SEANCE DU 6 NOVEMBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Déclaration de l'urgence d'un projet de loi
(p.
1
).
3.
Rappels au règlement
(p.
2
).
MM. Robert Bret, Jean-Claude Peyronnet, Michel Dreyfus-Schmidt, le
président.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
MM. le président, Robert Bret, Jean-Pierre Sueur.
4.
Organisation décentralisée de la République.
- Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi constitutionnelle
(p.
4
).
Demande de priorité (p. 5 )
Demande de priorité de l'article 9 avant l'article 8. - M. René Garrec,
président de la commission des lois, rapporteur ; le président, Mme Brigitte
Girardin, ministre de l'outre-mer. - La priorité est ordonnée.
M. Claude Lise.
Article 7 (p. 6 )
MM. Dominique Larifla, Jean-Paul Virapoullé, Robert Bret.
Amendements n°s 158 rectifié de M. Claude Lise, 23 de la commission, 116 de M.
Dominique Larifla, 24 rectifié de la commission et sous-amendements n°s 235
rectifié
bis
du Gouvernement et 103 rectifié
bis
de M. Michel
Charasse ; amendements n°s 104 rectifié de M. Michel Charasse, 214 rectifié de
M. Georges Othily et 25 de la commission. - MM. Claude Lise, le
rapporteur,Dominique Larifla, Mme la ministre, MM. MichelCharasse, Georges
Othily. - Rejet de l'amendement n° 158 rectifié et du sous-amendement n° 103
rectifié
bis
; adoption de l'amendement n° 23, du sous-amendement n° 235
rectifié
bis
, de l'amendement n° 24 rectifié modifié et de l'amendement
n° 25, les amendements n°s 116, 104 rectifié et 214 rectifié devenant sans
objet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 7 (p. 7 )
Amendement n° 181 rectifié de M. Robert Bret. - MM. Robert Bret, le rapporteur,
Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Jean Chérioux. -
Retrait.
MM. le président, Claude Estier.
Article 9 (priorité) (p. 8 )
Amendements n°s 198 de Mme Nicole Borvo et 30 de la commission. - MM. Robert
Bret, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait de l'amendement n° 198 ;
adoption de l'amendement n° 30.
Amendement n° 84 de Mme Marie-Christine Blandin. - Mme Marie-Christine Blandin,
M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Michel Charasse. - Rejet.
Amendement n° 31 de la commission et sous-amendement n° 114 de M. Michel
Charasse ; amendement n° 110 de M. Michel Charasse. - MM. le rapporteur,
MichelCharasse, Mme la ministre. - Retrait du sous-amendement n° 114 et de
l'amendement n° 110 ; adoption de l'amendement n° 31.
Amendement n° 63 de M. Gaston Flosse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur. -
Retrait.
Amendements n°s 64 de M. Gaston Flosse et 32 de la commission. - MM. Gaston
Flosse, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait de l'amendement n° 64 ;
adoption de l'amendement n° 32.
Amendements n°s 237 du Gouvernement, 33 de la commission et sous-amendement n°
247 de M. Michel Charasse ; amendement n° 65 de M. Gaston Flosse. - Mme la
ministre, MM. le rapporteur, Gaston Flosse. - Retrait des amendements n°s 33 et
65, le sous-amendement n° 247 devenant sans objet ; adoption de l'amendement n°
237.
Amendements n°s 111 de M. Michel Charasse et 66 rectifié de M. Gaston Flosse. -
MM. Michel Charasse, Gaston Flosse, le rapporteur, Mme la ministre, M. Patrice
Gélard, vice-président de la commission des lois. - Rejet de l'amendement n°
111 ; adoption de l'amendement n° 66 rectifié.
Amendement n° 112 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur,
Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 67 de M. Gaston Flosse et sous-amendement n° 240 de la commission
; amendement n° 113 de M. Michel Charasse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur,
Michel Charasse, Mme la ministre. - Retrait de l'amendement n° 113 ; adoption
du sous-amendement n° 240 et de l'amendement n° 67 modifié.
Adoption de l'article modifié.
Article 8 (p. 9 )
MM. Dominique Larifla, Claude Lise.
Amendement n° 26 de la commission et sous-amendement n° 270 de M. Claude Lise ;
amendements n°s 117 de M. Dominique Larifla et 159 rectifié de M. Claude Lise.
