce cadre, la possiblité de répondre à toutes leurs
interrogations. Je reste, bien sûr, à leur disposition pour poursuivre notre
dialogue en marge de ce débat.
J'aimerais rappeler brièvement le contexte de cet exercice budgétaire.
La France est confrontée à des défis redoutables, dans un monde qui est devenu
très incertain. Elle doit être à la hauteur de la responsabilité particulière
qui est la sienne et répondre à son devoir de solidarité.
Nous sommes confrontés à deux évolutions globales.
Tout d'abord, la fin de la guerre froide suppose que soient mis en place de
nouveaux modes de régulation stratégique. Nous devons contribuer à bâtir un
nouvel ordre international fondé sur les trois principes complémentaires de
responsabilité collective, de légitimé et d'efficacité, et s'appuyant sur le
rôle central que doit jouer le Conseil de sécurité de l'ONU.
Nous devons parallèlement assurer le développement d'une mondialisation
maîtrisée, qui évite les exclusions, les déséquilibres et les violences. Si
cette maîtrise n'était pas assurée, nous savons où cela risquerait de nous
mener !
Pour cela, six priorités ont été fixées, qui doivent guider notre action à
l'extérieur : premièrement, l'ambition européenne, sous ses deux aspects, qui
sont la Convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par M. Giscard d'Estaing,
et la réussite de l'élargissement ; deuxièmement, notre capacité à répondre aux
menaces, en particulier au terrorisme et aux armes de destruction massive ;
troisièmement, la maîtrise de la mondialisation ; quatrièmement, notre capacité
d'influence dans le règlement des crises régionales ; cinquièmement, la
rénovation de nos partenariats avec les grands pôles mondiaux que sont,
notamment, les Etats-Unis, le monde arabe, la Russie ; sixièmement, enfin, la
fidélité à nos partenaires traditionnels, en particulier en Afrique, mais aussi
dans le monde francophone, et cette action doit s'inscrire dans la perspective
de notre combat en faveur de la diversité culturelle et du développement
durable.
La fidélité à nos partenaires traditionnels concerne plus particulièrement
notre politique de coopération et les nouvelles orientations qui découlent des
engagements du Président de la République lui-même et du programme de
Gouvernement présenté par le Premier ministre.
Je déclinerai l'ensemble de cette démarche dans les dix objectifs suivants :
l'augmentation du volume de notre aide publique au développement ; le
rééquilibrage de nos efforts en faveur de l'aide bilatérale ; l'accroissement
de notre coopération avec l'Afrique ; la substitution du partenariat à
l'assistance telle qu'elle était conçue traditionnellement ; le développement
de la coopération décentralisée ; l'accentuation du partenariat avec la société
civile, qu'il s'agisse des organisations non gouvernementales, des entreprises
ou des fondations et associations ; la promotion du volontariat associatif ; le
renforcement de l'expertise française en matière de coopération ; le
renforcement des moyens administratifs, techniques et financiers, moyens qui
doivent surtout devenir plus opérationnels ; enfin, l'accentuation de notre
présence politique et diplomatique dans les pays avec lesquels nous
coopérons.
Pour respecter les six grandes priorités de notre politique à l'extérieur, les
modalités de notre action doivent répondre à une triple exigence : de
cohérence, d'efficacité et de résultat.
S'agissant de l'exigence de cohérence, le ministère des affaires étrangères
doit être un véritable centre de coordination, d'impulsion et de synthèse de
l'action extérieure de l'Etat.
En ce qui concerne l'exigence d'efficacité, le ministère doit prendre part à
l'effort général de l'Etat en termes de rationalisation de l'usage des moyens,
en l'espèce des moyens consacrés à l'action extérieure, notamment par la
réforme et la coordination des réseaux extérieurs de l'Etat.
Pour ce qui est de l'exigence de résultat, la loi organique relative aux lois
de finances est un contrat d'objectifs et de moyens passé entre l'exécutif et
le Parlement. Nous devons donc nous mettre en mesure de vous rendre compte des
résultats obtenus, par l'évaluation des politiques conduites et le contrôle de
gestion.
Le projet de loi de finances pour 2003 s'efforce d'apporter une première
réponse à ces exigences. Il a été conçu dans un esprit de sincérité budgétaire.
Il répond à quatre préoccupations : redynamiser notre action diplomatique,
réaffirmer notre devoir de solidarité internationale, répondre aux attentes des
Français de l'étranger et contribuer efficacement à la maîtrise des flux
migratoires.
Après ce rappel du contexte, dont je n'ai gardé que l'architecture, j'en viens
à l'essentiel, c'est-à-dire aux réflexions très nombreuses formulées par Mmes
et MM. les rapporteurs ainsi que par les orateurs, que Renaud Muselier et
moi-même avons écoutés très attentivement.
Je tiens à saluer la qualité et la pertinence des analyses et des observations
présentées. Je souhaite, en particulier, remercier très sincèrement Mmes et MM.
les rapporteurs pour le travail remarquable qu'ils ont produit.
Renaud Muselier et moi-même regrouperons nos réponses autour d'un certain
nombre de thèmes. M. le sénataire d'Etat aux affaires étrangères évoquera le
fonctionnement du ministère et les crédits y afférents, les contributions aux
organisations internationales, notamment à l'ONU et à celles qui en dépendent,
les affaires consulaires, l'immigration, l'Agence pour l'enseignement français
à l'étranger et quelques autres sujets qui ont été évoqués dans les différentes
interventions.
Pour ma part, je centrerai mes réponses sur les moyens de nos interventions,
leurs modalités et, enfin, l'organisation du ministère.
Je commencerai par les moyens financiers.
Ce projet de budget traduit la priorité accordée par le Président de la
République et le Gouvernement à l'action extérieure de la France, puisqu'il est
en hausse de 13,4 %, cela a été dit par plusieurs d'entre vous et par vos
rapporteurs.
C'est un chiffre qui apparaît satisfaisant, mais je rappellerai que ce projet
de budget des affaires étrangères a été élaboré, comme tous les autres, dans un
contexte très contraignant, en raison de la conjoncture économique, et qu'il ne
représente au total que 1,5 % du budget de l'Etat. C'est dire l'étroitesse des
marges de manoeuvre.
A vrai dire et en vous écoutant, j'en étais d'autant plus convaincu tous les
secteurs de ce budget ou presque auraient mérité une remise à niveau et nous
avons dû être extrêmement sélectifs. C'est ainsi, par exemple, que les
contributions volontaires à des organisations internationales sont restées à
leur niveau, faible, alors qu'elles auraient dû être augmentées : Renaud
Muselier y reviendra. Et l'on aurait pu, en écoutant les propos qui ont été
tenus cet après-midi et ce soir, allonger la liste des besoins, des initiatives
nouvelles à prendre, des réformes à entreprendre.
En outre, comme je l'ai indiqué, l'augmentation du volume de ce budget
s'explique pour une part importante par la volonté du Gouvernement de vous
présenter un budget sincère dès la loi de finances initiale, en rompant avec
une pratique consistant à renvoyer à des lois de finances rectificatives
certaines charges obligatoires et connues d'avance en réalité. MM. Jacques
Chaumont, Michel Charasse et André Dulait ont évoqué cet aspect des choses dans
leurs interventions.
Cela dit, ainsi que l'ont souligné Mmes Brisepierre et Cerisier-ben Guiga, MM.
Charasse et Pelletier, notre aide publique au développement progresse de façon
significative, conformément aux directives du Président de la République et du
Premier ministre. Selon les estimations du ministère des finances, elle devrait
atteindre 0,39 % de notre produit intérieur brut l'an prochain, inversant ainsi
la tendance à la réduction continue qui avait été constatée au cours des
dernières années.
Cette reprise de notre aide publique au développement était indispensable pour
tenir les engagements internationaux de la France, pour permettre à notre pays
d'assumer son devoir de solidarité, et aussi, comme l'a souhaité Mme Luc
notamment, pour nous permettre de mobiliser la communauté internationale dans
la lutte contre la pauvreté, contre la faim et contre la maladie dans le
monde.
Comme je l'ai déjà dit, ce projet a été préparé dans un esprit de sincérité,
et je remercie MM. Chaumont et Del Picchia de nous en avoir donné acte. La
lisibilité pourrait en être améliorée, ainsi que l'ont relevé Mme Brisepierre
et M. Charasse, notamment.
La perspective de la loi organique relative aux lois de finances et le rôle de
synthèse que doit jouer le ministère des affaires étrangères doivent nous
pousser à une présentation plus unifiée, plus claire de l'ensemble des crédits
concourant à l'action extérieure de l'Etat. Tout ce qui a été dit à ce sujet
est parfaitement exact.
Même sincère, même lisible, un budget ne vaut toutefois que s'il est
effectivement mis en oeuvre. Je partage bien sûr les analyses présentées par M.
Chaumont et plusieurs autres orateurs sur la difficulté que représentent les
régulations budgétaires sur des actions qui bien souvent engagent la parole de
la France.
Certes, une libération partielle des crédits gelés au cours de cette année
2002 a pu être obtenue.
Il faut espérer que le contexte économique permettra, en 2003, d'éviter le
recours à cette procédure. Il faut de même assurer la disponibilité, en temps
utile, des crédits de paiement nécessaires à la mise en oeuvre des
autorisations de programme. C'est le sens des remarques de M. Charasse au sujet
du fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement.
Nous espérons pouvoir compter sur le soutien du Parlement, notamment du Sénat,
à cet égard.
Après les moyens financiers, j'en viens aux modalités de notre action et aux
grands secteurs dans lesquels cette action se déploie.
Le premier de ces secteurs est la coopération pour le développement.
L'une des priorités fixées par le ministre des affaires étrangères, je l'ai
indiqué au début de mon intervention, est celle de la fidélité à nos
partenaires les plus anciens et les plus traditionnels, notamment en Afrique. A
ce sujet, je veux rassurer M. Legendre sur la ferme volonté du Gouvernement de
renforcer nos liens avec l'Afrique. J'y reviendrai plus tard mais, d'ores et
déjà, je voudrais, puisqu'il a cité le titre du livre
L'Afrique sans la
France,
lui dire que, que de mon côté, j'ai pu lire - et j'espère que cela
compense - certains titres de journaux tels que « La France est de retour en
Afrique ».
La traduction concrète et opérationnelle de cette démarche à l'égard du
développement, notamment en Afrique, est l'inversion de la tendance qui nous a
conduits, ces dernières années, à privilégier les canaux multilatéraux pour
mettre en oeuvre notre aide. Je suis en plein accord, à ce sujet, avec les
remarques formulées tant par Mme Brisepierre que par M. Charasse.
Le budget que nous vous soumettons permettra d'affecter l'augmentation de nos
moyens en priorité à l'aide bilatérale et, à l'intérieur de celle-ci, à
l'Afrique sub-saharienne.
S'agissant de la programmation, j'ai bien noté les critiques de M. Charasse,
qui souhaite qu'une plus grande place soit faite à la lutte contre la pauvreté,
même au détriment des actions culturelles et audiovisuelles. Je ne veux pas
caricaturer son propos, mais je le résume de cette manière.
Notre devoir de solidarité est une priorité essentielle. Le combat pour la
diversité culturelle ne doit pas être abandonné pour autant. Nos actions de
coopération culturelle ou audiovisuelle en sont de plus en plus la base et
l'instrument. Elles ne doivent donc pas être sacrifiées. Je suis en cela
d'accord avec Mmes Cerisier-ben Guiga et Pourtaud.
Pris dans son ensemble, le projet de budget pour 2003 permet d'augmenter
l'aide publique au développement, ce qui répond à l'appel lancé par M.
Charasse, sans diminuer pour autant nos actions culturelles.
Les interrogations de M. Charasse au sujet de l'aide-projet sont
intéressantes. Des projets bien circonscrits permettent des actions plus
visibles. Cette formule ne doit donc pas être abandonnée. Ce n'est d'ailleurs
pas notre intention. Inversement, l'aide sectorielle, lorsque les conditions de
son emploi sont réunies, présente de réels avantages en termes d'efficacité.
Nous ne devons pas l'exclure, mais nous devons au contraire rechercher, en
fonction de la nature des programmes à réaliser, le meilleur équilibre entre
les deux formes d'assistance.
Mme Brisepierre a craint que la baisse des crédits du chapitre 42-15 n'ait
pour conséquence une réduction de nos actions d'assistance technique et la
disparition d'un savoir-faire précieux. Ella a raison de s'intéresser à cet
aspect de notre coopération. Je veux la rassurer : renforcer l'expertise
française en matière de coopération est l'un des dix objectifs que j'ai cités
tout à l'heure et qui constituent la feuille de route qui est la mienne. Notre
tradition d'expertise dans de nombreux domaines - en Afrique, mais aussi en
Asie, dans la Caraïbe et ailleurs - est ancienne et riche, et ce capital
intellectuel scientifique doit être préservé et renouvelé.
Au sein du chapitre 42-15, la programmation des opérations de la direction
générale de la coopération internationale et du développement a préservé les
actions d'assistance technique, qui pourront également être financées par le
fonds de solidarité prioritaire en accompagnement de projets, ainsi que dans le
cadre des contrats de désendettement et de développement lorsqu'il s'agit de
renforcer les capacités d'administration locale dans les pays partenaires pour
la bonne mise en oeuvre des aides budgétaires.
Telles sont les précisions que je voulais brièvement vous apporter sur la
coopération.
J'en viens maintenant au sida et à l'accès aux médicaments.
Mmes Luc et Bidard-Reydet ont exprimé leurs préoccupations au sujet du
traitement de cette pandémie du sida dans les pays en développement, et plus
particulièrement de l'accès aux médicaments. Comme vous le savez, et alors que
les trithérapies n'étaient disponibles en France que depuis 1996, le Président
de la République, M. Chirac, a prôné, dès 1997, un accès à ces médicaments pour
les populations des pays en développement.
Dimanche dernier, il a une nouvelle fois marqué l'importance qu'il accorde à
cette maladie et à la mobilisation pour la vaincre en se rendant au siège de
l'association AIDES. Il y a annoncé sa décision d'inscrire l'accès aux
médicaments à des prix accessibles pour les pays pauvres, spécialement en
Afrique, à l'ordre du jour du prochain sommet du G8 à Evian, qui sera, vous le
savez, présidé par la France. Je rappelle aussi que notre pays a soutenu la
déclaration de Doha sur la propriété intellectuelle et la santé publique, dont
les modalités précises de mise en oeuvre doivent être définies avant le 31
décembre 2002.
Je vous rappelle enfin, même s'ils ne figurent pas dans le budget que nous
examinons ce soir, que le Gouvernement a inscrit les moyens financiers
nécessaires à sa contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la
tuberculose et le paludisme.
J'évoquerai maintenant la question de l'aide alimentaire, qui a été soulevée
par M. Charasse notamment.
Je partage à cet égard le souci de rationaliser l'organisation de l'aide
alimentaire exprimé par M. Charasse. La gestion de cette aide est actuellement
répartie, comme il l'a indiqué, entre l'agriculture et les affaires étrangères,
selon des modalités qui ne sont pas satisfaisantes. Ce point devra être débattu
lors de la session du comité interministériel de la coopération internationale
et du développement - le CICID - prévue pour le 11 décembre.
Il est nécessaire de simplifier la gestion de l'aide, de diminuer les coûts
globaux et de trouver une meilleure articulation entre la sécurité alimentaire
comme objectif de réduction de la pauvreté et l'aide alimentaire comme
instrument de l'aide humanitaire et, dans certains cas, de l'aide au
développement.
J'en viens à la coopération militaire et de défense.
S'agissant de la coopération militaire, évoquée par Mme Brisepierre, MM.
Chaumont, Charasse et Penne, nous demeurons dans la logique de la réforme de
1998 et de la fusion des ministères de la coopération et des affaires
étrangères. L'Afrique subsaharienne, malgré le redéploiement d'une partie des
crédits vers d'autres zones, reste une priorité puisqu'elle bénéficie à elle
seule de 73 % du budget géré par la direction de la coopération militaire et de
défense, la DCMD.
Mais, au vu de l'évolution des crédits attribués à la coopération militaire au
cours des dernières années - et cette année encore - il convient effectivement
d'être vigilant et de ne pas descendre en dessous d'un seuil de sécurité et
d'efficacité.
Afin de renforcer la gestion des crises - l'une des six priorités que
j'évoquais en commençant -, nos efforts portent en parallèle, d'une part, sur
la formation des militaires dans d'autres pays et, d'autre part, sur le
renforcement de la capacité des armées africaines à conduire elles-mêmes les
opérations sous-régionales, comme on dit en Afrique, de maintien de la paix.
En matière de formation, les seize écoles militaires qui sont soutenues au
titre de la coopération militaire forment environ mille stagiaires chaque
année.
Quant au programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la
paix - le RECAMP -, chacun de ses cycles rencontre un grand succès.
La coopération de défense demeure donc, à nos yeux, par sa contribution à la
sécurité et au maintien de la paix, un instrument privilégié de l'aide au
développement et un volet essentiel de notre coopération. Aider nos partenaires
à se doter d'armées républicaines bien formées sur le plan professionnel et sur
le plan civique est une démarche qui contribue à l'établissement d'un Etat de
droit.
Le moment est certainement venu de dresser un bilan de la réforme et de donner
une nouvelle impulsion qui est, à l'évidence, nécessaire. Ce sera l'objet du
conseil de défense qui se tiendra au mois de février prochain.
La francophonie, qui a été évoquée à plusieurs reprises au cours de nos
débats, est inscrite au coeur de la politique étrangère française. Le discours
du Président de la République au sommet de Beyrouth l'a montré, comme chacun a
pu s'en rendre compte.
Ainsi que l'a rappelé M. Jacques Legendre, le Président de la République a
annoncé un plan de relance qui sera bientôt présenté au Parlement, dans le
cadre de la loi de finances rectificatives pour 2002. Ses modalités pratiques
sont en phase d'arbitrage et vous seront présentées incessamment.
J'ai bien écouté les propos qui ont été tenus, notamment par M. Goulet, sur le
thème de la francophonie. J'ai pris connaissance du problème qu'il a évoqué
concernant l'association qu'il anime et dont je vais me préoccuper. S'agissant
de l'action menée en faveur de la francophonie, même si nous sommes tous
conscients des lacunes, des difficultés, des lourdeurs existantes et de
l'insuffisance des moyens en volume qui lui sont consacrés, je ne pense pas que
nous ayons de véritables raisons d'être pessimistes. Il y a beaucoup à faire,
la situation de certaines organisations doit être clarifiée, mais une dynamique
existe, qui s'est manifestée de manière éclatante à Beyrouth.
