SEANCE DU 3 DECEMBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Communication
(p.
1
).
3.
Loi de finances pour 2003.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
2
).
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales
SÉCURITÉ (p.
3
)
MM. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances ;
Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des
libertés locales.
MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois pour
la police et la sécurité ; Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis de la
commission des lois pour la sécurité civile ; le ministre.
MM. Robert Bret, le ministre.
MM. André Trillard, le ministre.
MM. Paul Girod, le ministre.
MM. Bernard Plasait, le ministre.
MM. Alex Türk, le ministre.
MM. Jean-Claude Peyronnet, le ministre.
MM. Jean-Jacques Hyest, le ministre.
Mme Josiane Mathon, M. le ministre.
MM. Christian Demuynck, le ministre.
MM. Gérard Delfau, le ministre.
MM. Gérard Longuet, le ministre.
MM. André Rouvière, le ministre.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
4.
Hommage aux sapeurs-pompiers
(p.
5
).
MM. le président, Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.
5.
Loi de finances pour 2003.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
6
).
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales
(suite)
SÉCURITÉ
(suite)
(p.
7
)
MM. Claude Biwer, le président, Patrick Devedjian, ministre délégué aux
libertés locales.
MM. Jacques Legendre, le ministre délégué.
MM. Jean-Pierre Sueur, le ministre délégué.
Crédits du titre III (p. 8 )
MM. Robert Bret, le ministre délégué.
Vote des crédits réservé.
Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé (p.
9
)
Article 73. - Adoption (p.
10
)
DÉCENTRALISATION (p.
11
)
MM. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Daniel
Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
MM. Gérard Longuet, Bernard Frimat, Mme Josiane Mathon, MM. François Marc, Paul
Dubrule, Bernard Fournier.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.
Crédits des titres III à VI. - Adoption (p.
12
)
Article 72 (p.
13
)
M. Robert Bret.
Amendements n°s II-30 de la commission et II-46 de M. Yves Détraigne. - MM. le
rapporteur spécial, Yves Détraigne, le ministre délégué. - Retrait de
l'amendement n° II-46 ; adoption de l'amendement n° II-30 rédigeant
l'article.
6.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Syrie
(p.
14
).
7.
Loi de finances pour 2003.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
15
).
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales
Budget annexe des prestations sociales agricoles
(p.
16
)
MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'agriculture ; Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la pêche ; Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le développement rural ; Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les industries agricoles et alimentaires ; Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement agricole ; MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis pour les prestations sociales agricoles ; Bernard Joly, Serge Mathieu, Jean-Marc Pastor, Marcel Deneux, Gérard Le Cam, Yann Gaillard.
Suspension et reprise de la séance (p. 17 )
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
MM. Jean-Michel Baylet, Jean-Paul Emorine, Mmes Yolande Boyer, Brigitte
Luypaert, Marie-France Beaufils, MM. Philippe Leroy, Aymeri de Montesquiou,
André Lejeune, Jean Boyer, Mme Odette Terrade, MM. Alain Vasselle, Daniel
Soulage, Bernard Piras, Michel Doublet, Dominique Larifla, Paul Raoult, Jean
Bizet, Mme Odette Herviaux, MM. Daniel Goulet, Yves Rispat, Bernard Murat,
André Trillard.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et
des affaires rurales.
AGRICULTURE, ALIMENTATION, PÊCHE
ET AFFAIRES RURALES (p.
18
)
Crédits du titre III (p.
19
)
Amendement n° II-50 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre,
Bernard Piras, Gérard Delfau, Gérard Le Cam, Jean Arthuis, président de la
commission des finances. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre IV (p. 20 )
MM. Daniel Soulage, le ministre.
Amendement n° II-51 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre,
Jean-Marc Pastor, Mme Marie-France Beaufils, M. le président de la commission
des finances. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p.
21
)
Articles 60, 60
bis
et 61. - Adoption (p.
22
)
Article additionnel après l'article 61 (p.
23
)
Amendement n° II-43 rectifié bis de M. Alain Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur spécial, le ministre, Jean-Marc Pastor. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
BUDGET ANNEXE
DES PRESTATIONS SOCIALES AGRICOLES (p.
24
)
Crédits figurant à l'article 40. - Adoption (p.
25
)
Crédits figurant à l'article 41 (p.
26
)
Amendement n° II-35 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial.
- Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
8.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
27
).
9.
Ordre du jour
(p.
28
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
COMMUNICATION
M. le président. Monsieur le ministre de l'intérieur, mes chers collègues, je souhaite vous informer d'ores et déjà que M. le président du Sénat rendra hommage, à la reprise de la séance de cet après-midi, aux sapeurs-pompiers volontaires morts dans l'exercice de leur mission.
3
LOI DE FINANCES POUR 2003
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003 (n° 67, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 68 (2002-2003).]
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales
M. le président. Le Sénat va procéder à l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
SÉCURITÉ
M. le président.
Le Sénat va examiner tout d'abord les dispositions du projet de loi de
finances concernant la sécurité.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a
opté pour la formule expérimentale fondée sur le principe d'une réponse
immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs
des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur
spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des
groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de
discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devra pas dépasser cinq
minutes ; le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce
dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose
sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole
impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la sécurité et à la
lutte contre l'insécurité avaient fait l'objet de vives critiques au cours de
la précédente législature. En effet, les Français étaient très inquiets - ils
avaient même peur, parfois - et les engagements de l'Etat n'étaient pas
tenus.
De plus, alors qu'il avait été annoncé que la lutte contre l'insécurité serait
une priorité du Gouvernement, les moyens mis en oeuvre n'avaient pas suivi. La
délinquance avait augmenté, et le nombre de policiers sur le terrain avait
diminué.
De surcroît, confrontés aux promesses non tenues et à un sentiment croissant
d'impuissance, les policiers et même les gendarmes avaient fini par descendre
dans la rue.
Face à une situation de crise, que le résultat du premier tour de l'élection
présidentielle a cruellement mise en lumière, la mise en oeuvre d'une véritable
politique de lutte contre l'insécurité s'imposait comme une nécessité.
Le projet de budget s'inscrit cette année dans un contexte législatif
particulier. Le vote, cet été, de la loi d'orientation et de programmation pour
la sécurité intérieure, la LOPSI, et l'adoption du projet de loi pour la
sécurité intérieure en première lecture nous ont permis de débattre de la
politique de lutte contre l'insécurité et de ses moyens juridiques et
matériels.
L'opposition avait dénoncé, lors de la discussion de la LOPSI, le caractère de
« catalogue d'intentions » de ce texte, considérant sans doute que, à l'instar
de la plupart des lois de programmation dans le passé, les moyens annoncés ne
seraient jamais accordés.
Le projet de budget pour 2003 constituait donc un rendez-vous capital : le
Gouvernement allait-il se donner les moyens des ambitions affichées, dans un
contexte budgétaire difficile ?
J'ai choisi d'intituler mon rapport « La Révolution tranquille », car vous
mettez en oeuvre, monsieur le ministre, des changements radicaux tant dans
l'organisation que dans les esprits. Cette révolution se déroule sereinement,
car elle s'appuie sur le bon sens.
Je commencerai donc par les lignes de force du budget de la sécurité
intérieure pour 2003.
Il s'élèvera à 9,82 milliards d'euros, soit une progression de 5 % à structure
constante. Les dépenses ordinaires représentent 96 % des moyens budgétaires, et
les dépenses en capital 4 %. Ce montant peut sembler insignifiant et donc
dérisoire à première vue. Pourtant, les investissements progressent de manière
très importante par rapport à l'année 2002. En effet, le montant des crédits de
paiement augmente de 58 %, et celui des autorisations de programme, de 64 %. A
titre de comparaison, les dépenses en capital n'avaient progressé que de 1,2 %
par an en moyenne sur l'ensemble de la précédente législature.
Cette progression de valeur était largement insuffisante pour éviter une
dégradation sensible du patrimoine immobilier du ministère de l'intérieur.
J'avais d'ailleurs souligné le mauvais état général des commissariats de
police, son effet sur les conditions de travail, sur l'accueil des victimes,
sur la motivation des personnels, et l'image très négative que ce délabrement
donnait de l'Etat.
Avant d'aborder les crédits consacrés à la sécurité civile, je voudrais rendre
hommage aux cinq sapeurs-pompiers volontaires victimes d'un conducteur
inconscient et irresponsable.
Ces crédits consacrés à la sécurité civile augmentent de manière importante
dans le projet de budget pour 2003, notamment en dépenses en capital. Je note
avec satisfaction la livraison des premiers hélicoptères EC 145, attendus
depuis plusieurs années. S'ajoutent à cela des mesures de revalorisation
indemnitaire des professionnels, en particulier pour les démineurs.
Cette augmentation des moyens consacrés à la sécurité civile est nécessaire,
car, face aux catastrophes naturelles, la population exige des moyens d'alerte
et d'intervention à la fois rapides et fiables.
En ce qui concerne les effectifs, le nombre d'emplois budgétaires augmentera
de 1 864, à structure constante. Ces nouveaux emplois, ajoutés au rachat d'une
partie des jours accordés par le précédent gouvernement au titre de la
réduction du temps de travail, permettront de mettre fin au « paradoxe Vaillant
» que je soulignais l'an passé : le nombre de policiers augmentait, tandis que
le nombre d'heures travaillées et, surtout, la présence policière sur le
terrain diminuaient !
J'ajoute que les postes d'adjoint de sécurité sont maintenus en 2003. Des
contrats de trois ans, renouvelables une fois, leur seront proposés, et ils
pourront présenter les concours de recrutement organisés par la police
nationale au cours des années à venir.
Le projet de budget pour 2003 appelle une observation principale : il
concrétise les engagements pris dans la LOPSI. En effet, les créations
d'emplois pour la police nationale représentent près de 30 % du total des
créations d'emplois annoncées sur cinq ans. S'agissant des crédits, l'ensemble
des moyens supplémentaires accordés aux forces de sécurité intérieure,
gendarmerie comprise, représente près de 40 % du total des crédits
supplémentaires annoncés dans la LOPSI, et ce dès sa première année
d'application. C'est la preuve de la détermination du Gouvernement à respecter
ses engagements.
La lutte contre l'insécurité, et contre le sentiment d'insécurité, passe au
premier chef par une plus grande présence policière sur le terrain.
Il s'agit d'être pragmatique : en réformant les procédures et les modes de
fonctionnement de l'administration, on peut améliorer la productivité des
services et libérer des emplois. Ainsi, la réforme des conditions d'emploi des
forces mobiles devrait dégager près de 4 000 emplois équivalent temps plein.
C'est considérable, et pourtant cela ne coûte presque rien au contribuable.
Rationaliser les procédures permettra, dans ce cas comme dans bien d'autres,
d'assurer au mieux le service public fondamental qu'est la sécurité.
Je souhaite que d'autres gisements d'emplois soient explorés à l'avenir. Je
pense notamment au transfèrement des détenus, qui pourrait être confié à
l'administration pénitentiaire, et à la suppression de certaines opérations de
transfèrement inutiles. Il serait plus rationnel de demander aux magistrats de
tenir des audiences foraines dans les lieux mêmes de détention plutôt que de
multiplier les transferts de prisonniers, qui mobilisent un nombre considérable
de policiers et de gendarmes. Je citerai l'exemple de Marseille, où deux cents
policiers sont ainsi mobilisés.
Je pense également à la délégation de la surveillance des ambassades et des
bâtiments publics protégés à Paris pour un emploi des effectifs de police qui
soit plus judicieux que celui de « plantes vertes », pour reprendre
l'expression par laquelle les agents se désignent eux-mêmes.
Ce sera l'objet de ma première question : où en est aujourd'hui
l'externalisation de certaines fonctions dans la police nationale ? En
particulier, quel est l'état d'avancement de l'idée des audiences foraines ?
Les créations d'emplois et les mesures visant à améliorer la présence
policière sur le terrain s'accompagnent, dans le projet de budget pour 2003, de
mesures importantes de revalorisation indemnitaire. C'est, à mon sens, la
condition nécessaire pour développer la mobilité et, surtout, pour introduire
une culture du résultat au sein de la police nationale. Les moyens
supplémentaires dont vous disposez, monsieur le ministre, sont indispensables
aux réformes importantes que vous défendez.
L'ensemble de ces mesures viendra redonner aux forces de sécurité intérieure
une confiance et une motivation mises à mal au cours des dernières années.
L'amélioration des conditions de travail favorisera également l'attractivité
des concours, et donc la qualité des recrutements qui seront effectués à
l'avenir.
J'en viens à ma deuxième question : quels dispositifs sont envisagés pour
développer la culture du résultat au sein du ministère de l'intérieur et, de
manière plus spécifique, pour mettre en place un avancement au mérite ?
Je souhaite également évoquer les progrès notables accomplis par le ministère
de l'intérieur en matière de contrôle de gestion ainsi que de transparence sur
ses moyens et ses résultats. Sur ce point, je suis tout à fait favorable à la
réintroduction du dispositif d'évaluation opérée par l'Assemblée nationale en
première lecture, à l'article 73. Ce dispositif d'évaluation annuelle de
l'application de la loi d'orientation et de programmation, qui était destiné à
mesurer les résultats obtenus au regard des objectifs fixés et de les rapporter
aux moyens engagés, figurait initialement dans la LOPSI, mais il avait été
censuré pour des motifs de forme par le Conseil constitutionnel.
Des efforts importants ont été réalisés par le ministère de l'intérieur pour
mieux programmer ses dépenses immobilières, ainsi que pour accroître la
souplesse de gestion des crédits. Avec l'expérience de globalisation des
crédits des préfectures, la mise en oeuvre comme ministère pilote du progiciel
ACCORD et l'introduction d'une culture de performance, le ministère de
l'intérieur semble particulièrement bien préparé pour mettre en oeuvre la loi
organique relative aux lois de finances.
Je me dois cependant, monsieur le ministre, d'évoquer certaines réserves.
Un récent rapport de l'Inspection générale de l'administration se montre très
critique sur la manière dont a été géré le développement du système de
communication ACROPOL. J'aimerais connaître vos réactions sur ce sujet, ainsi
que les mesures que vous comptez prendre pour améliorer la conduite de ce
projet.
Je voudrais également souligner que les indicateurs figurant dans le bleu
budgétaire sont encore peu satisfaisants, car ils décrivent trop souvent
l'activité des services plutôt que leur performance. Il serait donc utile de
compléter l'information disponible sur les résultats de la lutte contre
l'insécurité par des enquêtes de « victimation », ainsi que des enquêtes
régulières sur l'évolution du sentiment d'insécurité.
Ces enquêtes, dont l'intérêt avait été mis en lumière par la commission
d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, permettraient de mieux
connaître la propension des personnes à signaler les faits dont elles ont été
victimes, ainsi que d'avoir une vision qualitative de l'évolution de la
situation. Cette propension est proportionnelle à la confiance que portent nos
concitoyens en la capacité de la police et de la justice à mener à bien une
enquête et à punir les coupables.
Ce sera ma quatrième question : quelle est votre position, monsieur le
ministre, sur la réalisation d'enquêtes de victimation sur une base régulière
qui viendraient utilement compléter les données statistiques, mesurant
l'activité des services et même l'évolution réelle de la délinquance ?
Je conclurai en soulignant que l'actualité internationale appelle un
renforcement de l'efficacité de la lutte contre l'insécurité, car des
informations récentes montrent que le territoire français constitue une des
cibles potentielles des organisations terroristes. Afin d'améliorer la
prévention des actes terroristes, je souhaite qu'une réorganisation de tous nos
services de renseignement soit étudiée pour mettre en oeuvre une coordination
plus étroite et un partage de l'information accru entre les renseignements
généraux, la direction de la surveillance du territoire, ou DST, et la
direction générale de la sécurité extérieure, ou DGSE, qui pourrait se
concrétiser par la création d'un « conseil de sécurité ». Le développement
d'une filière de formation spécifique ouverte sur des profils et des
compétences variés serait également souhaitable.
Les prévisions de recettes fiscales pour 2003 sont inférieures de 700 millions
d'euros à celles qui sont prévues dans le projet de loi de finances. La
commission des finances a souhaité, dans ce contexte, réduire les dépenses de
l'Etat, à l'exception de celles qui concernent ses missions régaliennes.
Assurer la sécurité de nos concitoyens est l'une des missions régaliennes de
l'Etat. En qualité de rapporteur spécial, je constate que le prix de cette
sécurité est une augmentation de moyens sans précédent. Cette forte hausse des
crédits de la sécurité intérieure pour 2003 doit, dans ces circonstances,
inciter plus que jamais à être vigilant et à s'assurer de l'efficacité de la
dépense publique.
La commission des finances a pris acte du fait que le projet de budget pour
2003 traduit fidèlement les engagements pris par le Gouvernement lors de la
discussion de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure. Il donne les
moyens au Gouvernement de faire face à la menace terroriste et d'améliorer la
sécurité quotidienne de nos concitoyens.
La commission des finances est favorable à l'adoption des crédits pour la
sécurité intérieure.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur le rapporteur spécial, je tiens tout d'abord à vous
remercier pour la précision de vos analyses et pour le soutien que vous
apportez à l'action du Gouvernement.
Il était en effet nécessaire de rappeler quelle était la situation de la
sécurité intérieure voilà encore huit mois. Il est bon de s'entendre rappeler
un passé encore récent. Vous connaissez tous le proverbe : quand je m'ausculte,
je m'inquiète ; quand je me compare, je me rassure ! En l'occurrence, la
comparaison devrait nous mettre en joie.
Ce souvenir donne au Gouvernement une raison supplémentaire de poursuivre son
action et de tenter de faire le meilleur usage des moyens supplémentaires qui
sont mis à sa disposition et que vous avez parfaitement décrits.
Vous m'avez posé plusieurs questions précises ; je vais essayer d'y répondre
avec la même précision.
La première portait sur l'externalisation dans la police nationale et sur les
audiences foraines.
Sur ce dernier point, soyons clairs, il faut impérativement revoir
l'organisation des transferts de détenus...
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
... pour éviter les transferts inutiles qui font perdre du
temps à la fois aux magistrats et aux services de la police et de la
gendarmerie. Il existe des petites villes dans lesquelles la police n'est plus
disponible pour assurer la sécurité de la population lorsqu'un détenu doit être
transféré. Ce n'est pas admissible ! En le disant, on ne fait que décrire une
réalité.
Les audiences foraines, monsieur le rapporteur spécial, sont un moyen de
parvenir à cet objectif. J'y suis donc favorable, sans pour autant sous-estimer
la difficulté de leur organisation, qui devra être surmontée.
Monsieur le président, j'observe d'ailleurs qu'à chaque fois qu'un changement
est nécessaire, on se plaint que ce soit difficile. Si ce n'était pas
difficile, ce serait fait depuis longtemps !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la sécurité civile.
C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
L'action gouvernementale doit, selon moi, s'attaquer aux
problèmes difficiles ; les problèmes faciles, mesdames et messieurs les
sénateurs, on ne nous a pas attendus pour les régler ! La difficulté technique
n'est donc pas en soi un élément suffisant pour refuser d'agir. L'exemple de
Sangatte me semble à cet égard particulièrement illustratif.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
C'est pourquoi le Premier ministre a récemment demandé à une mission commune
de l'Inspection des services judiciaires et de l'Inspection générale
d'administration de faire des propositions sur les moyens pratiques d'éviter
les transferts inutiles. Elle rendra son rapport avant la fin du premier
semestre 2003 et j'en tiendrai le plus grand compte.
Monsieur le rapporteur spécial, je souhaite également qu'une réflexion soit
menée sur les soins hospitaliers pour les détenus.
M. Jean-Jacques Hyest.
Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Il n'y a aucune raison, là encore, que la vie des personnels
hospitaliers soit mise en danger parce qu'un détenu extrêmement dangereux a
besoin d'être soigné - il ne s'agit nullement, naturellement, de ne pas le
soigner. Je me demande toutefois s'il ne serait pas souhaitable que les grands
centres régionaux hospitaliers prévoient une ou deux chambres équipées aux fins
d'assurer la sécurité du personnel hospitalier et, dans le même temps, celle
des policiers ou des gendarmes qui escortent ces individus dangereux.
Récemment, à Nice, le drame a été évité de peu avec un jeune fonctionnaire de
police. Il faut donc pouvoir garantir des mesures de sécurité à l'ensemble de
ces travailleurs extrêmement dévoués.
S'agissant des prisons, je ne vais pas non plus, monsieur le rapporteur
spécial, me cacher derrière mon petit doigt ! Il est temps que la France
regarde les problèmes tels qu'ils se posent et non pas de façon tellement
éthérée qu'elle reporte de dix ou quinze ans la solution de problèmes qu'elle
connaît depuis dix ou quinze ans !
Je souhaite évoquer, comme vous, le cas de la zone d'attente de Roissy, où le
ministère de l'intérieur a fait construire une salle d'audience qui n'est
jamais utilisée, notamment parce que le barreau de Bobigny a objecté que cette
salle, qui présente toutes les caractéristiques d'un tribunal, n'en est
juridiquement pas un. C'est parfaitement exact. La solution me paraît simple,
elle consiste à créer un tribunal à Roissy ! Le garde des sceaux m'a assuré de
son soutien de principe pour ce projet, et des études sont engagées.
L'externalisation, cependant, ne se limite pas à la question des audiences
foraines. Pour ne prendre qu'un exemple, j'ai décidé d'externaliser - enfin !
monsieur le rapporteur spécial - la maintenance et l'entretien automobiles dans
la petite couronne parisienne,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
... si tant est d'ailleurs qu'un policier soit fait pour
réparer les voitures, ce qui serait une première ! Les garages de la police
nationale ne suffisent pas à répondre à la demande et, tenez-vous bien, près
d'un véhicule sur trois est en permanence immobilisé pour réparation. La police
nationale, à ma demande, est en train de rédiger les appels d'offres qui
permettront à cette expérimentation d'être mise en oeuvre dès la fin du premier
trimestre de l'année 2003. Enfin un peu d'efficacité, de souplesse, de
réactivité !
Votre deuxième question portait sur la mise en place d'une culture du résultat
dans la police et dans la gendarmerie. Cette nouvelle culture se traduit déjà
de plusieurs manières concrètes. Comme vous le savez, je reçois tous les mois
les préfets et les directeurs de la sécurité publique ainsi que les commandants
de groupements des départements dans lesquels la délinquance a le plus
progressé et des départements qui ont connu les meilleurs résultats. Ces
réunions sont l'occasion de mieux comprendre les raisons de l'évolution de la
délinquance.
J'ai d'ailleurs découvert, monsieur le président, un département dans lequel
la délinquance augmentait chaque mois depuis cinq ans ! Ce qui est étonnant, ce
n'est pas que le ministre de l'intérieur reçoive les préfets, les directeurs et
les commandants de groupements, c'est que jamais un ministre de l'intérieur ne
se soit posé la question de savoir pourquoi la délinquance augmentait tous les
mois depuis cinq ans dans un département et comment une aide pourrait être
apportée !
La culture du résultat n'est pas faite pour sanctionner, elle est d'abord
faite pour comprendre ce qui va et ce qui ne va pas, puis pour donner les
moyens que cela aille mieux. Si cela va toujours aussi mal, il faut alors
s'interroger sur l'adaptation des chefs que l'on a choisis pour conduire une
politique qui ne produit pas les résultats attendus. Lorsqu'on utilise les
impôts des contribuables, lorsqu'on sollicite nos concitoyens avec des moyens
supplémentaires, la culture du résultat est une ardente obligation !
De ce point de vue, je veux vous dire, monsieur le rapporteur spécial, que la
performance existe non pas seulement dans le secteur privé, mais aussi dans le
secteur public, et que les fonctionnaires ont parfaitement le droit d'être
reconnus pour leur travail, pour leurs qualités. La performance existe dans
l'administration territoriale comme dans l'administration nationale, et il est
bon que ce soit la majorité d'aujourd'hui qui rende cet hommage justifié aux
fonctionnaires. Les fonctionnaires ont besoin de considération, et la
considération ne se limite pas aux discours : elle doit aussi reconnaître la
qualité du travail.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
C'est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur spécial, toujours dans
le cadre de la culture du résultat, j'envisage de réformer le système de
notation et d'évaluation ainsi que la nomenclature des postes pour offrir de
meilleures perspectives d'avancement aux fonctionnaires qui fournissent les
meilleurs résultats. Ce n'est pas un sujet tabou, et nous savons tous que la
police, comme la gendarmerie, est une grande affaire humaine : cette « pâte
humaine » doit être traitée non pas avec le seul souci du nivellement, mais
avec celui de la considération du travail de chacun.
Ces trois réformes sont bien engagées. Les commissaires et les officiers de
police seront désormais soumis à une évaluation portant autant sur leur
activité, notamment managériale, que sur l'activité de leur service. J'ai
demandé que la nomenclature des postes soit revue pour que les postes les mieux
cotés soient effectivement ceux qui demandent le plus de capacités, ce qui
n'était pas toujours le cas !
L'administration n'est pas condamnée à avoir dans les grades les plus élevés
les fonctionnaires les plus anciens avec une conception minimale de la prise
d'initiative et de risque. C'est une véritable révolution culturelle dans une
administration qui ne demande que cela : nos collaborateurs veulent pouvoir
faire davantage, pour peu qu'on leur en donne la liberté.
Il me paraît enfin normal de prévoir une récompense en espèces sonnantes et
trébuchantes pour les services qui obtiennent les meilleurs résultats. Cette
mesure ne figure pas encore dans le projet de budget pour 2003 pour une raison
évidente : on ne peut récompenser que dans la mesure où l'on a fixé des
objectifs et défini une méthode d'évaluation pour récompenser ceux qui le
méritent. Ces objectifs figurent désormais dans l'agrégat « Police nationale »
du document budgétaire.
L'Assemblée nationale a décidé de réinstaurer sous une autre forme la
disposition de la LOPSI prévoyant l'évaluation annuelle qui avait été annulée
par le Conseil constitutionnel.
La mise en place de cette prime au mérite sera une priorité du budget pour
2004. Je rappelle que la méritocratie est la première valeur républicaine.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Avant la République, pour réussir, il fallait être bien né ou
bien doté. La République nous a amené une troisième voie de réussite, celle du
mérite, celle de la compétence, celle de l'effort personnel.
M. Adrien Gouteyron.
Oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Le mérite, la méritocratie, c'est une valeur profondément
républicaine. Il convient que les républicains que nous sommes ne l'oublient
pas.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Votre troisième question, monsieur le rapporteur spécial, porte
sur le rapport de l'Inspection générale de l'administration sur la mise en
oeuvre d'ACROPOL. Je voudrais vous signaler que ce rapport n'est pas aussi
récent que vous l'indiquez puisqu'il ne prend pas en compte les mesures que
j'ai décidées au cours des six derniers mois.
Le déploiement d'ACROPOL a été un succès dans la plupart des régions. Vous
avez raison de le souligner, monsieur le rapporteur spécial, il présente deux
faiblesses : la couverture des lieux souterrains et le fonctionnement du
système à Paris et en petite couronne.
Sur le premier point, le projet de budget prévoit l'ouverture de 10 millions
d'euros de crédits destinés à l'équipement des lieux souterrains. Il était en
effet profondément anormal que les fonctionnaires se trouvent privés de tout
contact avec leur base ; ce problème est désormais réglé.
Deux problèmes se posaient en outre à Paris : des coupures trop longues aux
changements de relais et l'absence de couverture de certains points. Le premier
d'entre eux a déjà entièrement disparu grâce à une amélioration du logiciel que
j'ai obtenue après une réunion que je qualifierai de « franche » avec le
constructeur, cet été.
Pour résoudre le deuxième problème, j'ai décidé de doubler le nombre de relais
en petite couronne et à Paris. Ce travail a déjà bien progressé et je peux vous
annoncer que la couverture de la petite couronne sera intégrale, monsieur le
rapporteur spécial, dès le mois de février prochain.
Enfin, vous m'avez demandé si je serais favorable à la réalisation d'enquêtes
de victimation. Ma réponse est oui. Ces enquêtes sont un bon complément à la
publication de l'état 4001, même si ce dernier, je veux le rappeler, est
l'outil statistique le plus perfectionné d'Europe.
Les enquêtes de victimation permettraient de prendre en compte ce que cet état
oublie, c'est-à-dire les agressions qui n'ont que la nature de contravention et
non de délit, celles qui ne sont pas signalées aux services de police et celles
qui ne donnent pas lieu à transmission au parquet mais qui sont inscrites en
main courante.
Vous me permettrez de conclure en vous disant ceci : nos prédécesseurs
trouvaient l'état 4001 injuste quand les chiffres de la délinquance
augmentaient tous les mois, et ils venaient expliquer aux Français que cette
progresssion était due au fait que la police travaillait plus. Nous savons ce
que les Français ont pensé de ce curieux raisonnement !
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Or les chiffres de l'état 4001 diminuent. J'aimerais que l'on
m'explique au nom de quoi l'état 4001 avait raison quand les chiffres montaient
et aurait tort quand ils diminuent ! La vérité, vous l'avez compris, monsieur
le rapporteur spécial, c'est que la politique de sécurité de la France a
profondément changé, et je crois que c'était nécessaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la police et la sécurité.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, le premier budget de la police nationale de la
nouvelle législature se devait de mettre en oeuvre les moyens prévus par la loi
d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure que nous avons
votée en juillet dernier, dite LOPSI.
La commission des lois s'est félicitée de la progression conséquente des
crédits consacrés à la police nationale : s'établissant à 5,45 milliards
d'euros, ils sont en effet en hausse de 5,8 % par rapport à l'année 2002.
La commission des lois a noté avec satisfaction que seraient créés, dès 2003,
1 900 emplois, soit près du tiers des emplois supplémentaires prévus par la
LOPSI au titre de la police nationale.
Elle a observé que les crédits de fonctionnement seraient accrus de 45
millions d'euros et que les crédits immobiliers seraient doublés. Le projet de
budget de la gendarmerie nationale, quant à lui, est également en nette
progression.
Ce projet de loi de finances pour 2003 traduit donc sans conteste la priorité
accordée par le Gouvernement à la sécurité. Il permet de garantir, dès 2003,
que 40 % de l'enveloppe prévue par la LOPSI seront effectivement engagés.
Ces moyens nouveaux permettront de lutter plus efficacement contre la
délinquance.
Chacun connaît la situation désastreuse laissée par vos prédécesseurs,
monsieur le ministre. Lors des dernières échéances électorales, les Français
ont exprimé leur inquiétude face à la montée persistante de l'insécurité.
Or, après une recrudescence de la criminalité sans précédent en 2001 et au
début de cette année, la situation est en voie d'amélioration depuis le mois
dernier.
Ces premiers résultats nous démontrent, s'il en était besoin, qu'il n'y a pas
de fatalité à l'explosion de l'insécurité. Ils encouragent la poursuite d'une
mobilisation de tous les instants sur le terrain dans une lutte déterminée
contre la délinquance.
Dans un souci de transparence et afin de contrer à la source la propagation de
rumeurs infondées, vous avez décidé, monsieur le ministre, de publier
mensuellement les chiffres de la délinquance. Partisan de la culture du
résultat, vous suivez attentivement l'action des forces de sécurité sur le
terrain.
Il convient ici de témoigner notre soutien aux policiers qui se dévouent sur
le terrain pour assurer notre sécurité au péril de leur vie. Qu'il me soit
permis, en mon nom personnel et au nom de la commission des lois, de rendre un
hommage particulier aux sept fonctionnaires de police décédés et aux 3 528
blessés au cours d'opérations de police en 2001.
Vous avez, monsieur le ministre, entrepris de mettre en oeuvre avec
détermination des orientations fixées par la loi d'orientation et de
programmation.
Le projet de loi pour la sécurité intérieure, adopté par le Sénat en première
lecture le 19 novembre dernier, après un débat très riche, donnera aux forces
de sécurité des moyens juridiques qui leur faisaient défaut.
Les orientations définies par la LOPSI tendent à une meilleure efficacité.
En premier lieu, elles prévoient une nouvelle architecture institutionnelle
donnant un rôle élargi aux élus locaux. Les conseils locaux de sécurité et de
prévention de la délinquance, présidés par les maires, commencent à se mettre
en place. Ils sont destinés à assurer l'ancrage des forces de sécurité dans la
démocratie locale.
Le décret du 17 juillet 2002 précise en outre que les maires sont informés
sans délai des actes graves de délinquance commis dans leur commune et qu'ils
sont informés, au moins une fois par an, de l'ensemble des moyens mis en oeuvre
par l'Etat dans leur commune.
Comme l'avait souhaité le Sénat lors de la discussion de la loi relative à la
sécurité quotidienne, les maires sont ainsi dotés d'un véritable droit à
l'information sur les questions de sécurité.
En second lieu, la recherche d'une meilleure efficacité conduit à favoriser la
synergie entre les forces de sécurité. A cet effet, monsieur le ministre, vous
avez reçu autorité tant sur la police que sur la gendarmerie nationales.
Les résultats spectaculaires obtenus par les vingt-huit groupes d'intervention
régionaux, les GIR, sont emblématiques de l'efficacité sur le terrain de la
coopération entre les forces de sécurité. Ces groupes permettent une lutte en
profondeur contre l'économie souterraine et la délinquance organisée.
La collaboration entre la police nationale et la gendarmerie nationale
impliquera, bien entendu, la mise en commun de moyens logistiques. Il faudra
également prévoir un accès réciproque aux fichiers tenus par chacune des
institutions. Je pense en particulier aux fichiers STIC, ou système de
traitement de l'information criminelle, et JUDEX. Il faudra en outre harmoniser
les réseaux de communication ACROPOL et RUBIS.
Une plus grande efficacité suppose également une implantation plus rationnelle
des forces de sécurité sur notre territoire, dans la ligne des propositions
faites en 1998 par nos collègues parlementaires, MM. Roland Carraz et
Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le ministre, vous avez marqué votre volonté de réussir là où le
gouvernement précédent a échoué. Repartant sur de nouvelles bases, vous avez
affirmé à maintes reprises que, contrairement à 1998, il s'agirait non pas
d'imposer un plan préétabli, mais de définir les meilleures solutions au plus
près du terrain, en concertation avec les élus locaux.
Vous avez indiqué qu'il ne s'agirait plus de gérer la pénurie de personnels,
puisque le redéploiement s'inscrirait dans un contexte de création de 13 500
emplois sur la durée de la législature.
Lors de votre audition devant la commission des lois, il y a quinze jours,
vous avez indiqué que vous disposiez de 85 % des propositions des préfets et
qu'un premier redéploiement aurait lieu dans le département de l'Aube.
Pourriez-vous faire le point de la situation ? Disposez-vous à ce jour d'une
synthèse des propositions reçues des préfets ? De nouveaux redéploiements
sont-ils d'ores et déjà envisagés ?
Pouvez-vous, afin de dissiper certaines inquiétudes, nous confirmer que les
élus seront associés à la définition de solutions concrètes sur le terrain ?
Pouvez-vous, enfin, nous assurer de la mise en oeuvre de moyens suffisants
pour garantir que le redéploiement n'altérera en rien la qualité du service
rendu à nos concitoyens ?
Une meilleure efficacité implique en outre un renforcement de la police
judiciaire, qui a été fortement négligée au cours des dernières années.
Le nombre d'officiers de police judiciaire sera augmenté et le projet de loi
sur la sécurité intérieure prévoit d'étendre leur zone de compétence. La
qualification d'officier de police judiciaire, ou OPJ, sera ainsi attribuée en
2003 à 2 000 agents du corps de maîtrise et d'application supplémentaires.
L'indemnité correspondante passera de 400 à 600 euros par an, comme je le
souhaite depuis plusieurs années. Le surcroît de responsabilités généré par
l'exercice de la qualité d'officier de police judiciaire doit en effet être
mieux rémunéré. Il serait souhaitable que l'attribution de cette qualité
s'accompagne en outre d'une évolution favorable de la carrière.
La police judiciaire s'appuiera sur des moyens juridiques nouveaux.
Le fichier national des empreintes génétiques est essentiel au travail des
enquêteurs, comme le démontre l'élucidation du crime de Patricia Leclercq dans
la Somme.
Ce fichier était au départ réservé aux personnes condamnées pour infractions
sexuelles. Dans le projet de loi pour la sécurité intérieure, nous avons
approuvé son extension aux auteurs de nouvelles infractions et aux suspects.
Il a été mis en place avec beaucoup de difficultés. Quatre ans après sa
création, il ne comporte que 1 200 enregistrements. Or, 535 000 personnes mises
en cause en 2001 répondaient aux critères qui permettront désormais
l'inscription dans le fichier.
Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que les moyens nécesssaires
seront mis en oeuvre dès 2003 pour assurer l'alimentation du fichier
d'empreintes génétiques à une tout autre échelle ?
Une meilleure efficacité passe également par une utilisation plus rationnelle
des compétences sur le terrain.
Je pense, en premier lieu, au recrutement d'agents administratifs qui
permettront de remettre sur le terrain des policiers actifs occupés à des
tâches administratives.
La création de 1 000 emplois nouveaux, dont une partie a déjà été recrutée par
anticipation, et le dégel de 1 000 autres emplois permettront à la police
nationale de bénéficier, en 2003, de 2 000 agents administratifs, scientifiques
ou techniques supplémentaires. Nous nous en félicitons.
Les 30 000 hommes des forces mobiles seront utilisés en appui des missions de
sécurité quotidienne au plus près de leur casernement ; je me félicite
également de cette rationalisation.
Enfin, nous vous savons gré, monsieur le ministre, d'avoir pris les mesures
nécessaires pour compenser la perte de capacité opérationnelle engendrée par la
mise en place, par votre prédécesseur, de la réduction du temps de travail. Le
rachat de cinq jours supplémentaires permettra en effet de restituer à la
police nationale une capacité opérationnelle équivalant à 4 000 emplois à temps
plein.
Une plus grande efficacité exige enfin une intensification de la coopération
policière internationale, qui seule permettra de lutter contre le terrorisme et
les réseaux de trafiquants.
Cette coopération doit s'inscrire en premier lieu au sein des organes créés
dans le cadre de l'Union européenne, à savoir EUROPOL et EUROJUST, ou dans un
espace plus large, comme INTERPOL. La France et l'Allemagne viennent d'ailleurs
de faire des propositions de renforcement de la coopération policière dans le
cadre de l'Union européenne.
Vous avez souhaité par ailleurs, monsieur le ministre, réactiver les accords
de coopération transfrontalière entre la France et les pays voisins, en
favorisant l'installation de centres de coopération policière et douanière.
La question de l'immigration clandestine vers la Grande-Bretagne, à l'origine
du difficile problème du centre de Sangatte, a été résolue en coopération avec
les autorités britanniques. Vous revenez d'ailleurs de Grande-Bretagne, et nous
vous félicitons des résultats que vous y avez obtenus.
Des coopérations bilatérales renforcées avec les pays « sources » ou de
transit permettraient de lutter efficacement contre la traite des êtres
humains, que le Sénat a érigée en délit dans le projet de loi pour la sécurité
intérieure.
Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur les moyens nouveaux que
vous avez décidé de mettre en oeuvre pour assurer le renforcement de la
coopération policière internationale ?
La commission des lois a estimé que les crédits inscrits au titre de la police
nationale dans le projet de loi de finances pour 2003 permettraient
d'accompagner efficacement votre politique déterminée de lutte contre toutes
les formes de délinquance. Elle a donc émis un avis favorable à l'adoption de
ces crédits.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la sécurité civile.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, la progression de 29,7 % des crédits du ministère de
l'intérieur pour la sécurité civile en 2003, soit une progression de 11,57 % à
périmètre constant, constitue une avancée remarquable au regard de la
stagnation de ces crédits en 2002. Elle souligne en outre le caractère
prioritaire des missions de défense et de sécurité civiles, éléments
incontournables de la sécurité intérieure aujourd'hui.
L'attachement profond de nos compatriotes à la qualité des interventions,
toujours plus nombreuses et toujours plus dangereuses, des services de la
sécurité civile est renforcé par le professionnalisme, l'efficacité et le
dévouement dont ces personnels font preuve, au quotidien comme lors des
catastrophes exceptionnelles. L'action des services de secours pour soulager
les victimes des inondations qui ont encore récemment bouleversé notre pays en
témoigne.
Je tiens, une nouvelle fois, à rendre hommage à tous les secouristes morts en
service cette année. Je pense aux six sapeurs-pompiers décédés à l'automne,
qui, tous, ont incarné jusqu'au bout la devise « sauver ou périr » des
sapeurs-pompiers de Paris, et aux cinq malheureux pompiers, fauchés dans les
conditions tragiques sur l'autoroute A 7, auxquels un hommage sera rendu cet
après-midi.
Monsieur le ministre, le budget de la sécurité civile pour 2003 est la
première étape de l'indispensable réforme de la sécurité civile en France : il
prend en considération les personnels, vise à la remise à niveau des
équipements, tout en tenant compte de l'émergence de nouveaux risques.
Monsieur le ministre, vous avez confirmé dans les faits les mesures que vous
aviez annoncées. Ce n'est pas une surprise, mais il fallait le souligner.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur pour avis.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
En premier lieu, vous avez augmenté les crédits de
personnel de plus de 9 %. Une quarantaine d'emplois supplémentaires seront
ainsi affectés à la sécurité civile, tandis que 5,34 millions d'euros sont
destinés à compenser les contraintes spécifiques des personnels.
En second lieu, les crédits de fonctionnement augmenteront de 6,91 % par
rapport à 2002, ce qui permettra notamment de répondre aux besoins de
financement du groupement des moyens aériens et de poursuivre les travaux de
sécurisation des centres de déminage.
Les investissements connaîtront également une forte progression : le montant
des autorisations de programme relatives à l'équipement matériel de la
direction de la défense et de la sécurité civiles, la DDSC, progressera de 50
%, tandis que le crédits de paiement augmenteront de 25,9 % par rapport à
2002.
De votre projet de budget se dégagent quelques axes prioritaires.
Je veux tout d'abord saluer la création d'un fonds d'aide à l'investissement
des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, qui sera doté
de 45 millions d'euros, afin de remplacer la majoration exceptionnelle de la
dotation globale d'équipement, la DGE, dont ces services bénéficiaient depuis
l'année 2000.
J'insiste aussi sur le renforcement des capacités opérationnelles du
groupement des moyens aériens : dix-huit créations d'emploi et vingt-deux
emplois budgétaires consolidés accroîtront ses effectifs.
Par ailleurs, les crédits destinés à la maintenance des aéronefs sont
fortement revalorisés puisqu'ils augmentent de 55 %. Ce nécessaire effort avait
été trop longtemps retardé.
Je veux souligner également la mise en oeuvre de la deuxième tranche du plan
de modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, plan qui doit
être appliqué entre 2002 et 2007. L'enveloppe budgétaire de 1,85 million
d'euros devrait permettre l'acquisition de nouveaux équipements et la création
de 125 emplois supplémentaires. La poursuite de ce plan était, elle aussi, une
ardente obligation pour faire face à la hausse rapide du nombre des
interventions. En 2001, les sapeurs-pompiers de Paris ont ainsi effectué 450
000 interventions, soit plus de 1 200 par jour !
Enfin, je me réjouis de l'effort visant à améliorer la formation des services
de secours que vous avez entrepris. Vous aviez annoncé dès le mois de juin la
création d'un pôle de sécurité civile, autour du nouveau site de l'école
nationale des officiers de sapeurs-pompiers, à Aix-les-Milles, et celle d'un
pôle de défense civile à Cambrai. En mettant les infrastructures les plus
modernes à la disposition des personnels - aires d'entraînement et de
simulation pratique, centres de recherche, etc. - et en favorisant la
coopération et l'échange des différents acteurs des secours, vous posez les
bases d'une sécurité civile plus efficace et mieux coordonnée.
Ces mesures interviennent, il faut le souligner, avant la discussion du projet
de loi sur la modernisation de la sécurité civile que vous avez annoncée pour
l'année prochaine.
Tirant les conséquences des événements exceptionnels qui ont touché notre pays
ces dernières années - tempêtes de 1999, naufrage de l'
Erika
,
inondations récurrentes, explosion de l'usine AZF de Toulouse, la liste
complète serait, hélas ! trop longue -, ce texte dont l'objet est de dessiner
la sécurité civile de demain, devra actualiser la loi du 22 juillet 1987
relative à l'organisation de la sécurité civile en améliorant la capacité de
l'Etat à prévenir les risques et à gérer les crises, en clarifiant les
responsabilités des acteurs des secours et en définissant les obligations de
chacun, car la sécurité civile, mes chers collègues, est l'affaire de tous.
Avant même, je l'ai dit, le dépôt du projet de loi sur la modernisation de la
sécurité civile, le présent projet de budget tend à répondre aux besoins des
services de la sécurité civile afin de satisfaire au mieux les attentes de la
population. Plus généralement, monsieur le ministre, votre action contribue à
faire émerger une véritable culture de la sécurité civile en France.
Je souhaite cependant attirer votre attention, monsieur le ministre, sur
quelques points qui mériteraient des précisions de votre part afin d'éclairer
le Sénat.
Tout d'abord, si le projet de budget pour la sécurité civile instaure un fonds
d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours,
il intervient également après l'adoption de la loi du 27 février 2002 relative
à la démocratie de proximité, dont l'application suscite certaines inquiétudes.
Pourriez-vous, par conséquent, nous indiquer quelles sont vos intentions à
l'égard des services départementaux d'incendie et de secours ?
Quant au volontariat des sapeurs-pompiers, il se heurte aujourd'hui, vous le
savez, à des difficultés importantes : le nombre de volontaires reste stable
depuis quelques années, alors que la durée de leur engagement diminue.
Rappelons que les sapeurs-pompiers volontaires représentent 85 % des effectifs
de sapeurs-pompiers sur l'ensemble du pays.
Là encore, monsieur le ministre, vous avez choisi de faire face aux
difficultés plutôt que de les éviter. Vous avez donc installé, le 25 juillet
dernier, une mission autour du maire de Nîmes, M. Jean-Paul Fournier, chargée
de faire des propositions pour faciliter la fidélisation des volontaires.
Par ailleurs, lors de votre audition devant la commission des lois, en réponse
à l'une de mes interrogations, vous avez indiqué que vous étiez favorable au
rétablissement à seize ans de l'âge d'engagement des sapeurs-pompiers
volontaires. C'est en effet indispensable.
M. Adrien Gouteyron.
C'est très important !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Pourriez-vous nous préciser vos intentions en la
matière, monsieur le ministre ?
Autre sujet d'importance : le stockage des munitions chimiques. En 2001, la
dégradation des conditions de stockage des munitions chimiques entreposées à
Vimy, dans le Pas-de-Calais, avait nécessité - chacun s'en souvient - une
opération d'évacuation de grande ampleur. La question de la sécurisation des
sites de stockage de munitions se pose toujours aujourd'hui.
On aurait pu craindre que, par une sorte de transfert qui ne nous est pas
inconnue, la nécessaire politique de sécurité, ne soit menée aux dépens de la
sécurité civile. Il n'en est rien, et je salue dans ce projet de budget le
signe clair de votre engagement en faveur d'une sécurité civile efficace et
adaptée à son temps.
La commission des lois, comme les autres commissions, est rarement unanime,
vous le savez. Elle l'a été pour rendre un avis favorable à l'adoption des
crédits pour la sécurité civile. C'est un signe fort !
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs,
l'amélioration de la sécurité que nous enregistrons depuis quelques mois ne
peut être qu'un premier pas, et il n'est pas question que le Gouvernement s'en
contente. C'est précisément parce que la situation s'améliore qu'il faut aller
plus loin, plus vite, plus fort.
Ce qui est en jeu, c'est la sécurité des Français et leur tranquillité,
c'est-à-dire leur dignité. Il faut pouvoir sortir de chez soi sans crainte,
sans peur, rentrer chez soi sans devoir baisser les yeux ou la tête devant les
voyous qui rendent la vie impossible dans certains quartiers.
On ne pourra parler de droit de l'homme tant que l'un de nos concitoyens aura
peur, et c'est d'autant plus vrai que nos concitoyens les plus fragiles sont
aussi les plus exposés.
Mais il est une chose que nous ne devons jamais oublier : quelles que soient
les lois que nous votons et quels que soit les crédits que nous ouvrons, ce
n'est pas nous qui faisons reculer la délinquance.
Ce sont les gendarmes, les policiers et les sapeurs-pompiers dans le cadre de
la sécurité civile. Ils le font avec un professionnalisme, une détermination et
surtout un courage auquel je veux rendre aujourd'hui un hommage particulier.
Ce sont ces femmes et ces hommes qui connaissent parfaitement les risques
qu'ils prennent et qui acceptent de les prendre pour garantir notre
sécurité.
Je veux saluer tous ceux qui ont été blessés ou tués en service au cours de
l'année qui s'achève.
Je veux, comme vous, rendre un hommage particulier aux cinq sapeurs-pompiers
volontaires qu'un chauffard irresponsable a assassinés - il n'y a pas d'autre
mot - vendredi dernier dans le département de la Drôme.
Je voudrais d'ailleurs que chacun de nous maîtrise son expression quand il
s'agit des forces de l'ordre ou des sapeurs-pompiers. Lorsqu'un délinquant est
abattu, on a vite fait de parler de « bavure », mais, lorsqu'un policier ou un
gendarme est blessé ou tué, on invoque « les risques du métier ». Or il n'y a
pas de risque du métier qui justifie qu'un policier ou un gendarme soit abattu
!
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Ce sont
des pères de famille, des mères de famille comme les autres ! Et, dans le
vocabulaire que nous employons, j'aimerais que nous tenions compte aussi de
cette réalité.
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Ce qui se dit à la Haute Assemblée a d'ailleurs, croyez-le,
beaucoup d'importance pour nos collaborateurs sur le terrain qui ressentent
comme blessants les mots utilisés parfois.
M. Jean Chérioux.
Notamment dans les médias !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
N'oublions pas qu'il s'agit de la police républicaine et de la
gendarmerie nationale.
Le temps m'est compté, et je veux répondre aux questions qui m'ont été posées,
à commencer par celles de M. Courtois, qui m'a demandé de faire le point sur le
redéploiement.
Depuis notre dernière rencontre en commission des lois, monsieur le rapporteur
pour avis, ce dossier a beaucoup progressé. Toutes les propositions des préfets
me sont parvenues. Leur examen est aujourd'hui largement avancé.
J'annoncerai donc dans les jours qui viennent une dizaine de nouveaux
redéploiements, et avant la fin de l'année, je ferai une troisième annonce
concernant trente à quarante opérations supplémentaires.
Que les choses soient claires entre nous. Dans cette affaire, nos concitoyens
de la ruralité veulent bénéficier de la même sécurité que celle qui devrait
exister dans les villes.
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Il faut donc, premièrement, veiller à garantir les effectifs :
on ne remplace pas un commissariat avec quarante-quatre policiers par une
gendarmerie avec douze gendarmes ! C'était le projet de 1998, ce n'est pas le
mien.
M. Claude Biwer.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
L'équivalence de la qualité du service est un minimum.
Deuxièmement, et c'est très important, on ne remplace pas un commissariat
ouvert jour et nuit par une gendarmerie qui ferme à dix-huit heures. Le « H 24
» vaut pour les policiers et les gendarmes !
Chaque élu doit en être convaincu, ma préoccupation est d'abord de renforcer
la sécurité en soirée et de nuit - je pourrais d'ailleurs faire plusieurs
remarques et je les ferai un autre jour - sur le système de téléphone
départemental pour les gendarmeries. Quoi qu'il en soit, lorsque nous ouvrirons
une gendarmerie là où il y avait un commissariat, nous l'ouvrirons vingt-quatre
heures sur vingt-quatre.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
La méthode compte beaucoup, monsieur le rapporteur pour avis.
Je m'en suis d'ailleurs expliqué devant 3 000 maires lors du congrès de
l'Association des maires de France. Vous avez parfaitement raison d'affirmer
que des inquiétudes se manifestent encore sur le terrain, mais nous progressons
car les élus voient l'honnêteté de la démarche gouvernementale, qui n'a d'autre
fin que d'améliorer la sécurité dans les zones rurales. Depuis des années, on
constate un taux d'augmentation à deux chiffres des statistiques de la violence
dans ces zones : devons-nous rester les bras ballants devant cette réalité
intolérable et inadmissible ou essayons-nous de faire quelque chose ?
La répartition des forces de police et de gendarmerie remonte à soixante et un
ans : j'observe que c'est le gouvernement de Vichy qui l'avait décidée et je
trouve étonnant que l'on puisse défendre avec un tel acharnement les mesures
qu'il avait arrêtées ! Il est peut-être temps de décider d'agir !
(Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Gérard Delfau.
Ce n'est pas digne, cela !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Votre deuxième question, monsieur Courtois, portait sur
l'alimentation du fichier d'empreintes génétiques.
Vous avez évoqué un fait divers qui m'a bouleversé, comme un certain nombre
d'entre vous. J'ai reçu les familles des trois jeunes filles qui ont été
torturées, violées et assassinées. Je les recevrai une nouvelle fois, la
semaine prochaine, car il est de mon devoir de tenir compte de la souffrance
très profonde de ces familles.
A cet égard, je n'oublierai pas ce que m'a dit cette policière, comptant
dix-huit années de service, que j'ai rencontrée à Lyon, au siège de la police
scientifique et technique : « Monsieur le ministre, c'est la première fois que
j'ai pleuré. » Elle a pleuré en écoutant les vingt-six dernières secondes
enregistrées par la mémoire du téléphone portable de l'une des victimes. Je
n'oublierai pas la conversation que j'ai eue avec cette femme, qui a ajouté : «
Vous savez, j'ai mis vingt-quatre heures à passer outre ma souffrance d'avoir
entendu ce que j'ai entendu, et j'y suis parvenue parce qu'il faut les
retrouver, monsieur le ministre. »
Voyez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quand je vous propose d'élargir
le fichier des empreintes génétiques, je pense à toutes les victimes d'hier, à
leurs familles et à tous les drames qui pourraient se produire demain, hélas !
Je n'oublie pas que le suspect, qui a été arrêté, avait déjà été condamné pour
un viol sur mineure et avait passé treize années en prison.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Cet homme était sorti au mois de mai et la jeune fille a été
violée et assassinée le 8 juillet : j'ai ce fait bien présent à l'esprit
lorsque je relève que le suspect ne figurait pas dans le fichier des empreintes
génétiques de la police. C'est de cela dont j'ai voulu parler tout au long de
trois jours et de trois nuits de débat. Chacun d'entre vous, quelles que soient
ses convictions politiques, doit savoir que j'ai ces images dans la tête et
dans le coeur, comme n'importe quel père ou mère. Il ne s'agit absolument pas
de faire de ce sujet une question politique ; ce serait indigne. Mais le
fichier des empreintes génétiques français comprend 1 000 noms, tandis que le
fichier britannique en contient 1,6 million : alors, de grâce, faisons-nous
réciproquement confiance et donnons à la police et à la gendarmerie les moyens
d'arrêter des malades qui commettent des actes monstrueux, car notre premier
devoir est de protéger les victimes potentielles, partout en France et pas
seulement dans la Somme. Telle est, hélas ! la réalité de la situation
actuelle.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le rapporteur pour avis, j'ai prévu d'affecter soixante-cinq agents
supplémentaires à la gestion du futur fichier national automatisé des
empreintes génétiques, le FNAEG. Il ne s'agit pas de mots, il s'agit de
décisions !
J'ai prévu de doubler la surface des locaux dans lesquelles les données seront
saisies, et le nombre des ordinateurs de saisie passera de seize à dix-huit,
avant d'être triplé. Tous les laboratoires de police seront désormais équipés
de chaînes automatisées d'analyse des profils génétiques. Dans certains
laboratoires, des unités pourront se consacrer entièrement à l'alimentation du
fichier, à l'instar de ce qui se pratique depuis plusieurs années en
Grande-Bretagne et aux Pays-Bas.
Nous le devons à toutes les familles. En effet, comment pourrait-on expliquer
aux parents d'une victime que l'Etat a laissé sortir de prison un monstre sans
se donner les moyens de le surveiller ? Nous avons tous un devoir de
protection.
Votre dernière question, monsieur le rapporteur pour avis, portait sur les
moyens de la coopération internationale. Celle-ci est pour moi une priorité
absolue. Depuis sept mois que je suis au ministère de l'intérieur, j'ai ouvert
et développé un centre de coopération policière et douanière, ou CCPD, avec la
Belgique - les élus du Nord peuvent témoigner que la délinquance a régressé
depuis que des patrouilles mixtes franco-belges ont été constituées - et un
autre avec l'Espagne. Aujourd'hui, des patrouilles mixtes franco-espagnoles
luttent contre le terrorisme et le trafic de drogue : vingt-quatre tonnes de
cannabis ont ainsi été saisies à la frontière pyrénéenne en 2001. En outre,
j'inaugurerai au mois de décembre un CCPD avec l'Allemagne, puis un autre
encore avec le Luxembourg. J'ai par ailleurs mis en place des patrouilles
communes avec la Grande-Bretagne, parce qu'il ne peut y avoir de protection
efficace de notre territoire national sans un renforcement de la coopération
policière et douanière.
La première question de M. Jean-Pierre Schosteck concernait l'évolution du
statut des SDIS. Les charges afférentes à ceux-ci ont fortement augmenté au
cours des dernières années, mais je rappellerai qu'il ne s'agit pas d'une
compétence nouvelle dévolue par l'Etat aux collectivités territoriales : le
secours et la lutte contre l'incendie ont toujours été une compétence
décentralisée.
En revanche, vous avez raison d'affirmer, monsieur Schosteck, que les auteurs
de la loi relative à la démocratie de proximité du 27 février dernier ont
commis une erreur en faisant peser sur les seuls départements toute la charge
du dynamisme des dépenses. La sécurité civile concerne l'ensemble des Français,
et son financement et sa gestion ne peuvent donc pas être confiés à un seul
acteur, qu'il s'agisse de l'Etat ou des départements. La forme de
l'établissement public, dont le conseil d'administration associe plusieurs
acteurs, me semble devoir être préservée.
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
La répartition précise des responsabilités entre les différents
acteurs variera d'ailleurs d'un département à l'autre, car elle ne peut être la
même, en matière de secours, dans un département comme celui de M. le président
qu'en Vendée ou dans les Ardennes. Que l'on tienne enfin compte de la diversité
des situations en France !
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
C'est la rigidité de notre organisation qui met en cause notre
unité !
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
C'est l'absence de souplesse qui nous fait perdre en
efficacité.
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Le département, monsieur Schosteck, doit naturellement jouer un
rôle déterminant, mais les communes doivent pouvoir, si elles le souhaitent,
participer à la gestion, car leur action est irremplaçable pour encourager les
vocations de sapeur-pompier volontaire. Il faut aussi pouvoir associer, selon
les cas, d'autres acteurs publics et privés intéressés par la prévention des
risques : je pense ici aux sociétés d'autoroute, aux agences régionales de
l'hospitalisation, aux assureurs ou aux industries à risques.
L'Etat prendra lui aussi sa part dans le financement de la sécurité civile, et
vous avez relevé, monsieur le rapporteur pour avis, que le projet de budget
pour 2003 amorce le mouvement, avec l'instauration d'un fonds d'aide à
l'investissement des SDIS.
Au cours des prochaines années, les décisions que j'ai récemment prises se
traduiront par un effort supplémentaire, notamment avec l'implantation de
l'Ecole nationale des officiers de sapeurs-pompiers à Aix-les-Milles, monsieur
le président
(Sourires),
ou la création à Cambrai, cher Jacques Legendre
(Nouveaux sourires),
d'un pôle de défense civile spécialisé dans la
lutte contre les risques nucléaire, biologique et chimique.
Je répondrai brièvement, monsieur Schosteck, à votre deuxième question,
relative au développement du volontariat. Il s'agit d'un problème considérable.
En effet, le nombre des volontaires stagne alors que celui des interventions se
multiplie, et les volontaires renoncent plus rapidement alors que la technicité
des interventions exigerait qu'ils restent plus longtemps et puissent recevoir
une formation plus poussée. J'estime comme vous, monsieur le rapporteur pour
avis, que ramener à seize ans l'âge légal pour devenir sapeur-pompier
volontaire est une priorité. A cet égard, que l'on parle davantage de celles et
ceux de nos jeunes qui se dévouent pour les autres, et un peu moins de celles
et ceux qui empêchent les autres de vivre !
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Par ailleurs, être volontaire, cela signifie être prêt à
travailler sans être payé. Cependant, il est tout à fait anormal qu'être
volontaire entraîne des dépenses. Si être volontaire ne rapporte rien, cela ne
doit pas non plus coûter ! Je souhaite donc que les années d'engagement
puissent permettre une bonification de la retraite des sapeurs-pompiers
volontaires. Ce ne serait que justice.
Enfin, je souhaite que ceux qui consacrent tous leurs samedis à se former
comme pompiers volontaires puissent être avantagés dans leurs études pour cette
raison. Ainsi, la formation à la sécurité civile doit pouvoir constituer l'une
des spécialisations du baccalauréat.
Après tout, donner pour une fois une priorité et un avantage à ceux qui se
dévouent pour les autres n'aurait rien d'illogique !
Le précédent gouvernement avait déposé un projet de loi de modernisation de la
sécurité civile. Je reprendrai ce texte et j'essaierai de l'enrichir, afin
notamment de répondre aux deux préoccupations que vous avez exprimées, monsieur
Schosteck, en modernisant le statut des SDIS et en prenant des mesures en
faveur des volontaires.
S'agissant de la question des munitions, je vous avais déjà donné de nombreux
éléments d'information lors de mon audition par la commission des lois.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser
sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que
l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
Avant de poser ma question, je voudrais, monsieur le président, à la suite des
terribles drames qui se sont produits ces derniers jours et qui ont fait
plusieurs morts et disparus, rendre un hommage solennel à ces soldats du feu
qui interviennent, en toutes circonstances, pour sauver des vies humaines, au
mépris même des leurs.
Au nom de mon groupe, je tiens à présenter à leurs proches, à leurs familles
et à leurs collègues nos plus sincères condoléances.
Les crédits du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des
libertés locales pour 2003 marquent une progression significative, à hauteur de
11 % par rapport à 2002, en s'établissant à 19,5 milliards d'euros.
Les crédits de la police nationale augmentent également de façon notable,
puisqu'ils atteignent 5,45 milliards d'euros, soit une hausse de 5,8 %.
En ce qui concerne les effectifs, vous prévoyez de créer 13 500 emplois sur
cinq ans, police et gendarmerie confondues. A la suite de M. Courtois,
rapporteur pour avis de la commission des lois, je souhaite vous interpeller
sur le plan de redéploiement des forces de police et de gendarmerie, qui
soulève justement la question des effectifs et de leur réorganisation.
La carte des compétences respectives entre police et gendarmerie est, nous
sommes d'accord avec vous sur ce point, désuète. Vous avez rappelé que la carte
des commissariats de police datait de 1941 et celle des brigades de gendarmerie
du xixe siècle. Nous reconnaissons volontiers que la France a bien changé
depuis !
Cette carte ne tient pas compte de la désertification de certaines zones
rurales et, surtout, de l'urbanisation intense des communes proches des grandes
villes. Deux autorités différentes s'exercent, deux services inégaux sont
assurés, et de nombreuses anomalies ont été constatées.
Ce redéploiement prévoit la fermeture de commissariats au moment même,
monsieur le ministre, où vous prévoyez une hausse des effectifs ! On peut donc
s'interroger sur la pertinence de la fermeture de certains commissariats dans
des zones où la délinquance est en baisse.
En effet, les zones de police enregistrent, de manière générale, une stabilité
du nombre des faits constatés et une régression sensible de la délinquance de
voie publique. Mais cela a induit un effet pervers, à savoir que la délinquance
s'est déplacée vers des zones géographiques plus isolées, situées en milieu
rural et où l'on constate une montée de la violence.
Il est certes nécessaire d'implanter de nouvelles brigades de gendarmerie
nationale ; mais est-il cohérent de supprimer des commissariats là où la
délinquance est en baisse ? Si la police est efficace, pourquoi lui couper
l'herbe sous le pied ? Si la délinquance recule, c'est aussi parce que le
service de la sécurité est bien assuré. C'est cette efficacité que nous
souhaitons renforcer. Nous voulons une police véritablement républicaine, qui
protège nos concitoyens sur l'ensemble du territoire. Le risque existe, en
effet, avec un redéploiement privant des communes de leur commissariat, que les
délinquants réinvestissent les anciennes zones de police.
Nous refusons une dégradation du service public de sécurité dans les petites
villes, et ce n'est pas non plus ce que souhaitent les syndicats de policiers,
notamment dans le département des Bouches-du-Rhône où il est prévu que la
police nationale se retire de deux communes, Tarascon et Châteaurenard, alors
que les policiers y démontrent vingt-quatre heures sur vingt-quatre et chaque
jour de l'année leur capacité à assurer la sécurité. Nombre de maires, dont
ceux de Dinan, dans les Côtes-d'Armor, ou de Tarascon s'inquiètent de voir
remplacer leur cinquantaine de policiers par une vingtaine de gendarmes. Je
vous ai entendu, monsieur le ministre, vous engager sur un maintien des
effectifs, mais que pensez-vous, par exemple, de la proposition d'une
organisation syndicale visant à privilégier la mise en place de commissariats
subdivisionnaires ?
Par ailleurs, des interrogations subsistent quant à l'avenir des policiers qui
seront délocalisés pour être remplacés par des gendarmes. Les syndicats de
police restent d'ailleurs vigilants s'agissant de l'accompagnement social de ce
plan de redéploiement. Nous-mêmes nous inquiétons du coût humain de ce dernier.
Comment seront traités, concrètement, les policiers fortement attachés à leur
région, ayant investi dans une maison, ainsi que leurs conjoints et leurs
familles ? Nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous nous apportiez le
plus de garanties possibles s'agissant de l'avenir des policiers et des
gendarmes concernés par ce plan de redéploiement et par les fermetures de
commissariats et de brigades qu'entraîne sa mise en oeuvre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Monsieur Bret, une fois n'est pas coutume, je puis faire miens,
pour l'essentiel, vos propos.
Je vous remercie de votre hommage aux sapeurs-pompiers. Il est toujours très
important, pour ceux qui nous écoutent, de pouvoir constater que l'ensemble du
personnel politique partage la même compassion pour les victimes.
Je n'ai rien à redire à vos analyses sur le redéploiement. Il est exact que la
carte de la répartition des compétences est désuète. Ainsi, pour la
gendarmerie, l'organisation remonte à 1850 exactement.
Vous m'avez interrogé sur l'accompagnement social du redéploiement, question
que je n'avais effectivement pas évoquée. J'en ai longuement débattu avec les
syndicats, et encore hier après-midi avec les représentants du syndical
national des policiers en tenue, le SNPT.
Qu'est-ce que l'accompagnement social ?
Tout d'abord, s'agissant des conséquences du déménagement, le ministère
prendra en charge celui-ci à chaque fois qu'il le devra.
Ensuite, pour décider l'affectation des personnels dans d'autres
commissariats, les distances sont toujours prises en compte. Ainsi, lors de mon
déplacement dans l'Aube, à Troyes et à Romilly-sur-Seine, j'ai constaté que sur
les quarante-quatre policiers déplacés, onze ont demandé à être affectés à
Provins, soit à trente-sept kilomètres de leur précédent lieu de travail - ce
qui n'est pas énorme, vous en conviendrez -, et huit ont souhaité être mutés à
Troyes, à trente-huit kilomètres. Dans la mesure du possible, nous essayons de
satisfaire les autres demandes d'affectation, par exemple à Lourdes ou à
Arcachon.
Par ailleurs, dans un certain nombre de commissariats à faible activité, l'âge
des fonctionnaires est souvent élevé. Il suffira alors, si par exemple les
trois quarts des personnels du commissariat doivent partir à la retraite dans
les deux ans qui viennent, d'attendre deux ans pour fermer le commissariat en
question.
Comme vous le voyez, monsieur Bret, nous ferons du « sur mesure » en matière
d'accompagnement social, en faisant preuve d'esprit d'innovation.
J'ajouterai, pour conclure, que lorsqu'on ferme un commissariat, on ouvre une
gendarmerie. Or si j'éprouve parfois beaucoup d'inquiétudes quand il s'agit de
fermer un commissariat pour le remplacer par une gendarmerie, nombre d'élus, à
l'inverse, sont très attachés à leur gendarmerie et ne veulent pas d'un
commissariat. En tout cas, aucun secteur ne sera laissé à l'abandon. Il s'agit
de procéder à un remplacement, avec une amélioration du service.
A cet égard, M. Bret a dit que les statistiques enregistrent bien un recul ou
une stabilisation de la délinquance en zone police, mais que l'on constate, en
parallèle, une aggravation en zone gendarmerie. Soyons honnêtes et objectifs
jusqu'au bout : ces dernières années, le nombre des faits de délinquance a
explosé en zone gendarmerie et a augmenté en zone police ; ce n'est que depuis
sept mois qu'il baisse en zone police et qu'il commence à se stabiliser en zone
gendarmerie. Le transfert de la délinquance d'une zone à l'autre n'est donc pas
une fatalité, mais il reste vrai que nous devons renforcer les effectifs dans
les zones rurales.
(Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains
et Indépendants.)
Quoi qu'il en soit, monsieur Bret, au vu de votre analyse de la situation, je
me demande pourquoi vous n'avez pas voté les augmentations d'effectifs prévues
dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure !
(Sourires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Adrien Gouteyron.
Très bonne question !
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
Pour répondre à votre question, monsieur le ministre, je vous indiquerai que
c'est moins sur les effectifs qu'il y a débat, et vous le savez très bien, que
sur la conception d'ensemble de votre texte. Nous avons toujours été, pour
notre part, favorables à un grand service de sécurité, pourvu d'effectifs
suffisants.
Cela dit, je tiens à vous remercier de vos réponses, qui sont, je le crois, de
nature à rassurer les maires et les populations concernés par ce redéploiement
des forces de sécurité. Nous resterons toutefois vigilants s'agissant du
maintien des effectifs.
En ce qui concerne les mesures sociales d'accompagnement du redéploiement,
elles seront sans doute appréciées des personnels, qui éprouvent des
inquiétudes. Tenir compte des voeux exprimés en matière d'affectations et mener
une concertation avec les organisations syndicales me semble effectivement une
bonne chose.
Quant à la prise en compte des frais de déménagement et au fait de jouer sur
les départs à la retraite, il s'agit également de dispositions positives.
Par conséquent, vos réponses sont satisfaisantes dans l'ensemble, monsieur le
ministre. Nous allons maintenant contrôler leur mise en oeuvre.
M. le président.
La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard.
Mes premiers mots, monsieur le ministre, seront pour saluer un projet de
budget conforme à l'image dont vous bénéficiez dans l'opinion : volontariste,
il vise à la restauration de l'autorité de l'Etat ; réaliste, il rompt avec une
approche trop idéologique des problèmes de sécurité ; crédible, il donne, par
les moyens mis en oeuvre comme par la clarté des objectifs, la priorité au
respect de la loi et au résultat.
A cet égard, il est de nature à redonner confiance aux forces de l'ordre, tout
d'abord, mais aussi à nos collègues élus de terrain, légitimement soucieux de
faire face à l'une de leurs responsabilités essentielles : le maintien de
l'ordre et de la tranquillité publics. Soyez-en remercié !
Mon département, monsieur le ministre, est à l'image de bien d'autres :
certains quartiers urbains, où, en dépit de l'inversion très nette de tendance
que l'on doit depuis le mois de juin à votre action, voyous et dealers
persistent trop fréquemment à bafouer l'état de droit ; des zones périurbaines
souvent « polluées » par le comportement de « grands circulants », pour
beaucoup en voie de sédentarisation, qui débarquent sans préavis sur des
terrains municipaux, des parcs d'activité, des terrains privés ; des secteurs
de ruralité, touchés à leur tour par la montée de l'insécurité.
Votre budget prévoit la création de 1 900 postes dans la police et de 1 200
postes dans la gendarmerie. Chacun s'en félicite.
Mais à côté du problème des effectifs, il y a le problème de leur
utilisation.
Le gouvernement d'hier a entendu privilégier la police de proximité. Intention
louable, sauf que sa généralisation paraît s'être faite au détriment des tâches
d'enquêtes et d'investigations, voire au détriment des brigades
anti-criminalité, dont chacun connaît l'efficacité dans ces heures de non-droit
que favorise la nuit.
Les groupements d'intervention régionaux que vous avez créés sont « gourmands
» en termes d'effectifs. La seule conclusion du démantèlement spectaculaire,
début octobre, d'un réseau qui sévissait à partir de Nantes a exigé le concours
de près de 200 policiers et gendarmes.
Certes, vous avez, dans de nombreux cas, substitué aux gardes statiques un
dispositif, plus économe, de rondes et de patrouilles.
Vous avez défini une nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles, qui permet
d'affecter des milliers de CRS et de gendarmes mobiles à des tâches de sécurité
publique.
Mais le combat contre la criminalité et la délinquance exige d'affecter le
maximum d'effectifs sur le terrain.
Or, dans l'administration, dans les commissariats et dans les brigades, de
nombreux fonctionnaires me paraissent être absorbés par des tâches
administratives de paperasserie que pourraient tout aussi bien assurer des
personnels civils.
Votre budget, je le sais, prévoit la création d'un millier d'emplois
administratifs, de nature à permettre le renforcement des effectifs sur le
terrain. Ces postes administratifs présentent deux avantages : d'un moindre
coût, ils peuvent, en outre, être plus rapidement pourvus.
D'où ma question, monsieur le ministre : envisagez-vous d'accentuer, pour
l'exercice 2004, le mouvement entamé sur ce point cette année ?
(Très bien !
et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je vous remercie de votre soutien, monsieur le sénateur. C'est
un soutien qui compte, parce que c'est celui d'un homme de terrain, et donc
c'est l'expression de ce qu'il a entendu et vécu sur le terrain.
Vous parlez de votre département, la Loire-Atlantique. Je citerai un exemple
de redéploiement étonnant : Nantes. C'est la ville de France qui, à ma
connaissance, a le périphérique le plus long : quarante-deux kilomètres.
Savez-vous qu'à Nantes, les trois quarts du périphérique sont en zone police et
un quart en zone gendarmerie. Qui peut me dire que cette organisation est
normale et efficiente ? Quand un délinquant prend ce périphérique, on doit le
suivre avec un véhicule de police pour les trois quarts et avec un véhicule de
gendarmerie pour le quart restant. Dans les projets que je vais annoncer dans
quelques jours, voire dans quelques heures, Nantes sera un de ces projets de
redéploiement. On va renforcer les effectifs du commissariat central de Nantes
pour lui permettre de prendre en charge tout le périphérique. Les gendarmes qui
avaient la responsabilité d'un quart du périphérique vont être redéployés au
service de la péri-urbanité ou de la ruralité du département de
Loire-Atlantique. Je sais que tel n'était pas tout à fait l'objet de votre
question, mais j'en ai profité pour donner cet exemple, car c'est celui qui
illustre le mieux ce que nous voulons faire.
La police de proximité, monsieur Trillard, je n'ai rien contre, sauf quand
elle se fait au détriment de la police d'investigation, notamment des BAC, les
brigades anticriminalité.
Lors de la dernière réunion des préfets, voilà quelques jours, je leur ai
donné pour instruction de garder les secteurs de la police de proximité ; mais
s'ils veulent redessiner les secteurs de la police de proximité pour renforcer
les BAC en créant une BAC supplémentaire et en supprimant un secteur de police
de proximité, je suis pleinement d'accord et même - oserais-je le dire ? - je
suis même demandeur.
Je dirai un mot sur les GIR. Ils ne sont pas gourmands en termes d'effectifs,
monsieur Trillard. Les GIR, ce sont deux structures : la structure UOC, unité
d'organisation et de commandement - une dizaine de personnes : douaniers,
agents du fisc, gendarmes et policiers -, et la structure dite réserve. Dans
l'affaire dont vous parlez, le démantèlement du réseau mafieux de Roumains qui
a produit des résultats considérables - et qui a valu une explication
sympathique entre le maire de Nantes et moi-même !
(Sourires sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
L'unité de réserve, les deux cents personnels, ce sont des personnes que nous
avons mobilisées pendant les deux jours d'intervention mais qui sont, tout au
long de l'année, dans leur service. Elles ne sont donc pas affectées
définitivement aux GIR, elles servent autant que de besoin l'unité de
commandement.
S'agissant de la tâche administrative, vous avez mille fois raison.