- MM. le rapporteur, Claude Lise, DominiqueLarifla, Mme la ministre. - Rejet du
sous-amendement n° 270 ; adoption de l'amendement n° 26, les amendements n°s
117 et 159 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 160 rectifié de M. Claude Lise. - Devenu sans objet.
Amendement n° 27 de la commission et sous-amendements n°s 236 du Gouvernement,
107 de M. Michel Charasse et 85 rectifié
bis
de M. Jean-Paul Virapoullé.
- M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Michel Charasse, Jean-Paul Virapoullé,
Mmes Anne-Marie Payet, Jacqueline Gourault, MM. Robert Bret, Jean-Louis
Masson,Dominique Larifla, Yann Gaillard. - Retrait du sous-amendement n° 107 ;
adoption du sous-amendement n° 236 et, par scrutin public, du sous-amendement
n° 85 rectifié
bis
; adoption de l'amendement n° 27 modifié.
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
Amendement n° 105 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur,
Mme la ministre. - Retrait.
Amendement n° 28 de la commission et sous-amendement n° 108 de M. Michel
Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, Mme la ministre. - Retrait du
sous-amendement n° 108 ; adoption de l'amendement n° 28.
Amendements n°s 161 rectifié
quater
de M. Claude Lise, 29 rectifié de la
commission et 106 de M. Michel Charasse. - MM. Claude Lise, le rapporteur,
Michel Charasse, Mme la ministre. - Rejet des amendements n°s 161 rectifié
quater
et 106 ; adoption de l'amendement n° 29 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 10
ou après l'article 11 (p.
10
)
Amendements n°s 199 de Mme Nicole Borvo et 165 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Robert Bret, Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, Mme la ministre, M. Michel Charasse. - Rejet des deux amendements.
Article 10 (p. 11 )
Amendements n°s 162, 163 de M. Jean-Claude Peyronnet et 35 rectifié de la commission. - MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, Mmes la ministre, Nicole Borvo, MM. Michel Charasse, le vice-président de la commission. - Rejet de l'amendement n° 162 ; adoption de l'amendement n° 35 rectifié, l'amendement n° 163 devenant sans objet.
Article additionnel après l'article 10 (p. 12 )
Amendement n° 164 de M. Claude Lise. - Devenu sans objet.
Articles additionnels avant l'article 11 (p. 13 )
Amendement n° 200 de Mme Nicole Borvo. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme la
ministre. - Rejet.
Amendement n° 201 de Mme Nicole Borvo. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme la
ministre. - Rejet.
Article 11 (p. 14 )
Amendements n°s 36 et 37 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre.
- Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 11 (p. 15 )
Amendement n° 166 de M. Jean-Claude Peyronnet. - Devenu sans objet.
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
Vote sur l'ensemble (p.
16
)
MM. le président, Jean-Claude Peyronnet, Georges Othily, Jacques Blanc, Mme
Nicole Borvo, MM. Josselin de Rohan, Pierre Mauroy, Michel Mercier, Mme
Marie-Christine Blandin, M. Jean-Jacques Hyest, Mme Josiane Mathon, MM. Laurent
Béteille, François Fortassin, le vice-président de la commission, Mme la
ministre, M. le ministre délégué.
Adoption, par scrutin public à la tribune, du projet de loi
constitutionnelle.
5.
Modification de l'ordre du jour
(p.
17
).
6.
Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application
de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
18
).
7.
Dépôt d'une question orale avec débat
(p.
19
).
8.
Transmission d'un projet de loi
(p.
20
).
9.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
21
).
10.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
22
).
11.
Renvoi pour avis
(p.
23
).
12.
Dépôt de rapports
(p.
24
).
13.
Dépôt de rapports d'information
(p.
25
).
14.
Ordre du jour
(p.
26
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures dix.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Paris, le 6 novembre 2002.
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous faire connaître que, en application de l'article 45,
alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de
loi pour la sécurité intérieure, déposé sur le bureau du Sénat le 23 octobre
2002.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Jean-Pierre Raffarin. »
Acte est donné de cette communication.
3
RAPPELS AU RÈGLEMENT
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret, pour un rappel au règlement.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dois vous
faire part, au nom de mon groupe, de notre stupéfaction à la lecture d'un
journal -
Le Parisien,
pour ne pas le nommer - du matin.