La francophonie était souvent perçue jusque-là - à tort d'ailleurs - par nos
concitoyens, par les médias ou par les pays non francophones comme la démarche
d'une ancienne puissance, un peu repliée sur elle-même, qui pouvait
s'enorgueillir au xviiie siècle de la prééminence du français dans les classes
dirigeantes et cultivées, dans la diplomatie, dont c'était la langue exclusive.
Cette francophonie-là, que nous avions au fond tendance à regretter, dans un
réflexe défensif et dans une sorte de compétition quasi obsessionnelle avec
l'anglais, appartient au passé.
Aujourd'hui, la francophonie a changé d'image. Elle est devenue la pionnière
de la diversité des langues et des cultures, du droit de chaque langue et de
chaque culture à être respectée, à exister. Elle est porteuse d'un message
positif d'ouverture sur les autres. Au lieu d'être repliés sur nous-mêmes, nous
sommes ouverts vers les autres et nous pouvons trouver des alliés dans cette
démarche.
M. Jacques Legendre.
Très bien !
M. Pierre-André Wiltzer,
ministre délégué.
J'ai la conviction profonde - je le dis à M. Goulet et
à tous ceux qui se sont exprimés sur ce sujet qui m'est cher, beaucoup d'entre
vous le savent, et pour lequel j'ai milité pendant longtemps - qu'un virage
extrêmement positif à mes yeux a été pris. Il nous faut maintenant accompagner
et organiser cette relance avec un esprit offensif.
J'en viens à ce qui fâche.
M. Legendre s'est inquiété, à juste titre, des conséquences d'un certain
nombre de décisions européennes sur l'usage du français, notamment en matière
d'étiquetage de produits vendus dans le commerce et de brevets. Ces décisions
se sont inscrites dans le cadre des règles qui régissent les échanges
commerciaux et le droit de la consommation.
Au-delà de ces questions, on observe d'ailleurs bien d'autres dérives
inacceptables, au détriment de l'usage du français, dans le fonctionnement
quotidien des institutions européennes. Il faut, bien entendu, dénoncer ces
dérives, ces entorses aux règles - car il existe des règles qu'il faut
respecter.
Cela a été dit par l'un d'entre vous dans la journée, sur le plan de l'Europe,
terrain le plus difficile dans la pratique pour nous, je pense qu'une véritable
protection de la langue française et des autres grandes langues européennes
pourrait être assurée si l'Union européenne, dans les principes généraux qui la
fondent - par exemple le préambule de la Constitution, le jour où elle en aura
une, puisqu'on parle de lui en donner une -, garantissait la diversité des
langues et des cultures des Etats membres. La garantie de cette diversité
deviendrait un principe de base qui devrait être respecté par tout le monde. On
éviterait alors ce qu'on a bien connu à plusieurs reprises, à savoir les
directives techniques qui sortent des directions de la Commission ou les
décisions de la Cour de justice européenne auxquelles il n'est pas aussi facile
de s'opposer. Je soumets cette idée à votre réflexion.
J'ajoute qu'un effort important doit être poursuivi à l'intention des futurs
membres de l'Union européenne. Des coopérations linguistiques, éducatives et
administratives sont mises en oeuvre avec ces pays pour maintenir et développer
leur pratique du français.
J'en viens à l'action culturelle extérieure.
M. Dauge s'est interrogé sur les suites données au rapport qu'il a rédigé au
sujet des centres culturels. Les crédits qu'il jugeait indispensables à leur
remise à flot sont malheureusement difficiles à dégager dans la conjoncture
budgétaire que vous connaissez. Un effort sensible a cependant été fait,
puisqu'une augmentation sur deux ans de 8,3 % des crédits de fonctionnement a
été consentie au profit des centres dotés de l'autonomie financière.
J'ajouterai à l'attention de M. Dauge que le Gouvernement est tout à fait
décidé à faire preuve de vigilance à l'égard du réseau des centres culturels.
Nous connaissons tous, pour avoir circulé dans certains pays, la vétusté des
locaux, la très grande modestie des moyens qui ne permet même pas d'utiliser
intelligemment les sommes disponibles ni de rentabiliser l'investissement fait.
Tout cela mérite donc un effort, qui sera poursuivi au cours des années qui
viennent.
M. Hoeffel s'est inquiété de la fermeture de centres culturels en Allemagne.
Effectivement, sept centres ou antennes ont été fermés en 2001 et en 2002. Il
s'agit non pas d'une remise en cause de notre présence en Allemagne, mais d'une
restructuration de notre dispositif. Les établissements fermés ont été
remplacés, m'a-t-on assuré, par de nouvelles structures plus souples,
implantées directement chez nos partenaires allemands. Huit postes de chargés
de mission pour la culture et d'attachés de coopération universitaire ont été
créés. Ils disposent d'un budget géré par le centre culturel le plus proche.
Les économies engendrées par ce redéploiement ont été allouées à d'autres
établissements. Au total, l'enveloppe de fonctionnement global de notre réseau
en Allemagne, qui s'élève à 2,9 millions d'euros, demeure constante. Il n'y a
donc aucun désengagement. Il s'agit d'un redéploiement. Je suis à la
disposition de M. Hoeffel pour en faire le bilan.
J'en viens à l'action audiovisuelle extérieure.
L'importance du renforcement de la présence de la France en matière
d'audiovisuel extérieur est évidente. Il s'agit d'un instrument stratégique de
la diplomatie et, plus encore, de rayonnement de la France dans le monde. Je
partage tout à fait l'analyse présentée par M. Duvernois. J'ai également écouté
attentivement les propos de M. le président Dulait et de M. Chaumont sur ce
sujet.
Les crédits qui vous sont présentés sont effectivement en légère baisse, mais,
comme le souligne d'ailleurs M. Duvernois, il s'agit d'un budget de transition
dans lequel il n'a pas été possible de prendre en compte le résultat de
réflexions encore en cours.
Comme vous le savez, le Président de la République souhaite la création d'une
chaîne de télévision mondiale en français. Il s'agit là d'un sujet très
important, mais complexe, et dont les implications, notamment financières, sont
considérables. Cela a été dit par beaucoup d'entre vous. Différentes options
sont encore à l'étude. A ce jour, il ne m'est malheureusement pas possible
d'anticiper sur les réflexions en cours.
Certaines prévoient de s'appuyer sur les opérateurs de l'audiovisuel public
extérieur existants, y compris TV5, chaîne francophone qui dispose d'un réseau
mondial, et de valoriser la capacité du service public de télévision à
présenter l'information et la vision française des événements sur le plan
international. D'autres options reposent sur la création d'un opérateur nouveau
ou la reprise de l'opérateur existant. Dans chaque cas, les coûts et les
montages juridiques et financiers sont très différents. En tout état de cause,
le Gouvernement a choisi de se laisser le temps de la réflexion en raison des
enjeux financiers en cause, mais il prend bien en compte la préoccupation
exprimée par Mmes Cerisier-ben Guiga et Pourtaud et par M. del Picchia de tirer
profit au maximum de l'existant.
S'agissant de TV5, Mme Pourtaud a très justement relevé les progrès importants
qui ont été accomplis par cette chaîne francophone. Elle a eu raison de relever
aussi que les crédits alloués ne permettent pas la réalisation de l'intégralité
du plan stratégique 2002-2005. Il est effectivement regrettable que les autres
partenaires n'aient pas souhaité aller plus loin dans leur soutien financier.
La France accorde une subvention dont la hausse est plus forte que celles des
autres bailleurs de fonds, mais elle ne peut pas supporter seule le poids
financier du développement de TV5. Nous poursuivrons donc nos efforts pour
mobiliser nos partenaires en faveur de la réalisation complète du plan
stratégique au cours des prochaines années.
Je partage également la préoccupation de Mmes Pourtaud et Cerisier-ben Guiga
au sujet de la situation de Radio France Internationale. Il est exact que les
perspectives financières ne sont pas très faciles, notamment en ce qui concerne
le financement de l'accord de réduction du temps de travail et l'évolution de
la masse salariale en général. La conclusion d'un contrat d'objectifs et de
moyens est indispensable pour donner un cadre à l'évolution de l'entreprise. La
négociation de ce contrat sera relancée dans les prochains mois.
J'en viens, maintenant, à l'organisation de notre action.
Je l'aborderai en évoquant les principes sur lesquels doit reposer
l'organisation du ministère.
Le premier d'entre eux est la cohérence.
Le ministère des affaires étrangères est responsable de la cohérence de
l'action extérieure de l'Etat. Comme le relève M. Chaumont, l'organisation des
implantations à l'étranger de l'ensemble des services de l'Etat doit faire
l'objet d'une réflexion stratégique. Le Comité interministériel sur les moyens
de l'Etat à l'étranger, le CIMEE, examinera cette question.
Quelle que soit la solution finalement retenue, le rôle de l'ambassadeur doit
refléter, sur le terrain, la fonction de coordination du ministère des affaires
étrangères ; je suis en plein accord avec MM. Branger et Charasse sur ce point.
Cette fonction de synthèse est d'autant plus indispensable que, comme l'ont
souligné Mme Brisepierre et MM. Chaumont et Charasse, les crédits concourant à
l'aide publique au développement et à l'action extérieure de la France sont
dispersés au sein de nombreux ministères, faisant peser le risque d'incohérence
et de mauvais emploi des deniers publics.
Dans cette perspective, Mme Brisepierre s'est interrogée sur la coexistence de
deux groupements d'intérêt public : France coopération internationale, au
ministère des affaires étrangères, et Assistance au développement des échanges
en technologies économiques et financières, l'ADETEF, au ministère des
finances.
Bien entendu, nous sommes alertés sur ce problème. La coordination entre ces
deux entités doit pouvoir se faire - nous semble-t-il - sans trop de
difficultés grâce à un dialogue permanent qui s'est d'ores et déjà établi entre
les deux cosecrétaires du comité interministériel de l'aide au
développement.
J'en viens au second principe sur lequel doit reposer l'organisation du
ministère, à savoir l'efficacité.
M. Charasse a porté sur le fonctionnement du Fonds de solidarité prioritaire,
le FSP, un jugement quelque peu sévère. Il est exact que la durée moyenne de
vie d'un projet du FSP est actuellement trop longue. Des éléments conjoncturels
apportent toutefois une partie de l'explication : le passage à l'euro, la
réforme comptable et les gels budgétaires ont retardé les décaissements. Il
reste - c'est exact - qu'un effort doit être consenti en la matière. Et, comme
M. Charasse l'a noté, un comité de suivi des projets a été institué à cet
effet.
Le faible nombre de projets dans les nouveaux pays de la zone de solidarité
prioritaire a été également regretté. Nous en sommes conscients. Des actions de
formation sont organisées au profit des agents qui sont en poste dans ces pays
et qui n'ont pas l'expérience de cette procédure. La situation est donc en
train de s'améliorer.
M. Charasse a dressé le même constat de lenteur à l'égard de l'Agence
française de développement, l'AFD. Outre les retards inévitables dus aux
conditions de mise en oeuvre de projets parfois difficiles, je rappelle que
l'AFD, en tant qu'établissement financier, a dû prévoir un régime de sanctions
automatiques en cas d'impayé. Toute crise politique entraîne des difficultés
financières, et le régime de sanction est alors appliqué, ce qui retarde
évidemment les projets.
Toutefois, des améliorations sont possibles et nécessaires. Comme M. Charasse
l'a lui-même indiqué, l'AFD a récemment engagé une réflexion stratégique de
grande qualité, débouchant sur un plan d'orientation stratégique dont la mise
en oeuvre est en cours. Cette réforme permettra à l'AFD de procéder à une plus
grande sélectivité des projets qu'elle conduit et de recentrer son activité sur
ses domaines d'excellence. On peut par conséquent espérer des retombées
positives sur l'ensemble du fonctionnement de l'agence. Comme de nombreux
orateurs l'ont indiqué, une part importante de notre aide publique au
développement passe par le canal du Fonds européen de développement, le FED.
Comme l'ont souligné Mme Brisepierre, MM. Charasse et Daugé, le FED est
critiquable : lourdeur des procédures, ampleur des sommes non décaissées en fin
d'année, manque de coordination avec les actions bilatérales, etc. C'est l'une
des raisons pour lesquelles nous souhaitons accorder une plus grande priorité à
l'aide bilatérale.
Il n'est pas question de revenir sur les engagements de la France à l'égard du
FED. En revanche, nous ne pouvons pas nous désintéresser de sommes aussi
importantes, qui devraient être mises au service de la lutte contre la
pauvreté. La réforme en cours à Bruxelles nous permet d'espérer une certaine
amélioration du fonctionnement du FED, car la Commission a pris conscience de
ses dysfonctionnements.
De premiers signes encourageants sont apparus, mais il faut rester attentifs à
la mise en oeuvre de la réforme et à ses résultats.
Dernier des principes sur lequel repose l'organisation du ministère :
l'obligation de résultat. Il est naturellement indispensable d'être en mesure
d'évaluer notre action.
MM. Chaumont et Charasse ont noté à juste titre que les indicateurs de gestion
seraient perfectibles. C'est un euphémisme ! Effectivement, ils le sont. Une
réflexion va être engagée à ce sujet, des audits seront demandés à l'inspection
générale des affaires étrangères et à l'inspection générale des finances. Là où
c'est possible, une démarche de qualité et de certification sera engagée. Le
processus d'évaluation de chacun sera également revu. Un groupe de travail a
été créé au sein du ministère, sous la présidence du secrétaire général du
ministère, et vos commissions compétentes seront associées à ces travaux.
J'en viens à la DGCID. Le jugement qui a été émis sur cette direction et sur
la lourdeur de son fonctionnement est peut-être un peu sévère. La fusion des
services des ministères s'est faite voilà maintenant quelques années, mais cela
ne fait pas si longtemps. Le temps est venu d'en tirer un bilan et d'examiner
si des ajustements sont nécessaires. C'est ce que nous allons faire dans le
cadre de la réflexion engagée par M. Dominique de Villepin sur l'organisation
du ministère.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
indications que je souhaitais vous présenter en réponse aux observations et aux
questions des rapporteurs et des orateurs.
J'ajouterai brièvement, avant de terminer, quelques indications liées à
l'actualité politique en réponse aux questions de plusieurs des orateurs, en
particulier MM. André Dulait, Guy Penne et André Vallet, sur la situation en
Côte d'Ivoire, dont je comprends qu'elle préoccupe la Haute Assemblée.
Afin d'appuyer le processus de sortie de crise en Côte d'Ivoire, M. Dominique
de Villepin s'est rendu successivement à Lomé, Abidjan, Ouagadougou, Bamako,
Libreville et Dakar, entre le 26 et le 28 novembre.
Face aux risques d'enlisement des négociations en cours à Lomé dans le cadre
de la médiation pilotée par le Président du Togo et aux risques de reprise des
affrontements sur le terrain, ce déplacement rapide avait pour objet de « faire
bouger les lignes » et de souligner l'urgence d'une solution politique,
pacifique et négociée.
Il s'est inscrit dans la droite ligne de la position adoptée par la France
depuis le début de la crise, à savoir le soutien aux autorités et aux
institutions légitimes, la préservation de la souveraineté de l'Etat et de
l'intégrité du territoire, le maintien de la stabilité régionale et l'appui aux
médiations africaines.
En l'état actuel des choses, nous pouvons établir un premier bilan de ce
déplacement.
M. Alassane Ouattara, qui était à l'ambassade de France à Abidjan depuis
plusieurs semaines, a pu la quitter.
Cela a d'ailleurs contribué à diminuer sensiblement les tensions
antifrançaises qui s'étaient manifestées à Abidjan depuis plusieurs
semaines.
Le 27 novembre dernier, à Lomé, la délégation représentant le gouvernement
ivoirien et la délégation des rebelles du Nord ont rédigé une déclaration
commune appelant à un règlement pacifique et énonçant les points pouvant faire
désormais l'objet d'un dialogue politique élargi.
Ensuite, sous l'égide du président malien Touré, une rencontre a été organisée
à Bamako hier, mardi, entre le président du Burkina Faso, Blaise Campaoré, et
le président de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo. Cette rencontre, qui a duré
cinq heures, a débouché sur un communiqué.
A ce propos, puisque M. Vallet a fait allusion à un certain nombre de rumeurs,
de montages, sur des complots qui pourraient, ici ou là, être à l'origine de la
crise très grave de la Côte d'Ivoire, j'en profite pour dire la nécessité
d'être extrêmement méfiant à l'égard de toutes les rumeurs et de toutes les
désinformations qui circulent. Il a notamment fait état de rumeurs mettant en
cause un pays de la péninsule arabique et le Burkina Faso qui ne me paraissent
pas être fondées sur des faits objectifs.
Les principaux points du communiqué dont je parlais sont les suivants :
privilégier le dialogue pour parvenir à une paix durable, rechercher une
solution pacifique, s'abstenir de tout acte d'agression contre l'intégrité
territoriale de chacun des pays, accélérer le déploiement de la force de la
CEDEAO, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, et, enfin,
engager une réflexion approfondie pour des réformes politiques et
institutionnelles en Côte d'Ivoire.
De son côté, le président Abdoulaye Wade, qui préside la force de la CEDEAO, a
désigné l'officier général qui va prendre le commandement de cette force.
Une nouvelle réunion, prévue à Accra, de l'ensemble des chefs d'Etat de la
CEDEAO devrait préciser les modalités d'envoi et la mission de la force de la
CEDEAO, qui est attendue sur le terrain.
Je vous rappelle que les troupes françaises présentes en Côte d'Ivoire, dont
les effectifs ont été plus que doublés pour atteindre près de 1 400 hommes,
assurent depuis le début de la crise la sécurisation et, le cas échéant,
l'évacuation de ressortissants français et étrangers qui seraient en danger. En
outre, depuis le 19 octobre dernier, et à la demande des autorités ivoiriennes,
elles assurent la sécurisation du cessez-le-feu qui est intervenu à cette
date.
Ainsi, le mouvement d'accélération donné au processus politique de sortie de
crise avait de bonnes raisons d'être jugé très positif. Toutefois, est apparue,
de manière simultanée, une nouvelle zone de combats à l'ouest de la Côte
d'Ivoire. Des rebelles, apparemment indépendants de ceux du Nord et appartenant
au clan des partisans de feu le général Gueï, ont pris le contrôle de plusieurs
localités à la frontière du Liberia.
C'est dans ces conditions que les troupes françaises ont procédé, entre samedi
et lundi, à la sécurisation et à l'évacuation des ressortissants français et
étrangers de Man et de Touba.
S'agissant de la défense européenne, je serai plus bref, bien que le sujet
soit considérable. M. Dulait, président de la commission des affaires
étrangères, a eu raison d'insister sur cette question essentielle pour l'avenir
de l'Europe et d'indiquer que ce dossier connaissait des hauts et des bas.