Permettez-moi d'apporter une précision. Dans le budget, vont être créés non pas
1 000 postes, mais, en vérité, 2 000. En effet, en devenant ministre de
l'intérieur, j'ai eu la surprise de constater que mon prédécesseur avait dans
son budget l'argent pour créer 1 000 postes administratifs mais que l'on avait
oublié d'organiser le concours ! Ce sont donc 2 000 postes administratifs qui,
en 2003, seront mis à la disposition du ministère de l'intérieur ; vous aurez
donc 2 000 policiers de plus au service de la sécurité dans vos départements.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard.
Je voudrais remercier M. le ministre de ses explications et de ses objectifs
clairs et précis : le jeune sénateur que je suis comprend depuis six mois !
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le ministre, je me réjouis, comme tous mes collègues sans doute, de
constater que la France revient à ses tâches régaliennes. Je suis en
particulier heureux de voir que les notions de protection et de sécurité
reçoivent dans ce budget les moyens financiers qui vont de pair avec la
proportion morale que vous avez redonnée à nos corps d'intervention, quels
qu'ils soient.
Cependant, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur un
point. La protection est une bonne chose, mais les risques encourus par notre
population viennent de l'extérieur. Ils émanent non pas, comme ce fut le cas
autrefois, d'Etats organisés, mais d'organisations diffuses à caractère varié,
allant de l'extrémisme religieux à la mafia dévoyée, en passant par d'autres
types de délinquance internationalisée.
Cela nous amène à réfléchir sur la notion de « défense ». Je suis de ceux qui
déplorent que, dans notre pays, au niveau gouvernemental, le terme « défense »
soit réservé au ministère des forces armées, ce qui conduit nos concitoyens à
considérer que la défense du pays est exclusivement assurée par les
militaires.
Dès 1959, dans son ordonnance portant organisation générale de la défense, le
général de Gaulle avait engagé autre chose. Il avait également prévu une
défense civile dont la responsabilité était confiée au ministère de
l'intérieur. A ce niveau-là, monsieur le ministre, vous avez un rôle éminent à
jouer, que le public cerne mal à travers l'existence d'une direction de la
défense et de la sécurité civile. On parle tout le temps de sécurité, on parle
tout le temps de protection, mais on parle rarement de défense. D'autant que,
au sein du Gouvernement, existe un autre organisme - nous l'avons évoqué hier
soir -, qui est le Secrétariat général de la défense nationale, ou SGDN, dont
le rôle n'est, à mon avis, pas suffisamment connu.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Paul Girod.
Aussi, j'en viens à ma question, monsieur le ministre. La notion de défense
doit impliquer tous les citoyens dans leur vie quotidienne, par la préparation,
par le sang-froid et par l'alerte. A cet égard, j'ose à peine évoquer notre
réseau actuel de sirènes. En effet, il n'existe pas sur plus des deux tiers du
territoire et, là où il existe, nos concitoyens ne sont pas capables de décoder
les signaux des sirènes. S'ils les entendaient à vingt-deux heures, ils
s'étonneraient qu'on soit le premier mercredi du mois à midi ! Voilà très
exactement ce qu'ils penseraient !
Sur le plan de la défense, il y a tout une action à mener, votre ministère
étant au premier plan. Comment, à l'échelon gouvernemental en général et au
niveau de votre ministère en particulier, allez-vous vous employer pour faire
passer ce message organisationnel mais, surtout, psychologique et de
préparation auprès de la population, afin qu'elle comprenne que la défense est
l'affaire de tous et que chacun doit s'y préparer ? En effet, si l'organisation
d'Etat est, certes, importante, la mobilisation
a priori
des esprits
l'est tout autant !
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Monsieur Girod, une nouvelle fois, vous faites oeuvre de
lucidité, en vous spécialisant, depuis de nombreuses années, sur la question de
la défense civile.
Je n'irai pas par quatre chemins : la France a pris du retard en la matière.
La défense civile doit devenir, pour nous, une priorité. C'est d'ailleurs à ce
titre que je vous ai demandé, dans le cadre du projet de loi pour la sécurité
intérieure, la possibilité de créer une réserve de la police nationale, car il
s'agit d'un ensemble.
La défense civile doit être une priorité compte tenu des risques qui pèsent
sur la France, risques qui sont bien différents de ceux que nous avons connus
au cours des années passées. Cela a été l'objet, et je crois que c'était
important, du rendez-vous Euratox 2002, à Canjuers, le 28 octobre dernier. Pour
la première fois depuis bien longtemps, il ne s'agissait pas simplement d'un
exercice d'état-major, il s'agissait d'un exercice que la France avait pris la
responsabilité d'organiser pour voir en réel quelles étaient les failles de
notre dispositif. Or ces failles existent. C'est bien la raison pour laquelle
j'ai décidé de mettre en place un plan d'équipement doté de 25 millions
d'euros, pour financer l'acquisition de moyens de protection, de
décontamination et de neutralisation des produits dangereux. Quand on sait
qu'une rame de métro transporte environ 2 000 personnes, il faut absolument que
nous ayons les équipements nécessaires, et pas simplement dans les deux ou
trois plus grandes villes, pour avoir un rythme de décontamination à la hauteur
des risques. C'est pourquoi j'ai annoncé, le 27 juin dernier, la création du
pôle de formation à Cambrai.
Monsieur Girod, je suis convaincu de la justesse de vos propos. C'est une
mobilisation de tous les instants. M. le Président de la République a
d'ailleurs évoqué ces questions lors d'un récent conseil de sécurité
intérieure. Vous le savez, on n'a pas le droit de communiquer sur ce qui se dit
au conseil de sécurité intérieure, mais je puis vous assurer que votre
préoccupation est prise en compte au plus haut niveau de l'Etat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le ministre, pour être tout à fait franc, je m'attendais à cette
réponse, car, je le sais, la volonté existe en ce domaine. Toutefois, il faut
que cela suive sur le terrain.
Vous venez de citer l'exercice Euratox 2002. C'est effectivement l'un des
premiers exercices visant à constater les failles. Car malheureusement, trop
souvent en la matière, les exercices consistent plutôt à lire un ouvrage sur le
sujet, à trouver à la fin de la journée que tout est bien, mais en oubliant d'y
associer la population.
Monsieur le ministre, je souhaite, pour ma part, que l'on ait la franchise de
dire aux Français que, si les Américains ont réussi à sortir 25 000 personnes
des Twin Towers lors de l'attentat du 11 septembre, c'est parce qu'elles
avaient l'habitude de faire cet exercice. Or un tel exercice d'évacuation
sérieux et impromptu n'a jamais été organisé dans les grandes tours de notre
pays.
M. le président.
La parole est à M. Bernard Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la
sécurité s'est imposée de façon aussi forte dans le débat politique, c'est
parce que, pendant trop longtemps, il n'y a pas eu de réponse politique à
l'angoisse croissante des Français devant les dangers quotidiens. Aucune
véritable volonté politique ne se manifestait, tandis que l'Etat était en panne
s'agissant de la production de sécurité. Nous avons pu mesurer les dégâts
causés par l'idéologie : chaîne de production de sécurité ne fonctionnant plus,
justice bafouée, police découragée, victimes abandonnées, citoyens exaspérés et
délinquants encouragés. Toutefois, comme le disait Camus, l'évidence a une
force terrible, et la réalité avait fini par s'imposer à tous. Malheureusement,
il ne suffit pas d'afficher des intentions pour résoudre un problème. S'est
alors installée la politique du verbe.
(M. Jean-Claude Peyronnet s'exclame.)
C'était, en réalité, du vent derrière des mots. Politique de proximité,
adjoints de sécurité, contrats locaux de sécurité, agents d'ambiance : beaucoup
de mots prononcés pour ne pas faire la chose.
Pour inverser la tendance, le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre,
avez opté pour une politique d'action, inspirée par le bon sens, lequel se
révèle, finalement, la chose la mieux partagée dans le peuple. Ce dernier,
d'ailleurs, vous en voue une reconnaissance qui se manifeste jour après
jour.
Vous avez décidé de mobiliser les forces de sécurité en développant ce que
vous avez appelé une « culture du résultat ». Il s'agit, là aussi, d'une
véritable révolution, qui remet enfin les choses à l'endroit.
Surtout, monsieur le ministre, vous avez doté votre politique de sécurité des
moyens budgétaires adéquats. Vous avez donc relevé le défi des crédits. Le
budget que vous nous présentez est à la hauteur des engagements pris dans la
loi de programmation, et le rapporteur, pour la commission des lois, notre
excellent collègue M. Jean-Patrick Courtois, en a fort bien analysé le
contenu.
Je dois vous dire toute ma satisfaction de voir que l'augmentation des crédits
permettra de créer 1 900 emplois dès 2003. Vos prédécesseurs en parlaient,
vous, vous l'avez fait ! Cela est d'autant plus méritoire que vous êtes
contraint de réparer les erreurs passées. La loi du 21 janvier 1995 avait, en
effet, prévu le recrutement d'agents administratifs et la suppression des
fameuses tâches indues. Pourquoi ce programme a-t-il été arrêté dès 1997, alors
même que chacun reconnaît qu'il est indispensable de recentrer l'activité des
policiers et des gendarmes sur des missions réellement liées à la sécurité ?
Cela étant dit, monsieur le ministre, si l'augmentation des effectifs a pour
objet d'accroître la présence policière sur le terrain, elle doit aussi
permettre une meilleure efficacité des services, en ce qui concerne tant la
prévention des actes de délinquance que l'identification de leurs auteurs. Pour
ce faire, il est primordial que les personnels soient bien formés. C'est
pourquoi je vous remercie de bien vouloir nous indiquer les grandes lignes de
la politique de formation que vous entendez développer, en matière, bien sûr,
de formation initiale, mais aussi, et surtout, de formation continue, notamment
dans la perspective de la création d'une réserve civile de la police.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Monsieur Plasait, je pourrais vous apporter de nombreuses
réponses, tant votre intervention était riche et cohérente eu égard au soutien
que vous avez toujours apporté aux textes que le Gouvernement a défendus.
La formation est un point essentiel. J'ai étudié les différents événements
dramatiques qu'a connus la police dans les dernières années - ceux que
j'évoquais voilà un instant et que l'on qualifie de « bavures » - afin
d'appréhender le cadre dans lequel ils se produisaient. Je me suis rendu compte
que, bien souvent, au paroxysme d'une situation dangereuse, les fonctionnaires
ont peur parce qu'ils n'ont pas reçu la formation adéquate.
Nombre des problèmes que nous avons connus dans le passé sont dus à
l'inadéquation entre l'emploi de certains fonctionnaires à un moment donné,
dans une situation paroxysmique, et la formation qui leur a été dispensée.
Ainsi, un événement dramatique était survenu dans la banlieue de Lille, à
l'époque de mon prédécesseur. Cela montre bien que ce n'est pas le soutien que
l'on apporte aux forces de police qui fait qu'il y a un risque. Même quand on
les soutient fort peu, il arrive des événements dramatiques. Pourquoi un
fonctionnaire de police, en pleine nuit, surprenant deux voleurs de voiture
a-t-il tiré ? Il a eu peur. Il était membre non d'une BAC mais d'une brigade
canine. Si un membre d'une BAC avait été envoyé sur place, compte tenu de la
formation qui est la sienne, le risque de panique et de peur aurait été bien
inférieur. Mettons-nous à la place des fonctionnaires qui sont dépêchés dans la
nuit afin d'affronter des voleurs de voiture. Certes, on ne doit pas mourir
parce qu'on vole une voiture, mais, si on ne vole pas une voiture, on n'a pas
d'ennuis avec la police. Les deux choses doivent être dites, pas une seule !
Mais il s'agit là d'un événement dramatique, car ce jeune a été tué. Cela
n'aurait jamais dû se passer.
J'ai donc décidé de mettre la formation au coeur de mes priorités. Par quoi
cela va-t-il se traduire ? D'abord, nous allons améliorer la qualification des
officiers de police judiciaire. Dès 2003, il y aura 2 000 officiers de police
judiciaire de plus. Cela présente aussi l'avantage d'améliorer le salaire.
Ensuite, nous allons rapprocher les formations de la police et de la
gendarmerie. Je ne veux pas avoir deux systèmes totalement opaques, qui ne se
parlent pas, ne se confrontent jamais. Enrichissons-nous de nos cultures
différentes ! C'est le moins que l'on puisse attendre.
Enfin, nous allons lutter contre les violences urbaines. J'ai réuni l'ensemble
des commandants de compagnies républicaines de sécurité, les CRS, et des
responsables d'escadrons de gendarmes mobiles. Je souhaite spécialiser les
forces mobiles pour qu'elles interviennent le soir, la nuit et dans les cas de
violences urbaines. Leurs techniques d'intervention devant s'adapter aux
nouvelles techniques des voyous, je conduirai un effort de formation très
important en la matière.
Je vous demande, monsieur Bernard Plasait, de ne pas me tenir rigueur de ma
concision, car j'aurais bien d'autres choses à dire, mais mon temps de parole
est limité !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Alex Türk.
M. Alex Turk.
Monsieur le ministre, je vous interrogerai sur les problèmes relatifs à
l'Office européen de police, EUROPOL. Ils sont peu souvent évoqués, mais sont
sans doute appelés à l'être de plus en plus dans les années à venir.
Membre depuis sa fondation de l'Autorité de contrôle commune de l'office et la
présidant depuis deux ans, je suis aux premières loges pour constater à quel
point EUROPOL se trouve actuellement dans une impasse. J'avais interrogé vos
prédécesseurs, M. Chevènement il y a trois ans et, le 4 décembre de l'année
dernière, au cours d'un exercice semblable à celui d'aujourd'hui, M. Vaillant.
Mes questions, qui concernaient l'utilisation du système EUROPOL, étaient
restées sans réponse.
Or, deux événements viennent renforcer ma préoccupation. D'une part, un grand
quotidien national a consacré hier une page entière aux déclarations, à
certains égards surprenantes, du directeur d'EUROPOL, qui se plaint de
l'attitude de la France ces dernières années. D'autre part, une contribution
franco-allemande a été versée au dossier de la Convention européenne par les
deux ministres des affaires étrangères, qui reconnaissent la nécessité d'un
grand développement des compétences d'EUROPOL et évoquent même la notion d'«
autorité coercitive européenne ».
Il est donc devenu absolument nécessaire que vous répondiez, et je ne doute
pas que vous le ferez, puisque vous avez inscrit dans la transparence dans
votre stratégie.
Je vous poserai donc trois questions.
Première question : où en est le système d'informations d'EUROPOL ? Vous le
savez, ce système repose sur deux piliers : des fichiers aux fins d'analyse
criminelle, d'une part, et un grand fichier d'informations générales, d'autre
part. Or, depuis quelques années, nous sommes nombreux à nous plaindre que ce
dernier n'ait pas été réellement mis en place. Il serait peut-être
opérationnel, nous dit-on, au milieu de l'année 2003. Pouvez-vous nous apporter
quelques précisions sur ce point ?
Ma deuxième question concerne la présence française au sein d'EUROPOL. Nous
avions commis de nombreuses erreurs, ces dernières années, mais nous avions -
enfin ! - réussi à voir un grand professionnel intégrer la hiérarchie d'EUROPOL
: il semble qu'il soit désormais appelé à d'autres fonctions. Est-il possible
de renforcer la présence française au sein d'EUROPOL ? Je rappelle que la
Grande-Bretagne, l'Allemagne et les Pays-Bas monopolisent l'essentiel des
postes. La Grande-Bretagne, à elle seule, n'occupe pas loin du quart des postes
stratégiques, alors que, depuis quatre ou cinq ans, nous en sommes quasiment
absents.
Troisième question : que faire pour convaincre la police française, qui depuis
quelques années se montre très réservée, de profiter du système EUROPOL, qui va
probablement se développer ? Il nous coûte tout de même quelques dizaines de
millions de francs par an ! Cette réticence est d'autant plus regrettable que
la France est le troisième contributeur, loin devant les suivants, et que
EUROPOL, nous le savons, est la cheville ouvrière de toutes les négociations
avec les Etats-Unis en matière de terrorisme. Il est donc indispensable que les
policiers et les gendarmes français profitent du système et l'alimentent, non
pas seulement pour ne plus essuyer les reproches du directeur de l'office, à
certains égards malvenus, mais surtout pour donner une dimension supplémentaire
à l'action internationale, que vous avez jugée prioritaire, monsieur le
ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Monsieur Türk, comme toujours, qu'il s'agisse d'EUROPOL ou des
fichiers, vos questions témoignent du très grand soin avec lequel vous suivez
vos dossiers.
La question d'EUROPOL, à laquelle, croyez-le bien, j'attache une attention
particulière, n'est pas très simple. J'ai trouvé une situation à bien des
égards complexe sur les plans à la fois psychologique et technique.
Je préciserai d'abord que EUROPOL compte aujourd'hui 338 personnes au total,
dont 31 Français. La France assume 17 % du budget de l'office, qui s'élève à 48
millions d'euros. Il est vrai que l'équipe dirigeante ne comprend plus de
Français depuis que j'ai nommé le directeur-adjoint français, M. Gilles
Leclair, homme de très grande qualité, à la tête de l'Unité de coordination de
la lutte anti-terroriste, l'UCLAT. Peut-on me reprocher, monsieur Türk - ce que
vous ne faites pas ! -, de vouloir les meilleurs à la tête des services les
plus emblématiques de la police française ? Je crois savoir que M. Leclair a
vécu sa nomination à la tête de l'UCLAT comme un retour dans un service
opérationnel. Car, si EUROPOL assume des fonctions très importantes, ses
missions n'ont pas le même caractère opérationnel, chacun peut le comprendre,
que celles d'un grand service de la police française comme l'UCLAT. Au
demeurant, M. Leclair est unanimement reconnu comme un grand professionnel.
Je suis en train de réfléchir au choix de son successeur comme
directeur-adjoint d'EUROPOL - en tout état de cause, ce sera une personne de
grande qualité -, car nous devons être plus présents dans le fonctionnement de
cet organisme.
Je tiens à réaffirmer devant la Haute Assemblée que les gouvernements doivent
rester maîtres des processus de sélection des dirigeants d'EUROPOL et qu'ils
doivent nommer les meilleurs. Je ne veux pas que EUROPOL devienne un « machin »
technocratique sur lequel on ne sait qui aurait la haute main.
Quant au système d'informations, je souhaite comme vous que le ficher soit
opérationnel dès 2003, et les éléments qui m'ont été communiqués sont plus
optimistes que par le passé. Cette évolution est liée à l'après 11-Septembre :
la création d'une
task force
anti-terroriste a permis d'améliorer la
quantité et la qualité des informations échangées et, surtout, la vitesse de
leur transmission.
Je suis prêt à favoriser la fluidité de l'information, car il serait gravement
irresponsable, dans l'ambiance actuelle, qu'un service secret, quel qu'il soit,
garde les informations qu'il possède. Ainsi, j'ai autorisé un certain nombre de
services européens à venir consulter des éléments très précis liés à des
arrestations récentes. Je ne peux malheureusement pas entrer plus avant dans le
détail, même devant la Haute Assemblée.
Dans une semaine, l'Inspection générale de la police nationale, que j'ai
saisie, me transmettra ses propositions pour améliorer le fonctionnement
d'EUROPOL et la contribution qu'y apporte la France. J'aurai l'occasion de les
évoquer avec vous, si vous le voulez bien, mais en particulier, monsieur le
sénateur. Vous aurez ainsi l'assurance que vos préoccupations, qui portent sur
un enjeu majeur pour la région Nord - Pas-de-Calais, notamment, sont vraiment
prises en compte.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le ministre, il nous est difficile - c'est pourquoi nous ne le ferons
pas - de vous reprocher d'afficher un mauvais budget, si l'on s'en tient aux
chiffres avancés, notamment pour ce qui est des effectifs.
Cependant, ce budget suscite en nous quelques craintes que je voudrais
mentionner ici et qui portent principalement sur trois aspects : les effectifs,
la culture du résultat et les bâtiments.
S'agissant des effectifs, tout d'abord, la politique de police de proximité,
mise en place par M. Vaillant après que M. Pasqua l'eut, en quelque sorte, «
inventée », s'est développée grâce aux adjoints de sécurité. Or, on annonce la
suppression de plusieurs milliers de postes, ce qui entraînerait, d'après les
chiffres avancés, la disparition de 9 500 policiers de terrain. Cela n'est pas
sans nous inquiéter. Certes, vous accordez un moratoire d'une année :
qu'adviendra-t-il au terme de ce moratoire ? Le problème sera-t-il résolu ou
seulement différé ? Cet aspect nous préoccupe fortement.
J'évoquerai un deuxième aspect : les conséquences que pourrait avoir ce que
l'on peut nommer la politique budgétaire des vases communicants. J'entends par
là que la forte augmentation de certains budgets, notamment du vôtre, peut se
traduire par la diminution de certains autres ou avoir des effets négatifs sur
d'autres politiques. Ainsi, la suppression massive de postes d'aides-éducateurs
et de postes de surveillants dans le budget de l'éducation nationale n'est-elle
pas préoccupante pour vous ? Ces aides-éducateurs, ces surveillants, jouent un
rôle essentiel dans les établissements, voire autour des établissements. Ils
constituent un élément majeur de l'encadrement des jeunes et contribuent à
assurer la sécurité. Si les jeunes qui pratiquent volontiers l'absentéisme ne
sont pas encadrés, vous les retrouverez de toute évidence dans la rue - sinon
vous, du moins vos fonctionnaires. Sans doute y avez-vous réfléchi.
Notre inquiétude porte également sur les contrats locaux de sécurité, les CLS.
La baisse du budget de la politique de la ville amène de nombreux maires à ne
pas les reconduire, faute d'engagement de l'Etat. Cela signifie-t-il, monsieur
le ministre, la fin ou du moins le ralentissement d'une politique globale de
sécurité intégrant en particulier une forte dimension préventive, à côté ou en
amont de la dimension répressive ?
Notre deuxième grand sujet de crainte réside dans la culture du résultat que
vous êtes en train d'introduire dans les services de sécurité départementaux.
Vous l'avez rappelé ce matin, vous recevez chaque mois les préfets qui ont
obtenu les meilleurs et les moins bons résultats. Je suppose que vous ne vous
contentez pas, tel Napoléon, de caresser la joue des meilleurs et de tirer les
oreilles des plus mauvais. Vous vous inspirez de la politique new-yorkaise, je
le sais bien.
On peut cependant s'interroger sur l'intérêt de votre méthode et, surtout, sur
la pertinence de certains critères. Ainsi, vous mesurez les résultats en
pourcentages. Or, une variation de la délinquance de 20 % correspond dans le
Var à 2 000 faits constatés, alors qu'une variation de 22 % correspond dans le
Lot à 140 faits constatés ! C'est évidemment différent ! J'aimerais donc,
monsieur le ministre, que vous m'expliquiez le choix de ce critère.
On peut surtout s'interroger sur la notion même de fait constaté : pour
pousser le raisonnement à l'extrême, les résultats d'un commissariat qui
fermerait ses portes pendant un mois connaîtraient une amélioration
vertigineuse, avec un coefficient proche de l'infini ! A l'inverse, plus on
cherche, plus on trouve !
Je fais bien sûr confiance aux fonctionnaires de sécurité, qu'ils soient
policiers ou gendarmes, pour faire état de leur travail avec le maximum de
loyauté. Mais enfin ! Un tableau d'honneur, c'est très bien en classe, lorsque
c'est le maître qui juge l'élève à partir de critères qu'il a définis. Mais si
l'élève procède lui-même à son évaluation, cela nécessite à tout le moins une
forte correction des résultats par le maître. Monsieur le ministre, vous êtes
le maître ; assurerez-vous cette correction ?
Au demeurant, le moment ne serait-il pas venu de mettre en place
l'observatoire de la délinquance intérieure que préconisaient conjointement M.
Caresche et M. Pandraud ? Il vous permettrait de vous appuyer sur des données
uniformes et objectives pour juger de l'évolution de l'insécurité, que ce soit
de façon globale ou en tel point précis du territoire.
Ma troisième crainte porte sur une question qui préoccupe nombre de maires, en
particulier dans les milieux ruraux : la construction et le financement des
casernes de gendarmerie. Le 30 juillet dernier, vous avez déclaré ceci devant
le Sénat : « Les collectivités qui choisiront de prendre en charge la maîtrise
d'ouvrage pour aller plus vite pourront bénéficier de deux avantages.
« Tout d'abord, [...] la TVA versée sur ces opérations sera remboursée.
« Ensuite, la participation de l'Etat à la construction sera soumise aux
règles générales du décret de 1999 sur les subventions, et non pas aux règles
plus rigoureuses du décret de 1993. Dans le décret de 1993, la subvention est
limitée [...] à 18 % ou 20 % [...], alors que le décret de 1999 permet d'aller
beaucoup plus loin. »
Monsieur le ministre, nous connaissons bien le système actuel en matière de
constructions de casernes de gendarmerie : elles sont subventionnées à hauteur
de 18 %, et les gendarmes acquittent un loyer. C'est toujours le seul système
que connaissent vos services aujourd'hui. Vous évoquez des subventions plus
élevées : vos services nous répondent que les décrets ne sont pas parus.
Pouvez-vous nous dire à combien s'élèveront finalement ces subventions ? En
outre, vous n'avez en aucune façon mentionné, au mois de juillet, la
suppression du loyer : vos services nous répondent que ce n'est pas « fromage
et dessert ». Ce serait plutôt subvention, dont on ne connaît pas le montant,
et loyer, ou bien subvention et récupération de TVA sans loyer !
Croyez-vous, monsieur le ministre, que le nouveau système, qui
s'accompagnerait de la suppression des loyers, sera plus avantageux que
l'ancien ? Tout dépendra du montant de la subvention, sur lequel il faudrait
donc que vous nous éclairiez.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je vous remercie, monsieur Peyronnet, du ton extrêmement
courtois avec lequel vous avez posé votre question.
Vous avez commencé votre propos par ces mots, que j'ai appréciés : « Il nous
est difficile de vous reprocher d'afficher un mauvais budget... » Allons, un
petit effort, monsieur Peyronnet ! Dites qu'il est bon !
(Rires sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Ne faites pas de
périphrases, cela ne sied pas à un homme de votre qualité ! Au lieu de dire
qu'il est difficile de prétendre qu'il s'agit d'un mauvais budget, il est plus
rapide, plus franc et plus utile de dire qu'il est bon, monsieur Peyronnet ! Si
vous le faisiez, nous serions nombreux à vous applaudir. Vous voyez, il ne vous
reste qu'un tout petit effort à faire ! Les améliorations peuvent venir de tous
les côtés !
Vous m'avez interrogé sur les adjoints de sécurité : il est clair qu'aucun
poste ne sera supprimé. Ce que nous modifions, c'est la nature des contrats. Je
l'ai dit à plusieurs reprises, et j'aurai l'occasion de le répéter au cours
d'autres débats : c'est une mesure qu'il convenait de prendre !
Votre préoccupation portait sur les effectifs, et vous m'avez très
courtoisement demandé, bien que plus gentiment - mais cela revenait au même -,
si je n'allais pas supprimer d'un côté ce que je créais de l'autre. Ma réponse
est simple : aucun emploi d'adjoint de sécurité ne sera supprimé.
En ce qui concerne les éducateurs, je laisserai à M. Ferry, qui travaille à un
dispositif qui les intéresse, le soin de répondre lui-même. Dans cette attente,
laissez-moi vous dire une chose, monsieur Peyronnet. A Strasbourg, dans le
quartier de Hautepierre, où je me suis rendu voilà peu, un éducateur - mais je
sais bien que vous parliez des aides-éducateurs employés par l'éducation
nationale - me disait : « Monsieur le ministre, la situation de la sécurité est
devenue si intolérable que nous ne pouvons plus faire notre travail de
prévention. »
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je soulignerai devant la Haute Assemblée qu'il ne sert à rien
de parler de la prévention, de rendre hommage au travail admirable des
éducateurs et du mouvement associatif si vous ne garantissez pas la sécurité à
laquelle ces éducateurs, à laquelle ce mouvement associatif ont le droit. Les
premières victimes de l'insécurité dans nos quartiers, ce sont les éducateurs.
La prévention - vous le savez, monsieur Peyronnet, comme chacun d'entre nous -
ne peut se développer que lorsque la sécurité règne dans les quartiers où les
éducateurs exercent. Or, malheureusement, ce n'est pas toujours le cas.
Vous m'interrogez sur le choix des pourcentages comme critère d'évaluation, en
attirant mon attention sur le fait que tel pourcentage de diminution de la
délinquance représente une baisse de quelques centaines de faits constatés dans
le Var et de quelques dizaines seulement ailleurs - et vous auriez pu prendre
l'exemple de la Lozère. C'est exactement l'argument qu'a défendu le préfet du
département concerné : je l'ai tout de suite arrêté. Car 40 faits
supplémentaires dans un département rural, c'est une véritable révolution,
qu'il s'agisse du Cantal, de la Lozère ou de tout autre département, alors que
2 000 faits supplémentaires dans un département urbanisé passent pour un effet
statistique.
Dans un département où il ne passe jamais rien, quand surviennent quarante
faits de plus, c'est un drame ! J'ai donc demandé aux préfets de ne pas tenir
ce raisonnement et j'ai répondu à celui qui me l'opposait : « Monsieur le
préfet, les quarante faits supplémentaires, ce n'est pas vous, ce n'est pas
votre épouse, ce ne sont pas vos enfants qu'ils touchent ! Car s'il s'agissait
de vous-même, de votre épouse ou de vos enfants, vous ne me diriez pas que
quarante faits supplémentaires, ce n'est rien ! »
En ce qui me concerne, je ne néglige rien. La tolérance zéro, c'est que la
pagaille n'arrive pas dans des départements où elle n'existait pas jusqu'à
présent.
J'ajoute une question, monsieur Peyronnet : quelle conception avez-vous de la
police ? Je ne suis pas le « maître » ! Je suis le responsable, et la culture
du résultat s'appliquera d'abord à moi-même. Si échec il y a, il est normal que
l'échec le plus cinglant, le plus immédiat, le plus brutal soit celui du numéro
un.
Je ne suis pas un maître qui fait défiler ses élèves. Je suis un responsable
qui parle avec ses collaborateurs.
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Oui, chaque mois, je consacrerai une matinée pour comprendre
pourquoi certains ont pris des initiatives et obtiennent des résultats, et
pourquoi d'autres n'ont pas pris les mêmes initiatives et s'enfoncent dans
l'absence de résultats. C'est mon devoir de le faire.
J'admets bien volontiers, monsieur Peyronnet, que cela représente un grand
changement par rapport à ce qui existait auparavant : les Français jugeront si
ce changement est positif ou non.
Pour ce qui est de la gendarmerie et de la LOPSI, je ne peux vous répondre
pour l'instant, et vous prie de bien vouloir m'en excuser. Je le ferai donc à
l'issue de cette séance ou par écrit.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le ministre, sur la question précise des casernes de gendarmerie, je
me contenterai volontiers d'une réponse écrite. Il s'agit d'un sujet très
technique, et je comprends que vous ne puissiez y répondre dans l'immédiat !
Je reviendrai sur l'une de vos remarques. Un maître n'est pas forcément
répressif : il écoute aussi ses élèves, et je suis heureux de constater que
c'est là votre état d'esprit.
Je prends acte que vous ne supprimerez pas de postes, mais c'était bien aux
aides-éducateurs des établissements scolaires que je pensais,...
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Oui, bien sûr !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... et non pas aux éducateurs que, par ailleurs, je connais bien puisque, en
tant que président du conseil général, je les rencontre fréquemment sur le
terrain.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
poserai pas de question sur la police et la gendarmerie : j'évoquerai la
sécurité civile. Il faut bien, quelquefois, changer de thème, et vous savez,
monsieur le ministre, que la sécurité civile, est l'une de mes passions !
Si nous nous réjouissons, bien évidemment, de l'augmentation sensible du
budget de la sécurité civile, il n'en reste pas moins que celui-ci ne
représente que la partie visible de l'action de la sécurité civile. La
protection des biens et les secours reposent essentiellement sur le maillage
territorial dessiné par les SDIS, les services départementaux d'incendie et de
secours, dont le fonctionnement est fondé sur la compétence et le dévouement
des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.
M. le président du Sénat rendra hommage, cet après-midi, aux malheureux
sapeurs-pompiers volontaires qui ont été tués dans un accident de la
circulation. Après les sapeurs-pompiers de Paris, c'est un lourd tribut qu'ont
payé ces hommes à leur dévouement.
Monsieur le ministre, les crédits destinés à la sécurité civile dans votre
budget s'élèvent à 323 millions d'euros alors qu'en fait la sécurité civile
coûte en France 2,7 milliards d'euros. La différence est donc supportée par les
collectivités locales ; il faut le rappeler de temps en temps.
Or les budgets des services départementaux ont subi une véritable explosion
des dépenses, et ce pour de nombreux motifs.
Après les textes, certes légitimes, sur la revalorisation des carrières et la
réforme du régime indemnitaire est intervenu le décret du 31 décembre 2001 sur
la réduction du temps de travail, qui n'a pas donné satisfaction aux
sapeurs-pompiers de par sa rigidité tout en imposant des recrutements
supplémentaires, souvent insupportables par leur coût.
En dehors de toute amélioration du service rendu, on peut estimer à près de 10
% le surcoût engendré par les modifications réglementaires intervenues au cours
des dernières années, sans parler des nouvelles normes en matière d'équipement.
Les nouvelles vestes de feu, c'est bien, mais il va falloir les payer ; quant
aux nouvelles normes pour les véhicules de secours, il faut s'y adapter. En
tout cas, tout cela coûte très cher et les collectivités locales sont obligées
de supporter des augmentations de coûts sans avoir rien pu prévoir.
Ne serait-il pas temps de freiner cette tendance à la réglementation excessive
en laissant plus d'initiative aux acteurs locaux, l'expérimentation qui a eu
lieu pour les services d'incendie ayant souvent donné de bons résultats ?
Autre cause d'augmentation des dépenses : la croissance des interventions en
matière de secours aux personnes.
Dans mon département, ces interventions ont augmenté de 10 % en un an. Il est
évident que la défaillance généralisée des services d'urgence à caractère
médical ajouté au caractère gratuit des interventions des sapeurs-pompiers font
que ceux-ci sont de plus en plus sollicités en dehors de leur champ de
compétences : 30 % environ des secours apportés aux personnes n'en relèvent
pas.
Il serait temps, monsieur le ministre, de mettre en application les textes
votés par le Parlement prévoyant le remboursement de ces charges indues.
Quelles sont les intentions du Gouvernement à cet égard ?
Enfin, monsieur le ministre, vous me permettrez d'évoquer brièvement - mais
vous avez déjà développé largement le sujet - la formation des officiers,
notamment la création d'une véritable école nationale supérieure des officiers
de sapeurs-pompiers et, bien sûr, le financement de celle-ci.
Par ailleurs, je souhaiterais que vous nous fassiez part de votre sentiment
sur le recrutement dès seize ans de jeunes sapeurs-pompiers volontaires,
possibilité ayant été supprimée depuis 2000, ce qui a démobilisé les jeunes
formés dans les sections de cadets. C'est pourtant une bonne pépinière. Il
serait temps que nous revenions à des dispositions plus raisonnables.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Monsieur Hyest, vous avez mille fois raison : la production de
normes, au cours de l'année 2000 notamment, a été gigantesque. Admettez
toutefois que certaines de ces normes étaient attendues par la profession, même
si d'autres ont été subies.
Le Gouvernement partage pleinement votre avis sur la nécessité de faire une
pause. C'est pour cela que j'ai repoussé la discussion du projet de loi de
modernisation de la sécurité civile, non pas que le texte présenté par le
précédent gouvernement soit mauvais, je trouve qu'il contient beaucoup de
bonnes choses, mais il fallait marquer un temps d'arrêt. Convenez toutefois,
monsieur Hyest, que cette interruption ne doit pas concerner la modernisation
des équipements ni la protection des personnels.
Quel est le problème ? C'est très simple : tout coûte de plus en plus cher,
parce que le besoin de sécurité de nos concitoyens croît de plus en plus, mais
aussi parce que l'exigence de protection des pompiers militaires,
professionnels ou volontaires tend vers l'absolu.
Pour l'instant, en effet, ce sont les départements qui supportent
l'accroissement des dépenses. Il faut donc trouver une solution à ce problème,
ce qui n'est pas simple.
Moi, je crois à l'établissement public,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Moi aussi !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
... parce qu'il permet de ne pas faire peser cette tâche de
sécurité civile sur une seule entité. Comme vous le savez en tant qu'élus
locaux, les communes ne veulent pas être exclues de l'effort de sécurité
civile, même si ce sont les départements qui ont le cadre et les moyens pour
l'assumer.
Parallèlement, qui peut penser que l'Etat puisse se désintéresser de la
sécurité civile ?
Nous sommes donc dans un total conflit de compétences. Je vais engager une
concertation pour essayer de trouver comment on peut s'en sortir. Je crois
vraiment que ce pourrait être par le biais des établissements publics.
Vous avez évoqué l'école d'Aix-les-Milles, je souhaite que l'on en fasse un
établissement de référence nationale et internationale.
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Située au coeur de la Méditerranée, cette école pourra tirer
profit de l'expérience des sapeurs-pompiers d'autres pays. Il y a de quoi faire
quelque chose d'extrêmement intéressant. J'en avais discuté à l'époque avec M.
Legendre.
En tout cas, je crois qu'il est bon que l'école des sapeurs-pompiers soit
implantée à proximité des zones d'incendie ou des zones pouvant être soumises à
des risques chimiques, encore que, dans le Nord - Pas-de-Calais, les risques
existent aussi...
Nous reviendrons sur son budget. Naturellement, je l'annonce d'ores et déjà,
l'Etat apportera sa contribution.
En ce qui concerne le recrutement dès seize ans, je dirai seulement, par souci
de concision, que j'y suis favorable. Je vais prendre toutes les mesures
nécessaires pour que vous puissiez recruter le plus tôt possible de jeunes
sapeurs-pompiers à partir de cet âge.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je partage la conception de M. le ministre sur les établissements publics. Il
faut continuer à associer les maires, mais il faut bien dire qu'au cours de
débats récents nous avons quelque peu compliqué la tâche.
Je rappelle que les interventions que doivent effectuer les services de
secours, compte tenu de la défaillance des services médicaux, posent de graves
problèmes dans les départements. Il nous faudra, dans de brefs délais, mener
une réflexion pour éviter que les départements n'aient à assumer plusieurs
services de secours : celui qui assurera le secours banal aux personnes, par
exemple à la grand-mère qui s'est cassé la jambe et celui qui sera assuré par
les sapeurs-pompiers avec tout ce que cela implique comme capacité
opérationnelle, comme formation, comme risques. Le département ne pourra pas
prendre en charge les deux aspects. Il faudra que chacun, à tous les niveaux,
prennent ses responsabilités : services publics, SAMU, SMUR, et médecine
libérale.
M. le président.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Je vais aborder un sujet qui est trop souvent absent de votre discours
sécuritaire, monsieur le ministre, celui de la lutte contre le blanchiment de
l'argent sale, cette lutte qui devrait d'ailleurs s'étendre aux machines à sous
clandestines, aux salles de jeux et autres casinos servant d'écrans à des
opérations de blanchiment. Il s'agit là d'une clé essentielle de mise en cause
des systèmes mafieux.
Le rapport parlementaire d'Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, remis en
avril dernier, est très critique à ce sujet.
Quelques pays voisins, tels que la Suisse, Monaco, le Lichtenstein, la
Grande-Bretagne, ont été remarqués pour leur tolérance à l'égard de l'argent
sale. Dans ce domaine, la coopération judiciaire est trop limitée et les voies
de recours contre les demandes de magistrats étrangers trop importantes.
Toutefois, la France est bien loin de montrer l'exemple. En effet, le rapport
décrit notre pays comme une place de choix pour l'investissement et le
placement de l'argent sale. Même si de nombreux efforts ont été effectués,
notamment par la mise en place de la cellule TRACFIN à Bercy, qui est chargée
de centraliser les déclarations de soupçon enregistrées par les organismes
financiers, il reste des lacunes dans la lutte contre la délinquance
financière, qui constitue l'arrière-scène de la délinquance que je qualifierai
d'ordinaire.
La France souffre d'un réel manque de volonté dans sa traque de l'argent sale.
La déclaration de soupçon, qui fait obligation de signaler à la cellule TRACFIN
toute opération financière douteuse, ne se révèle pas suffisamment efficace.
Le secret bancaire pèse encore trop lourd alors que le combat contre le
blanchiment repose largement sur la contribution du monde bancaire, qui est le
mieux placé pour déclencher la procédure d'alerte à partir d'un soupçon.
Certaines sociétés immobilières, compagnies d'assurances et casinos peuvent
servir de façades à de nombreuses opérations de blanchiment. Elles sont
utilisées par les mafias et les réseaux criminels, notamment dans le sud-est de
la France, aux fins de blanchiment de sommes considérables dans l'économie
locale. Cette région est particulièrement concernée.
M. le président.
Pas Marseille !
Mme Josiane Mathon.
Toutefois, nous ne souhaitons pas diaboliser ces départements car, bien
entendu, c'est l'ensemble du territoire tout entier qui est touché. Il
n'empêche, monsieur le ministre, que nous nous trouvons confrontés à un
problème de grande ampleur, auquel il va falloir nous attaquer.
L'absence de volonté de lutter contre cette criminalité ainsi que
l'insuffisance des contrôles limitent les investigations policières et
judiciaires.
Les mafias ont encore de beaux jours devant elles, d'autant qu'elles profitent
largement du développement des nouvelles technologies, notamment de celui des
services bancaires en ligne, qui favorisent les transferts de capitaux.
Comment ne pas voir qu'il existe un manque réel de moyens humains et matériels
?
Les policiers ne sont pas suffisamment équipés pour lutter contre les
nouvelles formes de délinquance organisée - par nature transfrontalière -, qui
utilisent une combinaison des anciennes et des nouvelles techniques de
blanchiment, compliquant d'autant la tâche des contrôleurs.
Que proposez-vous, monsieur le ministre, pour lutter efficacement contre cette
grande délinquance financière ?
Alors que le blanchiment est, par définition, invisible, il serait utile de
prévoir des effectifs supplémentaires nécessaires aux techniques
d'investigations spécifiques, telles que des opérations d'infiltration, qui
constituent l'une des réponses les plus efficaces au blanchiment.
Il est temps de s'attaquer à cette corruption passive. Il est temps de
construire des coopérations policières et judiciaires particulières pour
affirmer, en Europe et dans le monde, des règles de droit. Il est temps
d'engager la France plus avant dans cette éthique.
Nous avons tout entendu sur la petite délinquance et sur les moyens de la
combattre ; mais votre discours fait trop discrètement l'impasse sur cette
criminalité. Cela est d'autant plus regrettable que c'est cette mafia qui tire
profit des produits de l'exploitation sexuelle, du trafic de drogue et du
trafic d'armes.
Monsieur le ministre, votre étonnante énergie si médiatique, placez-la donc
dans cette lutte, qui est celle de la morale contre le crime !
M. Christian Demuynck.
Quel compliment !
M. Gérard Longuet.
Elle a raison pour l'énergie ! Pour le reste...
M. le président.
En tout cas, je signale à Mme Mathon qu'il n'y a pas de casino à Marseille.
M. Gérard Longuet.
C'est dommage !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Madame Mathon, pour le coup, c'est vous qui m'étonnez ! A quel
moment, à quel endroit, ai-je fait preuve de la moindre faiblesse à l'endroit
de la lutte contre le blanchiment de l'argent sale ?
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
S'il y a un mot, une initiative, un fait qui peuvent semer le
doute, indiquez-le moi, j'en rendrai compte tout de suite.
Bien au contraire, madame Mathon, la mise en place des groupes d'intervention
régionaux, c'est-à-dire l'association des agents du fisc, des agents des
douanes, des fonctionnaires de la répression des fraudes, de la police et de la
gendarmerie, répond précisément à cet objectif de lutte contre l'économie
souterraine,...
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
... et de démantèlement des mafias. Or le parti communiste
français a été à la tête de la lutte contre ces groupes. Alors que leur
principal objectif était le démantèlement de l'économie souterraine, la traque
de l'argent de la drogue, l'argent des mafias, pourquoi ne les avez-vous pas
soutenus madame ?
Vous me demandez ce que j'ai fait depuis sept mois avec mon « étonnante
énergie » ? Eh bien, justement, les GIR ! M'inspirant de ce qui a été fait pour
TRACFIN, que j'ai dirigé pendant deux ans en tant que ministre du budget, et
qui réalise - vous avez parfaitement raison sur ce point, madame Mathon - un
travail considérable, j'ai voulu que les GIR rassemblent les efforts
d'administrations différentes afin de lutter contre l'argent sale. Ainsi, dans
toutes les régions, les GIR démantèlent l'économie souterraine.
Qu'est-ce que c'est l'argent sale ? Ce n'est pas simplement celui que détient
le gros monsieur avec un gros cigare ! L'argent sale, c'est l'argent de la
drogue. C'est l'argent du proxénétisme, dont on a parlé bien souvent, et l'on
ne peut pas me reprocher de me désintéresser de la prostitution, du
proxénétisme et de tout ce qui en découle. C'est également l'argent de
l'intégrisme. En effet, derrière le fondamentalisme, derrière l'intégrisme, se
profile l'argent de la drogue, l'argent des mafias. Derrière les beaux
principes généreux ou théologiques, il y a bien souvent l'argent sale. Je puis
vous dire, madame Mathon, que la détermination du Gouvernement est totale en la
matière.
Je terminerai par un petit clin d'oeil.
Lorsqu'il a été question des fichiers, il y a peu, dans cette enceinte, M.
Bret s'est levé, telle l'incarnation de la vertu républicaine
(Sourires)
, pour me dire - je l'entends encore ! : monsieur Sarkozy,
quelle société nous préparez-vous ? Eh bien, madame Mathon, lorsque vous avez
affirmé qu'il fallait lever le secret bancaire pour faire connaître toute la
vérité aux Français, je me suis dit en moi-même : quelle société imaginez-vous,
madame Mathon ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
La société que j'imagine, monsieur le ministre, est une société plus juste et
plus équitable.
Au demeurant, vous n'avez pas vraiment répondu à ma question.
Certes, les GIR visent à lutter contre l'économie parallèle, mais qu'en est-il
sur le plan européen, voire sur le plan mondial ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je ne suis pas un dirigeant à l'échelon mondial !
(Sourires.)
Mme Josiane Mathon.
Vous vous entretenez souvent - ce fut le cas encore récemment - avec M. Tony
Blair. Je suppose que, lors d'une prochaine rencontre, vous aborderez ces
sujets avec lui, comme vous le ferez, dès que vous en aurez l'occasion, avec
vos collègues européens.
M. le président.
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, même si tout le monde ne s'en
était pas aperçu, la sécurité quotidienne est l'une des préoccupations majeures
de nos concitoyens.
Le projet de budget du ministère de l'intérieur constitue l'un des axes
prioritaires de la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
Cette capacité de réaction, cette adéquation des moyens financiers, matériels
et humains aux difficultés quotidiennes à résoudre avec efficacité est à mettre
à votre crédit.
La discussion budgétaire qui nous occupe aujourd'hui est le prolongement
direct de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure
du 29 août 2002, qui a permis - nous le savons d'ores et déjà - de nets progrès
en matière de lutte contre la délinquance.
De ce projet de loi de finances, je retiendrai tout particulièrement
l'importance des crédits accordés à la direction de la défense et de la
sécurité civile, qui s'élèvent à 323 200 000 euros, affichant une progression
globale de 29,7 %.
L'actualité la plus récente, de Bali à Mombasa, illustre à quel point les
nations occidentales à la pointe du combat contre le terrorisme international
sont susceptibles de constituer des cibles pour la violence aveugle de
groupements armés fanatiques.
Face à ces nouvelles menaces et compte tenu des risques potentiels que peuvent
faire courir à la population civile les grandes catastrophes naturelles,
semblables aux inondations du mois de septembre 2002, les mesures prévues par
le Gouvernement sont indispensables. La modernisation de la brigade des
sapeurs-pompiers de Paris, à laquelle est affectée une somme de 3 millions
d'euros, la création de 125 emplois supplémentaires, ainsi que l'instauration
d'un nouveau fonds d'aide à l'investissement des services départementaux
d'incendie et de secours, dotés de 45 millions d'euros, sont susceptibles de
combler les lacunes de notre système de sécurité civile.
Au cours des différents échanges que nous avons pu avoir ces derniers mois à
propos des possibilités d'amélioration des techniques de radiocommunications
des services publics de sécurité et d'assistance, vous avez témoigné, monsieur
le ministre, de votre attachement à la modernisation et à la globalisation des
réseaux existants en dotant ceux-ci d'infrastructures communes, performantes et
polyvalentes.
L'évolution des autorisations de programme affichant une augmentation de 32 %
pour une enveloppe de 80 millions d'euros, marque un progrès certain.
L'ensemble des services de sécurité, de défense civile et d'assistance
médicale ne peuvent toutefois, dans le contexte actuel, demeurer plus longtemps
isolés les uns des autres. Leur coordination sera la clé de leur efficacité et
de la protection de nos compatriotes.
Monsieur le ministre, ma question porte sur les moyens mobilisés afin de
permettre la mise en oeuvre du programme ACROPOL dans les meilleurs délais et
dans les meilleures conditions d'exécution.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Ce n'est pas la moindre des singularités françaises que les
trois forces que constituent la police, la gendarmerie et les sapeurs-pompiers
disposent de trois réseaux de transmission différents. C'est proprement
extravagant.
Que pouvons-nous faire ?
Je vais tenter une expérimentation. Je vais faire en sorte, que, dès 2003, les
SDIS de deux départements puissent se raccrocher à ACROPOL. J'ai reçu les
candidatures d'un certain nombre de départements : la Seine-et-Marne, les
Vosges, l'Eure-et-Loir, le Vaucluse, la Loire et la Gironde. J'essaierai de
choisir des départements très différents pour que l'expérimentation soit plus
intéressante. A terme, je souhaite que toutes nos forces puissent communiquer
sur le même réseau. Quelle perte d'énergie qu'il n'en soit pas ainsi !
J'ai d'ailleurs été très heureux de constater que les Espagnols avaient choisi
la technologie TETRAPOL. Nous disposerons ainsi de systèmes compatibles de part
et d'autre des Pyrénées. Le Gouvernement français souhaite au demeurant que, à
terme, on puisse communiquer non seulement entre services français mais aussi,
par-delà nos frontières, avec les services des pays voisins.
Monsieur Demuynck, vous le voyez, la préoccupation du Gouvernement rejoint
totalement la vôtre.
M. le président.
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Une fois de plus,
vous allez dans le sens de l'efficacité.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le ministre, je vous interrogerai sur votre politique relative aux
missions, aux effectifs et à la réorganisation territoriale de la
gendarmerie.
Je formulerai tout d'abord une crainte : la double tutelle exercée par le
ministère de l'intérieur et par le ministère de la défense sur ce corps de
militaires ne risque-t-elle pas d'être cause de dysfonctionnements, voire de
frustrations chez ces personnels, quel que soit leur grade ? Je tiens à
préciser que, disant cela, je ne récuse nullement la validité de cette
orientation ; je m'interroge simplement sur sa mise en pratique.
Ma deuxième question concerne l'affectation des 1 200 postes supplémentaires
inscrits à votre budget. Vous avez rappelé tout à l'heure encore que
l'insécurité et la délinquance frappaient désormais les zones péri-urbaines et
même les territoires ruraux, pour peu qu'ils soient à portée d'une
agglomération. Quelle conséquence en tirez-vous sur la répartition des emplois
créés ?
Plus concrètement, ne pensez-vous pas que la notion de périmètre péri-urbain,
qui conditionne le barème d'affectation des postes - un gendarme pour 800
habitants, au lieu de un pour 1 000 en zone rurale - doit évoluer ?
L'affectation des postes ne doit-elle pas se faire désormais en fonction du
taux de délinquance et de l'appartenance à l'aire géographique de
l'agglomération urbaine, conformément, d'ailleurs, à la procédure de l'INSEE
pour le classement des communes ? Ne croyez-vous pas, par exemple, qu'un
chapelet de petites villes de 4 000 à 6 000 habitants situées à un quart
d'heure de la capitale régionale et reliées à elle par une autoroute fait
désormais partie du « péri-urbain » ?
Par ailleurs, dans les brigades rurales, des gendarmes volontaires, qui sont
moins bien formés et n'ont pas le statut d'officier de police judiciaire,
remplacent trop souvent des officiers ou des sous-officiers. Je suis sûr,
monsieur le ministre, que vous mettrez un terme à cette situation qui
défavorise gravement ces communes. J'aimerais connaître vos intentions et,
surtout, le calendrier prévu à cet égard.
La mise en place des communautés de brigades ne fait que prolonger une
évolution ancienne, qui confie à une seule brigade la surveillance, la nuit, de
tout un territoire. La population se plaint souvent auprès des maires du retard
pris par les gendarmes, du fait de distances importantes et d'une moindre
connaissance de la topographie. Il arrive même que, faute d'effectifs
suffisants, la gendarmerie refuse de se déplacer. Votre réorganisation ne
risque-t-elle pas d'aggraver cette situation, au détriment d'une partie de la
population ?
Vous avez pris récemment une circulaire qui a supprimé les conseils communaux
ou intercommunaux de prévention de la délinquance, créés dans les années
quatre-vingt-dix, et qui a étendu la formule du contrat local de sécurité,
jusqu'ici réservé aux quartiers sensibles.
D'une part, je regrette la disparition de l'accent mis sur la prévention au
profit de la seule politique de répression. C'est en effet ce que cette simple
décision de votre part risque de signifier alors que - vous l'avez dit
vous-même tout à l'heure - l'une ne va pas sans l'autre.
D'autre part, que va-t-il advenir des sommes qui étaient affectées par l'Etat
aux actions des conseils intercommunaux de prévention de la délinquance et qui
sont désormais disponibles ? Allez-vous financer les initiatives que pourrait
prendre un conseil local de sécurité, par exemple, pour faire vivre un « club
d'ados » ou faciliter la mise en place des travaux d'intérêt général avec
l'appui des municipalités ?
S'agissant de la police municipale, ne faut-il pas réformer la loi récente qui
réserve la signature d'une convention entre la municipalité et le préfet aux
postes de police municipale dotés d'un effectif d'au moins cinq gardiens
assermentés ? Cela exclut des communes de 4 000 à 5 000 habitants qui n'ont pas
les moyens financiers de recruter autant de policiers municipaux et dont les
personnels se trouvent ainsi privés d'armes défensives, y compris en situation
dangereuse.
Enfin, s'agissant du financement des gendarmeries, mes questions, qui ne sont
pas seulement techniques, sur l'accélération des constructions et le
renforcement financier de l'intervention de l'Etat sont les mêmes que celles
qu'a posées mon collègue Jean-Claude Peyronnet. Je souhaiterais donc avoir
communication de la réponse que vous lui ferez par écrit.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Monsieur Delfau, c'est un foisonnement de questions ! La
matinée n'y suffirait pas ! Or, je vous le rappelle, je ne dispose que de trois
minutes.
Je note que vous n'êtes pas opposé au principe de la double tutelle, qui,
jusqu'à présent, depuis sept mois, fonctionne très bien. Cela dit, je précise
que l'emploi des forces de gendarmerie à des tâches de sécurité intérieure
relève du ministère de la sécurité intérieure et de lui seul. C'est d'ailleurs
ce que le Sénat a d'ores et déjà voté en adoptant le projet de loi pour la
sécurité intérieure, qui met la gendarmerie sous l'autorité des préfets au même
titre que la police.
En revanche, bien entendu, lorsque les gendarmes accomplissent des tâches qui
ressortissent à la défense, leur emploi relève du ministère de la défense.
Sur le barème d'affectation, vous avez mille fois raison. Personnellement,
j'aimerais que nous ne tenions plus compte du tout des schémas nationaux et des
barèmes d'affectation. Toutes les villes de 10 000 habitants ne se trouvent pas
dans la même situation : celle qui est en périphérie d'une ville de 200 000
habitants n'a rien à voir avec celle qui est, elle-même, capitale d'un
territoire, la seule a avoir un cinéma, un conservatoire, une piscine. Je
souhaite donc que l'on n'affecte pas les gendarmes, comme les policiers,
simplement « au poids », en fonction du nombre d'habitants, mais en tenant
compte d'une réalité très différenciée. Je me bats avec mon administration pour
que l'on sorte de cette vision selon laquelle une commune de 8 000 habitants a
droit à tant de gendarmes, une commune de 8 500 habitants, à tant, etc. Il faut
évidemment s'adapter à la situation spécifique de telle ou telle commune.
MM. Jacques Legendre et Jean-François Le Grand.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
La question de la qualité des affectations, à laquelle je suis
très attentif, ne se résume pas au problème des gendarmes adjoints. Les
pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie, les PSIG, sont à
la gendarmerie ce que les BAC sont à la police. Chaque fois que je négocie un
redéploiement, j'explique aux élus que le nombre de gendarmes qui sera retenu
n'est pas seul en cause et qu'ils doivent aussi tenir compte de la qualité des
gendarmes affectés à la surveillance de leur territoire. Cela ne signifie pas
qu'un gendarme adjoint est moins bien qu'un gendarme ou qu'un gendarme membre
d'un PSIG est mieux qu'un gendarme. L'essentiel, c'est que la brigade soit
complète et adaptée à la situation d'insécurité du territoire concerné.
Les communautés de brigades contribuent à renforcer l'efficacité. L'idée est
de faire la séparation entre le logement des gendarmes et leur territoire
d'intervention. S'il y a deux ou trois brigades dans un canton, on ne va pas
obliger certains gendarmes à déménager, mais on va les placer sous commandement
commun. En effet, 60 % des brigades comptent moins de six gendarmes. Comment
voulez-vous que six gendarmes assurent une présence sur le terrain, de jour
comme de nuit, sept jours sur sept ? La communauté de brigades permettra
d'assurer la présence du service public de la gendarmerie de jour comme de
nuit.
Vous me dites, monsieur Delfau, qu'en supprimant un organisme je vais
supprimer la prévention. Non ! J'ai allégé les structures. Ce qu'un organisme
de prévention va faire, trois ne le faisaient pas !
Croyez-moi, monsieur le sénateur, je suis convaincu de la nécessité de la
prévention. Mais convenez que, ces dernières années, on a beaucoup parlé de
prévention sans en faire et que l'on a un peu oublié que la première des
préventions consistait à induire chez le délinquant la certitude qu'il serait
pris et puni. Or la crainte de la sanction reste malgré tout la meilleure façon
de décourager les vocations de délinquants.
Enfin, monsieur Delfau, je répondrai par écrit à votre dernière question,
comme je me suis déjà engagé à le faire auprès de M. Peyronnet.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau.
Nous n'entrerons pas dans le débat de fond sur la prévention et la répression.
Je dirai simplement que l'une et l'autre sont intimement liées.
Monsieur le ministre, je voudrais de nouveau attirer votre attention sur deux
questions auxquelles vous n'avez pas pu répondre eu égard aux modalités du
débat.
Tout d'abord, la convention qui lie la commune et le préfet lors de la
création d'un service de police municipale est régie par un texte assez récent.
L'expérience en révèle des effets pervers qui me paraissent justifier sa
révision.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Absolument !
M. Gérard Delfau.
Mon deuxième point concerne le contrat local de sécurité.
Je suis maire d'une commune de 4 000 habitants. Après un long travail de
prévention, mené en liaison étroite avec la gendarmerie, je souhaite pouvoir
travailler sous l'autorité du sous-préfet pour tenter de mieux endiguer la
montée de la délinquance. Je puis vous assurer que c'est difficile, sans doute
parce que cela bouscule les habitudes mais aussi parce que les gendarmes sont
débordés et les magistrats lointains.
C'est pourquoi il faudrait vraiment que la notion de contrat local de sécurité
entre dans la réalité de nos communes, du moins de toutes celles dont les élus
sont volontaires pour cette coopération.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question
a trait à la restructuration des services de police et de gendarmerie. Je
prendrai l'exemple de la Lorraine, celui que je connais évidemment le mieux,
mais je pense que mon propos a une portée générale.
En réorganisant le service public, monsieur le ministre, vous vous lancez dans
un exercice extrêmement délicat mais, à coup sûr, salutaire. Vous abordez le
problème de la sécurité selon une approche territoriale, ce qui nous crée, me
semble-t-il, le devoir de vous aider et de vous accompagner.
Si nous ne réussissons pas à l'échelon territorial du service public de la
sécurité, comment pourrons-nous envisager de réorganiser le service public
territorial en général ? Dans un domaine où le sens de l'autorité et le sens du
service public existent, il devrait être possible d'être exemplaire.
On peut facilement décrire la situation en Lorraine. D'après nos informations,
les projets préfectoraux visent à élargir les territoires de police de Metz et
de Nancy : celui de Metz au détriment des brigades de gendarmerie d'Hagondange
et de Woippy ; celui de Nancy au détriment des brigades de gendarmerie de
Ludres, de Pompey et de Frouard, et accessoirement du commissariat de
Neufmaisons.
Un double mouvement est amorcé. D'une part, des commissariats seraient
sacrifiés : à Creutzwald, au profit de la gendarmerie de Freyming-Merlebach ; à
Commercy au profit de la brigade Commercy, car il s'agit en quelque sorte d'un
changement sur place.
D'autre part, des restructurations ont lieu dans le Pays haut, concernant en
particulier les commissariats de Conflans-Jarny, Joeuf, Briey, Homécourt :
celui de Conflans-Jarny serait supprimé ; les autres fusionnent mais leur
localisation est maintenue, selon une formule qui est effectivement
intéressante.
Pour ce qui concerne la gendarmerie, la restructuration de la compagnie de
Montmédy est prévue.
Sur ce mouvement, nous souhaitons d'abord que le ministre s'exprime vite. Il
faut aussi que la situation des fonctionnaires concernés, qu'il s'agisse de
personnels de la gendarmerie ou de fonctionnaires de la police nationale, fasse
l'objet d'un suivi individuel. Enfin, nous voulons avoir la certitude que, en
milieu urbain, où les besoins sont forts, les moyens nouveaux que vous proposez
à la France seront en effet affectés à ceux qui font l'effort d'une
restructuration et que, en milieu rural, pour le moins, la qualité du service
sera maintenue lorsque ce service est réputé être de qualité, ce qui est le
cas, par exemple, du commissariat de Commercy, qui s'effacerait au profit de la
gendarmerie si vous suiviez les propositions du préfet de la Meuse.
Après ces trois questions, qui concernent en fait toutes les régions de
France, monsieur le ministre, je formule le voeu que vous consacriez au moins
une partie de votre inlassable énergie à la région lorraine pour présenter et
expliquer cette réforme aux élus eux-mêmes.
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Monsieur Longuet, il se trouve - c'est un hasard - que je
travaillais hier soir sur le dossier de la Meuse. J'essaie - ce n'est pas
toujours facile - de suivre les dossiers les uns après les autres, non par
méfiance à l'endroit de mon administration, mais parce que je veux être sûr
d'être capable de porter tous les projets que je vous présenterai, y compris
celui de la Meuse, et de m'expliquer à leur sujet.
Les propositions qui ont été faites m'ont paru intelligentes. Toutefois, les
compensations qui étaient prévues n'étaient pas, de mon point de vue, tout à
fait suffisantes.
Pour être franc, monsieur Longuet, je préférerais qu'on ne mène à bien que 70
% de la réforme - jusqu'à présent, c'est 0 % ! - et qu'on en abandonne 30 %,
mais que les 70 % réalisés soient exemplaires ! Tel est mon état d'esprit en
lançant cette opération. Il faut sortir de cette logique si française qui veut
que l'on n'aime la réforme que si elle est totale, complète et parfaite. Or,
comme elle n'est jamais totale, jamais complète et jamais parfaite, on ne la
fait jamais ! Ce qui m'intéresse, c'est le contraire. Je veux que l'on passe de
l'incantation à l'action. Tous les hommes d'action le savent bien : l'action
n'est jamais parfaite. Mais peu importe ! Ce qui compte, c'est d'améliorer la
situation au quotidien. Tel est très exactement mon état d'esprit.
Vous m'avez demandé d'aller vite. Bien sûr ! Mais, en même temps, de nombreux
élus me disent de faire attention, de prendre le temps de la concertation. Il
faut donc agir vite, mais dans la concertation. Il faut aller vite pour ne
laisser personne dans l'incertitude, mais il me faut disposer de suffisamment
de temps pour aller présenter et expliquer quarante projets. Cela ne peut se
faire d'un seul coup !
Il convient d'avoir bien en tête le calendrier : je vais annoncer dix à douze
projets dans les jours qui viennent. Ils seront suivis de trente à quarante
autres. Je tiens en effet à en présenter moi-même un certain nombre pour bien
faire ressortir la démarche, l'honnêteté intellectuelle qui les sous-tend.
Vous avez parlé du suivi individuel des fonctionnaires et des militaires, et
vous avez eu mille fois raison. Là encore, le statut n'est d'aucun secours. Il
faut faire du « cousu main ». Il ne faut absolument pas braquer les personnels
: il faut les associer. C'est très important dans la mesure où des militaires
sont parfois blessés parce qu'un commissariat est maintenu coûte que coûte, où
des fonctionnaires sont parfois inquiets parce qu'ils ont fait construire un
pavillon, parce que leurs enfants sont scolarisés dans une école ou parce qu'il
n'y a qu'une voiture dans la famille, alors que les deux conjoints travaillent,
et qu'un déménagement leur poserait un problème. Je regarde chaque projet,
monsieur le sénateur, en me faisant communiquer l'exacte différence de trajet
qu'induirait le déplacement de chaque fonctionnaire. Mais l'étude des cas
individuels n'est, elle non plus, guère facile à concilier avec la nécessité
d'aller vite !
Enfin, vous avez employé le mot de « certitude ». Ce qui est certain, c'est
qu'il ne doit pas s'agir d'un marché de dupes. Les élus doivent avoir confiance
dans la parole de l'Etat, qui doit être exprimée sans ambiguïté. On ne remplace
pas quarante-quatre policiers par douze gendarmes, et c'est toute la différence
avec la réforme de 1988, celle de M. Chevènement. On avait alors expliqué que
l'on remplaçait trois policiers par un gendarme : il n'y pas eu un maire pour
l'accepter car, quelle que soit la qualité des gendarmes, on savait bien que le
compte n'y était pas ! D'où l'importance de la création d'effectifs.
Monsieur Longuet, j'ai aussi compris votre intervention comme une invitation.
Je l'accepte bien volontiers : rendez-vous dans la Meuse !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Gérard Longuet.
Qu'ajouter après une telle conclusion ?
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez certainement constaté,
comme moi, que les médias ne relataient plus avec la même régularité et sous le
même éclairage qu'il y a quelques mois les agressions dont sont victimes nos
concitoyens. Et cette constatation commence aussi à être faite dans la rue.
L'insécurité fait pourtant toujours partie de notre quotidien, hélas ! Nul ne
peut être assuré d'être à l'abri d'une agression, d'un vol, d'un crime. La
tranquillité relative est toujours une situation fragile, précaire. Il faut
souvent peu de choses pour ouvrir les portes de l'insécurité. C'est ce que nous
ressentons dans le monde rural.
Monsieur le ministre, vos déclarations, vos déplacements médiatisés, votre
budget en progression ne suffisent pas à nous tranquilliser.
Le monde rural craint, notamment, d'être la victime de la mise en place des
communautés de brigades et du redéploiement des forces de sécurité.
Les élus ruraux s'interrogent sur les critères qui vont guider ces
changements, qui pourraient d'ailleurs se muer - mais, j'espère qu'il s'en sera
rien - en bouleversements. Pouvez-vous me préciser, monsieur le ministre, quels
sont ces critères ? C'est ma première question.
La prévention ne paraît pas être votre préoccupation essentielle. Allez-vous
la sacrifier aux interventions plus spectaculaires et plus faciles à traduire
en statistiques ?
Une brigade, un commissariat comptabilisant peu d'interventions ne doivent pas
être considérés comme inutiles. Une prévention efficace réduit, rend même
parfois inutiles les opérations de répression, les interventions.
Monsieur le ministre, allez-vous prendre en compte cette situation propre au
monde rural ? C'est ma deuxième question.
L'augmentation annoncée des effectifs devrait permettre de conforter le
maillage actuel. Les préfets doivent vous proposer des regroupements et des
redéploiements. J'ai bien compris que cela avait déjà été fait ; mais les élus
directement intéressés ont-ils été associés à ces propositions ? Si ces élus
sont en désaccord avec les mesures arrêtées par le préfet, que se passera-t-il,
monsieur le ministre ? C'est ma troisième question.
Le milieu rural redoute de constater à ses dépens que, pour mieux habiller
Pierre, on déshabille Paul. Or la sécurité par la prévention exige la proximité
des forces de l'ordre. Tout éloignement favorisera la délinquance, qui se
déplace vite, opère vite et se retire plus vite encore. Ce serait une erreur de
créer des zones dont la protection éloignée affaiblirait la sécurité actuelle
et engendrerait ainsi de nouveaux espaces d'insécurité. La ruralité souffre de
nombreux handicaps. Monsieur le ministre, allez-vous y ajouter celui de
l'insécurité ? C'est ma quatrième et dernière question.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je répondrai rapidement à M. Rouvière - et j'espère qu'il ne
m'en voudra pas -, car j'ai ressenti son intervention plus comme l'expression
de son opinion que comme une véritable interrogation.
D'abord, M. Rouvière me dit que c'est la faute des médias ! Curieuse
conception ! Les médias m'obéiraient donc ; ils auraient décidé de me faciliter
la tâche ; les médias, qui étaient contre le gouvernement précédent, seraient
pour moi !
Vous devriez ajouter, monsieur Rouvière, que les sondages ont tort, que les
Français ont tort, qu'ils n'ont rien compris. Continuez à penser ainsi, cela
nous va très bien, car, plus vous serez persuadé d'avoir raison, plus nous
resterons au pouvoir. Vous savez, quand les élus pensent que le peuple a tort,
ils ne restent pas longtemps élus ; de la même façon que les pays ne changent
pas d'adresse, les peuples ne changent pas ! Quand leurs gouvernants ou leurs
représentants ne les écoutent pas, ils en tirent des conclusions sévères - cela
nous est arrivé dans le passé, craignez que cela ne vous arrive aussi !
Rassurez-vous, je ne contrôle pas les médias, ils sont si versatiles et ont
servi des maîtres si différents que je ne me fonde pas sur eux pour déterminer
une politique !
La prévention, me dites-vous, c'est le plus efficace des dispositifs, et vous
m'accusez de l'avoir abandonnée. Mais je ne comprends pas : pourquoi vos amis
n'ont-ils pas recueilli les fruits de la prévention si efficace qu'ils ont
menée pendant les cinq années où ils ont été au pouvoir ?
Enfin, en cas de désaccord avec les élus, je tiens à préciser que la police et
la gendarmerie ne font pas et ne feront jamais partie, en tout cas de mon point
de vue, des compétences municipales ; il s'agit, en effet, d'une compétence
régalienne, d'une compétence de l'Etat, qui doit donc se concerter avec les
élus.
Je tiendrai le plus grand compte des avis des uns et des autres, mais
l'utilisation des forces de l'ordre n'est pas entre les mains de chacun des 36
500 maires de France, car, si tel était le cas, il n'y aurait plus de police
nationale !
Chacun d'entre nous est attaché au caractère national de la police. La police
et la gendarmerie ne sont pas à la disposition des maires de France, elles ont
une mission qui doit être conduite. Si les élus sont d'accord et le
comprennent, cela me facilitera la tâche - j'en tiendrai le plus grand compte
-, mais cela ne peut pas être le seul critère de jugement. L'attitude d'un
maire, aussi respectable soit-elle, ne peut à elle seule résumer la pertinence
de la carte de déploiement. Et je ne crains pas de tenir un tel propos, qui
peut-être choquera certains, devant la Haute Assemblée. L'avenir nous
départagera. Nous verrons bien, au résultat, qui avait raison, vous ou moi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière.
Monsieur le ministre, je n'ai pas exprimé ma seule opinion, ce que je ne me
serais pas permis de faire. Je ne fais que répercuter l'angoisse des élus
ruraux et de la population rurale.
Par ailleurs, je n'ai pas accusé les médias. Je fais un constat, que la
population est également en train de faire. Si nous avions eu le temps, je vous
aurais cité quelques exemples d'agressions caractérisées et tout à fait
exceptionnelles dont les médias n'ont même pas fait état, ce qui n'était pas le
cas il y a quelque temps.
Je ne vous accuse pas non plus, monsieur le ministre. Il ne faudrait pas qu'à
chaque fois que nous sommes en désaccord avec vous vous le preniez comme une
agression. C'est simplement une constatation qui ne vous met pas du tout en
cause.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze
heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
4
HOMMAGE AUX SAPEURS-POMPIERS
M. le président.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du Sénat tout entier, je
voudrais exprimer notre vive émotion après le dramatique accident qui a causé
la mort de cinq sapeurs-pompiers volontaires et grièvement blessé le sixième
membre de leur équipe de secours.
(M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Au cours
d'une intervention, ils ont été tragiquement fauchés par un automobiliste qui
roulait à une vitesse excessive sur l'autoroute A 7, au bord de la Drôme,
vendredi dernier.
Une fois encore, la mort a frappé ces serviteurs bénévoles de la sécurité
civile dans l'exercice de leur mission. Une nouvelle fois, je tiens à saluer le
grand courage et le profond dévouement de ces volontaires qui risquent
quotidiennement leur vie en portant secours à nos concitoyens.
J'associe à cet hommage deux autres sapeurs-pompiers grièvement blessés
dimanche dernier pendant leur service, dans un accident de la route survenu
dans le Val-de-Marne.
En cet instant de deuil et de douleur, je voudrais assurer les familles et les
proches des victimes de notre affection et de notre sympathie profondément
attristée.
A la mémoire des disparus, je vous propose maintenant d'observer une minute de
silence.
(M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de
silence.)
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, le Gouvernement s'associe à l'hommage que le Sénat
vient de rendre aux sapeurs-pompiers. Si l'on rapproche ces événements de ceux
qui se sont déroulés précédemment, notamment à Neuilly, on constate que l'année
2002 aura été particulièrement cruelle pour les pompiers, plus de douze d'entre
eux étant tombés pendant leur service.
Le Gouvernement est particulièrement sensible au dévouement et à la grandeur
de l'engagement des sapeurs-pompiers. Ils meurent pour que d'autres vivent.
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de vous associer à l'hommage que nous
rendons à ces concitoyens particulièrement dévoués.
5
LOI DE FINANCES POUR 2003
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales
(suite)
SÉCURITÉ
(suite)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la sécurité.
La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget que nous examinons aujourd'hui traduit - et c'est suffisamment rare pour
être souligné - les orientations qui ont été définies par le projet de loi
d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure que le Sénat a
adopté voilà quelques mois.
Les effectifs de policiers et de gendarmes sont accrus, les crédits
d'équipement et de fonctionnement augmentent. Je ne peux que féliciter le
Gouvernement d'avoir réussi à mobiliser autant de moyens en faveur de la
sécurité.
Vous me permettrez d'insister néanmoins sur quelques points particuliers.
Je ne m'attarderai guère sur le redéploiement des forces de police et de
gendarmerie qui a été évoqué longuement ce matin. En réponse à M. Gérard
Longuet, M. le ministre de l'intérieur a rappelé son attachement à ce
redéploiement et l'esprit de réorganisation dont il a fait preuve. Je reste
toutefois inquiet sur l'avenir du commissariat de police de Commercy, comme sur
celui de la compagnie de gendarmerie de Montmédy, commune qui, située dans une
zone transfrontalière dont M. le ministre de l'intérieur a souligné qu'elle
était prioritaire, aurait toute raison de voir l'attention se porter sur
elle.
Le deuxième sujet que je voulais évoquer, qui a, lui aussi, déjà fait l'objet
de quelques réactions, est celui du rôle dévolu aux maires dans la nouvelle
architecture que M. le ministre compte mettre en place.
En effet, les élus des collectivités non dotées d'une police municipale -
donc, en majorité, les communes rurales - sont souvent démunies quant aux
pouvoirs de police. Ils peuvent certes faire appel à la gendarmerie, mais -
c'est bien logique - ils n'ont aucune autorité sur elle et ils doivent
quelquefois attendre plusieurs jours avant qu'elle n'agisse.
Aussi me serait-il agréable d'obtenir une précision quant au rôle qui pourrait
être donné aux élus, qui ont leur place dans la lutte contre la délinquance,
qui peuvent apporter leur contribution, qui mériteraient d'être informés et,
peut-être aussi, d'être associés, ce qui n'est pas toujours le cas
actuellement.