Chacun a pu y lire que M. Barrot, président du groupe de l'UMP, avait annoncé
la venue de M. Raffarin devant son groupe, le mercredi 13 novembre, pour «
"donner des précisions maximales" sur la loi organique qui sera discutée au
Parlement après l'adoption de la réforme de la Constitution », réforme dont
nous débattons aujourd'hui.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois,
monsieur le vice-président de la commission des lois, mes chers collègues,
c'est la crédibilité même de notre assemblée qui est en cause.
A maintes reprises, l'information sur les lois organiques ou ordinaires a été
demandée depuis le début de l'examen au Sénat du projet de loi
constitutionnelle. En commission, ce sont des sénateurs de tous bords qui ont
souligné le flou du texte dont nous débattons du fait de l'imprécision sur les
choix à venir. En séance publique, plusieurs orateurs, MM. Peyronnet et Sueur,
Mme Borvo ou moi-même, lorsque j'ai défendu une motion tendant au renvoi en
commission, ont solennellement demandé au Gouvernemnt d'informer le Sénat sur
ses intentions.
Nous avons tous en mémoire la réponse de M. Devedjian écartant d'un revers de
main cette demande. Son refus était catégorique : il n'y avait pas lieu
d'informer la représentation nationale - le Sénat en l'occurrence - avant que
les principes ne soient posés et, surtout, avant que les assises locales et
nationales de la décentralisation aient eu lieu.
Or, les propos de M. Barrot rapportés ce matin soulignent qu'en fait tout
était joué d'avance : le projet global est prêt !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Mais non
!
M. Robert Bret.
Mes chers collègues, cette façon d'annoncer publiquement le privilège qui est
ainsi fait aux élus du parti du Gouvernement paraît relever d'un mépris total à
l'égard de l'opposition parlementaire. C'est l'ensemble du Parlement qui doit
être informé, à commencer par notre assemblée.
Cette attitude n'est pas digne de ceux qui se targuent d'un respect scrupuleux
des droits du Parlement en général et donc de notre assemblée en
particulier.
Nous demandons donc, monsieur le président, que les « précisions maximales »
évoquées par M. Barrot soient apportées en premier lieu et immédiatement à
l'assemblée qui débat actuellement de la révision constitutionnelle, le
Sénat.
Il serait inconcevable de procéder au vote du projet de loi constitutionnelle
alors même que nous savons que nous avons été écartés d'informations
essentielles pour la compréhension du texte.
Au nom du groupe CRC, je demande donc solennellement une suspension de séance
d'une heure, afin de permettre à la commission des lois d'entendre les
explications du Gouvernement sur ce fait nouveau et « les précisions maximales
» évoquées par M. Barrot
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et
du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains
et indépendants.)
Plusieurs sénateurs du RPR.
Cela n'a rien à voir avec un rappel au règlement !
M. Jean-Claude Carle.
Le Premier ministre a dit ce que l'on attendait !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour un rappel au règlement.
Mon cher collègue, si vous demandez vous aussi une suspension de séance,
réduisez-en un peu la durée, je vous en prie !
Plusieurs sénateurs socialistes.
Cinquante-neuf minutes !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, j'ai envie de dire que la docilité n'est pas
récompensée : cela pourrait être la leçon de la petite chronique politique que
nous avons lue dans la presse de ce matin et de cet après-midi, en particulier
dans
Le Monde.
Vous êtes parti au combat, monsieur le président, suivi par votre majorité,
avec une grande ambition, puisque vous souhaitiez une compensation intégrale et
permanente des charges qui seraient transférées. Vous avez également souhaité,
au travers de la majorité de la commission des lois, instaurer un véritable
droit de veto du Sénat sur les lois de finances pour ce qui concerne les
collectivités territoriales.
Finalement, la majorité, qui semblait s'engager dans une espèce de combat
entre amis, a dû se contenter du gadget prévu à l'article 3, dont le dispositif
lui donne une satisfaction de pure forme mais qui sera contourné par tout
gouvernement qui le voudra et qui, c'est d'ailleurs heureux, ne corrige en rien
la prééminence de l'Assemblée nationale sur le Sénat.