Parmi les succès, citons la contribution commune de la France et de
l'Allemagne à la Convention européenne, ainsi que notre loi de programmation
militaire, qui nous permet d'accroître notre capacité d'intervention.
En dehors des succès, il existe également des limites, c'est vrai, qui
résident surtout dans les difficultés à trouver un accord avec la Turquie pour
permettre, demain, la coopération entre l'OTAN et la future force
d'intervention européenne.
Mais il ne faut pas désespérer. Nous connaissons tous le processus européen,
avec ses allers et retours. Une solution pourrait intervenir assez rapidement,
peut-être au sommet de Copenhague.
En ce qui concerne le terrorisme, Mme Cerisier-ben Guiga et d'autres orateurs
se sont exprimés. Je partage complètement leur point de vue et, par conséquent,
je serai bref.
Je dirai simplement que, sur ce dossier, la France est active à l'égard de ses
partenaires européens. Ainsi, au niveau européen, nous avons adopté le mandat
d'arrêt unique. Nous avons renforcé Europol. Nous avons mis au point un
système beaucoup plus performant d'échange de renseignements et nous avons
établi une liste commune des organisations territoristes interdites.
Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure en ce qui concerne
l'Afrique ; d'autres occasions se présenteront peut-être.
M. Dauge a évoqué un problème ponctuel, à savoir l'écart entre deux chiffres :
celui des prévisions de décaissement qui seraient nécessaires pour l'Agence
française de développement en 2003 - 160 millions d'euros - et celui des
crédits inscrits au projet de budget, qui ne s'éléveraient qu'à 137 millions
d'euros. En réalité, les 160 millions d'euros ne sont qu'une prévision,
laquelle dépend évidemment du rythme de mise en oeuvre effective des projets et
de la situation générale des pays bénéficiaires. L'expérience nous montre qu'il
est peu probable que l'intégralité des projets se réalisera selon le calendrier
prévu. Par conséquent, les 137 millions d'euros de crédits de paiement
devraient suffire. Si, par bonheur, ils ne suffisaient pas, des mesures
seraient prises en cours d'année.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai été plus long
que je ne l'aurais voulu, mais le sujet est immense. Je vous demande de m'en
excuser et je laisse la parole à mon collègue Renaud Muselier.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames,
messieurs les sénateurs, je suis heureux d'être aujourd'hui parmi vous avec
Pierre-André Wiltzer pour proposer à votre approbation le budget des affaires
étrangères.
Je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de la très
grande qualité et de la pertinence de vos interventions, auxquelles je vais
m'employer à répondre avec le plus de précision possible.
Le projet de budget pour 2003 du ministère des affaires étrangères s'élève à 4
113,9 millions d'euros, soit une augmentation de 13,4 % par rapport à la loi de
finances initiale pour 2002.
Nous affichons, en toute sincérité, une forte augmentation de 484 millions
d'euros de nos crédits. Plusieurs dotations, dont les insuffisances ont donné
lieu, les années précédentes, à d'importantes ouvertures de crédits en loi de
finances rectificative ont été remises à niveau. C'est le cas des crédits du
fonds européen de développement - vous l'avez souligné, monsieur Charasse -, ou
des contributions obligatoires.
De ce fait, par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, augmentée des
crédits ouverts en loi de finances rectificative, l'accroissement du budget ne
s'élève qu'à 5,6 %.
Ainsi que l'ont souligné MM. Branger et Chaumont, ce budget ne répond pas
totalement à nos attentes, mais il porte nos ambitions et s'efforce de répondre
à quatre préoccupations : premièrement, redynamiser notre action diplomatique ;
deuxièmement, réaffirmer notre devoir de solidarité internationale, ce dont
Pierre-André Wiltzer vient de vous entretenir ; troisièmement, répondre aux
attentes des Français de l'étranger ; enfin, quatrièmement, contribuer
efficacement à la maîtrise des flux migratoires.
Je vous propose d'examiner d'abord les points que je viens d'indiquer, avant
de répondre aux questions spécifiques sur notre action diplomatique qui m'ont
été posées au cours de ce débat.
La première de nos préoccupations est de redynamiser notre action
diplomatique.
J'évoquerai tout d'abord les moyens de fonctionnement.
Les crédits destinés aux rémunérations, aux missions et au fonctionnement des
services et des postes augmentent de 3,2 %. Ces crédits conditionnent,
notamment, la sécurité de nos postes, que je veux en priorité renforcer. Ainsi,
quinze emplois nouveaux de gendarmes ont été ouverts.
Les crédits de fonctionnement font l'objet, habituellement, d'une régulation
budgétaire importante. A l'avenir, ainsi que le suggèrent la Cour des comptes
et M. Jacques Chaumont, un contrat d'objectifs et de moyens pourrait être
envisagé avec le ministère du budget, comme l'a fait la direction des relations
économiques extérieures, la DREE. Je suis convaincu que l'effort de réflexion
sur nos missions, notre organisation et nos moyens exposé par Pierre-André
Wiltzer débouchera sur une approche contractuelle de ce type.
Nous veillerons également à nos investissements immobiliers. J'ai demandé une
meilleure maîtrise des coûts, la mise à niveau des installations techniques et
de sécurité et l'insertion optimale dans le site. Ces objectifs sont dictés par
trois priorités essentielles : la standardisation, l'unification et la
sécurisation de nos emprises.
Nos crédits en autorisations de programme et en crédits de paiement reculent
en apparence, mais cette baisse sera compensée par d'importants reports de
crédits liés aux rythmes différents d'avancement des programmes de travaux.
J'en viens au réseau diplomatique et consulaire. Ces moyens sont dédiés à un
réseau en constante adaptation. J'ai bien pris note des remarques formulées
notamment MM. Chaumont, Branger, Charasse et de Montesquiou.
Vous le savez - vous l'avez dit, je le répète, mais on ne le dira jamais assez
-, la France dispose du second réseau diplomatique et consulaire après celui
des Etats-Unis. Membre permanent du Conseil de sécurité, elle est présente dans
le monde avec cent cinquante-deux ambassades, vingt et une représentations
permanentes et cent cinq postes consulaires.
La France est puissante et forte de son réseau. Ce réseau est régulièrement
adapté aux évolutions et aux réalités internationales. Des postes sont créés ou
transformés cette année à Kaboul, Gaborone ou Douchanbé.
Pierre-André Wiltzer, évoquant la réforme du ministère et de l'action
extérieure de l'Etat, vous a indiqué qu'une réflexion d'ensemble sur la
cohérence de notre réseau va être engagée, notamment en Europe, toutes
administrations confondues.
Je veillerai tout particulièrement, à cette occasion, comme l'ont fort bien
souligné le président Dulait et M. Branger, à ce que l'ambassadeur voie son
autorité affirmée sur l'ensemble des services de l'Etat à l'étranger, comme le
préfet dans son département.
(Très bien ! sur les travées de l'Union
centriste.)
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Enfin !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Notons que 5 716 agents, contre 3 993 à
l'administration centrale, travaillent au sein du réseau à l'étranger, soit 4
201 dans le réseau diplomatique et consulaire et 1 515 dans le réseau culturel
et de coopération. Par ailleurs, 5 874 agents de recrutement local sont
également employés dans le réseau diplomatique et consulaire et 6 173 dans le
réseau culturel. Le ministère des affaires étrangères s'attache, dans le cadre
d'un plan d'action volontariste, à améliorer la situation sociale du personnel
local.
Pour répondre plus précisément à M. de Montesquiou, comment envisageons-nous
l'évolution du réseau consulaire ?
La France dispose de quatre-vingt-neuf consulats généraux, dont quelques
postes mixtes avec la DREE ou l'action culturelle et de coopération, de dix
consulats et de dix chancelleries détachées et antennes consulaires.
La coopération au sein de l'Union européenne modifie déjà la fonction
consulaire, notamment dans son volet relatif à la protection des personnes. Il
y a évidemment lieu de s'interroger sur le maintien de divers consulats en
Europe, d'autant que des structures d'accueil sont créées - dans les centres
culturels, les alliances françaises ou sous forme d'agences consulaires - et
qu'un consul honoraire est nommé partout où le ministère des affaires
étrangères ferme un poste. Il reste, nous le savons tous, que toute fermeture
de poste consulaire est ressentie défavorablement par la communauté
française.
Plus généralement, la réflexion sur le réseau consulaire portera sur plusieurs
domaines : la fermeture des consulats dans certaines capitales, avec
l'ouverture d'une section consulaire à l'ambassade ; le regroupement
d'activités, telles que les visas - au Maroc, par exemple, les visas étudiants
sont centralisés au consulat général à Casablanca - ; la spécialisation de
certains consulats - ainsi, le consulat général à Bruxelles regroupera, en
2003, l'essentiel de l'activité consulaire, les autres postes consulaires en
Belgique conservant une fonction de relations publiques, travail politique et
presse, et des services de proximité - ; enfin, l'allégement des procédures,
telle que l'harmonisation des frais de visas et la généralisation du réseau
mondial des visas.
Toutes ces mesures sont examinées par le comité de pilotage de la réforme qui
a été installé, voilà quelques semaines, par Dominique de Villepin.
J'en viens maintenant aux contributions obligatoires et volontaires, autre
élément substantiel de notre présence internationale.
La France doit tenir son rang, notamment à l'égard du système des Nations
unies. Cette ambition se traduit par une progression de 11 % des contributions
obligatoires de la France pour le fonctionnement des organisations
internationales et pour le financement des opérations de maintien de la paix.
Ces contributions atteignent désormais 679 millions d'euros, soit 16,5 % des
crédits du ministère.
En revanche, nos contributions volontaires ne représentent plus que la moitié
de ce qu'elles étaient en 1992, alors qu'elles sont à 96 % comptabilisées dans
l'aide publique au développement. Alors qu'elle est le quatrième contributeur
obligatoire au système des Nations unies, la France, toutes administrations
confondues, n'est plus que le douzième contributeur volontaire. La faiblesse de
ces contributions remet désormais gravement en cause notre influence et notre
présence dans ces organisations, Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Branger et
Chaumont l'ont dit avec force et justesse.
Je souligne que nous avons fait le choix, cette année, d'honorer sans à-coup
nos engagements à l'égard du système des Nations unies. Mais il faut que la
France rejoigne rapidement les dix principaux contributeurs aux grandes agences
humanitaires et de développement des Nations unies. Nous avons l'ambition de
vous présenter un budget dans ce sens l'an prochain.
J'en viens aux conférences internationales en 2003. Autre signe de notre
dynamisme international, la France accueillera, en 2003, deux grandes
conférences internationales : le sommet des chefs d'Etat de France et
d'Afrique, à Paris, du 19 au 21 février, et le sommet du G8, à Evian, du 1er au
3 juin. Les crédits destinés aux conférences internationales progressent donc
de 7 millions d'euros, soit 37 % d'augmentation. Des moyens supplémentaires
devront néanmoins être dégagés dès l'an prochain.
Ce budget tend également à répondre aux attentes des Français de l'étranger,
notamment en ce qui concerne la représentation des Français à l'étranger.
M. Robert Del Picchia.
Très bien !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Je dirai un mot, d'abord, sur ce qu'on appelle
désormais la réforme du CSFE, que MM. Durand-Chastel et Del Picchia ont
évoquée. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger a lui-même lancé une
réflexion sur son organisation et son fonctionnement, tant la nécessité d'une
évolution se faisait sentir. Vous le savez, le ministère des affaires
étrangères est prêt à participer à cette réflexion. Cette évolution peut
contribuer, en effet, à l'esprit de réforme et de rénovation de nos méthodes
que Dominique de Villepin veut insuffler à ce ministère.
Je souhaite que le mouvement en faveur d'une plus grande participation des
élus à la gestion des affaires de la cité soit étendu, sous des formes
appropriées, aux Français de l'étranger et à leurs élus.
M. Robert Del Picchia.
Très bien!
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
En tout état de cause, la présence du Premier
ministre, après-demain, à la réunion du CSFE est bien la preuve, mesdames,
messieurs les sénateurs, de l'attention que le Gouvernement porte à cette
institution.
J'en arrive à la sécurité des Français.
La sécurité de nos compatriotes est l'une des priorités du Gouvernement, à
l'étranger comme en France. Je partage à ce sujet l'analyse de MM. Guerry et
Durand-Chastel.
Depuis mai dernier, nous avons dû faire face à plusieurs crises : l'attentat
de Karachi, la rébellion en Côte d'Ivoire, l'attentat contre le pétrolier
Limbourg
, le naufrage du
Joola
, l'attentat de Bali, la tentative
de coup d'Etat en République centrafricaine. Presque toujours, des Français se
trouvaient parmi les victimes. Nous avons réagi rapidement pour assurer la
sécurité du plus grand nombre, entourer les familles des victimes et évacuer
les personnes désemparées.
J'ai salué pour son efficacité la cellule de crise du Quai d'Orsay, qui a su,
en toutes circonstances, apporter des réponses appropriées aux familles
inquiètes. Je rends également hommage à l'action discrète, mais efficace, du
comité d'entraide aux Français rapatriés, qui accueille et réinsère chaque
année un millier de nos concitoyens revenant de l'étranger dans la
précarité.
Face aux nouvelles menaces, il nous faut anticiper davantage et agir vite. Nos
ambassades doivent disposer de moyens plus efficaces, notamment en matière de
communication et d'équipements de protection individuels. Les crédits destinés
à la sécurité de nos compatriotes à l'étranger bénéficient donc d'une
augmentation de l'ordre de 9,3 %. C'est une première étape.
Dans le même temps, nous renforçons notre capacité d'analyse des risques et de
la coopération entre services. Dominique de Villepin a confié cette tâche à un
comité de sécurité interministériel, qui s'est réuni pour la première fois le
23 octobre 2002.
J'aborde maintenant l'action sociale.
Dans un esprit d'équité, il faut réduire l'écart entre la protection sociale
apportée à nos compatriotes en France et à l'étranger. Nous avons obtenu le
dégel intégral des crédits bloqués - soit 2,6 millions d'euros - du chapitre
46-94 qui soutient ces dépenses indispensables.
Par ailleurs, je prends pleinement en compte toutes les préoccupations
exprimées par M. Cantegrit, et je salue à cette occasion l'action qu'il mène à
la tête de la caisse des Français de l'étranger.
L'augmentation de 4,5 % des crédits du fonds d'action sociale inscrits au
budget pour 2003 répond à la croissance continue des besoins sociaux et
médicaux de nos ressortissants les plus démunis. En 2002, 5 750 Français ont
perçu une aide sociale consulaire permanente, dont 3 500 personnes âgées et
près de 1 500 personnes handicapées, soit, au total, une augmentation de la
population assistée de 3 % par rapport à 2001. Le nombre de personnes
rapatriées aux frais de l'Etat a fait un bond de 112 % en cinq ans !
Le montant des allocations a été revalorisé de façon significative, afin de
pallier les conséquences d'un effet change/prix défavorable dans de nombreux
postes.
Dans le même temps, à la suite du rapport de Mme Cerisier-ben Guiga, notre
dispositif d'aide sociale a été adapté aux besoins : développement des aides à
l'enfance, création de fonds de roulement pour l'avance des frais médicaux,
amélioration des aides aux enfants handicapés, création à titre expérimental
d'aides à l'insertion sociale et professionnelle. Des aides financières pour la
formation professionnelle ou la création de micro-entreprises ont été
expérimentées dans quelques consulats. Elles vont être étendues.
Enfin, l'enveloppe des subventions en faveur des sociétés françaises de
bienfaisance a été revalorisée de 13 %. En 2002, près d'une centaine
d'associations ont bénéficié d'une aide du département.
Parallèlement, nous menons une politique sociale plus active suivant trois
axes : d'abord, l'évaluation équitable du montant des allocations servies aux
personnes âgées et handicapées, avec la prise en compte plus juste du coût de
la vie dans chaque pays ; ensuite, le développement des aides à la réinsertion
de nos compatriotes en difficulté ; enfin, plus d'autonomie des postes
consulaires dans la gestion de leurs aides sociales.
En ce qui concerne les retraités français des caisses africaines de sécurité
sociale, MM. Del Picchia et Cantegrit l'ont dit, les intéressés rencontrent
souvent des difficultés pour percevoir les pensions de retraite qui leurs sont
dues par les caisses locales.
Nous intervenons, souvent en relais de vos propres démarches, messieurs les
sénateurs, auprès des caisses africaines en négociant le transfert en France
des cotisations versées localement. C'est ce qu'on appelle le droit d'option,
il existe avec le Mali et la Côte d'Ivoire et il vient d'être négocié avec le
Gabon ; il améliore sensiblement la situation des Français titulaires d'une
pension africaine.
La question a été en partie réglée à Djibouti par l'utilisation de subventions
d'ajustement structurelles de 1994 et 1997 pour payer les arriérés dus par
l'Office de protection sociale.
La situation reste préoccupante au Cameroun, au Niger et au Congo et, dans une
moindre mesure, au Tchad et en Centrafrique. Nous négocierons le droit d'option
dès que possible.
Il reste que la meilleure garantie de nos compatriotes contre des défaillances
de régimes étrangers de sécurité sociale est proposée par le système français
de protection sociale sous la forme d'une adhésion à l'assurance volontaire
vieillesse de la caisse des Français de l'étranger.
En dernier recours, nos compatriotes titulaires de pensions étrangères peuvent
bénéficier, sous conditions de ressources, du minimum vieillesse s'ils résident
en France et d'une allocation de solidarité différentielle s'ils vivent à
l'étranger.
Mmes Pourtaud et Brisepierre, MM. Chaumont, Del Picchia, Durand-Chastel et
Guerry, notamment, ont exprimé les préoccupations de la représentation
nationale, des Français de l'étranger et des enseignants quant à l'avenir de
l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Madame Cerisier-ben Guiga, vous avez relayé avec force ces inquiétudes et vous
vous êtes fait le porte-parole de l'ensemble de la commission des affaires
étrangères. Le Gouvernement est particulièrement sensible à cette question et
il s'emploie à apporter à ce problème une solution de fond.
Le réseau de l'enseignement français à l'étranger, qui scolarise chaque année
près de mille enfants français supplémentaires, doit être préservé, et il
convient de mener une réflexion sereine sur ses missions.
L'AEFE doit assumer pleinement sa mission de service public éducatif rendu à
nos enfants à l'étranger et sa vocation de formation des élites tournées vers
la France. Or nous avons trouvé, en prenant nos fonctions, une agence au bord
de l'asphyxie financière, alors même que les enseignements dispensés sont de
grande qualité.
Que proposons-nous ?