Je n'insisterai pas davantage non plus, ce dossier ayant déjà été longuement
évoqué, sur la stagnation du volontariat dans le corps des sapeurs-pompiers
volontaires auquel nous venons à l'instant de rendre hommage. Cela dit je
relève avec intérêt que, comme je l'avais suggéré dans une question sur ce
sujet en juillet dernier, l'âge d'entrée dans les corps de sapeurs-pompiers
puisse être bientôt ramené à seize ans. Je souhaiterais par ailleurs savoir,
monsieur le ministre délégué, ce que vous envisagez afin, d'une part, de rendre
le volontariat plus attrayant et, d'autre part, de gommer les difficultés
existant souvent sur le terrain entre les pompiers professionnels et les
pompiers volontaires. Là encore, je pense que les maires ont un rôle à jouer et
qu'ils pourraient être considérés comme des partenaires plutôt que comme des
gêneurs.
Vous me permettrez également de revenir sur le problème récurrent lié aux gens
du voyage et à leur installation. Monsieur le ministre, quelles mesures
comptez-vous prendre pour mettre fin à l'économie parallèle générée par les
gens du voyage et aux agissements un peu bizarres des uns et des autres ? Que
comptez-vous faire également pour éviter les rassemblements trop importants
dans des zones rurales faiblement peuplées, comme j'en ai connus dans ma
circonscription ?
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Claude Biwer.
Je n'insisterai pas sur les difficultés que rencontre mon département - ce
n'est peut-être pas le moment - en ce qui concerne la reconstruction de ponts
détruits depuis la guerre de 1940 ni sur la répartition de la dotation globale
d'équipement, la DGE, qui, selon moi, n'est pas adéquate.
Sous le bénéfice de ces observations, je voterai ce projet de budget non
seulement parce qu'il est bon, mais aussi parce que je fais confiance au
Gouvernement pour faire reculer l'insécurité dans notre pays.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
Mon cher collègue, je vous rappelle que, s'agissant de cette procédure de
questions-réponses, vous ne devez poser qu'une seule question. Vous en avez
posé quatre, et M. le ministre délégué n'a que trois minutes pour vous
répondre.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
Monsieur le président, je vais
essayer de relever ce défi !
En ce qui concerne la question du redéploiement des personnels de la
gendarmerie de Montmédy et du commissariat de Commercy, je rappelle les
principes énoncés par M. Sarkozy.
Premier principe : les moyens affectés à la sécurité seront, dans tous les
cas, au moins préservés, si ce n'est augmentés.
Deuxième principe : nous devons faire preuve d'une grande imagination et d'une
grande souplesse pour répondre aux situations personnelles des fonctionnaires
et des militaires. Les personnels de la police nationale mutés ou déplacés en
raison de la fermeture d'un commissariat peuvent déjà percevoir une indemnité
exceptionnelle de mutation qui permet, en cas de déménagement, le remboursement
des frais à 100 % sans condition de durée de séjour.
Troisième principe : le redéploiement se fera, c'est indiscutable, et le
Gouvernement n'a pas l'intention de faiblir, d'autant que la carte des brigades
de gendarmerie date de 1850 et la carte des commissariats de 1941 !
M. Jean-Jacques Hyest.
Tout à fait !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
C'est là une singulière référence !
Le gâchis, il réside dans cette organisation, et il n'est pas question de
conserver ce système si nous voulons lutter efficacement contre la
délinquance.
S'agissant, monsieur Biwer, du rôle des maires dans la politique de sécurité,
le décret et la circulaire du 17 juillet dernier, en même temps qu'ils créaient
les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD,
ont accru le rôle des maires qui, désormais, doivent obligatoirement être
informés des actes de délinquance importants qui surviennent dans leurs
communes. Ce qui se faisait autrefois par courtoisie, aujourd'hui, devient un
droit pour les maires et une obligation pour les forces de sécurité.
Le rôle des élus se prolongera dans le cadre des conseils départementaux de
prévention.
S'agissant de la crise du volontariat chez les sapeurs-pompiers que vous avez
évoquée, M. Sarkozy avait déjà répondu sur ce sujet à M. Schosteck. Je vous
rappelle les mesures qui avaient été annoncées.
La première est la reconnaissance des années passées comme volontaire, au
titre de la retraite. On peut comprendre, en effet, que le volontariat, s'il ne
rapporte pas, ne doive rien coûter !
La deuxième est, comme vous l'avez souhaité, le retour à l'âge minimum de
seize ans au lieu de dix-huit, car nous avons besoin de jeunes motivés,
dynamiques, soucieux de se former et de servir.
Enfin, la troisième est la création d'un baccalauréat professionnel de
sécurité civile.
S'agissant des gens du voyage, l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000
relative à l'accueil des gens du voyage permet aux maires des communes qui sont
inscrites au schéma départemental d'accueil des gens du voyage et qui ont
satisfait aux obligations légales en réalisant une aire d'accueil pour les gens
du voyage d'engager une procédure d'expulsion en se substituant aux
propriétaires privés.
Toutefois, cet article comporte une omission majeure qu'il faut prendre en
compte. Les communes non inscrites au schéma départemental, et donc non
astreintes à une obligation d'aire d'accueil, doivent bien évidemment pouvoir
se substituer aux propriétaires privés. Il faudra corriger le texte initial en
ce sens, car telle est bien notre intention, monsieur le sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer.
Monsieur le ministre, je souscris à bon nombre de vos réponses.
S'agissant des gens du voyage, nous avons effectivement la faculté
d'intervenir. Mais, pour que ces interventions soient efficaces, des
aménagements de la loi sont nécessaires, et je me permets d'insister sur ce
point.
(M. le ministre délégué acquiesce.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre.
Comme beaucoup d'entre nous, je suis confronté au redéploiement des forces de
police et de gendarmerie dans mon arrondissement.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu ce que vous rappeliez à l'instant, à
savoir la nécessité qu'après de tels redéploiements les moyens de sécurité
restent les mêmes dans les territoires concernés.
Dans l'arrondissement de Cambrai, nous comprenons la nécessité d'une telle
répartition, et les élus ont d'ailleurs accepté la fermeture du commissariat de
Caudry et son « passage » en zone de gendarmerie. Dans le chef-lieu
d'arrondissement, ils ont même accepté le transfert éventuel du commandement de
la compagnie de gendarmerie dans la ville principale, où sera maintenant basée
la gendarmerie.
Mais ce à quoi nous tenons - et nous vous demandons, monsieur le ministre,
d'en faire part au ministre de l'intérieur - c'est qu'après de tels
redéploiements les effectifs de la police et de la gendarmerie soient maintenus
dans l'arrondissement. Nous ne comprendrions pas, en effet, que notre volonté
de modernisation et l'acceptation de cette réforme se traduisent par l'envoi de
certains de nos effectifs ailleurs.
Il nous semble qu'un engagement du ministre a été pris sur ce point, mais les
informations dont je disposais hier soir me laissaient penser qu'il n'était pas
totalement respecté. Je vous demande, par conséquent, de bien vouloir y tenir
la main.
J'en viens à un autre problème qui, malheureusement, est tout à fait
d'actualité. Le regretté Maurice Schumann, qui fut président du Haut Comité
français de défense civile, écrivait : « Le troisième millénaire commencera par
une guerre diffuse et permanente. » Malheureusement, nous y sommes !
M. le ministre de l'intérieur est conscient - et il l'a montré dès son arrivée
au ministère - de cette nouvelle donne et de l'impréparation de la France à
affronter cette nouvelle menace. Je dois reconnaître que nos voisins européens
ne semblent guère mieux préparés que nous dans ce domaine.
Dès le mois de juillet, M. Sarkozy a annoncé le regroupement à Cambrai de
différents services qui forment au déminage et, surtout, la création d'une
école de la défense civile qui devrait, dans un cadre national, voire européen,
concourir à la formation de tous ceux qui ont à intervenir après un attentat
terroriste, lequel, malheureusement, on le sait, ne peut être exclu. M. le
ministre a également annoncé l'installation dans le même lieu d'une unité
permanente de la sécurité civile.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer aujourd'hui ces créations qui
paraissent en effet nécessaires ? Pouvez-vous me donner quelques informations
sur les formations assurées, les effectifs concernés, le financement de
l'investissement et du fonctionnement et, bien sûr, le calendrier de la mise en
route ? Par avance, je vous en remercie.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, je vous confirme bien volontiers
le caractère indispensable de ce pôle de formation en matière de défense civile
et je veux vous assurer que le Gouvernement y est déterminé.
S'agissant du calendrier, la préfiguration de ce pôle est déjà en place,
puisque le premier colloque a eu lieu le 21 novembre. Une autre session de
formation est prévue pour le 16 décembre. Enfin, les études sont déjà lancées
pour définir ce que sera l'organisation définitive, et le cabinet d'études qui
a été missionné rendra ses conclusions le 20 décembre prochain.
Nous lui avons demandé de comparer deux hypothèses : celle d'un établissement
dont le financement serait partagé entre l'Etat et les collectivités locales,
et celle d'une délégation de service public. Dès les premiers jours de janvier,
ces différentes hypothèses seront soumises à la concertation des élus. Nous
souhaitons être en mesure de choisir, sans préjugé idéologique, la meilleure
solution ; c'est une question d'efficacité la plus grande possible contre les
risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique, dits NRBC, qui sont
importants.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre.
Je prends acte de votre réponse, monsieur le ministre. Bien évidemment, tous
nos partenaires locaux continueront à être extrêmement attentifs à cette
réalisation, car nous pensons qu'elle est très importante sur le plan
national.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Monsieur le ministre, nous parlons beaucoup de l'implantation spatiale des
forces de la police et de gendarmerie. Ma question porte sur l'emploi, en
termes temporels, des forces de la police nationale.
Il n'est pas rare, notamment dans les zones urbaines, de constater que près de
la moitié des crimes, des délits et des actes de délinquance ont lieu pendant
la nuit. Or - c'est une question ancienne, monsieur le ministre, mais toujours
plus actuelle - le pourcentage des effectifs de la police nationale en service
pendant les heures de nuit est nettement inférieur au pourcentage des actes de
criminalité ou de délinquance ayant lieu pendant ces heures de la nuit. Je me
suis posé la question de savoir s'il existait des statistiques sur cette
question. J'ai eu beaucoup de mal à trouver des informations.
Dans sa revue
Economie et statistique
parue cette année, l'INSEE
s'intéresse aux horaires de travail des différentes catégories
socioprofessionnelles. Il s'avère que 10,9 % du temps de travail des policiers
et des militaires a lieu pendant la nuit. Bien sûr, ce pourcentage est
peut-être supérieur pour ce qui est des seuls policiers.
Je prendrai à cet égard un exemple très concret, celui de la circonscription
de police de l'agglomérationd'Orléans, qui compte de 360 à 380 fonctionnaires.
J'avais eu l'occasion d'interroger M. Nicolas Sarkozy, qui m'avait indiqué, le
22 juillet dernier, que le nouvel effectif de référence - mais je ne connais
pas l'ancien - fixé à 333 agents serait augmenté de 8 fonctionnaires.
S'il est sans doute bénéfique de disposer de 8 fonctionnaires supplémentaires
au 31 décembre 2002, comment seront-ils répartis ? J'ai pu moi-même constater,
connaissant bien un certain nombre des cadres de la police nationale dans cette
circonscription, que, sur un effectif de 360 à 380, le pourcentage de
fonctionnaires effectivement en service la nuit était de l'ordre de 10 %.
Pendant le mois d'août ou le mois de septembre, il est encore plus faible !
Ma question est très simple, monsieur le ministre : quelles dispositions
comptez-vous prendre pour accroître la présence de fonctionnaires de la police
nationale pendant la nuit ? C'est absolument nécessaire. Si vous pouviez me
donner des précisions concernant plus particulièrement l'agglomération
d'Orléans, j'en serais heureux, mais il s'agit d'un problème à caractère
général.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Monsieur Sueur, il est exact que la majeure partie des
actes de délinquance se produit la nuit. C'est en particulier le cas pour les
vols d'automobiles ou les cambriolages.
Il n'en demeure pas moins vrai qu'il est délicat de comparer les effectifs de
nuit et les effectifs de jour, certaines missions ayant nécessairement vocation
à être effectuées le jour rendant la comparaison difficile ! Citons, à titre
d'exemple, les missions destinées à lutter contre la délinquance de jour, les
vols à la tire, la plus grande partie des agressions violentes et les missions
de maintien de l'ordre, les enquêtes d'investigation, les surveillances, les
missions de contact avec la population et les tâches administratives.
Mais, vous avez raison, les effectifs de nuit sont insuffisants, et c'est la
raison pour laquelle le ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, a donné
des instructions aux directeurs départementaux de la sécurité publique afin de
développer les services d'investigation et de recherche, ainsi que les brigades
anticriminalité, les fameuses BAC, qui mènent l'essentiel de la lutte de nuit
contre la délinquance.
Depuis son arrivée, le ministre s'est fait communiquer régulièrement le nombre
des rondes de nuit - il ne s'agit pas de
La Ronde de nuit
de Rembrandt
(Sourires)
- et, surtout, il l'a fait savoir. Le résultat, c'est que le
nombre de ces rondes a augmenté.
S'agissant de la situation à Orléans, je suis d'accord avec vous.
L'insuffisance des effectifs dans la circonscription est patente. Il y a 320
policiers pour 240 000 habitants et un peu plus de 20 fonctionnaires en moyenne
effectivement présents pendant la nuit. Il a donc été décidé d'y affecter, dès
le mois prochain, un renfort de 25 fonctionnaires supplémentaires. Mais il est
vrai que 10 fonctionnaires vont être mutés ou partir à la retraite, et il faut
en tenir compte. Le Gouvernement considère donc que ces nouvelles affectations
ne sont qu'un premier pas pour la circonscription d'Orléans.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je remercie M. le ministre pour la précision de sa réponse. Je souhaite que ce
premier pas soit suivi d'autres car, s'il est vrai qu'on ne peut
statistiquement pas comparer les missions de jour et les missions de nuit, nous
savons bien, en revanche, qu'il est nécessaire d'augmenter le nombre de
fonctionnaires de la police nationale sur le terrain pendant la nuit, en
particulier dans les zones urbaines.
M. le président.
Mes chers collègues, nous en avons fini avec les questions.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la sécurité inscrits à la
ligne « Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales » seront mis aux
voix aujourd'hui à la suite de l'examen des crédits affectés à la
décentralisation.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 276 737 448 euros. »
La parole est à M. Robert Bret, sur les crédits.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, mon
intervention, qui sera brève, a pour objet, à l'occasion de l'examen du présent
budget, d'attirer - comme je le fais depuis plusieurs années - l'attention du
Gouvernement sur le dossier du bataillon des marins-pompiers de Marseille.
Monsieur le ministre, depuis le décret de 1939, qui a été pris après le
dramatique incendie d'un grand magasin et qui confie à la marine la sécurité
civile de la ville, le bataillon des marins-pompiers est à la charge des
contribuables marseillais et, depuis peu, de la communauté urbaine, qui consent
à la ville de Marseille une aide financière sous la forme de l'inscription d'un
fonds de concours.
Les Marseillais, certes très attachés à leur bataillon de marins-pompiers - il
témoigne de la singularité de l'histoire de cette ville et de ses rapports avec
l'Etat, monsieur le ministre -, ne comprennent toutefois pas que l'Etat ne
participe pas au financement du bataillon des marins-pompiers, comme il le
fait, par ailleurs, pour la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.
A cette situation propre à la ville de Marseille s'ajoute la
professionnalisation des armées depuis quelques années - c'est-à-dire le
remplacement des appelés par des engagés -, ce qui n'est pas sans conséquence
financière pour la municipalité phocéenne, notamment en ce qui concerne les
coûts de fonctionnement du bataillon des marins-pompiers.
Pour information, le budget représente pour la ville de Marseille plus de 80
millions d'euros, en fonctionnement et en investissement.
Dans ces conditions, il nous faut trouver, monsieur le ministre, une réponse à
cet épineux dossier.
Cette question devrait être discutée, peut-être pas dans le présent projet de
loi de finances pour 2003, mais au moins dans le cadre du projet de loi sur la
sécurité civile annoncé pour le printemps 2003, afin d'être réglé dans la loi
de finances pour 2004.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement prend acte de
votre demande, qui est fondée. Nous allons engager une réflexion sur ce point,
notamment avec le maire de Marseille, lui-même très préoccupé pour les raisons
financières que vous venez d'exposer : 80 millions d'euros, ce n'est pas rien
!
Le Gouvernement compte engager cette réflexion dans le cadre de la
décentralisation. Il souhaite que les mesures qui seront prises au niveau
national soient transparentes et que les charges soient réparties de manière
équitable entre les communes. Sachez que nous examinerons ce problème avec
attention, monsieur le sénateur.
M. le président.
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 1 704 779 928 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 459 711 000 euros ;
« Crédits de paiement : 128 742 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 884 058 000 euros ;
« Crédits de paiement : 844 909 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
J'appelle en discussion l'article 73, qui est rattaché pour son examen aux
crédits affectés à la sécurité.
Article 73
M. le président.
« Art. 73. - L'article 7 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation
et de programmation pour la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
«
Art. 7
. - A compter de 2003, le Gouvernement déposera chaque année
sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, à l'ouverture de
la session ordinaire, un rapport ayant pour objet, d'une part, de retracer
l'exécution de la présente loi et, d'autre part, d'évaluer les résultats
obtenus au regard des objectifs fixés dans son rapport annexé et des moyens
affectés à la réalisation de ces objectifs. Ce rapport sera préparé par une
instance extérieure aux services concernés. »
Je mets aux voix l'article 73.
(L'article 73 est adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la sécurité.
DÉCENTRALISATION
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, il nous appartient de délibérer maintenant sur
les crédits du ministère de l'intérieur, qui assure le lien financier entre
l'Etat et les collectivités locales, pour partie tout au moins.
Monsieur le ministre, le débat sur les concours financiers que l'Etat consacre
aux collectivités locales a déjà eu lieu à plusieurs reprises à l'occasion de
la discussion budgétaire. On peut toutefois regretter que l'avocat des
collectivités locales que vous êtes au sein du Gouvernement ne soit pas présent
à chaque fois. Peut-être faudrait-il l'envisager ?
(Sourires.)
C'est en
tout cas le voeu que nous formons, afin que vous puissiez, y compris lors de la
discussion de la première partie du projet de loi de finances, défendre les
intérêts des collectivités locales.
Je ne m'appesantirai pas sur les chiffres, car beaucoup de choses ont déjà été
dites. Je noterai simplement que, si le montant global des concours financiers
de l'Etat aux collectivités locales est extrêmement important - 58 milliards
d'euros environ -, la marge de manoeuvre du Gouvernement est étroite.
Aujourd'hui, la moitié au moins du total des crédits a trait à tout autre chose
qu'à des dotations. Au sein des crédits inscrits au budget du ministère de
l'intérieur, qui s'élèvent à 9,7 milliards d'euros, 95 % servent à compenser
des exonérations fiscales et des transferts de compétences.
Je voudrais souligner les bons points, en quelque sorte, qu'il convient
d'accorder au Gouvernement pour l'encourager sinon à faire mieux, du moins à
poursuivre son action. Comme je le disais tout à l'heure en introduction,
monsieur le ministre, vous êtes naturellement l'avocat des collectivités
locales.
Pour l'exercice 2003, le Gouvernement a choisi, s'agissant des dotations, de
reconduire le contrat de croissance. Il convient d'y insister, car rien
n'obligeait le Gouvernement, dans une période budgétaire difficile, à continuer
de faire bénéficier les collectivités locales d'une part de la croissance. La
rigueur des temps aurait pu le conduire à maintenir simplement leur pouvoir
d'achat. Il a choisi de ne pas rompre avec la politique engagée ces dernières
années et cela me paraît important pour restaurer la confiance entre l'Etat et
les collectivités territoriales.
Il est un deuxième point que je souhaite aborder : la création d'un fonds
d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours,
les SDIS, doté de 45 millions d'euros, est prévue. Il s'agit, pour les deux
tiers, de crédits nouveaux que le Gouvernement met à la disposition de ces
SDIS, alors qu'auparavant, notamment sur l'initiative de la Haute Assemblée, on
procédait essentiellement à du recyclage de crédits non consommés. Je tiens à
souligner l'effort accompli par le Gouvernement en la matière. Même s'il faudra
aller plus loin, c'est un premier pas qui mérite d'être relevé.
Sur ces crédits qui, comme je l'ai dit, laissent peu de marges de manoeuvre au
Gouvernement, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur la
non-consommation des crédits - leur montant est d'ailleurs plutôt faible, mais
ils sont un peu symboliques - du plan de financement de la sécurité dans les
établissements scolaires. Ces crédits non employés sont, en cours d'année, en
partie ventilés sur d'autres articles. Ne serait-il pas plus judicieux de les
attribuer à des établissements scolaires, notamment après les déclarations que
vient de faire M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire sur la
sécurisation de ceux-ci ? Cela pourrait être un moyen de financer ces futures
dépenses, plutôt que de les mettre à la charge des collectivités locales.
Par ailleurs, la dotation globale d'équipement, la DGE, donne lieu à des
reports de crédits très importants. Ne serait-il pas possible d'accélérer les
procédures de répartition des crédits d'équipements ?
Monsieur le ministre, cette année, la discussion du projet de budget que vous
défendez devant la Haute Assemblée nous donne un sentiment non pas de quelque
chose d'un peu artificiel, mais de dernière fois.
Le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de
la République, récemment voté au Sénat, a été peu modifié à l'Assemblée
nationale, ce qui devrait permettre de l'adopter définitivement au tout début
de l'année prochaine ; il va entraîner, pour le Gouvernement, un certain nombre
de conséquences, notamment en matière de transfert de responsabilité fiscale
aux collectivités locales.
La structure des concours financiers Etat-collectivités locales ne peut pas
rester telle quelle, sinon elle serait contraire à la Constitution. M. le
ministre délégué au budget nous a indiqué, la semaine dernière, que des études
étaient en cours pour transférer aux collectivités locales un impôt : ce
pourrait être la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Il n'y a pas
vraiment fait allusion, mais, comme on nous a dit que tous les autres impôts
étaient impossibles à transférer, à l'exception de celui-là, nous en avons tiré
des conclusions.
Par conséquent, de nouvelles perspectives s'ouvrent pour les collectivités
locales : elles auront moins de dotations d'Etat et plus d'impôts, ce qui est
sain.
Le montant des crédits consacrés par l'Etat aux collectivités territoriales
étant supérieur au déficit budgétaire, cela peut représenter une source
d'inquiétude pour celles-ci. Ce transfert de fiscalité propre constitue donc
une sécurité pour l'ensemble des collectivités territoriales de la
République.
Néanmoins, même si c'est l'une des dernières fois que les choses se passent
ainsi, je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur quelques
points qui sont de véritables casse-tête pour les collectivités locales au
moment où elles préparent leur budget.
Vous avez choisi la décentralisation comme moteur de la réforme. Il ne faut
pas la rendre impopulaire pour des raisons d'ordre fiscal. Or les communes, les
départements, les régions éprouveront les plus grandes difficultés, l'année
prochaine, à établir leur budget sans augmenter leurs impôts. Je n'en ferai pas
l'exégèse, car tout le monde connaît les sources d'inquiétudes, mais j'en
indiquerai au moins trois.
Tout d'abord, en ce qui concerne les services départementaux d'incendie et de
secours, nous venons tous de rappeler notre attachement à l'égard des
sapeurs-pompiers, qu'ils soient volontaires ou professionnels. La nation a
besoin de ces services, mais il importe de trouver un moyen de financement
pérenne. Il ne faut pas que l'Etat et les collectivités locales se renvoient la
balle. En effet, aujourd'hui, l'Etat décide de mesures relatives aux SDIS, les
collectivités locales doivent payer et, de plus en plus souvent, lors de
congrès ou de réunions, les collectivités locales demandent à l'Etat d'assurer
de nouveau le financement de ces mesures concernant les SDIS. Cela n'est pas
satisfaisant, car, s'il est un service de proximité, c'est bien celui des
secours. Il est donc tout à fait normal que les collectivités territoriales, et
peut-être en premier lieu les départements, assument cette responsabilité. Mais
l'Etat ne doit plus prescrire des dépenses sans concertation avec les
collectivités.
Mme Jacqueline Gourault.
Bravo !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Il faut trouver un financement pérenne et
équilibré.
La deuxième inquiétude des collectivités locales concerne les dépenses de
personnels. Des choses simples peuvent être faites ! Il ne s'agit pas de dire
que les fonctionnaires ne doivent pas être augmentés. Il faut simplement
souligner que les collectivités territoriales, les maires, les présidents de
conseil régionaux, les présidents de conseils généraux ne peuvent pas apprendre
simplement par les journaux les résultats des négociations menées entre le
ministre de la fonction publique et les organisations syndicales. Les grandes
associations d'élus doivent nécessairement être associées aux négociations
salariales menées par le ministre de la fonction publique. Cela ne me paraît
pas très compliqué et, sur ce point, vous pourriez nous donner satisfaction,
monsieur le ministre. C'est la moindre des choses lorsqu'on souhaite une
République décentralisée !
Par ailleurs, je voudrais vous parler - si je ne le faisais pas, vous seriez
déçus, monsieur le ministre ! - du financement de l'allocation personnalisée
d'autonomie, l'APA.
M. Jean-Guy Branger.
C'est très important !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
C'est un véritable casse-tête ! Tout le monde
reconnaît la nécessité de prendre en charge la dépendance, et les Françaises et
les Français se sont véritablement approprié cette allocation. Dans quelques
semaines, le nombre des bénéficiaires de l'APA s'élèvera à 800 000.
Cette allocation correspond donc à un véritable besoin. Elle est bien perçue
par la population, ce qui se comprend puisque son attribution est soumise à
très peu de conditions. Mais rien n'est prévu pour assurer son financement. Un
groupe de travail a été mis en place. J'espère que ses réflexions seront
fructueuses, mais je doute que des ressources nouvelles puissent être trouvées
pour financer l'APA.
Seul le transfert rapide d'un impôt évolutif, productif, permettra aux
collectivités locales, notamment aux départements, de faire face à cette
dépense. On ne pourra pas vraiment modifier le dispositif, car nombreux sont
ceux qui bénéficient de cette allocation. Un deuxième régime, totalement
différent, pourra-t-il être créé en parallèle ? En posant la question, on a
presque la réponse. Il faut donc trouver un financement pour l'APA.
M. Jean-Claude Gaudin.
Lourde responsabilité pour ceux qui ont créé l'APA sans la financer !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Eh oui ! Mais ils sont partis !
M. Jean-Claude Gaudin.
C'est une lourde responsabilité, et il faut le répéter inlassablement !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Vous avez raison !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Vous l'avez votée !
M. Jean-Claude Gaudin.
Vous n'avez pas mis de sous !
M. Jean Chérioux.
Avec l'argent des autres, c'est toujours facile !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Il est vrai que le gouvernement précédent a accompli
un exploit ! Depuis vingt ans, tous les gouvernements cherchaient la façon de
prendre en charge la dépendance. Celui-là l'a trouvé ! Il a simplement oublié
l'essentiel : le financement !
M. le président.
On est toujours généreux avec l'argent des autres !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
On peut donner sans problème l'argent que l'on n'a
pas !
M. Jean-Claude Gaudin.
Exactement !
M. Jean-Guy Branger.
Une loi est faite pour être modifiée !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Il ne s'agit donc pas, aujourd'hui, de discuter de
crédits qui sont parfaitement normaux, légaux, bien calculés. Vous avez même
fait plus que ce que la loi vous impose, monsieur le ministre, et je vous en
donne acte !
Au-delà des recettes, les collectivités territoriales sont confrontées au
problème de la dépense. La dépense doit-elle toujours être décidée par l'Etat
ou bien doit-elle d'abord être fixée par les collectivités territoriales, qui
la financeront ensuite avec les moyens que leur donnera la loi
constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République ?
Dans le second cas, nous aurons alors affaire à une véritable décentralisation.
Sinon, nos concitoyens ne pourront pas adhérer au principe de la
décentralisation, parce que les responsabilités ne seront pas clairement
définies.
Nous revendiquons, pour les collectivités territoriales, la responsabilité de
lever l'impôt et celle de décider de la dépense, bien évidemment dans le cadre
qui sera fixé par la loi. Cette double responsabilité me semble être la seule à
motiver au sein de l'opinion publique le bien-fondé de la décentralisation.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission des
finances vous propose d'adopter les crédits de la décentralisation inscrits au
budget du ministère de l'intérieur.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la commission des lois a examiné avec attention le projet de budget
de la décentralisation. Elle s'est notamment préoccupée, d'une part, de
l'effort de modernisation des préfectures, d'autre part, de l'évolution du
concours financier de l'Etat aux collectivités territoriales.
S'agissant de l'effort de modernisation des préfectures, nous constatons que
l'amélioration de l'accueil du public, le renforcement de l'équipement et le
recours aux nouvelles technologies de l'information sont en constante
progression.
Je tiens tout particulièrement à saluer l'effort qui sera accompli en 2003 en
faveur de l'expérimentation de la globalisation des crédits de rémunération et
de fonctionnement des préfectures : près du tiers des préfectures, en effet,
sera concerné l'année prochaine.
Lors de son audition devant la commission des lois, le ministre de l'intérieur
nous a fait part de son intention de globaliser également les crédits
d'équipements des préfectures. Soyez assuré, monsieur le ministre, de notre
soutien à cette démarche, qui participe de l'indispensable relance de la
déconcentration.
Dans son excellent rapport, notre collègue Michel Mercier, au nom de la
mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation, a d'ailleurs
souligné que le pouvoir des préfets s'exerçait encore sur un périmètre trop
limité.
Or, pour être effective, la déconcentration suppose que le préfet soit le
véritable représentant interministériel de l'ensemble des services de
l'Etat.
A cette fin, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation
décentralisée de la République tend à préciser que le représentant de l'Etat
dans les collectivités territoriales est le représentant de chacun des membres
du Gouvernement.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'appeler votre attention sur la
nécessité d'approfondir le partenariat entre les services de l'Etat et les
collectivités locales. Beaucoup d'élus locaux souhaitent légitimement, face à
la complexité croissante des dispositions législatives et réglementaires, que
les préfectures puissent leur apporter une plus grande expertise juridique.
J'en viens maintenant à l'évolution des concours de l'Etat aux collectivités
territoriales.
Le projet de loi de finances pour 2003 a retenu l'attention de la commission
des lois sur deux points : d'abord, l'augmentation sensible des concours de
l'Etat, dans un contexte budgétaire pourtant difficile ; ensuite, l'existence
de plusieurs mesures qui préfigurent l'indispensable réforme des finances
locales.
M. Gérard Longuet.
Eh oui !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis.
Ainsi, les concours de l'Etat aux collectivités
locales connaîtront, globalement, une progression de 3,3 % en 2003 cela a été
rappelé.
L'article 23 du projet de loi de finances reconduit pour un an - c'est un
point important - les conditions de mise en oeuvre du contrat de croissance et
de solidarité en 2001, comme l'avait déjà fait la loi de finances de 2002.
La dotation globale de fonctionnement, ou DGF, progressera quant à elle de
2,29 %. En outre, elle fera l'objet d'abondements exceptionnels et
indispensables, selon une pratique désormais habituelle destinée à préserver le
montant des dotations de solidarité.
La dotation de solidarité urbaine, ou DSU, la dotation de solidarité rurale,
ou DSR, seront ainsi respectivement majorées de 35 millions d'euros et de 4
millions d'euros. Sur l'initiative de la commission des finances, le Sénat a
adopté un amendement tendant à majorer de 23 millions d'euros la dotation de
solidarité urbaine et de 6,5 millions d'euros la fraction « bourgs-centres » de
la dotation de solidarité rurale.
Deux dispositions du projet de loi de finances ont par ailleurs pour objet de
cibler sur les bénéficiaires de la DSU et de la fraction « bourgs-centres » de
la DSR des sommes qui auraient dû être versées à un nombre plus important de
collectivités.
Ainsi, l'article 12 intègre dans la « base » du solde de la dotation
d'aménagement la compensation de la suppression du droit de licence sur les
débits de boissons.
L'article 32 réserve aux communes bénéficiaires de la DSU et de la DSR le
bénéfice du versement par l'Etat de la fraction de la régularisation positive
de la DGE de 2001 destinée aux communes et à leurs groupements.
En l'absence de ces majorations exceptionnelles, les deux dotations de
solidarité auraient diminué de 20 % par rapport à 2002, ce qui aurait été
douloureusement ressenti.
Au-delà de la préservation des dotations de péréquation - importante dans le
contexte de contraintes budgétaires actuel -, le projet de loi de finances pour
2003 comporte trois mesures amorçant la réforme des finances locales.
En premier lieu, l'article 14 du projet de loi de finances tend à assouplir
les modalités de fixation du taux de la taxe professionnelle.
Les communes, les départements et les établissements publics de coopération
intercommunale pourront faire varier la taxe professionnelle dans la limite
d'une fois et demie la variation du taux de la taxe d'habitation ou la
variation du taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières,
si elle est moins élevée. La commission des lois approuve ce dispositif ainsi
que les assouplissements supplémentaires introduits par le Sénat.
En deuxième lieu, l'article 13 assujettit France Télécom aux impôts directs
locaux dans les conditions de droit commun : les collectivités locales
bénéficieront donc désormais, en plus du produit des impositions locales
correspondant aux activités de téléphonie mobile, du produit des taxes
foncières et de la taxe professionnelle acquittées par l'opérateur.
M. Gérard Longuet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis.
En troisième lieu, afin de ne pas pénaliser trop
fortement les dotations de solidarité urbaine et rurale, le Gouvernement a
décidé de modifier les critères d'indexation de la dotation d'intercommunalité,
en ne retenant que le seuil minimal du montant atteint l'année précédente.
Pour limitées qu'elles soient, ces trois réformes traduisent bien la volonté
du Gouvernement de réfléchir à une nouvelle architecture des concours de
l'Etat, comme notre collègue M. Michel Mercier l'a tout à l'heure souligné, et
notamment à une réforme de la dotation globale de fonctionnement qui, telle
qu'elle existe à l'heure actuelle, date, rappelons-le, de décembre 1993.
La refonte du dispositif des concours de l'Etat aux collectivités locales
devra toutefois attendre le préalable indispensable de la révision
constitutionnelle.
Je ne reviendrai pas sur les dispositions du projet de loi constitutionnelle
relatif à l'organisation décentralisée de la République qui concernent
l'autonomie financière des collectivités territoriales : chacun les connaît.
Elles rendront inévitable la réforme des finances locales.
Cette réforme devra satisfaire à une triple exigence : premièrement, renforcer
l'autonomie fiscale des collectivités territoriales - faisons confiance aux
élus locaux pour déterminer librement le montant de leurs impôts - ;
deuxièmement, améliorer la prévisibilité et la lisibilité des concours
financiers de l'Etat en renouant avec le principe d'une programmation
pluriannuelle ; troisièmement, développer la péréquation, terme qui revient
souvent dans les débats actuels sur la réforme constitutionnelle.
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, et dans l'espoir que la
réforme des finances locales, telle qu'elle est esquissée, se concrétisera
rapidement, la commission des lois a décidé de donner un avis favorable à
l'adoption des crédits consacrés à l'administration territoriale et à la
décentralisation dans le projet de loi de finances pour 2003.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 17 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
6 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut
que se réjouir que se soit ouvert un vaste débat national sur la réforme des
relations entre la République et ses territoires, débat dans lequel le Sénat
n'est pas en reste. On ne peut imaginer, cependant, que ce débat ne débouche
pas rapidement sur une interrogation d'ensemble quant à l'organisation des
finances locales, celles de nos communes, de nos départements et de nos
régions.
Cette période de débat s'est ouverte par l'examen du projet de loi
constitutionnelle. Elle se prolongera par la préparation d'une loi organique
qui se déclinera nécessairement par des lois d'adaptation.
La question revient avec force : quelles sont les modalités financières de ce
nouveau partage des responsabilités ?
Monsieur le ministre, il faut mettre à profit ce débat budgétaire pour nous
ouvrir des pistes et, en tout les cas, répondre à nos interrogations.
Mon intervention portera plus particulièrement sur l'échelon régional, mais je
m'empresse d'ajouter que nos collègues maires et présidents d'exécutif
départementaux ont toute ma sympathie : dans cette affaire, nous sommes
parfaitement solidaires.
Face à l'attente très forte des élus locaux, il faut prendre la mesure exacte
de la modestie des moyens des collectivités locales, en particulier des
régions. Je me dois de rappeler, à cet instant, quelques chiffres.
Le prélèvement par an et par habitant du budget moyen d'une région française
est de l'ordre de 200 euros. Pour un département, ce prélèvement se monte à
environ 600 euros, c'est-à-dire trois fois plus. Pour une commune urbaine
moyenne, le prélèvement budgétaire est de l'ordre de 1 200 euros par an,
c'est-à-dire six fois le prélèvement régional ; quant à celui de l'Etat, il
serait autour de 4 500 euros par an et par habitant, c'est-à-dire environ
vingt-deux fois le prélèvement annuel de la région.
Ces chiffres montrent - il faut que nous en soyons conscients - que notre pays
n'est pas aujourd'hui menacé d'éclatement, de parcellisation, de fragmentation
: la République ne s'efface pas devant la fédération des territoires.
A côté de ces chiffres et de ce rapport de force, la décentralisation, depuis
les lois de 1982, a été, à la surprise générale, vertueuse, je dois bien le
reconnaître, en ce sens que les prélèvements des collectivités locales au
regard du produit intérieur brut se sont situés entre 5,2 % et 5,8 % du PIB,
selon les modes de calcul ; s'ils ont diminué en pourcentage du PIB ces
dernières années, c'est sous l'effet pervers qu'évoquaient les deux
rapporteurs, MM. Michel Mercier et Daniel Hoeffel, d'une reprise de recettes de
collectivités locales par l'Etat et de la restitution partielle par l'Etat à
ces collectivités locales des revenus dont elles avaient été privées.
Nous avons donc une très forte attente, des moyens inégalement répartis, une
attitude depuis vingt ans qui a été vertueuse, puisque l'augmentation de 50 %
des sommes que les départements, tout comme les régions, consacrent aux
activités transférées, notamment les collèges, pour les uns, et les lycées,
pour les autres n'a pas entraîné une augmentation du pourcentage de prélèvement
par rapport au PIB, mais a pu se faire par une meilleure affectation à
l'intérieur des sommes prélevées.
Je formulerai trois remarques sur le constat immédiat, la problématique
constitutionnelle et l'exploration de plusieurs pistes.
Premièrement, sur le constat immédiat, nous devons faire face à un grand
désordre des finances locales. Je ne veux pas insister sur ce point, les
rapporteurs l'ont fait avec plus de pertinence et plus de compétence que je ne
saurais le faire. Je rappelle simplement que la région est passée d'une
autonomie financière des deux tiers en 1996 - deux tiers des recettes décidées
par les assemblées régionales - à un tiers en 2002 - un tiers seulement, mes
chers collègues ! Les deux tiers restants étant composés de dotations de l'Etat
transférées et de compensations fiscales que l'Etat doit assumer compte tenu de
ses propres décisions.
M. René-Pierre Signé.
Il ne les ajustera pas !
M. Gérard Longuet.
Dans ce constat de désordre, rappelons que le prélèvement fiscal direct est
parfaitement marginal. Il représente, en France, 0,6 % du PIB. Je rappelle
qu'un pays fédéral comme l'Allemagne donne à ses
Länder,
qui, pourtant,
ne bénéficient que partiellement de l'autonomie fiscale, 8,4 % du PIB. L'Italie
et l'Espagne connaissent une situation intermédiaire, puisque de 3 % à 3,5 % du
PIB sont affectés aux instances régionales.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Ils ont le droit à la dépense !
M. Gérard Longuet.
Au grand désordre français s'ajoute donc la pauvreté, si on compare la
situation de nos régions à celle des autres régions d'Europe.
J'en viens, deuxièmement, à la problématique constitutionnelle : reconnaissons
qu'elle est courageuse, car elle est fondée sur les principes d'autonomie, de
tranfert loyal entre l'Etat et les collectivités locales et de péréquation.
Encore faudrait-il, monsieur le ministre, obtenir une clarification sur
l'autonomie financière et fiscale.
En France, le principe de l'autonomie, c'est la liberté de voter l'impôt. Je
rappelle qu'un grand pays fédéral comme l'Allemagne reconnaît l'autonomie des
Länder
et la fonde sur des recettes nationales certaines, prévisibles,
et affectées sur des bases stables. Je reviendrai sur cette piste, car
l'exemple est éclairant.
Pour ce qui est du transfert loyal de l'Etat vers les collectivités locales,
il est bon que le principe soit constitutionnalisé. Cependant, monsieur le
ministre, s'agit-il de transférer loyalement les dépenses antérieures, ce qui
est une bonne base de départ, ou s'agit-il plutôt de transférer loyalement les
dépenses qui auraient été nécessaires pour le bon fonctionnement des services
publics ? C'est tout le problème du bénéfice d'inventaire au moment du
transfert, ce bénéfice d'inventaire qui a été manifestement insuffisant - et je
parle d'expérience - en ce qui concerne le transfert des lycées.
Sur la péréquation, monsieur le ministre, je voudrais connaître votre
conviction. S'agit-il principalement d'une péréquation fondée sur un principe
de solidarité nationale ? Nous sommes enfants de la même République, et donc,
au nom de la solidarité, nous souhaitons une péréquation que l'on pourrait
qualifier d'« horizontale », en tout cas géographiquement nationale. Ou bien
s'agit-il d'une péréquation entre collectivités locales dans un même espace,
qu'il s'agisse de l'espace départemental ou de l'espace régional, au nom d'un
principe, qui d'ailleurs, n'est pas absurde, et qui n'est pas exclusif du
premier, celui de la solidarité des collectivités locales ? Ces collectivités
participent à la réalisation d'un même projet, même si, force est de le
constater, les modes de fiscalité actuels font que certaines communes dépensent
quand d'autres encaissent. Car, aujourd'hui, nous ne vivons pas, nous ne
dépensons pas et nous ne travaillons pas dans les mêmes communes. Cela exige
donc péréquation et solidarité, péréquation de solidarité nationale au nom
d'une justice républicaine, péréquation au nom d'une solidarité de proximité,
au nom de fonctions, par exemple, de centralité.
Monsieur le ministre, je souhaite connaître vos orientations sur ces
questions.
En conclusion, je voudrais vous proposer d'explorer deux pistes.
La piste la plus souvent évoquée en matière de finances locales est celle du
transfert d'un impôt national existant aux collectivités locales. Les
collectivités locales auraient ainsi la possibilité de fixer librement le taux
de cet impôt sur des bases régionalisées ou départementalisées. Cette formule
est évoquée pour la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP. Je
crains cependant qu'elle ne puisse satisfaire au principe de péréquation. En
effet, il appartiendrait à la région concernée - si la base régionale est
faible - d'augmenter ses taux, ce qui n'est pas une réponse totalement
satisfaisante en matière de péréquation fondée sur la solidarité.
La seconde piste serait de clarifier et d'affecter les catégories d'impôt aux
différents niveaux de collectivité. Il est envisageable, par exemple, que la
collectivité communale hérite, par priorité, de la taxe d'habitation ou du
foncier. La collectivité départementale, dont la vocation sociale est forte,
pourrait, elle, bénéficier d'une partie de la contribution sociale généralisée,
la CSG, dans la mesure où cette recette nationale n'est pas de nature fiscale
mais, bien une vocation sociale. Quant aux régions, on pourrait imaginer
qu'elles se partagent la taxe professionnelle avec les intercommunalités.
Cela étant, il s'agit de répartir des ressources dont les bases sont inégales,
non actuelles et, pour beaucoup, insuffisantes.
C'est la raison pour laquelle, en conclusion, je voudrais évoquer l'idée de
l'attribution territorialisée d'une recette nationale. C'est la transposition
du principe qui a fait ses preuves chez nos voisins d'allemands.
Ce principe satisfait à l'indépendance, dès lors que ce transfert obéit à des
règles stables et prévisibles, qui seraient, par exemple, posées dans une loi
organique.
Cette formule permettrait la péréquation, puisqu'il suffirait que la
territorialisation de cette recette nationale soit accompagnée de paramètres
restituant sa spécificité à chaque territoire en fonction de sa démographie, de
sa population, de sa densité ou encore de son retard au regard de normes
nationales.
J'ajoute qu'un tel dispositif permettrait précisément ce que prône la
Constitution modifiée, à savoir un transfert loyal, puisque, dès lors qu'il y
aurait prévisibilité de cette recette, il appartiendrait à la collectivité
locale, dans le cadre de cette allocation prévisible et évolutive et en
fonction de la richesse nationale, de s'attribuer en quelque sorte les gains de
productivité qu'elle dégagerait en optimisant cette recette et l'utilisation de
cette recette.
Monsieur le ministre, il vous revient la redoutable responsabilité d'ouvrir le
dialogue. La passion et la compétence qui sont les vôtres nous donnent la
certitude que les semaines à venir seront mises à profit pour trouver une
répartition pertinente des ressources nationales et locales au service d'un
grand projet qui est aussi la passion des Français : leur territoire.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé.
On peut toujours rêver !
M. le président.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
discussion des crédits de décentralisation inscrits au budget du ministère de
l'intérieur m'offre l'occasion de revenir sur le financement des transferts de
compétences.
Je concentrerai mon propos sur les dépenses d'investissement dans le domaine
scolaire.
Pour assumer ces dépenses, les départements et les régions reçoivent
respectivement la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC,
et la dotation régionale d'équipement scolaire, la DRES. Ces dotations sont
indexées sur l'évolution de la formation brute de capital fixe des
administrations publiques : elles augmentent, pour 2003, de 2,60 %. Cette
évolution n'appelle pas de ma part de remarques particulières, sauf à rappeler
que, aujourd'hui comme hier, ces dotations ne permettent en aucune façon de
faire face à la réalité de la compétence transférée. En conséquence, les
collectivités territoriales ont dû imposer à leur population un effort fiscal
important, monsieur le ministre.
Votre collègue chargé du budget et de la réforme budgétaire, M. Alain Lambert,
énonçait mardi dernier, lors du débat sur les recettes des collectivités
locales, le principe qui, à ses yeux, fixe le cap gouvernemental sur cette
question des compétences transférées : « Qui commande paie ; qui paie commande.
»
Je vous propose donc, monsieur le ministre, à la lumière de quelques
illustrations récentes - mais je conviens qu'il serait aisé d'en trouver de
plus anciennes - de vérifier l'application de ce principe, non pour entretenir
la polémique, mais pour souhaiter la modification de ces pratiques.
Je me limiterai à trois illustrations.
Premièrement, M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire se déclarait,
la semaine dernière, choqué et scandalisé par les actes de violence qui ont
touché les établissements scolaires. Chacun d'entre nous partage cette émotion
et nul ne contestera qu'il est de la responsabilité de M. Darcos et de celle du
ministre de l'intérieur de traiter ce difficile problème.
Cependant, M. Darcos annonce qu'il équipera de clôtures les établissements
sensibles et, de manière plus générale, qu'il fera installer des kits de
surveillance dès que surgira un problème. Or, comme ses déclarations ne seront
pas suivies de l'octroi de moyens financiers supplémentaires, elles
entretiennent la confusion dans les responsabilités. Ce faisant, M. Darcos
déroge à ce que vous me permettrez d'appeler, par simplification, le « théorème
de Lambert »
(Sourires)
et intervient sur des compétences qui ne sont
plus les siennes.
J'en viens à ma deuxième illustration.
Nous ne pouvons que nous féliciter de l'évolution des enseignements et
apprécier que, notamment dans les domaines professionnels, la formation
dispensée suive l'évolution des techniques. Les corps d'inspection ont pour
mission de réaliser cette nécessaire adaptation des enseignements.
Depuis que l'Etat ne supporte plus les conséquences financières de leurs
propositions, la créativité des corps d'inspection est stimulée et les nouveaux
référentiels sont imaginés avec un souci du détail confondant.
Ainsi, en date du 17 juin 2002, le conseil régional dont je suis l'élu
recevait des services de l'académie le courrier suivant, dont je vous livre
deux extraits :
« J'ai l'honneur d'appeler votre attention sur la création du BEP des métiers
de l'électronique (...). Celui-ci requiert la mise en place d'une zone de
réalisation habitat/tertiaire. Cette dernière comprend un espace d'installation
tertiaire de 4,80 mètres sur 4,80 mètres, construit au moyen de cloisons sèches
alvéolées et de plaques de doublage fixées sur des supports métalliques qui
créent, à l'échelle réelle, une organisation spatiale du domaine de l'habitat
ou du tertiaire. Un plancher technique et un plafond équipent une partie de
l'espace délimité par les cloisons (...).
« Prioritairement, il serait souhaitable d'équiper chaque site de quatre
postes de câblage domestique, de quatre oscilloscopes portables, de cinq pinces
watt métriques, de quatre pinces ampérométriques et de quatre contrôleurs
d'installation. »
Cette lettre courtoise, qui proposerait au conseil régional,
in fine
,
de s'associer à la mise en place de ce nouveau diplôme, représentait, compte
tenu des cinquante établissements concernés, une dépense de l'ordre de deux
millions d'euros qui, de plus, devait être effectuée très rapidement, puisque
le nouveau référentiel entrait en vigueur à la rentrée de 2002.
Nous constatons, en l'espèce, la vérification du « théorème de Lambert », mais
inversé : qui conçoit ne paie pas ; qui paie ne conçoit pas !
Sans doute faudrait-il, si l'on veut faire progresser une réelle
décentralisation, améliorer les pratiques et, plus particulièrement, développer
davantage le partenariat et l'esprit de responsabilité.
J'en arrive à la troisième et dernière illustration.
La loi de finances s'attache à l'évolution globale de la dotation régionale
d'équipement scolaire, mais cette dernière est ensuite répartie par les
services du ministère de l'intérieur, à partir des indications fournies par les
ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture. J'ai souhaité
progresser dans la connaissance, s'agissant des modalités de répartition ; j'ai
donc interrogé les services compétents.
Je dois d'abord signaler la disponibilité de mes interlocuteurs -
interlocutrices en l'espèce -, leur écoute remarquable, et je vous charge,
monsieur le ministre, de transmettre mes remerciements pour la qualité des
renseignements que j'ai pu obtenir.
Les modalités de répartition de la DRES sont régies par un décret de 1985,
complété par un décret de 1987. Je vous épargne le détail des critères qui
touchent à la capacité d'accueil des établissements et à l'évolution de la
population scolarisable. Ils sont au nombre de neuf, chiffre peu étonnant
compte tenu de la complexité qui régit la détermination des dotations accordées
aux collectivités territoriales.
Je concentrerai mon illustration sur l'un d'entre eux, le plus important,
puisqu'il répartit 30 % du montant global de la DRES. Il s'agit de la
superficie développée hors oeuvre totale des bâtiments scolaires.
Les régions qui construisent les bâtiments ne sont, monsieur le ministre,
jamais interrogées sur ce sujet. L'information remonte chaque année vers le
ministère de l'intérieur par l'intermédiaire des résultats extraits d'une
enquête statistique beaucoup plus large effectuée, dans chaque académie, auprès
des chefs d'établissement. Si ces derniers ne renvoient pas l'enquête dans les
délais ou ne signalent pas les superficies supplémentaires, rien ne change !
Les chefs d'établissement que j'ai interrogés ignorent absolument que leur
réponse peut avoir une quelconque conséquence sur le montant de la DRES que
recevra leur conseil régional.
Sans dessaisir les ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture de
leurs prérogatives et sans détruire leurs statistiques, ne serait-il pas
possible, monsieur le ministre, que les services du ministère de l'intérieur
adressent aux collectivités territoriales le détail des indications
statistiques retenues pour la répartition de la DRES ? Cela permettrait aux
collectivités territoriales qui le souhaitent de vérifier, en toute
transparence, l'exactitude des éléments utilisés.
Une telle démarche tendrait assurément à atténuer le sentiment
d'incompréhension qui trop souvent s'installe entre les services de l'Etat et
ceux des collectivités territoriales.
Je veux croire, monsieur le ministre, que ces quelques illustrations vous
fourniront des pistes pour améliorer la décentralisation au quotidien, sans
devoir pour autant engager une révision constitutionnelle.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du
budget de la décentralisation se situe dans un contexte tout à fait
particulier, puisque, en toile de fond, se dessine le projet de réforme
constitutionnelle. Il serait donc pour le moins réducteur de nous cantonner au
simple examen d'une année budgétaire, une année de transition, même si elle
préfigure ce qui attend les Françaises et les Français si le projet de loi de
décentralisation était adopté.
C'est en effet la philosophie d'ensemble du projet de loi constitutionnelle
qui apparaît au travers des dispositions du projet de loi de finances, lequel
en constitue un début d'application. L'éducation, la culture, la recherche, la
santé, l'emploi, le logement, l'équipement connaissent des reculs significatifs
au moment où la solidarité nationale, devant l'insuffisance des moyens dans ces
secteurs, devrait jouer à plein. Ces reculs indiquent le recentrage de l'Etat
sur les missions que vous jugez, monsieur le ministre, essentielles, à savoir
la police, l'armée, la justice, laissant aux collectivités territoriales le
soin de s'occuper du reste. Or le reste, qui comprend l'éducation, la culture,
la santé est pourtant lui aussi essentiel pour la vie de nos concitoyens, pour
l'avenir des jeunes et de notre pays.
Comment les collectivités locales pourraient-elles y faire face sans augmenter
considérablement les impôts locaux puisque vous nous proposez, dans ce projet
de budget pour 2003, de réduire leurs moyens ? Il est inopportun de parler
d'une diminution des impôts nationaux lorsque pointe l'augmentation de la
charge fiscale des contribuables locaux.
Le Gouvernement, en parfaite concordance avec son projet de loi
constitutionnelle, commence dès maintenant à se dégager de sa responsabilité de
garant de la solidarité nationale. Mon collègue Thierry Foucaud a souligné que
les « collectivités sont une variable d'ajustement du budget de l'Etat ». Et
quelle variable !
« Comment Matignon veut faire maigrir l'Etat », titrait fort justement un
article du journal
Le Parisien,
le 28 novembre dernier. Le journaliste y
confiait aux lecteurs le contenu d'une note confidentielle du Premier ministre,
M. Raffarin, adressée aux préfets le 15 novembre pour leur demander, sous le
sceau du secret, de lui transmettre au plus tard le 13 décembre « les
hypothèses concernant l'organisation des services déconcentrés de l'Etat au
niveau départemental et régional ».
Monsieur le ministre, nous sommes le 3 décembre, allez-vous continuer à nous
expliquer que les assises des libertés locales sont un grand moment de
démocratie ?
M. Henri de Raincourt.
Cela, c'est vrai !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
Bien sûr ! Evidemment, vous n'avez
aucune idée de ce qu'est la démocratie !
(Protestations sur les travées du
groupe CRC.)
Mme Josiane Mathon.
Croyez-vous ?
Mme Nicole Borvo et M. Robert Bret.
C'est un peu court !
Mme Josiane Mathon.
Très élégant.
Allez-vous continuer à expliquer aux élus locaux, aux maires, qu'ils n'ont
aucune crainte à avoir ? C'est avec une grande solennité que je tiens à
souligner combien je suis outrée que les parlementaires que nous sommes
apprennent par la presse les méthodes du Gouvernement pour avancer à marche
forcée vers l'application d'un texte dont vous refusez de débattre avec nos
concitoyens.
Déjà, pour 2003, vous diminuez les concours de l'Etat aux collectivités
territoriales. Le budget de la décentralisation, tel qu'il nous est présenté,
reconduit le contrat de croissance et de solidarité, garantissant une
continuité des dotations et des compensations de l'Etat aux collectivités
locales, mais la solidarité en sort affaiblie. L'augmentation de la DSU et de
la DSR se tasse, rompant avec ces années précédentes, et atteint 2 % en 2003,
contre 3 % en 2002. Elle n'a pourtant jamais été à la hauteur des besoins et
n'a nullement compensé les écarts entre les collectivités.
La majoration de la DSU et de la DSR que la majorité sénatoriale a fait voter
est en grande partie illusoire. Elle fait suite à l'engagement pris par M.
Lambert devant les députés concernant l'indexation de la dotation moyenne des
établissements publics de coopératin intercommunale, les EPCI.
La fin de la modulation des pertes de dotation de compensation de la taxe
professionnelle est une autre mesure défavorable aux collectivités
défavorisées. Nous regrettons qu'elle serve de variable d'ajustement en
baissant pour toutes les collectivités locales. Il nous semble pour le moins
contradictoire de décider que les collectivités défavorisées seront dorénavant
sur le même plan que les autres ! Le principe de l'autonomie fiscale des
collectivités locales auquel nous sommes opposés et que la majorité sénatoriale
réclame à grands cris n'est même pas respecté. En effet, vous supprimez, sans
compensation directe, le droit de licence des débits de boissons. Vous ne
substituez pas aux suppressions de bases de taxe professionnelle de nouvelles
bases d'impôts locaux. Il y a même pire, puisque certains sénateurs proposent
que l'Etat se débarrasse de la compensation des abattements qu'il décide. Que
devient alors la solidarité nationale ? Ce sont, en effet, les budgets des
communes dont les habitants sont les plus pauvres qui sont alimentés par l'Etat
au titre des abattements sur la taxe d'habitation. Quel est l'avenir des
compensations dues au titre de la taxe professionnelle ? Il faut rappeler que
ses bases ont été entamées de plus de 35 %, notamment avec la suppression
progressive de la prise en compte des salaires.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Par qui ?
Mme Josiane Mathon.
Ce recul de la contribution des entreprises accroît les difficultés dans les
budgets locaux. Est-ce celui que recommande le MEDEF ?
M. Henri de Raincourt.
Il y avait longtemps !...
Mme Josiane Mathon.
Dans un récent document sur la décentralisation - j'en recommande vivement la
lecture pour son accord quasi parfait avec le projet de loi gouvernemental -,
il propose de « repenser la fiscalité locale » avec, entre autres dispositions,
la suppression pure et simple de la taxe professionnelle au profit d'un
reversement par l'Etat d'un ou de deux points de TVA et d'un transfert partiel
de l'impôt sur les sociétés à l'intérieur du taux actuel ». La boucle est
bouclée ! Le MEDEF dit oui à la solidarité nationale, mais seulement si elle
concerne les entreprises. Un article du journal
Les Echos
du 26 novembre
faisait état des difficultés grandissantes des communes, mais aussi des
départements, à investir.
M. Jean Bizet.
Vous lisez trop !
Mme Josiane Mathon.
Croyez-vous ?
M. Henri de Raincourt.
Vous feriez mieux de vous concentrer sur
l'Humanité
!
Mme Josiane Mathon.
Mais je le fais aussi, figurez-vous !
M. Henri de Raincourt.
Oui, c'est plus rapide !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Et revenir au temps des
samizdat
!
Mme Josiane Mathon.
Il est vrai qu'il serait plus facile pour vous que nous soyons ignares. Vous
pourriez ainsi faire ce que vous voulez !
Pourtant, ce sont les trois quarts des investissements publics qu'elles
réalisent. Mais leurs capacités d'autofinancement se réduisent, d'autant que la
taxe professionnelle unique, forme de péréquation horizontale, a montré ses
limites.
La péréquation ne consiste pas à prendre à une collectivité pour donner à une
autre, d'autant plus que certaines collectivités territoriales connaissent des
difficultés proche de la cessation de paiement. Or, si le projet est adopté en
l'état, les abondements exceptionnels en faveur des dotations de solidarité,
déjà insuffisants, s'effectueront au détriment des autres collectivités.
Le précédent gouvernement dégageait des moyens sur ses propres crédits.
L'affectation du produit de la régularisation positive de la DGF de 2001 aux
dotations de solidarité représente 0,7 % de DGF en moins pour ces collectivités
en 2002.
Il est urgent de rechercher des crédits nouveaux, et tel est le sens des
propositions que nous avons faites au cours de ce débat, mais que vous n'avez
pas acceptées.
Verrons-nous enfin une réforme fiscale qui permette plus de justice, plus
d'égalité ? Verrons-nous enfin une contribution des entreprises à la solidarité
nationale ?
Comment ne pas comprendre les inquiétudes des maires, qui ont bien conscience
qu'avec le projet de loi constitutionnelle la situation de leur commune, comme
celle de leurs habitants, s'aggravera considérablement ?
Mais les mesures que vous proposez dans le projet de budget de la
décentralisation pour 2003 sont conformes à ce projet de loi qui a vocation non
pas à répondre aux besoins des habitants, à assurer la solidarité et la
redistribution des revenus, mais à être au service des dogmes libéraux.
Je le redis avec force, la décentralisation telle que vous l'annoncez,
monsieur le ministre, n'est pas une simple réorganisation institutionnelle.
C'est un choix de société, qui conjugue la baisse des dépenses publiques, le
recul des services publics, les privatisations et la concurrence entre les
individus et les territoires.
Pourtant, les dizaines de milliers d'agents publics qui étaient dans la rue le
26 novembre dernier montrent le chemin de la solidarité, celui d'un
développement et d'une modernisation des services publics. Ils ne s'opposent
pas à une véritable décentralisation démocratique, puisqu'ils réclament plus de
pouvoirs et le droit de décider dans leur travail, dans leur vie. Mais ils
refusent, dans l'intérêt de la population, l'éclatement programmé du service
public et de la solidarité nationale, l'explosion des inégalités. Ils ont
raison, et nous les soutenons.
En conséquence, nous voterons contre ce projet de budget de la
décentralisation.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun a en
tête la position exprimée voilà peu par le ministre délégué au budget, Alain
Lambert : « La décentralisation vise à échanger de la liberté contre de
l'argent. »
(Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Une chose est sûre, ce n'est pas le présent projet de budget qui le contredira
: l'année 2003 sera sans conteste, pour les collectivités locales, une année
moins faste que les précédentes.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Ce n'est pas vrai !
M. François Marc.
La nouvelle vague de décentralisation annoncée et vendue à grands coups de
communication se traduira inévitablement par un accroissement des charges
pesant sur les collectivités locales dans les années qui viennent, peut-être
même dès 2003.
Pour autant, le projet de budget qui nous est soumis n'annonce aucunement des
moyens complémentaires en faveur des collectivités. Les mécanismes de
correction des inégalités de ressources ne se trouvent en rien améliorés.
Nul ne doute aujourd'hui de l'intérêt d'une décentralisation accrue ; mais, à
trop vouloir ignorer la carte des récifs inégalitaires, le Gouvernement prend
le risque politique d'engager le vaisseau républicain dans une traversée
hautement périlleuse.
Le répertoire des inégalités est largement connu : on sait que le potentiel
fiscal par habitant varie de 1 à 900 dans les communes de France, de 1 à 8 dans
les départements, les régions connaissant, elles aussi, de notables disparités
de ressources. Les inégalités entre les contribuables ne sont pas moindres,
qu'il s'agisse de bases de calcul divergentes, d'exonérations plus ou moins
légitimes ou de taux parfois très différents d'une collectivité à l'autre.
Dans ce contexte, il a été fait appel, depuis plusieurs années, à des systèmes
de rééquilibrage et de péréquation destinés à réduire les injustices. A ce
titre, la péréquation nationale, malgré ses lacunes, apparaît comme étant la
solution la plus efficace pour réduire les inégalités financières entre les
collectivités.
Tout désengagement de l'Etat au niveau des dotations aux collectivités serait
à nos yeux, dans ce contexte de décentralisation accrue, une grave erreur
politique.
Or les données du projet de budget pour 2003 ne sont pas faites pour nous
rassurer.
Ainsi, à structure constante, les dotations évolueraient de 1,8 % en 2003
alors qu'elles avaient augmenté de 2,4 % en 2002. La dotation globale de
fonctionnement augmentera vraisemblablement moins vite que l'inflation ; la
dotation d'intercommunalité sera en baisse importante pour de nombreuses
communautés ; les montants alloués à la dotation de solidarité rurale et à la
dotation de solidarité urbaine sont bien modestes ; il a été annoncé que le
fond national de péréquation devrait subir une baisse de 18 %.
Le Gouvernement a certes reconduit, en 2003, le contrat de croissance et de
solidarité mis en place par ses prédécesseurs, reconnaissant implicitement la
pertinence de cette politique. Au-delà, il développe néanmoins de nouvelles
orientations qui sont tout à fait symptomatiques de la décentralisation
libérale proposée par M. Raffarin : le projet de budget pour 2003 annonce très
clairement le transfert des déficits de l'Etat sur le budget des collectivités
locales et relègue au second plan les dispositifs de solidarité et de
péréquation.
Ainsi, si le projet de budget reconduit le contrat de croissance et de
solidarité, il ne reconduit pas les dispositifs de péréquation l'accompagnant :
il abandonne, en particulier, les majorations exceptionnelles du fonds national
de péréquation. En 2002, le gouvernement précédent avait dégagé 146 millions
d'euros supplémentaires en faveur de la DSU et de la DSR. Votre projet de loi
de finances ne prévoit que 37 millions d'euros, ce qui a été rappelé tout à
l'heure.
Il est très vraisemblable que les transferts de compétences actuellement
envisagés impliqueront demain une plus grande sollicitation de la fiscalité
locale. Or, dans sa configuration actuelle, le système financier local est
source d'incertitudes et d'inégalités tant pour les contribuables que pour les
collectivités locales.
Au regard du processus de décentralisation en cours, il semble ainsi
nécessaire d'entreprendre au plus vite une réforme en profondeur du système
financier local destinée à renforcer l'importance de la péréquation et à
repenser la fiscalité locale. Le projet de budget semble très loin de cette
logique.
Une rénovation paraît pourtant urgente ; d'ailleurs, les comparaisons entre
pays européens montrent à quel point les systèmes péréquateurs novateurs
contribuent au développement équilibré et solidaire de territoires exposés à
d'inévitables inégalités de ressources du fait des hasards géographiques ou de
la logique concentrationnaire de la richesse que génère l'économie libérale,
dans ses excès.
Le propos peut être facilement illustré par l'exemple de l'Italie. Afin de
corriger profondément le processus de décentralisation libérale amorcé voilà
dix ans, générateur d'inégalités territoriales et d'inflation fiscale, l'Etat
italien a en effet été contraint de renforcer en catastrophe ses dispositifs de
péréquation verticale.
La méthode italienne du
stop and go
inspire-t-elle la démarche actuelle
du Gouvernement français ? Il est permis de le penser dès lors que l'on renvoie
à plus tard la réforme volontariste des finances locales, qui devrait
logiquement constituer le préalable indispensable d'une deuxième phase de
décentralisation.
Cette perspective défavorable est confirmée lorsque l'on examine le peu de
moyens que le gouvernement Raffarin est prêt à engager pour aider les
collectivités locales.
Premier élément de conclusion, mes chers collègues, le principe d'autonomie
qui a été débattu depuis des semaines au sein de notre assemblée n'apporte pas
les arguments justificatifs de cette deuxième phase de la décentralisation. En
effet, les comparaisons réalisées au niveau européen et les remarques formulées
aujourd'hui par tous les observateurs objectifs démontrent que la France
dispose d'une autonomie fiscale au moins égale, sinon supérieure, à la moyenne
des autres pays européens.
Second élément de conclusion, les transferts de charges envisagés, qui sont la
conséquence implicite du projet de décentralisation, ne rassurent pas nos élus
locaux. Il est clair que le recours accru à la fiscalité locale sera le pendant
naturel de ce mouvement de décentralisation, qui générera dès lors des
injustices supplémentaires, puisque chacun sait que le système fiscal local est
totalement archaïque et inadapté.
Le préalable nécessaire à toute évolution est une juste réforme des
prélèvements fiscaux locaux.
Monsieur le ministre, notre groupe ne votera donc pas le projet de budget de
la décentralisation pour 2003, car il ne nous semble pas fournir suffisamment
de garanties pour l'avenir et ne correspond pas aux orientations que nous
souhaitons en matière de financement des collectivités locales.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Robert Bret.
Vous avez raison !
M. le président.
La parole est à M. Paul Dubrule.
M. Paul Dubrule.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote d'un
budget est un moment de vérité.
Les crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation,
en augmentation de 3,3 %, sont une indication sur les intentions du
Gouvernement.
C'est sans doute la dernière fois qu'ils nous sont présentés sous cette forme,
car il s'agit d'un budget de transition.
Nous sommes en effet entrés dans le vif du sujet de la décentralisation depuis
la discussion du projet de loi constitutionnelle. Les esprits sont mûrs, et il
est temps d'avancer.
Après les grandes lois de 1982 et 1983 lançant la décentralisation, nous
abordons aujourd'hui une nouvelle ère. Il est indispensable de comprendre les
erreurs et les fautes responsables de la « panne » de la décentralisation : il
nous faudra les corriger ou, en tout cas, ne pas les répéter.
La seule finalité qui s'impose est de faire mieux pour moins cher, ou,
autrement dit, d'être plus efficace avec moins d'impôts.
Cet objectif doit être dit et répété, car on l'entend peu. D'une manière
générale, il est davantage question de la répartition des ressources que de
leur réduction.
La méthode qui doit être adoptée est celle d'une vraie réforme de l'Etat.
C'est bien dans la réforme de l'Etat que s'inscrit la décentralisation. Ces
deux points forment un tout indissociable.
En effet, décentraliser sans réformer l'Etat central ne permettrait pas
d'atteindre l'objectif « faire moins cher », et l'objectif « faire mieux »
serait hypothéqué, malgré l'atout indéniable de la proximité nouvelle avec la «
France d'en bas ».
Je reviens aux erreurs de la première décentralisation. Le constat porte, pour
l'essentiel, sur trois points.
Premier point : les transferts de compétences. Quand l'Etat transfère des
compétences à une collectivité territoriale, il n'est pas suffisant de lui
transférer les moyens financiers correspondants ou de lui permettre de les
acquérir. L'Etat doit aussi transférer les moyens humains. Ce sont les femmes
et les hommes qui exercent une compétence qui sont les possesseurs de celle-ci,
et ne pas les transférer à la collectivité a deux inconvénients : d'abord, les
collectivités territoriales sont privées des talents humains, et le « faire
mieux » n'est pas optimisé ; ensuite, l'Etat central, qui conserve ces hommes
et ces femmes à sa charge, ne peut réduire son budget, et le « faire moins cher
» n'est pas au rendez-vous.
Le deuxième constat d'erreurs concerne la déconcentration, qui semble être une
action positive, l'Etat se rapprochant du citoyen ; mais c'est souvent un
leurre : dans plus de 50 % des cas, c'est une façon perverse de résister à la
décentralisation puisque le pouvoir central garde le pouvoir !
Les directions régionales des affaires culturelles, les directions
départementales de l'équipement, les directions départementales de la jeunesse
et des sports et autres directions départementales pourraient vraisemblablement
être intégrées, en tout ou partie, dans les régions ou départements.
Un travail de fond est nécessaire pour déterminer le manque de pertinence
d'une grande partie des services déconcentrés de l'Etat, afin de parvenir à
plus d'efficacité, à moins d'enchevêtrements de compétences éparpillées et afin
de freiner la multiplication de textes réglementaires.
Les élus locaux se perdent dans cet imbroglio. Remettons à plat les
déconcentrations pour simplifier, faire mieux et moins cher, et redonnons aux
préfets des responsabilités pleines et entières dans leur rôle de contrôle et
de conseil, seule déconcentration légitime.
La troisième critique de la décentralisation de 1982-1983 réside dans la
méthode : la décentralisation a été « octroyée » par l'Etat central et non
collectivement analysée avec les parties concernées, dans le respect de
l'excellent principe de subsidiarité.
Sur ce point, le Gouvernement s'est déjà exprimé et sa volonté va dans le sens
de l'efficacité. Le droit à l'expérimentation en est l'une des expressions
innovatrices, progressistes et courageuses.
Nous débattons, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le projet de
loi de finances pour 2003, mais nous engageons les années à venir, car c'est un
travail de longue haleine. Les Français souhaitent payer moins d'impôts et
attendent que leurs impôts soient mieux utilisés. C'est possible, et la réforme
de l'Etat est au coeur du dispositif. Sans elle, ce seraient des batailles
stériles de compétences entre les parties concernées, l'Etat et les différentes
collectivités territoriales, batailles débouchant immanquablement sur des
problèmes de ressources, qu'il s'agisse de la DGF, de l'APA, des SDIS, de la
vignette automobile, problèmes importants certes, mais secondaires compte tenu
de l'enjeu qui est, je le répète, de faire mieux avec moins d'impôts.
Dans une grande entreprise, la problématique est la même entre les services
centraux et les acteurs de terrain. Pour rester compétitive, elle doit procéder
à des restructurations quasi permanentes.
Or, la France est de moins en moins compétitive, et tous les indicateurs
internationaux enregistrent la baisse de sa compétitivité. Il faut donc
restructurer l'organisation de l'entreprise France pour, je le répète encore, «
faire mieux pour moins cher ».
Le projet de loi de finances pour 2003 ne peut avoir d'effets qu'à la marge,
puisque les réformes de fond n'ont pas été engagées, mais, dès 2004, les
premiers résultats devront être au rendez-vous.
Cohérence, proximité, clarification, simplification, voilà des mots que le
pragmatique que je suis a plaisir à entendre dans les propos de notre ministre
et à retrouver dans les différents rapports sur le sujet de la
décentralisation. Il est vital pour notre pays de réussir cette dernière, et
vous pouvez être assuré, monsieur le ministre, de mon engagement et de mon
soutien pour cette mission dans laquelle vous êtes engagé.
(Applaudissements
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le ministre, pardonnez-moi, mais je vais parler d'argent !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Nous sommes là pour ça !
M. Bernard Fournier.
C'est en effet inéluctable lorsque l'on discute du budget de l'Etat ; mais, si
je parle d'argent, monsieur le ministre, ce sera surtout de celui que vous
allez nous donner, c'est-à-dire donner aux collectivités locales que le Sénat
représente.
Je dois avant tout saluer l'effort que fait le Gouvernement dans un contexte
budgétaire particulièrement difficile. On ne peut que remarquer que les
concours de l'Etat aux collectivités locales augmentent de 3,3 %, que, pour sa
part, la dotation globale de fonctionnement devrait croître de 2,29 % en 2003
et que des majorations exceptionnelles devraient permettre de préserver le
montant des dotations de péréquation.
Cependant, la route reste longue pour finaliser l'indispensable réforme des
finances locales qui est prévue à l'issue de l'adoption définitive du projet de
loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la
République.
J'en profite toutefois pour rappeler notre attachement à la défense de
l'autonomie fiscale de nos collectivités, au principe de programmation
pluriannuelle des concours que l'Etat nous accorde, car il améliore la
lisibilité de notre action et notre capacité à la prévoir, enfin notre
attachement à la péréquation.
Le changement de majorité intervenu au printemps implique que l'année 2003
sera une année de transition en matière de relations financières entre l'Etat
et les collectivités locales.
Les crédits de la décentralisation inscrits au budget du ministère de
l'intérieur s'élèveront à 9,7 milliards d'euros. Ils sont en progression de 20
% par rapport à 2002, soit 83 % de l'augmentation globale de ce budget, et ils
représentent désormais la moitié des crédits du ministère.
Ces chiffres marquent la ferme volonté du Gouvernement d'appliquer une
politique décentralisatrice.
Cependant, comme le soulignent les rapporteurs, 95 % des crédits compensent
des pertes de recettes fiscales ou des transferts de compétences, ce qui
signifie que les collectivités ne peuvent pas décider de leur affectation.
Ce budget est encore un budget de transition, car la réforme constitutionnelle
est seulement en cours. Cette réforme, nous l'attendions, car notre système de
financement local est à bout de souffle.
En effet, le transfert de nouvelles compétences aux départements et aux
régions a entraîné une croissance des budgets locaux de près de 5 % en 2002.
Cette croissance est intervenue après une progression de 3,8 % en 2001. Les
ressources fiscales sont donc en augmentation de 5,5 % et progressent
sensiblement, notamment en raison de la hausse confirmée des taux d'imposition,
qui est de 2 % en moyenne.
Les départements ont été particulièrement sensibles à la hausse du « besoin »
de fiscalité, à cause du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie
et des services départementaux d'incendie et de secours, sans parler des 35
heures.
Ces transferts de compétences non financés sont allés de pair avec une
réduction de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
Comme le soulignent les commissions, les recettes fiscales correspondant à des
impôts dont les collectivités territoriales votent les taux s'élevaient à 54 %
en 1995. Elles ont été réduites à moins de 37 % pour les régions, à 43 % pour
les départements et à 48 % pour les communes en 2002. On peut donc parler d'un
vrai mouvement de recentralisation, pour ne pas dire de reprise en main par
l'Etat central. Souvenons-nous, mes chers collègues, de la suppression de la
vignette automobile, de la part régionale de la taxe d'habitation ou encore de
la part salaires de la taxe professionnelle.
