SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Marcel-Pierre Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
Monsieur le ministre, dans un monde de plus en plus incertain sur tous les
plans, l'économie et la gestion des entreprises ne sont pas en reste. A
l'évidence, les « scandales américains » et les aléas boursiers portent
témoignage de problèmes graves.
La France se distingue, où entreprises publiques et entreprises privées
coexistent pour le meilleur et, quelquefois, pour le pire.
A l'aube des années quatre-vingt-dix, la catastrophe du Crédit Lyonnais, les
pertes abyssales du Comptoir des entrepreneurs, du Crédit foncier, du GAN, ont
laissé des « ardoises » dont le coût représente pour chaque contribuable
français environ 1 400 euros.
Que dire de la situation de GIAT-Industries, de la SNECMA et de la SNCF, des
refinancements de Bull, de Thomson, de la Société marseillaise de crédit, et
j'en passe ?
Au début des années 2000, les dysfonctionnements ont touché des secteurs
jusqu'alors bénis de la croissance, je veux parler de la communication et des
nouvelles technologies de l'information.
C'est une crise de confiance, mais c'est surtout une crise de gouvernance.
Bref, c'est la tourmente, la crise, trop souvent le scandale : Vivendi, bien
sûr, pour le privé, mais aussi France Télécom, exemple entre les exemples,
qu'une prise de participation de 28,5 % dans l'allemand MobilCom a conduit au
désastre connu de tous, EDF, lors de l'OPA sur Montedison, la SNECMA et les
actions de son PDG...
M. Paul Raoult.
Et Vivendi ?
M. Marcel-Pierre Cleach.
Je l'ai cité, monsieur le sénateur !
M. Paul Raoult.
Il faut citer aussi le privé !
Plusieurs sénateurs du RPR.
Il l'a fait ! Ça suffit !
M. Dominique Braye.
Ecoutez !
M. Henri de Raincourt.
Idéologues !
M. Marcel-Pierre Cleach.
Cette litanie d'exemples prouve à l'envi que l'Etat actionnaire a été mis au
courant au dernier moment, est resté sous-informé, voire n'a pas été informé du
tout !
En sens inverse - et sans doute allez-vous réagir, mes chers collègues ! -,
nombreux sont les exemples où l'Etat, par idéologie ou par peur du
risque,...
M. René-Pierre Signé.
Idéologie !
M. Marcel-Pierre Cleach.
... a bloqué le développement international de grandes entreprises
françaises.
Les prises de conscience à répétition, les avertissements, les mouvements de
l'opinion publique, la crise boursière, les questions que posent les
actionnaires individuels : tout cela n'a rien changé, jusqu'à présent, dans les
rapports qu'entretient l'Etat avec les entreprises publiques, malgré le nombre
impressionnant de rapports sur le sujet.
M. René-Pierre Signé.
Le libéralisme ne va pas assez vite !
M. Marcel-Pierre Cleach.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour renforcer et améliorer la
gouvernance des entreprises privées et, surtout, publiques, celles pour
lesquelles chaque Français doit payer pour les erreurs, les mauvais choix ou
les légèretés de leurs dirigeants ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. René-Pierre Signé.
Zorro est arrivé !
(Protestations sur les mêmes travées.)
M. Henri de Raincourt.
M. Signé vient une fois par mois juste pour dire de telles choses !
M. Francis Mer,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
sénateur, il est clair que, dans le droit-fil des propos de M. le Premier
ministre, nous avons amélioré, parmi les facteurs de compétitivité de notre
pays, la gouvernance et la performance des entreprises, qu'elles soient privées
ou publiques.
Dans ce domaine, non seulement en France mais de par le monde, des exemples
récents nous montrent que des écarts injustifiables se sont produits par
rapport à l'éthique, par rapport au sens des responsabilités, par rapport à la
bonne gouvernance des entreprises. Il est donc clair - et cela correspond à
notre intention - que nous avons le devoir de mettre en oeuvre, tant dans le
secteur privé que dans le secteur public, les réformes qui nous permettront de
mieux gérer ces entreprises.
Dans le secteur privé, la prise de conscience a eu lieu, vous le savez,
notamment dans notre pays. Ainsi, nous avons l'intention d'utiliser, au moins
partiellement, le rapport de M. Bouton et celui de M. Viénot, qui est
antérieur,...
M. Henri Weber.
M. Viénot, voilà une référence !
M. Francis Mer,
ministre.
... pour élaborer le projet de loi sur la sécurité financière
et créer les conditions qui nous permettront d'obtenir, dans ce domaine de la
gouvernance, une efficacité maximale.
Il n'y a aucune raison que les entreprises publiques soient gérées de manière
significativement différente des entreprises privées.
Un sénateur du RPR.
Bravo !
Mme Nicole Borvo.
Ah bon ? Il y a pourtant quelques raisons à cela !
M. Jacques Mahéas.
C'est tout de même le service public !
M. Francis Mer,
ministre.
Nous avons donc demandé à un certain nombre de personnalités
extérieures ayant toutes les compétences et l'expérience requises en même temps
que la connaissance du monde de l'Etat, comme du monde des affaires, de nous
soumettre dans un court délai - deux mois - des suggestions de modifications
relevant du bon sens, du sens des responsabilités, afin d'améliorer les
performances de notre pays.
Je vous rappelle qu'environ 1,2 million de personnes travaillent dans les
entreprises publiques, que le chiffre d'affaires de ces dernières s'élève à 200
milliards d'euros et que leurs fonds propres, même s'ils sont probablement
insuffisants, représentent 50 milliards d'euros. Je vous rappelle également que
ces entreprises, avant les pertes que subira France Télécom l'année prochaine
ont dégagé un résultat nul, et ce notamment parce que leurs dettes sont
importantes - 150 milliards d'euros - et aussi, peut-être, parce que leurs
performances ont besoin d'être améliorées.
Elles le seront, mesdames, messieurs les sénateurs, car il suffit de vouloir
pour pouvoir.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
SITUATION DE L'ÉCONOMIE EN FRANCE