En définitive, la majorité sénatoriale a tout accepté et a voté dans le
brouillard des dispositions vagues, sans savoir quelle en serait la traduction
dans les lois à venir : rien n'est précisé en ce qui concerne la tutelle, le
chef de file, l'encadrement du droit de pétition ou le référendum local
(Protestations sur les travées du RPR)...
Cette nuit et hier soir
encore, le Gouvernement a refusé de nous fournir des indications, fût-ce
quelques simples lignes de force, sur les cinq lois auxquelles renvoie
désormais l'article 6 après sa réécriture par le Gouvernement.
Pourtant, le Sénat examinait en premier lieu cet important projet de loi
constitutionnelle ! Cela montre d'ailleurs, par anticipation, la vanité de
l'article 3, avant même qu'il soit entré en vigueur.
M. Robert Bret.
Tout à fait !
M. Jean-Claude Peyronnet.
En effet, alors que le Sénat se contente de satisfactions formelles en
renonçant, après une reculade humiliante, à ses critiques sévères, exprimées
initialement par des amendements de grande portée, le président de l'Assemblée
nationale, dont l'institution n'a pas encore été saisie mais qui a choisi une
tribune médiatique, quoique frontalière, pour formuler publiquement de fortes
réserves, est l'objet de toutes les attentions du Gouvernement, singulièrement
de celles du Premier ministre.
Par conséquent, tout bouge, et M. Raffarin se précipite chez M. Jean-Louis
Debré pour lui promettre, selon la presse, de l'informer, ainsi que l'UMP -
mais pas la gauche, apparemment -, et de lui donner des « précisions maximales
» sur les lois à venir, ce que nous n'avons cessé de réclamer, nous et nos amis
du groupe CRC.
Non, décidément, ni la discipline, ni la docilité, ni l'apathie, ni le
renoncement ne sont récompensés ! Cela pourrait ne concerner que vous,
mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, mais, compte tenu de la
tournure que prennent les choses, cela nous intéresse directement nous
aussi.
Etant donné l'importance de l'article 6, compte tenu du nombre des
dispositions qui seront prises ultérieurement par loi simple ou par loi
organique, nous considérons que nous n'avons pas délibéré dans des conditions
normales. Ce serait très discutable, mais acceptable, si l'architecture
principale des textes de loi à venir n'était pas connue, mais ce serait
absolument intolérable si, comme la presse semblait l'indiquer ce matin, le
travail se révélait être beaucoup plus avancé.
Après le « camouflage » de l'avis du Conseil d'Etat, on nous dissimule, pour
les réserver à la seule majorité, des informations sur le contenu des lois à
venir. Cela n'est pas acceptable !
Par conséquent, je me rallie à la proposition du groupe communiste républicain
et citoyen, présentée par mon ami Robert Bret, et je demande une suspension de
séance de cinquante-neuf minutes, monsieur le président.
(Rires.)
Mme Hélène Luc.
C'est le rôle du Parlement !
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, la suspension de séance pourrait être écourtée par
l'arrivée rapide de M. le Premier ministre !
Cela étant dit, mon rappel au règlement ne porte pas sur ce point.
Comme j'ai eu l'occasion de le souligner hier soir, un certain nombre de nos
collègues, en particulier membres de la commission des lois, sont obligés
d'étudier le projet de loi pour la sécurité intérieure alors que l'on débat en
séance publique du projet de loi constitutionnelle.
Nous avons donc travaillé dans de très mauvaises conditions - nous aurons
l'occasion d'y revenir - et nous avons appris en outre que, ce matin, le
Gouvernement a demandé que l'urgence soit déclarée sur le projet de loi pour la
sécurité intérieure, lequel comprend cinquante-sept articles, dont certains
sont très longs et beaucoup sont délicats. De surcroît, nombre de ces articles
tendent à modifier le code pénal ou le code de procédure pénale ! Hormis le cas
d'un projet de loi qui comportait un très petit nombre d'articles, on n'a
jamais vu, me semble-t-il, que l'urgence soit déclarée sur un texte comme
celui-là, qui nécessite, plus que d'autres, une étude approfondie et sérieuse.
(Murmures sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
J'ai entendu à de multiples reprises, il n'y a pas si longtemps, l'ensemble de
mes collègues, en particulier vous-même, monsieur le président, protester
contre le recours, par les différents gouvernements, à la procédure d'urgence.