L'alourdissement des charges non compensées des collectivités résulte de
décisions sur lesquelles ces mêmes collectivités n'ont aucune prise :
l'organisation des services départementaux d'incendie et de secours et la
création de l'allocation personnalisée d'autonomie en sont deux beaux
exemples.
Par ailleurs, les transferts de charges ne vont pas toujours faire l'objet
d'une compensation intégrale, comme en témoigne l'exemple des dépenses de
personnel : les revalorisations des traitements des agents de la fonction
publique territoriale sont décidées unilatéralement par l'Etat, sans
concertation avec les représentants des collectivités. Ce serait tolérable si
ces revalorisations étaient intégralement compensées par l'Etat, mais il n'en
est rien.
Les ressources des collectivités territoriales évoluant moins vite que leurs
charges, on parvient à une augmentation de la pression fiscale sur les
contribuables locaux. Au final, l'Etat s'en sort à bon compte. On a pu le voir
sous l'ancien gouvernement : on a créé l'APA à grand renfort de publicité, on
en a transféré la gestion au département sans en prévoir le financement, et le
département a été contraint d'augmenter les impôts. De ce fait, l'Etat
n'apparaît pas comme celui qui augmente la fiscalité et il peut clamer que tout
cela est la faute des élus locaux. La boucle est bouclée, et le hold-up
consacré ! Il nous faut impérativement sortir de ce cercle vicieux.
La situation financière des collectivités locales est de plus en plus fragile
et le développement de l'intercommunalité aggrave les difficultés du système de
financement local. L'augmentation du nombre d'établissements publics de
coopération intercommunale bénéficiant de la dotation globale de fonctionnement
s'accompagne nécessairement de celle du montant de la dotation
d'intercommunalité, et cela pèse lourdement sur les dotations de solidarité.
C'est purement mathématique.
Si le projet de la loi constitutionnelle relatif à l'organisation
décentralisée de la République implique la réforme des finances, soulignons que
le projet de loi de finances pour 2003 comporte déjà des mesures tendant à
renforcer l'autonomie financière des collectivités locales.
Nous vous en remercions d'ores et déjà, monsieur le ministre, tout en vous
rappelant que nous sommes attachés à ce que nos collectivités soient plus
libres : elles doivent avoir davantage de latitude pour gérer leur budget, en
ce qui concerne tant les charges que les ressources.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je voudrais, au préalable, excuser l'absence de Nicolas Sarkozy, qui
ne pouvait être présent parmi vous cet après-midi et m'a chargé de vous assurer
de toute l'attention qu'il portera à vos demandes.
Je souhaiterais remercier particulièrement les deux rapporteurs, MM. Mercier
et Hoeffel, qui, par leur soutien au Gouvernement et à son projet, par la
finesse et l'intelligence de leurs analyses, enrichissent la réflexion.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC. - M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis, lève les bras au ciel.)
M. Gérard Longuet.
C'est vrai !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Je le dis parce que je le pense, monsieur Hoeffel !
(Sourires.)
Votre exposé fut très détaillé et éclairant, au point qu'il
a répondu, en établissant la vérité des chiffres à un certain nombre
d'objections de l'opposition avant même qu'elles aient été formulées.
M. Mercier, quant à lui, a soulevé des questions intéressant l'avenir,
auxquelles je m'efforcerai de répondre.
J'évoquerai maintenant, en premier lieu, les finances locales, puis, en second
lieu, l'administration territoriale.
S'agissant des finances locales, le Gouvernement doit s'efforcer de répondre à
trois questions : comment financer les nouveaux transferts de compétences qui
s'annoncent, sans provoquer, comme certains l'ont parfois craint, une explosion
de la fiscalité locale ? comment peut-on moderniser l'actuelle fiscalité locale
? comment donner à la péréquation une place véritable, ce qui renvoie,
évidemment, à la question de la réforme de la dotation globale de
fonctionnement, qui a déjà été abordée ?
S'agissant du financement de la décentralisation, problème d'une actualité
immédiate, le Gouvernement veillera scrupuleusement à financer les transferts
de compétences aux collectivités locales en attribuant à celles-ci les
ressources correspondantes. La Constitution en fera d'ailleurs désormais une
obligation, et nous contraindra, comme l'a dit M. Mercier, à procéder par la
suite d'une manière différente de celle que tous les gouvernements ont employée
jusqu'à présent.
Je tiens à souligner, en effet, qu'il serait pour le moins paradoxal que ce
gouvernement, qui s'est engagé dans une politique de baisse globale des charges
et des prélèvements obligatoires, transfère aux collectivités locales des
déficits non financés. Ce serait là, bien entendu, une politique de gribouille.
Outre que cela n'aurait aucun sens, car la hausse de la fiscalité locale qui en
découlerait annulerait tout le bénéfice permis par la politique fiscale
nationale, je crois nécessaire de rappeler que les contraintes communautaires
ne permettent pas de distinguer entre les déficits publics selon qu'ils
proviennent de l'Etat ou des collectivités locales. La Commission européenne ne
fait pas de différence en la matière. Par conséquent, il est parfaitement vain
de vouloir transférer un déficit de l'Etat aux collectivités locales. C'est
pourquoi la décentralisation est avant tout, en réalité, un moyen d'améliorer
l'efficacité de la dépense publique, et non pas, comme les polémistes veulent
le faire croire, un moyen de transférer des déficits.
Par ailleurs, le principe d'autonomie financière des collectivités locales,
que nous avons également voulu garantir, trouvera obligatoirement à s'appliquer
à cette occasion. En effet, c'est d'abord par un transfert de fiscalité que la
compensation des transferts de compétences devra être assurée. La semaine
dernière, il y a été abondamment fait allusion dans cet hémicycle, et Alain
Lambert a eu l'occasion de faire un point précis sur l'état des réflexions du
Gouvernement en la matière. Sans y revenir dans le détail, je voudrais
maintenant les évoquer à mon tour.
Je rappellerai tout d'abord que nous donnons la priorité, en l'état actuel de
nos réflexions, à l'attribution aux collectivités locales d'une part du produit
de la TIPP, voire - mais ne nous avançons pas trop sur ce point -, de
l'intégralité de celui-ci, afin que le contribuable puisse clairement savoir
qui lève l'impôt. En effet, la responsabilité exige la clarté des compétences
et celle des financements.
Comme vous l'avait indiqué Alain Lambert, la TIPP présente le double avantage
d'être une taxe à la fois dynamique et équitablement répartie sur le
territoire. A cet égard, je rappelle à ceux qui, à l'instar de M. Longuet, ont
tout à l'heure soulevé le problème que son produit par habitant varie en fait
dans un rapport de un à deux selon les régions. Cela va donc, certes, du simple
au double, mais l'écart reste cependant bien moindre que celui que l'on
constate s'agissant du produit de la taxe professionnelle. La TIPP constitue
donc un instrument plus satisfaisant en termes de recherche d'égalité. Il reste
une difficulté juridique à lever, je le dis clairement, vis-à-vis de la
Commission européenne, avant que nous puissions donner aux collectivités
locales la liberté de fixer les taux. Le Gouvernement est résolu à mener cette
négociation à son terme.
S'il est important, certes, de bien financer les transferts de nouvelles
compétences, nous devons aussi traiter le problème des charges que l'Etat
impose aux collectivités locales, souvent sans concertation et sans qu'une
réelle compensation soit prévue. Là aussi, la réforme de la Constitution
empêchera les dérives que nous avons connues dans un passé encore très récent
et que les rapporteurs ont signalées, à juste titre, à propos, notamment, de la
mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie.
M. Frimat a dénoncé tout à l'heure certaines pratiques administratives, dont
les deux premières contreviennent au principe selon lequel qui paie commande.
L'incitation à la dépense pratiquée par les représentants de l'Etat est forte,
même si elle est courtoise ; je l'ai bien compris au travers des exemples que
M. Frimat a donnés.
Vous avez conclu votre propos, monsieur Frimat, en disant que l'on pourrait
peut-être améliorer les choses sans changer la Constitution. Eh bien non,
précisément ! Pour venir à bout des comportements que vous avez dénoncés et
qui, souvent, sont d'ordre culturel, le centralisme étant très fortement ancré
dans notre histoire, il faut placer un verrou absolument sûr et en passer par
la réforme de la Constitution, par le recours au principe de la libre
disposition de leurs ressources pour les collectivités territoriales. Dès lors
que ce principe aura été posé, le verrou constitutionnel sera suffisamment
dissuasif, même si perdurera sans doute quelque temps cette habitude de
demander aux collectivités locales d'assumer des dépenses que l'Etat ne veut
pas financer.
Il n'est pas normal, M. Mercier a eu raison de le dire, que l'augmentation des
coûts salariaux se décide chaque année sans aucune concertation avec les
collectivités locales, qui sont pourtant employeurs et en supporteront donc les
conséquences. Et que dire des 35 heures ?
M. Gérard Longuet.
Très bien !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Je suis d'ores et déjà en mesure de vous annoncer
aujourd'hui, en plein accord avec Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, que le
Gouvernement souhaite associer à l'avenir des représentants des employeurs
locaux aux négociations salariales. Sur ce point, monsieur Mercier, vous avez
donc été entendu.
Il n'est pas non plus normal que les départements se soient vu confier la
responsabilité de couvrir les dépenses liées à l'APA. Je rappellerai
inlassablement les chiffres à cet égard : la dépense avait été estimée à 800
millions d'euros, mais elle sera de 2 milliards d'euros en 2002 et de 3,5
milliards d'euros en 2003, soit quatre fois plus élevée que prévu ! La
situation est tout de même explosive, et les départements ont été contraints
d'en tirer les conséquences dans leurs budgets et dans la fiscalité locale.
A ce moment, j'entends quelques esprits malicieux prétendre que la fiscalité
locale va s'emballer à la suite de la décentralisation. Or cet emballement, qui
a commencé de se produire dans les départements, est précisément la conséquence
des actes du gouvernement précédent, contre lesquels nous voulons nous garantir
par une réforme de la Constitution destinée à instituer des principes qui
rendront une telle attitude impossible. Il y a donc un certain cynisme à nous
adresser des reproches, alors que nous voulons, au contraire, garantir le pays
contre des actes pouvant mettre en péril l'équilibre de la fiscalité locale !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
Nous ne pouvons, bien sûr, en rester là, et c'est pourquoi nous sommes en
train d'élaborer des solutions, en concertation avec les représentants des
conseils généraux. M. le Premier ministre a ainsi chargé MM. Fillon et Falco
d'animer un groupe de travail qui tient, en ce moment même, sa troisième
réunion technique en moins de dix jours. Nicolas Sarkozy et moi-même avons, par
ailleurs, avec nos deux collègues, commandité trois inspections générales,
respectivement à l'Inspection générale des finances, à l'Inspection générale
des affaires sociales et à l'Inspection générale de l'administration, afin de
réaliser un bilan de la mise en oeuvre de l'APA. Nous ne pouvons demeurer dans
la situation actuelle, qui est très lourde, et nous cherchons donc des
solutions.
En ce qui concerne les services départementaux d'incendie et de secours, je
vous remercie, monsieur Mercier, des bons points que vous avez bien voulu nous
distribuer. Vous avez rappelé, à la suite des indications que Nicolas Sarkozy
avait données à M. Schosteck, que, d'ores et déjà, un certain nombre de
dispositions ont été prises, visant notamment à créer un fonds national de
soutien. Je suis d'accord avec vous, monsieur Mercier, le compte n'y est pas
!
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Je n'ai pas dit cela !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Vous ne l'avez pas dit par courtoisie, mais je l'ai
quand même entendu !
(Sourires.)
En tout cas, c'est un premier pas, et
c'est en persistant dans cette voie que nous trouverons une solution.
Vous avez eu raison de dire que les services d'incendie et de secours sont des
services de proximité, et que la demande parfois exprimée d'une
recentralisation, qui est le fait d'élus excédés par ce qu'on leur a fait
subir, paraît quand même démesurée et, quoi qu'il en soit, à contresens.
J'en viens maintenant à la réforme de l'actuel système fiscal. Si la
Constitution nous donne désormais des orientations claires et pose des
principes en ce qui concerne le financement de la décentralisation ou la libre
disposition, pour les collectivités locales, de leurs ressources, elle nous
incite également à nous pencher sur la réforme de notre système de fiscalité
locale. Cette réflexion est devenue indispensable, ne serait-ce que pour ne pas
revivre, mais aussi pour corriger, ce que les collectivités locales ont subi
ces dernières années, au cours desquelles du pouvoir fiscal a été transformé en
dotations.
A cet égard, le gouvernement précédent a malheureusement préféré supprimer ce
qu'il ne voulait pas réformer, même si, en ce qui concerne la taxe
professionnelle, je veux bien reconnaître qu'il existait des difficultés.
Pourtant, la croissance que nous connaissions alors aurait tout de même
facilité la mise en oeuvre d'une réforme fiscale, tandis que la situation est
aujourd'hui plus difficile. Les défauts du système fiscal, que le rapport de M.
Hoeffel a mis en lumière, nous sont aujourd'hui bien connus. La fiscalité est
complexe et elle est illisible pour le contribuable, qui voit la même assiette
taxée à la fois par les communes, les départements, les régions et, depuis
quelques années, les établissements publics de coopération intercommunale, les
EPCI. Sur la même feuille figurent toutes les impositions, et comme la part
communale est généralement la plus importante, le citoyen qui n'y regarde pas
de trop près, le contribuable qui ne lit pas attentivement les renseignements
qui lui sont donnés croit souvent que tout est imputable à la commune, ce qui
tend évidemment à organiser une forme d'irresponsabilité.
Ce système fiscal, comme l'a dit M. Hoeffel, est aussi archaïque et injuste en
ce qu'il repose sur des valeurs locatives remontant parfois à trente ou à
quarante ans. Il est en tous les cas fortement inégalitaire, puisque, lorsque
le logement est récent ou qu'il a été récemment rénové, sa valeur locative s'en
trouve réactualisée, tandis que, dans le cas contraire, celle-ci reste très
faible. Le système est donc à la fois archaïque, illisible, incompréhensible et
inégalitaire.
La réforme de la Constitution ouvre néanmoins la voie d'une plus grande
responsabilité accordée aux élus locaux. Elle les autorise ainsi à fixer à la
fois l'assiette et le taux de la fiscalité, dans des limites, naturellement,
que la loi déterminera. Elle leur confère, quoi qu'il en soit, une
responsabilité plus grande.
Il nous faut aussi voir comment les principes que j'ai évoqués pourront être
utilisés pour réformer cette fiscalité. Ce sera, bien entendu, difficile. Il y
faut une volonté politique, précisément parce que nous aurons opéré la réforme
de la Constitution avant la réforme fiscale. Contrairement à ce que vous avez
dit tout à l'heure, monsieur Marc, personne n'a entrepris jusqu'à présent la
réforme de la fiscalité locale, parce que personne n'y était réellement
contraint. Par conséquent, on la reportait toujours indéfiniment. A partir du
moment où nous réformons la Constitution et où nous posons des principes
constitutionnels, cette réforme fiscale deviendra obligatoire. Nous allons donc
être contraints au courage ; pour ceux qui n'en auraient pas, la loi suprême,
la loi constitutionnelle, les obligera à en avoir.
Le projet de budget pour 2003 s'inscrit donc dans cette perspective d'une
réforme de la fiscalité locale. Deux mesures importantes sont prévues afin
d'accroître l'autonomie fiscale des collectivités locales.
Il s'agit tout d'abord - mais je n'y reviendrai pas, car M. Hoeffel en a déjà
parlé - de la déliaison partielle des taux de la fiscalité locale, le
dispositif ayant été amélioré par le biais de l'adoption d'un amendement visant
les établissements publics de coopération intercommunale.
Il s'agit ensuite de la restitution aux collectivités locales des bases de la
taxe professionnelle et de la taxe sur le foncier bâti de France Télécom. Voilà
douze ans que les élus locaux demandaient cette restitution ; elle sera
effective dès le mois de janvier 2003 même si, sur le plan comptable, cette
mesure sera - je ne cherche pas à le dissimuler - neutre pour l'année 2003.
Quoi qu'il en soit, elle prendra son plein effet en 2004, et ainsi la réforme
sera accomplie.
Le problème de la péréquation a été abordé par plusieurs orateurs, notamment
par M. Longuet. Les critiques qui ont été émises sur l'architecture actuelle
des dotations de l'Etat aux collectivités locales sont fondées. Elle est en
effet totalement illisible, regroupant trente-trois dotations différentes si
l'on considère le tableau recensant toutes les dotations de l'Etat aux
collectivités locales, et encore ne s'agit-il là que d'un tableau simplifié
!
Si cette architecture est devenue si complexe, c'est aussi que les intitulés
des dotations ont parfois perdu tout leur sens. Ainsi, la dotation de
compensation de la taxe professionnelle, la fameuse DCTP, ne sert plus à
compenser des pertes de recettes ; elle sert de variable d'ajustement
permettant de respecter la norme d'évolution du contrat de croissance et de
solidarité. Quant à la dotation générale de décentralisation, la DGD, elle est
désormais affectée, à hauteur de plus de 50 %, à la compensation des pertes de
recettes, et non pas au financement des compétences décentralisées. De même, la
plus grande partie des crédits du Fonds national de péréquation de la taxe
professionnelle ne servent plus à assurer la péréquation, et je pourrais encore
prendre bien d'autres exemples de ce type.
Cette organisation est, à l'évidence, devenue obsolète, mais sa principale
faiblesse réside dans une péréquation insuffisante. En effet, sur les 30,5
milliards d'euros de dotations inscrites dans le contrat de croissance et de
solidarité, seulement 4,5 milliards d'euros, soit 15 % du total, sont attribués
en fonction d'un objectif de péréquation. C'est évidemment tout à fait
insuffisant.
Un récent rapport établi par le Commissariat général du Plan montre par
ailleurs que la péréquation s'essouffle de plus en plus, parce que le moteur en
est non pas la dotation de solidarité urbaine ou la dotation de solidarité
rurale, comme on aurait pu le croire, mais la « photographie », au sein de la
dotation forfaitaire des communes, des mécanismes péréquateurs antérieurs à la
réforme de la DGF qui a été mise en oeuvre en 1993 par le gouvernement de M.
Edouard Balladur. Eh oui ! les plus ardents défenseurs de la péréquation ne
sont pas toujours ceux que l'on croit ! Alors que s'ouvre une nouvelle étape de
la décentralisation, il est devenu aujourd'hui indispensable de réformer en
profondeur cette architecture des dotations de l'Etat pour faire à la
péréquation la place que la Constitution nous oblige dorénavant à lui
réserver.
Ce vaste chantier comprend deux aspects principaux.
Tout d'abord, il faut revoir l'architecture de la DGF, qui fait aujourd'hui de
la péréquation la résultante de la DGF, après que la dotation forfaitaire
revenant aux communes et celle qui est attribuée à l'intercommunalité ont été
prélevées. Le développement très important de la coopération intercommunale,
pour heureux qu'il soit, a ainsi eu pour conséquence immédiate de réduire les
marges de manoeuvre financière au profit de la péréquation. L'Etat a alors été
contraint, depuis plusieurs années, de modifier les abondements exceptionnels
pour préserver l'évolution de la DSU et de la DSR.
J'en profite pour dire que, contrairement a ce qui a été indiqué, à la suite
de l'adoption des amendements du Sénat et de l'Assemblée nationale, la DSU et
la DSR augmentent de 5 %, c'est-à-dire plus que l'année dernière.
(Signes de
dénégation sur les travées du groupe socialiste.)
Les donneurs de leçons
feraient donc bien de regarder les chiffres d'un peu plus près ! Il en va de
même pour le fonds national de péréquation, qui augmente de 4 %.
(Nouveaux
signes de dénégation sur les mêmes travées.)
Là encore, vous devriez
regarder plus attentivement les chiffres.
(M. François Marc
s'exclame.)
De nombreuses solutions ont été évoquées pour réformer cette architecture. Je
pense, pour ma part, qu'il doit être possible de réorganiser cet ensemble.
Comme M. Michel Mercier le rappelait tout à l'heure, ces dotations diverses
atteignent 58 milliards d'euros et reflètent souvent des situations très
différentes, dépassées, qui sont le produit de l'histoire mais qui, en tout
cas, ont aujourd'hui peu de rapport avec l'équité et la compensation des
inégalités.
On peut regretter que les réformes nécessaires de la DGF n'aient pas été
conduites quand la croissance le permettait. Le résultat est qu'elles sont
difficiles à mettre en oeuvre aujourd'hui, mais la Constitution, en tout cas,
nous oblige à y procéder.
Le second chantier, moins visible mais peut-être aussi important dans ce
domaine, concerne les critères d'attribution des dotations : 33 000 communes
bénéficient de la fraction dite de péréquation de la DSR ; s'agissant des
communes de plus de 10 000 habitants, trois sur quatre sont, par ailleurs,
bénéficiaires de la DSU. Comme M. Michel Mercier l'avait souligné dans son
rapport, quel sens a encore la péréquation si la quasi-totalité des communes de
notre pays sont jugées défavorisées à un titre ou à un autre ? L'égalité « à la
française » consiste à considérer que tout le monde est dans une situation
inégalitaire, et, dès lors, bien sûr, tout le monde doit faire l'objet de
compensations ; c'est le seul moyen de ne pas en faire. La réponse à cette
remise en ordre n'est pas évidente,...
M. François Marc.
Ah !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
... mais elle est indispensable.
Cette réforme de la DGF sera aussi l'occasion d'examiner le financement de
l'intercommunalité. Permettez-moi, ici, d'évoquer quelques pistes. Le
financement doit assurer aux groupements une meilleure prévisibilité de
l'évolution de leur DGF. Actuellement, les choses ne sont pas si claires. Le
coefficient d'intégration fiscale doit être maintenu dans son principe et
rénové parce qu'il est devenu très complexe et, cela a été dit à plusieurs
reprises, il génère des effets pervers. Telle est la situation actuelle. Le
Gouvernement était évidemment à l'écoute du Parlement et du comité des finances
locales pour élaborer cette réforme qui interviendra dans le courant de l'année
prochaine et qui est plus que jamais nécessaire.
Je dirai quelques mots sur l'administration territoriale. Monsieur Hoeffel, en
ce qui concerne la globalisation des préfectures, je vous indique que le
ministère de l'intérieur est aussi, bien sûr, le ministère des préfectures et
des sous-préfectures. Celles-ci sont les interlocuteurs quotidiens, sur le
terrain, des collectivités territoriales. M. Sarkozy m'a demandé de vous
remercier de l'extrême attention que vous avez portée à ces services dans votre
rapport.
Tout d'abord, les préfectures vont représenter, au cours de la nouvelle vague
de décentralisation qui vient de s'engager, un point de référence plus
indispensable que jamais pour les services de l'Etat. En pratique, ce sont
elles qui devront coordonner les transferts de compétences. Elles devront
organiser, dans la confiance, les relations entre les élus et l'Etat, et
veiller à la cohérence de la nouvelle organisation de l'Etat dans chaque
territoire. Leur rôle va donc être indispensable.
Ce rôle ne s'arrêtera pas une fois la décentralisation achevée. Les assises
des libertés locales ont montré qu'il existe une réelle demande pour que l'Etat
reste fort. Mais ne confondons pas un Etat fort et un Etat obèse, cet Etat qui
arrive à peine à faire le nécessaire et qui voudrait faire le superflu.
(Mme
Nicole Borvo s'exclame.)
Madame Mathon, vous avez dit tout à l'heure, et j'ai sans doute réagi un peu
vivement, que ces assises n'avaient rien à voir avec la démocratie. Il est
excessif de tenir de tels propos.
(M. Robert Bret s'exclame.)
D'abord,
c'est la première fois que, dans un processus de décentralisation, une
concertation a lieu. Gaston Defferre a eu le mérite d'avoir été le promoteur de
la décentralisation et d'en avoir réussi le premier acte, alors que nous,
gaullistes, avions échoué en 1969. Donc, je ne lui retire rien. Cependant, il
n'avait pas engagé de concertation en 1982 : les collectivités locales ont reçu
« d'en haut » un paquet cadeau, et elles ont dû se débrouiller.
M. François Marc.
Il a réussi !
M. le président.
Il a fait le plus facile !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Nous, nous engageons une concertation.
Mme Nicole Borvo.
C'est la même chose !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Celle-ci - et je voudrais dissiper un malentendu s'il y
en a un - n'est pas faite pour éclairer la réforme de la Constitution. En
effet, la réforme de la Constitution appartient au Parlement !
M. Gérard Longuet.
Très bien !
Mme Nicole Borvo.
Ah bon ? Non, elle relève du référendum !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Le Parlement doit donc prendre ses responsabilités. Le
Sénat les a prises, et je suis à l'aise pour le dire puisque, en première
lecture, il y a eu trente-quatre amendements. On ne peut donc pas dire que le
Gouvernement n'était pas ouvert à la concertation avec les parlementaires. En
l'occurrence, les assises des libertés locales sont faites pour organiser les
transferts de compétences...
Mme Nicole Borvo.
Ils sont déjà annoncés !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
... qui interviendront après la réforme
constitutionnelle. De ce point de vue, elles sont très révélatrices, et même en
ce qui concerne les relations avec l'opposition, madame Borvo. Que l'opposition
demande des explications, c'est dans la nature des choses, c'est tout à fait
légitime. Si j'entends les critiques de l'opposition et parfois même une forte
hostilité, en revanche, je n'ai rencontré personne, pas même dans l'opposition,
qui me dise : « Je ne veux pas de transfert de compétences pour ma collectivité
territoriale ; je ne veux pas d'expérimentation. » Ceux qui critiquent le plus,
ceux qui sont les plus hostiles disent au contraire : « Je compte bien en
bénéficier moi-même pour ma collectivité locale. » Cette opposition doit donc
être relativisée. Quoi que vous en disiez, j'ai eu l'occasion de recevoir hier
matin - et c'est ainsi dans chaque réunion des assises des libertés locales -
les représentants du parti communiste, à Châlons-en-Champagne : ils m'ont fait
part de leurs observations, de leurs critiques, pas du tout de leur
approbation, bien sûr, et ils ont considéré que ces assises étaient un lieu
adapté pour la concertation et pour exprimer leur opposition. Ils ont pu
s'exprimer à cette occasion. C'est donc bien une réelle concertation qui a
lieu.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Donc, l'Etat doit rester fort. Nous n'avons aucun doute sur ce point. En
effet, l'Etat est garant de la liberté, et nous le constatons avec la politique
de sécurité que mène M. Nicolas Sarkozy. L'Etat est également garant de
l'égalité. C'est lui qui a la charge de la péréquation. Le fait d'inscire ce
principe dans la Constitution constitue donc une grande avancée. Les critiques
entendues sur des prétendues atteintes à l'égalité m'étonnent quelque peu. En
effet, ce sont ce gouvernement et cette majorité parlementaire qui ont inscrit
dans la Constitution le principe de la péréquation et qui donnent au principe
d'égalité une réalité concrète.
M. François Marc.
Vous avez refusé l'amendement !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Jusqu'à présent, l'égalité, c'était un voeu pieux de
dame patronnesse, mais ce n'était pas un droit.
(M. François Marc
s'exclame.)
Ce sera désormais un droit pour les citoyens, inscrit dans le
pacte fondamental.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Mme Nicole Borvo.
Vous avez refusé la péréquation !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Enfin, l'Etat est garant de la solidarité. Nous avons
donc besoin de l'Etat, de cet Etat qui assure l'essentiel, mais qui ne peut pas
tout faire sans se nuire à lui-même.
Pour assurer ses missions essentielles, l'Etat dispose aussi du contrôle de
légalité, l'assurance que la loi soit respectée par tout le monde. Monsieur
Hoeffel, vous avez souligné ce problème. Je veux vous dire que le Gouvernement
a engagé une forte réflexion sur le contrôle de légalité. Ce dernier a été
institué, fort heureusement, par Gaston Defferre en 1982. Je lui en suis
reconnaissant. Il a remplacé la tutelle par le contrôle de légalité et, d'une
certaine manière, il a remplacé la raison d'Etat par l'état de droit. Ce fut un
grand progrès. Mais, aujourd'hui, le contrôle de légalité est en crise, car il
est submergé par la quantité et par la complexité. Il faut sans doute le
réorganiser. Un premier pas est fait, avec la mise en place d'un premier pôle
interrégional d'appui. Nous devrons certainement évoluer vers davantage de
spécialisation.
M. François Marc.
Des fonctionnaires supplémentaires !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Voilà, en tout cas, les pistes auxquelles nous
conduisent cette réforme de la décentralisation et ce budget.
Vous avez raison, monsieur Michel Mercier, ce budget est effectivement un
budget de transition. Pour les collectivités territoriales, c'est, en principe,
le dernier qui s'articule en fonction des principes anciens, ou de l'absence de
principes anciens. Le prochain devra forcément respecter des principes
constitutionnels contraignants pour l'Etat et pour le Gouvernement, mais source
de davantage de liberté, pour les collectivités locales et pour les citoyens.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur
et la décentralisation et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la sécurité ont été examinés
aujourd'hui même.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 276 737 448 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 1 704 779 928 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
Mme Nicole Borvo.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. François Marc.
Le groupe socialiste également.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 459 711 000 euros ;
« Crédits de paiement : 128 742 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 884 058 000 euros ;
« Crédits de paiement : 844 909 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion l'article 72, qui est rattaché pour son examen aux
crédits affectés à la décentralisation.
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales
Article 72
M. le président.
« Art. 72. - I. - Il est institué un fonds d'aide à l'investissement des
services départementaux d'incendie et de secours. Il est doté de 45 millions
d'euros en autorisations de programme et en crédits de paiement.
« II. - Un décret fixe la liste des différentes catégories d'opérations
prioritaires pouvant bénéficier des subventions du fonds mentionné au I, les
fourchettes de taux de subvention applicables à chacune d'elles et les
conditions dans lesquelles ces subventions sont attribuées après avis d'une
commission comprenant notamment des élus représentant les conseils
d'administration des services départementaux d'incendie et de secours. »
La parole est à M. Robert Bret, sur l'article.
M. Robert Bret.
Ce matin, j'ai eu l'occasion de rendre hommage au courage et au dévouement des
sapeurs-pompiers, qui font un travail remarquable au service de l'ensemble de
la population. Ils le font dans des conditions bien souvent difficiles.
Pourtant, 191 000, soit 85 % d'entre eux, sont des volontaires. Pour toutes ces
raisons, ils méritent qu'on leur reconnaisse enfin un vrai statut, que soient
prises des mesures qui encouragent leur recrutement et leur formation. On sait
bien que, dans les conditions actuelles, beaucoup risquent de quitter leurs
fonctions, sans qu'il soit possible de les remplacer.
Il faut aussi entendre la demande des pompiers professionnels d'être reconnus
dans les professions dangereuses et insalubres.
Cela nécessite bien entendu des moyens.
La création d'un fonds d'aide à l'investissement des SDIS, doté d'un montant
de 45 millions d'euros, permet de pérenniser ce qui est, jusqu'à présent, une
fraction de la DGE. On sait bien que les collectivités locales ont besoin du
concours de l'Etat, monsieur le ministre.
Nous savons tous que les conséquences financières liées à la
départementalisation des SDIS, qui résulte de la loi du 3 mai 1996 et qui a été
étendue par la loi relative à la démocratie de proximité, se sont révélées très
lourdes pour les collectivités locales. Il est urgent de rechercher des
ressources nouvelles.
Je rappelle, pour mémoire, que notre groupe avait déposé, en 1999, une
proposition de loi visant à faire contribuer les compagnies d'assurances au
financement des dépenses d'investissement et de fonctionnement des SDIS. Nous
proposions l'instauration d'une taxe additionnelle - dont le montant ne
pourrait excéder 1 % - à la taxe sur les conventions d'assurances. En effet, la
mise en place des SDIS profitant aussi aux compagnies d'assurances, il est
légitime qu'elles apportent leur contribution. De même, il paraîtrait légitime
que des dispositions soient prises pour faire contribuer les entreprises à
risque.
Enfin, nous pensons que, tant sur le fond que sur la forme, l'amendement de la
commission des finances est bien meilleur que le texte du Gouvernement.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° II-30, présenté par M. Mercier, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« A. - La section 2 du chapitre IV du titre II du livre IV de la première
partie du code général des collectivités territoriales est complétée par une
sous-section ainsi rédigée :
« Sous-section V. - Le fonds d'aide à l'investissement des services
départementaux d'incendie et de secours
«
Art. L. 1424-36-1.
- I. - Les crédits du fonds d'aide à
l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours sont
attribués aux services départementaux d'incendie et de secours, par les préfets
des zones de défense dont ils ressortent, sous la forme de subventions pour la
réalisation d'une opération déterminée correspondant à une dépense réelle
d'investissement et concourant au financement des systèmes de communication ou
à la mise en oeuvre des schémas départementaux d'analyse et de couverture des
risques mentionnés à l'article L. 1424-7.
« II. - Une commission instituée auprès du préfet de zone de défense et
composée de représentants des conseils d'administration des services
départementaux d'incendie et de secours fixe chaque année la liste des
différentes catégories d'opérations prioritaires pouvant bénéficier des
subventions du fonds et, dans les limites fixées par décret, les taux minima et
maxima de subvention applicables à chacune d'elles.
« III. - Le préfet de zone de défense arrête chaque année, suivant les
catégories et dans les limites fixées par la commission, la liste des
opérations à subventionner ainsi que le montant de l'aide de l'Etat qui leur
est attribuée. Il en informe la commission.
« IV. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
« B. - Le fonds d'aide à l'investissement des services départementaux
d'incendie et de secours est doté de 45 millions d'euros en autorisations de
programme et en crédits de paiement. »
L'amendement n° II-46, présenté par M. Détraigne, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le II de cet article :
« II. - Un décret fixera le taux annuel de subvention sur la base du montant
des investissements constatés aux derniers comptes administratifs connus. »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n°
II-30.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Comme nous l'avons souligné et comme M. le ministre
vient de dire, la création d'un fonds d'aide à l'investissement des services
départementaux d'incendie et de secours est un premier pas dans la bonne
direction. En effet, ce que nous avions pu mettre en place précédemment était
forcément provisoire puisqu'il s'agissait principalement d'utiliser des crédits
qui n'avaient pas été consommés et qui arrivaient à leur fin. Toutes les autres
solutions qui ont été proposées pour financer les SDIS se sont révélées plus
des leurres que de véritables solutions. La création de ce fonds d'aide à
l'investissement des SDIS va donc réellement dans le bon sens. Ces 45 millions
d'euros seront bienvenus pour les services départementaux d'incendie et de
secours.
L'amendement que je présente, au nom de la commission des finances, a pour
objet de préciser les choses.
D'abord, il vise, en quelque sorte, à reconnaître ce fonds en l'inscrivant
dans le code général des collectivités territoriales. Ainsi, ce fonds deviendra
une des composantes de notre droit des collectivités locales.
Ensuite, une fois ce fonds définitivement créé, doté chaque année le mieux
possible, compte tenu de la situation générale du budget, l'amendement prévoit
que les crédits seront gérés de façon déconcentrée par les préfets des zones de
défense, qui ont une compétence en matière de sécurité, et selon une procédure
identique à celle qui prévaut pour la DGE des communes, c'est-à-dire un préfet
de zone de défense assisté d'une commission d'élus représentant les conseils
d'administration des SDIS.
Enfin, l'amendement précise que le fonds a pour objet de financer, d'une part,
les investissements servant à financer les systèmes de communication - si nous
avons un seul système de communication pour l'ensemble des forces de sécurité
dans notre pays, ce sera une très bonne chose - et, d'autre part, les
investissements destinés à la mise en oeuvre des schémas départementaux
d'analyse et de couverture des risques. Je rappelle que ces schémas
départementaux sont arrêtés par les préfets, sur avis conforme des conseils
d'administration des SDIS. Les autorités locales et les autorités déconcentrées
se mettent d'accord sur ce qui est nécessaire pour que les SDIS fonctionnent
bien. Il est bon que ce fonds aide à financer ces investissements.
Cet amendement a donc pour objet de conforter le fonds créé par le
Gouvernement et de préciser son mode de fonctionnement.
M. le président.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° II-46.
M. Yves Détraigne.
Mon amendement vise à laisser une plus grande liberté aux conseils
d'administration des SDIS dans la détermination des investissements qu'ils
considèrent comme prioritaires. A une époque où nous parlons beaucoup de
décentralisation et de déconcentration, il serait de bonne politique de laisser
aux SDIS, qui, comme M. le ministre l'a rappelé tout à l'heure, sont des
services de proximité, la liberté de déterminer des investissements qu'ils
considèrent comme prioritaires compte tenu du contexte local qu'ils sont les
mieux à même d'apprécier.
C'est la raison pour laquelle je propose que le taux de subvention soit fixé
non par une autorité extérieure, mais en fonction des investissements constatés
dans le département au cours de l'exercice précédent.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-46 ?
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Je comprends bien le souci qu'a notre collègue M.
Détraigne de ne pas modifier le système que nous connaissions ces dernières
années, dans lequel était arrêté un taux de concours variant chaque année en
fonction du montant des investissements décidés par les SDIS. Par son
amendement, il propose que, plus les SDIS décident d'investir, plus le taux de
concours soit faible.
Ce mécanisme protège assez largement la liberté des SDIS, mais il est quelque
peu aveugle : il conduit à saupoudrer des sommes qui, certes, ne sont pas
négligeables, mais qui ne sont pas suffisamment importantes non plus pour que,
une fois qu'on a agité la sucrière, on s'aperçoive qu'il y a eu du sucre.
(Sourires.)
Le souci de préserver la liberté des élus qui motive l'amendement de M. Yves
Détraigne est tout à fait satisfait par les dispositions de l'amendement de la
commission des finances, qui tendent à associer doublement les élus des SDIS :
une première fois lors de l'élaboration du schéma départemental d'analyse et de
couverture des risques, au cours de laquelle les investissements lourds du SDIS
sont réellement décidés ; une seconde fois quand le préfet de zone arrête sa
décision en fonction de l'avis que lui rend une commission composée de
représentants des conseils d'administration des SDIS.
Le souci qu'a témoigné notre collègue M. Détraigne que les décisions soient
prises, à l'échelon local, par les élus responsable, me paraît tout à fait
légitime et louable, au moment où le processus de décentralisation est
relancé.
Cependant l'amendement n° II-46 est satisfait, je le répète, par l'amendement
de la commission. Je demande donc à son auteur de le retirer. Je serais sinon
navré de devoir aller plus loin.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n° II-30 et II-46 ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° II-30,
et ce pour trois raisons.
D'abord, l'adoption de cet amendement permettrait le rattachement de l'article
72 du projet de loi de finances au code général des collectivités
territoriales, et le juriste que je suis - avec une certaine connivence,
monsieur Mercier ! - y trouve une satisfaction tout intellectuelle, car c'est
un principe d'ordre juridique qui n'est pas négligeable.
Ensuite, la définition des opérations subventionnables qu'il contient renvoie
soit au schéma départemental d'analyse et de couverture des risques, soit au
financement des systèmes de communication, ce qui correspond très exactement à
l'utilisation que le Gouvernement souhaite faire du fonds d'aide à
l'investissement des SDIS.
Enfin, cet amendement vise à aménager le mode d'attribution des subventions en
le calquant sur celui de la DGE des communes, système qui a fait ses
preuves.
En ce qui concerne l'amendement n° II-46, je dirai simplement, à l'instar de
M. Mercier, que, l'amendement de la commission vous donne en grande partie
satisfaction monsieur Détraigne, et que, pour le reste, les deux amendements
sont contradictoires. Par conséquent, faites un beau geste ! Si vous retiriez
votre amendement, tout le monde serait content !
M. le président.
Monsieur Détraigne, l'amendement n° II-46 est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne.
Compte tenu des avis concordants de M. le rapporteur spécial et de M. le
ministre, et du fait que l'amendement de la commission tient compte, dans la
répartition des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques,
de l'avis conforme des conseils d'administration des SDIS, je retire mon
amendement.
M. le président.
L'amendement n° II-46 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° II-30.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 72 est ainsi rédigé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la décentralisation et, par là même, l'examen des dispositions
concernant le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des
libertés locales.
6
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
PARLEMENTAIRE DE SYRIE
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune
officielle, d'une délégation de la Chambre du peuple de la République arabe
syrienne, en visite en France à l'invitation de M. le président du Sénat et de
notre éminent collègue M. Philippe Marini, président du groupe sénatorial
France-Syrie.
La présence de cette délégation, présidée par M. Ramadan Attyeh, président de
la commission des finances du Parlement syrien, est une nouvelle marque des
liens qui unissent la France et la Syrie, liens ravivés par les visites du
Président de la République à Damas en 1996 et en 2000 et du Président syrien,
M. Bachar Al-Assad, en France au cours de l'année 2001.
La qualité de ces relations s'est encore concrétisée par un déplacement à
Damas du groupe sénatorial France-Syrie en mars 2002.
Je forme des voeux pour l'excellent déroulement de la mission de nos collègues
syriens en France.
(Applaudissements.)
7
LOI DE FINANCES POUR 2003
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.
Agriculture, alimentation, pêche
et affaires rurales
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère
de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et le
budget annexe des prestations sociales agricoles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, élaboré dans un contexte budgétaire national et
communautaire plus que tendu, le présent projet de budget a dû notamment
composer avec l'héritage des gestions budgétaires hasardeuses du passé,
critiquées, en particulier, par la Cour des comptes dans son rapport sur
l'exécution des lois de finances pour 2001.
En 2003, le budget du ministère chargé de l'agriculture s'élèvera à 5,154
milliards d'euros, en augmentation de 0,9 % par rapport aux dotations initiales
pour 2002, mais en baisse de 3,8 % par rapport aux dotations inscrites en loi
de finances rectificative.
Toutefois, il faut souligner que ce budget ne recouvre pas l'ensemble des
concours publics en faveur de l'agriculture, si bien qu'il ne permet pas
l'identification exhaustive de la réalité de l'intervention de l'Etat en faveur
de l'agriculture.
Ainsi, pour 2003, l'ensemble des concours publics à l'agriculture atteindra un
total de près de 27,5 milliards d'euros, ce montant incluant les dépenses
relatives au régime de protection sociale des agriculteurs, - regroupées au
sein du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, sur lequel
je reviendrai plus tard -, les dépenses en faveur de l'agriculture consenties
par d'autres ministères, les dépenses des collectivités locales, enfin, les
dépenses communautaires, qui représenteront plus de 9,95 milliards d'euros en
2003.
Malgré les contraintes budgétaires, et grâce à la mise en oeuvre d'une
politique de rationalisation des coûts budgétaires et de meilleure gestion des
effectifs qui devra être poursuivie et amplifiée dans les années à venir, le
présent projet de budget vous permet, monsieur le ministre, de financer les
priorités que vous avez définies.
Vos quatre priorités principales, auxquelles je souscris totalement, sont les
suivantes : promouvoir une agriculture écologiquement responsable et
économiquement forte au service de la qualité des produits ; renforcer
l'attractivité de l'agriculture ; lancer une politique nouvelle de l'espace
rural ; enfin, soutenir l'effort de modernisation de la pêche et des cultures
marines.
Si la qualité et la sécurité sanitaire de l'alimentation ainsi que la
multifonctionnalité de l'agriculture, thèmes chers au précédent gouvernement,
restent primordiales, le présent projet de budget permet cette année d'insister
sur des secteurs qui avaient été auparavant délaissés, voire marginalisés.
Parmi ces secteurs, je citerai d'abord la politique forestière. Les crédits
consacrés à la gestion durable de la forêt connaissent, en 2003, une
augmentation très sensible. Se traduit ainsi la volonté du Gouvernement
d'accélérer la mise en oeuvre du plan national pour la forêt en poursuivant la
reconstitution des forêts après tempêtes, de verser une compensation
exceptionnelle à l'Office national des forêts, l'ONF, et de développer les
investissements dans la filière bois.
Je citerai également la politique de la montagne, caractérisée par une
revalorisation des indemnités compensatoires de handicap naturel, un réel
soutien à l'enseignement agricole, notamment à l'enseignement privé, et, enfin,
de manière plus générale, la mise en oeuvre d'une politique de valorisation de
l'image de l'agriculture auprès de l'opinion publique, grâce à la création du
fonds de communication et de valorisation.
Au-delà de ce regain de l'intérêt porté à des secteurs qui en avaient
cruellement besoin, il faut noter dans le projet de budget la volonté du
nouveau ministre de prendre à bras-le-corps les difficultés récurrentes de la
politique agricole nationale.
C'est le cas, notamment, des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE,
pour lesquels vous avez décidé, monsieur le ministre, de suspendre les
signatures, dans l'attente d'une réflexion d'envergure sur la réforme de cet
outil. Ne contestant pas l'intérêt de la démarche contractuelle que
représentent les CTE, vous avez cependant reconnu, et avec raison, l'extrême
complexité administrative et, surtout, le coût budgétaire exponentiel de ce
dispositf, ce que j'avais moi-même dénoncé lors de l'examen des précédents
budgets. Le fonds de financement des CTE sera néanmoins doté de 200 millions
d'euros cette année, afin de couvrir les dépenses des années antérieures.
S'agissant de la politique en faveur de l'installation, je note également la
volonté du Gouvernement de trouver des solutions innovantes, avec notamment la
création du fonds d'incitation et de communication pour l'installation en
agriculture.
Malgré tous ces aspects très positifs, je relèverai quelques points qui mérite
que vous les explicitiez, monsieur le ministre.
Tout d'abord, la réduction de 15 % de la subvention de fonctionnement aux
offices résulte d'une volonté de rationaliser leur gestion. La nécessité d'une
telle mesure a d'ailleurs été soulignée par la Cour des comptes, qui a critiqué
la gestion de ces offices et leur façon de distribuer les aides communautaires.
J'estime néanmoins que les crédits des offices sont d'une importance
primordiale pour l'adaptation structurelle des exploitations et des filières.
Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quels sont précisément vos
projets en matière de rationalisation et de modernisation de la gestion des
offices agricoles ?
D'autres crédits budgétaires sont cette année en souffrance. Il s'agit
notamment de la dotation au fonds national de garantie des calamités agricoles,
qui est nulle pour 2003 ; il s'agit également des crédits en faveur des
agriculteurs en difficulté, qui connaissent une baisse significative sur
laquelle je m'interroge. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur
les raisons de la diminution de ces deux subventions, sans doute liées aux
gestions budgétaires antérieures ?
Au total, je suis donc très satisfait du premier projet de budget agricole de
la nouvelle législature, qui s'inscrit sous le signe de la saine gestion
budgétaire et de la défense des intérêts agricoles nationaux.
S'agissant maintenant du projet de budget annexe des prestations sociales
agricoles pour 2003 - puisque l'originalité de la discussion du projet de loi
de finances pour 2003, est que l'on examine en même temps le budget de
l'agriculture et le BAPSA -, sa discussion prend cette année une dimension
particulière, puisqu'elle s'inscrit dans un contexte de « crise » du
financement de la protection sociale des non-salariés agricoles.
On s'en souvient, le Gouvernement a dû recourir, à l'occasion du vote du
collectif budgétaire de cet été, à une solution exceptionnelle de financement
du déficit d'exécution du BAPSA pour 2002 par le biais, d'une part, de
prélèvements sur trois organismes agricoles - la société Unigrains, le fonds
national de garantie des calamités agricoles et les caisses de mutualité
sociale agricole, ou MSA -, à hauteur de 456 millions d'euros, et, d'autre
part, d'un doublement de la subvention d'équilibre du budget général. Ce
financement exceptionnel avait suscité l'émoi d'un grand nombre de nos
collègues sénateurs, puis leur compréhension, sinon leur acceptation, sous
réserve que soient trouvées des sources de financement pérennes au BAPSA et que
l'on fasse reposer celui-ci sur des prévisions de dépenses et de recettes
réalistes, afin de garantir à terme son équilibre sans avoir recours à de tels
prélèvements exceptionnels.
En 2003, le BAPSA s'élèvera, hors restitutions de TVA, à 14,625 milliards
d'euros, en hausse de près de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale
pour 2002.
Les sources externes de financement du projet de BAPSA pour 2003 restent
majoritaires, dans la mesure où le niveau des contributions professionnelles
versées par les exploitants agricoles ne permet pas de couvrir intégralement
les besoins de financement de la protection sociale des agriculteurs.
Pour 2003, les recettes du BAPSA se caractérisent par plusieurs traits.
Tout d'abord, on constate une quasi-stabilité du montant des contributions
professionnelles par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour
2002 et une faible progression du montant des taxes affectées, toujours
marquées par la prévalence des recettes de TVA nette et par une montée en
puissance du prélèvement sur la contribution sociale de solidarité des
sociétés, la C3S, en augmentation de 25 % par rapport à 2002.
Ensuite, le montant des transferts de compensation démographique diminue
faiblement - de 1 % -, tandis que la participation de l'Etat au titre de la
subvention budgétaire d'équilibre est quasiment doublée par rapport à la loi de
finances initiale pour 2002. Alors que, entre 2001 et 2002, la subvention
budgétaire avait enregistré une baisse record de 67 %, le niveau atteint en
2003, soit près de 523 millions d'euros, marque l'engagement de l'actuel
gouvernement d'assurer la solvabilité du régime de protection sociale des
agriculteurs.
Enfin, la ligne « recettes diverses » s'établit, pour 2003, à 43,2 millions
d'euros, ce qui représente une progression de 31 millions d'euros par rapport
au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2002. Cette augmentation
correspond au nouveau prélèvement institué sur les caisses de mutualité sociale
agricole par l'article 21 du présent projet de loi de finances.
Les dépenses prévisionnelles s'établissent pour 2003 à près de 15,9 milliards
d'euros. Hors restitutions de TVA, elles s'élèvent à 14,625 milliards d'euros,
en augmentation de 2,6 % par rapport au montant des dépenses votées en loi de
finances initiale pour 2002.
Toutefois, il faut souligner que la loi de finances rectificative pour 2002 a
modifié ce montant des dépenses en fonction de prévisions de réalisation plus
importantes
In fine
, on note donc une diminution de 0,84 % entre les
dépenses prévisionnelles du présent projet de BAPSA pour 2003 et les dépenses
votées en loi de finances rectificative pour 2002.
Les prestations d'assurance vieillesse représentent, avec plus de 8 milliards
d'euros, le principal poste de dépenses du BAPSA en 2003, ce qui équivaut à
près de 55 % du total des dépenses, en augmentation de 1 % par rapport aux
dépenses prévues dans la loi de finances initiale pour 2002.
En outre, la participation de l'Etat au financement du nouveau régime de
retraite complémentaire obligatoire des agriculteurs, d'un montant de 28
millions d'euros, est incluse cette année dans ce poste de dépenses.
Les dépenses d'assurance maladie, maternité et invalidité, qui constituent le
deuxième poste de dépenses du BAPSA avec 39,4 % du total des dépenses,
devraient s'établir pour 2003 à près de 5,8 milliards d'euros, en augmentation
de 5,4 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour
2002.
Toutefois, les prévisions de dépenses pour 2003 sont inférieures aux
prévisions d'exécution pour 2002 de près de 1,3 %. En conséquence, nous nous
demandons si les dépenses d'assurance maladie du BAPSA pour 2003 n'ont pas été
sous-évaluées, ce qui pourrait créer un déséquilibre financier dans le budget
d'ici à la fin de l'année 2003 et contraindrait le Gouvernement à avoir, de
nouveau, recours à des sources de financement exceptionnelles et
dérogatoires.
Les dépenses de prestations familiales, qui constituent le troisième poste de
dépenses, sont évaluées à 581 millions d'euros en 2003, enregistrant une baisse
de 1,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.
Enfin, les dépenses liées à l'étalement et à la prise en charge des
cotisations des agriculteurs en difficulté sont en constante diminution. Ainsi,
pour 2003, comme je l'ai déjà indiqué, aucun crédit n'était inscrit dans le
projet de loi de finances initialement présenté par le Gouvernement à ce
chapitre budgétaire, en raison de l'ajustement aux besoins par suite de
l'évolution des dépenses et des effectifs. Je me félicite de ce que, lors de la
première lecture, l'Assemblée nationale ait abondé cette ligne à hauteur de 10
millions d'euros. Nous étions en droit de nous interroger sur l'opportunité de
cette réduction drastique dans un contexte agricole encore incertain.
Après cette rapide présentation du BAPSA, je souhaiterais vous faire part, mes
chers collègues, des observations suivantes.
Alors que l'avenir de la protection sociale des agriculteurs se trouve
aujourd'hui confronté à de nouveaux défis - mise en place d'un régime de
retraite complémentaire obligatoire, réforme de la couverture accidents du
travail et maladies professionnelles - la question du cadre financier de cette
protection sociale se pose avec acuité.
En effet, depuis 1997, tous les exercices du budget annexe des prestations
sociales agricoles se sont soldés par un déficit d'exécution mettant en
évidence les difficultés d'une réelle gestion budgétaire de ce budget
annexe.
Les déficits constatés depuis 1997 ont eu pour origine, avant tout, une
sous-estimation récurrente des dépenses prévisionnelles du BAPSA, notamment des
dépenses d'assurance maladie, ainsi qu'une constante surestimation des recettes
de cotisations sociales.
En 2001, le besoin de financement du BAPSA était de 452 millions d'euros.
La loi de finances rectificative pour 2002 a confirmé l'ampleur de ce besoin
de financement du BAPSA, fixé à 746 millions d'euros.
Enfin, les perspectives financières du BAPSA pour 2003 sont telles que, dans
le présent projet de loi de finances, sont prévus non seulement un doublement
de la subvention d'équilibre du budget général par rapport à la loi de finances
initiale pour 2002, mais aussi, conformément aux dispositions de l'article 21,
une nouvelle contribution des caisses de MSA, à concurrence de 31 millions
d'euros.
Ce contexte financier du régime de protection sociale des agriculteurs est
d'autant plus inquiétant que de nouveaux défis doivent aujourd'hui être
relevés.
Le premier concerne la mise en place du régime de retraite complémentaire
obligatoire créé par la loi du 4 mars 2002 : les nouvelles dispositions
relatives à la création de ce régime devaient entrer en vigueur le 1er janvier
2003. L'article 61 du présent projet de loi de finances prévoit cependant de
repousser cette entrée en vigueur au 1er avril 2003, compte tenu des délais de
mise en oeuvre comportant, notamment, la parution des décrets nécessaires. En
outre, cet article prévoit une participation financière de l'Etat de 28
millions d'euros en 2003.
La mise en place de ce nouveau régime doit permettre aux chefs d'exploitation
ou d'entreprise agricole de percevoir, après une carrière complète, une pension
globale équivalente à 75 % du SMIC annuel net de prélèvement social.
Selon les informations fournies par le précédent gouvernement dans son rapport
relatif aux retraites agricoles, le montant minimal de la retraite
complémentaire devrait s'élever à 1 143 euros par an pour une carrière
complète. En outre, le régime devrait profiter à quelque 500 000 chefs
d'exploitation déjà retraités. Enfin, son coût devrait s'établir entre 377,2
millions d'euros et 452,6 millions d'euros chaque année.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner plus de précisions quant à la
participation financière future de l'Etat à ce nouveau régime ?
En ce qui concerne la réforme de la couverture contre les accidents du travail
et les maladies professionnelles des exploitants agricoles, la loi du 30
novembre 2001 est entrée en vigueur le 1er avril 2002. Elle vise à la
restauration de l'obligation d'assurance en matière d'accidents du travail et
de maladies professionnelles des non-salariés agricoles, au relèvement du
niveau des prestations ainsi qu'à la mise en place d'une politique de
prévention des risques professionnels.
Cette réforme a profondément modifié l'esprit de cette couverture en
transformant un régime assurantiel basé sur des règles de concurrence en un
véritable régime de sécurité sociale.
Enfin, il faut s'interroger aujourd'hui sur l'avenir institutionnel du BAPSA.
Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2001, la Cour des
comptes a appelé à sa suppression.
Le BAPSA sera en effet amené à disparaître au plus tard d'ici au premier
exercice d'entrée en vigueur des dispositions budgétaires de la nouvelle loi
organique, à savoir d'ici à 2006.
La suppression, à terme, du BAPSA devrait entraîner son intégration dans le
projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, l'ensemble du
régime social agricole pourrait être examiné par le Parlement au moment de la
discussion dudit projet de loi, comme tous les autres régimes sociaux des
non-salariés.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous en dire davantage sur votre vision de
l'avenir institutionnel du BAPSA ?
En outre, il convient de souligner que trois articles, dont un vient d'être
adopté à l'Assemblée nationale, sont rattachés au budget de l'agriculture.
L'article 60 du projet de loi de finances vise à fixer pour 2003 le plafond de
l'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambre d'agriculture au
taux de 1,7 %, taux identique à celui de 2002, mais il est proposé de doubler
le plafond de majoration exceptionnelle de ce taux.
L'article 61 du projet de loi de finances, auquel j'ai déjà fait allusion,
établit le montant de la participation de l'Etat au financement du nouveau
régime de retraite complémentaire des exploitants agricoles à 28 millions
d'euros. Il tend également à repousser les premiers versements associés à ce
régime, précédemment fixés au 1er janvier 2003, au 1er avril 2003, afin de
tenir compte des délais de parution de tous les décrets nécessaires.
L'article 61
bis
prévoit que le Gouvernement transmettra au Parlement,
avant le 30 juin 2003, un rapport évaluant les conditions de fonctionnement des
offices agricoles et proposant des mesures destinées à en minorer les frais de
structure.
Je vous propose, mes chers collègues, d'adopter ces articles sans
modification.
Je vous propose également d'adopter le budget de l'agriculture pour 2003,
estimant qu'il répond, dans un contexte budgétaire national et communautaire de
restriction, aux grandes priorités de l'agriculture française, de même que le
budget annexe des prestations sociales agricoles.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'agriculture.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, cette année encore, les résultats économiques de l'agriculture
portent les stigmates des crises traversées.
Si la hausse des prix des produits agricoles en 2001, de 3,3 % en moyenne, a
permis une relative tenue de la production en valeur, elle n'a pourtant pas
concerné toutes les productions, le secteur bovin, notamment, subissant un
effrondement des cours lié à une nouvelle crise de confiance de la part des
consommateurs.
Pour cette année 2002, les prix agricoles semblent, au contraire, de nouveau
orientés à la baisse.
En outre, si le résultat net de l'agriculture progresse en 2001, c'est aussi,
en partie, grâce aux soutiens publics versés dans le cadre des plans
anti-crises, comme ceux qui furent décidés en faveur des éleveurs bovins.
Surtout, nos productions souffrent de plus en plus de l'affaiblissement de la
préférence communautaire et de la concurrence des importations à bas prix qui
en résulte.
Il convient, à cet égard, d'évoquer les importations massives de blé en
provenance des pays de la mer Noire, mais également la concurrence que fait
subir au secteur avicole français l'entrée, sur le marché européen, de
volailles sous-taxées en provenance du Brésil et de Thaïlande.
Le contingent d'importations de vin à droits nuls accordé par l'Union
européenne à l'Afrique du Sud, dans le cadre d'un accord signé en début d'année
et qui pourrait être reproduit avec d'autres pays viticoles, risque d'avoir les
mêmes effets désastreux dans le secteur du vin.
Les négociations conduites actuellement au niveau international et
communautaire sont, de ce point de vue, lourdes d'enjeux pour l'agriculture
française. Dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, le
dossier agricole reste l'un des plus sensibles et cristallise les
oppositions.
A l'échelon européen, le périmètre de la révision à mi-parcours reste encore
indéterminé. Si les adaptations apparaissent souhaitables dans un certain
nombre de secteurs, comme celui de la viticulture, il ne saurait être question
d'anticiper sur une réforme de fond qui ne peut avoir lieu avant 2006,
conformément à l'accord de Berlin de mars 1999, et je sais, monsieur le
ministre, combien vous y êtes attaché.
A ce propos, je me félicite de l'accord passé entre le Président de la
République et le Chancelier allemand, M. Gerhard Schröder, repris lors du
Conseil européen de Bruxelles. Cet accord pose le principe d'un maintien des
aides directes jusqu'en 2006 contre l'engagement de contenir, après cette date,
les dépenses du premier pilier à leur niveau de 2006.
Cependant, l'élargissement de l'Union à dix nouveaux pays, qui se produira
certainement en 2004, impliquera nécessairement un redéploiement des dépenses
agricoles dans le respect du nouveau plafond budgétaire, ce qui préoccupe les
agriculteurs français.
S'agissant des crédits de l'agriculture pour 2003, la commission des affaires
économiques a relevé que la progression de 0,9 % dont ils bénéficiaient était
certes modeste, mais tout de même appréciable dans un contexte budgétaire
tendu. Cette contrainte budgétaire est notamment illustrée par l'insuffisance
des moyens prévus l'année dernière en faveur des contrats territoriaux
d'exploitation.
Pour 2003, un certain nombre de priorités sont affirmées. Je n'y reviens pas
puisqu'elles ont déjà été présentées.
S'agissant plus particulièrement des crédits examinés dans le cadre de cet
avis, la commission des affaires économiques a estimé qu'ils bénéficiaient,
globalement, d'une évolution favorable.
Illustrant la volonté du Gouvernement de soutenir une production agricole
respectueuse de l'environnement, les crédits consacrés à la politique
agri-environnementale sont plus que doublés, passant de 164 millions d'euros à
333 millions d'euros.
A cet égard, la commission des affaires économiques se félicite de la mise en
place d'une nouvelle prime herbagère agri-environnementale ou PHAE, qui prendra
le relais de l'actuelle prime à l'herbe appelée à disparaître en 2003.
Cette initiative semble correspondre aux attentes exprimées tout récemment
dans le rapport de la mission d'information sur l'élevage, que préside notre
collègue Jean-Paul Emorine, qui a mis en évidence le rôle essentiel joué par
l'élevage allaitant dans les zones herbagères traditionnelles.
La commission a également pris note de la forte revalorisation, à concurrence
de 200 millions d'euros, de la dotation affectée aux CTE, ce qui permettra
d'honorer les engagements déjà contractés et de conclure de nouveaux contrats
dans le cadre d'un dispositif rénové des contrats d'agriculture durable, les
CAD, qui vient d'être annoncé.
Je pense, monsieur le ministre, qu'il serait très intéressant que vous veniez
présenter ces nouveaux contrats devant la commission des affaires économiques
dès la publication des textes réglementaires qui s'y rapportent, et même
avant.
Nous avons également relevé avec satisfaction la progression des crédits
consacrés à la politique de l'installation, des structures et de la
modernisation des exploitations, qui doit notamment permettre la relance des
programmes pour l'installation des jeunes en agriculture et le développement
des intiatives locales, plus connus sous le nom de PIDIL. Enfin, il convient de
se féliciter de l'annonce de la mise en place du fonds de valorisation et de
communication doté de 2 millions d'euros, dont la création, prévue par la loi
d'orientation agricole de 1999, était attendue avec impatience par le monde
agricole.
Certaines lignes budgétaires enregistrent toutefois une diminution de leurs
crédits. C'est notamment le cas des dotations prévues pour le dispositif
Agridif - agriculteurs en difficulté -, pour le fonds d'allégement des charges
ou encore pour le fonds national de garantie des calamités agricoles. A cet
égard, je ferai observer que, dans un budget sous contrainte, des
redéploiements de crédits sont inévitables.
En outre, plusieurs des chapitres concernés disposeront encore des crédits de
l'année précédente, soit grâce à des reports, soit grâce à l'existence d'une
réserve financière, comme c'est le cas pour le fonds national de garantie des
calamités agricoles.
Enfin, les dotations en baisse, qui ont habituellement vocation à être
mobilisées en cas de difficultés conjoncturelles, pourront être complétées, le
cas échéant, dans les collectifs budgétaires ; c'est ce que vous avez annoncé
devant la commission des affaires économiques, monsieur le ministre.
Au sujet de l'assurance-récolte, la commission des affaires économiques
souhaiterait savoir quel bilan est tiré de l'expérimentation mise en place par
le décret du 23 avril 2002 et s'il est envisagé de la prolonger et de l'étendre
à tout le pays.
La seule réserve que j'émettrai à l'appréciation positive que je porte sur le
budget concerne la diminution de 15 % des crédits destinés aux offices on peut
craindre en effet qu'elle ne se traduise par une réduction des actions
d'orientation en faveur de la recherche et de l'orientation, notamment, à un
moment où de nombreuses filières, fragilisées par les crises, éprouvent un
besoin particulier de dynamisation.
Jugeant, malgré ce dernier point, ce projet de budget globalement équilibré,
la commission des affaires économiques a émis un avis favorable quant à son
adoption.
Cependant, monsieur le ministre, en tant que rapporteur du groupe de travail
sur la viticulture, je me permets de souligner le manque de chercheurs de
l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique, dans la filière
viticole. En effet, seuls 145 chercheurs sur 8 000 personnes sont affectés à la
viticulture.
Monsieur le ministre, en vous remerciant d'avoir bien voulu conclure notre
colloque « vin santé » organisé au Sénat, je vous demanderai, à vous qui savez
ce que représente la filière viticole en matière d'exportation, d'emplois
directs et indirects sur notre territoire national, de prier l'INRA d'affecter
un plus grand nombre de chercheurs à la filière viticole. Ne prenons pas de
retard par rapport aux autres pays viticoles !
La concurrence provenant des pays du Nouveau Monde, de l'Italie, de l'Espagne,
sans parler des pays d'Europe centrale et orientale, est sévère.
Sachons réagir pour l'avenir de la viticulture française ! Je compte, monsieur
le ministre, sur votre soutien, que je sais acquis d'avance.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Alain Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour la pêche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la gestion durable des pêches maritimes et de l'aquaculture
mobilisera encore de modestes crédits en 2003, s'élevant à 26 millions d'euros,
soit une dotation budgétaire en léger recul de 2,2 %. C'est pourtant l'avenir
de toute la filière pêche qui est en jeu, soit 100 000 personnes, si l'on tient
compte des activités à terre qui vivent de la pêche en mer.
Or le secteur de la pêche est convalescent, vous le savez, monsieur le
ministre, et il doit faire l'objet de soins attentifs de votre part.
En effet, les pêcheurs sont passés à travers de nombreux grains : marée noire,
tempête, hausse du prix du carburant. Et leur horizon ne s'est pas dégagé pour
autant : les professionnels de la pêche se trouvent devant d'importants défis.
J'en identifie trois principaux.
Le premier concerne les difficultés de recrutement. L'emploi, dans le secteur
de la pêche, baisse tendanciellement depuis de nombreuses années, même s'il
s'est stabilisé en 2001.
Pourtant, dans ce contexte, 30 % des entreprises de pêche rencontrent des
difficultés de recrutement. Certains navires en sont même réduits à rester à
quai.
Or le nombre de nouveaux marins pêcheurs s'accroît chaque année et dépasse
largement le nombre des départs en retraite ou des décès. Une étude qui vous a
été remise, monsieur le ministre, explique ce paradoxe : s'il est difficile de
recruter, c'est que de nombreux pêcheurs abandonnent rapidement leur métier,
lassés des conditions de travail difficiles et dangereuses. De plus, l'image du
secteur, marqué par le déclin, les crises économiques récurrentes, les
difficultés croissantes d'installation en tant que patron artisan jouent comme
autant de barrières à l'entrée, voire au maintien dans la profession.
Il me semble donc urgent de fidéliser les recrues en améliorant les conditions
de travail, mais aussi d'ouvrir le marché du travail de la pêche en y intégrant
de nouveaux publics et en facilitant les reconversions à terre.
La profession doit en outre répondre au défi que constitue l'exigence de
qualité des consommateurs. La nouvelle règle d'étiquetage, en vigueur depuis le
début de l'année, y contribue. Cette démarche en faveur de la qualité implique
aussi d'assurer une grande sécurité sanitaire des produits de la mer. C'est
manifestement une priorité de votre budget.
Enfin, la pêche doit absolument relever un autre défi : celui de la sécurité à
bord. Entre 1997 et 2001, trente marins pêcheurs ont disparu en mer chaque
année. Vous conviendrez que c'est insupportable ! Le plan mis en place par
votre prédécesseur vise à parer aux défaillances matérielles et aux erreurs
humaines. Je compte sur vous, monsieur le ministre - et je sais que je peux le
faire - pour en assurer l'application, voire le renforcement.
L'état du navire est sûrement l'une des clefs de la sécurité à bord. Vous en
avez eu l'expérience lors de votre embarquement sur le
Chimère,
au
Guilvinec. Or Bruxelles menace de supprimer, dès le 1er janvier prochain, toute
aide publique à la flotte.
Nous voici au coeur des préoccupations des pêcheurs : la réforme de la
politique commune de la pêche. J'avais fait part, l'an dernier, de mes
inquiétudes à la lecture du Livre vert de la Commission. Malheureusement, le
projet présenté en mai dernier par le commissaire européen chargé de la pêche,
M. Franz Fischler, a confirmé mes craintes.
Je ne remets pas en cause le diagnostic de la Commission : il est bien évident
qu'il faut trouver les moyens d'assurer le développement durable de la pêche.
Pour autant, il n'est pas acceptable de sacrifier aussi brutalement 8 000
navires européens et 28 000 marins pêcheurs sur l'autel du principe de
précaution. L'état de la ressource à long terme est si mal connu qu'il ne doit
pas commander une politique malthusienne de la pêche, alors même que la pêche
minotière n'est pas inquiétée.
La ressource peut être gérée localement de manière responsable, sans impliquer
nécessairement la casse des navires. Plusieurs réussites le prouvent et
incitent à une gestion décentralisée de la ressource.
Permettez-moi d'évoquer brièvement le projet alternatif que nous avons proposé
en janvier dernier dans la résolution européenne adoptée par le Sénat. Nous
imaginons une politique commune de la pêche recentrée autour des totaux
admissibles des captures, les TAC, et des quotas. A cet égard, les dernières
propositions de la Commission tendant à la réduction de 80 % de certaines
captures prouvent bien que la fixation de ces TAC doit impérativement rester de
la compétence du Conseil européen, car il s'agit bien de décisions politiques
et non de décisions techniques.
Des contrôles renforcés et équitables, réalisés sous la responsabilité
d'inspecteurs communautaires, viendraient en outre assurer la pleine
application de cette nouvelle politique commune de la pêche. Des mesures
techniques compléteraient le dispositif, encourageant notamment le recours à
des engins de pêche sélectifs, car « mieux vaut trier sur le fond que trier sur
le pont », comme on le dit chez nous.
En outre, la politique commune de la pêche doit prendre en compte la dimension
sociale de la pêche et son rôle dans l'aménagement du territoire. On ne peut
donc envisager de supprimer totalement et brutalement en janvier prochain les
aides publiques à la construction et à la modernisation des navires de pêche.
Ces aides ne sont effectivement, monsieur le ministre, ni facteur de
surcapacité, ni facteur de surpêche, ni facteur de distorsion de concurrence.
Au contraire !
L'aboutissement des négociations sur le projet de la Commission européenne est
prévu pour la fin du mois. Nous comptons sur votre combativité pour soutenir la
position française, avec l'appui des pays réunis dans le groupe des « Amis de
la pêche ».
Pour vous marquer son soutien, la commission des affaires économiques a émis
un avis favorable sur l'adoption du budget de la pêche pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis.
M. Gérard Delfau,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour le développement rural.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
mes chers collègues, depuis l'accord de Berlin de mars 1999 entérinant l'Agenda
2000, la notion de développement rural n'a cessé de prendre de l'importance. En
effet, l'Agenda 2000 a fait du développement rural le second pilier de la
politique agricole commune.
Le développement rural constitue désormais une dimension à part entière de la
politique agricole des Etats membres de l'Union, ce dont le Sénat se
félicite.
Je voudrais insister sur quelques points qui retiennent particulièrement
l'attention cette année : les contrats territoriaux d'exploitation, la
politique de la montagne et la réforme de l'office national des forêts.
M. Gérard César a déjà excellemment parlé des CTE, mais il est bon d'insister
sur ce sujet qui préoccupe le monde agricole et, au-delà, les maires des
communes rurales.
L'expérience a montré l'attachement des agriculteurs aux CTE. Je me félicite
que le Gouvernement ait entendu cette position, assurant que le dispositif
subsistera, fût-ce au prix d'une modification.
Ce point positif étant acquis, certaines questions demeurent concernant
l'avenir. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner aujourd'hui plus de
détails sur la nouvelle formule du CTE et sur la date à laquelle elle entrera
en application ?
Vous avez par ailleurs déploré l'évolution non maîtrisée des dépenses liées
aux CTE : pouvez-vous nous préciser où en sont vos réflexions sur ce point et
comment elles s'insèrent dans le cadre de la nouvelle formule à laquelle vous
travaillez ?
Bien entendu, la commission des affaires économiques suit attentivement
l'évolution de ce dossier qui est, vous le savez, particulièrement cher au
Sénat tout entier.
La mise à jour de la loi « montagne » suscite également un vif intérêt.
Monsieur le ministre, la mission commune d'information du Sénat sur cette mise
à jour émis quatre-vingt-dix-huit propositions. La commission des affaires
économiques a l'espoir que ces propositions auront retenu toute votre attention
et qu'elles guideront votre action à cet égard pour l'année à venir. Nous
souhaiterions savoir quels sont vos objectifs en la matière et, surtout,
quelles initiatives vous comptez prendre dans un domaine emblématique du
développement rural.
J'aborderai enfin la réforme de la politique forestière.
Après l'adoption, l'an passé, de la loi d'orientation pour la forêt - je
remarque au passage que, comme l'avait fait valoir le président de notre
commission dans sa communication du 30 octobre, la publication des décrets
d'application a pris du retard -, la réforme de la politique forestière de
notre pays s'est poursuivie cette année par la mise en place d'une vaste
réforme de l'ONF, à travers un plan pour l'Office, le PPO, qui est entré en
application le 1er septembre dernier.
Ce plan doit permettre à l'ONF de retrouver un équilibre financier au terme du
contrat de plan qu'il a conclu avec l'Etat pour les années 2002 à 2006 : ce
plan ambitieux prévoit des gains de productivité de 30 % en cinq ans, ce qui
implique une profonde réorganisation et une réduction des effectifs de 6,5 %,
soit près de 500 postes. Il s'agit là d'un effort considérable, auquel la
direction de l'ONF et les personnels consentent pour sauver un outil
déterminant, indispensable à toute politique forestière.
Je précise que cette réduction de 500 postes devrait se faire par le
non-remplacement de départs à la retraite. Il n'y aura donc pas de
licenciements. Je précise également que la direction s'est engagée à ce que cet
effort porte sur toutes les catégories de personnel, ce qui sera vérifié.
Mon examen du dossier m'a en tout cas renforcé dans la conviction selon
laquelle notre politique forestière a besoin d'un Office national des forêts
fort, capable d'organiser et de réguler le marché du bois, qui est à la fois
morcelé et déstabilisé à la suite des récentes tempêtes.
Au vu de l'évolution des crédits du développement rural, la commission a émis
un avis favorable quant à leur adoption.
(Applaudissements sur les travées
du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis.
M. Bernard Dussaut,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les industries agricoles et alimentaires.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive,
le chiffre d'affaires des industries agro-alimentaires connaît une forte
progression - de 6 % - pour s'établir à 123 milliards d'euros. Cette croissance
du chiffre d'affaires s'explique essentiellement par la hausse des prix de
vente sur le marché intérieur, qui répercute elle-même, pour partie, la hausse
du coût des matières premières agricoles.
Ces bons résultats ont permis une augmentation de 1,5 % de l'emploi dans le
secteur et une augmentation appréciable - de 4 % - des investissements.
Première industrie française par son chiffre d'affaires, l'industrie
agro-alimentaire se compose de 4 150 entreprises et emploie près de 420 000
personnes. Si ce secteur compte des entreprises figurant parmi les plus grands
groupes mondiaux, à l'image de Danone, qui occupe le quinzième rang mondial, sa
vitalité repose en grande partie sur une multitude de PME présentes sur
l'ensemble du territoire. En outre, les industries agro-alimentaires
transforment 70 % de la production finale de l'agriculture.
Le secteur des industries agro-alimentaires n'en rencontre pas moins certaines
difficultés. En 2001, pour la première fois depuis 1996, les exportations
agro-alimentaires ont subi une diminution de 2,9 %, avec pour conséquence une
dégradation de 20 % du solde de notre commerce extérieur agro-alimentaire.
Cette dégradation s'explique notamment par la baisse des exportations de
viande bovine, liée à la fermeture des frontières en réaction aux crises
sanitaires de la fièvre aphteuse et de l'encéphalopathie spongiforme bovine,
l'ESB, par une diminution en valeur des exportations de vin, mais également par
une augmentation des importations de soja destiné à remplacer les farines de
viande, désormais interdites pour l'alimentation animale.