La réforme engagée du statut du personnel enseignant expatrié doit être menée
à son terme. Le lien avec l'éducation nationale doit être raffermi, car cet
ancrage est le garant de la qualité des enseignements. Il n'est pas exclu, même
si je ne puis à ce stade l'affirmer, que l'éducation nationale soit appelée, en
2003, à contribuer au financement des bourses attribuées aux enfants des
familles françaises nécessiteuses. Voilà l'amorce d'une réponse à M. Jacques
Chaumont et ceux qui suggèrentl'élargissement du périmètre de financement de
l'agence.
M. Guy Penne.
On peut toujours rêver !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
De même, le maillage du réseau doit être examiné en
prenant en compte les deux missions que je viens de rappeler. Nous n'avons pas
vocation à nous substituer aux systèmes éducatifs nationaux ; nous ne devons
pas nous maintenir là où nos établissements sont le legs de situations
révolues.
Là où c'est justifié, nous ménagerons des financements transitoires et
recourrons à des opérateurs reconnus, tels que la mission laïque, qui scolarise
déjà vingt mille élèves dans soixante-huit établissements. Nous nous
appuierons, bien sûr, sur les associations de parents d'élèves - je salue, à ce
titre, l'engagement personnel, bénévole et précieux des membres de leurs
bureaux - pour adapter sans heurts le réseau.
Il est évident qu'un tel plan - que nous sommes déterminés à mettre en oeuvre
- ne peut être lancé dans la précipitation et sans concertation. Nous avons
obtenu un aménagement de la mesure d'économie de 6,4 millions d'euros que
prévoit le projet de loi de finances. Les 4 millions d'euros obtenus en loi de
finances rectificative vont permettre de limiter la portée effective des
économie à 2,4 millions d'euros seulement. Nous savons que l'Agence est bien
gérée : un très récent rapport de la Cour des comptes vient de le confirmer.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Alors là, c'est bien ! (Sourires)
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Nous savons que l'Agence a fait des gains de
productivité substantiels puisque, avec des effectifs en légère déminution
depuis quelques années, elle accueille plus d'élèves, des enfants français
notamment.
A la demande du ministre des affaires étrangères, la direction de l'Agence et
sa tutelle vont proposer un plan stratégique d'adaptation du réseau qui se
traduira non pas par des suppressions d'emplois, mais pas leur redéploiement là
où notre présence éducative se justifie le plus. De même, lorsque nos
établissements assument prioritairement une mission d'aide au développement,
nous proposerons que les crédits de l'aide publique au développement prennent
en tout ou partie le relais des financements de l'Agence. Ce pourrait être la
préfiguration du contrat d'objectifs et de moyens que M. Jacques Chaumont
propose pour tirer l'Agence du mauvais pas où elle se trouve.
Je voudrais à cet égard rassurer Mme Danièle Pourtaud : nous limiterons le
recours à l'augmentation des droits d'écolage aux seules zones où le revenu
moyen de nos concitoyens le permet effectivement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'aimerais que vous soyez convaincus
qu'avec l'appui de M. le Premier ministre nous avons transformé une mesure
aveugle d'économie en une démarche concertée d'adaptation du réseau de
l'Agence. Il n'est pas question - je l'affirme avec la plus grande conviction -
de sacrifier l'un des outils les plus pertinents et les plus efficaces de
l'influence et du rayonnement de la culture française dans le monde.
Je voudrais enfin évoquer la contribution du ministère des affaires étrangères
à la maîtrise des flux migratoires.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Ah !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
S'agissant des visas, nos consulats sont les premiers
acteurs de la maîtrise des flux migratoires. L'examen des demandes de visas ne
se limite toutefois pas à la seule mission de contrôle d'accès au territoire :
soyez convaincus que cet examen a également pour but de faciliter la venue en
France de ceux qui contribuent à la vitalité de nos échanges et de nos
relations bilatérales. Les visas font pleinement partie de notre politique
étrangère.
Les interrogations de MM. Chaumont et Branger sur l'insuffisance des moyens
alloués à la fonction consulaire montrent combien vos rapporteurs sont
conscients de son importance au sein de notre politique extérieure. Je voudrais
souligner, à cet égard, que l'un des six chantiers ouverts par le comité de
pilotage de la réforme du ministère est la revalorisation des métiers
consulaires.
Les visas de moins de trois mois représentent 80 % du total des visas
délivrés. Ils sont harmonisés dans le cadre des accords de Schengen. Dans ce
domaine, la compétence nationale appartient au passé. Nos efforts communs,
engagés lors du Conseil européen de Séville, sont également tournés vers le
renforcement des mesures de sécurité liées aux menaces terroristes. A cet
égard, nous comptons organiser rapidement avec le ministère de l'intérieur un
partage de l'information sur les visas délivrés afin que ces derniers ne
deviennent pas un moyen détourné d'immigration définitive.
Ce partage de l'information va permettre également de renforcer la lutte
contre la falsification des documents d'identité. Nous travaillons sur ce
point, en liaison avec la Commission européenne, à l'établissement de documents
de voyage comportant des informations biométriques d'identification des
personnes.
Notre réseau consulaire, c'est-à-dire 216 postes dans le monde, a enregistré
près de 3 millions de demandes en 2001 et quelque 2,1 millions de visas ont été
délivrés. La France est le pays de l'Union européenne qui reçoit, de loin, le
plus de demandes.
Une douzaine de pays représentent à eux seuls près de la moitié des visas
délivrés, au premier rang desquels on trouve l'Algérie, la Russie et le
Maroc.
Cette activité mobilise des moyens humains et matériels importants. L'effectif
total affecté à l'étranger représente 650 personnes, parmi lesquelles 236
expatriés et 316 recrutés locaux. Ce personnel est régulièrement formé.
J'évalue le déficit actuel des effectifs dans ces services à quelque 80 agents
: c'est une urgence à laquelle il faudra faire face sans tarder.
L'adaptation des locaux aux volumes d'activité et aux contraintes de sécurité,
notamment en Afrique et en Chine, est également une nécessité. Le déploiement
des moyens informatiques se poursuit ; l'ensemble du système sera équipé de la
nouvelle version du « réseau mondial des visas » d'ici à juillet 2003.
La solution aux difficultés que rencontre le ministère dans le financement de
cette activité stratégique réside sans doute dans l'extension du principe du
paiement des services rendus. Au 1er janvier 2003, toutes les demandes de visas
seront payantes, conformément aux règles communautaires. J'ai demandé que l'on
étudie également les modalités du paiement des actes délivrés par le service
central de l'état civil à Nantes et vous présenterai sans doute un projet en ce
sens.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Je terminerai cet exposé par la réforme du droit
d'asile, dont Dominique de Villepin a annoncé les grandes lignes le 25
septembre dernier.
Jacques Chaumont a réclamé plus de cohérence dans le dispositif de l'asile ;
nous nous y employons.
La demande d'asile a triplé en trois ans en France. Notre pays est l'un des
premiers pays d'accueil en Europe. Or l'allongement des délais de traitement
des dossiers et le cumul des procédures ont détourné l'asile de son objet
initial de protection, le transformant en vecteur d'immigration irrégulière. Il
faut mettre un terme à ces dysfonctionnements.
La réforme doit permettre de raccourcir les délais d'instruction à deux mois
maximum pour mettre fin aux maintiens injustifiés sur notre territoire. Elle
repose sur un guichet unique, l'OFPRA, une procédure unique et un recours
unique. La condition sociale des réfugiés va s'en trouver améliorée.
Le corollaire indispensable de cette réforme est la reconduite effective dans
leur pays d'origine des étrangers déboutés du droit d'asile. Le ministère des
affaires étrangères, dans le respect des conventions internationales et, le cas
échéant, des accords passés avec les Etats d'origine, coopérera avec le
ministère de l'intérieur afin que l'asile ne devienne pas un moyen détourné
d'immigration irrégulière.
M. Jean-Guy Branger,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les affaires étrangères.
Très bien !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement soumettra ce projet de loi au
Parlement au début du printemps 2003.
D'ici au 1er janvier 2004, le stock considérable de dossiers en attente va
être résorbé et la gestion de l'OFPRA dynamisée pour améliorer sa productivité.
Un contrat d'objectifs et de moyens avec sa tutelle concrétisera ces efforts de
modernisation.
Les crédits ouverts pour l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés
augmentent donc de 24,6 % dans le projet de loi de finances pour 2003. A ces
moyens supplémentaires s'ajoutent 6 millions d'euros obtenus dans le collectif
budgétaire de la fin de l'année 2002. Ces moyens permettront de recruter
quelque 180 agents supplémentaires et d'installer l'Office dans des locaux
mieux adaptés à sa mission.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales orientations
de ce premier budget, qui traduit déjà clairement nos ambitions de rayonnement,
de solidarité et d'influence pour la France dans le monde.
J'en viens maintenant aux réponses que je souhaite apporter aux questions qui
m'ont été posées sur certains aspects de notre activité diplomatique.
Permettez-moi de dire à M. Penne que le sourire, l'humour et la détermination
sont des atouts qui renforcent mon travail.
En ce qui concerne la coopération franco-allemande, je peux vous assurer,
monsieur Hoeffel, que le moteur franco-allemand tourne aujourd'hui « à plein
régime ».
J'en veux pour preuve l'accord trouvé entre le Président de la République et
le Chancelier, le 24 octobre dernier, en marge du Conseil européen de
Bruxelles, sur le financement de la politique agricole commune. La France et
l'Allemagne ont ainsi ouvert la voie de la conclusion, lors du Conseil européen
de Copenhague, de l'élargissement de l'Union européenne.
Les ministres français et allemand des affaires étrangères, aujourd'hui
membres de la Convention, ont déjà transmis à cette dernière deux contributions
communes, l'une sur la défense, l'autre sur la justice et les affaires
intérieures. Ces réalisations augurent bien du nouvel élan que nous entendons
donner à la coopération franco-allemande dans le cadre du quarantième
anniversaire du traité de l'Elysée.
A cette occasion se réunira une session commune de l'Assemblée nationale et du
Bundestag à Versailles, devant laquelle le Président de la République et le
Chancelier devraient exprimer leur vision commune de nos deux pays avançant
ensemble pour l'Europe.
En tant qu'élu du Sud, je suis très attentif, pour ma part, à la politique
euroméditerranéenne. Si je suis convaincu que l'Europe réussit et réussira, je
sais aussi qu'elle doit se doter d'une véritable politique euroméditerranéenne.
Nous devons tendre la main aux peuples du bassin méditerranéen, autour de cette
mer Méditerranée appelée
mare nostrum. (Applaudissements.)
M. Robert Del Picchia.
Très bien !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
S'agissant de votre question sur la charte européenne
de l'autonomie locale, élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe pour
renforcer le principe de la démocratie locale, je vous confirme que, ouverte à
la signature en 1985 et entrée en vigueur en 1988, cette convention n'a pas pu
être ratifiée par notre pays. Le Conseil d'Etat a en effet émis, le 5 décembre
1991, un avis négatif sur le projet de loi autorisant sa ratification. Il reste
que la France applique déjà la plupart des dispositions prévues dans ce texte
dans le cadre des lois de décentralisation et qu'un réexamen de cette question
pourrait être envisagé à l'avenir.
S'agissant de la situation au Proche-Orient, évoquée en particulier par Mme
Bidard-Reydet, permettez-moi de vous indiquer que la crise qui secoue
aujourd'hui cette région doit être au coeur des préoccupations de la communauté
internationale et mobiliser toutes nos énergies.
Sur le plan politique, tout paraît bloqué et nous sommes revenus à une
situation bien pire qu'avant le processus d'Oslo. L'angoisse d'un côté, le
sentiment d'injustice de l'autre, rendent les deux gouvernements incapables de
se projeter dans l'avenir.
La communauté internationale doit donc se mobiliser davantage : les
propositions de règlement discutées au sein du Quartet - Union européenne,
Etats-Unis, ONU, Russie - sont bonnes. Il faut que la feuille de route vers le
règlement du conflit discutée par le Quartet soit adoptée vers le 20
décembre.
Il faut cependant faire preuve de plus d'audace, parce que la crise irakienne
rend plus que jamais indispensable le règlement du conflit israélo-arabe. Il ne
doit pas y avoir deux poids, deux mesures au Moyen-Orient. En effet, seule une
intervention extérieure forte peut amener Israéliens et Palestiniens à se
diriger vers la coexistence dans la paix et la sécurité. La crise
israélo-palestinienne est en outre emblématique des frustrations et des
injustices du monde. En apportant une solution durable à cette crise, nous
supprimerons un foyer essentiel d'instabilité dans le monde.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est vrai !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
S'agissant précisément de la situation en Irak, sur
laquelle MM. Dulait, Mathieu et Vallet ont attiré mon attention, la diplomatie
française joue un rôle central depuis plus de deux mois : les objectifs de
légitimité, d'efficacité et d'unité de la communauté internationale que la
France s'était fixés ont prévalu. La résolution 1441, adoptée le 8 novembre
2002, respecte les prérogatives du Conseil de sécurité et entérine notre
démarche en deux temps : l'automaticité du recours à la force ne figure pas
dans la résolution et ce texte affirme clairement la détermination de la
communauté internationale d'obtenir le respect par l'Irak de ses obligations en
matière de désarmement. Il a été voté à l'unanimité des membres du Conseil.
L'Irak a accepté la résolution 1441 et coopère : les inspections ont repris le
27 novembre dernier et se passent bien jusqu'à présent.
Je précise qu'une intense mobilisation a permis ce résultat. Nous avons
mobilisé notre réseau diplomatique auprès de nos partenaires du P5, des membres
non permanents du Conseil et des pays arabes.
Pour l'avenir, la France entend continuer à jouer tout son rôle pour que la
résolution soit mise en oeuvre. Elle doit pouvoir, notamment, affirmer
pleinement sa présence dans les missions d'inspection. En termes de personnel,
nous sommes le second contributeur à la mission d'inspection des Nations unies,
après les Américains.
Enfin, s'agissant des zones de non-survol en Irak, que vous avez évoquées,
monsieur Dulait, notre position n'a pas changé. Notre priorité aujourd'hui est
la mise en oeuvre de la résolution 1441, qui prévoit qu'il appartient aux seuls
inspecteurs de faire rapport au Conseil de sécurité en cas de manquement par
l'Irak à ses obligations en matière de désarmement.
La France a par ailleurs fait valoir dernièrement que, dans la période
actuelle, tout acte de la part de l'Irak susceptible d'aggraver la tension
devrait être évité. Nous appelons l'Irak à assumer pleinement le choix de la
coopération.
Permettez-moi de vous dire que la lutte contre le terrorisme ne souffre aucune
faiblesse ni aucune complaisance. Nous devons continuer à faire preuve de la
même détermination dans le combat que nous menons contre les organisations
terroristes.
Monsieur Dulait, vous m'avez enfin interrogé sur la mission
Amber Fox
.
L'OTAN a décidé de mettre fin à cette mission en Macédoine le 15 décembre
prochain. Une présence militaire intérimaire sera néanmoins maintenue. L'OTAN
procédera à l'examen de cette présence en février 2003, à la lumière des
décisions prises par l'Union européenne. Par conséquent, l'option d'une relève
par l'Union reste ouverte, conformément aux conclusions du Conseil européen de
Bruxelles.
Il reste à finaliser les engagements entre l'Union européenne et l'OTAN sur la
mise à disposition des moyens de l'Alliance pour une opération de l'Union. Les
négociations à ce sujet se poursuivent sous l'égide du haut représentant, M.
Javier Solana. Elles doivent respecter des lignes claires : le respect de
l'autonomie de décision de l'Union européenne et la non-discrimination entre
les membres de l'Union. C'est à l'aune de ces principes que nous examinerons
les propositions qui nous seront faites, notamment dans la perspective du
sommet de Copenhague.
Madame Bidard-Reydet, s'agissant de la Tchétchénie, la position française
prend en compte la condamnation du terrorisme sous toutes ses formes, le
respect de l'intégrité des frontières, y compris celles de la Russie, la
vigilance sur les droits de l'homme - je rappelle la dernière démarche de
l'Union européenne en la matière le 26 novembre, à Moscou - ainsi que la
conviction qu'il n'y a pas d'autres solutions à ce conflit que politiques.
Cette position a été rappelée à nos interlocuteurs russes à tous les niveaux,
dans le cadre tant des relations bilatérales lors du conseil franco-russe de
coopération sur les questions de sécurité que du dialogue entre l'Union
européenne et la Russie.
Monsieur Mathieu, vous m'avez interrogé sur l'Albanie, territoire que
j'affectionne tout particulièrement.
J'ai pu constater, au cours d'un très récent déplacement, les efforts que les
autorités albanaises ont accomplis pour contribuer à la stabilité et au
développement de la région. Vous pouvez être assuré de l'attention que je
porterai au suivi des projets de coopération entre la France et l'Albanie. Je
tiens à cet égard à souligner à quel point ce pays a pu changer en moins de
cinq ans.
Mesdames, messieurs les sénataeurs, je veux vous dire combien je suis honoré
de contribuer, depuis six mois, auprès de M. le Président de la République, de
M. Dominique de Villepin, de Mme Brigitte Girardin ainsi que de M. Pierre-André
Wiltzer, à démultiplier la voix et l'action de la France à travers le monde.
Que ce soit en Amérique latine, dans le sud du Caucase, en Asie centrale ou
bien encore en Asie du Sud-Est, la France est sollicitée plus que jamais et
nous devons être à la hauteur de ce défi.
Porteur d'une ambition pour l'Europe comme pour le monde, M. le Président de
la République, par son autorité et par sa vision des grands enjeux de notre
temps, a défini une politique étrangère d'action et de mouvement. Cette
politique exige de nous un engagement plein et entier auquel je suis fier de
participer, et je sais pouvoir compter sur votre soutien, notamment ce soir,
mesdames, messieurs les sénateurs.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant les affaires étrangères.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 38 847 933 euros. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur les crédits du titre III.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je voudrais vous interroger, monsieur le ministre délégué, monsieur le
secrétaire d'Etat, sur la situation de certains personnels travaillant sous la
responsabilité du ministère des affaires étrangères.
Mon intervention s'inscrit dans le débat budgétaire, puisque nous examinons,
avec le titre III, les crédits de personnels.
Ma remarque porte sur deux catégories de personnels : les premiers travaillent
à la maison-mère, les seconds en tant que personnels locaux de nos ambassades
et de nos consulats.
Je vous interrogerai tout d'abord sur la situation des conducteurs du
ministère des affaires étrangères.
Dans ce projet de budget, la suppression de dix emplois de conducteur a été
inscrite, sur un total de quatre-vingt-un.