En l'occurrence, ce recours est tout à fait inadmissible, et nous demandons au
Gouvernement d'y renoncer. S'il ne le fait pas, nous protesterons avec
véhémence !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que
sur celles du groupe CRC.)
M. Alain Gournac.
Protestez, protestez !
M. le président.
Je donne acte à MM. Robert Bret, Jean-Claude Peyronnet et Michel
Dreyfus-Schmidt de leurs rappels au règlement. Je ferai part de leurs
observations à M. le Premier ministre.
Je vous accorde la suspension de séance que vous avez sollicitée, mes chers
collègues. Cela étant, je vous rappellerai que, en d'autres temps, alors que
j'avais demandé au Premier ministre de l'époque de venir s'exprimer devant le
Sénat, on m'avait objecté qu'il avait de nombreuses occupations, que son emploi
du temps était particulièrement chargé et qu'il ne pourrait pas déférer à mon
invitation.
M. Alain Gournac.
On s'en souvient ! Il avait autre chose à faire !
M. le président.
Quoi qu'il en soit, nous allons demander à M. le Premier ministre de venir,
mais je ne suis pas certain qu'il le puisse.
Conformément aux prérogatives qui sont les miennes, je vous accorde la
suspension de séance que vous avez demandée, mes chers collègues, mais acceptez
qu'elle ne dure que dix minutes.
(Protestations sur les travées du groupe
socialiste.)
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel et d'administration générale.
Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur.
Nous avons demandé une réunion de la commission des lois !
M. le président.
La commission des lois ne m'a pas fait savoir qu'elle souhaitait se réunir. Le
désirez-vous, monsieur le vice-président ?
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Non, monsieur le président !
M. le président.
En conséquence, j'accepte de suspendre la séance, mais je vous demande de ne
pas exagérer, mes chers collègues. L'excès est mauvais en tout !
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures
trente.)
M. le président.
La séance est reprise.
J'indique à MM. Bret et Peyronnet que je me suis renseigné pour savoir si M.
le Premier ministre pourrait, comme ils le souhaitent, nous rejoindre en
l'instant. Je viens d'apprendre que M. le Premier ministre est à Rome avec M.
le Président de la République pour le sommet franco-italien. Vous comprendrez
qu'il ne lui est pas possible de revenir immédiatement.
Je me suis donc efforcé d'exaucer votre voeu, mais je n'ai pu le faire pour
des raisons strictement techniques. Par conséquent, nous allons poursuivre nos
débats.
M. Robert Bret.
Mme la ministre ne pourrait-elle pas nous donner l'information que nous
souhaitons ?
M. le président.
Mme le ministre était avec moi lorsque j'ai appelé M. le Premier ministre.
M. Robert Bret.
Elle est membre du Gouvernement !
M. le président.
Elle ne manquera pas, au cours du débat, au fur et à mesure de l'examen des
articles, de répondre aux questions que vous poserez.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
Monsieur Sueur, nous n'allons quand même pas consacrer toute la journée à des
rappels au règlement ! Compte tenu des responsabilités importantes qui sont les
vôtres, vous devez comprendre que je ne peux pas admettre des rappels au
règlement successifs. Sinon, vous vous exposez au risque d'être mal jugé !
Cela étant dit, je vous autorise néanmoins à intervenir.
M. Laurent Béteille.
Sur la base de quel article ?
M. Jean-Pierre Sueur.
Mon rappel au règlement, qui se fonde sur l'article 32 du règlement, sera
bref.
La suspension de séance que nous avions sollicitée avait un objet précis. Vous
venez de nous informer du fait que M. le Premier ministre est à Rome.
M. Jean-Pierre Masseret.
Il n'est pas allé à Canossa ?
(Sourires sur les travées du groupe
socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur.
Mais il existe incontestablement un Gouvernement, qui est solidaire et qui est
représenté ici même par Mme la ministre. Il n'est pas acceptable, pour nous -
mais cela vaut au-delà des clivages politiques -...
M. Alain Gournac.
Parlez pour vous !
M. Jean-Pierre Sueur.
... d'apprendre, par voie de presse, qu'un groupe politique de l'Assemblée
nationale bénéficierait très rapidement d'informations sur les lois organiques
et les autres lois à venir, alors qu'il nous a été dit que nous ne pouvions
rien connaître sur ce sujet. C'est tout à fait étrange !