Parallèlement, la part de la France sur le marché international des produits
agro-alimentaires tend à s'éroder. En dix ans, elle a diminué de près d'un
point. Ce recul est encore plus marqué sur le marché européen, débouché de près
de 70 % de nos exportations.
Ce recul des performances françaises à l'exportation a été au coeur des débats
qui se sont tenus lors du dernier salon international de l'alimentation, en
octobre dernier. Plusieurs explications ont été avancées, en particulier
l'insuffisante analyse de la demande des marchés cibles, la dispersion de
l'offre ou encore l'effacement de l'image gastronomique de la France.
Cette évolution appelle des mesures énergiques de la part des pouvoirs publics
car, faut-il le rappeler, les entreprises concurrentes des pays tiers
bénéficient de soutiens appuyés de la part de leurs gouvernements. Le
dispositif français de soutien aux exportations agro-alimentaires doit être
renforcé. Par ailleurs, il est indispensable d'engager une relance de la
promotion de l'image de la culture alimentaire française, comme le suggère un
récent rapport de la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles
et alimentaires, la SOPEXA.
L'autre grand sujet qui préoccupe actuellement le secteur agro-alimentaire est
celui des relations avec la grande distribution puisque, comme les producteurs
agricoles, les entreprises agro-alimentaires subissent les conséquences d'un
rapport de force déséquilibré avec les grandes surfaces.
La pratique des marges arrière, qui n'ont cessé de progresser ces dernières
années, est particulièrement mal vécue parce qu'elle donne aux entreprises le
sentiment de devoir payer pour avoir le droit de vendre leurs produits, ce qui
est un comble !
Malgré l'adoption de la loi sur les nouvelles régulations économiques, malgré
l'engagement d'un dialogue avec la grande distribution destiné à limiter les
marges arrière, les pratiques abusives des grandes surfaces restent la première
difficulté rencontrée au quotidien par les industries agro-alimentaires.
Les crédits examinés dans le cadre de cet avis enregistrent des évolutions
contrastées.
La commission des affaires économiques tient, tout d'abord, à saluer le souci
du Gouvernement de soutenir l'investissement souci dont témoigne l'augmentation
de 41 % des crédits de politique industrielle, et la continuité de l'effort
accompli en faveur de la sécurité sanitaire des aliments, afin, notamment, de
conforter la dotation de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments,
l'AFSSA, et de financer le programme d'éradication de la tremblante.
D'autres politiques examinées dans cet avis sont simplement reconduites :
c'est le cas à l'image de la politique de la qualité ou encore de la promotion
des produits agricoles et alimentaires, qui servent notamment au versement
d'une subvention à la SOPEXA.
Je viens d'ailleurs de prendre connaissance d'un amendement déposé au nom de
la commission des finances sur le titre IV et qui tend à réduire encore de 800
000 euros les crédits consacrés à la lutte contre l'ESB. Même si, à cet égard,
les préoccupations ne sont plus aussi vives qu'elles ont pu l'être, faut-il
pour autant baisser la garde ? Personnellement, j'espère que cet amendement ne
sera pas adopté, mais je crains fort que cet espoir ne soit vain !
Certaines actions enregistrent une vraie diminution de leurs moyens. C'est le
cas, par exemple, des crédits destinés à la recherche agro-alimentaire, qui
baissent de plus de 8 %. C'est surtout le cas des crédits affectés au
financement de l'équarrissage, qui sont réduits de 205,5 millions d'euros.
Cette baisse concerne non seulement les moyens destinés à l'élimination des
farines dites « à bas risque », mais aussi la dotation au service public de
l'équarrissage.
Si la réduction des crédits destinés à soutenir l'élimination des simples
déchets de viande des abattoirs s'explique par la dégressivité du dispositif
d'indemnisation des équarrisseurs mis en place à la suite de l'interdiction
d'utiliser les farines en alimentation animale, la diminution des moyens du
service public de l'équarrissage paraît réellement préoccupante compte tenu des
enjeux sanitaires de cette activité et de l'allongement de la liste des déchets
à haut risque traités dans ce cadre.
Alors que son rapporteur pour avis lui proposait de s'en remettre à la sagesse
du Sénat, en raison de la diminution des crédits de la recherche
agro-alimentaire et de l'équarrissage, ainsi que de la simple reconduction des
crédits de promotion, ce qui lui semble insuffisant au regard du recul des
performances de nos exportations, la commission des affaires économiques a émis
un avis favorable quant à l'adoption des crédits consacrés aux industries
agro-alimentaires dans le projet de loi de finances pour 2003 dans la mesure où
l'essentiel des politiques, hormis celle qui concerne l'équarrissage, était
préservé.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour
l'enseignement agricole.
Monsieur le président, monsieur le minitre, mes
chers collègues, en 2003, si le budget du ministère de l'agriculture augmente
de 0,9 %, les crédits consacrés à l'enseignement agricole connaissent une
évolution plus favorable encore : ils progressent en effet de 1,9 %, pour
atteindre 1 196 millions d'euros.
Tout en portant la marque d'une certaine rigueur, inspirée par un souci de
maîtrise des dépenses publiques que je ne peux que soutenir, ce projet de
budget comporte des mesures très positives pour l'enseignement agricole.
S'agissant de l'enseignement public, dont les subventions progressent de 0,97
%, il convient d'apprécier les dotations budgétaires au regard de la diminution
des effectifs, qui permet de dégager des marges de manoeuvre nouvelles. Je me
féliciterai toutefois du maintien du nombre des emplois de personnels non
enseignants en 2003. C'est là le signe d'une prise de conscience salutaire des
besoins des établissements de l'enseignement technique, qui, je le rappelle,
fonctionnent pour une large part selon le régime de l'internat et souffrent de
déficits incontestables, notamment en ce qui concerne les personnels
médico-sociaux.
Par ailleurs, je noterai avec satisfaction la poursuite du plan de résorption
de l'emploi précaire. A ce titre, le projet de budget prévoit la création de
trois cents emplois rémunérés sur les ressources propres des établissements.
Il est plus que temps, monsieur le ministre, de mettre en place une gestion
prévisionnelle des moyens et des personnels des établissements de
l'enseignement agricole public. Cet effort de programmation s'impose, en outre,
pour préparer les départs massifs à la retraite. A cet égard, ne faudra-t-il
pas réaliser un audit des besoins des établissements ?
En ce qui concerne l'enseignement privé, dont les subventions progressent de
3,51 %, je me félicite que le projet de loi de finances pour 2003 donne à
l'Etat les moyens d'assumer les responsabilités qui lui incombent en vertu des
dispositions de la loi de 1984.
Pour les établissements du temps plein, les crédits inscrits pour 2003
permettent de tirer les conséquences de la réévaluation des coûts par élève.
J'exprime le souhait que le décret fixant les nouvelles modalités de calcul des
subventions dont bénéficient ces établissements prévoie la périodicité des
procédures de réactualisation.
Pour les établissements du rythme approprié, l'enveloppe prévue pour 2003
devrait permettre la réévaluation du coût du formateur qui, réalisée en
principe chaque année, n'avait pas été opérée en 2001 ni en 2002. Pouvez-vous,
monsieur le ministre, nous le confirmer ?
S'agissant des établissements de l'enseignement supérieur privé, il avait été
prévu de modifier les paramètres de calcul de leurs subventions afin
d'améliorer les conditions dans lesquelles ils s'acquittent de leurs activités
de recherche. Or cette décision, dont les conséquences budgétaires ont d'ores
et déjà été anticipées, n'a pas encore été mise en oeuvre faute de texte
d'application. Il s'agit là d'un retard lourd de conséquences. Peut-on espérer
qu'en 2003 les mesures nécessaires seront enfin prises ?
En conclusion de cette présentation comptable, j'attirerai votre attention,
monsieur le ministre, sur la nécessité de définir une nouvelle ambition pour
l'enseignement agricole.
En premier lieu, l'adaptation des formations de la production aux nouvelles
exigences sanitaires apparaît comme un enjeu stratégique. En effet, je crois
qu'il ne peut y avoir de développement du milieu rural sans que le maintien des
activités de production soit assuré.
En second lieu, il y a également urgence à définir, au-delà de ces filières,
des orientations permettant à l'enseignement agricole de mettre à profit ses
acquis pédagogiques au bénéfice de nouveaux domaines, en particulier celui des
métiers de l'environnement. Il y a là des besoins à satisfaire.
Les derniers exercices ont été marqués par une absence de réflexion
prospective. On ne semble pas avoir encore pris conscience de la nécessité
d'adapter cet appareil de formation aux évolutions que connaissent non
seulement les professions agricoles mais également la société dans son
ensemble. Cette situation est regrettable, car l'enseignement agricole
fonctionne bien, et il continue à attirer de nombreux jeunes.
Alors que les facteurs démographiques jouent encore à la baisse, une tendance
à la stabilisation des effectifs s'est dessinée à la rentrée 2002.
L'accroissement significatif du nombre des élèves dans les formations de niveau
V laisse même espérer à terme une progression des effectifs. Les résultats aux
examens et les perspectives d'insertion professionnelle offertes aux diplômés
continuent à faire de cette filière une filière de promotion au service du
développement rural.
Monsieur le ministre, la gestion à court terme qui a prévalu jusqu'à
maintenant risque de handicaper l'enseignement relevant de votre ministère et
de conduire à une démobilisation des personnels qui en ont fait le succès. Ce
serait regrettable, alors que le Gouvernement veut promouvoir l'enseignement
professionnel.
Par conséquent, je formule le souhait que l'année 2003 permette d'engager une
réflexion, afin de préserver l'adéquation entre les formations agricoles et les
métiers auxquels elles préparent.
C'est dans cet espoir que la commission des affaires culturelles a émis un
avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement agricole pour 2003.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Nicolas About, rapporteur pour avis.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M.
Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales, pour les prestations sociales agricoles.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que la commission des affaires
sociales l'avait dénoncé en son temps, le projet de BAPSA pour 2002 était fondé
sur des prévisions irréalistes, qui ont naturellement abouti, dès le milieu de
l'année, à un déficit d'exécution d'un montant de 746 millions d'euros.
A peine arrivé aux affaires, le nouveau gouvernement a dû définir, dans le
cadre du collectif de l'été dernier, des mesures d'urgence afin de rétablir
l'équilibre financier du BAPSA. Outre des prélèvements sur trois organismes
agricoles, à savoir la société Unigrains, le Fonds national de garantie des
calamités agricoles et les caisses de la Mutualité sociale agricole à hauteur
de 456 millions d'euros, ces mesures se sont également traduites par un
doublement de la subvention d'équilibre versée par le budget général, qui
atteint ainsi 560 millions d'euros en 2002.
La commission des affaires sociales a donc aujourd'hui la satisfaction de
constater que le projet de BAPSA pour 2003 a été élaboré par l'actuel
gouvernement sur des bases financières plus saines et plus réalistes.
Je ne reprendrai pas ici le détail des chiffres qui ont déjà été exposés par
notre excellent collègue rapporteur spécial.
S'agissant des recettes du BAPSA pour 2003, je souligne plus particulièrement
le quasi-doublement, par rapport à la loi de finances initiale de 2002, de la
subvention d'équilibre.
Le Gouvernement entend, à l'évidence, rompre sur ce point avec les pratiques
les plus contestables de son prédécesseur, qui avait tendance à considérer
cette subvention comme « une recette parmi d'autres », et dont le montant, en
déclin constant au cours de ces dernières années, était déterminé en fonction
non pas des besoins de financement du BAPSA, mais des contraintes du budget de
l'Etat.
Je me félicite donc, monsieur le ministre, de cette réaffirmation, en 2003, de
la solidarité financière de la nation à l'égard du régime de protection sociale
des agriculteurs.
Je relève, par ailleurs, que les réserves des caisses de la Mutualité sociale
agricole sont, à nouveau, mises à contribution. Certes, le montant de cette
contribution est moins important que celui qui a été retenu l'été dernier. En
outre, je peux admettre le principe de cette participation financière des
caisses de la MSA dès lors que, d'une part, la gravité de la situation
financière du BAPSA le justifie, et que, d'autre part, elle s'accompagne, comme
cela est le cas, d'un effort parallèle et significatif du budget de l'Etat.
J'exprime néanmoins le souhait, monsieur le ministre, que cette sollicitation
des réserves de la MSA demeure tout à fait exceptionnelle et ne devienne pas,
les prochaines années, un mode habituel de gestion du régime des exploitants
agricoles. En effet, ces réserves sont indispensables à la MSA, notamment pour
la mise en oeuvre et le développement d'une action sanitaire et sociale d'une
grande richesse qui profite à l'ensemble des ressortissants du régime
agricole.
En ce qui concerne les prévisions de dépenses du BAPSA pour 2003, je limiterai
mon propos à deux remarques.
La première concerne l'abondement, en première lecture à l'Assemblée
nationale, de la ligne budgétaire « Agridif », pour un montant de 10 millions
d'euros, votre commission des affaires sociales approuve totalement cette
initiative conjointe du Gouvernement et de la commission des finances de
l'Assemblée nationale, qui va permettre de conforter, en 2003, un dispositif
essentiel de solidarité à l'égard des agriculteurs en difficulté.
Ma deuxième remarque est relative à l'extension aux exploitants agricoles de
la nouvelle allocation forfaitaire prévue en faveur des familles ayant au moins
trois enfants et qui perdent le bénéfice des allocations familiales dès lors
que l'un de ceux-ci atteint l'âge de vingt ans. Cette mesure répond à la
volonté, largement partagée dans cette assemblée, d'aligner la protection
sociale des exploitants agricoles sur le droit commun de la sécurité
sociale.
Cette volonté est déjà concrétisée dans le projet de budget soumis à notre
examen.
A ce sujet, j'évoquerai plus particulièrement le nouveau régime de retraite
complémentaire obligatoire créé par la loi du 4 mars 2002. Il entrera en
vigueur le 1er avril prochain. On ne peut que se féliciter de cette nouvelle
étape dans la consolidation de la protection sociale des agriculteurs. Certes,
ce nouveau régime est encore imparfait. Ni les conjoints ni les aides familiaux
n'en bénéficient pour l'instant, en raison du coût de cette extension pour les
cotisants, évalué à 1,43 milliard d'euros.
Néanmoins, ce nouveau régime de retraite complémentaire a désormais le mérite
d'exister et, surtout, d'être financé. En effet, là encore, le Gouvernement a
su trouver les ressources budgétaires que son prédécesseur s'était bien gardé,
en son temps, de définir : 28 millions d'euros seront ainsi versés par l'Etat
en 2003.
M. Paul Raoult.
C'est Byzance !
M. Paul Blanc.
Eh oui !
M. Nicolas About,
rapporteur pour avis.
Il me paraît nécessaire de souligner que cette
retraite complémentaire sera payée mensuellement, alors que les retraites
agricoles de base continuent, quant à elles, d'être versées par trimestre, ce
qui constitue un archaïsme auquel il convient de mettre fin dans les meilleurs
délais.
M. Gérard Le Cam.
C'est vrai !
M. Nicolas About,
rapporteur pour avis.
Le reste aussi !
(Rires.)
M. Didier Boulaud.
C'est à voir !
M. Nicolas About,
rapporteur pour avis.
Bien sûr, le coût de cette mensualisation est
élevé. Diverses solutions pertinentes ont été toutefois proposées, notamment
par la caisse centrale de la MSA, afin d'aboutir à sa mise en place
progressive.
Malheureusement, ce dossier est devenu plus complexe, depuis que le précédent
gouvernement a choisi de financer, entre 1997 et 2001, les déficits d'exécution
du BAPSA par des prélèvements massifs sur son fonds de roulement.
M. Henri de Raincourt.
C'est incroyable !
M. Paul Blanc.
Eh oui !
M. Nicolas About.
Eh oui ! La marge de manoeuvre financière, qui aurait facilité un passage
progressif à la mensualisation des retraites de base, a donc aujourd'hui
disparu.
Néanmoins, cette mensualisation demeure l'une des demandes les plus pressantes
des retraités du régime agricole. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous
faire part de votre réflexion et de vos projets en ce domaine ?
Je conclurai mon propos par le principal défi qui attend le régime des
exploitants agricoles dans les prochaines années, à savoir la disparition
annoncée du BAPSA.
Nous connaissons tous les limites et les imperfections de ce budget annexe. Sa
suppression pourrait donc fournir l'occasion de pérenniser, sur de nouvelles
bases, la protection sociale des exploitants agricoles, à la condition,
toutefois, de respecter quelques exigences fondamentales.
Tout d'abord, le BAPSA sera utilement remplacé par un cadre comptable et
financier plus cohérent, regroupant, en toute transparence, l'ensemble des
recettes et des dépenses du régime agricole.
Par ailleurs, la disparition du BAPSA ne devra pas se traduire par une remise
en cause du montant ou du principe même de la solidarité financière de la
nation à l'égard de la protection sociale des exploitants agricoles. Cette
solidarité est, en effet, la condition primordiale de sa survie.
Enfin, il conviendra de réaffirmer, à cette occasion, les atouts et les
spécificités de la Mutualité sociale agricole, dont la proximité et la qualité
de gestion sont des gages d'efficacité.
Le chantier est vaste. Ne doutant pas, monsieur le ministre, de votre
détermination en la matière, et constatant, dès votre premier projet de loi de
finances, votre engagement résolu en faveur de la protection sociale des
exploitants agricoles, la commission des affaires sociales a émis un avis
favorable à l'adoption des crédits du BAPSA pour 2003.
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 52 minutes ;
Groupe socialiste, 47 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 34 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 29 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 32 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
Présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur
agricole reste encore fortement marqué, s'agissant des productions, par les
conditions climatiques défavorables de l'année 2002 et, s'agissant de
l'élevage, par les conséquences de la crise bovine et du retour de la fièvre
aphteuse. L'avenir s'annonce incertain en ce qui concerne tant les résultats
des négociations qui ont lieu dans le cadre de l'OMC que l'élargissement de
l'Union européenne à dix nouveaux pays.
Ces évolutions, qui mettent en jeu des partenaires extérieurs, se conjuguent
avec des situations hexagonales instables dont il convient de clarifier les
paramètres. Dans le développement durable, les agriculteurs ont un rôle
fondamental : ils interviennent, en interface, comme conservateurs du milieu et
comme producteurs, et ce aux échelons européen, national et local.
La décision que vous avez prise cet été, monsieur le ministre, de suspendre
l'examen des contrats territoriaux d'exploitation a surpris. Les milieux
professionnels ne semblent pas avoir été consultés ni avertis.
M. Didier Boulaud.
Ah, quand même !
M. Bernard Joly.
La nécessaire simplification des procédures n'est contestée par personne. Elle
était d'ailleurs jugée d'autant plus indispensable que le CTE était considéré,
jusqu'à présent, comme la seule modalité possible de reconduction de « prime à
l'herbe » à partir de l'année prochaine. Cette prime est considérée par les
organisations professionnelles comme une mesure emblématique du « nouveau
contrat entre la société et son agriculture ». Monsieur le ministre qu'en
est-il de cette aide pour l'année à venir ?
A l'issue d'un audit que vous avez demandé, monsieur le ministre, vous avez
annoncé, voilà quelques jours, que le CTE serait remplacé par le contrat
d'agriculture durable. Ce dernier s'inscrit, semble-t-il, dans une vision plus
globale et plus raisonnée de la société qui prédomine dans les actions
gouvernementales. Néanmoins, était-il judicieux de changer la donne en cours de
partie ? Qu'adviendra-t-il des agriculteurs dont le projet de CTE a été engagé
? Sera-t-il mené à bonne fin ? S'il doit y avoir un pont entre les deux
systèmes, comment va-t-il se faire ? Ce sont autant de questions qui appellent
des réponses, puisque la sortie des textes réglementaires afférents à ce
nouveau dispositif n'est prévue que dans le courant du premier semestre
2003.
Si l'implication du monde agricole dans les enjeux environnementaux
prioritaires ne fait pas de doute, il n'est pas moins certain que les
agriculteurs refusent d'être exclus du partage de la plus-value. Les dernières
actions ont clairement prouvé qu'il fallait clarifier et assainir un système
pernicieux.
Il convient d'avoir à l'esprit quelques chiffres : en France, la grande
distribution occupe une position dominante, avec cinq centrales d'achat pour
600 000 agriculteurs et 60 millions de consommateurs. Ces centrales, qui se
partagent 90 % du marché du pays, ont vu leur poids quasiment doubler en dix
ans.
Les marges arrière, pour ne parler que de l'une des pratiques abusives,
représentent 30 milliards d'euros soumis à un taux de TVA de 19,6 %. Il s'agit
de véritables fourches caudines, car si un fournisseur refuse de se soumettre
aux ristournes imposées, qui peuvent atteindre 30 % de la marge bénéficiaire,
il ne sera plus référencé par l'enseigne.
M. Jean Bizet.
Très juste !
M. Bernard Joly.
De plus, si l'on compare le prix de départ payé à l'exploitant et le prix de
vente dans les rayons des magasins, il apparaît que 60 % de cet écart tombe
dans l'escarcelle de la distribution. En conclusion, l'écrasement du prix
d'achat ne profite pas au consommateur, contrairement à ce qu'affirment
certaines campagnes de publicité.
Le dernier mouvement de protestation semble avoir débouché, grâce à vous,
monsieur le ministre, sur un dialogue. Une convention signée entre grandes
surfaces et agriculteurs, portant globalement sur la mise en place d'une
véritable politique contractuelle dans les différentes filières, ouvre une
perspective d'assainissement. L'arrêté publié tout récemment attribuant deux
sièges aux agriculteurs à la commission d'examen des pratiques agricoles, créée
par la loi sur les nouvelles régulations économiques, équilibre les
représentations dans une structure qui analysera les contrats passés entre la
grande distribution et ses fournisseurs.
Il est envisagé tout prochainement un assouplissement de la loi Galland ciblé
sur la revente à perte et les promotions abusives qui permettrait aux
fournisseurs de pratiquer des différenciations tarifaires venant contrecarrer
les marges arrière résiduelles. L'accord qui est intervenu, monsieur le
ministre, n'est-il qu'une étape ou est-il définitif ?
L'Etat, sans être dirigiste, doit être vigilant dans l'application des
dispositions déjà en vigueur. De plus, il est nécessaire qu'il favorise et
accompagne une moralisation des pratiques, qui ne peuvent être uniquement
fondées sur le profit. Je souhaiterais à cet égard vous entendre, monsieur le
ministre.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste,
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Serge Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte
agricole international est tendu avec les négociations de l'OMC et les
interrogations sur l'avenir de la politique agricole commune, la PAC ; le
contexte budgétaire est globalement difficile, et le précédent gouvernement a
laissé de nombreux dossiers en suspens
(Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)
:
...
M. Paul Raoult.
L'héritage !
M. Serge Mathieu.
... BAPSA en grave déséquilibre, insuffisance des financements des CTE,
blocage du produit de la modulation des aides, promesses non tenues à la suite
de la tempête de 1999, dédain à l'égard de l'enseignement privé agricole
(Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste),
retraite complémentaire non financée. Malgré ce triste panorama, le budget du
ministère connaît une progression de 0,9 % par rapport à 2002
(Rires sur les
travées du groupe CRC),
et nous ne pouvons que vous en féliciter très
vivement, monsieur le ministre.
M. Gérard Le Cam.
Quel effort !
M. Henri de Raincourt.
C'est pas mal !
M. Didier Boulaud.
On attendait plus !
M. Serge Mathieu.
C'est un très gros effort !
Dans ce budget, vous entendez redresser la situation et vous affichez
clairement vos priorités pour 2003.
M. Gérard Delfau.
C'est saint Jean Bouche d'Or !
M. Serge Mathieu.
Nous y souscrivons pleinement : oui à une agriculture écologiquement
responsable et économiquement forte ; oui au développement de l'attractivité
agricole et à la promotion de l'installation ; oui à la solvabilité de la
protection sociale agricole.
Dans ce cadre général, permettez-moi, mes chers collègues, de m'attarder plus
particulièrement sur la situation de notre viticulture.
(Exclamations sur l'ensemble des travées.)
M. Bernard Piras.
De qualité !
M. Serge Mathieu.
La France est le deuxième exportateur mondial de produits agricoles et
alimentaires, et, si le solde de l'agro-alimentaire, dans notre balance
commerciale, est excédentaire, c'est largement grâce au secteur des vins et
spiritueux. Parallèlement, je tiens à rappeler que le vignoble de Saint-Emilion
a été inscrit par l'UNESCO au patrimoine mondial de l'humanité ; en tant qu'élu
d'un département viticole, je ne peux que marquer ma fierté de voir ainsi
reconnu le rôle de nos agriculteurs en faveur de la préservation de nos
paysages, de l'enrichissement de notre culture et de l'aménagement de nos
territoires.
Pour autant, la situation de notre viticulture n'est pas aussi brillante que
ces deux éléments pourraient le laisser paraître.
En effet, malgré d'importants efforts d'amélioration de la production, et
après des années plutôt encourageantes, notre viticulture est confrontée,
aujourd'hui, à des changements qui risquent, à terme, de menacer son
dynamisme.
Je rappellerai le cas du beaujolais, que je connais bien, et qui se vérifie
dans d'autres régions viticoles. Les professionnels ont, en effet, mené une
politique courageuse en mettant en place, cette année, un plan visant à
maîtriser la production tout en misant sur la qualité.
Mais, malgré ces efforts, les difficultés de la viticulture sont certaines ;
elles s'expliquent par la conjonction de deux facteurs principaux.
Premièrement, on relève une désaffection des consommateurs français et
européens, excepté, pour le moment, dans les pays du nord de l'Europe, tant
pour les vins de table que pour les vins d'appellation d'origine contrôlée.
Deuxièmement, une concurrence de plus en plus vive des nouveaux producteurs,
comme les pays d'Amérique latine, les Etats-Unis, l'Australie, menace notre
viticulture.
Or il s'agit non pas d'une situation conjoncturelle, mais bien de tendances
lourdes. Ces tendances plaident en faveur d'une réflexion d'envergure avec les
professionnels et de mesures ciblées qui permettront à la filière d'adapter
l'offre aux évolutions du marché, d'un point de vue tant quantitatif que
qualitatif.
Le Sénat a d'ailleurs pleinement participé à cette réflexion, en particulier
dans le cadre du groupe de travail sur la viticulture française dont notre
collègue Gérard César était le rapporteur.
Vous-même, monsieur le ministre, vous avez encouragé la profession à débattre
et à prendre position par rapport aux propositions du groupe Cap 2010, à la
suite du rapport Berthomeau.
Ces propositions peuvent se résumer succinctement. Il s'agit d'une réforme
fondée sur la régionalisation, sur un plus grand partenariat entre producteurs
et négociants, sur une adaptation de l'offre aux nouvelles habitudes des
consommateurs avec, notamment, une segmentation des produits visibles, et sur
des démarches commerciales plus pugnaces.
Nous souhaiterions plus particulièrement savoir, monsieur le ministre, où en
est cette procédure d'échange des points de vue que vous avez mis en place.
Il semble d'ores et déjà nécessaire de continuer de soutenir la stratégie de
l'appellation d'origine contrôlée et de l'indication géographique. Ce sont des
outils de développement harmonieux des territoires et des garanties contre les
délocalisations.
A ce titre, un point positif mérite d'être souligné, même s'il ne dépend pas
du présent budget : l'accord de Doha a prévu une avancée importante sur les
indications géographiques, à savoir la négociation d'un système multilatéral
d'enregistrement et de notification des indications géographiques pour les vins
et spiritueux.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je crois que votre collègue François Loos
est bien déterminé à défendre une définition juridiquement contraignante des
indications géographiques dans la perspective du sommet de Cancun, en septembre
prochain.
Il me semble qu'une stratégie de qualité est la meilleure garantie pour
l'avenir de la filière viticole. Elle seule peut lui permettre de résister à
une concurrence toujours plus vive des vins du Nouveau Monde.
Pour cela, il faut obtenir, au niveau européen, des mécanismes de gestion des
marchés efficaces. Il faut aussi améliorer la traçabilité, clarifier les
dénominations en repositionnant l'offre, communiquer activement sur les
différents produits, sans négliger les marques et les cépages, adapter les
structures commerciales et, enfin, préserver nos pratiques oenologiques.
En somme, dans les différentes perspectives que je viens d'évoquer, monsieur
le ministre, il faut que notre politique de qualité, quelles que soient les
appellations, trouve des appuis forts.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Pastor.
Monsieur le ministre, même si votre budget n'est pas foncièrement éloigné,
dans sa structure, du budget que votre prédécesseur avait défendu dans cette
assemblée en 2001, il laisse planer quelques inquétudes.
Il s'éleve à un tout petit peu plus de 5 milliards d'euros, et enregistre donc
une augmentation symbolique de 0,9 %, hors inflation, par rapport à la loi de
finances initiale pour 2002, à moins que la majorité du Sénat veuille le
réduire pour venir compenser une approximation budgétaire sur cette loi de
finances !... Cela montre qu'il n'y a pas, d'un côté, des hommes qui se
seraient trompés sur l'ampleur du soutien accordé par l'Etat à l'agriculture
et, de l'autre, des hommes qui auraient tout compris parce qu'ils auraient
soi-disant la fibre plus rurale.
En revanche, ce budget n'est pas, nous semble-t-il, porteur du souffle capable
de lever les inquiétudes d'une profession qui se pose aujourd'hui beaucoup de
questions sur son avenir et sur celui de la politique agricole commune.
D'emblée, je vous fais observer que les assurances que certains semblent
vouloir nous apporter sur les crédits supplémentaires qui seraient accordés en
cas de besoin à l'occasion du prochain collectif budgétaire ne sont pas non
plus de nature à nous inspirer une confiance immodérée dans le budget que vous
nous proposez aujourd'hui d'adopter.
L'un des mérites de la loi d'orientation agricole est d'avoir réinstauré le
rapport de l'homme à la terre en conférant une réelle légitimité à la
multifonctionnalité du métier d'agriculteur.
Les CTE ne sont que l'instrument institutionnel du virage amorcé vers cette
multifonctionnalité. M. André Lejeune y reviendra tout à l'heure.
Imaginer de simplifier ce dispositif n'est, en soi, absolument pas critiquable
et nous vous suivons sur cette décision, à condition de ne pas lui rogner ses
ailes en plein essor.
Je remarque que le rapport d'audit réalisé par les inspecteurs généraux du
comité permanent de coordination des inspections, le COPERCI, sur
l'articulation entre ces politiques et la politique agricole commune a été
rendu dès le mois de juillet. Pourtant, personne ne sait exactement à quoi s'en
tenir sur la formule revisitée qui nous est promise, à part qu'elle devrait
changer de dénomination. Que pouvez-vous nous dire de plus sur ce sujet,
monsieur le ministre ?
De ce point de vue notamment, la prime herbagère que vous présentez comme une
mesure phare de votre budget et qui va succéder à la prime à l'herbe ne
risque-t-elle pas de concurrencer les contrats d'agriculture durable dont la
logique de projet global pourrait souffrir ? Ne représentera-t-elle pas un
manque à gagner dans les bassins allaitant par rapport au système des CTE et à
la prime du maintien des systèmes d'élevage extensifs à la PMSEE, au regard des
critères d'éligibilité notamment ? Nous sommes encore dans le flou à cet
égard.
S'agissant des indemnités compensatrices de handicaps naturels, à laquelle
tiennent, bien sûr, les agriculteurs des zones défavorisées et des zones de
montagne, je note que le principe en a été confirmé cette année. Mais, comme
d'autres, j'émets le souhait que la légère augmentation de leur ligne de crédit
permette de compenser la redéfinition de leur périmètre.
Pour ce qui est de la sécurité sanitaire, les crédits sont en diminution,
compte tenu de la forte chute - plus de 200 millions d'euros - de l'enveloppe
affectée à l'équarrissage. Cette décision risque de devoir être supportée par
la filière bovine qui n'avait pas besoin de cela dans une période encore
marquée par les effets de l'encéphalopathie spongiforme bovine.
En revanche, je tiens à le souligner, vous confirmez les crédits de l'AFSSA et
les moyens dévolus à la traçabilité via l'identification permanente des
animaux, gage d'une indispensable transparence. Bernard Dussaut a exposé tout à
l'heure ce point en détail.
S'agissant de la qualité, qui ne rime pas toujours, vous le savez, avec
traçabilité, j'ai été confronté, dans mon département, à une décision affectant
des groupements de producteurs de veaux sous la mère travaillant sous marque de
qualité, comme chacun le prône : un groupement de producteurs de veaux du
Lauragais a en effet perdu la semaine dernière son agrément, avec le soutien de
votre ministère.
Supprimer les petits groupements n'est pas de nature à encourager les
initiatives des éleveurs et à les motiver pour créer des unités économiques
dans ce secteur d'activité, qui en a pourtant bien besoin.
Je me permets donc, monsieur le ministre, de me faire l'écho des
préoccupations des éleveurs et de vous alerter afin que vous soyez vigilant. De
tels problèmes ne manqueront pas de se reproduire, car il reste quelque 120 à
150 dossiers à examiner.
Sachez que les lois économiques ne sont pas toujours liées aux simples règles
théoriques ; elles dépendent également de la motivation des hommes. Or ce n'est
pas en ne laissant subsister que d'immenses groupements de producteurs que l'on
créera les conditions de cette motivation.
Les crédits consacrés aux aménagements en milieu rural ont, pour leur part,
été détaillés par notre collègue M. Delfau dans son rapport sur le
développement rural. J'insisterai, en tant qu'administrateur de la Compagnie
d'aménagement des coteaux de Gascogne, sur la diminution de près de 17 % des
crédits de paiement destinés aux sociétés d'aménagement régional, ce qui ne
manquera pas de se traduire par des diminutions des programmes d'investissement
et donc par une diminution de l'influence économique de ces sociétés.
Pour ce qui est des dépenses forestières, elles sont reconduites dans le
droit-fil de la précédente loi « forêt ». Cela nous satisfait, monsieur le
ministre. Je relève également l'effort qu'a accompli l'ONF pour s'adapter aux
situations nouvelles.
Le dossier de l'installation est toujours sensible. Vous annoncez la mise en
oeuvre d'un fonds d'incitation et de communication pour l'installation en
agriculture, afin de financer les opérations locales. C'est parfait. Nous en
prenons acte.
Outre le fait que le fascicule bleu n'individualise pas ce fonds par rapport à
la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA, et qu'il ne traduit pas une
évolution très sensible des sommes consacrées à l'installation, nous ne pouvons
pas espérer que le flux d'installations sera supérieur au flux habituel.
Avec 6 000 enfants par an en âge de s'installer, les agriculteurs n'ont plus
les capacités d'assurer le renouvellement des exploitants. Les besoins sont
évalués à 12 000 installations par an.
L'installation progressive hors DJA, voire tardive, l'assouplissement de
l'aide à la transmission, comme les suggestions du rapporteur de la mission sur
l'avenir de l'élevage, M. Emorine, doivent mobiliser votre attention, monsieur
le ministre.
En ce qui concerne le soutien des filières, M. le président de l'assemblée
permanente des chambres d'agriculture n'a pas été le seul à être surpris. Les
crédits au titre des offices sont en baisse de 15 %. Ce n'est pas passé
inaperçu et cela privera les éleveurs bovins, les viticulteurs et les
céréaliers, notamment, de moyens d'intervention et d'expertise lors des crises
récurrentes auxquelles ils sont confrontés.
Enfin, je ne ferai que citer la question des retraites complémentaires,
laissant aux autres intervenants du groupe socialiste le soin d'en traiter.
Au total, ce budget ne marque pas de véritable élan à un moment où nombre de
producteurs sont plus que préoccupés par le devenir de l'agriculture française.
Il marque peut-être au contraire un pas alors que la situation internationale
devrait inciter la France à faire preuve d'imagination et de volontarisme. Au
lieu de cela, vous proposez de dévaloriser l'outil novateur qu'est le CTE en
l'assimilant à une mesure de circonstance.
Monsieur le ministre, pourriez-vous par ailleurs préciser quel est le lien
entre les orientations budgétaires et la politique agricole commune ? La
première politique intégrée de l'Europe semble aujourd'hui en panne et l'on ne
peut pas décider d'une politique nationale sans voir clair par rapport à cette
PAC.
L'apparente absence de stratégie nous trouble. Pourriez-vous, monsieur le
ministre, nous éclairer sur les choix de la France dans le débat de stratégie
européenne d'ici à la fin de l'année 2006 ? Ne pas offrir de perspectives n'est
pas de nature à rassurer les jeunes agriculteurs dont le doute est palpable.
Ils devraient attendre 2006 avec le sentiment qu'il n'y a que peu d'espoirs car
il faudra de toute façon en venir à cette réforme. Ils savent bien qu'il
faudrait procéder à une réforme, mais il ne faudra pas qu'elle intervienne dans
des conditions qui, aujourd'hui, ne paraissent guère rassurantes. La
stabilisation de la dépense agricole en 2006 pour les vingt-cinq Etats
européens s'accompagnera nécessairement de redéploiements. C'est évident, et
cela fait naître bien des inquiétudes.
Le vote d'un budget est aussi le vote d'une orientation politique pour
l'avenir, monsieur le ministre.
Or, dans ce budget, rien ne filtre sur cet avenir. Comment la France se
prépare-t-elle à cette mutation européenne ? Certainement pas en réduisant le
rôle des offices et en supprimant les groupements de producteurs !
Monsieur le ministre, dans ces conditions d'attentisme et d'incertitude, nous
ne voterons pas votre budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux.
Monsieur le président, monsieur le ministre et cher ami, mes chers collègues,
je voudrais d'abord féliciter M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, ainsi que
les différents rapporteurs pour avis dont les interventions ont permis de mieux
comprendre un budget qui est important et qui a de nombreux champs
d'intervention, un budget, nous l'avons compris, qui a été mis en place dans un
contexte budgétaire difficile sur lequel on peut, selon que l'on met l'accent
sur le fait que le verre est à moitié plein ou à moitié vide, porter des
jugements différents.
C'est ainsi que ce budget est en hausse de 0,9 %, si on le compare au budget
primitif de l'an dernier, mais en baisse de 3 % si on le compare au budget qui
découle de la loi de finances rectificative. Il est sans doute encore
comparable à autre chose si l'on prend en compte les crédits engagés et les
dépenses réalisées. Toutes ces comparaisons sont importantes, mais, finalement,
elles ne mènent pas très loin.
Ce qui est important, c'est que ces dépenses sont de natures différentes,
qu'elles couvrent de multiples champs : la protection sociale, la formation, la
recherche, les industries agro-alimentaires, la forêt. Pour les autres secteurs
de l'économie, monsieur le ministre, ces dépenses figurent dans des budgets
spécifiques qui ne sont pas comptabilisés à la charge de tel ou tel
secteurprofessionnel.
Ainsi, si l'on identifie les seuls concours publics de nature économique au
sens large, ce sont 12,4 milliards d'euros qui sont affectés à l'agriculture,
c'est-à-dire 45 % des concours publics totaux, dont d'ailleurs près de 81 %
proviennent du budget communautaire.
L'ensemble des concours publics à l'agriculture est toujours source de
controverse et d'ambiguïté, car il agrège des dépenses de natures différentes
qui ne sont pas représentatives du soutien apporté à l'agriculture en tant que
secteur économique.
Dans les autres secteurs de l'économie, je viens de le dire, les dépenses
affectées à d'autres activités importantes figurent dans des budgets
spécifiques et ne sont pas comptabilisées à la charge du secteur.
L'agriculture présente ainsi une spécificité forte dans la répartition des
concours publics qui regroupent des dépenses ne concernant pas la seule
activité agricole productive et qui relèvent, d'une façon générale, de
l'Etat.
Le budget du ministère de l'agriculture, à lui seul, représente aujourd'hui 18
% des concours publics de l'agriculture. Les aides régionales, souvent mal
connues et pourtant importantes dans certains secteurs, s'ajoutent à ce
total.
Monsieur le ministre, ce budget français du ministère de l'agriculture ne sert
donc pas seulement aux agents économiques de l'agriculture, comme pourraient le
croire des observateurs non avertis. Il faut le dire et le faire savoir. Ce
budget influence une sphère bien plus grande.
On peut légitiment prévoir que les choses seront encore différentes lorsque
vous aurez pris toute la dimension de votre appellation de « ministre du
développement rural », examinée lors du conseil des ministres du 20 novembre
dernier ; nous souhaiterions que vous nous en disiez davantage sur ce point.
Ce budget s'est fixé des priorités, en faveur de l'enseignement notamment.
C'est une bonne chose. C'est une manière de préparer l'avenir, avec lequel il
ne faut jamais badiner.
S'agissant de la recherche, j'évoquerai l'INRA. Cet oganisme privilégie
encore une approche globale des problèmes dans un monde où la spécialisation
scientifique est devenue la règle. Dans la mesure où nous sommes les derniers
en Europe à conserver cette attitude, nous avons un devoir d'entraînement et de
restriction au niveau international.
J'ai d'ailleurs constaté avec plaisir que l'organisation interne de l'INRA a
été revue pour que cet organisme fasse partie de ceux qui structureront demain
l'espace mondial de la recherche. C'est un vrai challenge, monsieur le
ministre. Il nous faut le gagner.
Je ne souhaite pas parler du BAPSA car le temps m'est limité ; je veux
simplement attirer votre attention sur les prélèvements sur les réserves des
caisses de MSA dans le cadre de la loi de finances rectificative de 2002 et de
la loi de finances initiale pour 2003.
Il s'agit là de prélèvements qu'on ne fait qu'une fois, monsieur le ministre.
Et ils risquent de priver les caisses de mutualité sociale agricole des leviers
qui leur permettent de mener une action sociale indispensable en milieu
rural.
Je souhaite maintenant attirer votre attention sur quelques faiblesses que
j'ai pu déceler dans ce budget - mais je ne les ai pas toutes vues.
Ce projet de budget devrait être augmenté. Cela dit, nous avons conscience des
impératifs.
Monsieur le ministre, vous avez privilégié la remise à niveau de dotations
insuffisantes en 2002. Il fallait le faire, mais la revalorisation des
dotations pour les contrats territoriaux d'exploitation et pour les mesures
agro-environnementales hors CTE ne permettra pas de faire face aux besoins.
Le doublement des crédits du fonds de financement des contrats territoriaux
d'exploitation, le FFCTE, sera insuffisant pour honorer les CTE déjà signés et
les CTE relevant de la procédure transitoire qui vient d'être arrêtée ainsi que
le nouveau dispositif qui devrait être opérationnel au printemps 2003.
L'augmentation de plus de 50 % de la dotation affectée aux mesures
agro-environnementales hors CTE ne permettra pas de revaloriser de façon
significative la nouvelle prime herbagère qui doit prendre la suite, en 2003,
des mesures qui existaient.
Peut-être nous parlerez-vous des décisions récentes sur les CTE. Le budget qui
est présenté n'en tient pas forcément compte.
Or, monsieur le ministre, les CTE améliorés, revus et corrigés - nous avons eu
ce débat dans cette assemblée en 1999 - sont nécessaires à la gestion de la
politique agricole. C'est la forme moderne et intelligente de relation entre
l'agriculture et le pays. Les agriculteurs sont respectueux des accords donnés.
Un contrat signé est un véritable engagement.
Il fallait boucler votre budget, et vous avez dû engager des redéploiements
lourds de conséquences. Le projet de budget pour 2003 se traduit par des
remises en cause d'actions, suite à des réductions drastiques de crédits qui
risquent de fragiliser l'agriculture.
La baisse de 15,2 % de la dotation aux offices va sans doute se traduire,
compte tenu de la rigidité de l'évolution des dépenses de fonctionnement et des
crédits inscrits dans les contrats de plan, par une baisse d'un tiers des
crédits d'orientation. Une telle situation va presque automatiquement mener à
des révisions drastiques des politiques conduites dans les offices, qui ont
pourtant pour objectif d'adapter la production aux débouchés, de structurer les
filières ou d'encourager les démarches de qualité.
Par ailleurs, de nombreux secteurs traversent des crises qui ont malmené le
revenu des producteurs. La chute de 42 % des crédits consacrés à l'élimination
des déchets d'abattoir et au service public de l'équarissage aura, elle aussi,
des répercussions sur l'ensemble de la filière viande, du producteur au
consommateur.
La fusion des deux lignes « fonds d'allégements des charges des agriculteurs
», dite « FAC », et « agriculteurs en difficulté » du budget du ministère
conjuguée à la suppression de la ligne consacrée à l'allégement des cotisations
sociales sur le BAPSA déstructure totalement ce dispositif. En effet, le
redressement d'exploitations fragilisées exige toujours des mesures spécifiques
s'appuyant sur des aides à la couverture sociale, au redressement et au suivi
qui doivent exister à côté de dispositifs de crises.
Enfin, l'absence de dotation au fonds national de garantie des calamités
agricoles, outre qu'elle intervient à un moment où l'agriculture est confrontée
à des inondations sans précédent, augure mal la mise en oeuvre des orientations
du rapport Babusiaux, qui avait été timidement prévue dans le budget pour 2002.
Elle risque de décaler une nouvelle fois la France par rapport à
l'assurance-récolte, alors que certains Etats membres, notamment l'Espagne,
sont déjà très engagés sur cette voie.
Monsieur le ministre, ce budget comporte de bonnes choses : une augmentation
des crédits consacrés à la sécurité sanitaire, la retraite complémentaire
obligatoire, la création du fonds d'incitation et de communication pour
l'installation en agriculture, le FICIA. J'en ai relevé une moins bonne, dont
je souhaite vous parler : c'est le recul sur la sélection animale. En ce
domaine, j'ai quelques droits de paternité.
(Sourires.)
L'enveloppe consacrée à l'amélioration génétique des animaux est en baisse de
3,5 %. Après cinq années de stagnation de cette enveloppe en francs courants,
cette nouvelle baisse vient aggraver la situation du secteur de la sélection
animale. C'est la pérennité des actions de base qui est en jeu, notamment dans
le secteur allaitant, où les graves crises économiques de ces dernières années
ont provoqué une nouvelle régression de la base de sélection et une baisse du
recours à l'insémination artificielle.
La crise que traverse le secteur animal nécessite, bien sûr, de nombreuses
mesures. Mais il est indispensable que les crédits consacrés à l'amélioration
génétique permettent de maintenir la base de sélection des races allaitantes
pour pouvoir, demain, contribuer à travailler sur la qualité des viandes et se
conformer aux nouvelles attentes des consommateurs.
L'Etat s'était engagé voilà cinq ans à ne plus laisser l'enveloppe consacrées
à la sélection animale descendre au-dessous d'un seuil de 14,5 millions d'euros
actualisé. Or nous sommes, cette année, au-dessous, mais je pense que ce n'est
qu'une situation provisoire, C'est le maintien d'un outil de sélection efficace
qui est en jeu. Il faut, dans ce secteur, préparer l'avenir.
Monsieur le ministre, le projet de loi de finances pour 2003 que nous allons
voter comporte également plusieurs dispositions qui intéressent
particulièrement le secteur agricole, même si elles s'appliquent aussi à tous
les agents économiques : je veux parler de la baisse de l'impôt sur le revenu,
de l'amélioration de la prime pour l'emploi, de l'annualisation du paiement de
la TVA pour certains redevables. Je tiens à saluer ces mesures.
En revanche, malgré divers rapports publiés depuis plusieurs années, le projet
de loi de finances pour 2003 ne comporte aucune disposition fiscale nouvelle
permettant d'introduire des marges de manoeuvre sur la trésorerie des
exploitations ou de faciliter leur transmission. Je tenais à souligner cette
carence. En ce domaine également, adapter la fiscalité, c'est préparer l'avenir
des entreprises.
Après avoir participé, grâce à M. le président Chirac, au Sommet mondial sur
le développement durable à Johannesbourg, je ne m'explique pas l'erreur
d'orientation donnée aux agents économiques concernés, du fait de l'aggravation
de la fiscalité des biocarburants. C'est une incohérence au moment où, par
ailleurs, l'Etat affirme qu'il a des préoccupations en matière d'énergies
renouvelables et d'environnement.
(Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Changeons de sujet, monsieur le ministre.
Je souhaite, profitant de votre présence, parler des accords relatifs au
nouveau régime douanier céréalier européen.
A l'origine des accords, il y a un afflux des céréales en provenance de pays
riverains de la mer Noire, deux années d'importantes récoltes en Russie et en
Ukraine, des importations facilitées par la passivité de la Commission
européenne pendant plus d'un an, un emballement du phénomène au cours de l'été
2002 et des baisses de prix prolongées dans l'Union européenne pour le blé
entre novembre 2001 et novembre 2002. Finalement, le 12 novembre, des accords
relatifs à la refonte du régime douanier céréalier européen sont intervenus
dans le cadre de l'OMC.
Je n'entrerai pas dans les détails, monsieur le ministre ; vous les
connaissez. Je vous demanderai simplement comment s'appliqueront ces accords,
qui sont importants, étant donné que ce sont l'Ukraine et la Russie qui ont
menacé le marché européen, alors que ces pays ne font pas partie de l'OMC. Qui,
au sein du Gouvernement, est concerné ? Est-ce le ministre délégué au commerce
extérieur, qui est chargé de l'OMC en général, ou le ministre de l'agriculture,
qui est l'autorité de tutelle de l'Office national interprofessionnel des
céréales, l'ONIC ? Nous aimerions le savoir.
En terminant, permettez-moi de vous dire combien nous avons apprécié votre
action au cours de ce semestre depuis votre arrivée rue de Varenne, et combien
nous avons été sensibles à la part que vous avez prise à la préparation des
accords franco-allemands entre le Chancelier Schröder et le Président Chirac
sur la politique agricole commune.
Je souhaite que vous disiez à M. le Président de la République qu'au Sénat une
majorité a reçu le message. Nous disposons d'une période de répit que nous
allons mettre à profit pour être prêts après 2006. Nous allons apporter notre
pierre à la réflexion sur une nouvelle politique agricole commune.
Ce sera un grand projet pour l'agriculture française dans l'Europe de demain
élargie, un projet en rupture avec ce qui s'est passé depuis 1992, époque où
l'on s'est trompé d'orientation, un projet qui donne de l'espoir à toutes les
catégories d'agriculteurs, mais peut-être spécialement aux jeunes, en leur
proposant un métier sans tracasserie administrative, avec des perspectives
réelles de revenus et de dignité professionnelle reconnue, un projet dans
lequel le revenu des agriculteurs dépendra plus qu'aujourd'hui du marché et
moins des finances publiques.
Monsieur le ministre, comme nous l'avions fait en 1960 avec le général de
Gaulle, je souhaite que vous soyez, dans les instances européennes, au nom de
la France, l'artisan de cette vaste réforme, de cette vaste entreprise qui
engagera la France et l'Europe pour plusieurs décennies.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'agriculture française et les agriculteurs représentent une dimension
incontournable de notre économie au service non seulement de sa fonction
première, à savoir nourrir la population, mais également de toutes ses
fonctions secondaires en matière d'environnement, d'aménagement de territoire,
de tourisme et de ruralité. Cela mérite d'être souligné en introduction.
Dans le projet de budget de l'agriculture pour 2003 qui nous est présenté, on
tente à la fois de se démarquer des budgets précédents et d'excuser son
impuissance par « le poids de l'héritage », justifié notamment par la montée en
puissance des CTE, que la droite a toujours combattus, et le coût de la
retraite complémentaire au sein du BAPSA, que la droite a pourtant voté.
Ce budget, annoncé en augmentation de 0,9 %, est, en réalité, en régression,
compte tenu de l'inflation. Il n'amorce pas une réponse à la hauteur de la
situation de crise que connaît notre agriculture pour la quasi-totalité de ses
productions. Les cours du porc stagnent autour d'un euro le kilogramme, la
viande bovine ne s'est pas remise de la crise de confiance provoquée par l'ESB
et la fièvre aphteuse. Les céréales sont concurrencées par les importations
abusives de Russie ou d'Ukraine, qui sont passées de 5,5 millions de tonnes à
12,7 millions de tonnes, sans être taxées à 155 % du prix européen
d'intervention, comme cela est possible.
Pourquoi la Commission a-t-elle ainsi bradé la préférence communautaire ? La
crise avicole trouve sa principale cause dans l'importation abusive de viandes
saumurées du Brésil et de Thaïlande.
Les fruits et légumes sont les premières victimes des importations de la
grande distribution et de ses pratiques commerciales illégales, du type «
marges arrière ».
La crise de la viticulture, qui a suscité un récent rapport de la commission
des affaires économiques, vient renforcer ce tableau.
Enfin, si les ovins se vendent bien pour l'instant, le cheptel global se
réduit, les vocations de bergers s'amenuisent et le loup irrite beaucoup dans
le Mercantour.
Monsieur le ministre, derrrière ces crises, il y a des femmes, des hommes qui
se découragent, qui, parfois même, mettent fin à leurs jours. Les chiffres sont
accablants à ce titre. Harcelés par les contrôles tatillons, la pression des
banques, les cours insuffisants et le poids de l'opinion publique à leur égard,
nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, quittent la profession bien avant l'âge de
la retraite.
A ce titre, le dispositif « Agriculteurs en difficulté », dit « Agridif », qui
est globalisé avec le fonds d'allégement des charges, ne répond pas à la
situation, malgré les 10 millions d'euros votés à l'Assemblée nationale. Depuis
des années, les critères d'attribution se sont durcis pour les agriculteurs en
difficulté, ce qui explique leur sous-utilisation. Il est urgent d'inverser
tout cela, monsieur le ministre.
La réduction de 15 % des crédits destinés aux offices est également
inquiétante et restreint les possibilités de ceux-ci en période de crise. J'ose
espérer que le rapport promis à l'Assemblée nationale préconisera l'abondement
de fonds aux offices.
La prime herbagère agro-environnementale revalorisée de 70 % est sans doute
la mesure la plus positive de votre budget. Encore faudrait-il que nous en
connaissions les critères d'attribution. Seront-ils sociaux, environnementaux
ou simplement quantitatifs ?
Enfin, les aides à l'équarrissage sont réduites de 205 millions d'euros, ce
qui risque de se répercuter une fois de plus sur la profession. A ce sujet,
monsieur le ministre, je voudrais vous demander où en est le Gouvernement sur
la question de l'élimination des farines animales, quelles solutions techniques
il préconise et où.
A propos de l'installation des jeunes, le rapport budgétaire montre qu'un
jeune sur deux s'installe hors dotation aux jeunes agriculteurs. Ils sont plus
de 5 000 chaque année à s'engager dans la profession sans aide et s'en trouvent
particulièrement fragilisés. J'ai d'ailleurs entendu des échos favorables à ma
droite, au sein de la commission des affaires économiques, sur ce sujet.
Des mesures d'aides concrètes et simples en leur faveur seraient les
bienvenues, mesures d'accompagnement technique, financières et sociales. Ce
n'est donc pas le moment de baisser de 8,5 millions d'euros l'enveloppe DJA,
même si vous dotez le fonds d'incitation et de communication pour
l'installation en agriculture de 10 millions d'euros.
S'agissant des CTE, vous avez choisi, monsieur le ministre, de les suspendre
temporairement dès le 6 août 2002, et cela sans concertation avec la profession
agricole. A ce propos, je voudrais citer ici la délibération en date du 14
novembre dernier de la chambre d'agriculture des Côtes-d'Armor, qui constate «
que ces mesures prises unilatéralement par l'Etat vont conduire à réduire très
fortement le montant des aides initialement prévues dans chaque contrat afin de
respecter une moyenne départementale de 27 000 euros ».
Elle s'étonne encore « que ces mesures aient été prises sans aucune
concertation avec la profession agricole ». Elle déplore ensuite « que ces
décisions arrivent à un moment où la dynamique en faveur des CTE commençait à
porter ses fruits ». Elle demande, enfin, « que le futur dispositif CTE
devienne rapidement opérationnel et soit suffisamment incitatif financièrement
». Ce sont les agriculteurs des Côtes-d'Armor qui le disent, monsieur le
ministre, il faut les entendre !
Les CTE étaient, dans le cadre de la loi d'orientation agricole, la LOA, un
outil au service de la multifonctionnalité, de l'environnement, de la maîtrise
des productions et de la diversité des agriculteurs de notre pays. Il est à
craindre que ces objectifs ne soient dévoyés et que le CTE ne devienne un outil
de modélisation de l'agriculture telle que vous la concevez. J'ai encore en
mémoire les débats de la LOA, lorsque la majorité sénatoriale avait
intentionnellement transformé nos exploitations agricoles en entreprises.
Il est regrettable qu'une véritable concertation n'ait pas eu lieu avec toute
la profession. Nous attendons avec impatience que vous dévoiliez vos intentions
précises à ce sujet, monsieur le ministre.
Ce budget s'inscrit dans un contexte européen lourd de conséquences et
d'inquiétudes pour le monde agricole. Je veux évidemment évoquer la révision à
mi-parcours de la PAC à la suite des accords de Berlin de 1999, révision à
laquelle vous avez fait front, monsieur le ministre, et je tiens ici à saluer
publiquement votre attitude...
M. Hervé Gaymard,
ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires
rurales.
Merci !
M. Gérard Le Cam.
... car, en repoussant l'échéance, vous avez servi les intérêts de la France.
Désormais, il faudra aller plus loin et réorienter cette PAC dans l'intérêt de
tous.
S'agissant, brièvement, de la forêt, nous ne pouvons accepter la suppression
de cinq cents emplois à l'ONF, car cela ne contribuera pas à préparer
correctement l'avenir de la filière bois.
Par ailleurs, la Commission européenne propose de « réformer la réforme » de
1999 sans, au préalable, en avoir établi un bilan à mi-parcours. Il s'agit, en
fait, de répondre toujours mieux aux critères ultralibéraux de l'OMC, des
Etats-Unis et du groupe de Cairns, et d'engager l'agriculture française comme
monnaie de négociation future. Cela est inadmissible au moment où les
Etats-Unis relancent la course aux subventions avec le
Farm Bill 2002.
L'Europe doit, au contraire, assurer son indépendance, sa souveraineté
alimentaire et appliquer plus que jamais la préférence communautaire.
Le découplage des aides envisagé par la Commission est pervers à double titre.
D'une part, il assure aux exploitations une rente calculée par référence à la
moyenne des primes perçues au cours des trois dernières années, ce qui crée une
distorsion importante entre les exploitations selon la qualité des sols, la
situtation géographique et le type de production. C'est une mesure qui
fragilise les plus faibles. D'autre part, cette référence n'existant pas pour
les dix pays qui vont faire leur entrée dans l'Union européenne, ceux-ci
devront accepter ce que l'on voudra bien leur accorder.
L'écoconditionnalité, sur laquelle nous sommes tous d'accord, ne doit
cependant pas servir à la fois à satisfaire l'opinion publique et à cacher une
politique agricole d'abord orientée au profit de l'agro-industrie exportatrice
européenne.
Les plafonnements et la baisse des aides programmées ne peuvent que porter
préjudice aux exploitations de dimension familiale et favoriser l'intensif.
Autre aspect négatif : le déficit en protéines européen lié à
l'encéphalopathie spongiforme bovine et à la suppression des farines animales
dans l'alimentation n'est pas comblé par une politique volontaire de
développement des cultures d'oléagineux et de protéagineux, cultures qui ont,
par ailleurs, l'énorme avantage d'être économes en engrais chimiques
puisqu'elles fixent l'azote de l'air, les 36 millions de tonnes de graines
oléagineuses et protéagineuses importées correspondant à 10 millions d'hectares
de cultures en Europe.
S'il est vrai que la politique des aides, qui représente plus de 50 % du
revenu agricole, rend artificielle l'agriculture, toute modification de
celle-ci doit être subordonnée à une réelle et pérenne politique de prix
stables et rémunérateurs. L'action du 20 novembre dernier, engagée par la FNSEA
et les jeunes agriculteurs, a été largement soutenue par la Coordination
rurale, le MODEF, l'UFC-Que Choisir et la CGT. Je crois, monsieur le ministre,
que vos promesses de renforcement des contrôles et des sanctions ne suffiront
pas à enrayer les pratiques des grandes et moyennes surfaces, même si elles
sont nécessaires. Il est urgent d'aller plus loin et de durcir la loi relative
aux nouvelles régulations économiques, voire de surtaxer les profits
exorbitants de la grande distribution si celle-ci n'obtempère pas.
Enfin, l'élargissement à vingt-cinq, auquel nous sommes favorables, pour se
partager la manne initialement prévue pour quinze ne se fera pas sans lourdes
conséquences tant pour les Etats membres actuels que pour les Etats entrant
dans l'Europe.
Le jeu de massacre prévisible pour les populations agricoles et leur
reconversion n'a pas été mesuré par la Commission européenne.
Pour me résumer, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois qu'il est
indispensable que la France propose une PAC dans laquelle il faut absolument
faire jouer la préférence communautaire, prendre les dispositions de maîtrise
de la production dans les secteurs où la France est sensiblement excédentaire,
orienter les primes en faveur des secteurs les plus nécessiteux - zones de
production difficiles, zones pauvres - et, enfin, favoriser l'installation de
tous les jeunes agriculteurs, DJA et hors DJA, afin de maintenir un véritable
tissu rural.
Votre budget n'est pas encore orienté vers ces directions, monsieur le
ministre. Le débat dans cet hémicycle sur la loi d'orientation agricole a
montré le gouffre qui nous séparait de la droite en matière agricole, même si,
parfois, des propositions de bon sens peuvent être communes. Aussi, nous
voterons contre ce budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC
et du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un
siècle, le poète Milosz a écrit : « La chute d'une seule feuille emplit
d'effroi le corps muet de la forêt ».
Voilà trois ans, les ouragans Lothar et Martin nous ont coûté non pas une
feuille, mais dix millions d'arbres : chute des arbres, suivie de la chute des
cours du bois, la crise financière redoublant l'effet de la météorologie !
Monsieur le ministre, le nom de votre ministère est fort long, pourtant la
forêt n'y figure pas.
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Eh oui !
M. Yann Gaillard.
Bien plus, vous aviez une direction de l'espace rural et de la forêt : elle
disparaît dans une « méga-fusion » administrative.
Est-ce à dire que vous vous désintéressez des hectares de forêt - 25 % du
territoire national - et des 500 000 emplois qui s'efforcent d'y perdurer ?
Non, sans doute, bien que vous soyez requis par l'agriculture, l'alimentation,
la pêche, l'Europe, et que vous déployiez vos talents, qui sont grands, de
Bruxelles à Varsovie ! Mais nous, nous craignons de ne pas attirer assez
l'attention des pouvoirs publics. Les forestiers, éleveurs d'arbres, scieurs de
long ou fendeurs de merrains, n'ont pas l'habitude de barrer les routes,
fussent-elles forestières ! Il est vrai que cela ne gênerait pas grand monde.
(Sourires.)
A sa forêt, la France a envoyé trois messages : le plan Jospin, au lendemain
des ouragans, en janvier 2000 ; la loi d'orientation forestière du 9 juillet
2001 ; le contrat de plan Etat-ONF du 22 juillet 2001. C'est aux promesses
ainsi formulées qu'il faut jauger votre budget, monsieur le ministre.
Faisons masse, pour simplifier, de cette loi de finances et des deux lois de
finances rectificatives d'été et d'hiver.
D'abord, le plan de janvier 2000 compte, pour première mesure, la
reconstitution des forêts sur dix ans. On s'y retrouve à peu près, compte tenu
des crédits européens. Ce qui manque, ce sont les crédits de travaux forestiers
ordinaires, confondus avec les travaux de reconstitution, à l'intérieur du
chapitre 61-45. Sur les 115 millions d'euros disponibles dans le budget pour
2003, il ne reste guère que 13 millions pour la conversion, le reboisement, la
voirie...
Il nous faudrait, et M. Plauche-Gillon est d'accord avec moi, quelque 40
millions d'euros dans le collectif budgétaire pour faire face aux dossiers qui
s'accumulent, dans la forêt publique et, surtout, dans la forêt privée, pour
ces tâches quotidiennes.
Il est une deuxième mesure dans cette annonce de janvier 2000: l'aide aux
communes sinistrées, ainsi qu'à celles qui, par solidarité, avaient différé la
mise de leurs coupes sur le marché ou stocké leur bois. Vous conviendrez que ce
problème intéresse tout particulièrement le président de la fédération des
communes forestières que je suis. Les aides budgétaires du ministère de
l'intérieur ont, jusqu'à présent, bien fonctionné. Elles devraient être
prolongées à hauteur de 11 millions d'euros : il faudra faire avec !
En revanche, ce qui manque, ce sur quoi nous n'avons aucune garantie, c'est la
prolongation des prêts bonifiés. Il paraît qu'un arbitrage se prépare. Nous
sommes inquiets.
Vint ensuite la loi d'orientation. Ce texte enjoint à la gestion forestière
d'être durable et multifonctionnelle. Durable, elle l'était déjà au temps de La
Fontaine. Mais il faut désormais que cette durabilité soit écocertifiée ! Avec
nos collègues de la forêt privée, nous nous efforçons d'imposer le label
européen PEFC -
Pan European Forest Certification
- face au très
anglo-saxon label FSC, ou
Forest Stewardship Council.
Aidez-nous, monsieur le ministre !
Multifonctionnelle, la forêt ? Ce jargon recouvre l'accueil et la protection
de la nature. J'ai scruté le budget de l'environnement, cotuteur de l'ONF, et
j'y ai trouvé 0,7 million d'euros : une misère...
Il y a, en outre, dans ce troisième de nos grands textes forestiers, après
ceux de Colbert et de Charles X, trois articles qui nous intéressent fort.
Je passe sur le reversement d'un pourcentage de nos cotisations en valeur «
bois », problème qui, sur le plan du principe, semble réglé. Grand merci !
Nous attendons désormais que le Gouvernement prenne les décrets d'application
de l'article 9, relatif au plan d'épargne forestière, et de l'article 26,
relatif au financement de l'interprofession.
J'en viens au troisième message : le contrat de plan Etat-ONF. Les 35 millions
d'euros du collectif d'été sont bien insuffisants pour couvrir le déficit de
cette année, qui frise et dépassera peut-être les 90 millions d'euros.
L'Office, notre partenaire, est fragilisé, comme tout ce qui mue. Nous ne
doutons pas que le collectif lui accorde une rallonge. Sera-t-elle suffisante
?
Nous nous réjouissons, certes, que la promesse de sanctuariser le versement
compensateur soit tenue, mais nous voudrions éviter de déstabiliser davantage
l'ONF en segmentant le domaine forestier de l'Etat. Cette décentralisation-là
peut attendre, et tous nos amis de la filière bois sont de cet avis. Nous
l'avons dit il y a quelques jours à M. Devedjian, qui recevait les
représentants de la fédération des communes forestières. Dites-lui à votre
tour, monsieur le ministre, que la forêt est une longue patience.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et
une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour
2003 concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche
et des affaires rurales, et le budget annexe des prestations sociales
agricoles.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parce
qu'elle structure la plupart de nos paysages, parce qu'elle occupe près de 900
000 actifs et tout simplement parce qu'elle nourrit les hommes, l'agriculture
est bien sûr un secteur majeur de notre pays.
Par les crises qu'elle traverse, elle mobilise notre attention tant au niveau
national que sur la scène internationale.
Après une phase de mutation encouragée par la PAC qui avait tendu à adapter le
marché pour répondre à la surproduction, l'agriculture connaît aujourd'hui de
nouvelles et graves difficultés touchant l'ensemble de ses filières.
Une crise de confiance sur le plan qualitatif et sanitaire, un accroissement
en nombre et en intensité des calamités agricoles, une baisse continue des prix
sur le marché, une diminution inéluctable du nombre d'agriculteurs, des revenus
dégradés malgré des gains continus de productivité : l'agriculture française -
et pas seulement elle, d'ailleurs - souffre de maux qui plongent de nombreux
exploitants dans la détresse sociale et dans l'incertitude.
Tous ces problèmes, qu'ils soient conjoncturels ou structurels, nous invitent
à demeurer attentifs aux décisions politiques et budgétaires qui seront
prises.
Dans ce contexte sensible - c'est le moins que l'on puisse dire -, quels sont
vos choix, monsieur le ministre, dans ce projet de loi de finances pour 2003
?
S'agissant de l'ensemble du budget agricole, si nous nous référons à la loi de
finances rectificative, nous constatons une baisse de 3,8 %. Visiblement, le
secteur agricole est loin d'être prioritaire. C'est regrettable et grave.
Vous considérez la sécurité sanitaire comme une priorité. Pourtant, vous
opérez une restriction brutale des moyens du service public de l'équarrissage.
Peut-être nous apporterez-vous des explications pour justifier le désengagement
massif de l'Etat dans le domaine de la collecte et de l'élimination des
coproduits animaux et des farines animales. Ce sujet est sensible : nous savons
que le moindre faux pas peut avoir de graves répercussions sur la filière
bovine.
Les intempéries détériorent régulièrement des centaines d'exploitations et
remettent en cause, parfois de manière dramatique, toute une vie
d'investissements et de sacrifices. Le Fonds national de garantie des calamités
agricoles n'est tout simplement pas doté, contrairement au principe de parité
posé par l'article 3 de la loi de 1964. Je n'ose imaginer, monsieur le
ministre, que vous envisagez que la météo sera suffisamment clémente pour
laisser ce fonds à l'abandon.
La diminution du nombre des exploitations et son corollaire, la baisse du
nombre d'actifs agricoles, suscitent également de très vives inquiétudes.
L'absence de perspectives suffisamment rémunératrices décourage les candidats à
l'installation. L'intervention de l'Etat est donc une nécessité. Le présent
budget, certes - il faut le reconnaître -, renforce les crédits d'installation.
Ils s'élèvent à 68 millions d'euros et permettent d'aider les jeunes
agriculteurs qui s'installent et de promouvoir les opérations locales à travers
le FICIA.
En revanche, la suppression de la ligne budgétaire relative aux agriculteurs
en difficulté dans le projet de budget initial n'est pas de nature à rassurer
ceux qui sont déjà installés, même si la bienveillance des députés, lors de
l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2003, a permis
l'inscription de 10 millions d'euros.
M. Gérard Le Cam.
C'est vrai !
M. Jean-Michel Baylet.
Mes chers collègues, la dégradation des prix agricoles et des revenus me
conduit à aborder le volet économique. Naturellement, sur ce point, le
croisement de plusieurs dispositifs budgétaires et la mise en place de
politiques d'orientation, sur le plan tant national qu'européen, conditionnent
la réussite.
Actuellement, nous le savons, l'agriculture européenne traverse une crise
parce qu'elle est soumise à une forte concurrence ainsi qu'à de nouvelles
exigences qualitatives et environnementales de la part des consommateurs.
Face à l'inexorable libéralisation des échanges sous la pression des
négociations multilatérales et en raison de la perspective de l'élargissement
de l'Union, le précédent gouvernement avait choisi de favoriser une approche
multifonctionnelle de l'agriculture.
Le passage d'une agriculture essentiellement productiviste à une agriculture
multifonctionnelle est un fait acquis, de surcroît cautionné par le deuxième
pilier de la PAC.
Dans ce cadre, nous avions adopté les contrats territoriaux d'exploitation.
Malgré des débuts difficiles, le dispositif commençait à connaître une montée
en puissance que vous avez stoppée en décidant leur abandon au profit des
contrats d'agriculture durable, les CAD. Compte tenu de cette nouvelle
décision, quel est l'avenir des CTE en cours, monsieur le ministre ? Vous
souhaitez créer un dispositif contractuel plus efficace et plus équitable, et
nous y sommes tous favorables ; mais selon quelles modalités ? Allez-vous
favoriser le volet économique par rapport au volet territorial ? Il y a
urgence, et les agriculteurs - vous vous en doutez - attendent autre chose
qu'un changement de dénomination.
S'agissant toujours du soutien économique, la réduction drastique de 15,2 %
des crédits destinés aux offices mécontente fortement la profession.
L'Assemblée nationale s'est d'ailleurs émue - timidement, compte tenu de
l'amendement qu'elle a adopté - de ce choix budgétaire. Par leurs actions
structurantes et par leurs démarches de qualité, nous savons que les offices
sont un outil de soutien et de dynamisation des filières. Ce sont également des
instruments de régulation et d'intervention en cas de crise. Compte tenu de la
conjoncture, leur remise en cause, même partielle, est particulièrement
décevante.
Enfin, mon appréciation sur ce budget ne serait pas complète si je n'abordais
pas, rapidement bien sûr, les difficultés qui touchent les non-salariés
agricoles. Au sein du BAPSA, je souhaite évoquer exclusivement les retraites
agricoles.
L'aboutissement, sous la précédente législature, du plan de revalorisation des
retraites a représenté un formidable effort qu'il convient encore de saluer et
qui a répondu - au moins dans un premier temps - à l'attente de très nombreux
agriculteurs. La richesse de notre agriculture doit en effet beaucoup aux
actifs agricoles d'hier, et c'est un soulagement que de voir leur sort enfin
amélioré. Toutefois, le projet de budget pour 2003 ignore, de façon tout à fait
anormale, la mensualisation des retraites, les minorations pour les
monopensionnés en cas de carrière incomplète ou encore l'instauration d'un
forfait plutôt que d'un taux pour la majoration attribuée aux pensionnés ayant
élevé trois enfants ou plus.
L'inscription de 28 millions d'euros en faveur de la retraite complémentaire
dont le dispositif a été adopté au début de l'année installe un nouveau régime.
Il faudra cependant que l'Etat s'engage davantage dans les prochaines années,
d'une part, pour minorer la cotisation des agriculteurs et, d'autre part, pour
étendre le dispositif aux conjoints et aux aides familiaux.
Vous prenez, monsieur le ministre, peu d'engagements sur ce sujet. Nous
connaissons les conditions de cotisation des premiers retraités agricoles, mais
n'oublions pas non plus les efforts qu'ils ont fournis après la Première Guerre
mondiale pour donner aux fruits de nos terroirs des labels d'excellence que nul
ne conteste.
Derrière la qualité et la diversité de notre agriculture, ce sont des milliers
d'hommes et de femmes qui travaillent pour des « retours » qui ne sont pas
toujours à la hauteur de leur investissement et de leurs efforts personnels.
A ceux d'hier, la solidarité nationale doit apporter des conditions de vie
décentes. A ceux d'aujourd'hui, les pouvoirs publics doivent offrir des
garanties en termes de revenus et de pérennité du métier. Les agriculteurs sont
en droit de bénéficier de prix rémunérateurs en contrepartie des efforts qu'ils
consentent en matière de productivité, de développement rural et de protection
de l'environnement. Pour ma part, c'est à la lumière de ces préoccupations que
je juge les politiques agricoles.
C'est pourquoi, n'étant pas convaincu par le présent projet de budget, je n'y
apporterai pas mon soutien.
M. Jean-Marc Pastor.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Emorine.
M. Jean-Paul Emorine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
débattons du budget de l'agriculture à un moment où le contexte national et
international est particulièrement difficile.
Sur le plan national, la marge de manoeuvre budgétaire est limitée, puisque le
Gouvernement souhaite, de manière responsable, maîtriser la dépense publique et
limiter l'endettement de notre pays.
Cette marge est d'autant plus étroite, monsieur le ministre, que vos
prédécesseurs vous ont laissé le soin de boucler de nombreux dossiers pour
lesquels ils n'avaient prévu aucun financement, en dépit de leurs déclarations
de bonnes intentions.
Pour la seule agriculture, je rappellerai pour mémoire le grave déséquilibre
du BAPSA, l'insuffisance des crédits des CTE et le blocage d'une partie des
fonds européens à la suite de la modulation des aides.
Sur le plan international, les propositions de la Commission européenne sur la
PAC, le 10 juillet dernier, ont beaucoup inquiété les agriculteurs. Nous vous
savons gré, monsieur le ministre, de votre détermination à défendre une
politique agricole européenne forte et solidaire, en respectant le calendrier
arrêté à Berlin en 1999.
Malgré cette situation globalement fragile, le budget du ministère de
l'agriculture est en légère augmentation - plus 0,9 % par rapport à 2002 - et
les priorités sont claires : la qualité et la sécurité alimentaire,
l'installation, la préservation de la protection sociale agricole, la
multifonctionnalité et la compétitivité des agriculteurs.
Dans ce cadre général, je souhaiterais m'attarder sur un secteur spécifique,
celui de l'élevage, dont la situation est préoccupante.
La France détient une place de premier plan dans ce domaine : elle détient le
premier troupeau bovin de l'Union européenne et, au niveau mondial, elle
appartient au groupe des trois ou quatre premiers pays producteurs de chacun
des types de cheptel : bovin, ovin, porcin ou de volaille. Pour autant, notre
élevage est nettement moins florissant que ces résultats ne le laissent
supposer.