Après la suppression de neuf cent cinquante-sept emplois au ministère entre
1991 et 2002, puis après une période de relative stabilité avec une diminution
de neuf emplois en trois ans, une nouvelle diminution de cinquante-sept emplois
est inscrite au budget que vous présentez. Or ces réductions ne semblent pas
justifiées, bien au contraire, puisque des recrutements paraissent
nécessaires.
La création d'un secrétariat d'Etat supplémentaire et la réorganisation du
service induisant le recrutement immédiat de cinq agents conducteurs, je
souhaiterais que vous m'expliquiez les raisons pour lesquelles ces cinq
créations de postes n'interviennent pas.
Des difficultés surviennent concernant les primes, dans le cadre de la réforme
indemnitaire. Pour les nominations à l'étranger, les personnels demandent le
maintien des possibilités de travailler comme agent polyvalent. Des problèmes
se posent d'ailleurs dans l'élaboration du règlement intérieur.
Comment envisagez-vous de régler les questions du nombre, de la qualité et de
la nature des emplois des personnels dont le ministère a besoin ? Pouvez-vous
prendre l'engagement d'entamer des négociations entre le ministère et les
organisations syndicales ? Je rappelle qu'hier près de 70 % des conducteurs du
ministère étaient en grève.
Cette situation, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat,
ne sert pas le prestige d'un ministère aussi digne et représentatif que celui
des affaires étrangères, qui, pour rayonner, a également besoin de régler ses
affaires intérieures.
Je veux évoquer la situation, mieux connue, des personnels locaux recrutés à
l'étranger, et ce pour deux raisons.
D'une part, pour 2003, le nombre de ces agents nommés sur des contrats de
droit privé par les services de l'Etat à l'étranger s'élève à 9 500.
La base légale d'un tel recrutement existe ; c'est, je vous le rappelle,
l'article 34 de la loi du 12 avril 2000, qui précise que les services de l'Etat
peuvent, dans le respect des conventions internationales du travail, faire
appel à des personnels contractuels recrutés sur place sur la base de contrats
de travail soumis au droit local, pour exercer des fonctions concourant au
fonctionnement desdits services. Je ne conteste donc nullement la légalité d'un
tel recrutement.
Mais, d'autre part, vous l'avez évoqué tout à l'heure, ce même article précise
que « dans le délai d'un an suivant la publication de la loi, et après
consultation des organisations syndicales, le Gouvernement présentera au
Parlement un rapport portant sur l'évaluation globale du statut social de
l'ensemble des personnels sous contrat travaillant à l'étranger ».
En effet, si l'embauche est légale, le statut social est loin d'être
satisfaisant. La protection sociale n'est pas garantie : des contrats de droit
public sont déqualifiés ; les rémunérations chutent et un agent, après vingt
ans de service, émarge à 1 200 euros par mois ; des contrats ne sont pas
renouvelés sans motif véritable ; il subsiste des contrats discriminatoires
dits « maisons » ; les indemnités de fin d'activité sont loin d'être versées ;
enfin, les recrutés locaux sont exclus de la loi de résorption de la
précarité.
Le rapport de la Cour des comptes de 1999 dénonçait « un flou dans le
recrutement des personnels de statut précaire...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Il y a les bons et les mauvais rapports de la Cour
des comptes !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
... occupant indûment des emplois permanents au Gabon et au Mali ».
Pourquoi le rapport prévu par la loi est-il publié avec retard, avec des
études sommaires ne permettant pas d'apprécier le véritable statut social,
parfois de misère, de certains personnels ?
Quelles mesures envisagez-vous de prendre afin de redéfinir et d'améliorer ce
statut social et pour que le rapport annuel soit publié dans les temps, avec
des études plus réalistes ?
Telles sont les questions sur lesquelles j'aimerais que vous nous répondiez,
monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, dans l'intérêt du
ministère des affaires étrangères.
M. le président.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David.
Mon intervention portera sur la francophonie et sur les quelques points qui me
semblent être en contradiction avec votre volonté, monsieur le ministre
délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, de la promouvoir.
Le premier point concerne la situation budgétaire précaire de l'AEFE. Pour
2003, les subventions enregistrent, il est vrai, une augmentation de 7,7 %.
Cependant, le nombre des élèves ne cesse d'augmenter - ils étaient 158 055 en
2000, contre 158 250 aujourd'hui -, de même que celui des boursiers et que la
rémunération des personnels enseignants.
Pour compenser l'augmentation de la rémunération des résidents, le
Gouvernement propose de diminuer le nombre d'enseignants expatriés, mais cela
n'est pas cohérent avec la nécessité de promouvoir notre langue.
Par ailleurs, le Gouvernement prévoit de réduire, dans le même temps, les
crédits à hauteur de 6,4 millions d'euros, au titre d'une « rationalisation du
réseau de l'AEFE », rationalisation qui concerne les effectifs et les moyens.
Le risque est la fermeture de plusieurs établissements à la rentrée prochaine,
ce qui va à l'encontre, encore une fois, de l'objectif affiché du Gouvernement
de promouvoir la francophonie.
En outre, l'augmentation des frais de scolarité, qui sont déjà excessifs, peut
exclure de nombreuses familles françaises résidant à l'étranger. C'est alors le
principe même de l'égalité d'accès pour tous les Français à l'école gratuite
qui est mis à mal. Cela pénalise également les enfants nationaux.
Enfin, bien qu'en augmentation, le budget reste insuffisant et révèle une
diminution du fonds de roulement, comme Mme Cerisier-ben Guiga l'a bien
expliqué tout à l'heure.
Le deuxième point concerne la place de la langue française dans la communauté
internationale. Les non-anglophones se voient aujourd'hui contraints de choisir
entre des publications dans leur langue destinées à un public restreint ou en
anglais visant la communauté mondiale. Il en résulte que, à valeur scientifique
égale, un anglophone a plus de chances d'être publié qu'un non-anglophone. La
plupart des chercheurs finissent donc par publier en anglais, ne serait-ce que
pour favoriser l'avancement de leur carrière.
Pour maintenir la place de la langue française, le Gouvernement se doit de
soutenir, d'une part, la presse écrite francophone, afin de permettre aux
scientifiques et aux universitaires de publier en dehors des circuits
anglophones et, d'autre part, d'exiger des pays anglophones, qu'ils forment des
scientifiques capables de maîtriser au moins une langue étrangère. A cet égard,
monsieur le ministre, j'ai pris bonne note de votre proposition d'une charte
pour la diversité des langues, qui est effectivement intéressante.
La domination linguistique de l'anglais s'étend aujourd'hui au domaine
industriel et aux brevets. J'attire d'ailleurs l'attention du Gouvernement sur
les conséquences de la ratification du protocole de Londres. Ce dispositif vise
à supprimer la traduction des brevets d'invention, alors que, auparavant, le
système des brevets européens permettait que le brevet délivré soit
intégralement traduit dans une langue nationale.
Le protocole supprime cette exigence : il permet que le brevet européen
produise ses effets à partir du seul texte de délivrance - actuellement, 75 %
des brevets sont rédigés en anglais, 18 % en allemand et 7 % en français -
afin, officiellement, d'abaisser les coûts des brevets et de combler le retard
français. Or ce retard français ne tient pas à un problème de coût, le brevet
français étant déjà deux fois moins cher que ceux des autres grands pays et le
coût du brevet européen étant le même pour tous. Ce protocole stimulera les
dépôts de brevets américains et japonais, déjà très nombreux. En outre, les PME
et PMI, peu dynamiques en matière de brevets, seront handicapées par les
problèmes que pose la traduction. Ce protocole ne servira qu'à asseoir et à
étendre la domination de l'anglais comme langue commune, notamment dans le
domaine industriel.
Le troisième et dernier point concerne la culture, notamment le théâtre, le
cinéma et l'audiovisuel.
J'aimerais rappeler à M. le ministre délégué à la coopération et à la
francophonie qu'il a exprimé le souhait que soient noués des « partenariats
durables avec des artistes ou des organismes culturels étrangers ». Là aussi,
je constate une incohérence entre les souhaits et la réalité des financements :
le théâtre-action, qui a pour objet d'accueillir plusieurs artistes de tous les
continents, ne bénéficie d'aucune aide ou presque du ministère, et les
cinématographies française et européenne sont insuffisamment soutenues à
l'étranger.
Certes, l'écart entre les cinémas français et américain, en termes d'audience,
s'est réduit, mais cela est principalement dû au succès ponctuel de quelques
films français. Le problème de fond existe toujours : le cinéma français
s'exporte beaucoup moins que le cinéma américain et que certaines
cinématographies étrangères. En effet, le cinéma de l'ensemble de la
francophonie est condamné à rester dans ses frontières, faute de moyens. Cela
est vrai pour le cinéma, mais aussi pour les programmes de télévision.
La France possède un patrimoine culturel solide, encore bien diffusé, et la
voici dominée sur son propre marché.
M. le président.
Veuillez conclure, madame David.
Mme Annie David.
Je conclus, monsieur le président.
J'aurais aimé voir apparaître dans le projet de budget, monsieur le ministre,
les décisions concrètes que le Gouvernement compte prendre pour faciliter
l'insertion internationale du cinéma et de l'audiovisuel français, vecteurs de
la culture et de la langue françaises, et contribuer ainsi à promouvoir la
francophonie et les valeurs de notre République.
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Guy Penne.
Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Hélène Luc.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 176 022 024 euros. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur les crédits du titre IV.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
La représentation nationale ne peut que relever avec intérêt, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, votre volonté de renforcer l'influence
de la France dans les institutions internationales, notamment par une
augmentation de nos contributions obligatoires cette année et volontaires dans
la loi de finances de 2004.
A ce titre, j'espère que les évaluations en cours concluront à l'intérêt de
renforcer notre collaboration avec le fonds des Nations unies pour les
activités en matière de population, le FNUAP, qui fait sur le terrain, depuis
sa création en 1969, un travail magnifique, et avec lequel la France entretient
d'ailleurs, me semble-t-il, d'excellentes relations.
Au surplus, ce renforcement aurait l'avantage de s'inscrire en faux contre
l'attitude de l'administration Bush, laquelle n'a de cesse, depuis deux ans, de
contrecarrer la mise en oeuvre, par le FNUAP au premier chef, du programme,
adopté en 1994 au Caire, en faveur de la santé et donc de la condition des
femmes du monde entier.
Je rappelle que ce programme d'action a pour objet de réduire, d'ici à 2015,
la mortalité maternelle et l'incidence du sida, et d'étendre l'accès à
l'éducation primaire à toutes les filles et à tous les garçons.
Je n'ignore pas que lorsque le président américain a décidé, en juillet
dernier, de supprimer la contribution de Washington au FNUAP, le Quai d'Orsay a
publiquement affiché son soutien à ce dernier et approuvé le renforcement, en
retour, de la contribution de l'Union européenne. Mais aujourd'hui, il nous
semble qu'il faut aller plus loin, car la situation est infiniment plus
grave.
En effet, l'administration Bush en est arrivée, sous le prétexte fallacieux de
faire la chasse aux avortements, à demander que l'on vide carrément de sa
substance le programme du Caire, faute de quoi elle lui retirerait son soutien.
Et l'on peut facilement imaginer qu'il ne lui serait pas difficile de faire des
émules, tant sont nombreux, dans le monde, les pays qui n'ont pas encore
compris qu'il n'y aurait pas de recul de la pauvreté tant que les droits des
femmes ne seraient pas respectés.
Monsieur le ministre, la cinquième conférence Asie-Pacifique sur la population
se réunira du 11 au 17 décembre prochains à Bangkok. Ce sera la première sur la
route qui nous ramènera au Caire, dix ans après : elle donnera le ton. La
France y participera et elle aura donc la possibilité de s'opposer, comme elle
l'a fait avec succès à Johannesburg, aux prétentions des adversaires des droits
des femmes. Si la France et l'Union européenne ne se dressaient pas contre
l'attitude américaine, elles favoriseraient un véritable retour en arrière au
regard de tous les progrès réalisés depuis 1994, quant aux droits et au statut
des femmes dans les pays en voie de développement.
« Contrairement à ce qu'affirment les Etats-Unis, le FNUAP ne préconise pas
l'avortement ; il agit pour éviter le recours à l'interruption volontaire de
grossesse, qui est toujours traumatisante pour les femmes », déclare avec force
Mme Fama Hane-Ba, responsable de la division africaine au FNUAP.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ma question sera simple :
donnerez-vous à la délégation française à la conférence de Bangkok les
instructions nécessaires ? Manifesterez-vous, ne serait-ce qu'à titre
symbolique, votre solidarité et celle de notre pays avec le FNUAP, en
augmentant dès 2002, par le biais du collectif budgétaire, la contribution de
la France à ce fonds ?
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° II-64, présenté par MM. Arthuis, Marini, Charasse et Chaumont,
au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 2 000 000 euros. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les conditions
économiques dans lesquelles s'inscrit le projet de loi de finances pour 2003
ont évolué depuis la détermination des principales masses budgétaires, l'été
dernier. Comme vous le savez, nous avons été informés ici même, voilà une
semaine, de quelques modifications significatives dans la détermination des
recettes de l'Etat, avec une baisse prévisionnelle de 700 millions d'euros du
produit de la fiscalité.
Dans ces conditions, la commission des finances du Sénat, qui a souhaité, par
ailleurs, contribuer à l'équilibre de la loi de finances en apportant des idées
de recettes fiscales supplémentaires qui ont été approuvées par notre
assemblée, et dans le souci de ne pas laisser se creuser les déficits, avec
toutes les conséquences que cela représente, attache beaucoup d'importance à ce
que les différents départements ministériels prennent dès maintenant une part
raisonnable à l'effort commun. Nous pensons que, au moment où les recettes se
contractent, il n'est pas concevable que les différents départements
ministériels ne réalisent pas quelques efforts sur leurs propres crédits, alors
que la loi de finances s'élabore définitivement.
Chacun sait ici, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, que le déroulement budgétaire de l'année 2003 dépendra des
conditions économiques. Au vu de ce qui est prévisible aujourd'hui, quelques
techniques de régulation en cours d'année ou de modération dans les taux de
consommation des crédits devront sans doute être utilisées. L'exercice auquel
les deux rapporteurs spéciaux, MM. Michel Charasse et Jacques Chaumont, se sont
livrés, comme tous les autres rapporteurs spéciaux, a consisté à rechercher
dans ce budget, comme dans tous les autres, quelques points bien identifiés sur
lesquels un effort peut être consenti.
Bien entendu, nous ne saurions négliger tout ce qui a déja été prévu dans ce
projet de budget en vue d'une rationalisation, d'un meilleur emploi des crédits
publics, de réformes de structures dont MM. Pierre-André Wiltzer et Renaud
Muselier nous ont donné de nombreux exemples.
Par notre contribution, nous souhaitons en quelque sorte les aider dans cette
démarche de réforme. A la suite de la Cour des comptes, nous avons considéré
que deux lignes pouvaient faire l'objet d'une réduction dont le montant nous
semble raisonnable.
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas sérieux de présenter des amendements comme celui-là !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vous en prie, chère collègue, il ne faut point
nier la réalité !
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas sérieux !
M. Guy Penne.
M. le rapporteur général est assez sérieux pour savoir qu'il n'est pas sérieux
!
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous estimons, à cette heure avancée de la nuit,
qu'il faut examiner les chapitres 42-14 et 42-15.
Sur le chapitre 42-14, qui concerne les missions d'expertise de courte durée
menées par le ministère, nous avons observé que quelques efforts pouvaient être
réalisés s'agissant du nombre d'experts et des missions ou de la durée moyenne
de celles-ci. Vous trouverez dans l'objet de l'amendement un certain nombre
d'exemples à cet égard. Il est clair que tout ce qui est nécessaire peut être
fait en veillant au bon emploi des deniers publics, par le biais de missions
d'expertise de courte durée et ne mobilisant que les personnels strictement
indispensables.
Nous proposons donc une économie de l'ordre de 3,5 %, liée à une meilleure
organisation de la programmation de ces missions. Lorsque l'on observe que,
parfois, jusqu'à sept ou huit experts ont été mobilisés dans certains pays pour
telle ou telle mission, on en vient à s'interroger sur sa préparation et son
organisation. Il ne s'agit pas de constatations de portée générale, mais une
économie de l'ordre de 3,5 % nous semble, d'après les éléments fournis par la
Cour des comptes, tout à fait concevable. Elle ne remettrait nullement en
question les objectifs fixés.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général
. S'agissant maintenant de l'offre audiovisuelle
française, c'est un sujet assez stratégique que je voudrais évoquer : celui de
la chaîne CFI-TV.
(Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est trop long !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Laissez-moi m'expliquer plus longuement, puisque vous
n'êtes pas convaincus, chers collègues de la minorité sénatoriale !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Nous avons lu l'exposé des motifs !
M. le président.
Mes chers collègues, je souhaiterais que nous achevions nos travaux à une
heure raisonnable, car le débat budgétaire se poursuivra demain avec un ordre
du jour chargé.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, je ne crois pas que la
commission soit en rien responsable de la longueur de nos débats de ce soir
!
S'agissant donc de CFI-TV, créer une chaîne d'information diffusée au
Moyen-Orient pose en définitive un problème de stratégie.
Nous n'avons pas l'intention, à ce stade, de contester les crédits de
production, qui représentent d'ailleurs, avec 22,5 millions d'euros, la part
essentielle. Nous aimerions, le moment venu, obtenir quelques précisions sur
l'organisation de cette production et avoir l'assurance qu'il s'agira
d'émissions spécifiques destinées à être diffusées à l'étranger, en particulier
en milieu francophone, et non pas en direction d'autres publics.
La diffusion nous intéresse davantage. Les documents officiels indiquent que
le projet même de chaîne CFI-TV peut être remis en cause, et il ne nous semble
pas indispensable, en effet, que des pays qui baignent déjà dans un climat
francophone et ont accès à de nombreux médias francophones disposent d'une
chaîne francophone supplémentaire.
L'amendement de la commission des finances vise donc à poser toutes ces
questions et à inciter à un redéploiement. Nous espérons que cette approche
raisonnable pourra être partagée par la Haute Assemblée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Wiltzer,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur général, je comprends très bien
le souci d'économie qui inspire la commission des finances. Je rappellerai
simplement que le budget dont il s'agit représente 1,5 % du budget total de
l'Etat, voire beaucoup moins, puisque l'amendement ne porte que sur le volet de
la coopération au développement, lequel a été assez lourdement sinistré jusqu'à
présent.
Je pense que l'on ne peut se prononcer sur le principe énoncé par l'amendement
sans examiner les conséquences qu'entraînerait son application.
M. Guy Penne.
Très bien !
M. Pierre-André Wiltzer,
ministre délégué.