Je ne citerai qu'un chiffre qui traduit à lui seul la gravité de la situation
: il y avait 504 000 éleveurs en France en 1988 et 264 000 en 2000, soit une
diminution de près de la moitié en douze ans.
M. Alain Vasselle.
C'est une véritable hémorragie !
M. Jean-Paul Emorine.
Le Sénat a eu l'occasion d'étudier de près ce sujet en mettant en place une
mission d'information que j'ai eu l'honneur de présider et dont le rapporteur
était notre collègue Gérard Bailly.
Le rapport de cette mission, rendu public le 7 novembre dernier, a d'ailleurs
été adopté à l'unanimité par la commission des affaires économiques.
Nos travaux nous ont permis de constater, monsieur le ministre, la
fragilisation structurelle de la filière et des éleveurs.
L'élevage constitue un enjeu économique et territorial déterminant pour la
cohésion sociale et spatiale de notre pays. Nos collègues maires des communes
rurales nous ont fait part de leurs préoccupations.
C'est pourquoi je me permettrai de rappeler plusieurs propositions que la
mission d'information a formulées afin de préserver l'avenir du secteur de
l'élevage et de dynamiser toujours mieux notre agriculture.
Ces propositions s'organisent autour de trois axes majeurs : des dispositions
spécifiques pour l'élevage herbager, l'assouplissement des formalités
administratives et l'amélioration des conditions de transformation et de
commercialisation.
Une des principales mesures suggérées par notre mission est l'instauration
d'une prime destinée spécifiquement à l'élevage lié à l'herbe, indispensable
dans les zones menacées de déprise. Cette aide, qui pourrait se baser sur la
prime herbagère agri-environnementale que vous avez instituée, devrait prendre
en compte le nombre d'unités de travail par exploitation et être financée par
le budget communautaire.
De plus, si le dispositif d'intervention publique a récemment disparu,
conformément à la dernière réforme de l'OCM viande bovine, on peut se demander
quels instruments permettront de gérer une crise de grande ampleur et s'il
n'est pas plus raisonnable d'envisager le rétablissement de l'intervention
publique.
Troisièmement, la maîtrise de la production bovine est toujours d'actualité, à
condition qu'elle ne conduise pas à la réduction de l'espace agricole consacré
à cet élevage et que soient maintenus les quotas laitiers.
Pour la production ovine, il serait utile de continuer d'encourager les
démarches de qualité et de faire très attention aux importations des pays comme
l'Australie et la Nouvelle-Zélande. En ce qui concerne la simplification
administrative, vous avez récemment installé, monsieur le ministre, le comité
de simplification. Permettez-nous de fixer un objectif : réduire le nombre de
déclarations exigées des éleveurs.
Pour l'atteindre, trois propositions méritent d'être étudiées. Premièrement,
on peut envisager de faire des directions départementales de l'agriculture, les
DDA, les interlocuteurs uniques des éleveurs. Pour chaque exploitation, les DDA
ont une déclaration PAC et les établissements départementaux de l'élevage, les
EDE, sont informés du nombre d'animaux et de chargement à l'hectare. Les deux
services ayant donc une connaissance permanente de la situation des
exploitations, l'éleveur n'aurait à faire une déclaration qu'en cas d'évolution
de son exploitation.
Il faut deuxièmement, accélérer la mise en place du registre parcellaire
graphique et, troisièmement, poursuivre la simplification des CTE - mais vous
vous êtes engagés - dans d'autres contrats.
Le troisième axe de propositions de notre mission d'information que je
retiendrai ici est l'amélioration des conditions de transformation et de
commercialisation des produits de l'élevage.
Sur ce plan, nous devons veiller à renforcer l'organisation économique de la
filière viande et à lui donner les moyens de peser dans les négociations
commerciales, notamment avec la grande distribution.
A ce titre, nous espérons que le récent accord entre les agriculteurs et les
distributeurs portera, sous l'égide du Gouvernement, ses fruits grâce à
l'application et au renforcement des dispositions de la loi relative aux
nouvelles régulations économiques. De façon complémentaire, il serait utile de
mettre en place un observatoire des marges.
Pareillement, le code des marchés publics devrait être complété pour retenir
comme critère d'achat des collectivités la race des animaux et la proximité des
fournisseurs.
Pour terminer, je souhaite aborder une question qui ne concerne non pas
uniquement les éleveurs mais tous les agriculteurs : il s'agit de la
mensualisation des retraites de base, sachant que vous avez tout fait, monsieur
le ministre, pour trouver les financements nécessaires à la mise en place de la
retraite complémentaire, qui sera mensualisée.
Cette mesure, très attendue des agriculteurs, est aussi une mesure d'équité
par rapport aux autres catégories socio-professionnelles. Pour les
agriculteurs, qui ont beaucoup participé à l'évolution de notre société, ce ne
serait que justice.
Dans le cadre de ce débat, j'ai choisi d'évoquer principalement les
difficultés que rencontrent les éleveurs, non seulement en raison de
l'actualité des travaux de notre mission d'information et de la gravité de la
crise qu'ils ont traversée ces dernières années, mais aussi en raison du rôle
particulier que tient l'élevage dans les zones rurales et du fort impact de
cette activité pour l'avenir économique de régions entières et, bien entendu,
des communes rurales qui les composent.
Si je n'ai pas décliné tous les aspects du budget de l'agriculture en me
reposant sur les travaux du rapporteur spécial, M. Bourdin, je n'en formulerai
pas moins, monsieur le ministre, une appréciation globalement positive au nom
du groupe des Républicains et Indépendants.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention, au nom du groupe socialiste, portera uniquement sur la partie
pêche du présent projet de loi de finances.
Ce débat intervient à un moment clé pour ce secteur de notre économie. En
effet, après le conseil pêche du 27 novembre, celui qui se tiendra le 16
décembre sera déterminant, la réforme de la politique commune des pêches devant
être en place à la fin de cette année.
Avant d'en revenir au contexte communautaire, j'évoquerai plusieurs aspects de
ce budget, à partir de vos propositions, monsieur le ministre, et à travers les
propos tenus par M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques.
Vos premières déclarations, au mois de juillet dernier, devant le conseil
national des pêches maritimes sur la politique à courte vue du gouvernement
précédent ont été gommées par la réalité des faits.
Depuis le mois de septembre dernier, gels et reports constituent l'essentiel
de la politique de l'actuel gouvernement dans le domaine de la pêche. Pendant
les mois précédents, nous n'avions noté ni gel ni report...
Comme M. le rapporteur l'a souligné, ce budget est modeste : 26 millions
d'euros pour la gestion des pêches maritimes et de l'aquaculture, soit une
baisse de 2,2 % par rapport à 2002.
L'an passé, dans l'introduction de son rapport, notre collègue Alain Gérard
écrivait ceci : « L'avenir n'est pas dans une politique nationale à courte vue,
mais passe par l'accompagnement de la pêche française vers une démarche de
qualité pour valoriser ses produits à l'heure où la quantité de ressources est
contingentée pour permettre son développement. »
Ces propos sont en totale contradiction avec ce qui me paraît être le point
extrêmement négatif de ce projet de loi de finances, à savoir la baisse de
15,88 % des crédits consacrés à l'OFIMER, l'Office interprofessionnel des
produits de la mer et de l'aquaculture, qui passent ainsi de 13,1 millions
d'euros à 11 millions d'euros.
Je veux rappeler ici, comme l'a fait le député Aimé Kergueris, rapporteur à
l'Assemblée nationale et membre de votre majorité, le rôle majeur donné à cet
office dans le dispositif de la loi d'orientation pour la pêche, présenté par
l'un de vos prédécesseurs, notre collègue Louis Le Pensec.
L'Office interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture, qui
s'est subsitué au FIOM, le fonds d'intervention et d'organisation des marchés,
à compte de janvier 1999, a été une innovation essentielle, car il permet une
vraie politique de filière et constitue une vraie structure
interprofessionnelle pour la pêche maritime et les cultures marines.
Nous sommes attachés à ce véritable office des produits de la mer, qui a su
jouer un rôle décisif dans deux crises récentes, le naufrage de l'
Erika
et les tempêtes de 1999, en assurant la communication et le versement
d'aides.
Des actions de promotion des produits de la pêche et de l'aquaculture sont
indispensables, et c'est le rôle de l'OFIMER. Donnez-lui les moyens de le jouer
!
On nous dit que des ajustements sont possibles en cours d'année, mais quel
secteur servira alors de variable d'ajustement ?
Je souhaite vous interroger sur deux autres sujets qui, je le sais, sont très
complexes.
Je veux d'abord parler du délicat problème du recrutement des jeunes dans ce
secteur. Quelles actions envisagez-vous d'entreprendre pour tenter de mettre
fin à la pénurie ?
Ensuite, la qualité des eaux, et notamment la prolifération des algues vertes
sur nos côtes, pose un gros problème pour le secteur conchylicole et
ostréicole. Avez-vous des projets communs avec votre collègue chargée de
l'écologie ? Pour assurer un développement durable, il est essentiel de trouver
des solutions.
Au-delà des chiffres, des difficultés, des dures négociations à Bruxelles, il
ne faut pas oublier qu'il y a des hommes et des femmes qui vivent de cette
activité et qu'il y a des territoires dont l'avenir est en jeu.
C'est, bien sûr, le cas de la Bretagne. Je veux rappeler ici qu'elle est la
première région halieutique de France, avec près de 50 % de la production, une
flotte de 1 700 navires - soit 40 % du total - des effectifs à la pêche de 16
905 sur les 619 825 que compte la France, mais une flotte vieillissante, 91 %
des bateaux bretons ayant plus de dix ans. Il s'agit des chiffres de référence
de l'année 2000.
Les premières propositions de la Commission sont dramatiques pour la France,
pour ses pêcheurs, et elles représentent un véritable sinistre social pour nos
côtes bretonnes.
La gestion durable de la ressource est la préoccupation de tous, des pêcheurs
en tout premier lieu.
Ils ont fait la preuve de leur volonté, par les efforts qu'ils font depuis des
années, dans les domaines technique et technologique, grâce à leur savoir-faire
et à leur expérience. La réussite des expériences menées sur certains stocks,
comme la coquille Saint-Jacques ou la lotte, doit d'ailleurs être prise en
compte.
Il faut également pouvoir contrôler efficacement les conclusions des
scientifiques par des critères clairs d'évaluation, car ceux-ci sont souvent en
désaccord avec les professionnels. Il faut aussi appuyer fortement les
propositions de ces mêmes professionnels, qui souhaitent dépasser le fatalisme
ambiant. Je citerai l'excellent document du comité régional des pêches de
Bretagne, dans lequel les pêcheurs montrent leur volonté de prendre en main
leur avenir.
Mettre le pêcheur au coeur du dispositif est indispensable.
Les contrats territoriaux d'exploitation de la pêche, à l'image des CTE en
agriculture, sont un des éléments qui peuvent contribuer à la préservation de
la ressource. Ils peuvent, en effet, inclure des notions de sélectivité des
engins de pêche, des propositions sur les conditions de travail et bien
d'autres aspects.
Je terminerai sur les négociations en cours dans le cadre de la politique
commune de la pêche qui sont déterminantes pour l'avenir.
Dans cette négociation internationale incertaine et à haut risque, vous
représentez la France et ses pêcheurs, monsieur le ministre. Nous sommes
derrière vous. Il sera temps, une fois la négociation achevée, de faire le
bilan sur la politique de gestion de la ressource par le système des totaux
admissibles de captures, les TAC, et des quotas, ainsi que sur le refus de la
casse des bateaux, qui, à travers les programmes d'orientation pluriannuels
successifs, a montré son inefficacité.
La politique « à la hache » du commissaire Fischler pourrait avoir des
conséquences dramatiques sur la sécurité en mer et les conditions de travail en
empêchant tout renouvellement de navire.
Il y avait d'autres voies pour conduire la réforme de la politique commune des
pêches, l'orientation vers des repos biologiques étant l'une d'entre elles.
En conclusion, nous vous soutiendrons donc dans la défense de la France à
Bruxelles, mais nous ne pouvons voter le projet de budget relatif à la pêche au
vu des éléments d'insatisfaction que j'ai soulignés au cours de mon
intervention.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du
groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à Mme Brigitte Luypaert.
Mme Brigitte Luypaert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le BAPSA
comporte, pour la première fois, une ligne budgétaire nouvelle dotée de 28
millions d'euros, représentant la participation financière de l'Etat au
financement de la retraite complémentaire obligatoire des exploitants agricoles
prévue par la loi du 4 mars 2002.
Compte tenu du considérable déséquilibre démographique de la profession
agricole, sans cette aide financière de l'Etat, le nouveau régime ne pourrait
pas être équilibré. On ne peut que se féliciter que les engagements
antérieurement pris soient tenus et que la solidarité nationale s'exprime en
faveur des exploitants agricoles.
Pour autant, malgré cet indéniable progrès, qui s'accompagne de la
revalorisation des plus faibles retraites et qui permettra de porter le minimum
des pensions pour une carrière complète au niveau du minimum vieillesse, le
régime d'assurance vieillesse des agriculteurs mériterait de connaître
certaines avancées afin d'aboutir à une véritable égalité sociale en leur
faveur.
S'agissant de la retraite de base, le minimum vieillesse ne constitue pas,
selon moi, une fin en soi, et il conviendra de réaliser un effort
supplémentaire afin que les retraités agricoles puissent vivre décemment.
M. André Lejeune.
Très bien !
Mme Brigitte Luypaert.
En ce qui concerne la retraite complémentaire obligatoire, un réajustement de
la dotation financière de l'Etat sera peut-être nécessaire, d'une part, afin
d'équilibrer correctement le nouveau régime et, d'autre part, afin d'éviter que
le taux de cotisation prélevé sur les actifs ne devienne prohibitif : rappelons
que le seuil de 3 % avait été évoqué et qu'il ne devrait, en tout état de
cause, pas être dépassé.
Les retraites agricoles continuent à être versées trimestriellement : monsieur
le ministre, quelles sont les perspectives et les échéances d'une
mensualisation de ces retraites ?
M. Jean-Marc Pastor.
Oui, quand ?
Mme Brigitte Luypaert.
Je rappelle, pour mémoire, que les artisans et les commerçants bénéficient de
cette réforme respectivement depuis 1999 et 2000.
J'en viens au statut des conjoints collaborateurs d'exploitant agricole. Les
épouses d'exploitant qui ont choisi ce statut, qui jouent un rôle essentiel au
sein de l'exploitation agricole, ont à faire face à une difficulté totalement
imprévue. En effet, la revalorisation des plus faibles retraites n'est possible
que sous réserve de pouvoir justifier de quarante années d'activité.
Dans ces conditions, de nombreuses épouses qui avaient opté pour le statut de
conjoint-collaborateur et qui ne remplissent pas nécessairement cette condition
de durée d'activité se voient privées des revalorisations prévues en faveur des
retraites plus faibles.
Je vous serais reconnaissante de bien vouloir préciser les mesures que vous
envisagez de mettre en oeuvre pour que ces conjointes ne soient pas lésées.
Sous le bénéfice de ces observations, et confiante de la qualité des réponses
que vous ne manquerez pas de m'apporter, je voterai ce projet de budget.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous pouvons doublement applaudir notre collègue Brigitte Luypaert puisque
c'était sa première intervention à la tribune.
(Nouveaux
applaudissements.)
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avis de
tempête sur la pêche française ! C'est la conséquence de la réforme de la
politique commune de la pêche dévoilée par le commissaire européen Fischler le
28 mai dernier. C'est dans ce climat que nous débattons du projet de budget de
la pêche pour 2003, budget dont les grandes masses financières appellent des
commentaires de notre part.
D'une part, l'OFIMER enregistre une diminution de plus de 15 %, l'explication
gouvernementale des reliquats non utilisés étant encore une fois avancée. Cette
sous-utilisation s'explique cependant par les conditions trop strictes de
déclenchement des aides publiques, pourtant nécessaires aux acteurs
économiques. Il faut favoriser une complète utilisation de ces crédits par un
assouplissement des règles d'intervention financière de l'OFIMER.
D'autre part, l'IFREMER, l'institut français de recherche pour l'exploitation
de la mer, voit ses crédits multipliés par trois. C'est une bonne chose. Il est
cependant nécessaire de faire évoluer l'association entre l'IFREMER et le monde
de la pêche, y compris, naturellement, les comités nationaux, régionaux et
locaux des pêches maritimes et des élevages marins.
La pêche est une activité de cueillette, et non de production. Or le traité
instituant la Communauté européenne lui assigne les mêmes objectifs que la
politique agricole commune qui gère une activité de production, en particulier
l'objectif d'accroissement de la productivité.
Ce vice de fond a conduit aux plans successifs de casse des bateaux et à la
perte de 5 300 emplois au cours des dix dernières années en France. Les
subventions inéquitables ont encouragé le gigantisme des bateaux au détriment
de la pêche artisanale qui représente 50 % des équipages et constitue le tissu
économique et social de nos côtes.
Au total, 460 millions d'euros sont prévus par Franz Fischer au profit d'aides
au désarmement, aux régimes de préretraite et à la reconversion. L'Europe
persiste et signe, elle applique, à l'égard du monde de la pêche, une politique
de contrainte, et non de coopération. Force est de constater que cela ne
fonctionne pas.
Venons-en à l'argument choc de la Commission européenne : la ressource, la
surexploitation des stocks. Il faut rétablir quelques vérités. Selon les
rapports du Conseil international pour l'exploration de la mer, le CIEM, cent
cinquante stocks de poissons différents sont évalués et suivis sur le plan
scientifique dans les eaux communautaires, sur lesquels quinze, soit 10 %, sont
aujourd'hui considérés comme étant en situation préoccupante ou dégradée.
Parallèlement, la pêche communautaire a augmenté de 1 % en trente ans.
Les pêcheurs sont sensibilisés et déterminés à agir en faveur des espèces
menacées. Mais pour que la politique communautaire de la pêche donne des
résultats, il est indispensable de les associer aux décisions et d'encourager
leurs propositions.
La politique communautaire de la pêche doit être une synthèse équilibrée entre
une gestion durable de la ressource et une prise en compte de la dimension
sociale, économique et territoriale de l'activité.
A ce titre, la gestion de la coquille Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc et
en Bretagne est exemplaire et porte ses fruits. Quotas, recensement, jours et
temps de pêche ont permis de maintenir puis d'améliorer la ressource, mais
également l'aspect humain de la pêche.
L'idée d'un contrat territorial d'exploitation pour la pêche, avancée par de
nombreux professionnels, n'est pas reprise par le Gouvernement. Elle pourrait
pourtant assurer une transition en attentant la reconstitution des stocks
affaiblis.
Par ailleurs, il faut s'attaquer résolument à la pêche minotière, qui détruit
des poissons adultes et jeunes pour fabriquer de la farine. L'Europe consomme
12 millions de tonnes de farine de poissons et en produit seulement 6 millions
de tonnes. Cela est particulièrement inquiétant. Destinées à l'aquaculture, ces
farines contribuent à vider la mer et à installer des grands groupes à la tête
des fermes aquacoles.
L'argent consacré à la casse des bateaux doit, au contraire, servir à les
renouveler, à les moderniser, à les sécuriser, afin de rendre plus sûre et plus
attractive la profession, qui souffre d'une forte carence de vocation
professionnelle.
Le non-renouvellement de la flotte a également eu l'effet pervers d'augmenter
de manière importante le prix des bateaux d'occasion, ce qui contraint à un
effort de pêche plus soutenu pour faire face aux échéances.
Si nous ne voulons pas voir la pêche de demain uniquement entre les mains de
grands groupes qui intègrent la filière, comme l'a fait Intermarché, un certain
nombre de mesures urgentes doivent être prises.
Il faut sortir la pêche artisanale, côtière et hauturière des pouvoirs
décisionnels de Bruxelles et confier la gestion dans la bande des 12 milles
marins à des responsables à l'échelon national, régional et local.
Il faut constituer des outils régionaux et locaux de gestion de la ressource,
des financements et des formations.
Il faut installer un organisme permettant l'échange des observations entre
professionnels et scientifiques.
Enfin, il faut supprimer l'obligation de diminution de puissance de 30 % pour
une remotorisation.
Ce budget pour 2003, bien que n'étant pas le seul acteur agissant sur le monde
de la pêche, ne répond pas à la situation critique d'aujourd'hui et à
l'inquiétude du monde de la pêche. Aussi, le groupe communiste républicain et
citoyen ne le votera pas.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et
du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy.
Monsieur le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les interventions
forestières du rapporteur spécial M. Joël Bourdin et de MM. Jean-Marc Pastor et
Yann Gaillard. Avec eux, je me réjouis du rétablissement forestier que vous
avez opéré à la fois dans la loi de finances rectificative pour 2002 et dans le
projet de budget pour 2003. La forêt soumise au régime forestier, communale ou
domaniale, comme la forêt privée vont bénéficier de ce retour à la réalité.
Pourtant, après M. Yann Gaillard, je voudrais, monsieur le ministre, attirer
votre attention sur le fait que, dans les années 2002-2005, nous aurons affaire
à une pointe des besoins forestiers liés à la nécessité de remédier aux dégâts
de la tempête de 1999. Entre 2002 et 2005, nous aurons en effet un énorme
besoin de réinvestissement forestier. Il s'agit d'une pointe conjoncturelle
liée à la nature et que l'on ne peut étaler dans le temps. Techniquement, les
forêts nécessitent un investissement à l'heure, sinon les parcelles se
détérioreront, les frais deviendront de plus en plus importants et les gens
renonceront à les engager. M. Yann Gaillard a souhaité que l'on augmente les
crédits budgétaires dès l'année prochaine. Pour ma part, je considère qu'il
faut réfléchir à des budgets forestiers exceptionnels pour les quelques années
qui viennent. A l'heure actuelle, on constate déjà, en Bourgogne, dans le
Limousin, en Aquitaine, en Lorraine, des files d'attente de propriétaires
publics ou privés, qui espèrent des incitations de l'Etat pour envisager leurs
travaux. Je ne voudrais pas que l'on décourage les énergies.
Tout compte fait, la forêt, qui occupe 25 % du territoire, ne coûte pas cher à
la nation. Alors que la forêt assure des fonctions écologique et sociale
éminentes, elle finance, pour l'essentiel, ces fonctions collectives avec les
recettes de l'économie forestière. Ainsi, le budget de l'Etat au profit de la
forêt est relativement limité. Dans le passé, les forêts étaient d'ailleurs
jugées si intéressantes qu'elles étaient gérées par le ministre des finances.
Et il a fallu de longues bagarres du ministère de l'agriculture pour qu'il
récupère la gestion des forêts.
La forêt nécessite donc un effort particulier sur quelques années, et une
indication en ce sens serait utile pour mobiliser les énergies. Dans le même
temps, on pourrait profiter de l'engouement forestier lié à une catastrophe
naturelle pour inciter à quelques politiques territoriales intégrant la
restructuration forestière. On compte un grand nombre de propriétaires. Les
tempêtes les ont un peu démobilisés et certains d'entre eux sont prêts à
échanger des parcelles. Il ne s'agit pas d'effectuer des remembrements, mais on
peut probablement simplifier la structure foncière de la forêt. Il faudrait
donc, dans les territoires qui s'y prêtent, tenter, avec les collectivités
locales, des opérations territoriales.
Pour terminer, monsieur le ministre, je voudrais compléter les propos de M.
Yann Gaillard, qui a indiqué tout à l'heure que vous étiez le ministre de
l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. C'est
déjà tout un programme !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Ce n'est pas mal !
(Sourires.)
M. Philippe Leroy.
Effectivement ! Les forestiers souhaiteraient que l'on réintroduise la forêt
dans l'intitulé de vos fonctions.
M. Gérard César.
Et la chasse !
M. Philippe Leroy.
Je le répète : elle représente 25 % du territoire : 600 000 emplois. Il
pourrait s'agir - et vous en avez la carrure, monsieur le ministre ! - du
ministère « de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, des affaires
rurales et des forêts ».
M. André Lejeune.
Et des bois !
(Sourires.)
M. Philippe Leroy.
Ou des bois, si vous voulez.
M. Louis Moinard.
Il lui a tendu la perche !
(Nouveaux sourires.)
M. Philippe Leroy.
Monsieur le ministre, je vous remercie de l'attention que vous voudrez bien
porter à ce projet.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Aymeri deMontesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde
rural connaît aujourd'hui une crise profonde. Pour envisager son avenir, il a
besoin d'une vision claire à long terme, voire à très long terme. Il est urgent
de mettre fin à la profonde inquiétude qui paralyse les projets de nombreux
agriculteurs. En tant qu'élu du Gers, département le plus rural de notre pays,
je puis vous assurer que les agriculteurs attendent beaucoup de vos
réformes.
Votre budget, monsieur le ministre, ne représente qu'un sixième des quelque 30
milliards d'euros consacrés à l'agriculture française, mais le rôle de votre
ministère est décisif puisqu'il a la responsabilité directe de 61 % des
dépenses publiques en faveur du secteur et qu'il est interactif avec le budget
communautaire et avec le budget des collectivités territoriales.
Votre budget, « priorité nationale » selon M. le Premier ministre, est tout à
la fois un budget d'urgence et de sincérité et un budget de transition et
d'espoir. D'urgence et de sincérité, car votre ministère a dû réparer les
erreurs manifestes du passé et ouvrir en août dernier 1,45 milliard d'euros de
crédits supplémentaires en loi de finances rectificative. De transition et
d'espoir, car nous devons nous préparer aux prochaines échéances des
négociations européennes et mondiales qui engagent l'avenir de notre
agriculture.
Le renforcement de l'attractivité et de l'image de l'agriculture passe par des
campagnes de communication nationales, par le soutien à l'enseignement et à la
recherche, et par la promotion de l'installation des jeunes agriculteurs.
Votre ministère a doté de 2 millions d'euros le fonds de valorisation et de
communication. Créé il y a trois ans par la loi d'orientation agricole, ce
fonds n'avait jamais été approvisionné. Nous devons rétablir au plus vite un
climat de confiance entre les producteurs et les consommateurs.
L'augmentation de 1,3 % des crédits destinés à l'enseignement et à la
recherche, qui représentent un quart de votre budget, témoigne de votre souci,
d'une part, de préserver l'excellence mondialement reconnue de nos organismes
de recherche et, d'autre part, de faire face aux engagements de l'Etat pris
avec l'enseignement privé.
M. André Lejeune.
Cette augmentation est inférieure à l'inflation !
M. Aymeri de Montesquiou.
Votre esprit de conciliation permettra d'apaiser le contentieux qui opposait
l'Etat à l'enseignement agricole privé, qui regroupe aujourd'hui 60 % des
effectifs de l'enseignement agricole et dont les dotations seront revalorisées
en 2003.
M. Bernard Piras.
Pas tout à fait !
M. Aymeri de Montesquiou.
Enfin, l'installation est devenue une des priorités de l'action du ministère,
car sa dotation augmente de 1,9 %. Rappelons qu'en quinze ans le nombre
d'installations a été divisé par deux, pour s'établir à environ 6 000 en 2001.
Dans le Gers, alors que l'on dénombrait deux cent cinquante à trois cents
installations voilà vingt ans, on n'en compte plus aujourd'hui qu'un peu plus
de soixante-dix.
Les dotations aux jeunes agriculteurs et les prêts à moyen terme spéciaux
bonifiés sont indispensables aux jeunes agriculteurs pour créer leur entreprise
agricole et pour faciliter la transmission des exploitations. La création du
fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, doté
de 10 millions d'euros, permettra de prendre la relève du fonds pour
l'installation en agriculture, qui a été supprimé en 1999.
Votre ministère a également apporté des réponses précises aux préoccupations
quotidiennes des agriculteurs liées au contrat territorial d'exploitation, à la
modulation des aides et aux mesures agri-environnementales.
Les CTE ont en effet cristallisé le mécontentement du monde rural. Leur
objectif est en lui-même louable, puisqu'il s'agit d'inciter les exploitants
agricoles à développer un projet global qui intègre toutes les fonctions liées
à l'agriculture. Mais le financement des CTE n'a pas été prévu, leur
attribution a été trop arbitraire, et ils ont donc été mal perçus par les
agriculteurs.
(M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis, fait un signe de
dénégation.)
Le manque de sérieux de la gestion précédente vous a obligé à
multiplier par trois ses crédits, qui atteignent 200 millions d'euros dans
votre budget. La suspension de l'examen des demandes de CTE, qui a été décidée
le 6 août dernier, et la période de réflexion qui s'ensuit, comme l'a suggéré
le rapporteur spécial M. Joël Bourdin, devront permettre de perfectionner cet
outil en simplifiant les procédures administratives, en l'inscrivant dans le
cadre de la décentralisation, en créditant les dépenses et en l'intégrant à
part entière dans le second pilier de la PAC. Dans le Gers, à la mi-septembre,
pas moins de 550 dossiers étaient en cours d'instruction, mais non validés par
la commission départementale d'orientation de l'agriculture : le monde agricole
compte sur vous, monsieur le ministre, pour que le sentiment d'incompréhension
des agriculteurs concernés ne se transforme pas en sentiment d'injustice.
M. François Trucy.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou.
Dans le même sens, la suspension de la modulation des aides décidée dès mai
2002 a été accueillie avec soulagement par les agriculteurs.
M. Paul Raoult.
Tu parles !
M. Aymeri de Montesquiou.
Le transfert du premier au deuxième pilier communautaire des sommes perçues
grâce à la modulation avait aggravé encore un peu plus la non-consommation
chronique des crédits liés au développement rural. Ainsi, 215 millions d'euros
prélevés au titre de la modulation entre 2001 et 2002 sont restés inutilisés.
Le Gouvernement doit agir pour qu'ils soient débloqués par la Commission de
Bruxelles, car cette somme appartient aux agriculteurs français.
Enfin, les mesures agri-environnementales bénéficient d'une très forte
augmentation : 51 %. La prime herbagère agri-environnementale prendra le relais
de la prime au maintien des systèmes d'élevage extensif. Toutefois, les règles
d'obtention de la prime herbagère doivent être revues au plus vite, puisque les
plafonds requis actuellement sont spécifiques aux zones montagneuses et ne
prennent pas en compte les zones vallonnées. Ainsi, s'agissant de cette aide,
le Gers ne compte que 330 bénéficiaires, sur un total de près de 3 000
éleveurs, soit seulement 10 % des 90 000 hectares de la surface fourragère de
mon département. De même, un assouplissement des règles encadrant les aides
rotationnelles est fortementsouhaité.
Pour terminer, je voudrais rappeler les trois grands défis que nous devons
relever : la réforme de l'Etat, la solidarité nationale et les prochaines
négociations internationales.
Le besoin d'une simplification des procédures administratives revient comme un
leitmotiv
chez les agriculteurs. Les jeunes, en particulier, ont besoin
d'un horizon législatif lisible, simple et cohérent. Aujourd'hui, aucun éleveur
ne peut monter seul un dossier de demande d'aides européennes, et il a
régulièrement pas moins de cinq feuillets différents à remplir. Courteline
trouverait là sans doute une nouvelle source d'inspiration...
S'agissant du deuxième défi, la solidarité nationale, je souscris, là encore,
à l'analyse du rapporteur spécial M. Joël Bourdin, aux termes de laquelle
l'absence de dotation au fonds national de garantie des calamités agricoles
ainsi que la baisse de 12,6 % des crédits destinés à aider les agriculteurs en
difficulté, bien que justifiées d'un point de vue comptable, risquent d'être
très mal perçues par les agriculteurs. Permettez-moi au passage de rappeler que
la solidarité nationale concerne tous les citoyens et que les agriculteurs ont
déjà le sentiment - justifié - d'être moins égaux que d'autres.
Le troisième défi, enfin, ce sont les négociations dans le cadre de l'OMC et
de la PAC. Nul doute que le résultat des négociations dans le cadre de l'OMC
déterminera la position française lors des négociations sur la réforme de la
PAC. L'avenir de notre agriculture est aujourd'hui incertain. Certes, l'accord
franco-allemand du 24 octobre dernier rassure à plus ou moins long terme les
agriculteurs français. Mais la concurrence, entre autres produits, des blés
ukrainiens ou des vins australiens et sud-africains, placés dans des conditions
de production extrêmement avantageuses, démoralisent nos agriculteurs. Plus
encore, le
Farm bill
américain voté le 2 mai dernier et qui s'élève à
175 milliards de dollars constitue une entorse très grave aux règles
multilatérales de l'OMC. L'Europe doit à tout prix parler fort et d'une même
voix pour défendre ses convictions et les accords signés. Le débat est urgent
et mérite d'être lancé dès maintenant. Les agriculteurs comptent sur vous,
monsieur le ministre, pour imaginer et construire sereinement l'agriculture de
demain.
La majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social
européen voteront les crédits destinés à votre ministère.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. André Lejeune.
M. André Lejeune.
Le projet de budget de l'agriculture que vous nous présentez, monsieur le
ministre, affiche une faible progression de 0,9 %, hors inflation, par rapport
à 2002. Cependant, si l'on tient compte de la loi de finances initiale et de la
loi de finances rectificative pour 2002, cette augmentation cache en fait une
diminution de 3,5 % des moyens accordés à l'agriculture. Ce secteur n'est donc
plus aujourd'hui une priorité pour le Gouvernement.
Certes, tout n'est pas négatif. Ayant moi-même été, avec M. Soisson, qui était
alors ministre de l'agriculture, à l'origine de la création de la prime à
l'herbe, je ne peux que me réjouir du nouveau dispositif destiné à la
remplacer, la prime herbagère agri-environnementale, la PHAE, et de sa
revalorisation. C'est là une mesure importante pour les zones d'élevage
extensif. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les modalités
techniques de son attribution, notamment le plafond, le calendrier de mise en
oeuvre et les critères complémentaires d'éligibilité ?
En revanche, je m'interroge sur l'avenir que vous envisagez pour les contrats
territoriaux d'exploitation. Décriés lors de leur création - M. de Montesquiou
l'a souligné à juste titre - ils ont pourtant été vite reconnus par la
profession comme de formidables outils de développement conciliant valorisation
économique et protection de l'environnement - et, sur ce point, je ne partage
plus l'avis de M. de Montesquiou !
Le CTE est en effet une très bonne disposition de la loi d'orientation
agricole de juillet 1999, dont l'objet est de favoriser l'adaptation de
l'agriculture aux besoins de la société. La notion de contrat entre
l'agriculture et l'Etat, sur la base d'un projet global d'exploitation
comportant un volet économique et un volet environnemental convenablement
équilibrés, est une solution intelligente et dynamique.
Si la mise en oeuvre des CTE est une réussite, c'est qu'elle a été adoptée par
la profession agricole. Elle a en effet provoqué la mobilisation de moyens
importants, notamment à l'échelon des équipes techniques des organisations
professionnelles, au premier rang desquelles les chambres d'agriculture. Elle a
également reçu un très bon accueil de la part des agriculteurs, qui ont fort
bien compris les multiples intérêts de la formule.
Si les CTE ont rencontré le succès, c'est aussi parce qu'il s'est avéré qu'ils
constituent un facteur de rééquilibrage entre régions. En effet, de nombreux
départements défavorisés ont su saisir cette chance : c'est ainsi que, dans mon
département, 1 200 CTE étaient établis au début du mois d'août 2002, lorsque
vous avez décidé, monsieur le ministre, d'interrompre la procédure. La Creuse
se trouve donc, de ce point de vue, dans le peloton de tête des départements
français.
Sur ces 1 200 CTE creusois, 150 étaient encore en cours d'instruction sous la
responsabilité des services de l'Etat et n'avaient pas été soumis à l'agrément
de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, la CDOA. Un
nombre de projets au moins aussi important auraient pu être réalisés, ce qui
nous aurait permis d'atteindre environ 3 000 CTE à la fin de 2003 ; près de 200
étaient en cours d'élaboration.
C'est dire l'extrême importance que cette disposition pouvait avoir pour le
développement d'un département comme le nôtre, dont l'élevage est la principale
activité.
Les conditions dans lesquelles les CTE ont été mis en sommeil traduisent un
manque de respect envers les agriculteurs : précipitation, absence
d'information, consigne donnée, paraît-il, aux directions départementales de
l'agriculture et de la forêt, les DDAF, de ne pas communiquer sur le sujet.
Chacun sait que le projet global de développement d'une exploitation agricole
nécessite souvent une longue réflexion et des moyens financiers importants. Le
fait de changer brutalement les règles du jeu dans un tel domaine, sans la
moindre précaution et sans délai, est une attitude choquante qui a été
ressentie comme telle par les agriculteurs. C'est d'ailleurs sous la pression
de la base agricole que vous avez dû, monsieur le ministre, renoncer à votre
projet de les supprimer totalement.
M. Jean-Marc Pastor.
Très bien !
M. André Lejeune.
Toutefois, les crédits du fonds de financement des contrats d'exploitation, le
FFCTE, ne seront pas suffisants pour honorer les CTE qui auront été signés,
qu'ils relèvent de la procédure transitoire ou qu'ils soient créés dans le
cadre du nouveau dispositif que vous envisagez de mettre en place en 2003. Vous
nous annoncez que des lois de finances rectificatives viendront compléter ce
projet. Ce ne sont pour l'instant que des promesses qui n'offrent aucune
garantie, surtout dans le contexte budgétaire difficile que nous
connaissons.
J'en veux pour preuve les deux amendements présentés par la majorité du Sénat,
qui visent à réduire les crédits de l'agriculture de 1 million d'euros :
l'augmentation de 0,9 %, que vous affichez s'en trouvera singulièrement
affectée !
(MM. Bernard Piras et Jean-Marc Pastor approuvent.)
Je ne
comprends pas ! Il aurait fallu garder ce million d'euros de crédits et
l'affecter à d'autres secteurs !
M. Jean-Claude Carle.
Ne votez pas les amendements !
M. André Lejeune.
Soyez tranquille, monsieur le ministre, votre majorité vient à votre secours.
Elle l'a dit lors de la réunion de la commission des affaires économiques :
elle sera là pour voter votre budget, même s'il n'est pas bon.
M. Jean Bizet.
Oh, cela oui !
M. Gérard César.
Exactement !
M. Jean-Claude Carle.
Elle est faite pour cela !
M. André Lejeune.
Nous pouvons donc nourrir de sérieuses inquiétudes sur les moyens réellement
accordés à l'agriculture pour 2003.
La politique des CTE ne doit pas être, comme on peut le craindre, vidée de son
sens et ramenée à un catalogue d'aides environnementales, sans exigence de
projet et sans perspective de développement.
Nous regrettons par ailleurs le traitement inégalitaire dont les CTE font
l'objet, pour des raisons qui tiennent non pas à leur qualité, mais à leur
seule date d'examen : le simple respect des engagements pris aurait voulu que
tous les CTE élaborés avant le 6 août ou en cours d'élaboration à ce moment-là
soient financés selon les règles en vigueur à cette date.
En ce qui concerne le plafonnement, nous aurions pu y souscrire si, dans le
même temps, vous n'aviez pas supprimé la modulation, ce qui ne sera profitable
qu'aux exploitants les plus aisés au détriment de la majorité.
M. Gérard Le Cam.
Regrettable décision !
M. André Lejeune.
Pensez-vous, monsieur le ministre, réformer le système des aides actuellement
en vigueur, dans lequel, vous le savez, 80 % des crédits ne bénéficient qu'à 20
% des agriculteurs ? Pis : 5 % des agriculteurs, les plus aisés, en reçoivent
50 %, et ce ne sont pas des Creusois !
(Sourires.)
M. Jean-Marc Pastor.
C'est tout à fait vrai !
M. Hilaire Flandre.
C'est n'importe quoi !
M. André Lejeune.
Ce sont les statistiques !
Ce sont pourtant les petites exploitations qui en ont le plus grand besoin,
car ce sont elles qui assurent le maintien du tissu rural dans les régions
défavorisées à faible population.
Aujourd'hui, l'agriculture française mérite une politique beaucoup plus
ambitieuse - notamment pour ce qui est de l'installation - que celle que vous
nous proposez.
( Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe
socialiste et du groupe CRC.
)
M. Bernard Murat.
Vive la Creuse !
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Monsieur le ministre, jeudi prochain, vous serez une nouvelle fois l'invité
privilégié des jeunes agriculteurs du Massif central à Clermont-Ferrand. Je
ferai tout mon possible pour être à vos côtés.
Agir, prévoir, imaginer : tels sont les mots clés qui fondent l'engagement de
ces jeunes agriculteurs, véritables défenseurs de cette agriculture de montagne
qui a tant besoin d'être aidée et à laquelle ils sont si attachés !
Comme l'ensemble de mes collègues des zones de montagne, je vous sais gré de
votre soutien et de votre implication généreuse pour le maintien d'une identité
« montagne » active et opérante.
Agir, prévoir, imaginer : ces opérations correspondent aux ambitions du budget
que vous nous présentez aujourd'hui et recouvrent un certain nombre
d'initiatives et de moyens mis au service de l'agriculture. Permettez-moi de
saluer ici le travail courageux qui fut le vôtre au moment de votre prise de
fonctions.
Le précédent gouvernement avait mis en place un certain nombre de réformes -
je ne le dis pas dans un esprit polémique - sans en avoir assuré le
financement. Par votre pragmatisme et votre sens du terrain, vous avez su
répondre aux absences et aux manquements auxquels vous avez été confrontés.
Prévoir : s'il faut chercher une caractéristique essentielle de notre société,
aujourd'hui, c'est bien celle-ci. Prévoir, c'est aussi prévenir, anticiper,
contrôler, améliorer. Votre souci permanent de transparence permettra au
Gouvernement de respecter son obligation de maintenir et de renforcer la
sécurité des aliments. Cette ambition est capitale lorsque l'on connaît la
manière dont les événements successifs ont conduit à une exploitation
médiatique excessive : pêle-mêle, je pourrais citer, comme nombre d'entre nous,
la maladie de Creutzfeldt-Jacob, ou maladie de la vache folle, la tremblante
ovine et caprine.
Mme Odette Terrade.
Etait-ce la faute des seuls médias ?
M. Jean Boyer.
En quelques jours, une filière a étécassée.
Force est donc de constater que l'obligation de promouvoir la qualité des
produits doit devenir un objectif non seulement à poursuivre, mais à réaliser
!
La montagne peut apporter des réponses concrètes à ces exigences, car elle
porte en elle les germes d'un environnement de qualité, d'une nature préservée,
d'une méthode de travail, et repose sur une agriculture extensive. Donnons-lui
les moyens d'apporter sa participation pleine de vérité à cette évolution !
Agir : parmi les nouvelles priorités de votre ministère, vous accordez une
large place à l'action, une action précise et essentielle là où les besoins
sont importants.
On ne peut que saluer l'initiative que vous avez prise en faveur de l'élevage,
monsieur le ministre, notamment la revalorisation importante de la prime
herbagère. De même, encourager l'installation des jeunes est une condition
essentielle du développement de notre agriculture, de sa pérennisation et de
l'aménagement de notre territoire tout entier, y compris dans ses zones les
plus fragiles.
Membre de la mission commune d'information sur la montagne, j'ai pu, avec
certains de mes collègues présents ce soir, mesurer l'importance de cette
activité traditionnelle qui, malheureusement, bénéficie aujourd'hui d'un niveau
de soutien public inférieur à la moyenne nationale. Cette réalité est en totale
contradiction avec les principes de légitime compensation du « handicap naturel
» affirmés depuis plusieurs décennies par la législation française.
Puis-je, monsieur le ministre, vous faire également part de l'inquiétude
suscitée par l'absence d'agrément officiel « organisation de producteurs » ? De
telles organisations existent dans nombre de départements, et les producteurs
de montagne qui y sont regroupés souhaitent bénéficier, eux aussi, des aides
tant européennes que nationales ou départementales.
M. Bernard Piras.
Très bien !
M. Jean-Marc Pastor.
Le Gouvernement les supprime !
M. Jean Boyer.
Le temps de l'action est venu, le temps d'asseoir nos zones de montagne dans
les cimes d'une authenticité retrouvée, d'une solidarité amplifiée, d'acteurs
valorisés dans leurs missions.
Ainsi, les agriculteurs de montagne sont une nouvelle fois pénalisés,
notamment par le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole tel
qu'il a été arrêté en 2001 afin d'éliminer les zones les plus polluées.
(M.
le ministre approuve.)
Victimes de leur bonne conduite, d'un espace plus
harmonieux et d'une densité plus forte du cheptel, les agriculteurs de montagne
ne peuvent bénéficier de ces crédits !
Permettez-moi, monsieur le ministre, de saluer votre décision d'évaluer la
pratique contractuelle des contrats territoriaux d'exploitation. Il était
nécessaire d'en tirer les enseignements, puis de bien cibler, comme vous le
faites, les objectifs recherchés.
Puis-je formuler le souhait - sans vouloir créer de disparités - que la
montagne bénéficie d'un traitement spécifique...
M. Gérard Le Cam.
Elle va accoucher d'une souris, cette montagne !
M. Jean Boyer.
... et que le volet économique des contrats territoriaux d'exploitation soit
déplafonné en zone de montagne afin que soit pris en compte le surcoût des
investissements ? Compte tenu de la spécificité des productions et de leur
nécessaire limitation, il importe que l'ensemble des éleveurs de montagne,
aient la possibilité de contractualiser avec le maximum de souplesse, car, en
zone de montagne vous le savez, mes chers collègues - on ne peut pas faire
n'importe quoi. Il est impératif que tous ceux qui le souhaitent puissent
s'engager dans cette pratique contractuelle.
Monsieur le ministre, il me paraît essentiel de rappeler les conditions dans
lesquelles ont été instaurés en avril 1983 les quotas laitiers en zone de
montagne. Il est important que les agriculteurs de nos montagnes ne restent ni
sur place ni au bord de la route. Cette décision, loin de constituer un
privilège, serait de nature à assurer l'amorce d'une véritable compensation de
disparité.
En outre, il est souhaitable que l'on puisse cumuler avec la prime à l'herbe
un contrat territorial d'exploitation afin que les mêmes surfaces puissent
bénéficier d'autres mesures environnementales.
(M. Bernard Piras applaudit.)
M. Jean-Marc Pastor.
Mais alors, il ne faut pas supprimer les CTE !
M. Jean Boyer.
La solidarité et la protection sociale du monde agricole revêtent également
une importance toute particulière, cela a déjà été évoqué.
Nous devons nous attacher à la nécessaire évolution de ce régime, en
particulier par l'instauration d'une retraite complémentaire obligatoire.
Monsieur le ministre, soyez assuré de la reconnaissance des retraités, pour qui
l'octroi de l'équivalent de 75 % du SMIC constitue non pas un privilège, mais
bel et bien une avancée dans le sens de la parité et de la justice sociale.
S'agissant du budget annexe des prestations sociales agricoles, il est
regrettable - car un élu doit parler un langage de vérité - que le prélèvement
effectué en 2002 sur les caisses de mutualité sociale agricole soit reconduit
en 2003, pour un montant de 28 millions d'euros. Vous le savez, monsieur le
ministre, cette démarche risque de décourager les bons gestionnaires, mais
également les adhérents des caisses concernées, sachant que l'intérêt du
produit avait des retombées sociales importantes.
M. Gérard Le Cam.
C'est vrai ! Ce n'est pas beau de puiser dans le budget de la MSA !
M. Jean Boyer.
Malgré la grande volonté de votre Gouvernement, bien d'autres améliorations
s'imposent. J'évoquerai pour terminer la nécessité d'une actualisation des
aides publiques : je pense principalement aux aides à la qualité relatives à la
collecte du lait en zone de montagne, à l'aide aux bâtiments d'élevage, à la
revalorisation indispensable de l'indemnité compensatrice de handicap naturel,
liée au surcoût qu'entraîne l'altitude.
Un seul exemple, monsieur le ministre : aujourd'hui, le montant maximum de
l'aide aux bâtiments d'élevage se situe à près de 10 000 euros ; c'est peu
lorsque l'on sait que le coût d'un bâtiment est de 250 000 euros. Un
accompagnement financier de 4 % est insuffisant !
Imaginer, c'est aussi aspirer à une administration plus simple, plus
cohérente, qui nous apporte une plus grande transparence. J'en veux pour preuve
le financement du deuxième pilier ou du reste de la politique agricole commune
: il est impératif de simplifier les procédures d'obtention des aides. Je sais
que cette démarche est placée au coeur de vos priorités, monsieur le ministre,
et je m'en réjouis.
Avec mes collègues, je sais par ailleurs que la formation est pour vous un
investissement de premier plan, tourné vers l'avenir ; vous avez totalement
raison de la concevoir ainsi.
M. Jean-Marc Pastor.
Alors, pourquoi les crédits baissent-ils ?
M. Jean Boyer.
Il importe d'élaborer une véritable appellation « montagne » réservée à des
productions produites et transformées en montagne. Dans le prolongement de cet
objectif, une démarche globale doit s'apprécier à l'échelon national, voire
européen, et reposer sur une vraie politique européenne de la montagne. Cette
condition essentielle est impérative si l'on considère aujourd'hui l'engouement
avec lequel les consommateurs et les producteurs s'attachent à rechercher les
signes de qualité.
Au coeur de contingences européennes et internationales éminemment difficiles
à maîtriser, soumis à des enjeux financiers de taille, votre budget, monsieur
le ministre, est volontaire et exemplaire.
(M. Bernard Piras s'esclaffe.)
Il n'y a, cher collègue, que la vérité qui offense !
Votre budget, monsieur le ministre, se construit dans un souci de prévention,
se dynamise dans l'action et s'ouvre à l'imagination. Merci, monsieur le
ministre, de votre attention pour chacun de nos agriculteurs et de votre
engagement à porter dans votre action l'attachement de la solidarité nationale
aux affaires rurales.
C'est avec confiance dans la richesse de cette profession qui fut la mienne
que je soutiendrai énergiquement votre action et vos ambitions pour l'avenir.
C'est un sénateur des champs qui l'affirme avec foi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget
annexe des prestations sociales agricoles pour 2003 s'équilibre à 14,625
milliards d'euros.
En recettes, les contributions professionnelles s'élèvent à 2 583,9 millions
d'euros, soit 17 % du budget. Les taxes, c'est-à-dire la contribution sociale
de solidarité des sociétés, la sécurité sociale et le fonds de solidarité
vieillesse, ou FSV, représentent 78 % du budget, quand la participation propre
de l'Etat est de 587 millions d'euros, correspondant à 4 %.
A cela s'ajoutent 31 millions d'euros prélevés, une fois encore, sur les
caisses de la MSA, après la ponction, en juillet dernier, de 456 millions
d'euros, sur ces mêmes caisses, ainsi que sur Unigrains et sur le fonds
national de garantie des calamités agricoles.
En asséchant ainsi les réserves des caisses, notamment celles de la MSA, vous
privez celles-ci de la possibilité de multiples prestations envers le monde
agricole, et vous limitez leurs possibilités en matière de mensualisation des
pensions. Je ne reviens pas sur le mécontentement qu'a provoqué ce qui a été
considéré sur le terrain comme un « racket d'Etat ».
M. Jean-Marc Pastor.
Oh oui !
Mme Odette Terrade.
En dépenses, les prestations d'assurance vieillesse s'élèvent à 8,024
milliards d'euros, ce qui représente 55 % du total des dépenses ; celles de
l'assurance maladie, à 5,75 milliards d'euros, soit 39,4 % ; les prestations
familiales, à 581 millions d'euros, soit 4 %.
Quant à l'Etat, sa participation représente 4 % de ce budget, 4 % dont il fait
grand bruit : il faut pourtant savoir que cela représente, en tout et pour
tout, 290 euros par personne et par an, soit 1 900 francs. Est-ce vraiment le
bout du monde pour celles et ceux qui ont contribué à relever la France
d'après-guerre ?
Il est par ailleurs surprenant de voir le dispositifAgridif vidé de sa
substance dans le projet initial, puis réapprovisionné de 10 millions d'euros
par l'Assemblée nationale, dans une période où tant de crises affectent notre
agriculture, comme le soulignait mon collègue et ami Gérard Le Cam.
Le Gouvernement et sa majorité qualifient d'irresponsables les mesures prises
par le précédent gouvernement : mesures de revalorisation des retraites, que,
chers collègues, vous n'aviez pas votées et mesures de retraite complémentaire
obligatoire, que, elles, vous aviez pourtant votées. Je dois vous avouer que,
sur le terrain, 90 % de ceux qui ont porté M. le Président de la République au
pouvoir ne comprennent pas cette attitude.
A propos de la retraite complémentaire obligatoire, dont vous avez retardé
l'application au 1er avril, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre,
sur les décrets à venir, qui distingueraient deux catégories de retraités :
d'une part, ceux dont la retraite de base a pris effet avant le 1er janvier
1997 et qui justifieraient de 32,5 années d'activité en tant que non-salarié
agricole, dont 17,5 années comme chef d'exploitation ; d'autre part, ceux dont
la retraite de base a pris effet entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre
2002, justifiant de 37,5 années d'assurance, tous régimes confondus, dont 17,5
années comme chef d'exploitation.
Ces décrets sont-ils bien de cette teneur ? Dans l'affirmative, monsieur le
ministre, la profession souhaite donner aux intéressés le choix entre l'une ou
l'autre de ces exigences.
Par ailleurs, le nombre d'exclus du champ d'application de ces décrets a-t-il
été chiffré ?
Pour notre part, nous pensons que de nombreuses revendications justifiées en
matière de retraite doivent alimenter le débat et les propositions à venir.
Premièrement, les plus faibles retraites doivent être exemptées de minorations
et revalorisées plus fortement en pourcentage, afin de réduire les écarts.
Deuxièmement, un nouveau plan gouvernemental doit être mis en place pour
relever les retraites de base des conjoints et aides familiaux à concurrence de
75 % du SMIC.
Troisièmement, une majoration forfaitaire pour les enfants doit être appliquée
aux retraités.
Quatrièmement, la pension de réversion à hauteur de 54 % de la retraite
complémentaire du conjoint décédé doit être rapidement mise en place : dès le
1er janvier 2003.
Cinquièmement, pour les carrières incomplètes, une juste proratisation pour
les années passées en agriculture doit être appliquée jusqu'à 75 % du SMIC,
tous régimes confondus.
Sixièmement, enfin, il faut mettre en place la mensualisation des pensions,
qui est tant attendue.
Monsieur le ministre, l'avenir des retraites agricoles repose sur un
engagement fort de la solidarité nationale, exprimée à travers la contribution
de l'Etat, mais également sur une population agricole nombreuse et bénéficiant
de prix rémunérateurs afin de pouvoir augmenter sa capacité contributive et de
rapprocher le régime agricole du régime général.
Le projet de BAPSA pour 2003 ne donne pas de signes patents de l'évolution
attendue du régime des retraites agricoles. Aussi le groupe communiste
républicain et citoyen ne le votera-t-il pas.
(Applaudissements sur les
travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Ce projet provoque, chez certains, l'enthousiasme, chez d'autres le doute. Je
me permettrai, pour ma part, d'énoncer quelques vérités qui, pour être
évidentes, méritent tout de même d'être rappelées de temps en temps.
Notre agriculture est placée sous une double dépendance.
C'est abord la dépendance à l'égard des aides publiques, qu'elles soient
nationales ou européennes. Il en résulte des prix à la consommation toujours
plus bas, et ce aux dépens des producteurs, la plupart des intermédiaires se
servant au passage, en particulier la grande distribution, qui tond les
producteurs comme des moutons !
Les agriculteurs, qui vivent cela au quotidien, ont d'ailleurs manifesté voilà
peu pour sensibiliser les pouvoirs publics et l'opinion aux difficultés qu'ils
rencontrent dans leurs relations avec la grande distribution.
C'est ensuite la dépendance à l'égard du réseau bancaire, en particulier de la
caisse de crédit agricole, qui est souvent partenaire de l'agriculture
française pour le financement des trésoreries et des investissements.
Mes chers collègues, imaginez un seul instant la fermeture des robinets
financiers. Que deviendrait notre agriculture ? Toute l'agriculture française,
tout au moins la plus traditionnelle, c'est-à-dire celle qui pratique la
production de plein champ et l'élevage, s'effondrerait, et avec elle toute une
série d'activités qui y sont liées.
Est-il nécessaire de rappeler que la profession agricole veut vivre de son
activité, vivre d'une économie de production et non d'une économie assistée
?
Si l'Europe, en même temps que tous les pays qui la composent, veut
privilégier les prix à la consommation aux dépens des prix à la production, il
faut qu'elle accepte d'en assumer les conséquences et cesse de transformer
notre agriculture en bouc émissaire auprès de l'opinion publique, en l'accusant
de tous les maux pour mieux se disculper de son eurocratie rampante, de ses
déficiences et de ses échecs lors des négociations dans le cadre de l'OMC.
Monsieur le ministre, redonnez de la dignité à l'agriculture française,
défendez la préférence communautaire et permettez à l'économie de prendre le
pas sur l'administration.
Sans aucun doute, il faut encourager les producteurs à être de plus en plus
soucieux de la protection de notre environnement, de la sécurité alimentaire et
de la protection de nos ressources naturelles. Mais ces contraintes nouvelles
liées à des normes de plus en plus exigeantes doivent trouver leurs
répercussions dans les prix et faire partie intégrante de la politique de
marché dont sont censés s'occuper les offices.
A ce propos, nous sommes en droit de nous interroger sur le véritable pouvoir
des offices ou sur les moyens dont ils disposent pour agir véritablement sur
l'orientation, la valorisation et la régulation des marchés, puisque c'est leur
mission principale.
Quelle a été leur action devant le fait que les céréaliers aient aujourd'hui
pour seule perspective un prix du quintal de blé à 50, ou 55 francs, soit 8
euros à 9 euros, alors que, dans les années soixante-dix, soit il y a trente
ans, celui-ci atteignait 120 francs à 125 francs ?
M. Gérard Le Cam.
Plus des primes PAC !
M. Alain Vasselle.
Les éleveurs, quant à eux, rencontrent beaucoup de difficultés pour vendre des
vaches allaitantes au-delà de 12 à 15 francs le kilo, soit 1,5 à 2 euros, alors
qu'ils les vendaient il y a quinze à vingt ans entre 3 et 4 euros le kilo pour
des carcasses de classe moyenne.
Cette misérable situation, à qui faut-il en attribuer la responsabilité ? Les
offices ? L'Europe ? La grande distribution ? Les Américains ? Le syndicalisme
agricole ? Est-ce une responsabilité partagée ? Et dispose-t-on des leviers qui
pourraient faire changer le cours des choses ?
Ces questions, je ne doute pas que vous vous les êtes posées, monsieur le
ministre, du moins je l'espère.
Avez-vous des réponses ? Que comptez-vous faire ? Rétablir le dialogue avec la
profession ? Très bien ! Objectif atteint, me semble-t-il. Faire entendre
raison à nos eurocrates ? Vous avez manifesté votre volonté d'y parvenir. Vos
premiers résultats dans le cadre de la négociation de la PAC sont riches
d'espoir. Je tenais à vous en féliciter et à vous encourager à tenir bon, tant
pour le présent que pour l'avenir.
Vous avez, sur le plan national, rétabli le dialogue social avec les
représentants des organisations professionnelles et amorcé les réformes
nécessaires concernant certains dossiers sensibles. Vous avez levé le voile sur
vos intentions, auxquelles nous ne pouvons que souscrire. C'est le cas,
notamment, pour les CTE, dont nous pouvions appouver les objectifs mais dont
les procédures et les financements devraient être condamés sans appel.
La modulation des aides, qu'a évoquée l'un de nos collègue tout à l'heure à
mon sens d'une manière un peu caricaturale et en contournant le problème de
fond, devait représenter une part déterminante du financement des CTE. Vous
l'avez remise en cause : bravo ! J'espère que vous maintiendrez la suppression
de cette disposition et qu'elle ne reviendra pas pénaliser à nouveau les
agriculteurs.
Vous êtes également déterminé à mettre un terme à la complexité du dispositif
des CTE, aux lourdeurs administratives, à la lenteur de l'instruction des
dossiers, aux effets pervers qui se traduisent par des inégalités
départementales. Vous avez aussi réexaminé la question de l'alimentation
financière du CTE et fait face aux impasses laissées par vos prédécesseurs.
Nous ne pouvons que nous en féliciter et saluer l'arrivée des nouveaux
contrats, les CAD, en espérant qu'ils prendront mieux en compte les données
économiques de notre agriculture, qu'elles soient conjoncturelles ou
structurelles. Ces contrats doivent absolument intégrer les nouvelles
contraintes environnementales que l'évolution des normes ne cesse de faire
peser sur l'économie agricole.
M. Bernard Piras.
On en reparlera dans un an !
M. Alain Vasselle.
De même vous vous êtes engagé à porter le fer là où cela fait mal, afin de
ramener la grande distribution à la raison, d'agir sur la transparence des
pratiques commerciales en sanctionnant les pratiques abusives, d'encourager des
politiques contractuelles, de contrôler les pratiques commerciales, de
renforcer l'interprofession. Toutes ces actions sont susceptibles de redonner à
notre agriculture confiance en son avenir.
Si vous continuez dans cette voie, je ne doute pas que vous allez restaurer un
climat serein dans les relations avec l'ensemble de la profession agricole et
que celle-ci pourra espérer des jours meilleurs. C'est ce que je souhaite de
tout coeur pour la profession, bien sûr, mais également pour notre pays.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage.
Monsieur le ministre, je tiens en préambule à saluer les dernières avancées
sur le dossier agricole.
S'agissant d'abord des échéances internationales, la révision à mi-parcours de
la PAC, annoncée comme imminente par le commissaire européen à l'agriculture,
M. Franz Fischler, sera reportée et le calendrier adopté à Berlin en 1999 sera
respecté.
Ainsi, le premier pilier de la PAC est conforté et les moyens qui lui sont
consacrés seront garantis jusqu'en 2013. Si une évolution de la PAC paraît
souhaitable, elle ne doit pas se faire au détriment de nos agriculteurs.
Sur le plan national, il conviendra de débloquer le produit de la modulation :
215 millions d'euros iront ainsi abonder le financement des actions du deuxième
pilier, dont il faudrait simplifier le fonctionnement.
Je tiens à rappeler les avancées obtenues lors de l'examen du budget de
l'agriculture à l'Assemblée nationale le 5 novembre dernier. Elles sont au
nombre de six.
La nouvelle prime herbagère agri-environnementale est revalorisée de 70 % en
moyenne, et la gestion du dispositif est distinguée de celle des CTE.
Le fonds de valorisation et de communication, prévu par la loi d'orientation
agricole du 9 juillet 1999, est doté de 2 millions d'euros.
L'installation des jeunes est favorisée par la création du fonds d'incitation
et de communication pour l'installation, doté de 10 millions d'euros, même si
un effort reste à faire en retirant la DJA de l'assiette des cotisations
sociales des jeunes agriculteurs dans la mesure où elle est variable selon la
date d'installation et donc source d'injustice.
La retraite complémentaire obligatoire sera mensualisée et appliquée dès le
mois d'avril 2003. Nous pourrions cependant regretter qu'elle ne soit pas
applicable dès le 1er janvier 2003. Cela étant, faire voter une loi est une
chose ; la financer en est une autre...
La ligne Agridif est dotée de 10 millions d'euros, ce qui permettra d'assurer
une transition avec le fonds de solidarité géré par la caisse centrale de la
mutualité sociale agricole, la CCMSA. Mais je regrette que le fonds
d'allégement des charges des agriculteurs, agrégé à cette ligne Agridif,
bénéficie d'une dotation un peu trop réduite.
Les moyens consacrés au CTE, remplacé depuis le 29 novembre dernier par le
contrat d'agriculture durable, qui comporte un volet économique et social,
d'une part, et un volet territorial et environnemental, d'autre part,
augmentent de 163 %.
Dans cette nouvelle démarche caractérisée par la simplification, le recentrage
sur l'environnement, l'équité, la déconcentration, l'association plus étroite
des collectivités ont été prévus ainsi qu'un encadrement budgétaire à partir
d'une moyenne départementale de 27 000 euros par contrat sur cinq ans.
L'ancienne formule prévoyait des montants moyens variant de 1 à 4 selon les
départements, de 23 000 euros à 93 000 euros par contrat.
Nous adhérons totalement à ces principes, qui permettent d'éviter les
dérapages passés et les iniquités territoriales, mais je souhaiterais que la «
transparence GAEC » s'applique pour la détermination de la moyenne
départementale des CAD.
Pour ce qui est du problème ponctuel de la transition entre les deux régimes
et des dossiers en instance, nous comptons sur votre vigilance. Ce sujet est en
effet très sensible dans notre département.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je me permettrai d'attirer votre
attention lors de la discussion des crédits sur le fonds national de garantie
des calamités agricoles, sur l'assurance grêle ainsi que sur le financement des
offices.
En conclusion, à la veille de l'élaboration du projet de loi en faveur de
l'espace rural, et après votre communication du 20 novembre dernier, je tiens à
vous dire que les thèmes que vous avez présentés ont retenu toute notre
attention et que cette future loi est particulièrement importante pour nos
territoires ruraux. Si vous étiez amené à mettre en place des groupes de
travail, nous serions heureux d'y être associés.
Monsieur le ministre, vous le savez, dans la période que nous vivons,
l'agriculture rencontre des problèmes économiques et humains importants.
Je vous remercie de la considération dont vous faites preuve à l'égard de ce
secteur économique comme des hommes et des femmes qui pratiquent ce métier. Je
vous félicite pour votre action, même si beaucoup reste à faire.
Avec le Président de la République et le Gouvernement, vous avez redonné une
lueur d'espoir à notre agriculture et à nos agriculteurs.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention portera, d'une part, sur la nécessaire solidarité à l'égard des
anciens, notamment, d'autre part, sur le besoin de préparer l'avenir, par le
biais de l'enseignement agricole, de la formation professionnelle et de la
recherche.
S'agissant du BAPSA, avant d'aborder les mesures proposées, je voudrais,
monsieur le ministre, rappeler l'engagement tenu par la majorité précédente,
notamment en matière de revalorisation des retraites des agriculteurs et, plus
particulièrement, en faveur des plus faibles d'entre elles.
Si, au cours de la dernière décennie, des avancées partielles ont été
enregistrées, ce n'est qu'à partir de 1997 que l'on peut parler d'une approche
véritablement globale du problème. A cette date, un plan quinquennal a été mis
en place et a été scrupuleusement respecté dans les lois de finances qui ont
été successivement adoptées de 1998 à 2002.
Cet effort sans précédent des pouvoirs publics - il s'élevait à 3,2 milliards
d'euros, je le rappelle - a permis de porter le niveau des retraites à hauteur
du minimum vieillesse pour les chefs d'exploitation et les veuves et à hauteur
du minimum vieillesse du couple avec la retraite du conjoint.
Ainsi, pendant ces cinq ans, le montant des retraites des chefs d'exploitation
a progressé de 29 %, celui des veuves de 45 % et celui des conjoints et aides
familiaux de 79 %.
Il faut ajouter que, en février 2002, a été votée à l'unanimité une
proposition de loi visant à instaurer un régime de retraite complémentaire
obligatoire, lequel devait permettre de porter le montant des retraites à 75 %
du SMIC pour les chefs d'exploitation et à 54 % du SMIC pour les veuves, son
financement étant assuré par les actifs et par une participation de l'Etat.
Je voudrais tout de suite m'insurger contre l'affirmation selon laquelle la
précédente majorité aurait pris cet engagement sans en prévoir le financement.
D'une part, n'oublions pas que cette proposition de loi a été votée à
l'unanimité, ce qui rend responsable, si responsabilité il y a, le Parlement
dans son ensemble. D'autre part, l'adoption de ce texte, presque dans
l'urgence, avait pour finalité majeure - les débats l'ont bien montré -
d'éviter que l'étude de ce dossier, tant de fois repoussée, ne soit de nouveau
remise à plus tard.
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Il y avait aussi les élections !
M. Bernard Piras.
J'évoque ce bilan parce qu'il me paraît juste sur le plan de l'histoire de le
rappeler, en dépit, notamment, de la volonté de certains de l'oublier, et parce
qu'il permet d'établir une comparaison avec le budget que vous nous présentez,
monsieur le ministre.
Ce budget pour 2003 ne laisse pas transparaître une volonté farouche de
franchir une étape nouvelle, pourtant nécessaire, en matière de solidarité. Ni
mesures nouvelles, ni perspectives ne sont annoncées !
M. Gérard Le Cam.
C'est vrai !
M. Bernard Piras.
Plus grave, les engagemetns pris préalablement ne sont pas respectés.
Il en est ainsi, par exemple, du financement de la retraite complémentaire
obligatoire. Alors qu'il était prévu une cotisation de 2,84 % et une
participation de l'Etat de 150 millions d'euros, vous avez décidé
unilatéralement de relever cette cotisation à 3 % et de diminuer la
participation de l'Etat à 28 millions d'euros. Parallèlement, vous opérez un
prélèvement de 31 millions d'euros dans les caisses de la MSA, alors même que
l'effort de l'Etat s'est élevé, je le rappelle, en 1998, à 150 millions
d'euros, en 1999, en 2000 et en 2001, à 240 millions d'euros, et, en 2002, à
340 millions d'euros. Par ailleurs, la mise en place du régime est repoussée au
1er avril 2003, alors qu'elle était prévue au 1er janvier. Un certain flou
demeure également sur le financement futur de cette disposition.
Autre fait inquiétant : des problèmes restent en suspens. J'en veux pour
preuve la situation inéquitable de certains conjoints collaborateurs ou
polypensionnés, l'instauration d'indemnités journalières au chef d'exploitation
en cas d'incapacité de travail pour maladie ou accident de la vie privée, la
revalorisation du montant des pensions d'invalidité de l'assurance maladie,
invalidité et maternité des exploitants agricoles, l'AMEXA, et l'instauration
d'un capital décès pour les ayants droit du chef d'exploitation décédé.
La mensualisation des retraites, tant attendue et si légitime, est encore
repoussée. Je connais les difficultés, nous les connaissons tous. Il n'empêche
qu'il faut maintenant trouver des conclusions favorables sur ce dossier.
Plus préoccupante encore est l'aggravation de certaines situations. Il en est
ainsi avec la disparition de la ligne « agriculteur en difficulté » alors même
que notre agriculture est confrontée à des crises économiques et à des aléas
climatiques importants. Je connais bien le problème dans mon département.
J'aborderai brièvement la question de la prochaine disparition du BAPSA. En
application de la loi organique du 1er août 2001, le BAPSA devrait
prochainement être intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité
sociale.
Tout en étant consciente de cette nécessité, la profession tient à rappeler
son attachement à un régime susceptible de prendre en compte les spécificités
agricoles et la nécessité de disposer de services de proximité fonctionnant
avec des représentants de la profession élus. Une telle réforme exigera bien
évidemment une réelle concertation.
J'en viens à l'enseignement agricole, à la formation et à la recherche.
Ce sont des domaines pour lesquels un effort particulier doit être réalisé,
tant en raison des réussites enregistrées que du fait de la phase transitoire
dans laquelle se trouve l'agriculture, et même le monde rural, actuellement.
Le budget qui nous est présenté est marqué par la volonté d'augmenter les
dotations accordées en faveur de l'enseignement privé qui reçoit 60 % des
élèves de l'enseignement technique agricole. Cet objectif est sans doute
louable et justifié.
Je constate néanmoins - sans aucune volonté de réveiller de vieilles querelles
désuètes - que l'enseignement public voit pour sa part ses moyens diminuer :
quarante-huit suppressions d'emplois d'enseignant dans le technique et huit
suppressions d'emploi d'IPAC, ou ingénieurs, professeurs, agrégés, certifiés,
dans le supérieur. C'est fort regrettable.
De plus, un amendement tend à diminuer davantage encore les crédits de
l'enseignement supérieur agricole public. Je m'y opposerai très énergiquement
tout à l'heure.
M. Gérard Le Cam.
Nous aussi !
M. Bernard Piras.
Si, pour préparer l'avenir, on supprime les crédits et la réflexion sur
l'enseignement, il y a quelque chose qui ne va pas !
Supprimer des postes alors que, par exemple, le rapport Moulias soulignait le
manque de postes d'enseignant ne va sûrement pas dans le bon sens, monsieur le
ministre.
Ajoutons à cela que la résorption de la précarité est réduite au minimum,
puisque les déprécarisations ne se feront que sur des postes vacants ou sur des
départs en retraite.
A contrario, je vous rappelle que, ces dernières années, de nombreux postes
ont été créés et que la loi sur la résorption de la précarité a été
respectée.
Je ne pense pas que le budget qui nous est présenté soit adapté aux enjeux
annoncés. Il ne répond assurément pas à une politique ambitieuse en matière
d'enseignement agricole.
Le problème est là ! Comme l'a indiqué Mme Ferat dans son rapport, il est
préjudiciable que l'élaboration du quatrième schéma prévisionnel des
formations, qui doit fixer les orientations de l'enseignement agricole pour la
période 2003-2008, n'ait pas débuté.
La majorité précédente avait, dans le cadre du projet pour le service public
de l'enseignement agricole, le PROSPEA, engagé cette démarche.
Il est indispensable que l'enseignement agricole puisse s'adapter aux nouveaux
enjeux de l'agriculture et du monde rural dans sa globalité.
Je souhaite, monsieur le ministre, que ce travail puisse rapidement
commencer.
Enfin, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur la situation
dramatique des arboriculteurs de la Drôme, en particulier, et de
l'arboriculture française en général. J'attends de votre ministère de vraies
réponses, un vrai dialogue, parce que je sens qu'il risque d'y avoir des
explosions sociales.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste
et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget de l'agriculture pour 2003 dont nous discutons aujourd'hui est un budget
de transition. En effet, une remise à plat des différents engagements pris
antérieurement était nécessaire, le budget précédent ayant sous-estimé toute
une série de mesures, allant même jusqu'à oublier de les financer !
Il faut ajouter à cela un contexte international particulièrement difficile
avec des enjeux très importants pour notre agriculture, tant sur le plan de
l'Organisation mondiale de la santé que sur celui de la politique agricole
commune.
Il faut d'ailleurs se féliciter de l'accord franco-allemand conclu grâce au
Chef de l'Etat et portant sur le principe du maintien des aides directes
jusqu'en 2006 avec, en contrepartie, l'engagement de contenir ultérieurement
les dépenses de la PAC.
Les inquiétudes du monde agricole français sont grandes tant la réforme de la
PAC à mi-parcours reste floue et incertaine, sans parler du fait que
l'élargissement à dix autres pays supplémentaires rendra inévitable un
redéploiement des dépenses agricoles.
Néanmoins, une des priorités de ce budget est la volonté affichée de voir se
développer une agriculture plus compétitive sur le plan économique, tout en se
voulant plus respectueuse de l'environnement et dans le cadre du développement
rural. Nous devons pour cela encourager nos agriculteurs à adopter une vraie
politique de la qualité et favoriser le développement d'un réel esprit
d'entreprise. De nouvelles stratégies doivent dès lors être envisagées pour
renouveler le développement agricole. Monsieur le ministre, avez-vous quelques
pistes à nous soumettre sur ce sujet ?
Un premier pas a été fait avec la mise en place annoncée pour le printemps
2003 d'une nouvelle prime herbagère dans le cadre des mesures
agri-environnementales. Elle se substituera à l'actuelle prime qui vient à
échéance à la fin de l'année. On peut ici s'interroger sur l'articulation de la
prime herbagère avec les CTE. Qu'en est-il exactement, monsieur le ministre
?
Je me réjouis à ce sujet du nouveau dispositif qui va être mis en place
concernant les CTE. De très grandes disparités étaient apparues et l'efficacité
des mesures contractualisées paraissait bien dérisoire au regard des objectifs
environnementaux visés.
J'aimerais à cet égard, monsieur le ministre, avoir des précisions en ce qui
concerne les CTE passés en commission départementale d'orientation agricole
mais non encore signés et les CTE dont l'instruction est terminée mais qui ne
sont pas encore passés en commission. Pouvez-vous m'indiquer également dans
quel délai le nouveau dispositif sera effectif ?
Je me permets enfin d'attirer votre attention sur les mesures antérieures
OLAE-MAE, les opérations locales agri-environnementales - mesures
agri-environnementales -, qui servaient à protéger les prairies humides dans
les marais atlantiques. Quatre cents contrats de ce type arrivent à échéance en
2002-2003 et l'incertitude est totale concernant la transformation de ces
contrats en CTE. Quelles sont, monsieur le ministre, les dispositions que vous
comptez prendre à ce sujet ?
L'une des pistes à suivre en matière de compétitivité est de soumettre les
exploitations au droit commun dans le plus grand nombre de domaines possible.
L'attente est très forte en termes de prise en compte des investissements, de
transmission des exploitations et d'aménagement de la TVA. Bon nombre
d'exploitants viticoles de mon département seraient très favorables à ces
mesures.
La Charente-Maritime et la Charente connaissent depuis de nombreuses années
une crise viticole profonde qui résulte essentiellement d'une superproduction
chronique. En effet, malgré la crise asiatique, les ventes de Cognac se sont
maintenues à un bon niveau.
Il faut cependant conserver notre capacité d'exportation ainsi que notre
potentiel de vente sur le marché intérieur. Cela implique une inévitable
restructuration du vignoble charentais.
L'une des solutions pourrait être d'encourager une politique d'arrachage
volontaire en faveur des producteurs âgés et sans successeur avec une prime à
l'hectare suffisante. Une telle solution compléterait utilement la politique de
reconversion et éviterait d'encombrer le marché des vins de consommation
courante, lequel doit déjà faire face à une concurrence étrangère de plus en
plus vive.
La reconversion de 5 000 hectares de vignes en vin de pays charentais et
l'abandon pur et simple de 5 000 autres hectares de vignes sont-ils suffisants
?
Le rééquilibrage du marché de la région délimitée Cognac me semble devoir
passer par la suppression de plus d'hectares de vignobles. Pouvez-vous,
monsieur le ministre, nous dire où en est la réflexion sur l'avenir du vignoble
charentais ? Qu'en est-il de ces questions au niveau européen ?
Je traiterai enfin du fonds national pour le développement des adductions
d'eau, le FNDAE, et de son financement.
Nous avons eu un débat sur ce point ici même, lors de la discussion de la
première partie du projet de loi de finances - il s'agissait de l'article 23
bis.
A cette occasion, le Gouvernement, par la voix d'Alain Lambert,
s'est engagé à ce qu'il ne manque pas un euro pour mener à bien les travaux
dont nos départements ont tant besoin.
Ma préoccupation est simple : pouvez-vous me confirmer cet engagement ?
En effet, monsieur le ministre, la Charente-Maritime - mais nous ne sommes pas
les seuls dans ce cas - a des projets d'aménagements en matière d'adduction
d'eau potable qui sont vitaux pour la région. Vous comprendrez qu'il nous
semble essentiel que l'engagement pris devant le Sénat soit tenu.
Naturellement, monsieur le ministre, c'est en confiance que je voterai votre
budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Dominique Larifla.
M. Dominique Larifla.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les
sénateurs, ce budget se veut la traduction d'une politique ambitieuse. Aussi,
permettez qu'il soit l'occasion, pour moi, d'attirer votre attention sur la
situation des deux filières agricoles traditionnelles de la Guadeloupe.
Huit ans après sa mise en place, le bilan du plan de restructuration de la
filière canne-sucre-rhum initié en 1994 appelle une relance de la modernisation
du secteur.
Elle seule permettra en effet d'en renforcer la compétitivité et
l'attractivité pour en faire, s'agissant de la production du rhum par exemple,
une filière d'excellence de l'agriculture française.
Le plan de 1994 est venu répondre à l'urgente nécessité d'une stratégie de
sauvegarde pour enrayer ce qui apparaissait comme la mort inéluctable de la
filière.
Il est apparu à cette période, d'une part, que la filière n'était pas viable
en l'état, et que l'on ne pouvait escompter atteindre un équilibre financier
global et, d'autre part, qu'il fallait mettre en place les conditions
permettant de parvenir à un niveau de production de 800 000 tonnes par an. Cela
supposait un outil industriel d'une capacité de broyage de 8 000 tonnes de
cannes par jour.
Si on ne peut aujourd'hui parler d'une situation catastrophique, il n'en
demeure pas moins que certaines contraintes subsistent, entravant une
amélioration des résultats, car - il faut le souligner - les planteurs se sont,
globalement, mobilisés massivement afin de réaliser les objectifs fixés.
Tout d'abord, une structuration institutionnelle a permis une meilleure
coordination de la filière sur le plan tant des méthodes et des pratiques
culturales que de l'organisation de la production et de la récolte ou de
l'encadrement technique des planteurs.
Par ailleurs, le niveau et la qualité de la récolte dépendent de facteurs
conjoncturels et structurels.
Il faut donc compter avec les variations climatiques. A cet égard, la campagne
2002 s'est caractérisée par sa faiblesse saccharimétrique, en raison d'un fort
taux de pluviométrie.
Structurellement, l'une des problématiques de l'économie cannière en
Guadeloupe réside dans l'amélioration des conditions de récolte et de transport
des cannes aux usines.
Ce qui précède découle, pour une large part, du schéma de restructuration des
unités sucrières, qui a conduit à une centralisation autour d'un outil
industriel, l'usine de Gardel, sur l'un des sites existant, couplé à une
centrale bi-combustible charbon-bagasse.
Dès lors, l'acheminement de la récolte, compte tenu des problèmes de stockage
posés par les centres de transferts, génère des surcoûts.
Enfin, si la capacité de broyage de l'usine de Gardel s'est améliorée, à ce
jour, elle n'atteint pas l'objectif, arrêté en 1994, de 8 000 tonnes de cannes
broyés par jour.
Dans ces conditions, à un niveau de récolte donné, des cannes ne peuvent être
récoltées dès lors que l'outil industriel, ajouté aux autres contraintes
opérationnelles de récolte, n'est pas en mesure de brasser la totalité de
celle-ci.
Toutefois, au-delà de ces aspects locaux, qui dit compétitivité dit contexte
international, et j'en arrive, monsieur le ministre, à ce qui constitue ma
question.
L'ouverture du marché européen aux pays les moins avancés, les PMA, la
libéralisation progressive du marché du sucre, alors même que régressent les
quotas attribués à la Guadeloupe, justifient à mon sens d'agir en faveur du
renforcement de la compétitivité de la filière canne.
Monsieur le ministre, vous demander de relancer la modernisation et de
défendre la position de cette production sur le marché international, c'est
vous demander de créer les conditions pour permettre, comme je le disais,
l'émergence d'une filière d'excellence. J'écouterai avec attention votre
réponse sur ce point.
J'annonçais, en introduction de mon propos, deux secteurs. Comme vous vous en
doutez, la banane, est le second.
Je n'ignore pas que vous avez, avec Mme la ministre de l'outre-mer, été
interpellé à différentes reprises sur la situation de la banane.
Je n'ignore pas davantage l'annonce de la mise en place d'une étude technique
de l'organisation commune de marché. Soyez assuré que je réserverai un examen
attentif à ce dossier.
Toutefois, je ne peux m'empêcher de vous rappeler les problématiques de la
filière banane en Guadeloupe.
Elles s'articulent autour de trois points.
Tout d'abord, la fragilité financière du groupement des producteurs empêche ce
dernier d'assumer seul une nécessaire réorganisation du secteur.
Ensuite, sur un plan strictement cultural, le secteur connaît des handicaps
qui sont des freins à l'amélioration des rendements. Il convient ainsi d'agir
tant sur les infrastructures, à travers l'extension des réseaux d'irrigation,
que sur les coûts des intrants dans le cadre de la lutte contre les infections.
En effet, cela représente pour de nombreux producteurs un coût impossible à
supporter.
Enfin, il ressort de l'analyse du coût par tonne de banane l'existence d'un
manque à gagner. En effet, l'impossibilité de réaliser des économies d'échelle,
compte tenu du réseau routier, oblige les producteurs à supporter les charges
d'acheminement qui seraient moindres avec un tonnage supérieur. Là encore, cela
appelle une action conjointe des pouvoirs publics locaux et nationaux. Votre
réponse, monsieur le ministre, déterminera le sens de mon vote.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget du ministère de l'agriculture pour 2003 s'annonçait
a priori
comme tout simplement historique.
En effet, ainsi que l'expliquaient au printemps dernier à longueur de discours
le Président de la République, candidat à sa réélection, et ses partisans, la
mort du monde paysan était toute proche, à moins bien sûr que de nouveaux
gouvernements ne viennent à sa rescousse.
Or c'est à présent chose faite, et voilà que le salut est en vue pour
l'agriculture française et pour celles et ceux qui en vivent : le 10 septembre
dernier, le Premier ministre lui-même n'a-t-il pas proclamé l'agriculture «
grande cause nationale » en inaugurant le seizième salon des productions
animales, à Rennes ?
La représentation nationale attendait donc avec une sereine impatience la
traduction budgétaire de l'affichage de cette priorité gouvernementale, au même
titre que la sécurité, la justice ou la défense, pour citer les priorités plus
médiatisées.
Or que constatons-nous en définitive ? Le projet de budget de l'agriculture
pour 2003 s'établit à 5,154 milliards d'euros, soit une baisse de 0,9 %, contre
une augmentation de 2,7 % du budget général.
Il est vrai que le Gouvernement a préféré présenter le projet de loi de
finances pour 2003 en se référant à la situation après la loi de finances
rectificative votée cet été, et que la hausse du budget général n'est alors que
de 0,2 %.
Comparons donc les crédits de l'agriculture à leur niveau après collectif
budgétaire : force nous est de constater, et le rapporteur spécial de notre
assemblée en convient dans son rapport, que le budget présenté pour 2003 est en
diminution de 3,76 % par rapport aux crédits initiaux. Voilà une « grande cause
nationale » bien mal partie !
Bien entendu, M. le rapporteur spécial du Sénat, comme celui de l'Assemblée
nationale, entonne l'air de l'héritage. Mais dans ce cas, pourquoi d'autres
départements ministériels n'ont-ils pas connu le même sort ?
Ainsi, alors que le Gouvernement dépense sans compter pour financer les
missions du ministère de l'intérieur, il lésine sur celles du monde
agricole.
« La route est droite mais la pente est forte », a déclaré le Premier ministre
dans sa déclaration de politique générale, le 3 juillet dernier. En ce qui
concerne l'agriculture, la pente sur laquelle le nouveau gouvernement l'a
placée est effectivement forte, mais dans le sens de la baisse !
Avec pour donnée de base ces moyens si chichement consentis, il nous reste à
examiner si l'action de l'Etat sera mise, comme ces cinq dernières années, au
service d'une agriculture multifonctionnelle, diversifiée, dynamique,
performante et sûre, au service d'un territoire et des hommes qui y vivent.
Une agriculture du xxie siècle, ce sont tout d'abord des modes de production
davantage respectueux de l'environnement et, à cet égard, la nouvelle prime
herbagère agri-environnementale prévue pour 2003 apparaît pour l'heure
particulièrement floue, alors même que l'idée paraît judicieuse. Il serait
souhaitable que le Gouvernement ne s'abrite pas derrière la date du 30 avril
prochain pour éluder les questions que les exploitants nourrissent à ce
propos.
Un autre dispositif avait été imaginé par le précédent gouvernement afin de
promouvoir le développement durable dans le monde agricole : les CTE. Sans
revenir sur le procès en sorcellerie qui leur a été fait, et alors que la FNSEA
défend aujourd'hui ce projet qu'elle avait combattu, nul ne peut contester
qu'après leur blocage les nombreux exploitants désireux d'en signer un auront
dû attendre l'achèvement de l'élaboration d'un nouveau dispositif.
Ce dernier a - enfin ! - cessé, en fin de semaine dernière, de jouer les
Arlésiennes pour se révéler un véritable lit de Procuste !
En effet, les contrats d'agriculture durable devront respecter une moyenne
départementale de 27 000 euros par contrat : il faudra nous expliquer comment
l'équité entre les différents dossiers sera assurée !
De toute manière, avec ce montant, leurs signataires sont déjà prévenus : ils
percevront moins d'aides de l'Etat pour exercer leurs activités en respectant
de bonnes pratiques environnementales ; dans un budget marqué par une austérité
autant avérée qu'inavouée, c'est peut-être là l'essentiel !
A ce propos, il nous était annoncé « la relance de l'installation ». Or le
nombre d'installations qui sera finançable par les crédits qui nous sont soumis
sera stable par rapport à celles du précédent exercice budgétaire. Du reste,
les crédits des stages de préparation à l'installation sont tout juste
reconduits.
Il est aussi assez étrange de voir incluses dans l'assiette des cotisations
sociales agricoles les dotations aux jeunes agriculteurs, comme si l'Etat
reprenait d'une main ce qu'il daigne accorder de l'autre. A ce propos, nous
souhaitons la mise en place le plus rapidement possible de prêts de carrière à
échéance longue et à taux d'intérêt bonifié, pour donner un coup de fouet à
l'installation.
D'ailleurs, la préparation de l'avenir de la profession ne semble pas
particulièrement prioritaire puisque les crédits consacrés à l'enseignement et
à la formation n'augmentent au bénéfice quasi exclusif des établissements
privés que de 1,32 % en dépenses ordinaires, contre 2,2 % dans le budget de
2002.
Plus généralement, la préparation de l'avenir de l'agriculture pâtit
cruellement du manque d'intérêt du nouveau gouvernement pour la recherche
puisque, l'an prochain, l'ensemble des crédits publics de recherche sur les
secteurs agricole et agro-industriel baissera de 10 % par rapport à leur niveau
de 2002.
Enfin, comment préparer l'avenir et donc attirer des vocations si les jeunes
agriculteurs potentiels ont en perspective une fin de vie difficile du fait
d'une retraite insuffisante ?
De ce point de vue, sur l'initiative de parlementaires socialistes, un régime
de retraite complémentaire obligatoire par répartition pour les non-salariés
agricoles a été créé par la loi du 4 mars 2002, et il n'est que justice que
l'Etat vienne participer à son lancement et qu'il accorde une enveloppe
financière supplémentaire, équivalente à celle des années précédentes.
Reste à nous éclairer sur le calendrier de publication des décrets
d'application de cette loi et sur l'éventuelle mensualisation du paiement des
retraites agricoles à l'image de ce dont bénéficient les artisans et
commerçants depuis respectivement 1999 et 2000.
A cet égard, je souhaite aussi mettre l'accent sur les problèmes de l'élevage
aujourd'hui.
On constate d'abord la stagnation de la dotation pour la part nationale de la
prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes qui avait été accrue de 80
% ces trois dernières années.
Permettez-moi d'exprimer trois voeux.
Tout d'abord, dans le deuxième programme de maîtrise des pollutions d'origine
agricole, le PMPOA II, n'imposons pas la mise aux normes des exploitations
agricoles appelées à disparaître dans les dix ans qui viennent, afin de ne pas
condamner les petites exploitations d'élevage, qui disparaîtraient
rapidement.
Ensuite, je vous demande expressément de soutenir - je pense que c'est
effectivement l'un de vos objectifs - l'élevage lié à l'herbe par une prime
spécifique, ce qui évitera la mise en labours intempestive pour cultiver du
maïs. Cette évolution conduit - je peux en constater les effets néfastes dans
la région de l'Avesnois, dans le département du Nord - à une destruction des
bocages dommageable pour l'environnement.
M. Hilaire Flandre.
Et aussi pour la chasse !
M. Paul Raoult.
Enfin, il serait judicieux de compléter le code des marchés publics afin
d'autoriser les gestionnaires publics de restauration collective à retenir les
races des animaux et la proximité des fournisseurs comme critères de
sélection.
En conclusion, monsieur le ministre, notre groupe a pris la mesure de
l'insuffisance des moyens qui nous sont proposés cette année dans le projet de
budget pour l'agriculture. Il constate l'écart entre les promesses qui ont été
faites aux campagnes pendant la campagne pour l'élection présidentielle et les
crédits qu'il nous est proposé de leur attribuer. Il conteste enfin l'emploi
prévu de ces crédits. Le groupe socialiste votera donc contre ce projet de
budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet.
Monsieur le ministre, je profiterai de l'examen des crédits budgétaires
consacrés à l'agriculture pour souligner quelques points et notamment me
réjouir des nouvelles orientations que vous souhaitez donner à votre ministère
afin de favoriser la modernisation et l'évolution permanente de notre
agriculture.
Premièrement, j'apprécie les efforts consacrés à l'installation des jeunes et
à l'enseignement agricole. Un tel engagement est une réelle priorité, car il
faut bien reconnaître que l'agriculture n'attire plus. La tension perpétuelle
sur les prix, dont le mode de fixation traduit une concurrence de plus en plus
vive, entraîne une diminution constante du revenu des agriculteurs.
En dix ans, le prix des céréales a baissé de 45 %, le prix de la viande de 35
%. Cette situation n'encourage pas les jeunes à s'installer dans ce métier. On
observe ainsi que la majorité des terres constituant les petites ou moyennes
exploitations profite à l'élargissement, faute de repreneur potentiel. Cette
évolution est très préjudiciable au dynamisme des zones rurales. Les chiffres
du dernier recensement ne font en effet que confirmer la tendance au
vieillissement de la population et à la désertification de certaines
campagnes.
Tout doit donc être mis en oeuvre pour redonner le goût de cette profession à
un certain nombre de jeunes, car les perspectives d'installation sont
véritablement pessimistes et entraîneront à terme de graves difficultés au
regard de l'aménagement et de la gestion de l'espace rural. Cela passe par une
revalorisation des revenus et, par conséquent, par un partage plus équitable de
la valeur ajoutée, c'est-à-dire une moralisation des rapports avec la grande
distribution. J'aurais aimé approfondir cette question fondamentale mais,
malheureusement, le temps qui m'est imparti ne me le permet pas.
Deuxièmement, je note avec satisfaction que vous abordez la question du
financement du régime de retraite complémentaire agricole. Au cours de la
dernière législature, le Parlement s'était exprimé en faveur d'un système pour
améliorer les perspectives de retraite des exploitants en activité et pour
servir immédiatement un complément de retraite aux actuels retraités, mais le
gouvernement précédent n'avait pris aucun engagement financier pour soutenir ce
régime, qui présente un important déséquilibre démographique auquel il faut
faire face. Les 28 millions d'euros inscrits au budget permettront l'entrée en
vigueur de ce dispositif dès 2003.
Je me félicite également de la nouvelle lisibilité financière pour
l'agriculture française dessinée au niveau européen.
Je tiens à saluer votre engagement aux côtés du Président de la République
lors du récent Conseil européen, qui aura permis, d'une part, une
reconsolidation de l'axe franco-allemand et, d'autre part, le maintien de la
politique agricole commune dans sa forme actuelle jusqu'en 2006, afin de
préserver les engagements pris en commun à Berlin en 1999. Les conclusions de
ce Conseil permettent donc d'obtenir un financement assuré et surtout maîtrisé
jusqu'en 2013.
Je note également avec satisfaction votre souci de maintenir un haut niveau de
sécurité sanitaire de l'alimentation de nos concitoyens. Si la France a levé
l'embargo sur le boeuf britannique, elle aura su le faire en réservant cette
importation à partir de quelques abattoirs, objets d'une surveillance
particulière, en obligeant un étiquetage des viandes incluant le pays de
naissance, d'élevage et d'abattage de l'animal, cet étiquetage s'adressant
également - c'est une première - à la restauration hors foyer.
Toutefois, ces aspects très positifs ne doivent pas nous fait perdre de vue
d'autres sujets essentiels pour préparer l'avenir.
Tout d'abord, il est indispensable de penser d'ores et déjà, dans la sérénité
et loin de toute contrainte, la politique agricole commune de l'après 2006. En
effet, j'estime qu'il aurait été de mauvaise stratégie de s'engager dès
maintenant dans une renégociation de la PAC peu de temps avant l'élargissement
de l'Union européenne et surtout avant les négociations de l'Organisation
mondiale du commerce, dont la prochaine étape est fixée au 23 mars 2003 à
Genève.
Je ne suis pas de ceux qui pensent que le découplage des aides et de la
production, même si l'on doit irrémédiablement, à terme, y tendre,
positionnerait favorablement l'Europe dans les négociations internationales, à
un moment où nos principaux concurrents, tels les Etats-Unis, renforcent leur
propre système d'aides individuelles.
L'examen détaillé du
Farm Bill,
qui représente 158,1 milliards de
dollars d'aides, dont 70 % sont couplés aux volumes de production, est, sur ce
point, édifiant. J'aimerais, sur ce sujet particulier, rappeler l'extrême
vigilance dont nous devrons faire preuve au sein de l'OMC.
Abordant le délicat problème des biotechnologies, j'attire votre attention sur
la transcription prochaine en droit national de la directive 2001/18/CE et
d'une partie de la directive 1998/44/CE.
Cette transcription ainsi que le rapport de la commission d'information
sénatoriale relative aux enjeux économiques et environnementaux des organismes
génétiquement modifiés devraient donner lieu à un débat. Je souhaite que, au
sein de cette assemblée, nous ne le fuyions pas. Je n'ignore pas que
l'acceptation sociétale sur ce sujet est négative, car elle est influencée par
des associations ou coordinations, certes très minoritaires, mais
particulièrement agissantes, refusant davantage ce modèle de développement
plutôt que les bases scientifiques de cette nouvelle forme de sélection
variétale. Ce débat est devenu un débat de société, et le Sénat, qui défend une
culture d'avenir, ne peut rester étranger à cette délicate question.
Depuis cinq ans, nous vivons sous « moratoire ». Il faudra bien en sortir,
sauf à considérer que la France et l'Europe s'enferment dans un modèle de
développement qui entraînera un contentieux avec l'OMC, au travers du refus des
échanges internationaux de produits OGM, et un risque de dépendance de notre
agriculture.
Après le débat de société, le temps de la décision politique, monsieur le
ministre, approche.
Je me réjouis de la décision prise le 28 novembre par les quinze ministres de
l'agriculture sur l'étiquetage des produits OGM, même si j'aurais préféré un
seuil plus élevé facilitant à terme une meilleure lisibilité.
Président de la mission d'information que j'évoquais, il me semble que la
Haute Assemblée est prête à aborder avec rationalité, objectivité et sans
passion cette délicate question. Le rapporteur de cette mission, Jean-Marc
Pastor, et l'ensemble des membres m'en ont fait, précisément, la confidence.
Ce gouvernement, suivant en cela les recommandations des quatre sages nommés
par le précédent gouvernement et réunis au Conseil économique et social les 4
et 5 février 2001, s'honorerait en formalisant une loi fondatrice des
biotechnologies dans notre pays, loi s'intégrant dans l'approche, que
j'approuve pleinement, et la dimension européenne souhaitée par les
commissaires européens de l'agriculture, de la recherche et du commerce.
Sans plus attendre, monsieur le ministre, je vous confirme ma décision de
voter votre budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux.
Le projet de budget que vous nous proposez pour 2003, monsieur le ministre,
avec une baisse réelle de 3,5 %, de 15 % pour les offices, voire parfois de 33
% sur certaines interventions, ne me semble correspondre ni aux priorités
définies par M. le Président de la République au salon de l'agriculture ni à
celles de M. le Premier ministre au salon des productions animales, à Rennes,
notamment en ce qui concerne la solidarité nationale.
Ce budget - et je le regrette - est à mon avis source d'inégalités pour bon
nombre d'exploitants, car il rompt avec le souci de justice sociale qui a animé
l'action gouvernementale ces cinq dernières années et qui, contrairement à ce
que certains se plaisent à affirmer, a eu sa traduction budgétaire, comme l'a
déjà fait remarquer mon collègue Bernard Piras. Cette non-reconnaissance des
problèmes sociaux spécifiques du monde agricole et rural, notamment dans
certaines régions, a commencé avec votre décision, monsieur le ministre, de
supprimer la modulation des aides qui ne touchaient que les exploitations les
plus aisées.
Elle se confirme dans votre budget, tout d'abord avec la sous-dotation des
mesures en faveur des agriculteurs en difficulté, alors que le nombre de ces
derniers ne cesse d'augmenter et que les crises ne sont ni passées ni à venir :
elles sont malheureusement et douloureusement d'actualité. Je ne prendrai qu'un
seul exemple parmi beaucoup d'autres dans ma région : la crise de la volaille
en Bretagne.
Dans mon département du Morbihan, tous les éleveurs sont touchés. Les vides
sanitaires pour les poulaillers, par exemple, qui, d'habitude, varient de dix à
quinze jours, durent actuellement entre trente-cinq et quarante jours pour les
plus chanceux ! La situation est encore pire pour les éleveurs de dindes, car
certains ne verront rien venir avant le mois de janvier. Cela se traduit, bien
sûr, par un manque à gagner insupportable, à court et à moyen terme, mais le
phénomène perdure et se multiplie.
Alors comment accepter la baisse significative des aides en faveur des
agriculteurs en difficulté ? En effet, le regroupement des lignes consacrées au
fonds d'allégement des charges et aux actions en direction de ces mêmes
agriculteurs fait apparaître en réalité une réduction de 14 % de ces
crédits.
Comment ne pas s'étonner également de l'absence de dotation au fonds national
de garantie des calamités agricoles ? Même si vous évoquez, monsieur le
ministre, la possibilité de reporter des crédits supplémentaires en cas de
nécessité, on peut s'interroger sur leur possibilité réelle d'existence, alors
que des mesures encore plus drastiques d'économie sont demandées, ici même, au
Sénat.
Ces reports, je le crains, ne suffiront pas à combler les manques. D'autant
que ce même prétexte des reports est avancé pour justifier la baisse de 15 %
des crédits de fonctionnement des offices, alors qu'ils demeurent d'une
importance vitale pour l'adaptation structurelle des filières.
Cette baisse, qui, pour certaines actions, atteint même 33 %, signifie
clairement que la possibilité de soutenir les filières existantes ou à venir et
que le souci de restructuration de certaines filières agro-alimentaires sont
remis en cause. C'est un choix politique qui me semble inégalitaire et
dangereux, à un moment où certaines filières doivent s'organiser pour ne pas
disparaître.
Pourtant, ces mêmes offices avaient vu leur rôle accru grâce à la loi
d'orientation agricole de 1999, qui permettait des accompagnements facilitant
les nécessaires mutations de ce secteur, souvent ressenties douloureusement par
les professionnels et par leur environnement.
Sans ces offices, que deviendraient l'organisation des filières, la recherche
- développement, la promotion des produits, sans oublier la connaissance des
marchés, ainsi que leur régulation en concertation avec les organisations de
producteurs et le rôle majeur de relais dans les instances européennes pour le
soutien et l'orientation des marchés ?
Surtout, cette baisse obère gravement la gestion conjoncturelle des secteurs
en crise. Il suffit de se référer aux dernières années, y compris à l'année
2002, où les offices ont disposé de financements allant au-delà des dotations
prévues dans les lois de finances initiales tant les crises ont été nombreuses
et profondes.
De plus, si le Gouvernement veut réellement pratiquer la solidarité avec le
secteur agricole, comment expliquez-vous la réduction des aides à
l'équarrissage ? Cette baisse de 205 millions risque fort - je le crains - de
faire supporter aux éleveurs le coût du traitement des déchets et de
l'élimination des farines animales.
Enfin, et ce sera mon dernier point, on ne peut évoquer la solidarité dans le
monde agricole sans parler du problème des retraites.
De 1998 à 2002, grâce à une réelle volonté politique et à un effort budgétaire
sans précédent, la retraite des chefs d'exploitation avait augmenté de 29 %,
celle des veuves, de 45 %, celle des conjoints et des aides familiaux, de 79
%.
La création d'un régime complémentaire obligatoire devait satisfaire la
revendication d'une retraite à 75 % du SMIC. Cependant, alors que la mise en
vigueur de ce dispositif devait intervenir au 1er janvier 2003, le versement
des prestations est reporté au 1er avril 2003, alors que les cotisations seront
appelées dès le 1er janvier.
Je ne m'étendrai pas plus sur ce sujet, puisque mon collègue Bernard Piras l'a
développé précédemment, et je me bornerai à constater que, là non plus, nous ne
voyons pas cette solidarité nécessaire envers les plus défavorisés : les plus
humbles des travailleurs agricoles, les aides familiaux ou les veuves.
Malgré votre volonté affichée - je le concède, monsieur le ministre - de
valoriser l'image de l'agriculture par la création du fonds de communication et
de valorisation, les agriculteurs, tout comme nous, sont en droit, face à ce
budget, de se demander aujourd'hui quel type d'agriculture vous voulez pour
demain.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, même si certains autres volets de votre
projet de budget semblent aller dans le bon sens, comme l'ont rappelé certains
de mes collègues, son absence d'ambition sociale et de souci de solidarité ne
nous permet pas d'accepter vos propositions budgétaires pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le ministre de l'agriculture, vous êtes aussi ministre de
l'alimentation. Or je préside, vous le savez, la sous-commission de
l'alimentation et de la sécurité alimentaire de l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe. Vous ne serez donc pas surpris que mon intervention porte
sur les enjeux - je devrais dire les défis - de la sécurité alimentaire au
regard de l'alimentation des êtres humains.
Il y a quelques années, à cette même tribune, j'énonçais déjà quelques vérités
qui demeurent : on creuse sa tombe avec sa fourchette ; l'alimentation est
notre première médecine. Personne aujourd'hui ne conteste les liens
indéfectibles entre santé et alimentation.
Faisons un rêve ou, plutôt, imaginons un véritable cauchemar : dans notre
assiette, un plat composé de viande provenant d'un animal cloné,...
M. Bernard Piras.
Gémellisé !
M. Daniel Goulet.
... nourri avec des farines animales ou des farines de poissons,...
M. Bernard Piras.
Gémellisés !
M. Daniel Goulet.
... ayant été au contact d'hydrocarbures, une viande par ailleurs surgelée,
ayant connu une certaine rupture de la chaîne du froid et décongelée au four à
micro-ondes, le tout accompagné d'une petite salade de maïs transgénique !
(Exclamations amusées.)
Nous sommes en pleine science-fiction,...
M. Bernard Piras.
C'est fabuleux !
M. Daniel Goulet.
... ou plutôt dans un système de productivisme effréné dans lequel la réalité
dépasse la fiction !
A ces défis s'ajoutent ceux que nous devons à une certaine incurie, incurie
sans doute d'origine européenne, mais aussi nationale. Je veux parler des
conséquences, sur l'alimentation, des pollutions accidentelles des eaux - mers,
fleuves et rivières - par des hydrocarbures ou des produits chimiques dans
l'air et dans la terre. L'échouage, après l'
Erika,
du
Prestige
nous rappelle douloureusement à l'ordre et à la raison.
Enfin, et ce n'est pas à négliger, il faudra compter aussi, après
l'élargissement, avec nos nouveaux partenaires, dont les produits alimentaires
sont déjà sur notre marché.
Je voudrais évoquer deux points, parmi beaucoup d'autres, qui me paraissent
essentiels et que, en votre qualité d'ancien ministre de la santé, vous
connaissez bien. Je ferai part d'une préoccupation constante sur ces sujets.
Le premier point concerne les contrôles. Bien que nous soyons dans une
discussion budgétaire, je vous parlerai non pas d'argent mais des principes qui
sous-tendent la politique que vous conduisez avec compétence au sein de votre
ministère et que vous entendez, sans équivoque, faire partager à vos collègues
européens.
Les défis de la sécurité alimentaire ont un lien direct avec la vie et
l'activité de nos agriculteurs. Chacun le sait, les mises aux normes qui leur
sont imposées obèrent leurs marges, mais garantissent aux consommateurs des
produits de qualité à travers une filière de contrôle et de traçabilité qui
est, sans doute, l'une des meilleures d'Europe.
Cependant, ces efforts de qualité, monsieur le ministre, ont un coût, qui
n'est certainement pas le même que ceux qu'ont à assumer nos concurrents
actuels et à venir. Comment tolérer alors, sur notre marché national,
nonobstant les règles communautaires, que des animaux traités aux hormones et
provenant de pays voisins soient abattus dans des abattoirs français et que
leur viande soit introduite dans nos circuits de distribution ?
En ma qualité de rapporteur d'un texte portant sur ce sujet pour l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe, je tiens à la disposition de vos services
quelques exemples, notamment dans certains départements que je connais bien,
monsieur le ministre.
Comment allez-vous former les personnels habilités à contrôler les abattoirs
et les transports de produits provenant, notamment, des pays d'Europe centrale
et orientale ?
Une agence de sécurité sanitaire européenne - je dois confesser que j'étais
hostile à sa constitution - n'y changera rien, sinon qu'elle suscitera des
frais de fonctionnement. Or c'est non pas de fonctionnaires statiques et de
bureaucrates que nous avons besoin, mais de personnels de terrain. Donc,
monsieur le ministre, il nous faut un minimum de frais de fonctionnement, mais,
surtout, des investissements humains pour des personnels qui soient compétents
et opérationnels.
Il n'est pas possible que le Parlement européen et la Commission régissent la
vie de nos producteurs, par exemple de fromage à la louche ou au lait cru - Mme
Brigitte Luypaert et moi-même, sénateurs de la commune de Camembert,
connaissons ces problèmes - et que ce même Parlement européen se montre si
permissif au regard des règles d'étiquetage de produits importés, produits de
grande consommation, en général, et viandes, en particulier.
Monsieur le ministre, il nous faut former davantage d'inspecteurs, et ce selon
les mêmes normes dans toute l'Europe, car c'est un investissement
incontournable et indispensable.
J'avais proposé au Conseil de l'Europe de tenter de former un véritable corps
d'inspecteurs « volants » capables d'intervenir dans cette Europe demain
élargie, en toute circonstance, en tout lieu, dans le cadre de leurs
compétences reconnues. Cette disposition a été adoptée par l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe, mais son application s'est égarée dans
les méandres du Comité des ministres. Le dispositif n'a donc pas encore été mis
en vigueur.
Monsieur le ministre, ne légiférons plus : appliquons d'abord les textes
existants et coordonnons les administrations chargées de leur application.
Je sais que vous partagez cette préoccupation de cohérence avec M. le ministre
de la santé et je sais aussi que nous pouvons compter sur votre volonté et sur
votre rigueur de réforme au plan communautaire.
Les élus de terrain et nos concitoyens vous font confiance mais, sur ce point
également, si nous n'y prenons garde, l'Europe risque d'être encore plus
éloignée des eurocitoyens que nous sommes si elle continue de faire l'objet
d'autant d'incohérences et donc de susciter autant d'incompréhension.
Le second point que je souhaite évoquer dans la logique de mes préoccupations
concerne l'éducation, d'abord de nos jeunes, mais aussi de nos compatriotes
dans leur ensemble. Je veux parler de l'éducation sanitaire dans les écoles et
de la sécurité alimentaire dans les cantines scolaires. Là encore, il reste
beaucoup à faire. Je cite en exemple l'initiative d'une des communes de notre
département qui a pris en charge, avec les parents d'élèves, le traitement, le
fonctionnement et l'organisation de la cantine scolaire. Je ne dis pas qu'il
faut que, dans toutes les communes de France, on mange « bio », mais sachez que
la fédération nationale des parents d'élèves de l'enseignement public a engagé
un important travail sur la sécurité alimentaire dans les cantines scolaires.
Voilà une initiative qui mérite un encouragement. L'avenir de nos enfants, qui
seront les adultes de demain, en dépend.
La sécurité alimentaire des humains n'est pas un gadget, c'est un sujet
important, fondamental, même. Monsieur le ministre, vous devez donc donner un
signe fort en rationalisant, par exemple, les fonctions de vos services
d'inspection. A cette condition, nous pourrons gagner une partie importante.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris que, comme la majorité de mes
collègues, qui ont déjà souligné vos compétences et votre volonté de réussir à
la tête d'un ministère qui n'est certes pas des plus faciles, je vous apporte à
mon tour mon soutien total.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Rispat.
M. Yves Rispat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en raison de
l'heure et du temps qui m'est imparti, je limiterai mon intervention aux
problèmes européens.
La réforme de la PAC à mi-parcours inquiétait beaucoup les agriculteurs
français. En effet, les interrogations sur l'organisation des marchés et
l'abaissement du prix mondial revêtaient pour eux une importance capitale au
moment où les revenus agricoles connaissaient une érosion constante depuis
plusieurs années.
L'annonce de l'accord franco-allemand tendant à reconduire la PAC actuelle
jusqu'en 2006 a été favorablement accueillie par tous les agriculteurs français
et par les organisations professionnelles responsables. Oui, le Président de la
République, une fois de plus aux côtés du monde rural, a eu raison de refuser
de la remettre en cause avant 2006. Oui, monsieur le ministre, vous avez eu
raison de ne pas suivre votre prédécesseur, qui voulait dès maintenant engager
cette réforme.
Toutefois, une vigilance particulière s'impose au vu des tentatives toujours
d'actualité de M. Franz Fischler qui ne désarme pas dans son intention de
reconsidérer la PAC, ou encore de M. Pascal Lamy, qui préconise de ne plus
soustraire les agriculteurs aux lois du marché, en les assurant toutefois d'un
revenu « hypothétique », indépendant de leur production ! En dehors des
quelques exploitations les plus performantes capables de produire au prix
mondial, que deviendraient la plupart des autres, notamment en zones difficiles
?
Nous souhaitons une fermeté politique à opposer aux commissaires européens
pour garantir la bonne fin des engagements pris par le Président de la
République. Ces engagements, au-delà de 2006, doivent se concrétiser par un
maintien des aides à la Communauté actuelle, sans préjuger des budgets qui
seront affectés aux nouveaux candidats, dont la liste sera arrêtée dans
quelques jours, lors du sommet de Copenhague.
Faut-il le rappeler, toute réforme sous la pression et l'impatience des «
entrants » mettrait fin à la politique agricole commune, qui est au coeur de la
construction et de la dynamique européennes.
Nous ne le répéterons jamais assez, cette pérennité est fragilisée par la
technostructure européenne, et un défaut de volonté politique entraînerait une
inévitable remise en cause, qui serait préjudiciable à l'économie agricole
ainsi qu'à l'assurance de l'identité de qualité des produits et de la sécurité
alimentaire.
Pour ce qui est des revenus, la France doit se doter d'une politique agricole
qui intègre le renouvellement des générations. Je suis élu d'un département où,
il y a cinq ans encore, s'installaient deux cents jeunes contre, l'année
dernière, cinquante !
Cette politique doit également intégrer l'assurance d'une réelle cohérence
dans le développement des entreprises. Le concept de l'initiative privée,
familiale, ne peut céder devant une libéralisation outrancière du foncier vers
des structures trop importantes où la place de l'homme serait remise en cause.
La terre nourrit des familles qui, par leur présence et leurs activités,
garantissent le maintien d'une ruralité vivante, harmonieuse, capable de
relever des défis sociaux, économiques et culturels.
Cette situation devra être accompagnée d'un certain nombre de mesures
connexes, jusqu'à présent pratiquement inutilisées.
Autant le premier pilier de la PAC - les aides à l'hectare - est un volet
établi et acquis, autant nous constatons que le deuxième pilier - les mesures
connexes - a été insuffisamment exploité et exploré.
Seul le deuxième pilier restera après l'arrivée des pays d'Europe centrale et
orientale. Il convient donc de mieux l'utiliser et de concevoir des mesures
simples, concrètes, faciles à mettre en oeuvre et administrativement
allégées.
N'oublions pas que 70 % des aides européennes destinées à l'aménagement du
territoire, par exemple dans le cadre des « pays », sont restées jusqu'ici
inemployés. Les critères d'accessibilité sont aujourd'hui trop complexes et
n'ont pour effet que de décourager les candidats comme les aides
rotationnelles, la prime à l'herbe et le plan de maîtrise des pollutions
d'origine animale - un dossier de vingt pages, mes chers collègues !
Il faut, pour cela, une politique agricole qui s'intègre dans des vues et des
projets d'avenir.
Les signes que vous avez donnés, monsieur le ministre, en étant attentif dans
la concertation, paraissent être d'heureuses prémices. Toutefois, il serait
dangereux d'en rester à la seule faculté d'écoute. Les crédits de l'agriculture
doivent être à la hauteur des besoins les plus urgents et imposent la recherche
de leur utilisation optimale.
De même, si les récents accords signés avec les centrales d'achat des grandes
surfaces visent à établir un début d'équité, reste à les faire respecter !
Prenons garde, cependant, que les efforts de qualité sur les produits - signés
et labels AOC, IGP - ne soient pas découragés par l'empilement des taxes de
type ANDA, l'Association nationale pour le développement agricole, et INAO,
l'Institut national des appellations d'origine.
Enfin, l'adaptation des aides agri-environnementales aux grands systèmes de
production est une voie à toujours plus développer en tenant compte des
réalités économiques.
Il convient de développer des productions déficitaires de notre balance
commerciale, d'arrêter les importations d'oléagineux et de tourteaux, qui ont
augmenté de 10 % en deux ans, de préserver le revenu par des paliers minimums
de production intensive, de réguler le marché, par des prix d'intervention avec
majorations mensuelles compensatoires.
Une fois de plus, il est urgent de revenir aux procédures les plus simples
pour les interventions et l'éligibilité des aides.
Vous avez dernièrement « remodelé » les procédures des contrats territoriaux
d'exploitation. Si cette réforme conduit, et c'est le cas, à une moins grande
complexité administrative et à une juste définition des objectifs sous la forme
de contrats d'agriculture durable, si ces derniers peuvent être plus facilement
complétés par des concours européens et si chacun des agriculteurs contractants
peut y trouver une indépendance d'entreprise, une garantie sur l'avenir, alors,
un pas important aura été franchi.
Il est beaucoup question des CTE ; on nous en avait promis 200 000 ; à ce
jour, à peine 10 % sont conclus.
La baisse des crédits sur les offices tels OFIVAL, l'Office national
interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'agriculture, ou ONIFLHOR,
l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de
l'horticulture, soulève l'inquiétude de tous les producteurs ; il
fautl'éviter.
N'oubliez pas non plus les zones intermédiaires, nombreuses sur le territoire,
où la conduite de la polyculture, d'élevage, de diversification, crée des
disparités importantes au regard des concours publics.
L'aide à la production ne peut se concevoir équitablement si elle exclut, par
des critères sélectifs et des taux de spécialisation, un nombre important de
producteurs. Les taux de spécialisation doivent être abaissés pour permettre
une aide à tous ceux qui, en raison des disparités dues au climat ou à des
spécificités locales, diversifient leur activité.
Nous savons depuis toujours qu'un revenu fondé essentiellement sur des aides
est trop incertain pour l'agriculteur. Dès 1992, nous l'avions dénoncé ;
aujourd'hui, ces aides sont devenues indispensables. La PAC, les aides diverses
constituent une part non négligeable des revenus agricoles ; c'est en les
multipliant et en les harmonisant dans un esprit de justice et d'équité que
nous pourrons maintenir un équilibre économique sur 80 % de notre territoire et
sauvegarder notre agriculture.
Le Gouvernement doit relever une situation qui s'est beaucoup dégradée ces
dernières années, et nous lui faisons totalement confiance.
Monsieur le ministre, avec une PAC maintenue au-delà de 2006 et jusqu'en 2013,
vous redonnez confiance aux agriculteurs, qui ont besoin, comme les autres
acteurs économiques, d'un minimum de perspectives et de stabilité. C'est dans
ce sens qu'il nous faut agir si nous voulons conserver le monde paysan, si nous
voulons que la France reste un grand pays agricole, et notre agriculture, l'une
des meilleures au monde !
(Applaudissements sur les travées du RPR, de
l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne
pouvons que nous réjouir de l'intérêt porté à l'agriculture par la nouvelle
équipe gouvernementale depuis sa mise en place.
Le Président de la République lui-même vient dernièrement de restaurer
l'autorité de la France en matière de politique agricole commune puisque, grâce
à l'accord qu'il a su trouver avec le chancelier de la République d'Allemagne,
la Commission européenne se trouve stoppée dans ses velléités de révision de la
PAC à mi-parcours et contrainte de respecter les accords de Berlin jusqu'à leur
échéance, en 2006, cela laissant du temps pour l'élaboration de nouvelles
propositions.
Dans ce dossier, monsieur le ministre, nous le savons, vous avez joué un rôle
déterminant, et la représentation parlementaire ainsi que le monde agricole
vous enremercient.
Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez ce soir ne progresse
que de 0,9 %, et nous pouvons, bien sûr, regretter...
M. Jean-Marc Pastor.
Il avoue !
(M. Bernard Piras s'esclaffe.)
M. Bernard Murat.
... - attendez, mes chers collègues ! - que de nouvelles marges de manoeuvre
significatives n'aient pu être dégagées pour traduire réellement l'engagement
du Premier ministre d'ériger l'agriculture au rang de priorité nationale. Il
faut dire que vos possibilités d'action ont été réduites - vous l'aurez
cherché, chers collègues -, par le poids de l'héritage du gouvernement
précédent...
M. Jean-Marc Pastor.
Ah, l'héritage !
M. Bernard Piras.
Vous n'allez pas pouvoir nous le resservir cent sept ans !
(Rires.)
M. Bernard Murat.
... et par le contexte difficile, sur le plan non seulement budgétaire, mais
aussi international.
Nous pouvons tout de même saluer la mise en place de la prime herbagère
agro-environnementale destinée à remplacer l'actuelle prime à l'herbe, qui
arrive à échéance le 30 avril 2003, la création du fonds d'incitation et de
communication pour l'installation en agriculture, celle du fonds de
communication et de valorisation - il est peut-être insuffisamment doté, mais
il était attendu depuis la loi d'orientation agricole de 1999 - ainsi que la
mise en place de la retraite complémentaire au deuxième trimestre de 2003, en
attendant que la mensualisation des retraites de base puisse être mise en
oeuvre, à compter de 2004.
Il s'agit de quelques réponses concrètes à des attentes fortes de la
profession agricole, résultats d'arbitrages difficiles. Il fallait du courage,
monsieur le ministre, pour désamorcer une à une les bombes laissées par vos
prédécesseurs.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En ce qui concerne le nouveau CTE qui doit être prochainement arrêté, vous
nous assurez la création d'un instrument simplifié, plafonné financièrement et
recentré sur les mesures agro-environnementales utiles. Nous en acceptons
l'augure, à condition que le plafonnement, devenu inévitable après les
aberrations du précédent dispositif, ne soit pas trop sévère.
M. Bernard Piras.
Le terrorisme sénatorial !
M. Bernard Murat.
En cette année 2002, année internationale de la montagne, il faut souligner
l'importance des handicaps naturels, la nécessité de faire évoluer leur
compensation financière et de soutenir l'élevage à l'herbe. Le Sénat s'est
d'ailleurs mobilisé. Espérons que ses initiatives contribueront à faire
reconnaître les spécificités des zones de montagne et, surtout, à pérenniser la
fonction de production de l'agriculture, au détriment de la volonté
d'extensification prônée par certains et synonyme de désertification.
Monsieur le ministre, je voudrais, à cette heure tardive, revenir sur un
dossier qui, en tant que Corrézien, me tient particulièrement à coeur
(Ah ! sur plusieurs travées)
:
la défense de l'élevage du veau de lait élevé sous la mère
(Rires)...
M. Paul Raoult.
Cela va faire plaisir à Chirac !
M. Bernard Murat.
Exactement ! J'allais y venir !
... meilleure viande de veau du monde !
(Nouveaux rires.)
M. Jean-Paul Emorine.
Absolument !
M. Bernard Piras.
De l'univers !
M. Bernard Murat.
Je pense que vous n'êtes pas loin de la vérité, monsieur Piras !
Je le sais, monsieur le ministre, vous portez la plus haute attention à ce
dossier. Il est clair aujourd'hui que l'application de la directive européenne
sur le bien-être animal, qui va dans le bon sens, s'impose à tous les Etats, et
nos éleveurs ne pourront s'y soustraire.
Il semblerait judicieux d'adapter quatre mesures. Il conviendrait tout d'abord
de reporter à 2007 l'échéance pour la mise en place des cases collectives afin
de laisser aux éleveurs le temps de s'organiser sur les plans technique et
financier et, ensuite, d'affecter une enveloppe financière spécifique au veau
de lait sous la mère pour l'adaptation des bâtiments aux cases collectives. Il
faudrait, par ailleurs, dispenser de mise aux normes les éleveurs proches de la
retraite et sans succession...
M. Paul Raoult.
Très bien !
M. Bernard Murat.
... et surtout, enfin, mettre en place une dérogation pour le port de la
muselière.
M. Bernard Piras.
Oui !
M. Bernard Murat.
En effet, une expérimentation récente sur l'hématocrite d'un veau de lait sans
muselière tend à prouver que l'absence de cette protection est préjudiciable à
la blancheur de la viande et, de ce fait, pénalise durement l'éleveur et la
qualité du produit.
M. Paul Raoult.
Très juste !
M. Bernard Murat.
En Corrèze, comme dans d'autres bassins de production, le veau de lait est un
savoir-faire ancestral. Sa qualité gustative, sa sécurité sanitaire, sa
traçabilité font partie de notre patrimoine.
Monsieur le ministre, au nom de nos éleveurs mais aussi des consommateurs qui
sont de plus en plus exigeants, ne mettons pas en péril cette production
exceptionnelle qui, malgré la dureté de la tâche, permet à nos paysans de vivre
sur leur exploitation et de leur exploitation.
A cet égard, je remarque que je n'ai pas entendu parler de paysans dans ce
débat. Pourtant, quel plus beau mot pour parler de l'agriculture que celui de
paysan ?
M. Bernard Piras.
C'est vrai !
M. Bernard Murat.
Je sais, monsieur le ministre, que vous saurez plaider ce dossier auprès des
instances communautaires compétentes pour que soient trouvées des réponses
constructives et pragmatiques, dans le sillage d'un ministre de l'agriculture
qui, en son temps, a beaucoup fait pour le développement de la production du
veau de lait corrézien et qui continue, en dépit de ses hautes responsabilités,
à suivre avec attention ce dossier.
M. Bernard Piras.
Ainsi que d'autres dossiers !
M. Paul Raoult.
Quelle allégeance !
M. Bernard Murat.
En conclusion, monsieur le ministre, je voterai votre projet de budget, qui
est certes défensif mais qui montre clairement votre engagement auprès de nos
agriculteurs, avec qui vous avez su renouer le dialogue, afin de leur donner un
avenir dans la dignité.
Monsieur le président, je profite de cette occasion pour vous inviter, ainsi
que tous nos collègues, à rencontrer ces paysans dans le pays de Brive, à
l'occasion du congrès de la Fédération nationale bovine, qui sera jumelé avec
la première fête nationale de la truffe, le 6 février prochain.
(Exclamations amusées.)
M. Jean Bizet.
Quelle chance !
M. Bernard Murat.
Le veau de lait et la truffe, monsieur le ministre,...
M. Paul Raoult.
La France profonde !
M. Bernard Piras.
Le veau de lait aux truffes, c'est pas mal !
M. Bernard Murat.
... n'est-ce pas le mariage des savoir-faire de l'agriculture française avec
le dynamisme de nos producteurs qui, grâce à vous, ont su retrouver la
confiance dans le gouvernement de la France et apporter ce soir à votre projet
de budget, monsieur le ministre, les saveurs gourmandes de la Corrèze ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'ai cru déceler une certaine connivence entre M. Bernard Murat et M. Bernard
Piras !
(Sourires.)
M. Bernard Piras.
Sur les truffes seulement, monsieur le président !
(Nouveaux
sourires.)
M. le président.
La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard.
Monsieur le ministre, au-delà de votre projet de budget que nos excellents
rapporteurs ont disséqué avec talent, vous me permettrez d'insister à nouveau
sur ce qui, depuis des mois, focalise l'attention des milieux de la pêche : je
veux bien évidemment parler de la réforme de la politique des pêches.
Les propositions drastiques avancées en mai dernier par la Commission étaient
assorties de l'engagement de présenter, avant l'échéance fatidique de la fin du
mois de décembre, un plan destiné « à en pallier les conséquences sociales,
économiques et régionales ».
C'est chose faite depuis le début du mois dernier, dans le desssein, sans nul
doute, de se concilier le vote du Parlement européen, appelé à débattre de
cette question demain.
La Commission propose de reprogrammer quelque 600 millions d'euros disponibles
au sein de l'Instrument financier d'orientation des pêches, l'IFOP. Le
programme IFOP pour la période 2000-2006, actuellement en vigueur, prévoit
environ 20 % pour le renouvellement et la modernisation de la flotte et 3 %
pour les mesures sociales.
La manoeuvre - j'emploie ce mot à dessein - consisterait dès lors à faire
riper, pour parler familièrement, les aides qui sont aujourd'hui accordées à la
flotte vers un dispositif complexe de préretraites et de primes de
reconversion, organisant méthodiquement la mutation d'un secteur économique à
part entière en une activité résiduelle à dominante sociale.
Or la suppression des aides est à la fois condamnable et stupide.
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Tout à fait !
M. André Trillard.
Elle est condamnable en ce qu'elle fait bon marché de la sécurité de nos
marins. A cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir prévu dans
votre budget l'achat de vêtements à flottabilité intégrée !
Elle est stupide puisque la modernisation ne risque pas de se traduire par un
accroissement de captures, celles-ci étant encadrées par des totaux autorisés
de captures et des quotas, que la Commission vient d'ailleurs de proposer de
réduire brutalement et dans des proportions considérables pour le cabillaud, le
merlan, mais aussi la sole.
Le plan de la Commission n'a qu'un aspect positif, à savoir la prise en
considération de la situation particulière de la petite pêche côtière qui vient
de vivre une année bien morose.
La pêche doit bon nombre d'innovations à son secteur artisanal, et vous me
permettrez à cet égard, monsieur le ministre, d'exprimer avec force deux
souhaits : d'une part, les mesures de déductions pour aléas, en vigueur
désormais pour les agriculteurs, devraient être étendues au secteur de la pêche
et, d'autre part, les concours de SOFIPECHE gagneraient à être ouverts à
l'accession à la propriété des jeunes patrons pêcheurs.
Mais j'en reviens au plan de la Commission européenne.
Les navires de moins de douze mètres pourraient se voir conférer une
exclusivité de la pêche dans la bande de douze milles, facilité qui serait
toutefois limitée aux bateaux ne pratiquant ni la drague ni le chalut, ce qui
en restreint beaucoup la portée et qui crée la zizanie entre les pêcheurs
côtiers, d'autant plus qu'avec des filets atteignant parfois plusieurs
kilomètres on ne peut guère parler de « pêche douce ».
Les 16 et 17 décembre prochains, le Conseil va devoir trancher.
En son sein, la plupart des pays de l'Europe du Nord apportent leur appui à la
Commission, d'autant qu'une relative discrétion recouvre les ravages causés par
la pêche minotière sur les fonds marins, pour laquelle le commissaire Fischler
ne propose qu'une diminution modeste de 10 %.
Mais le groupe dit des « Amis de la pêche » dispose d'une minorité de blocage,
ce qui pourrait conduire au maintien des aides au prix d'un mécanisme de «
déchirage » d'une extrême rigueur, propre à avantager la flotte espagnole, plus
ancienne et plus nombreuse que la nôtre.
Evoquant celle-ci, bien que les enseignements qu'il convient de tirer de la
catastrophe du
Prestige
relèvent des attributions de votre collègue M.
Dominique Bussereau, nos populations côtières si éprouvées par le précédent de
l'
Erika
ne comprendraient pas que je ne me fasse pas l'interprète de
leur émotion, mais aussi de leur colère : colère devant la dilution des
responsabilités entre les multiples protagonistes de ce drame, mais aussi
devant l'inertie des Etats membres de l'Union face aux mesures dont le principe
paraît acquis, mais dont la mise en oeuvre est toujours différée.
A cet égard, je tiens à saluer la détermination de notre Président de la
République et du Premier ministre espagnol à Malaga, s'agissant de
l'accélération du calendrier de mise en oeuvre des directives comme de la
décision d'extension immédiate de la zone d'inspection à 200 milles marins,
mesure qu'il sera proposé aux autres membres d'adopter au mois de décembre à
Copenhague.
Puisque vous m'avez laissé dériver
(Sourires)
sur le sujet de la
sécurité maritime, permettez, monsieur le ministre, que je vous dise, une
ultime fois avant l'échéance du 12 décembre, combien nous comptons sur l'appui
du Gouvernement pour que la France, à travers la ville de Nantes, soit retenue
comme siège de l'Agence européenne de sécurité maritime, indispensable à la
sauvegarde de notre pêche et de nos côtes.
Monsieur le ministre, le succès de votre action dans le domaine de la
politique agricole, comme la détermination dont vous témoignez dans la
difficile sauvegarde des intérêts de notre pêche me conduisent bien évidemment
à traduire la confiance que je vous porte par le vote de votre budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je tiens à remercier l'ensemble des intervenants de la qualité de cette
discussion, et je veux souligner, pour m'en réjouir, que chacun a respecté
rigoureusement le temps de parole qui lui était imparti.
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame,
messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà
quelques mois, entendu pour la première fois par votre commission des affaires
économiques, j'avais dit vouloir inscrire mon action sous le triple signe du
pragmatisme, de l'humilité et de l'ambition.
Pour ce qui est du pragmatisme, tout d'abord, si nous ne partageons pas une
vision idéologique des réalités, nous ne cherchons pas à faire se battre les
paysans les uns contre les autres, les petits contre les gros, la plaine contre
la montagne, j'en passe et des meilleures. Nous souhaitons tout simplement
défendre et promouvoir toutes les agricultures françaises, car nous savons
qu'en ce domaine le pluriel s'impose.
L'humilité, ensuite, est assurément de mise à la tête d'un ministère aux
compétences variées, qui s'occupe aussi bien des productions, de la politique
agricole européenne, de l'aide alimentaire, de l'enseignement et de la pêche
que de questions sociales, de la forêt ou du cheval. Elle est de mise aussi
devant l'ampleur des crises que traversent la plupart des filières et qui
plongent nos paysans dans une inquiétude que je comprends.
Enfin, nous voulons, pour l'Europe et pour la France, une ambition agricole
qui n'a de chance de se réaliser que grâce à un contrat de confiance entre les
Français et leurs agriculteurs, autour d'une agriculture respectueuse de
l'environnement comme du consommateur, aux productions de qualité et au coeur
d'un monde rural dynamique.
Dès lors, nous nous sommes mis au travail sur le terrain, dans nos
départements, entretenant un dialogue constant avec les paysans et leurs
représentants au Parlement et, bien évidemment, à Bruxelles. Nous avons voulu
renouer le contrat de confiance et agir avec ambition pour notre
agriculture.
Votre rapporteur spécial ainsi que vos rapporteurs pour avis, dans leurs
rapports, ont excellemment présenté l'économie générale de ce projet de budget
pour l'année prochaine et je voudrais les en remercier. Je souhaite également
remercier chacune et chacun d'entre vous pour vos contributions, quel que soit
le banc sur lequel vous siégez. En effet, sur un tel sujet, le dialogue
républicain doit nous réunir par-delà nos différences pour promouvoir une
vision unie de notre agriculture.
S'agissant du volume global du budget, tout a été dit, ou presque ; aussi me
limiterai-je à deux observations.
Premièrement, comme l'a souligné votre rapporteur spécial, M. Joël Bourdin, il
faut replacer ce budget dans un cadre plus large. L'effort global en faveur de
l'agriculture représente approximativement 30 milliards d'euros, dont 15
milliards d'euros environ sont consacrés à la protection sociale agricole. Sur
les 15 milliards d'euros restants, 10 milliards d'euros proviennent de
Bruxelles et 5,2 milliards d'euros du budget national du ministère de
l'agriculture. De surcroît, sur ce dernier budget, 1,2 milliard d'euros est
destiné à l'enseignement et à la recherche agricoles.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, cela signifie que, pour
défendre mon budget, je dois à la fois me battre à Paris lors des débats
interministériels arbitrés par le Premier ministre, qui ne sont pas simples,
mais également - au moins autant - à Bruxelles, puisque les deux tiers du
budget de l'agriculture proviennent de l'Union européenne. Il faut bien garder
en mémoire ces ordres de grandeur.
La seconde observation que je voudrais formuler s'inscrit dans le prolongement
des réflexions de MM. Marcel Deneux, Jean-Michel Baylet et Paul Raoult.
Evidemment, l'art de la discussion budgétaire conduit facilement à se battre
sur des pourcentages. Il faut toutefois relativiser la base sur laquelle les
chiffres sont avancés : tient-elle compte de la loi de finances initiale, des
abondements de la loi de finances rectificative, des reports, des gels de
crédits qu'en général le ministère du budget décide peu après que le budget a
définitivement été adopté ?
Aussi, je ne me lancerai pas dans des querelles d'apothicaires. De loi de
finances initiale en loi de finances initiale, le budget de mon ministère
augmente de 0,9 %, ce pourcentage n'ayant d'ailleurs que peu de signification.
Ce qui compte, c'est que nous ayons les moyens de mener notre politique. C'est
cette politique que je souhaite vous présenter, en répondant à vos attentes et
à vos interrogations.
Avant d'entrer dans le détail des enjeux nationaux, européens et
internationaux du budget du ministère de l'agriculture et du budget annexe des
prestations sociales agricoles, je voudrais répondre aux questions posées par
M. Larifla. En effet, l'économie agricole des départements d'outre-mer est
extrêmement caractéristique, parce qu'elle se trouve à l'intersection de
politiques nationales, de politiques communautaires et de négociations liées à
l'Organisation mondiale du commerce.
M. Larifla a très bien exposé les problèmes auxquels sont confrontés les
secteurs du sucre et de la banane en Guadeloupe, même si ce département
connaît, comme d'autres, des problèmes structurels de propriété foncière et de
crédits en faveur de l'économie, notamment agricole.
En étroite liaison, ma collègue Brigitte Girardin et moi-même nous sommes
efforcés au cours des dernières semaines d'obtenir du comité de gestion à
Bruxelles des accroissements de crédits pour les producteurs et les
coopératives de la filière.
Assurément, cela va dans le bon sens, mais il est clair aussi, comme vous
l'avez vous-même dit, monsieur le sénateur, qu'une étude complète est
nécessaire pour « remettre à plat » l'ensemble de l'organisation commune de
marché de la banane.
Vous pouvez compter sur notre détermination, monsieur le sénateur, pour
défendre la filière de la banane dans le cadre des adaptations et des réformes
de la politique agricole commune.
L'organisation commune de marché du sucre est un sujet extrêmement important
et fort complexe puisque, s'il concerne bien évidemment la Guadeloupe, les
Antilles et la Réunion, il concerne également la France métropolitaine, et
l'accord préférentiel entre l'Europe et les Etats ACP lui confère une dimension
communautaire et impose des négociations à l'échelon de l'Organisation mondiale
du commerce.
La filière canne-sucre-rhum comporte des dispositions très importantes pour la
Guadeloupe. Le Gouvernement les défend dans le cadre de conventions
quinquennales qui comprennent des aides en faveur des producteurs et assurent
l'équilibre des outils industriels.
Pour le rhum, nous avons obtenu une dérogation fiscale auprès des autorités
communautaires jusqu'en 2013, mais nous savons que, sur l'OCM sucre, un travail
extrêmement important reste à accomplir : comme vous le savez, le Brésil et
quelques autres Etats ont lancé un « panel » devant l'Organisation mondiale du
commerce contestant les accords préférentiels dans le cadre des accords ACP.
Nous avons donc devant nous, monsieur le sénateur, un véritable sujet à
traiter.
Vous l'avez qualifié de sujet « emblématique » pour l'économie de la
Guadeloupe, mais, bien au-delà de la Guadeloupe, c'est aussi l'avenir des
relations commerciales entre la France, l'Europe et de nombreux pays du Sud qui
est en cause.
Sur ce point encore, monsieur le sénateur, ne doutez pas de ma détermination,
comme de celle de Mme Girardin.
Si j'ai choisi d'évoquer l'outre-mer au début de mon intervention, c'est pour
illustrer l'enracinement des sujets agricoles dans notre histoire et dans nos
terroirs, sous tous les cieux et sous toutes les latitudes, et leur imbrication
non seulement avec la politique agricole européenne, mais également, et de plus
en plus, avec les négociations commerciales multilatérales, ce qui me permet
d'en venir, mesdames, messieurs les sénateurs, aux échéances européennes et
internationales.
Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous nous sommes trouvés confrontés,
vous le savez, à un calendrier comunautaire et international très chargé : tout
d'abord, la revue à mi-parcours de la politique agricole commune après la
publication du plan Fischler le 10 juillet dernier, ensuite, la négociation
pour l'élargissement et, enfin, l'ouverture du cycle agricole post-Doha, qui se
conclura provisoirement sans doute à Cancùn en septembre de l'année
prochaine.
Souvenez-vous, il y a quelques temps, on prédisait la fin de la politique
agricole commune et on disait que la France était isolée et qu'elle ne
parviendrait pas à remonter le courant à Bruxelles.
Force est de constater qu'au mois de juillet dernier, lors de la revue à
mi-parcours, la France n'était pas isolée puisque dix pays environ sur quinze
ont émis d'expresses réserves - et même plus - et je remarque qu'au mois de
septembre nous avons pu à sept pays publier le même jour une tribune pour la
défense de la politique agricole commune dans vingt quotidiens européens.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Enfin, il y a quelques semaines, la France a su faire
mouvement, derrière le Président de la République et le Chancelier Schröder,
pour tracer à Bruxelles des perspectives pour l'avenir de la politique agricole
commune.
Le Président de la République a en effet obtenu que l'élargissement ne bute
pas sur les égoïsmes budgétaires et que la politique agricole commune et les
agriculteurs ne lui soient pas sacrifiés. Plusieurs d'entre vous - MM.
Vasselle, Soulage, Rispat et Murat notamment - l'ont relevé, et je tiens à les
en remercier, car ce rendez-vous de Bruxelles était bien d'une extrême
importance.
Le calendrier adopté à Berlin en 1999 sera respecté et les crédits en faveur
de la politique agricole commune préservés. Sur ce sujet, je vais tenter en
quelques minutes de dissiper les craintes qu'ont exprimées aussi bien M.
Doublet que M. Le Cam quant au contenu réel de cet accord sur le plan
budgétaire.
Comme vous le savez, à Berlin, des enveloppes avec des volumes budgétaires
définis ont été établies à la fois pour les quinze Etats membres - c'est un
premier « paquet » - et - « deuxième « paquet » - pour les dix pays candidats à
l'adhésion. Enfin, un troisième « paquet » d'enveloppes non déterminées
budgétairement sont prévues pour la Roumanie et la Bulgarie quand ces deux pays
rejoindront l'Union européenne.
A Bruxelles, il a été décidé de reprendre les chiffres, de les «inflater » de
1 % par an pour parvenir à une somme proche des euros constants, puis de «
solidifier » cette masse budgétaire de 2003 à 2013.
Dire que nous ferons payer l'élargissement aux seuls Quinze ou, plutôt, dire
que l'argent des Quinze devra suffire aux Vingt-cinq n'est donc pas exact,
puisqu'une enveloppe spécifique est prévue pour les dix Etats qui nous
rejoignent, en plus de l'enveloppe des quinze Etats déjà membres.
J'ajoute que l'accord porte aussi sur les plafonds de dépenses, et non pas sur
les dépenses réellement effectuées. Or chacun sait que le niveau réel des
dépenses aujourd'hui est bien plus faible que les plafonds, l'écart étant de
l'ordre de 2,5 milliards d'euros environ, ce qui n'est pas rien ! C'est autant
de marge de manoeuvre pour l'évolution budgétaire future de la politique
agricole commune, et je tenais à le dire pour lever toute ambiguïté.
L'accord de Bruxelles clarifie donc le débat sur la revue à mi-parcours. Pour
résumer, je dirai qu'il ferme la voie aux solutions aventureuses, mais
n'interdit pas les solutions pragmatiques.
Il ferme la voie aux solutions aventureuses, et notamment au découplage total
des aides, et il permet de construire dans la durée une politique agricole
durable.
Cela ne signifie pas pour autant la fin de la revue à mi-parcours de la
politique agricole commune, car, bien évidemment, et je le dis comme je le
pense, des adaptations sont nécessaires : certaines organisations communes de
marché fonctionne très mal, et le deuxième pilier gagnerait à être simplifié et
à être plus efficace afin de financer davantage d'actions.
Lors du Conseil des ministres de l'agriculture qui s'est tenu la semaine
dernière, ces sujets ont été évoqués à l'occasion d'un tour de table, et la
France a exprimé sa volonté de réformer la politique agricole commune. Nous ne
voulons cependant pas faire n'importe quoi sous prétexte de céder à je ne sais
quelle mode dans la précipitation, et ce sentiment est, je crois, largement
répandu au sein du Conseil des ministres.
Dans le cadre de la réforme, nous devons porter une attention renouvelée à
deux questions très importantes. La première, que MM. Deneux et Vasselle ont
évoquée, est celle de la préférence communautaire, dans le contexte de la
progression considérable des importations de blé des pays de la mer Noire.
La Commission présentera aux Etats membres lors du Conseil de décembre les
résultats auxquels elle est parvenue à l'OMC dans le domaine des céréales, afin
de permettre une mise en oeuvre du dispositif au 1er janvierprochain.
Le diable se cachant dans les détails, je serai particulièrement attentif à ce
que les modalités pratiques de mise en oeuvre de ces mécanismes leur assurent
un fonctionnement efficace, permettant de rétablir durablement un équilibre du
marché communautaire.
La seconde question très importante est d'éviter que des réformes inutiles et
coûteuses pour le budget communautaire ne soient décidées. L'accord des chefs
d'Etat stabilise la dépense en euros constants à partir de 2007. Nous devons
éviter les gaspillages. Il faut, par exemple, nous battre contre la baisse
supplémentaire de 5 % du prix d'intervention des céréales, qui ne se justifie
pas dans l'état actuel du marché.
Nous attendons en outre une simplification des dispositifs de développement
rural, car le système actuel ne fonctionne pas de façon satisfaisante.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que la France a dû payer
l'année dernière la modeste somme de 21 millions d'euros de pénalités à
Bruxelles au motif qu'une somme de 289 millions d'euros n'avait pas été
consommée durant l'exercice budgétaire.
M. Alain Vasselle.
Merci, Glavany !
M. Bernard Piras.
C'est un peu facile à dire !
M. André Lejeune.
Il n'y est pour rien !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Cela m'amène à la modulation, que plusieurs d'entre vous ont
évoquée et qui est présentée comme un mécanisme exemplaire, une sorte de «
Robin des bois » qui prendrait aux riches pour donner aux pauvres.
M. Bernard Piras.
Ce n'est pas tout à fait ça !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Bien sûr, ce n'est pas vrai. D'abord, on n'a pas pris aux
riches, parce que les riches ne sont pas aussi nombreux qu'on le dit.
M. Alain Vasselle.
Exactement !
M. Bernard Piras.
Ce n'est en effet pas M. Vasselle qui dira le contraire !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Ces 215 millions d'euros, il a donc fallu, mesdames, messieurs
les sénateurs, les prélever auprès de beaucoup d'exploitations et de régions à
revenu intermédiaire. C'est une première chose.
M. Alain Vasselle.
Exactement !
M. Bernard Piras.
Vous avez 400 hectares, monsieur Vasselle : c'est le grand capital !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
La deuxième chose, c'est que ces 215 millions d'euros ne sont
toujours pas revenus en France. Ils n'ont donc pas du tout servi à financer les
CTE : ils sont toujours gelés sur un compte du FEOGA, faute de pouvoir être
dépensés.
M. Alain Vasselle.
Voilà !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
C'est la raison pour laquelle, de manière pragmatique, j'ai
suspendu la modulation en prenant mes fonctions de ministre au mois de juin.
Cette décision sera bien évidemment renouvelée l'année prochaine, car je vois
mal que l'on prélève de l'argent sur les paysans alors qu'ils sont dans une
situation difficile,...
M. Bernard Piras.
Pas M. Vasselle !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
... pour que l'argent reste dans un compte à Bruxelles,
inemployé et, à ce jour, inemployable.
M. Bernard Piras.
Il faudrait l'utiliser !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
D'ailleurs, les CTE, qui ne sont pas financés par le produit de
la modulation puisque cet argent est toujours à Bruxelles, ont profité
davantage aux grandes exploitations qu'aux petites.
M. Bernard Piras.
A M. Vasselle !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Il est donc faux de dire que le CTE était un outil
exclusivement réservé aux régions ou aux exploitations en difficulté, puisqu'en
réalité - et les cartes sont à cet égard très éloquentes - les exploitations
modulées se sont « refaites », si j'ose dire, par le biais de CTE non plafonnés
beaucoup plus importants que dans les régions pauvres et défavorisées. Je dis
donc : avec pragmatisme, regardons les choses telles qu'elles sont et pas
telles qu'on voudrait qu'elles soient !
Après l'Union européenne, j'en viens à un autre sujet international de taille,
les discussions devant l'Organisation mondiale du commerce. Je ferai deux
remarques.
Première remarque, c'est une vraie défaite politique de l'Europe que d'avoir
laissé, depuis dix ans et plus, se constituer une alliance contre nature entre
ce que l'on appelle les pays du « groupe de Cairns », c'est-à-dire les grands
pays exportateurs de produits agricoles, d'une part, et, d'autre part, les pays
en voie de développement.
Chacun a en tête les échos de la conférence de Johannesburg qui s'est tenue
l'été dernier et tout au long de laquelle procès fut fait à la politique
agricole commune européenne d'être responsable du sous-développement agricole
du tiers-monde. C'est faux, mais il n'empêche que c'est une véritable défaite
de l'Europe d'avoir laissé, année après année, accréditer cette idée.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Face à cette situation, que faut-il faire ? Il faut, tout
d'abord, dire les choses telles qu'elles sont et rappeler que l'Europe donne,
en pourcentage de sa richesse nationale, plus - avec le Japon, je le concède -
que tout autre pays pour l'aide au développement, même si cette aide est
insuffisante.
De plus, les marchés européens sont les plus ouverts - et de loin - aux
produits agricoles du tiers-monde.
Par ailleurs, les pays du tiers-monde exportateurs de produits comme le cacao,
le café et le coton souffrent particulièrement des aléas des marchés mondiaux
et du système inique des bourses de matières premières à Londres ou à Chicago.
Or, Londres ou Chicago, ce n'est pas la politique agricole commune !
Enfin, que penser de cette idéologie « politiquement correcte » du prix
mondial artificiellement bas qui détruit les cultures vivrières dans les pays
du Sud et gonfle les bidonvilles aux alentours des grandes mégapoles africaines
?
Sur l'ensemble de ces sujets, il faut rétablir la vérité et ne pas se laisser
terroriser intellectuellement par toutes les contrevérités qui sont publiées
jour après jour dans la presse financière anglosaxonne ou dans les rapports de
nombreuses institutions internationales, comme l'OCDE, le FMI ou la Banque
mondiale.
Par ailleurs, il faut, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce,
prendre le taureau par les cornes et voir ce qui ne va pas.
Deux choses ne vont pas.
D'abord, il faut que tous les pays du monde, et pas seulement d'Europe,
balaient devant leur porte quant à certaines formes d'aides à l'exportation.
Que font les Etats-Unis avec leur
marketing loans
et leurs fausses aides
alimentaires ? Osons enfreindre, là encore, la pensée unique pour mettre en
place des systèmes de préférence spécialisés pour les pays du Sud.
En effet, parmi les pays du Sud pris de manière globale, il y a certes des
pays émergents qui sont de grands exportateurs, mais il y a aussi des pays
réellement pauvres. Si, du jour au lendemain, on passait à la libéralisation
absolue des échanges, ce sont les nouveaux pays émergents qui prendraient les
marchés dans les autres pays du Sud. C'est pourquoi il faut un système de
préférences spécifiques.
Un champ de réflexion immense nous est donc ouvert : la négociation devant
l'OMC, le sommet franco-africain au mois de février 2003, le G 8 au début du
mois de juin et le rendez-vous de Cancùn au mois de septembre !
Pour l'avenir de l'agriculture française et européenne, ces sujets sont au
moins aussi importants que ceux qui relèvent de la politique agricole commune.
C'est pourquoi nous ne sommes pas du tout d'accord avec la vision développée
par la Commission européenne dans le cadre de cette négociation commerciale
multilatérale. La Commission semble avoir trouvé dans le découplage des aides
la formule magique, la pierre philosophale, qui réglerait tout. Outre qu'un
découplage systématique et généralisé n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact
sérieuse sur l'agriculture européenne en général, je crois que, sur le plan de
la négociation commerciale multilatérale, c'est une fort mauvaise idée, et ce
pour deux raisons. Première raison : je n'ai jamais vu une négociation dans
laquelle on désarmait avant de négocier ; je crois que cela n'a jamais existé
depuis l'origine du monde. Ce serait faire preuve d'une naïveté et d'un
irénisme coupables.
Deuxième raison : pour les pays du groupe de Cairns, ce qui est en cause,
c'est la politique agricole commune dans son ensemble, quelle que soit la boîte
dans laquelle on la classe à l'OMC, qu'il s'agisse de la « boîte bleue » ou de
la « boîte verte ». C'est la raison pour laquelle nous devons, tous ensemble,
être très vigilants.