Je suis convaincu qu'il ne saurait s'agir, dans
l'esprit de la commission ni dans le vôtre, monsieur le rapporteur général,
d'une taxation d'office.
Canal France International, CFI comprend deux branches.
La première, CFI-Pro, élabore des programmes pour les télévisions africaines.
Il est exact qu'elle est la plus coûteuse, puisque les crédits afférents
atteignent quelque 20 millions d'euros.
La seconde branche, CFI-TV, diffuse des programmes, principalement en Afrique.
Cette chaîne doublonne pour partie, avec TV5. Le Gouvernement envisage donc de
supprimer CFI-TV, dont le coût est de l'ordre de 2 millions à 2,5 millions
d'euros, ce qui est relativement modeste. On ne peut cependant en conclure que
cette somme sera économisée ! Les choses sont un peu moins simples, car les
activités qui vont subsister, c'est-à-dire la fabrication des programmes - il
est d'ailleurs prévu de confier à CFI-Pro une mission plus large de formation
des personnels des télévisions africaines et d'expertise -, sont actuellement
en état de sous-financement structurel, la dotation n'ayant pas évolué depuis
1999.
Depuis deux ans, CFI-Pro n'a pu boucler son budget que grâce à des recettes
non reconductibles, qui sont en voie d'épuisement. Par conséquent, l'idée du
Gouvernement est de gérer, dans le courant de l'année 2003, l'extinction de la
branche télévision, afin, grâce à cela, de compléter les sommes nécessaires au
fonctionnement de CFI-Pro.
M. Guy Penne.
Très bien !
M. Pierre-André Wiltzer,
ministre délégué.
Enfin, nous avons entrepris un effort pour essayer de
restructurer l'ensemble des missions de la coopération française dans le
secteur audiovisuel. Un plan « Images Afrique » est en cours d'élaboration, et
une nouvelle direction de CFI doit prendre ses fonctions au début de l'exercice
2003, avec pour mission d'assurer cette mutation.
Si brusquement, sans prendre le temps de gérer le dossier et de bien en
mesurer les conséquences, nous décidons d'interrompre purement et simplement le
versement des crédits destinés à CFI-TV, il faudra bien entendu licencier du
personnel, dénoncer des contrats satellitaires, et, au total, l'opération ne
rapportera rien en 2003.
Au vu de toutes ces explications, dont vous excuserez la longueur mais qui
étaient nécessaires pour que vous puissiez mesurer très précisément les
enjeux,...
Mme Hélène Luc.
C'était très intéressant !
M. Pierre-André Wiltzer,
ministre délégué ...
je souhaiterais, monsieur le rapporteur général,
que, eu égard aux circonstances, vous acceptiez de renoncer à cet amendement.
J'en comprends bien l'inspiration, mais il comporte de sérieux
inconvénients.
Mme Hélène Luc.
Ce serait plus sage !
M. Guy Penne.
Le Gouvernement est plus intelligent que la commission !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Et bien plus éloquent !
M. le président.
La parole est à Mme MoniqueCerisier-ben Guiga, contre l'amendement.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le président, j'assiste ce soir à la naissance d'une nouvelle variété
de primeur. Je connaissais les fraises, les asperges, ... et voilà que je
découvre une régulation budgétaire en primeur, une régulation qui, si j'ai bien
compris, tombe en décembre au lieu de tomber en janvier.
(Sourires.)
J'ai relu quelques textes intéressants, par exemple celui-ci : « Chacun
s'entend à reconnaître les progrès récents accomplis par RFI, par TV5, par CFI,
grâce aux efforts de leurs équipes et à la détermination des pouvoirs publics.
[...] Cette ambition culturelle extérieure suppose, c'est l'évidence, des
moyens accrus. C'est un problème constant. La France ne peut pas mener en
première ligne le combat pour l'exception culturelle et la diversité des
cultures sans faire de l'action audiovisuelle, culturelle et linguistique
extérieure une priorité. » Ce texte n'est pas de moi, il est du président
Jacques Chirac, et il a dix mois d'âge !
M. Hilaire Flandre.
Action ne signifie pas forcément argent !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Cet amendement entre donc en contradiction avec tout ce qui a été annoncé
depuis des mois et des mois.
Le plus grave, c'est que rien de tout cela n'est très sérieux. En effet,
l'exécutif n'est pas tenu par l'exposé des motifs d'un amendement : il n'est
tenu que par le contenu dudit amendement. Or le contenu de l'amendement n°
II-64 vise à une suppression de crédits au titre IV.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous voulez les supprimer ailleurs ?
Mme Hélène Luc.
Mais pourquoi voulez-vous les supprimer ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Parce que vous voulez toujours dépenser plus !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
En d'autres termes, on nous propose de décider, à deux heures du matin, par la
voie d'un amendement qui « déboule » en séance sans avoir été discuté ni en
commission des affaires étrangères ni en commission des finances, de fermer une
société de télévision, CFI-TV, et, comme le soulignait fort justement M. le
ministre, de résilier des contrats satellitaires - ce qui coûte cher - et de
licencier subitement des personnels - ce qui coûte également cher. La démarche
me paraît donc fort peu cohérente et fort peu réfléchie, à la fois du point de
vue politique et du point de vue financier, et c'est la raison pour laquelle
nous nous opposons à cet amendement.
Nous le rejetons aussi parce qu'il est parfaitement connu que le rapprochement
sous une présidence unique de TV5, de CFI-TV et de CFI-PRO est en cours et que
ce processus va s'achever assez rapidement. Il fait partie de la
rationalisation de nos moyens audiovisuels extérieurs et se fera sans dégâts ni
coût élevé.
La coupe brutale qui nous est demandée est démesurée et inappropriée. Elle ne
pourra pas être réalisée, et,
in fine
, la suppression de 2 millions
d'euros de crédits portera sur l'aide publique au développement et non pas sur
les domaines qui sont spécifiés dans l'exposé des motifs de cet amendement. Je
le répète, l'exécutif n'est pas tenu par l'exposé des motifs.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Mais si !
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le rapporteur général, ma réprobation ne diminue pas au fil de
l'examen des amendements !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous arriverons au bout malgré tout !
Mme Hélène Luc.
Lors de l'examen du budget de l'éducation nationale, vous nous avez proposé de
prendre de l'argent sur les universités, ni plus ni moins,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Sur la réserve, parce qu'elle était surabondante !
Mme Hélène Luc.
Oui : sur la réserve des conseils d'administration des universités ;
aujourd'hui, vous nous demandez de prendre des crédits sur l'APP (aide publique
au développement), que nous voulons développer.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Non ! sur une chaîne qui va être supprimée !
Mme Hélène Luc.
J'ai déjà eu l'occasion de regretter que la part du budget allouée à l'action
culturelle et à la francophonie soit en baisse ; et voilà que vous nous
demandez de la réduire encore !
L'offre en matière audiovisuelle ne saurait être trop abondante, et il faut se
féliciter que vingt-sept chaînes françaises soient disponibles en Afrique, par
exemple. Le rayonnement de la France grâce à sa culture et à sa langue ne doit
pas être négligé. Ainsi, nous devons plus encore encourager les initiatives qui
assureraient leur diffusion de par le monde.
M. Hilaire Flandre.
Combien sont-ils à regarder cette chaîne ?
Mme Hélène Luc.
Vous estimez que certaines chaînes pourraient faire doublon. Au lieu de leur
retirer des crédits, le ministère pourrait organiser des réunions et des
concertations pour faire en sorte que l'offre audiovisuelle française soit de
qualité et diversifiée, à l'image de ce qui se passe dans notre pays !
Je remercie M. le ministre des explications qu'il nous a données. Il peut
compter sur nous pour défendre son projet de budget et développer cette
activité.
Je reconnaissais, aujourd'hui même, à la tribune, la part accordée à la
coopération et au développement, et voilà que vous proposez des coupes
justement dans cette partie du budget !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Cela ne fait pas un grain de riz de plus pour les
pauvres !
Mme Hélène Luc.
Le constat devient alors assez cocasse : le Président de la République et le
Gouvernement ne cessent de clamer qu'il est nécessaire d'adopter une nouvelle
politique pour l'APD et d'expliquer qu'il faut augmenter les budgets pour
atteindre 0,7 % du PIB en temps voulu ; et la première mesure que vous prenez,
mes chers collègues, vise à réduire ce budget de 2 millions d'euros. Je sais
bien que l'argent n'est pas prélevé sur les 0,7 %, mais cette diminution a tout
de même des conséquences. Quel bel exemple de cohésion !
Le groupe communiste républicain et citoyen est opposé à toute réduction de ce
budget, car il considère qu'il est indispensable pour la France et qu'aucune
composante des affaires étrangères et de la coopération ne peut souffrir une
nouvelle coupe claire.
C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement, qui vise à supprimer 2
millions d'euros de crédits.
M. le président.
La parole est à M. Guy Penne, pour explication de vote.
M. Guy Penne.
Je suis atterré par le dépôt de cet amendement. Parmi les signataires figurent
des collègues que j'apprécie hautement, et j'ai eu l'année dernière l'occasion
de voir M. Marini, notamment, critiquer sévèrement le budget de M. Védrine,
qu'il trouvait insuffisant.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je n'ai jamais dit cela !
M. Guy Penne.
Si !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je n'ai jamais critiqué un budget pour son
insuffisance !
M. Guy Penne.
Vous lui reprochiez de n'être pas assez important pour répondre à ce que la
politique de la France devait être !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Votre mémoire est infidèle !
M. Guy Penne.
J'ai participé ici à plusieurs débats budgétaires. Je me souviens avoir
entendu tel ministre affirmer qu'il fallait faire un effort supplémentaire et
accepter des réductions de crédits. Cela ne s'est pas très bien terminé pour
lui, et son ministère même connut une certaine agitation !
Plus récemment, j'ai vu M. Juppé se battre pour que l'on ne touche pas à son
budget, parce qu'il estimait que, 1 %, ce n'était pas beaucoup - alors que son
prédécesseur trouvait qu'avec 0,90 %, après tout, on pouvait accepter encore
des compensations.
M. Védrine trouvait son budget insatisfaisant, mais il avait dépassé 1 %.
Aujourd'hui, on nous annonce que c'est un peu mieux, mais chacun sait bien que
le budget des affaires étrangères est totalement insuffisant.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Même les plus gros budgets sont insuffisants !
M. Guy Penne.
Nous l'avons dit, le groupe socialiste s'abstiendra. Cela représente un effort
de notre part, mais nous le faisons parce que nous pensons que ce budget
s'inscrit dans une certaine continuité : ayant soutenu le précédent, je
m'abstiens aujourd'hui, parce que je pense que c'est logique.
Mais quand la commission des finances propose de réduire les crédits de 2
millions d'euros, qu'est-ce que cela signifie ? Cela ne rime à rien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est tellement peu !
M. Guy Penne.
En effet, les 2 millions d'euros ne sont pas aussi identifiés que vous le
dites et, sur ce point, je partage l'analyse de Mme Cerisier-ben Guiga.
Mais je ne veux pas discuter avec un ancien ministre du budget, mon excellent
ami Michel Charasse, qui semble dire que je me trompe.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Absolument !
M. Guy Penne.
Je ne veux pas non plus polémiquer sur cette technique.
Si la suppression de ces 2 millions d'euros empêchait tout gel budgétaire, je
la comprendais. Mais ce n'est que du fard, ce n'est rien du tout, parce que
cela n'empêchera pas le gel budgétaire !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ils s'ajouteront aux autres !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Alors, votez l'amendement !
M. Guy Penne.
Quand il y aura un gel budgétaire, on dira simplement que, en effet, il
s'ajoute à cette diminution de 2 millions d'euros.
Je ne peux pas l'accepter !
Ce budget n'est déjà pas suffisant, et nous ne parlons que de ces deux
chapitres, alors qu'il y en a bien d'autres. Nous avons tous expliqué - même
nos collègues de la majorité, qui soutiennent le Gouvernement - les difficultés
que rencontrent les ministres pour remplir leurs tâches. Eh bien ! aujourd'hui,
je ne vois pas comment on peut prendre les devants et diminuer les crédits pour
faire mieux.
Aujourd'hui, mes chers collègues, vous voulez enlever le bas dans quelque
temps, vous enlèverez le haut, ou ce sera peut-être l'inverse.
Je ne m'associerai pas à cela.
M. le président.
La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet, pour explication de vote.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Je tiens également à m'expliquer sur cet amendement assez stupéfiant qui
appelle, c'est le moins que l'on puisse dire, plusieurs remarques.
Il a été particulièrement étonnant de découvrir cet après-midi seulement, au
début même de la discussion de ce budget que M. le rapporteur général du
budget, et M. le président de la commission des finances avaient déposé avec
d'autres collègues un amendement tendant à réduire les crédits du ministère des
affaires étrangères pour 2003, dont chacun s'est accordé à souligner
l'évolution positive. Néanmoins, ces crédits restent encore très insuffisants
par rapport aux ambitions qu'affiche le ministre des affaires étrangères pour
le rôle que la France doit jouer dans le monde.
De plus, il est particulièrement difficile d'imaginer que les signataires de
cet amendement aient pris seuls cette initiative, et l'on peut raisonnablement
penser que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et la
commission des finances du Sénat se sont mis préalablement d'accord sur ce
point.
Cette dernière se substitue ainsi au Gouvernement, en quelque sorte, évitant à
celui-ci de porter la responsabilité publique d'une nouvelle régulation qui
prend la forme d'un gel budgétaire. Les seuls parlementaires porteront alors la
responsabilité de cette initiative, ce qui laissera au Gouvernement la
possibilité de décider, pour l'année prochaine, un nouveau gel budgétaire.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Bien sûr que c'est cela !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Cette démarche est tout à fait indécente !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Elle est malhonnête !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le rapporteur général, si vous êtes en désaccord avec le bien-fondé
d'une activité, vous pouvez proposer des améliorations sur le fond, vous pouvez
proposer des améliorations sur la forme. Mais ne proposez pas de réduire des
crédits dont chacun s'accorde à penser qu'ils sont absolument nécessaires !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je n'ai le droit de proposer que des augmentations de
recettes. L'article 40 de la Constitution m'empêche de faire autre chose !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Pour toutes ces raisons, nous refusons de cautionner une telle démarche et
nous ne voterons pas cet amendement, pour lequel nous demandons un scrutin
public.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Sans vouloir envenimer les choses, je dirai un mot
sur le problème politique et sur le problème technique que pose cet
amendement.
Sur le plan politique, la commission des finances, dans sa majorité, a proposé
une démarche d'économies budgétaires à laquelle les groupes de l'opposition ne
se sont pas associés. Il n'empêche que, dans sa majorité, elle a proposé une
démarche. Nous sommes maintenant confrontés à une proposition en séance
publique. Les représentants de l'opposition ont fait les observations qu'ils
croyaient devoir faire et les rapporteurs spéciaux ont rapporté les travaux de
leur commission ; ce n'est pas la peine d'épiloguer davantage.
Sur le plan technique, je voudrais dire amicalement à mes collègues et amis du
groupe socialiste que l'ordonnance de 1959 impose le vote des crédits par titre
et par ministère et que, contrairement à ce qui se passait sous la IVe
République, contrairement au décret de 1956, on ne vote plus par chapitre.
Depuis 1958, en matière d'abattement de crédits, l'abattement se fait sur le
titre mais l'exposé des motifs, qui lie le Gouvernement, indique les chapitres
concernés.
Par conséquent, l'amendement qui vient d'être défendu par M. le rapporteur
général précise bien, dans son exposé des motifs, quels sont les chapitres
concernés. Et n'ayez crainte, mes chers collègues et amis, si cet amendement
est adopté, l'abattement de crédits portera bien sur ces deux chapitres et sur
rien d'autre, conformément à l'ordonnance de 1959.
Mme Cerisier-ben Guiga et M. Penne disaient tout à l'heure au Gouvernement :
mais vous pourrez faire ce que vous voudrez ! Eh bien non, sachez-le, il ne
pourra pas faire ce qu'il veut.
Par ailleurs, nous avons entendu les explications du Gouvernement en ce qui
concerne la deuxième partie de l'amendement, qui porte sur CFI.
Quant aux promenades inconsidérées qui font que le Quai d'Orsay, sous
prétexte de missions d'experts, se transforme en vaste agence de voyages, elles
ont été dénoncées, à juste titre, par la Cour des comptes. Il m'est arrivé, en
faisant des contrôles sur place et sur pièces, de découvrir vingt ou trente
missions présentes en même temps dans le même pays et qui se parlaient à peine
ou même ne se connaissaient pas. Je parle là d'observations personnelles qui
n'engagent pas mon groupe, naturellement, mais ces observations, je les ai
faites.
Nous avons un tel nombre de missionnaires à travers le monde que les rapports
ne trouvent plus place dans les placards et qu'il n'y a plus assez de crédits
pour acheter des placards pour mettre les rapports !
(Sourires.)
On est
quand même conduit à s'interroger !
La Cour des comptes a été évoquée à plusieurs reprises ce soir, y compris par
nos amis du groupe communiste républicain et citoyen. Ce qui est curieux c'est
que, lorsque la Cour des comptes dit : là il y a du gaspillage, on pourrait
supprimer, on n'aime pas. Mais quand la Cour des comptes dit : ça c'est très
bien géré, là on aime bien !
Je n'irai pas plus avant, monsieur le président, parce qu'il est tard ; je
voulais simplement faire ces observations.
S'agissant de CFI, et sans vouloir me prononcer sur le fond, j'observerai tout
de même - et je ne parle pas de technique budgétaire dans cette affaire - que
nous sommes dans une situation très paradoxale dans la mesure où le
Gouvernement nous demande de ne pas supprimer un crédit destiné à CFI-TV pour
se réserver la possibilité de l'utiliser en cours d'année à autre chose
puisqu'il a quasiment décidé de supprimer CFI-TV.
Dans ces conditions, je pense qu'il ne faut pas poursuivre plus longtemps
cette discussion, car il est tard, et l'on va finir par ne plus rien y
comprendre !
(Sourires.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-64.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe
communiste républicain et citoyen et l'autre du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 309 |
Majorité absolue des suffrages | 155145 |
Contre | 164 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Guy Penne. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 58 811 000 euros ;
« Crédits de paiement : 19 344 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
M. Guy Penne.
Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Hélène Luc.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 384 493 000 euros ;
« Crédits de paiement : 22 449 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. Guy Penne.
Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Hélène Luc.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les affaires étrangères.
8
DÉPÔT
D'UN PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi
constitutionnelle, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'organisation
décentralisée de la République.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 83, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
9
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années
2003 à 2008.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 84, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
10
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait
au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 85-99
du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires
judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic
d'entreprise.