Au-delà de la vigilance - et là, c'est une manière de répondre à M. Pastor,
qui m'exhortait à l'imagination et au volontarisme -, je dirai : oui, nous
avons eu de l'imagination pour construire cet accord de Bruxelles ; oui, nous
aurons de l'imagination sur tout ce qui touche à la négociation devant
l'Organisation mondiale du commerce. Nous devons aujourd'hui faire preuve de
volontarisme pour une politique agricole ambitieuse.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais maintenant recentrer mon propos sur
ce qui nous réunit ce soir, mais, s'agissant des questions agricoles, tout se
tient, et c'est pourquoi j'ai évoqué, sans doute un peu trop longuement,
l'Europe et le monde.
Le budget pour 2003 se veut à la fois réaliste et ambitieux. Il s'agit de
rendre toute sa place à l'agriculture, de soutenir les filières et de
contribuer à une meilleure maîtrise des finances publiques et à la réforme de
l'Etat.
Les crédits inscrits pour 2003 nous permettront de mettre en place plusieurs
priorités. De ce point de vue, et sans intention de polémiquer, je voudrais
remercier MM. Serge Mathieu et Jean-Paul Emorine pour les propos qu'ils ont
tenus sur le bilan budgétaire difficile que nous ont laissé nos prédécesseurs.
Monsieur Pastor, nous avons essayé de construire ce budget de manière sincère,
en intégrant à la fois les crédits inscrits dans la loi de finances initiale,
mais également des crédits supplémentaires inscrits dans la loi de finances
rectificative. J'y reviendrai.
Le premier objectif, c'est une agriculture écologiquement responsable et
économiquement forte. A cet effet, nous mettons en place plusieurs mesures
importantes.
La première, c'est la prime herbagère agri-environnementale qui a été évoquée
par MM. Bernard Joly, Jean-Marc Pastor, André Lejeune et Jean Boyer. Cette
prime a constitué, vous le savez, l'une de mes priorités pour ce budget 2003.
En effet, quand nous sommes arrivés au ministère, rien n'avait été prévu pour
remplacer le dispositif de la prime à l'herbe qui se termine à la fin de cette
année. Il fallait non seulement trouver de l'argent, mais, en plus, mener à
bien une négociation avec la Commission de Bruxelles, puisque l'ancien système,
depuis un règlement de 1999, n'était plus valable. Nous avons donc beaucoup
travaillé.
Je peux vous confirmer que nous avons décidé d'autoriser l'accès à cette
mesure indépendamment des CTE ou du dispositif contractuel qui lui succédera.
Les éleveurs pourront désormais souscrire une mesure agri-environnementale
figurant dans les cahiers des charges régionaux, validés par la Commission
européenne. A cette occasion, le montant de la prime sera revalorisé de 70 % en
moyenne, ce qui constitue la plus importante augmentation depuis de nombreuses
années. L'enveloppe qui lui est consacrée est ainsi portée à 132 millions
d'euros. Plus de 60 000 exploitants devraient en bénéficier. Compatible avec
nos engagements communautaires, ce nouveau dispositif devrait favoriser un mode
de production herbager respectueux de l'environnement.
Quant au financement de la prime, sur lequelM. Marcel Deneux s'est interrogé,
je confirme qu'il est prévu. En effet, vous aurez l'occasion, dans le collectif
budgétaire de fin d'année, de voter un abondement supplémentaire de 30 millions
d'euros par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale.
S'agissant des critères, nous conserverons 1,4 unité de gros bétail à l'hectare
et un taux de spécialisation d'herbe d'au moins 75 %.
Concernant la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, ou PMTVA,
la Commission a en 2001 accordé à la France une dérogation pour le complément
extensification, compte tenu de la situation particulière de la filière. En
2002, au vu de la moins forte rétention de stockage des animaux, la Commission
ne l'a pas reconduit.
S'agissant de la sélection animale, monsieur Marcel Deneux, je comprends les
questions que vous vous posez par rapport à la baisse - modique - des crédits.
Sachez toutefois qu'il faut juger ces questions dans la durée, et vous le savez
mieux que quiconque. Nous serons bien sûr très vigilants s'agissant du maintien
d'une sélection animale ambitieuse.
La deuxième mesure, c'est l'augmentation de l'indemnité compensatrice de
handicap naturel, l'ICHN. Chacun connaît l'importance de l'ICHN qui succède à
l'ISM, l'indemnité spéciale de montagne, laquelle a été créée voilà trente ans,
c'est-à-dire en 1972, à l'occasion du sommet de la montagne, à
Clermont-Ferrand, pour garantir l'équilibre des territoires et préserver
l'activité agricole dans les zones fragiles. Mon antéprédécesseur avait annoncé
l'augmentation de l'ICHN. Là encore, cette augmentation annoncée n'était pas
financée. Vous l'avez financée à l'occasion de la loi de finances rectificative
de l'été dernier, et nous avons consolidé cette augmentation dans le cadre du
budget pour 2003.
Mon ambition, sur la législature, c'est d'augmenter progressivement les
dotations accordées pour les vingt-cinq premiers hectares. En effet, l'ICHN
telle qu'elle fonctionne aujourd'hui a un effet pervers : elle a parfois
tendance à « vider » les montagnes.
L'agriculture de montagne, sujet évoqué par M. Delfau, est, vous l'imaginez,
chère à l'élu de la montagne que je suis, qui est bien sûr au service de toutes
les formes d'agriculture de notre pays et qui est particulièrement vigilant
s'agissant de la mise en oeuvre des mesures qui s'imposent. Après-demain, je me
rendrai à Clermont-Ferrand pour participer à un grand rassemblement sur ce
sujet.
Au cours des derniers mois, nous avons eu de nombreuses contributions très
intéressantes, notamment le rapport de la mission d'information du Sénat, que
je tiens à saluer ici, et un rapport qui m'a été remis au mois de juillet
dernier sur l'avenir du pastoralisme. Bref, l'année prochaine sera un
prolongement de l'année de la montagne. En effet, le projet de loi, sur lequel
je reviendrai, que j'ai été chargé de préparer pour le développement de nos
territoires ruraux comprendra un volet spécifique pour la montagne, qui prendra
en compte les attentes des paysans de nos montagnes.
S'agissant des contrats territoriaux d'exploitation, comme je le disais dans
mon introduction, j'ai toujours évoqué ce sujet avec beaucoup de pragmatisme.
Ils ne méritent ni excès d'honneur ni indignité.
Les CTE procèdent d'une démarche contractuelle, qu'il faut saluer. De ce point
de vue, ils n'ont d'ailleurs rien inventé : rappelons-nous les OGAF et les
mesures « article 21 ».
D'abord, ceux que j'ai interrogés sur les CTE m'ont répondu que le dispositif
était trop compliqué, trop bureaucratique, ce qui est vrai. Ensuite, ces CTE
étant tellement foisonnants et brouillons, si j'ose dire, on s'était écarté
d'un recentrage sur les mesures agri-environnementales utiles. Enfin, les CTE
représentaient, il faut bien le dire, une menace budgétaire dont la
sophistication n'avait d'égale que la discrétion.
Quand les CTE ont été lancés, on nous a dit que le montant moyen s'élèverait à
22 000 euros. En fait, il s'élève à 44 000 euros. Si vous multipliez 44 000
euros ne serait-ce que par la moitié des exploitations françaises - je suis
gentil -, vous obtenez un total qui représente trois fois le budget actuel du
ministère de l'agriculture. En effet, les CTE n'étaient pas plafonnés. Ils
étaient conçus comme une quasi-prestation sociale, à laquelle devaient avoir
droit tous les exploitants agricoles de notre pays. Or qu'il s'agisse du
gouvernement de l'actuelle majorité ou de l'actuelle opposition, personne ne
peut soutenir qu'il était possible de continuer sur cette pente budgétaire.
C'est si vrai qu'une réunion, présidée le 20 mars dernier par le conseiller
agricole du cabinet de M. Jospin, a conclu au plafonnement des CTE. On a le «
bleu » de Matignon, que je pourrais nous montrer. Or, comme par hasard, ce bleu
n'a été diffusé qu'entre les deux tours de l'élection présidentielle.
D'ailleurs, la mesure de plafonnement a déjà été appliquée de manière spontanée
dans nombre de départements par les organisations professionnelles agricoles,
qui ont une gestion responsable du dossier. Plusieurs organisations
professionnelles ou syndicales agricoles, dont la confédération paysanne, je le
précise, ont salué la décision que nous avons prise en visant à plafonner ces
CTE.
Pour résumer, où en est-on ? Il existe trois catégories de contrats.
D'abord, nous avons les CTE qui étaient signés. Ils seront bien sûr honorés, y
compris les plus contestables car, dans certains départements, des CTE très
coûteux et très discutables ont été signés. Ils seront donc honorés car l'Etat
n'a qu'une parole.
M. Alain Vasselle.
C'était de l'électoralisme !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Ensuite, nous avons les CTE qui n'étaient pas encore signés
mais qui étaient déjà passés en commission départementale d'orientation de
l'agriculture ou qui étaient prêts à y passer. Voilà déjà trois semaines, j'ai
donné instruction aux DDA de les signer après un réexamen au cas par cas sur la
base d'une moyenne départementale de 27 000 euros.
Enfin, j'ai annoncé la semaine dernière, et je le confirme ici, la mise en
place d'un nouvel outil à partir du début de l'an prochain : le contrat
agriculture durable ou CAD, qui se substitue au CTE. Le CAD est simplifié
puisqu'il y a une déclaration, un contrôle et une attribution unique. Il est
plafonné budgétairement à 27 000 euros en moyenne. Il est resserré sur les
mesures agri-environnementales. Il est déconcentré. En effet, nous voulons que
ce soit décidé dans les bureaux de la rue de Varenne. Nous souhaitons que, sur
le terrain, dans chacun de nos départements, les paysans choisissent les
mesures les plus adaptées dans ce nouveau contrat. Une place importante sera
donnée aux échelons départementaux et régionaux, et, en tant que de besoin, les
collectivités locales pourront contribuer au dispositif.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
J'ajoute que ce nouveau contrat comportera à la fois un volet
économique et social et un volet territorial et environnemental. Je crois que
ce contrat donnera satisfaction.
S'agissant du CAD, puisque plusieurs questions m'ont été posées, notamment par
M. Pastor, je ferai deux autres remarques pour expliciter l'articulation entre
ce contrat et la prime herbagère agri-environnementale.
Les CAD comportant un volet herbager agri-environnemental et, éventuellement,
un volet investissement, il est bien évident que le volet investissement peut
être cumulé avec la prime à l'herbe.
S'agissant du volet « mesures agri-environnementales », des mesures de nature
identique ne peuvent pas être superposées sur les mêmes parcelles. En revanche,
sur des parcelles différentes, ou bien s'il s'agit de mesures
agri-environnementales différentes, il est possible de concilier les deux
intruments.
Monsieur Marcel Deneux, ne soyez pas inquiet, ce nouveau dispositif est
financé. En effet, le collectif de fin d'année prévoit 95 millions d'euros au
titre de ces nouveaux contrats.
M. Daniel Goulet a évoqué la question de la sécurité sanitaire. Il s'agit,
bien sûr, d'un sujet très important, que ce soit sur le plan national ou sur le
plan européen. Ayant beaucoup travailllé sur ces questions lorsque j'étais
secrétaire d'Etat à la santé, je peux dire que je suis parfois déçu par
l'approche un peu réductrice de l'Union européenne en matière de santé
publique.
En 1996, en 1997 et en 1998, nous avons réexaminé notre système de sécurité
sanitaire et alimentaire. L'année prochaine, nous aurons une revue à
mi-parcours, avec un bilan à mi-parcours de l'AFSSA. Ce sera aussi l'occasion
de mettre à plat ce qui fonctionne comme ce qui fonctionne moins bien pour
améliorer encore notre système de sécurité sanitaire et alimentaire.
En tout cas, pour l'année prochaine, les crédits consacrés à ce dossier
augmentent de 2,3 %, pour s'établir à près de 400 millions d'euros. Les
effectifs des services vétérinaires baisseront légèrement. En revanche, est
prévue une augmentation des effectifs consacrés à la sécurité phytosanitaire,
qui est un de mes grands sujets de préoccupation. C'est un domaine dans lequel
nous avons beaucoup à faire. Les actions de prévention contre l'introduction
d'organismes nuisibles, les actions d'élimination des végétaux contaminés et
les contrôles sur l'emploi des pesticides seront ainsi renforcés.
Dans le cadre de la lutte contre l'ESB et la tremblante ovine et caprine, les
actions de maîtrise sanitaire des animaux et de leurs produits sont désormais
dotées de 109 millions d'euros, soit une augmentation de 3 %. Les crédits
destinés à l'identification des espèces ovines et caprines augmentent de 11
%.
L'AFSSA bénéficiera de moyens accrus tant en investissement qu'en
fonctionnement.
MM. Bernard Dussaut, Jean-Marc Pastor et Gérard Le Cam ont évoqué le dossier
des farines animales. Je voudrais, sur ce point, m'exprimer en totale
transparence. On distingue deux types de farines animales : d'une part, les
farines à risques et, d'autre part, les farines dites à bas risques. Il est
bien évident que, s'agissant des farines à risques, le dispositif
d'élimination, d'indemnisation et de soutien perdure. En revanche, pour les
farines à bas risques, nous avons décidé, et certains l'ont déploré, une
diminution progressive de l'affectation de crédits publics, et ce pour trois
raisons.
La première est qu'il a toujours été dit que cette indemnisation serait
temporaire et dégressive, et je pourrai, si vous le souhaitez, trouver des
déclarations de mon prédécesseur sur ce sujet. La deuxième est que notre niveau
d'indemnisation actuel est non communautaire, voire anti-communautaire. Enfin,
la troisième, peut-être la plus importante, est que chaque fois que l'on met en
place un système d'intervention publique, il a toujours des effets pervers.
Certains contrôles effectués par les chambres régionales des comptes font
apparaître des effets de niche ou d'aubaine, qui se traduisent par la captation
indue d'une partie de ces crédits. Il était donc indispensable de « moraliser »
la filière.
J'entends bien - et je suis entièrement d'accord avec les remarques qui ont
été formulées sur ce point - que la modification du dispositif ne doit pas
handicaper les producteurs en leur imposant des charges supplémentaires. C'est
la raison pour laquelle, avec le ministère chargé de la consommation, mes
services travaillent à l'élaboration d'un mécanisme qui permette que le coût
soit facturé en pied de facture, c'est-à-dire qu'il n'incombe pas aux
producteurs mais soit répercuté sur l'ensemble de la chaîne.
L'attractivité de l'agriculture fait l'objet de ma deuxième priorité. Comme
nombre d'entre vous l'ont remarqué, l'installation aidée a beaucoup baissé ces
dernières années : nous sommes passés de 10 405 installations en 1987 à 6 000
en 2001. Il nous faut donc inverser la tendance. Comment y parvenir ? Dans ce
domaine également, il faut faire preuve à la fois d'humilité et d'ardeur.
Plusieurs causes expliquent la baisse du nombre d'installations aidées.
La première cause est à rechercher dans l'absence de visibilité économique du
métier d'agriculteur. Le fait d'avoir consolidé la PAC jusqu'en 2013 peut être
un élément important : les agriculteurs ont en quelque sorte un contrat de dix
ans, et les conditions ne changeront plus tous les trois ans.
La deuxième cause est - je n'aime pas beaucoup ce néologisme - « sociétale ».
Dans une société où le non-travail est devenu une valeur, dans une société des
35 heures, comment voulez-vous que les métiers à vocation, notamment ceux des
filières de l'élevage, soient attractifs ? Il s'agit là d'un véritable
problème, qu'aucun gouvernement, quel qu'il soit, ne peut résoudre.
M. Alain Vasselle.
Cela, vos prédécesseurs n'y ont pas pensé !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Enfin, la troisième cause est liée aux conditions d'aide à
l'installation. Nos dispositifs, c'est vrai, ne fonctionnent pas forcément de
manière réellement optimale, et nous travaillons beaucoup en ce moment, en
concertation avec les jeunes agriculteurs, à simplifier les procédures
d'installation et à les rendre moins bureaucratiques. Sur le plan budgétaire,
nous avons mis en place, en créant le FICIA, une nouvelle enveloppe destinée à
favoriser l'installation. Dans notre esprit, je veux être clair, cette
enveloppe n'est pas limitative : nous serions très heureux d'être amenés à
l'abonder, car cela prouverait que le nombre d'installations augmente.
Le troisième volet concerne l'engagement d'une nouvelle politique de l'espace
rural et de la forêt. Sur ce point, je peux rassurer Yann Gaillard et Philippe
Leroy, car je parle sous le contrôle non seulement du président de séance, M.
Fischer, mais également de Jean-Baptiste Colbert. Or Colbert est une
personnalité marquante pour l'agriculture, puisque nous lui devons les Eaux et
Forêts, les Haras nationaux et l'organisation de notre marine.
Je veux donc rassurer Yann Gaillard et Philippe Leroy quant à notre volonté de
prendre en main la politique forestière. Nous savons que la tempête de 1999 a
beaucoup affecté la filière, de même que la crise des feuillus. C'est pourquoi
le projet de budget qui vous est proposé maintient à un haut niveau les efforts
de reconstitution de la forêt, comme l'a souligné votre rapporteur spécial, M.
Joël Bourdin.
J'ai veillé, malgré la situation budgétaire tendue, à ce que les dotations
budgétaires soient abondées en 2003 : les crédits augmentent de 13,7 % ; les
opérations à long terme et les opérations d'investissement, de 36,2 % ; la
dotation des prêts bonifiés, de 8 % ; enfin, celle des replantations, de 63,5
%, dans le cadre des contrats de plan Etat-région. Par ailleurs, la mise en
place des crédits européens, notamment de ceux qui proviennent du FEOGA, accuse
un grand retard. Nous nous employons à en simplifier et à en accélérer le
paiement.
S'agissant des prêts bonifiés aux communes forestières - ils posent un réel
problème, comme l'a souligné Philippe Leroy -, j'étudie actuellement, avec mon
collègue Alain Lambert, la possibilité d'en octroyer de nouveaux, à hauteur des
annuités de remboursement qui arrivent à échéance, afin d'alléger les
difficultés actuelles des trésoreries des entreprises ou des communes ayant
souscrit des emprunts.
Pour clore cette question de la forêt, j'évoquerai enfin les dotations de
l'Office national de la forêt, que nous avons mises à niveau, grâce au nouveau
contrat d'objectifs, de façon à diminuer le déficit prévisionnel. Ainsi, un
versement de 35 millions d'euros a été voté l'été dernier, lors de l'adoption
de la loi de finances rectificative ; une dotation supplémentaire de 25
millions d'euros viendra compenser la baisse des produits de vente ; enfin, la
dotation destinée à compenser les frais de gestion des forêts des collectivités
par l'ONF est reconduite, pour 145 millions d'euros.
Telles sont donc les grandes priorités du budget
stricto sensu
.
J'évoquerai encore les offices et les filières.
Leur budget, qui s'établit à 395 millions d'euros, permet de couvrir
l'augmentation des dépenses de fonctionnement tout en contribuant à l'effort de
maîtrise raisonnée des dépenses publiques.
Nombre d'entre vous, notamment le rapporteur spécial, Joël Bourdin, et Alain
Vasselle, se sont émus de la baisse des crédits des offices. Je serai très
simple et très franc. Nous avons la chance que chacune de nos filières dispose
d'un outil efficace. Vous savez également que, dans les crédits que gèrent les
offices, la part des crédits nationaux est marginale par rapport à celle des
crédits européens.
M. Alain Vasselle.
C'est bien là le problème !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Vous savez enfin que, en situation de crise, jamais nous
n'avons laissé tomber une filière !
Certes, nous enregistrons aujourd'hui une diminution des crédits attribués aux
offices, mais je propose que nous nous donnions rendez-vous à la fin de l'année
prochaine afin de déterminer si les filières auront été moins bien soutenues,
si les réponses d'urgence auront été plus faibles par rapport aux attentes des
professions. Je suis persuadé que nous constaterons alors que les choses se
seront passées de façon convenable.
Un amendement tendant à ce que le Gouvernement dépose avant le 30 juin 2003 un
rapport relatif aux offices a été adopté à l'Assemblée nationale.
M. Bernard Piras.
C'est pour nous endormir, monsieur le ministre ?
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Pas du tout ! Vous savez, moi, je ne m'endors pas !
M. André Lejeune.
Un rapport, c'est pourtant un bon moyen de faire des économies budgétaires
!
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Le 30 juin prochain, un rapport fera le point, car il est
extrêmement important, en la matière, que nous puissions avancer dans la bonne
direction.
Je rappellerai quelques chiffres concernant le fonds national de garantie des
calamités agricoles. Le 31 décembre 2001, sa trésorerie était de 273 millions
d'euros. Le 31 décembre 2002, après le prélèvement opéré l'été dernier, et
malgré toutes les catastrophes que nous avons vécues, elle s'élèvera encore à
173 millions d'euros. Le 31 décembre 2003 - hors catastrophes, par définition
imprévisibles -, en tenant compte de la consommation habituelle, la trésorerie
devrait encore atteindre 111 millions d'euros. Il ne semble donc pas utile,
dans la situation difficile que nous connaissons, d'augmenter les prélèvements
obligatoires pour alimenter ce fonds sur des crédits budgétaires, alors même
que sa trésorerie est satisfaisante.
Ce qui est certain - et, sur ce point, je pense que les professionnels ont
raison -, c'est que, alors que la loi de 1964 prévoit un financement paritaire
du fonds entre la profession et le budget de l'Etat, celui-ci, depuis quelques
années, a moins contribué que ce n'était le cas auparavant. Il va de soi que,
le moment venu, l'Etat sera là pour faire face à ses responsabilités.
Puisque je parle des calamités, j'évoquerai, pour répondre à MM. Daniel
Soulage et Gérard César, un sujet voisin et extrêmement important : celui de
l'assurance récolte, longtemps limitée au risque de grêle.
A la suite du rapport Babusiaux et du décret publié au début de l'année, nous
nous interrogeons sur une possible extension de ce système. Vous savez que les
Espagnols ont un dispositif très en avance sur le nôtre, mais assez coûteux.
Par ailleurs se tiennent actuellement, à l'échelon communautaire, des
discussions tendant à mettre en place, à l'occasion de la revue à mi-parcours,
un système d'assurance récolte plus efficace.
Quoi qu'il en soit, sachez que c'est un sujet sur lequel nous travaillons en
concertation avec les professionnels et leurs organisations, ainsi qu'avec les
assureurs et l'administration. Nous avons encore beaucoup de progrès à faire
pour parvenir à une gestion plus moderne des calamités naturelles, certes, mais
également des pertes de recettes économiques, le système espagnol couvrant ces
deux types d'aléas.
Pour terminer, je dirai quelques mots des filières.
MM. César et Delfau sont les auteurs d'un excellent rapport qui éclaire bien
les enjeux de l'avenir de notre filière viticole. J'ai soumis le rapport
Berthomeau
Cap 2000
à la profession, qui me remettra ses conclusions
dans les semaines qui viennent. A partir de là, nous élaborerons un plan
pluriannuel pour la relance de la viticulture française, dont une partie très
importante, relative au commerce extérieur, sera préparée en liaison avec mon
collègue François Loos.
Un certain nombre de plans spécifiques concernent le vignoble languedocien, et
nous avons obtenu de Bruxelles ce que demandaient les professionnels de la
région : la reconversion qualitative différée. Comme l'a rappelé Serge Mathieu,
des dispositions spécifiques ont été prises pour le Beaujolais. Enfin,
s'agissant du vignoble charentais, qui préoccupe M. Doublet, un certain nombre
de mesures sont prévues dans le contrat 2001-2006. C'est certainement
insuffisant. C'est la raison pour laquelle, lorsque M. Zonta, qui a été chargé
d'une mission sur l'adaptation de la viticulture charentaise, m'aura remis son
rapport, je pourrai, en liaison avec les professionnels et les élus, prendre
les dispositions adéquates.
Mme Herviaux a évoqué l'aviculture. D'une part, du fait de la préférence
communautaire, nous sommes confrontés à l'importation de volailles saumurées,
notamment en provenance du Brésil ; d'autre part, la filière rencontre un
problème de structures. J'ai donc annoncé voilà dix jours un premier plan de
restructuration, soutenu par des crédits de l'Etat.
Je remercie également MM. Emorine et Bailly de leur excellent rapport sur
l'avenir de l'élevage, qui, tant sur la filière ovine que sur la filière
bovine, va inspirer un plan gouvernemental s'inscrivant dans la durée ; j'ai eu
l'occasion de le dire, au mois de juillet, lorsque j'étais dans le
Mâconnais.
M. Bernard Murat a évoqué le veau sous la mère,...
M. Jean Bizet.
Et la truffe !
(Sourires.)
M. Hervé Gaymard,
ministre.
... et j'avoue que l'alliance du veau de lait et de la truffe
est plus ragoûtante que la description que nous a faite M. Goulet des
nourritures que nous pouvons ingurgiter !
Le veau sous la mère fait l'objet d'un texte européen qui a été mal négocié
voilà quelques années. Il faut maintenant trouver des adaptations.
Que je n'oublie pas l'intervention de Gérard César sur le vin et la recherche,
en liaison avec l'ITVV, l'Institut technique de la vigne et du vin ! Nous
allons trouver les moyens de donner sa juste place à cet institut.
M. Piras a évoqué les filières arboricoles, qui rencontrent deux types de
difficulté. D'une part, une meilleure organisation de l'interprofession est
nécessaire, sur le plan national, ainsi qu'une meilleure organisation commune
de marché, sur le plan communautaire. D'autre part, un problème extrêmement
important et qui préoccupe fortement les arboriculteurs concerne plus
particulièrement votre département et la région Rhône-Alpes, monsieur le
sénateur - mais pas seulement - celui de la lutte contre la maladie de Sharka.
Une réponse existe, mais chacun sait aujourd'hui qu'elle n'est ni suffisante ni
satisfaisante, et il nous faut donc progresser. Je le disais tout à l'heure :
nous n'avons pas le même niveau de protection ni d'indemnisation, en cas de
maladie virale, pour les productions végétales et pour les filières animales.
Nous sommes donc confrontés à une « distorsion » de traitement entre les
filières animales et végétales. Nous travaillons avec les professionnels pour y
remédier le plus rapidement possible.
Je dirai encore deux mots d'une question que plusieurs d'entre vous, notamment
M. Bernard Joly et M. Jean Bizet, ont évoquée : les relations avec la grande
distribution.
Chacun sait que, depuis maintenant une vingtaine d'années, la répartition de
la marge entre la production et la distribution est déséquilibrée. Voilà dix
jours, nous avons connu un conflit ; il s'est bien terminé, mais il faut en
tirer les leçons.
Trois décisions ont été prises pour ce qui concerne les relations de l'Etat
avec les protagonistes. Tout d'abord, les lois seront appliquées, et Renaud
Dutreil a pu prouver que la loi relatives aux nouvelles régulations économiques
était effectivement appliquée et des poursuites effectivement diligentées
contre la grande distribution lorsque des pratiques illégales étaient mises en
évidence.
Ensuite, nous avons accepté que soient étendues à tous les produits frais les
dispositions qui existent déjà pour les fruits et légumes, en cas de crise, en
matière de prix minimum.
Enfin, il convient, dans nombre de filières, de favoriser la création
d'interprofessions fortes, afin que les négociations soient plus équilibrées.
Comme vous le savez, un accord a été trouvé et un protocole signé entre la
grande distribution et les producteurs. Il faut maintenant veiller à ce que
l'accord soit appliqué ; c'est extrêmement important.
Puisque nous en sommes aux questions économiques, je tiens à remercier M.
Dussaut, rapporteur pour avis, qui a évoqué les industries agro-alimentaires :
il est vrai qu'on en parle trop rarement. Pourtant, elles constituent 70 % des
débouchés des paysans de France et contribuent essentiellement à l'excédent du
solde du commerce extérieur français. C'est pourquoi, monsieur le rapporteur
pour avis, j'ai beaucoup apprécié vos propos, qui rejoignent en grande partie
les conclusions auxquelles nous sommes parvenus lors de l'inauguration du salon
international de l'alimentation, voilà un mois.
J'en viens aux questions qui touchent à l'enseignement et à la recherche.
Nous sommes fiers de nos 859 établissements d'enseignement secondaire et de
nos 26 établissements d'enseignement supérieur, qui assurent la formation de
plus de 185 000 élèves et étudiants, de 29 000 apprentis et de 130 000
stagiaires.
Enseignement, formation et recherche représentent ensemble 23 % des crédits et
49 % des personnels du ministère.
Voilà quinze jours, j'ai nommé un nouveau directeur de l'enseignement et de la
recherche en la personne de Michel Thibier. Dans le courant du mois de
décembre, je présenterai en conseil des ministres une communication sur
l'enseignement et la recherche agricoles.
Dans le présent projet de budget, où ces dépenses s'élèvent à 1,2 milliard
d'euros, les crédits destinés à l'enseignement technique augmentent de 1,5 %,
tandis que ceux qui sont consacrés à l'enseignement supérieur demeurent
stables.
Il n'est pas ici question d'opposer public et privé, ni de privilégier l'un
ou l'autre. Depuis ma prise de fonctions, j'ai eu à coeur, comme l'a relevé Mme
Ferat, d'apaiser le contentieux qui s'était développé entre l'Etat et
l'enseignement privé, lequel accueille 60 % des élèves de l'enseignement
technique agricole. Le précédent gouvernement n'avait en effet pas appliqué la
loi Rocard. Nous avons décidé de l'appliquer l'année prochaine et de vous
proposer, dans le prochain collectif, de rattraper une partie du retard
accumulé ces dernières années.
Le financement global de l'enseignement privé à temps plein avoisine donc
désormais 300 millions d'euros et celui des maisons familiales, 150 millions
d'euros. Ainsi pourrons-nous faire face aux montants actualisés des dépenses et
opérer certains rattrapages.
Les crédits de l'enseignement privé supérieur augmentent également. C'est
ainsi une subvention de 5 000 euros que la puissance publique accorde à chaque
étudiant. L'augmentation de cette dotation tient compte, bien sûr, du nombre
d'étudiants accueillis par l'enseignement agricole.
A ce sujet, je souhaite que nous puissions préciser clairement les droits et
les devoirs de l'administration et des établissements.
S'agissant de l'enseignement agricole public, je voudrais saluer ici le
travail de nos 15 000 enseignants et chercheurs. Je souhaite que, au-delà des
missions qu'il remplit déjà en matière de formation initiale et continue, cet
enseignement renforce son action de développement rural, de coopération
internationale, ainsi que d'insertion sociale et professionnelle. Mais j'aurai
l'occasion de m'exprimer plus longuement sur ces questions au cours de la
concertation qui aura lieu en vue de l'adoption du quatrième schéma national
prévisionnel des formations.
Je précise que quarante-huit emplois seront supprimés dans l'enseignement
technique et huit dans l'enseignement supérieur, en conséquence du
non-remplacement des départs à la retraite.
Par ailleurs, nous poursuivons la résorption de l'emploi précaire. J'ai décidé
que nous pouvions porter le chiffre non pas à 300, madame Férat, comme il était
imaginé un moment, mais à 450.
Je souhaite, par ailleurs, moderniser la pédagogie et le fonctionnement de
notre enseignement supérieur agricole, car nous avons là un joyau à
protéger.
Je crois que notre enseignement agricole, qui a un immense potentiel dans
toutes ses facettes, est insuffisamment valorisé, et l'une de mes priorités
pour l'annéeprochaine est de mettre en place un programmemobilisateur.
J'en arrive au BAPSA, qui s'élèvera l'année prochaine à 14,625 millions
d'euros, enregistrant ainsi une hausse de 2,6 %.
La mise en oeuvre de la retraite complémentaire a été largement évoquée,
notamment par MM. Joël Bourdin, Nicolas About, Bernard Piras, Mmes Terrade et
Luypaert.
M. Jean Bizet a déjà répondu à M. Piras que, si une loi avait certes été votée
à l'unanimité, à mon arrivée au ministère, il n'y avait pas le premier euro
pour en financer l'application !
(Marques d'approbation sur les travées du RPR. - Protestations sur les travées
du groupe socialiste.)
Nous nous sommes donc concertés avec la mutualité sociale agricole et les
organisations professionnelles agricoles. Il a été décidé de financer ce
dispositif par une augmentation de la cotisation de 2,98 % et par une
contribution de l'Etat pour un montant de 28 millions d'euros.
Or, jusqu'à présent, jamais l'Etat n'était intervenu pour financer un régime
complémentaire de quelque profession que ce soit.
M. Bernard Piras.
C'est ce que prévoit la loi que nous avons votée !
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Ce régime entrera donc en vigueur à partir du 1er avril de
l'année prochaine, avec des droits qui partiront au 1er janvier.
Cette retraite complémentaire sera mensualisée. Beaucoup d'entre vous ont
d'ailleurs regretté que l'ensemble des retraites ne soient pas mensualisées.
C'est un sujet dont nous discutons avec les représentants de la mutualité
sociale agricole. Nous avons de bonnes raisons de penser que nous pourrons
parvenir à une mensualisation l'année prochaine, mais, pour cette année, la
priorité a été donnée à la mise en place effective de la retraite
complémentaire.
Je voudrais dire aussi à Mme Luypaert que le statut du conjoint collaborateur
constitue d'ores et déjà un progrès pour les personnes concernées, avec, d'une
manière générale, un doublement de la retraite pour une carrière pleine. Des
mesures d'adaptation ont déjà été prises et d'autres doivent sans doute être
encore étudiées, au vu de l'application effective du dispositif.
Vous êtes par ailleurs nombreux à avoir abordé la question de la solvabilité
de la protection sociale agricole. Nicolas About et Joël Bourdin, en
particulier, sont intervenus à sujet.
Le BAPSA, ces dernières années, a été établi sur des bases insincères,
notamment du fait d'une surévaluation des recettes et d'une sous-évaluation des
dépenses.
Cela nous a contraints, à trouver, au titre de l'exercice 2002, 746 millions
d'euros pour financer le régime. Si nous n'avions pas trouvé cette somme, le
BAPSA aurait été en cessation de paiement à la fin de l'année.
Nous tenons, pour notre part, à une présentation sincère pour l'année
prochaine, avec une subvention d'équilibre fixée à 574 millions d'euros.
Je précise que nous aurons bien une ligne de 10 millions d'euros pour le
dispositif Agridif, qui sera abondée en tant que de besoin.
Joël Bourdin a soulevé la question d'une possible sous-évaluation des dépenses
d'assurance maladie. A cet égard nous nous sommes calés sur les méthodes de
calcul de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie fixé dans la loi
de financement de la sécurité sociale.
Pour ce qui est de l'avenir du régime social agricole, la loi organique
relative aux lois de finances prévoit, vous le savez, la suppression des
budgets annexes. D'ailleurs, depuis 1960, le BAPSA est un faux budget annexe
puisqu'il fait tout sauf retracer des opérations industrielles et commerciales.
Toutefois, sa suppression annoncée ne remet pas en cause le régime particulier
des agriculteurs, notamment dans sa forme mutualiste, dont chacun se plaît à
souligner l'efficacité, notamment en termes de proximité et au titre de
l'action sanitaire et sociale, comme l'a relevé Nicolas About.
Nous travaillons actuellement avec la caisse centrale de la mutualité sociale
agricole pour pérenniser cette spécificité, à laquelle nous tenons.
Je souhaite maintenant répondre aux interventions qui ont évoqué la question
de la pêche, au premier chef celle d'Alain Gérard, rapporteur pour avis, mais
aussi celles de Mme Yolande Boyer, de Mme Marie-France Beaufils et d'André
Trillard.
J'ai pu constater, par-delà les clivages politiques, une assez grande unité,
sinon sur le budget national de la pêche, du moins sur le combat que nous
menons actuellement à Bruxelles, dans le cadre de la réforme de la politique
commune de la pêche.
Je commencerai par évoquer le sujet le moins consensuel : le projet de budget.
Celui-ci s'élève à 27,8 millions d'euros, enregistrant une hausse de 2,7 % par
rapport à celui de 2002.
Les crédits destinés aux entreprises de pêche et d'aquaculture progressent,
pour leur part, de plus de dix points. Les crédits d'intervention en faveur des
caisses de garantie chômage, intempéries et avaries augmentent de 1,5 million
d'euros.
Le montant des crédits d'intervention, quasi inchangé par rapport à l'année
2002, est de 23,7 millions d'euros. Ces crédits permettront d'adapter la
capacité de capture à l'état de la ressource, de soutenir la campagne de
sécurité à bord des navires, comme l'a souligné André Trillard, d'abonder les
montants alloués aux caisses chômage-intempéries et de financer les actions
inscrites aux contrats de plan Etat-région. Ils permettront aussi de financer
l'OFIMER pour l'amélioration de la connaissance et du fonctionnement du marché,
la modernisation des outils de commercialisation et la valorisation de la
production halieutique et aquacole française, dont Alain Gérard a justement
souligné la qualité.
Enfin, comme d'autres établissements publics, l'IFREMER bénéficie d'une forte
augmentation de ses moyens, ce qui lui permettra de renforcer ses activités
d'analyse et de surveillance sanitaire.
Les crédits d'investissement sont reconduits à l'identique, afin de financer
la modernisation et le renouvellement de notre flotte de pêche et, dans le
cadre des contrats de plan Etat-région, la modernisation des équipements à
terre ainsi que le développement de l'aquaculture.
Les crédits de l'OFIMER permettront de poursuivre toutes les actions engagées,
car il existe un certain nombre de reports qui pourront être mobilisés en
2003.
S'agissant du contrôle, je plaide avec insistance à Bruxelles pour qu'il soit
renforcé, en mer comme à terre, et que le régime des sanctions soit harmonisé
au niveau européen, conformément aux attentes de nos pêcheurs. Il faut tout
mettre en oeuvre pour protéger la bande côtière, qui est riche en ressources
halieutiques mais qui est particulièrement sensible.
Quant au décret de 1983 qui définit le régime d'exploitation des cultures
marines sur le domaine public maritime, je vous confirme que sa refonte est en
cours. Notre objectif est de renouveler la population des conchyliculteurs.
Nous y travaillons en étroite concertation avec les professionnels.
Alain Gérard aussi bien que Mme Yolande Boyer ont évoqué l'avenir des jeunes
dans ce métier extrêmement difficile. Cet avenir est évidemment intimement lié
à la réforme de la politique de la pêche, que j'évoquerai dans un instant, mais
aussi à la formation.
Cette question relève de Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports
et à la mer, mais nous travaillons naturellement ensemble. Nous sommes en train
d'établir un diagnostic de notre système de formation initiale et permanente
pour les pêcheurs. Il semble que, malgré son excellence, ce système présente
quelques lacunes. Mon collègue Dominique Bussereau s'attachera à les combler
dans les mois qui viennent grâce à une réforme de l'enseignement aux métiers de
la mer.
Quant à la réforme de la politique commune de la pêche, elle va beaucoup nous
occuper pendant trois jours et trois nuits, voire davantage, à Bruxelles, au
cours de la troisième semaine de décembre. C'est un sujet extrêmement difficile
parce qu'il fait l'objet d'une approche irrationnelle.
Si les problèmes étaient abordés de manière pragmatique et sereine, on
pourrait escompter tranquillement une réforme positive de la politique commune
de la pêche. Hélas ! j'ai pu constater en prenant mes fonctions que, du point
de vue de la Commission et de certains Etats membres, ce dossier prenait une
dimension complètement irrationnelle.
C'est la raison pour laquelle j'ai veillé à consolider le groupe des « Amis de
la pêche », qui comprend la Grèce, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande
et la France. Il ne vous a pas échappé que, à nous six, nous formions une
minorité de blocage.
Certains pensaient que ce groupe ne passerait pas l'été, puis qu'il ne
passerait pas l'automne. Nous sommes au seuil de l'hiver et le groupe tient
toujours bon, tout simplement parce que nous avons une vision commune de la
réforme de la politique commune de la pêche.
En réalité, le débat se focalise sur deux questions : la gestion de la
ressource et la modernisation de la flotte.
S'agissant de la gestion de la ressource, nous affirmons qu'il faut garder le
système tel qu'il fonctionne actuellement, avec les TAC et les quotas, avec
aussi, quand c'est nécessaire, des plans de restauration pour les espèces
menacées, mais qu'il ne faut pas d'un système bureaucratique et « englobant »
qui ajouterait la notion d'effort de pêche. Or telle est l'intention de la
Commission. C'est donc sur cette ligne-là que nous nous battons.
Je dis tout de suite, pour nos amis de la Méditerranée, que celle-ci est à
part puisqu'il n'y existe pas de zone économique exclusive. En Méditerranée,
l'effort de pêche est la moins mauvaise solution pour gérer la ressource.
En revanche, pour toutes les autres mers communautaires, il faut garder le
système tel qu'il est actuellement, avec un renforcement de l'expertise
scientifique. Celle-ci doit être menée en étroite collaboration avec les
pêcheurs, car la réforme ne doit pas se faire contre eux, mais avec eux.
Si l'on met en place des méthodes de gestion durable de la ressource, il faut
instaurer également des contrôles multinationaux effectifs.
S'agissant de la modernisation de la flotte, on est en plein irréalisme !
Chacun sait que, dans les programmes opérationnels, le nombre de kilowatts est
limité. La modernisation d'un bateau se fait donc sous plafond et n'entraîne
pas des captures supplémentaires, ne remettant pas en cause le quota ou le TAC
qui a été attribué dans le cadre de la gestion de la ressource. Nous nous
battons par conséquent pour maintenir les aides à la modernisation de la
flotte.
Nous ne pouvons tout de même pas oublier que trente à quarante accidents
touchant des bateaux de pêche se produisent en mer chaque année. C'est beaucoup
trop ! Il s'agit d'un métier extrêmement difficile. C'est pourquoi nous luttons
d'arrache-pied pour maintenir les systèmes d'aide à la modernisation de la
flotte, qui sont absolument indispensables.
Nous avons arrêté notre position en étroite liaison avec les professionnels et
les élus de la mer. Pour l'instant, la Commission européenne, comme j'ai pu le
constater la semaine dernière, est toujours cabrée sur ses positions. Nous
allons donc avoir un débat très dur, un « combat d'enfer », comme le disait la
semaine dernière le ministre irlandais de la pêche.
Sachez, en tout cas, que nous sommes résolus à faire valoir nos intérêts parce
qu'ils sont justes.
Je voudrais, avant de conclure, évoquer d'abord le grand rendez-vous que nous
aurons l'année prochaine pour débattre du projet de loi sur les affaires
rurales. Je vous en dirai plus dans les semaines qui viennent, mais je peux
d'ores et déjà vous assurer que je souhaite travailler avec le Parlement à
l'élaboration de ce texte important.
Je voudrais aussi évoquer les simplifications administratives dans le domaine
de l'agriculture, qui constituent, soyez-en convaincus, une des nos priorités.
Il y a deux mois, j'ai installé un comité chargé de réfléchir à ces questions ;
il est présidé par Jean-François Carrez. Ses premières propositions
opérationnelles me seront remises au tout début de l'année prochaine. Sur ce
sujet, sachez-le, nous sommes décidés à aller vite.
Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs, les quelques éléments que je
voulais vous livrer. Peut-être ai-je un peu abusé de votre temps, mais la
matière est dense et beaucoup de questions ont été soulevées, auxquelles je me
suis efforcé de répondre.
Quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, je tiens à vous
remercier vivement de vos remarques sur ce budget de l'agriculture, qui demande
pragmatisme, humilité et ardeur.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Monsieur le ministre, le Sénat vous remercie de la précision de vos
réponses.
AGRICULTURE, ALIMENTATION, PÊCHE
ET AFFAIRES RURALES
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 2 887 993 euros. »
L'amendement n° II-50, présenté par MM. Arthuis, Marini et Bourdin, au nom de
la commission des finances, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre III de 200 000 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Il ne faut pas oublier que nous sommes ici dans le
cadre d'une discussion budgétaire, et que le pacte de stabilité nous contraint
à faire particulièrement attention, surtout lorsqu'un déficit de 2,6 % nous a
été légué et que la norme européenne est de 3 %. Tout nous pousse à faire
attention car, si la croissance fléchit un tout petit peu, nous atteindrons les
3 % de déficit avec toutes les conséquences que cela engendre, en termes de
pénalités, notamment.
Par ailleurs, il faut savoir qu'un budget doit être sincère. Le ministre l'a
rappelé tout à l'heure s'agissant du BAPSA, mais c'est valable pour tous les
budgets.
Le Gouvernement ayant annoncé, en pleine discussion budgétaire, une
moins-value de recettes de 700 millions d'euros, la commission des finances,
pour ne pas alourdir le déficit, propose donc de réduire de 700 millions
d'euros les dépenses.
Nous avons donc la douloureuse charge de proposer des réductions de dépenses.
C'est aussi cela la discussion budgétaire !
(M. Bernard Piras proteste.)
La commission des finances a effectué une répartition des propositions
qu'elle fera pour diminuer les prévisions de dépenses et nous avons proposé un
certain nombre de réductions de dépenses pour le budget de l'agriculture.
Après quelques recherches, nous avons évidemment estimé que nous devions
proposer des réductions dans les domaines où, apparemment, cela ne ferait pas
de mal. Nous avons trouvé, et ce premier amendement porte sur le chapitre 36-20
« Enseignement agricole », à l'article 30 « Enseignement agricole public
supérieur », et vise à diminuer les subventions de fonctionnement.
Nous avons choisi ce chapitre et cet article parce que nous nous sommes
aperçus que, dans le passé, il y avait des reports de crédits. A quoi bon
prévoir des crédits lorsque l'on traîne des reports de crédits ? C'est donc
sans avoir le sentiment de nuire de quelque manière que ce soit à
l'enseignement agricole public que nous proposons une diminution de 200 000
euros.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Je m'en remets à la sagesse de votre assemblée.
Je demande une marge de manoeuvre quant à la répartition de cette diminution
en fonction de l'évolution des effectifs en 2003. Je souhaite en effet pouvoir
avoir la latitude de répartir la baisse entre les deux articles de ce chapitre,
compte tenu de l'évolution des effectifs et des besoins.
M. le président.
La parole est à M. Bernard Piras, contre l'amendement.
M. Bernard Piras.
Mon intervention ayant porté sur l'enseignement agricole, je me dois de
m'exprimer sur cet amendement.
Au cours de la discussion générale, M. le ministre a parlé de l'enseignement
agricole comme d'un « joyau ». Et ce joyau qu'est l'enseignement agricole, on
essaie de le dilapider au nom du pacte de stabilité. On aurait pu choisir un
autre secteur !
Chaque fois qu'il y a eu des économies à faire, le Gouvernement a orienté ses
choix sur l'éducation nationale, la recherche et l'environnement, c'est-à-dire
sur tous les domaines qui préparent l'avenir.
Je m'insurge donc contre cet amendement. Je souhaite bien évidemment que ces
crédits soient maintenus et qu'il soit remédié aux carences, en postes
notamment.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau.
Je tiens à dire d'abord que, même s'il s'agit d'une mesure d'ordre général, il
est heureusement des exceptions.
S'agissant du budget de l'agriculture, l'heure tardive et la présence de si
nombreux sénateurs devraient vous inciter, monsieur le ministre, à faire
exception à la règle.
Mais il y a, selon moi, plus significatif : le choix s'est porté, au hasard
sans doute, sur l'enseignement agricole public supérieur.
Tout à l'heure, M. le ministre a dit que, s'agissant de l'enseignement privé
du second degré, les augmentations de crédits étaient substantielles, et je ne
les discute pas. S'agissant de l'enseignement supérieur privé, il nous a dit
que les augmentations étaient significatives, et je ne les discute pas.
S'agissant de l'enseignement agricole public supérieur, il nous a dit que les
crédits étaient stables ce qui, traduit en langage parlementaire, signifie
qu'ils sont à peine suffisants pour couvrir les besoins. Et par les propos
qu'il vient de tenir, M. le ministre a bien montré qu'il nourrit lui-même
quelques inquiétudes.
Le Sénat ferait preuve de sagesse en ne suivant pas sur ce point la commission
des finances. Je crois que nous devrions, tous ensemble, refuser cet
amendement.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Naturellement, le groupe communiste républicain et citoyen s'opposera à cet
amendement n° II-50, que je qualifierai de scandaleux. Il est en effet
scandaleux de s'attaquer à l'enseignement agricole public supérieur en
proposant cette diminution de crédits de 200 000 euros.
De la même façon, nous nous opposerons à l'amendement n° II-51.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Tout d'abord, je voudrais rendre hommage à M. le
ministre qui a pris le temps nécessaire pour répondre à tous les intervenants
dans ce débat qui nous concerne tous. Je tiens à saluer son ardeur, son
enthousiasme et sa compétence.
Comme l'a rappelé notre excellent collègue, le rapporteur spécial M. Joël
Bourdin, si la commission des finances prend cette initiative, c'est parce que,
dans le cadre de cette discussion budgétaire, le Gouvernement, dans sa grande
sagesse, a jugé opportun, en venant devant le Sénat, de préciser - c'était un
fait nouveau - que les prévisions de recettes pour 2003 devaient être revues à
la baisse à hauteur de 700 millions d'euros. Dans ces conditions, et en dépit
de la contribution du Sénat qui, je vous le rappelle, a voté un amendement, sur
proposition de la commission des finances, qui apporte annuellement à l'Etat
400 000 millions d'euros pendant quatre ans, il convient de donner un signe :
le Sénat doit donc s'efforcer de contenir la dépense publique.
Nous avons consulté M. le ministre pour faire porter cet effort là où il
apparaissait le moins contraignant pour la politique conduite par le
Gouvernement.
Nous avons été tentés, dans un premier temps, de faire porter cet effort sur
l'administration centrale, partant de l'idée qu'au fil des années les effectifs
des administrations centrales n'avaient peut-être pas évolué au même rythme de
la démographie agricole. Mais nous avons compris que des efforts étaient
accomplis pour réorganiser l'administration centrale.
C'est dans ces conditions qu'une concertation a permis d'identifier deux
sources d'économie, dont l'une vient d'être présentée par M. le rapporteur
spécial.
C'est pourquoi j'invite le Sénat à voter cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-50.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV :
moins
53 410 316 euros. »
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage.
Monsieur le ministre, vos nombreuses réponses ont été détaillées, et je
limiterai donc mon intervention à quelques thèmes.
Je voulais en effet vous interroger sur l'absence de financement du fonds
national de garantie des calamités agricoles. Cela ne paraissait pas très
normal, mais vous nous avez rassurés : vous interviendrez si le besoin s'en
faisait sentir.
Je voulais ensuite vous demander de rétablir l'aide à l'assurance grêle, qui
représentait 2,8 millions d'euros en 2002. Je me rappelle qu'en 1994, en tant
que député, avec un certain nombre de mes collègues aujourd'hui sénateurs,
j'avais pris une part active au rétablissement de cette incitation. Sa
suppression constituerait un recul préjudiciable à certaines catégories
d'agriculteurs, d'autant plus que, dans de nombreux départements, le conseil
général intervient en complément de l'aide de l'Etat.
S'agissant de l'assurance récolte, je constate que ce mécanisme donne des
résultats probants dans de nombreux pays tels que l'Espagne ou les Etats-Unis.
Ce système, qui est fondé sur une logique d'entreprise et qui responsabilise
les agriculteurs dans un cadre contractuel, a démontré son efficacité.
Je vais vous faire une suggestion : puisque le fonds national de garantie des
calamités agricoles dispose de quelques réserves, pourquoi ne pas envisager un
financement paritaire de l'incitation à l'assurance récolte, par exemple 7
millions d'euros apportés par l'Etat et 7 millions d'euros apportés par le
fonds ?
Je tenais également à attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un
point qui me paraît particulièrement important : le financement des offices.
Vous en avez parlé et vous nous avez donné des apaissements.
Etant élu d'un département gros producteur de fruits et légumes, je veux
attirer votre attention surl'ONIFLHOR, qui, selon moi - et c'est aussi l'avis
des producteurs - ne dispose pas de crédits suffisants pour faire face à une
éventuelle crise.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, l'organisation commune du marché
des fruits et légumes ne dispose pas d'outil d'intervention et de régulation de
marché. L'Europe n'intervenant que de manière très limitée pour financer les
projets d'entreprise dans le cadre de programmes opérationnels mais pas sur le
produit, les crédits nationaux sont, de ce fait, essentiels.
D'autant que la filière est un gros employeur : le coût des fruits et légumes
est constitué de 50 à 60 % par cette main-d'oeuvre. C'est une bonne chose pour
la vie des territoires concernés mais cela rend la filière très fragile face à
l'ouverture des frontières et à l'abandon rapide de la préférence
communautaire.
Cette filière des fruits et légumes doit également, il ne faut pas l'oublier,
faire face à une autre variable non négligeable : les aléas climatiques.
Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes très attentif à tous les
problèmes de nos agriculteurs. Mais comment pourrez-vous, en période de crise,
mobiliser très rapidement les crédits qui vous seront nécessaires si ceux-ci ne
sont pas prévus ?
Au moment où l'ensemble des acteurs de nos filières font de grands efforts
d'organisation, de qualité, de sécurité alimentaire, au moment où les fruits et
légumes sont reconnus comme des facteurs favorables à une bonne santé, votre
soutien est vraiment indispensable.
Je voudrais enfin parler d'un problème régional, monsieur le ministre : la
commercialisation du pruneau d'Agen.
Il y a quelques jours, nous avons été fort surpris, nous, les responsables
professionnels, les élus, mais aussi au ministère de l'agriculture, m'a-t-on
dit, d'apprendre que les droits de douanes de 9,6 % entre l'Union européenne et
le Chili étaient supprimés pour le pruneau.
Compte tenu de l'importance de cette production dans l'économie du
département, nous sommes consternés, d'autant que cette mesure frappe une
production parfaitement organisée en interprofessions et que cette filière
dispose d'un label IGP reconnu. Il est à craindre de surcroît que cet accord
passé avec le Chili ne crée un précédent pour d'autres pays.
Monsieur le ministre, une fois encore, nous demandons votre appui. Il nous
faut impérativement obtenir l'application de la clause de sauvegarde et des
compensations. Merci par avance pour les producteurs et l'ensemble des acteurs
de la filière.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Monsieur le sénateur, vous évoquez un certain nombre de sujets
extrêmement importants sur lesquels je voudrais revenir brièvement.
S'agissant des calamités agricoles, je ne répéterai pas la réponse que j'ai
déjà apportée tout à l'heure. Nous aurons à la fin de l'année prochaine encore
111 millions d'euros. J'espère que ces réserves n'auront pas à servir. Cela
voudra dire que nous n'aurons pas connu trop de calamités. Il est bien évident,
néanmoins, que l'Etat abondera ce fonds en cas de besoin.
Chaque fois que le pays a connu une catastrophe, ce qui a malheureusement été
souvent le cas, l'Etat a toujours été au rendez-vous. Par conséquent, il n'y a
pas de raison qu'il n'en soit pas ainsi, comme nous l'avons d'ailleurs prouvé
après les récentes intempéries qu'a connues le Gard.
En ce qui concerne l'ONIFLHOR, vous avez abordé deux sujets. Le premier
concerne le volume de crédits effectivement disponibles et le second les fonds
opérationnels et leur compatibilité avec les règles européennes. La difficulté
n'est donc pas seulement de pouvoir disposer d'argent, c'est également de
pouvoir le dépenser à bon escient.
C'est la raison pour laquelle, nous avons demandé, avec nos voisins espagnols,
une réforme de l'organisation commune de marché des fruits et légumes. Nous
n'avons pas encore obtenu satisfaction de Bruxelles, mais cela fait partie des
objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre de la revue à mi-parcours
afin que nous puissions « communautariser » des régimes de crise véritablement
efficaces, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.
Toujours s'agissant de la filière des fruits et légumes, il faut absolument
que les producteurs s'organisent autour d'interprofessions puissantes. Une
partie du problème vient en effet, à l'évidence, de l'insuffisante intégration
de la production, de la multiplication des comportements individualistes qui ne
favorisent pas l'épanouissement de la filière. Nous y travaillons avec
l'ensemble des professionnels, ainsi qu'avec la nouvelle direction générale de
l'ONIFLHOR.
S'agissant des pruneaux d'Agen, je ne suis pas en mesure de vous répondre ce
soir, mais je vais étudier la question, en liaison avec la DPEI et la
Commission européenne.
Enfin, ne vous faites pas de souci : sachez qu'il y aura ce qu'il faut pour
couvrir les dommages liés à la grêle. J'en prends l'engagement ici ce soir.
M. le président.
L'amendement n° II-51, présenté par MM. Arthuis, Marini et Bourdin, au nom de
la commission des finances, est ainsi libellé :
« Augmenter la réduction du titre IV de 800 000 euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 54
210 316 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Je ne reviendrai pas sur les raisons qui ont motivé
le dépôt de ces amendements. Je signale tout de même que le fait de ne pas les
adopter reviendrait à accepter d'office que la dette de la France pour l'année
prochaine augmente en prévision.
Par cet amendement, il est proposé de procéder à une réduction de 800 000
euros sur le titre IV, chapitre 44-70 « Promotion et contrôle de la qualité »,
article 20 « Maîtrise sanitaire des animaux et de leurs produits ». Cette
réduction permettra de prendre en compte les économies résultant de la mise en
oeuvre de l'abattage sélectif, ce qui est une nouveauté.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
(Exclamations sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor, contre l'amendement.
M. Jean-Marc Pastor.
Je veux vous faire part de quelques remarques sur ces deux amendements qui,
indépendamment des chapitres qu'ils visent, ont été déposés dans le même
esprit.
Monsieur le ministre, puisque vous avez employé à plusieurs reprises le mot de
« modestie », sachez que je partage avec vous cette notion, à plus forte raison
au sein de cette assemblée, où nos propos doivent être d'autant plus modestes
qu'ils ne pèsent pas lourds, nous le savons très bien, par rapport aux
décisions finales !
La modestie s'applique également aux chiffres, puisque vous avez pris la
précaution de faire ressortir, dans ces amendements, le pourcentage que
représente la réduction de crédit, afin de bien montrer du doigt qu'elle
représente peu par rapport au budget général.
Je me rappelle que, dans votre intervention, vous aviez déjà évoqué cette
notion de pourcentage, qui pouvait signifier bien des choses !
Permettez-moi de vous faire remarquer aussi que, si les pourcentages sont
limités, les sommes en jeu, que j'ai présentées aux représentants des
professions agricoles de mon département, prises globalement, traduisent
incontestablement une réduction qui, pour le monde agricole, est bien réelle
!
Cela m'amène à quelques remarques d'ordre général.
Je ne suis pas sûr que l'opinion publique ait un
a priori
favorable à
l'égard du Sénat c'est pourquoi nous devrions être prudents. Je ne suis pas sûr
non plus, monsieur le ministre, que vous fassiez un cadeau au Sénat en vous en
remettant à sa sagesse sur cet amendement. Personnellement, j'aurais bien aimé
connaître votre avis ne serait-ce que pour éviter que ce soit le Sénat, et donc
le Parlement, qui propose une diminution des crédits de l'agriculture. Mais je
m'aperçois que le Sénat vous emboîte le pas. Certes, on trouvera toujours
quelqu'un pour dire, en fin de compte, que, si nous économisons sur ces
chapitres, c'est pour transférer ailleurs les crédits, mais toujours dans le
secteur de l'agriculture !
Monsieur le ministre, je vous remercie néanmoins de la précision de vos
réponses. Je retiens que vous vous êtes battu en interne, c'est-à-dire dans le
cadre des discussions interministérielles, puis avis au niveau européen, pour
essayer de proposer un budget au Parlement. Mais - quelle coïncidence ! - c'est
le Parlement qui, ensuite, diminue les crédits d'un budget pour lequel vous
vous êtes battu !
Permettez-moi de rappeler que l'avenir d'une profession passe toujours par la
formation des hommes. C'est pourquoi le fait de diminuer les crédits est
toujours gênant.
C'est d'autant plus gênant que cette réduction, au lieu d'avoir été décidée au
niveau interministériel - elle serait alors passée inaperçue dans l'opinion
publique -, l'est par le Parlement !
M. Hilaire Flandre.
Il faut un peu de courage, quand même !
M. Jean-Marc Pastor.
La société d'aujourd'hui - vous le savez, monsieur Flandre puisque cela
concerne votre profession - est très sensible à la notion de précaution, et
l'agriculture en a beaucoup souffert. Je ne rappellerai pas tous les problèmes
que connaît l'agriculture depuis sept ou huit ans, précisément à cause de cette
notion ! C'est pourtant le deuxième volet pour lequel vous proposez, chers
collègues de la majorité sénatoriale, une diminution des crédits. Il est
regrettable de le faire sur un sujet auquel notre société est particulièrement
sensible.
Nous ressentons, dans votre façon d'agir, une certaine maladresse
psychologique. En effet, parce que le budget global - et pas uniquement celui
de l'agriculture - a été préparé sur la base d'un taux de croissance plus élevé
qu'il ne le sera en 2003, il vous faut bien trouver le moyen de réduire les
dépenses. Nous sommes là au coeur du problème ! Après avoir, en quelque sorte,
jeté de la poudre aux yeux, il faut maintenant faire preuve de réalisme à
l'égard du peuple français et couper dans les dépenses !
Mais c'est le Parlement qui donnera les coups de ciseaux et non le
Gouvernement. C'est bien là que réside la particularité de votre façon de
faire, chers collègues de la majorité sénatoriale.
Enfin, monsieur le ministre, s'agissant du BAPSA, vous avez évoqué la notion
de sincérité. Là encore, je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais comment
expliquez-vous qu'un budget qui a été voté à l'Assemblée nationale ne soit pas
présenté à l'identique au Sénat, alors qu'une seule nuit à séparé le vote de
l'Assemblée nationale et le début de la discussion au Sénat, et alors que les
deux assemblées ne sont distantes que de quelques centaines de mètres ?
Cette zone d'ombre laisse planer un doute sur votre sincérité. La vraie
sincérité aurait été d'avoir le souci d'équilibrer le budget sans avoir, comme
c'est le cas maintenant, à deux heures et demie du matin, à faire passer des
amendements de réduction de crédits d'un budget pour lequel vous vous êtes
battu, monsieur le ministre, au niveau interministériel.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposerons, bien sûr, à ce
deuxième amendement.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste
et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils.
Je souscris à un certain nombre d'éléments évoqués par M. Pastor, mais je
voudrais ajouter une remarque.
Le Gouvernement avait fait des choix, dans ce projet de loi de finances
présenté au Sénat. L'amendement qui nous est proposé montre que la majorité
sénatoriale souhaite renforcer les orientations prises en réduisant encore
certains crédits.
En refusant un certain nombre des propositions que nous avions été amenés à
faire à l'occasion de l'examen de la première partie relative aux recettes ;
vous avez vous-même créé les conditions d'un déficit budgétaire supérieur à ce
que vous estimez être acceptable pour répondre aux critères de Maastricht. Ni
mon groupe ni moi ne pouvons être d'accord avec ce choix. Nous nous opposons à
une telle décision et, par conséquent, nous voterons contre cet amendement.
Ce qui a été dit tout à l'heure sur la partie éducative est aussi vrai pour ce
qui concerne les actions. Dans le domaine de l'agriculture, celles-ci sont
observées avec attention, non seulement par le monde agricole, mais aussi par
les consommateurs et la jeunesse, qui a aujourd'hui décidé de s'impliquer et
d'essayer de faire de cette activité agricole un projet professionnel pour son
avenir.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je voudrais répondre à nos
collègues M. Jean-Marc Pastor et Mme Marie-France Beaufils que l'exercice
budgétaire est sans doute l'un des plus contraignants qui soit, mais qu'il est
de la responsabilité du Parlement de voter les crédits mis à la disposition du
Gouvernement.
Or notre rôle ne consiste pas à voter des dépenses, toujours plus de dépenses
! Nous devons savoir faire preuve de lucidité et de courage. C'est aussi cela
la responsabilité du Parlement !
Au mois de septembre, le Gouvernement a basé son budget sur une hypothèse qui
doit aujourd'hui être révisée à l'occasion de la discussion budgétaire. C'est
tout à l'honneur du Gouvernement d'avoir su tirer les conséquences d'une
hypothèse qui se révèle différente de la réalité. Il s'agit donc non pas d'une
décision de réduction de 700 millions d'euros de recettes, mais d'un constat
que les recettes seront inférieures de 700 millions d'euros aux prévisions !
C'est un souci de sincérité qui a animé le Gouvernement.
Mes chers collègues, voilà un an, le rapporteur général dénonçait un budget
mensonger. Auriez-vous la nostalgie de cette époque ?
(Exclamations sur les
travées du groupe socialiste.)
M. Paul Raoult.
Et le vôtre alors ? C'est scandaleux ce que vous êtes en train de dire !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Rappelez-vous qu'il ne suffit
pas d'inscrire des crédits pour qu'ils soient dépensés. On a trop souvent
assisté, voilà peu, à des inscriptions de crédits qui étaient des opérations
d'affichage et d'illusionnisme.
(Vives exclamations sur les mêmes
travées.)
Nous sommes invités à faire preuve de courage, de responsabilité et de
sincérité.
M. Bernard Piras.
Vous trichez ! C'est votre budget qui est mensonger ! Nous en reparlerons en
juin prochain !
M. Paul Raoult.
On savait déjà en septembre qu'il n'y aurait pas 2,5 points de PIB !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-51.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 199 |
Contre | 114 |
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programe : 15 626 000 euros ;
« Crédits de paiement : 4 688 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programe : 230 498 000 euros ;
« Crédits de paiement : 82 819 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 60, 60
bis
et 61, qui sont
rattachés pour leur examen aux crédits de l'agriculture, de l'alimentation, de
la pêche et des affaires rurales, ainsi que, en accord avec la commission des
finances, l'amendement n° II-43 rectifié tendant à insérer un article
additionnel après l'article 61.
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales
Article 60
M. le président.
« Art. 60. - L'article L. 514-1 du code rural est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa, les mots : "pour 2002" sont remplacés par les mots :
"pour 2003" ;
« 2° Dans la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : "à l'augmentation"
sont remplacés par les mots : "au double de l'augmentation". »
Je mets aux voix l'article 60.
(L'article 60 est adopté.)
Article 60 bis
M. le président.
« Art. 60
bis.
- Le Gouvernement déposera avant le 30 juin 2003 un
rapport évaluant les conditions de fonctionnement des offices agricoles et
proposant des mesures destinées à en minorer les frais de structure. » -
(Adopté.)
Article 61
M. le président.
« Art. 61. - I. - La participation financière de l'Etat au régime d'assurance
vieillesse complémentaire obligatoire des professions non salariées agricoles
prévue au troisième alinéa de l'article L. 732-58 du code rural est fixée à 28
millions d'euros pour l'année 2003.
« II. - Le code rural est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa de l'article L. 732-60, le mot : "janvier" est remplacé
par le mot "avril" ;
« 2° Au premier alinéa de l'article L. 732-62, après les mots : "conjoint
survivant a droit", sont insérés les mots : "au plus tôt au 1er avril 2003".
« Le deuxième alinéa du même article est complété par les mots : "ou aurait,
au 1er avril 2003, bénéficié l'assuré décédé entre le 1er janvier 2003 et le 31
mars 2003" ;
« 3° L'article L. 762-35 est complété par un alinéa ainsi rédigé : "les
prestations sont dues à compter du 1er avril 2003".
« III. - L'article 6 de la loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la
création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les
non-salariés agricoles est complété par les mots : ", à l'exception des
articles L. 732-60, L. 732-62 et L. 762-35 du code rural". » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 61
M. le président.
L'amendement n° II-43 rectifié
bis,
présenté par MM. Vasselle, César,
Deneux, Badré et Pelletier, est ainsi libellé :
« Après l'article 61, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa du I de l'article 2 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999
d'orientation agricole est rédigé comme suit :
« La présente disposition n'est applicable ni aux organisations
interprofessionnelles ni aux établissements et organismes intervenant dans le
secteur des produits à appellation d'origine. »
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Cet amendement tend à modifier la rédaction de l'article 2 de la loi
d'orientation agricole afin de permettre de poursuivre les actions
interprofessionnelles de promotion des céréales, de donner une certaine
autorité aux accords interprofessionnels conclus au sein d'Intercéréales et de
financer l'Institut technique des céréales et des fourrages, qui sera privé de
taxes parafiscales à partir de 2004.
J'espère que cet amendement recueillera un avis favorable de la commission des
finances et du Gouvernement, et qu'il sera adopté par le Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
L'amendement est intéressant et subtil.
(Sourires.)
Cela étant, la commission souhaiterait, avant de se
prononcer, connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Permettez-moi deux remarques, l'une de fond et l'autre de
forme.
Sur le fond, il faut bien distinguer les organismes représentatifs dans
lesquels siègent les organisations professionnelles et syndicales, d'une part,
et les interprofessions, qui doivent gérer une filière, d'autre part. Les unes
et les autres ne sont pas de même nature. J'ajoute qu'imaginer, par
construction, le pluralisme syndical dans les filières constituées en
interprofession n'est pas forcément, pour la gestion de la filière, optimal,
raison pour laquelle, d'ailleurs, certains d'entre elles - je pense aux fruits
et légumes et au porc - se caractérisent par ce défaut d'organisation.
L'idée de permettre aux filières de s'organiser de manière plus rapide et plus
efficace en interprofession ne me choque pas. Ces sujets sont sur la table des
négociations avec les organisations professionnelles agricoles, comme il est de
notoriété publique.
Sur la forme, en revanche, je crains - mais je ne veux pas me substituer à la
commission - que cet amendement n'entre pas, compte tenu de son objet, dans le
cadre de l'examen d'une loi de finances.
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Comme l'a suggéré M. le ministre, cet amendement,
pour être intéressant, risque cependant d'être un cavalier.
M. Gérard César.
Ce ne serait pas le premier !
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Ce ne serait pas le premier, certes, mais c'est un
risque. Ne serait-il pas possible d'intégrer ce dispositif dans un autre texte,
celui dont vous avez fait état, monsieur le ministre, qui serait prochainement
soumis au Parlement ?
(M. le ministre délégué acquiesce.)
Dans ces conditions, vous serait-il possible d'attendre un peu, mes chers
collègues ?
M. le président.
Monsieur Vasselle, l'amendement n° II-43 rectifié
bis
est-il maintenu
?
M. Alain Vasselle.
Je ne veux pas être plus royaliste que le roi en la circonstance.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. M. le rapporteur spécial a
fait des remarques pertinentes, ce qui ne m'étonne d'ailleurs pas : sans doute
n'a-t-il pas tout à fait tort sur la forme. Sur le fond, M. le ministre nous
donne raison.
Ecoutez, mes chers collègues, une commission mixte paritaire va se réunir : à
elle d'examiner le problème. Je vous propose d'adopter cet amendement, et la
commission mixte paritaire jugera l'opportunité de le maintenir ou non dans ce
projet de loi de finances, sachant qu'il pourra être inséré dans un texte qui
viendra prochainement en discussion au Sénat. Du moins aurons-nous affiché
notre volonté d'aller dans cette direction et aurez-vous fait oeuvre utile !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
La commission s'en remet finalement à la sagesse du
Sénat.
(Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor, contre l'amendement.
M. Jean-Marc Pastor.
Ce qui me gêne dans cet amendement qui nous est proposé à cette heure avancée
et en urgence,...
M. Paul Raoult.
Il y a urgence, visiblement !
M. Jean-Marc Pastor.
... c'est qu'il ne concerne qu'une partie de la profession agricole. Or le
problème mériterait certainement d'être abordé d'une manière plus globale.
Nous qui, dans cette enceinte, recherchons toujours des solutions équilibrées
pour l'ensemble de la profession agricole, sommes-nous sûrs de faire une bonne
action en ne visant ici qu'une catégorie ?
Franchement, cher collègue Alain Vasselle, je n'ai pas bien saisi ce que vous
souhaitiez obtenir avec cet amendement. Je souhaiterais personnellement qu'un
amendement de cette nature puisse être examiné par la commission des affaires
économiques afin qu'une vision d'ensemble nous soit proposée.
Cela me gêne d'autant plus que l'on nous le propose à la sauvette et alors que
nous venons d'adopter deux amendements tendant à réduire des charges dans le
budget de l'agriculture.
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Gérard César.
Non, non !
M. Alain Vasselle.
Ce n'est pas une explication de texte !
M. Jean-Marc Pastor.
Bien sûr que non, mais, à un moment ou à un autre, on aboutira quand même à
une participation, donc à une charge. J'ai bien compris que l'on se projette
dans deux ans, d'accord, mais cela me gêne beaucoup qu'on le fasse à la
sauvette.
Nous avons une commission des affaires économiques, nous avons une commission
des finances. Or, sur cet amendement, j'ai pu constater l'hésitation du
Gouvernement et celle de M. le rapporteur spécial. Si tous deux hésitent, c'est
que le dispositif mérite tout de même un examen attentif.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-43 rectifié
bis
.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 61.
BUDGET ANNEXE
DES PRESTATIONS SOCIALES AGRICOLES
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles et figurant aux articles 40 et 41 du projet de loi de finances.
Services votés
M. le président.
« Crédits : 15 662 867 383 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 40 au titre des services
votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président.
« II. - Crédits : 254 532 617 euros. »
L'amendement n° II-35, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le II de cet article, majorer la ligne "Prestations sociales agricoles"
de 2 000 000 euros. »
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Une nouvelle prestation a été introduite dans la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2003. Il s'agit d'une allocation
forfaitaire en faveur des familles ayant trois enfants à charge qui perdent le
bénéfice des allocations familiales quand un enfant a atteint son vingtième
anniversaire.
Il est nécessaire d'intégrer les conséquences financières de cette mesure dans
le BAPSA, sachant que, dans le régime agricole, les prestations sont versées
par la Mutualité sociale agricole et non directement par la Caisse nationale
des allocations familiales, la CNAF. La recette correspondante, financée par la
CNAF, a été votée dans la première partie de la présente loi de finances pour
2003. Cet amendement vise donc à inscrire la dépense dans le BAPSA.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Cet amendement n'a pas de conséquences sur
l'équilibre du budget. La commission y est donc favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-35.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits inscrits au paragraphe II de l'article
41, au titre des mesures nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des
affaires rurales, et le budget annexe des prestations sociales
agricoles.
8
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la
Communauté, d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une
association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République slovaque, d'autre part, sur l'évaluation de la
conformité et l'acceptation des produits industriels. Proposition de décision
du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord
européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs
Etats membres, d'une part, et la République slovaque, d'autre part, sur
l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2147 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative au respect des conditions fixées
à l'article 3 du protocole additionnel à l'accord européen établissant une
association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République tchèque, d'autre part, en ce qui concerne une
prorogation de la période prévue à l'article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2
de l'accord européen.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2148 et distribué.
9
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 4 décembre 2002, à douze heures, à quinze heures
et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Outre-mer :
M. Roland du Luart, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 28) ;
M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 70, tome XXII) ;
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (aspects sociaux, avis n° 72, tome VIII) ;
M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (départements d'outre-mer, avis n° 73, tome VII) ;
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (territoires d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie, avis
n° 73, tome VIII).
Affaires étrangères :
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial (affaires étrangères, rapport n° 68,
annexe n° 1) ;
M. Michel Charasse, rapporteur spécial (aide au développement, rapport n° 68,
annexe n° 2) ;
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées (affaires étrangères, avis n°
71, tome I) ;
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées (relations culturelles
extérieures et francophonie, avis n° 71, tome II) ;
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées (aide au développement, avis n°
71, tome III) ;
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (relations culturelles extérieures, avis n° 69, tome XIII) ;
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (francophonie, avis n° 69, tome XIV).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 2003
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2003 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen
des crédits du projet de loi de finances pour 2003
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2003, est fixé au vendredi 6 décembre 2002, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 4 décembre 2002, à deux heures
quarante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 3 décembre 2002
SCRUTIN (n° 61)
sur l'amendement n° II-51, présenté par MM. Jean Arthuis, Philippe Marini et
Joël Bourdin au nom de la commission des finances tendant à réduire les crédits
du titre IV de l'état B du projet de loi de finances pour 2003 (budget de
l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires
rurales).
Nombre de votants : | 312 |
Nombre de suffrages exprimés : | 311 |
Pour : | 198 |
Contre : | 113 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre :
22.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la
séance.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Pour :
11.
Contre :
9. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin, Bernard Joly
et Dominique Larifla.
Abstention :
1. _ M. Daniel Soulage.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
92.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, et M. Alain Vasselle.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Contre :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Pour :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Pour :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Bernard Joly
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstention
Daniel Soulage.
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Hubert Durand-Chastel,
Bernard Seillier, Alex Türk, Alain Vasselle, Christian Poncelet, président du
Sénat, et Guy Fischer, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 314 |
Nombre des suffrages exprimés : | 313 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 157 |
Pour : | 199 |
Contre : | 114 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.