Le rapport sera imprimé sous le n° 85 et distribué.
11
DÉPÔT D'AVIS
M. le président.
J'ai reçu de M. Laurent Béteille un avis, présenté au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1, du
règlement, sur la proposition de résolution de M. Henri de Raincourt tendant à
la création d'une commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes
handicapées accueillies en institution et les moyens de la prévenir (n° 315,
2001-2002).
L'avis sera imprimé sous le n° 81 et distribué.
J'ai reçu de M. Laurent Béteille un avis présenté au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1, du
règlement, sur la proposition de résolution de MM. Bernard Plasait, Henri de
Raincourt et les membres du groupe des Républicains et Indépendants tendant à
la création d'une commission d'enquête sur la politique nationale de lutte
contre les drogues illicites (n° 348, 2001-2002).
L'avis sera imprimé sous le n° 82 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, jeudi 5 décembre 2002 :
A onze heures trente :
1. Nomination d'un secrétaire du bureau du Sénat, en remplacement de M.
Jean-Patrick Courtois.
2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Fonction publique et réforme de l'Etat (et article 75) :
M. Gérard Braun, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 21).
Services du Premier ministre :
V. - Aménagement du territoire :
M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 33) ;
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
et du Plan (avis n° 70, tome XI).
A quinze heures :
3. Questions d'actualité au Gouvernement.
A seize heures et le soir :
4. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
DéfenseProcédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des
sénateurs.
(articles 38 et 39 et articles 63
ter
et 63
quater)
:
1. Rapporteurs spéciaux :
Exposé d'ensemble, dépenses en capital : M. Maurice Blin (rapport n° 68,
annexe n° 41) ; dépenses ordinaires : M. François Trucy (rapport n° 68, annexe
n° 42).
2. Rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées :
Nucléaire, espace et services communs : M. Jean Faure (avis n° 71, tome IV) ;
section gendarmerie : M. Philippe François (avis n° 71, tome V) ; section
forces terrestres : M. Serge Vinçon (avis n° 71, tome VI) ; section air : M.
Xavier Pintat (avis n° 71, tome VII) ; section marine : M. André Boyer (avis n°
71, tome VIII).
Ecologie et développement durableProcédure de questions et de réponses avec un
droit de réplique des sénateurs.
:
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 9) ;
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
et du Plan (avis n° 70, tome XVII) ;
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (avis n° 69, tome III).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 2003
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2003 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles
de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits
du projet de loi de finances pour 2003
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2003, est fixé au vendredi 6 décembre 2002, à seize heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, modifié par l'Assemblée
nationale, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n° 83,
2002-2003) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 10 décembre 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 10 décembre 2002, à
dix-sept heures.
Question orale avec débat (n° 4) de M. Gérard Larcher à M. le ministre de
l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la
réorganisation des couloirs aériens en Ile-de-France.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 11
décembre 2002, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de
résolution de M. Henri de Raincourt tendant à la création d'une commission
d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en
institution et les moyens de la prévenir (n° 315, 2001-2002).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 décembre 2002, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de
résolution de MM. Bernard Plasait et Henri de Raincourt et des membres du
groupe des Républicains et Indépendants tendant à la création d'une commission
d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites (n°
348, 2001-2002).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 décembre 2002, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Daniel
Hoeffel relative à la décentralisation de la gestion des fonds européens (n°
63, 2002-2003).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 décembre 2002, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi de M.
Philippe Adnot portant réforme des règles budgétaires et comptables applicables
aux départements (n° 64, 2002-2003).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 décembre 2002, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 5 décembre 2002, à deux heures
vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
Ordre du jour des prochaines séances du Sénat établi par le Sénat dans sa séance du mercredi 4 décembre 2002 à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Du jeudi 5 décembre au mardi 10 décembre 2002
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale
(n° 67, 2002-2003).
(Conformément à l'article 60
bis
du règlement du Sénat, le vote sur
l'ensemble du projet de loi de finances donnera lieu à un scrutin public à la
tribune.)
En outre, jeudi 5 décembre 2002
A
9 h 30 :
Nomination d'un secrétaire du bureau du Sénat, en remplacement de M.
Jean-Patrick Courtois ;
A
15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Mercredi 11 décembre 2002
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
Deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, modifié par l'Assemblée
nationale, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n° 83,
2002-2003).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 10 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mardi 10 décembre 2002.
En application de l'article 59 du règlement du Sénat, il sera procédé à un
scrutin public ordinaire lors du vote sur l'ensemble du projet de loi
constitutionnelle.)
Jeudi 12 décembre 2002
Ordre du jour réservé
A
9 h 30 :
1° Question orale avec débat (n° 4) de M. Gérard Larcher à M. le ministre de
l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la
réorganisation des couloirs aériens en Ile-de-France.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du
règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale
du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant
sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mercredi 11 décembre 2002) ;
2° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de
résolution de M. Henri de Raincourt tendant à la création d'une commission
d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en
institution et les moyens de la prévenir (n° 315, 2001-2002).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre
2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte)
;
3° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de
résolution de MM. Bernard Plasait et Henri de Raincourt et des membres du
groupe des Républicains et Indépendants tendant à la création d'une commission
d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites (n°
348, 2001-2002).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre
2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte)
;
A 15 heures
et, éventuellement, le soir :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures) ;
5° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin ;
6° Question orale européenne avec débat (n° QE-1) de M. Simon Sutour à Mme la
ministre déléguée aux affaires européennes sur l'avenir de la politique
régionale européenne.
(La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les
modalités prévues à l'article 83
ter
du règlement) ;
7° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M.
Daniel Hoeffel relative à la décentralisation de la gestion des fonds européens
(n° 63, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre
2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte)
;
8° Conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi de M.
Philippe Adnot portant réforme des règles budgétaires et comptables applicables
aux départements (n° 64, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre
2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce
texte.)
Lundi 16 décembre 2002
Ordre du jour prioritaire
A
10 heures, 15 heures
et le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour
2002 (AN, n° 382).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au vendredi 13 décembre
2002, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce
texte.)
Mardi 17 décembre 2002
A
10 h 30 :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
1° Quinze questions orales :
- n° 11 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité
intérieure et des libertés locales (Réglementation en matière d'hygiène et de
sécurité du travail applicable à la fonction publique territoriale) ;
- n° 53 de M. Bernard Fournier à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation
nationale et de la recherche (Retards récurrents des rectorats dans les
paiements des traitements des enseignants) ;
- n° 63 de Mme Hélène Luc à M. le ministre de la santé, de la famille et des
personnes handicapées (Situation du service diabétologie du CHU Henri-Mondor de
Créteil) ;
- n° 75 de M. Dominique Mortemousque à M. le ministre de la fonction publique,
de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire (Réorganisation des
services publics en milieu rural) ;
- n° 84 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre de la santé, de la
famille et des personnes handicapées (Situation des personnes handicapées en
situation de grande dépendance vivant à domicile) ;
- n° 85 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie (Menace de démantèlement du réseau de succursales de
la Banque de France) ;
- n° 86 de M. Bernard Joly à M. le ministre de l'agriculture, de
l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Maintien du deuxième
versement de la dotation jeunes agriculteurs) ;
- n° 87 de M. Paul Blanc à M. le ministre de l'équipement, des transports, du
logement, du tourisme et de la mer (Problèmes de gestion des communes situées
en aval d'un barrage) ;
- n° 89 de M. Alain Vasselle à M. le ministre des affaires sociales, du
travail et de la solidarité (Dépenses de fonctionnement des services
départementaux d'incendie et de secours) ;
- n° 90 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'agriculture, de
l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Réforme de la politique
commune de la pêche) ;
- n° 91 de M. Pierre Laffitte à Mme la ministre de la défense (Dépenses de
recherche et de développement militaire) ;
- n° 93 de M. Yann Gaillard à M. le ministre des affaires sociales, du travail
et de la solidarité (Revalorisation du minimum contributif) ;
- n° 94 de M. Robert Calmejane à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation
nationale et de la recherche (Conditions d'inscription dans les établissements
scolaires) ;
- n° 95 de M. Jean-François Picheral à M. le ministre de l'agriculture, de
l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Réglementation
communautaire sur l'étiquetage de vins) ;
- n° 101 de M. Gérard Longuet à M. le ministre de l'équipement, des
transports, du logement, du tourisme et de la mer (Saturation de l'autoroute A
4) ;
A
16 heures
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la négociation
collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (urgence
déclarée) (AN, n° 375).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le lundi 16 décembre 2002.)
Mercredi 18 décembre 2002
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures :
1° Suite du projet de loi relatif à la négociation collective sur les
restructurations ayant des incidences sur l'emploi ;
A
18 h 30
et le soir :
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de
finances pour 2003 ;
3° Suite du projet de loi relatif à la négociation collective sur les
restructurations ayant des incidences sur l'emploi.
Jeudi 19 décembre 2002
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30 :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la
conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants
(n° 11, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 18 décembre
2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte)
;
2° Suite éventuelle du projet de loi relatif à la négociation collective sur
les restructurations ayant des incidences sur l'emploi ;
A
15 heures :
3° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi modifiant
la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires,
mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en
diagnostic d'entreprise ;
A
21 h 30 :
4° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de
finances rectificative pour 2002 ;
5° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi
relative à la responsabilité civile médicale (AN, n° 370).
(La conférence des présidents a décidé de fixer à l'ouverture de la
discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce
texte.)
Eventuellement, vendredi 20 décembre 2002
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30
et à
15 heures :
Navettes diverses.
En application de l'article 28 de la Constitution et de l'article 32
bis,
alinéa 1, du règlement, le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en
séance publique du
dimanche 22 décembre 2002
au
dimanche 12 janvier
2003.
A N N E X E 1
Question orale avec débat inscrite à l'ordre du jour
de la séance du jeudi 12 décembre 2002
M. Gérard Larcher demande à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer de lui indiquer quel est le bilan pouvant être actuellement dressé de la réorganisation des couloirs aériens en Ile-de-France. La période probatoire de ces modifications arrivant à échéance, il souhaiterait savoir quelle évaluation en est faite. Dans l'hypothèse d'un renoncement au projet de troisième aéroport, la redéfinition des couloirs aériens d'une part, et le développement des plates-formes régionales d'autre part, pourraient-ils constituer une réponse aux attentes des populations survolées ? Il souhaiterait enfin savoir quelles sont aujourd'hui les perspectives de retrait de l'exploitation des avions produisant les nuisances sonores les plus importantes (n° 4).
A N N E X E 2
Question orale européenne avec débat inscrite à l'ordre
du jour de la séance du jeudi 12 décembre 2002
M. Simon Sutour attire l'attention de Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur l'importance des enjeux du débat actuellement en cours concernant l'avenir de la politique régionale européenne. L'Agenda 2000 adopté lors du Conseil européen de Berlin avait fixé les principes de fonctionnement de celle-ci jusqu'en 2006, en prévision des premières adhésions de pays candidats à l'Union. Il convient désormais d'arrêter la phase suivante, pour la période 2007-2011, et notamment de définir la place qui sera réservée, par la suite, aux actuels Etats membres éligibles aux fonds structurels européens. Il lui apparaît, en effet, dangereux pour l'avenir de l'Union de remettre en cause le principe de cohésion économique et sociale qui en constitue l'un des fondements essentiels. Il souhaite donc savoir quelle sera la position défendue par le gouvernement français dans ce débat (n° QE 1).
A N N E X E 3
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 17 décembre 2002
N° 11. - M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur,
de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les difficultés
d'application du décret n° 2000-542 du 16 juin 2000 modifiant le décret n°
85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi
qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique
territoriale. Celui-ci prévoit, notamment, la désignation d'un ou de plusieurs
agents chargés d'assurer la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité
ainsi que d'agents chargés de la fonction d'inspection, ce qui paraît
totalement inadapté à la situation des petites communes ne disposant, souvent,
que d'un ou une secrétaire de mairie et quelquefois d'un agent d'entretien à
temps partiel, leur temps de travail étant, dans un très grand nombre de cas,
réparti entre plusieurs communes. Il le prie de bien vouloir indiquer les
mesures qu'il envisage de proposer visant à adapter cette réglementation aux
communes rurales en autorisant, par exemple, la désignation de ces agents dans
un cadre intercommunal.
N° 53. - M. Bernard Fournier appelle l'attention de M. le ministre de la
jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur un problème récurrent
de l'administration des rectorats en matière de paiement des traitements des
enseignants. Les modalités de règlement des émoluments des maîtres auxiliaires
et des professeurs sont loin d'être satisfaisantes et génèrent des problèmes de
trésorerie extrêmement graves pour les jeunes qui ont choisi ce métier. Tous
l'ont adopté par vocation, certains doivent le quitter par nécessité,
conséquence d'une administration « mauvaise payeuse ». La lenteur dans le
règlement des sommes dues atteint des délais que le secteur privé ne saurait
admettre : ainsi, lors de chaque changement de poste, il faut plus de trois
mois pour un maître auxiliaire pour percevoir son traitement, mais ce retard
atteint parfois six ou huit mois. Pour un changement indiciaire, certains
professeurs ont dû attendre quatorze mois afin que le nouvel échelon soit
appliqué. Pour les enseignants non titulaires qui doivent attendre les
indemnités chômage, la moyenne est de huit mois avant que celles-ci ne soient
versées. De tels délais sont incompatibles avec la bonne administration du
service public. La jurisprudence du Conseil d'Etat signale que la
responsabilité de l'Etat est clairement engagée. Aussi il le remercie de bien
vouloir lui indiquer s'il entend rompre avec ces pratiques et quelles sont les
mesures qui pourraient être prises afin que les traitements des fonctionnaires
de l'éducation nationale et de l'éducation privée sous contrat avec l'Etat
soient versés effectivement et normalement à la fin du mois, après service
fait.
N° 63. - Mme Hélène Luc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la
santé, de la famille et des personnes handicapées sur les conséquences
dramatiques créées par la suppression du service de diabétologie au CHU
Henri-Mondor de Créteil, qui était le centre de référence du Sud-Est
francilien. Réorganisé en unité de diabétologie rattaché au service de médecine
interne, ce service a perdu sa vocation universitaire de recherche. Par
ailleurs, cette suppression a entraîné une forte réduction de la capacité de
soins pour les malades diabétiques de la région Ile-de-France qui voient leurs
conditions de prise en charge se dégrader. Alors que le diabète touche en
France près de 2 millions de personnes et qu'il est en constante progression,
il s'avère absolument nécessaire d'améliorer la prise en charge et le suivi des
diabétiques pour limiter les souffrances et endiguer l'augmentation des
hospitalisations qui dénote souvent une prise en charge trop tardive. C'est
pourquoi elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour que soit
recréé en urgence un pôle hospitalo-universitaire de référence au CHU
Henri-Mondor.
N° 75. - M. Dominique Mortemousque attire l'attention de M. le ministre de la
fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire
sur la réorganisation des services publics en milieu rural, dont le
démantèlement lancinant risque de se traduire par un véritable abandon de nos
communes et cantons ruraux. Depuis une dizaine d'années, les élus de cantons
ruraux sont régulièrement informés de la fermeture d'une perception, d'une
école, d'un bureau de poste, et, le plus souvent, sont mis devant le fait
accompli sans aucune concertation préalable malgré les engagements ministériels
qui avaient été pris par le gouvernement précédent et qui n'ont pas été tenus.
Or, ces élus ruraux dans leur immense majorité considèrent à juste titre que le
déclin économique n'est pas inéluctable et qu'il dépend d'une volonté politique
de bâtir un développement basé sur les réalités locales et les forces vives du
territoire. A l'échelle du pays, puisque c'est le niveau reconnu pour équiper
l'espace rural et améliorer le cadre de vie, doit être recherchée une démarche
participative pour l'organisation des services publics. Cette démarche suppose
une véritable concertation portant sur la répartition et l'organisation sur le
territoire de tous les services publics (trésoreries, gendarmeries,
subdivisions de l'équipement...), des nouveaux équipements (déchetteries,
relais d'assistances maternelles, maisons de repos, casernes de pompiers,
salles omnisports...), des infrastructures (contournements des bourgs, lignes
ferroviaires, dessertes routières...), des aménagements (dessertes numériques,
assainissement, enfouissement des lignes...), des services à la population
(points emploi, portage de repas à domicile, soins infirmiers...), de la
politique éducative (réseaux d'écoles, collèges...). Concrètement, les élus
demandent la mise en place d'un contrat territorial s'inscrivant dans un
véritable partenariat définissant les enjeux d'une nouvelle ruralité et devant
précéder toute modification des services publics actuels. Il souhaite donc
connaître quelles sont ses intentions sur ces propositions concrètes dont
l'objet est d'apporter de meilleurs services, de faire émerger des initiatives
et de redonner envie d'entreprendre en milieu rural.
N° 84. - Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le ministre de la
santé, de la famille et des personnes handicapées sur la situation faite aux
personnes handicapées en situation de grande dépendance vivant à domicile. Elle
l'alerte sur les menaces de grève de la faim envisagées par certaines personnes
handicapées pour obtenir satisfaction, comme cela a déjà été le cas. Elle lui
demande quelles seraient les mesures prises pour apporter une aide humaine à
hauteur des besoins des personnes handicapées. Elle propose d'adapter notre
dispositif législatif et réglementaire pour répondre aux besoins des personnes
handicapées et à leur aspiration à vivre en citoyen à part entière. Elle
souhaite que ces mesures urgentes soient prises et qu'une réflexion s'engage
sur une refondation et simplification en créant une cinquième branche de la
sécurité sociale « handicap et dépendance », comme le propose la Fédération
nationale des accidents du travail et des handicapés (FNATH).
N° 85. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences du projet
éventuel de suppression d'un grand nombre des 211 succursales de la Banque de
France que laissent présager plusieurs déclarations récentes de son gouverneur.
Elle lui fait part des inquiétudes, qu'elle partage, des salariés et de
l'ensemble de leurs organisations syndicales, très mobilisés, pour l'avenir des
17 000 emplois et des missions de service public que l'Etat a confiées à sa
banque centrale. Elle souligne que le démantèlement du réseau de succursales ne
manquerait pas de conduire à une dégradation des conditions de leur
accomplissement, qu'il s'agisse du traitement du surendettement, de la gestion
des comptes individuels, du conseil aux banques et entreprises au plan local. A
ce titre, elle lui fait remarquer qu'un tel projet se situerait en totale
contradiction avec l'objectif affiché de décentralisation des services de
l'Etat. La fermeture de nombreuses caisses institutionnelles signifierait
également la privatisation de fait et la grave mise en cause des conditions de
sécurité de l'entretien de la monnaie fiduciaire et, notamment, du recyclage
des billets. En conséquence, elle lui demande quelles mesures il compte prendre
pour assurer le maintien de l'ensemble du réseau de succursales et des emplois
statutaires de la Banque de France afin de maintenir l'intégrité et la qualité
de l'exécution des missions relevant de la puissance publique qui lui ont été
attribuées. Lui rappelant par ailleurs que les recettes financières de la
Banque de France, issues de la rente monétaire, sont indépendantes du
fonctionnement de ses services et ne sauraient servir de prétexte à une
réduction du champ d'activité de l'institution, elle lui demande également de
préciser les relations financières entre l'Etat et la Banque de France. Enfin,
refusant toute stratégie de déclin, à l'instar des organisations syndicales qui
ont publié un document contenant cent propositions pour l'avenir de ses
métiers, elle lui demande quelle ambition il conçoit pour l'avenir du rôle de
la Banque de France, en complémentarité avec la Banque centrale européenne et,
en particulier, dans un objectif d'égalité d'accès aux services bancaires et de
soutien à la croissance et à l'emploi.
N° 86. - M. Bernard Joly appelle l'attention de M. le ministre de
l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les
inquiétudes des jeunes agriculteurs qui se sont vu refuser le paiement du
deuxième versement de la prime liée à l'installation pour des questions de
délais. Jusqu'alors, la dotation jeunes agriculteurs était versée en deux
fractions : les deux tiers lors de l'installation et le dernier tiers à la
troisième année d'exploitation. Or la circulaire n° 7025 du 5 juin 2002 revoit
les principes de gestion du second volet. Elle modifie les délais d'instruction
qui présentaient une certaine souplesse et élimine la possibilité d'étudier la
quatrième année de résultats. En conclusion, le solde n'est versé qu'à
condition que la demande ait été faite dans l'année qui suit le troisième
exercice. Dans son département, dix-neuf candidats ont vu leur dossier achopper
sur cette nouvelle rigidité. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il
compte revenir aux dispositions antérieures afin, d'une part, de ne pas changer
les règles de la procédure en cours d'application et, d'autre part, de prendre
en considération les impondérables inhérents à l'activité agricole qui ne
permettent pas de répondre aux exigences d'un texte sans la flexibilité
voulue.
N° 87. - M. Paul Blanc attire l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les difficultés
rencontrées par les élus locaux dans la gestion et l'aménagement des communes
des zones situées en aval de barrages et susceptibles d'être submergées.
N° 89. - M. Alain Vasselle rappelle à M. le ministre des affaires sociales, du
travail et de la solidarité que la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative
à la démocratie de proximité, dans son article 124, permet d'indemniser les
services départementaux d'incendie et de secours pour les interventions
effectuées en dehors de leurs missions, à la demande de la régulation médicale
du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des
transporteurs sanitaires privés. Toutefois, la mise en oeuvre de cette
disposition est subordonnée à des modalités qui doivent être fixées par arrêté
conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité
sociale. Il attire son attention sur l'urgence de la parution de cet arrêté qui
conditionne le maintien de prestations en grand nombre (15 000 sorties par an
dans l'Oise) dont le coût devient insupportable sur les budgets des SDIS, faute
de recettes à due proportion. Il lui demande quelle est la date prévue de
publication de cette mesure réglementaire qui déterminera les conditions de
prise en charge et leur effectivité.
N° 90. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de
l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les
dispositions du projet de réforme de la politique commune de la pêche qui sont
particulièrement inquiétantes, en particulier pour la flotte de pêche picarde.
Une cinquantaine de navires de pêche artisanale sont exploités à partir des
trois ports de la baie de Somme : Le Crotoy, Saint-Valery et Le Hourdel. La
flottille est majoritairement composée de chalutiers de moins de 12 mètres et
génère une activité économique importante de pêche côtière ciblée sur quelques
espèces à forte valeur marchande et à caractère saisonnier. Elle concerne plus
de cent vingt marins. La Commission européenne propose de réduire l'effort de
pêche et incite les pêcheurs à se reconvertir ; les dispositions du projet de
réforme de la politique commune de la pêche pourraient conduire à la
désertification de nos côtes animées par la pêche artisanale. Le groupe d'étude
sénatorial sur la mer dont il fait partie a déploré que les autorités
européennes n'aient pas retenu les suggestions formulées par le Parlement
français. Il sait que M. le ministre préconise une synthèse équilibrée entre la
gestion durable de la ressource et la prise en compte de la dimension sociale
économique et territoriale de la pêche artisanale sur le littoral national. Il
lui demande de faire le point sur la position française et sur les négociations
en cours à Bruxelles.
N° 91. - M. Pierre Laffitte attire l'attention de Mme la ministre de la
défense sur les dépenses de recherche et de développement militaire. Les
dépenses de recherche et de développement du département de la défense des
Etats-Unis croissent régulièrement même lorsque le budget militaire de ce pays
était en décroissance. En France, les dépenses de recherche et de développement
au contraire décroissent fortement depuis de nombreuses années. Cette récession
est d'autant plus grave que la sophistication croissante des méthodes et moyens
militaires implique une logistique et des méthodes élaborées qui nécessitent
sur terre, dans l'espace et sur mer beaucoup de recherche et de développement.
Le ministre peut-il donner une indication sur le sursaut nécessaire massif
rendu désormais possible par la croissance du budget et la volonté d'engager
des programmes dans ce domaine tant au niveau français que bilatéral ou
multilatéral européen. C'est indispensable pour la crédibilité de la stratégie
de la France et de l'Europe. C'est tout aussi nécessaire pour éviter que les
entreprises de haute technologie européennes soient défavorisées. Elles ne
bénéficient pas des retombées de la recherche militaire « duale » qui est
pratiquée largement outre-Atlantique et qui profite tout particulièrement aux
industries spatiales, aéronautiques, informatiques et microélectroniques, qui
conditionnent pour une large part la puissance des économies contemporaines.
N° 93. - M. Yann Gaillard attire l'attention de M. le ministre des affaires
sociales, du travail et de la solidarité sur la situation du minimum
contributif, à propos de laquelle il avait, en novembre 2001, posé une question
écrite à laquelle il n'a pas été répondu et qui est devenue caduque. En effet,
la différence qui existe entre le minimum vieillesse (minimum social accordé
sous conditions de ressources permettant de garantir à une personne qui a peu
ou pas cotisé à un régime vieillesse) et le minimum contributif (accordé à tout
salarié du secteur privé ou agricole permettant de garantir un minimum de
retraite décente en fin de vie professionnelle) est substantielle. Ainsi, au
1er janvier 2002, le montant du minimum contributif est de 525,63 euros par
mois pour une personne seule, alors que le minimum vieillesse est de 569,38
euros. A sa création, en 1983, le minimum contributif visait à garantir aux
assurés du régime général à bas salaire une pension égale à 95 % du SMIC net
avec une retraite complémentaire. Le minimum contributif est revalorisé chaque
année par la loi de financement de la sécurité sociale, comme les pensions. De
fait, la revalorisation de ce minimum, depuis le 1er janvier 1984, est
strictement identique à celle des pensions contributives. En revanche, et
contrairement au SMIC, le minimum contributif n'a profité d'aucune
revalorisation et a décroché par rapport à celui-ci. Cela n'est absolument pas
conforme à la logique et ne tient pas compte des efforts contributifs des
intéressés. Les retraités indiquent qu'un tel montant ne leur assure pas une
pension convenable pour une qualité de vie décente. C'est pourquoi il lui
demande de bien vouloir envisager une revalorisation du minimum contributif
d'au moins 152 euros par mois ainsi qu'une indexation de celui-ci sur le SMIC
afin que, pour une carrière complète, aucune pension du régime général et
complémentaire ne soit inférieure au SMIC. Il le remercie de bien vouloir lui
indiquer ses intentions en la matière.
N° 94. - M. Robert Calmejane rappelle à M. le ministre de la jeunesse, de
l'éducation nationale et de la recherche qu'à compter du 1er janvier prochain
l'application du décret n° 2000-1277 du 26 décembre 2000 portant simplification
des formalités administratives consacrera l'abandon de tout contrôle du
domicile des parents lors des inscriptions scolaires, de même qu'il ne sera
plus nécessaire de présenter des pièces d'identité authentiques (art. 2 et 6).
Plus de trente ans d'expérience municipale le conduisent à faire preuve de
réalisme et, en matière d'inscription scolaire en particulier, le système D est
fréquemment utilisé par les parents pour assurer l'affectation de leur enfant
dans l'école, le collège ou le lycée de leur choix. Par commodité matérielle,
en raison du trajet à effectuer par la nourrice ou les grands-parents qui
gardent ledit enfant, par attractivité pédagogique réelle de tel ou tel
établissement ou en fonction de son implantation géographique en centre-ville,
quand ce ne sont pas de simples mais inavouables mobiles d'environnement social
et culturel, les demandes de dérogation de secteur, voire de commune, se
multiplient. Le seul aspect déclaratif sans présentation de justificatif de
domicile ouvre ainsi le champ à des fraudes nombreuses. Les risques engendrés
tout à la fois pour la prévision et la gestion des moyens en personnel du
ministère et en équipement pour les collectivités locales avaient conduit la
Conférence nationale des recteurs à demander à votre prédécesseur de surseoir
jusqu'au 1er janvier 2003 à l'application du décret pour l'inscription dans les
établissements scolaires (art. 8). Par ailleurs, une circulaire de M. le
procureur de la République enjoint aux communes de contrôler de manière
rigoureuse l'état civil et la filiation des enfants s'inscrivant pour la
première fois à l'école. En Seine-Saint-Denis, où le taux d'immigration
clandestine et le nombre d'enfants mineurs arrivant en France sans leurs
parents est particulièrement important, l'exigibilité de pièces d'identité
authentiques est fondamentale. Il lui demande de bien vouloir indiquer les
dispositions concrètes qu'il compte prendre afin de préserver, à travers la
sectorisation, la maîtrise des flux et la mixité sociale dans les
établissements d'enseignement.
N° 95. - M. Jean-François Picheral souhaite attirer l'attention de M. le
ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires
rurales sur le règlement communautaire récent portant diverses modifications
relatif à l'étiquetage des vins et sur son entrée en vigueur prochainement en
droit français. En vue de répondre au principe d'applicabilité directe du droit
communautaire dérivé, le ministère de l'agriculture va être amené à envisager
son application concrète au niveau national, et ainsi à mettre en oeuvre ce
règlement communautaire, dont le but est d'assurer une information claire et
loyale des consommateurs par un étiquetage précis et suffisamment complet des
vins. Ainsi, à l'écoute des professionnels du secteur, il est apparu que ce
décret devait permettre non seulement de redonner tout leur sens aux mentions
trop souvent fourvoyées (tels les noms de « domaine », de « château » ou de
mention « mise en bouteille à la propriété »), mais aussi de mettre en oeuvre
efficacement l'interdiction des noms patronymiques fictifs. Par ailleurs, il
semble qu'en matière de millésime et de nom de cépage le règlement
communautaire ait mis en place la règle des 85 % permettant aux viticulteurs de
faire figurer dans l'étiquetage d'un vin l'année de récolte, alors même que 15
% du raisin a été récolté une autre année. Le décret qu'il s'apprête à signer
ne peut se permettre de reprendre ce mécanisme. En maintenant la règle des 100
%, il doit tendre à éviter ces dérives commerciales et empêcher ainsi que soit
abusivement mentionné le nom de millésime ou de cépage. C'est pour ces diverses
raisons qu'il souhaiterait que lui soient précisés les critères retenus en vue
d'appliquer en droit français ce règlement communautaire tout en maintenant et
en améliorant les critères de qualité propre au secteur viticole français.
N° 101. - M. Gérard Longuet, en tant qu'élu de l'une des régions du grand est
de la France, souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la saturation
exponentielle de l'autoroute A 4 dans sa partie pénétrante de l'agglomération
parisienne. Désormais, chaque jour, des bouchons de plusieurs dizaines de
kilomètres se forment naturellement sans qu'il soit besoin qu'un accident en
soit la cause et cela durant de longues parties de la journée, du matin très
tôt au soir très tard. Il semble évident que la cause de cet engorgement est
imputable à l'utilisation d'une partie de l'A 4 par les autoroutes
périphériques que sont les axes A 86 et A 104. Cette fonction de jonction
périphérique qu'assure aujourd'hui l'A 4 n'était à l'évidence pas prévue dans
le cahier des charges initial du concessionnaire qu'est la SANEF. Il
souhaiterait savoir quelles sont les mesures que l'Etat et ses partenaires
régionaux entendent adopter pour remédier à cette situation, qui va en empirant
et cause de réels désagréments aux usagers de toute la façade est de la région
parisienne.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Avenir des services publics,
économiques et financiers à dieppe
114.
- 4 décembre 2002. -
M. Thierry Foucaud
souhaite attirer l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur la situation des services publics économiques et financiers dans le
département de la Seine-Maritime, plus particulièrement à Dieppe, où des
menaces de fermeture pèsent à la fois sur la succursale de la Banque de France,
et sur la recette des finances. Concernant la succursale de la Banque de
France, plus de 700 dossiers de surendettement par an y sont traités. Les
particuliers peuvent aussi y recourir pour faire valoir leur droit au compte.
Elle permet également, comme toutes les succursales de la Banque de France, aux
entreprises alentour d'être informées sur les cotations. Quant à la recette des
finances, ses vingt-deux agents assurent le suivi de 1 162 comptes des
collectivités territoriales et conseillent, le cas échéant, les élus locaux.
Ils contrôlent les comptes des lycées de l'arrondissement, des casinos de
Dieppe, du Tréport et de Forges Les Eaux. Par ailleurs, ces services publics
recensent des informations permettant d'évaluer la situation économique locale.
Pour toutes ces raisons, il lui demande ce qu'il envisage de faire pour
garantir la présence des services publics économiques et financiers dans
l'arrondissement de Dieppe.
Réglementation applicable aux constructions
à proximité de cours d'eau
115.
- . -
M. Jean-Jacques Hyest
appelle l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de
la mer
sur les difficultés rencontrées par la commune de Bagneaux-sur-Loing dans le
cadre de l'aménagement d'un terrain communal à bâtir. En effet, le maire de
cette commune envisage de construire un certain nombre de pavillons (31) et de
logements (10) à l'initiative de l'OPIHLM. Dans le cadre de la révision du PLU
finalisé en 2001 et approuvé en janvier 2002, la commune s'était donné les
moyens de favoriser la construction de ces nouveaux logements et avait fait
l'acquisition foncière des terrains nécessaires. Or, le plan d'occupation des
sols valant PLU approuvé par la commune avec l'avis favorable des services de
l'Etat, dont celui de la navigation du Loing, se voit remis en cause
aujourd'hui par le préfet. La DDE ayant émis un avis défavorable au permis de
construire de l'OPIHLM indiquant que le « terrain est situé en zone d'aléas
forts, telle qu'elle ressort de la carte des aléas établis en 2001 dans
l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondations du Loing ». La
carte des aléas servant de base pour l'établissement du plan de prévention des
risques d'inondations dont l'étude débutera peut-être en 2003 n'a aucune valeur
réglementaire et n'a pas été mise à enquête publique, seul le PLU s'impose,
mais elle a pour conséquence de maintenir la commune et les propriétaires de
foncier dans une insécurité juridique totale. Le maire de cette commune ayant
maintenu son projet d'aménagement, le préfet lui demande de retirer son arrêté
de permis de construire, en vertu du« principe de précaution », alors que la
commune de Bagneaux-sur-Loing n'a subi jusqu'à présent aucune inondation, étant
protégée par le canal du Loing. La première remarque portera sur le fait que
lors de l'acceptation du PLU qui a amené la commune à se porter acquéreur de
certains terrains, le plan de prévention des risques d'inondations existait
déjà et à ce moment-là aucune opposition n'avait été faite au plan
d'aménagement. La seconde remarque tient au fait que, à force de vouloir tout
protéger et tout anticiper sur les risques éventuels, on assiste à une
superposition de textes et réglementations divers qui, dans certains cas, sont
contradictoires. On oublie souvent en calquant un schéma sur un autre que, par
exemple, la vallée du Loing ne sera jamais celle de l'Ouvèze et nos forêts
n'ont rien de commun avec les maquis de Haute-Corse. La réglementation devrait
être appliquée de façon objective et s'adapter au contexte local. Il
souhaiterait donc savoir si une étude, dont les éléments n'ont aucune valeur
juridique, peut être opposée à un document d'urbanisme approuvé et opposable
aux tiers. Cette situation ne manquerait pas, sans solution, de susciter de
graves difficultés contentieuses.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 4 décembre 2002
SCRUTIN (n° 62)
sur l'amendement n° II-64, présenté par MM. Jean Arthuis, Philippe Marini,
Michel Charasse et Jacques Chaumont au nom de la commission des finances,
tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B inscrits à l'article 36
du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale
(Budget des affaires étrangères).
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 308 |
Pour : | 145 |
Contre : | 163 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Pour :
12.
Abstentions :
9. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André
Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin,
Dominique Larifla et Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
91.
N'ont pas pris part au vote :
3. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Del Picchia.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Contre :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Pour :
1. _ M. Jean Arthuis.
Contre :
52.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Daniel Hoeffel, qui présidait la
séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Pour :
41.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (6) :
Contre :
6.
Ont voté pour
Nicolas About
Pierre André
Jean Arthuis
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Christian Bergelin
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Gérard Braun
Dominique Braye
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Jean-François Humbert
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Gérard Longuet
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Serge Vinçon
Ont voté contre
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Michèle André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Maryse Bergé-Lavigne
Daniel Bernardet
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Biwer
Marie-Christine Blandin
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Jean Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Philippe Darniche
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
André Dulait
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Franchis
Jean-Claude Frécon
Yves Fréville
Bernard Frimat
Christian Gaudin
Charles Gautier
Gisèle Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jacqueline Gourault
Francis Grignon
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Odette Herviaux
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Alain Journet
Joseph Kergueris
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Hélène Luc
Brigitte Luypaert
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Michel Mercier
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Louis Moinard
René Monory
Michel Moreigne
Dominique Mortemousque
Roland Muzeau
Philippe Nogrix
Monique Papon
Jean-Marc Pastor
Anne-Marie Payet
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Jean-Marie Poirier
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Philippe Richert
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Bernard Seillier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Michel Thiollière
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
Alex Türk
Jean-Marie Vanlerenberghe
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
Henri Weber
François Zocchetto
Abstentions
MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard
Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin, Dominique Larifla et Jacques
Pelletier.
N'ont pas pris part au vote
Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Del Picchia.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 318 |
Nombre des suffrages exprimés | 309 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 155 |
Pour : | 145 |
Contre : | 164 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.