(Exclamations sur
les travées du RPR.)
M. Alain Gournac.
C'est un mauvais procès !
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est pourtant ce qui a été annoncé aujourd'hui !
(Nouvelles exclamations
sur les mêmes travées.)
M. Robert Bret.
C'est la réalité !
M. Jean-Pierre Sueur.
En l'absence de M. le Premier ministre, nous demandons au Gouvernement de
venir s'expliquer et de nous apporter les précisions dont il dispose.
M. Gérard Le Cam.
Voilà !
M. Jean-Pierre Sueur.
Nous rappelons, mais vous le savez bien, que d'autres ministres peuvent nous
répondre. Ainsi, M. le garde des sceaux, qui était parmi nous hier, peut tout à
fait s'exprimer, puisqu'il a été chargé de présenter ce texte au nom du
Gouvernement. En effet, si le Premier ministre a dit qu'il allait fournir des
précisions sur les lois organiques à un groupe de l'Assemblée nationale, M.
Perben est parfaitement informé, et Mme Girardin également. Le Gouvernement
peut donc tout à fait répondre à notre attente.
M. le président.
Monsieur Sueur, vous avez écouté, comme moi, les rappels au règlement. J'ai
été sollicité pour demander à M. le Premier ministre - c'était précis - de bien
vouloir venir devant nous, compte tenu d'informations diffusées dans les
médias. Pour reprendre une formule consacrée, jusqu'à preuve du contraire, les
médias ne sont pas l'Evangile...
M. Henri de Richemont.
On ne sait pas !
M. le président.
... ni le
Bulletin officiel.
D'ailleurs, l'un d'entre vous, M. Peyronnet, en homme averti, a fort justement
dit : « il semblerait », et je lui en sais gré.
Par conséquent, j'ai été très tolérant : je vous ai accordé une suspension de
séance de dix minutes et je me suis renseigné pour savoir si le Premier
ministre pouvait nous rejoindre. Je l'ai dit : il est à Rome. Dans de telles
circonstances, si vous étiez dans la majorité, vous tiendriez le même
raisonnement. Je vous remercie de votre compréhension.
4
ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE
Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi constitutionnelle
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi
constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°
24 rectifié, 2002-2003). [Rapport n° 27 (2002-2003).]
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 7.
Demande de priorité
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec,
président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Je suis heureux que nous poursuivions l'examen du projet de loi
constitutionnelle. Après avoir entendu la question posée par mes collègues et
la réponse apportée par M. le président, nous pouvons, en effet, nous remettre
au travail.
M. Robert Bret.
Vous n'avez pas lu la presse ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Nous n'avons pas lu les mêmes journaux ce matin ! J'ai
d'ailleurs dû me rendre rapidement en commission...
(M. Robert Bret
s'exclame.)
Mon cher collègue, tendez bien l'oreille : je disais que nous
n'avions pas lu les mêmes journaux ce matin, si bien que nous n'avons pas les
mêmes informations !
Avant que nous reprenions le débat, je demande, monsieur le président, puisque
M. Gaston Flosse doit regagner la Polynésie française - c'est une chance pour
lui - que l'article 9 soit examiné en priorité avant l'article 8.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre de l'outre-mer.
Favorable.
M. le président.
La priorité est de droit.
M. Claude Lise.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise.
Monsieur le président, je voudrais bien faire plaisir à mon collègue Gaston
Flosse mais je dois présenter devant la commission des finances le budget du
Conseil économique et social, dont j'ai déjà reporté l'examen à plusieurs
reprises. Aussi, inverser l'ordre de l'examen des articles me pose problème. En
effet, je devais intervenir sur l'article 7 dès le début de la présente
séance.
M. Alain Gournac.
Allez-y !
(Sourires.)
M. le président.
Monsieur Lise, vous allez avoir satisfaction puisque nous allons commencer
l'examen de l'article 7. Je ne peux pas faire mieux, mon cher collègue, et je
suis heureux de pouvoir vous donner satisfaction !
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - Il est inséré au titre XII de la Constitution un article 72-3
ainsi rédigé :
«
Art. 72-3. -
La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion,
Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie
française sont régis par l'article 73 pour les départements et les régions
d'outre-mer, et par l'article 74 pour les autres collectivités.
« Aucun passage de tout ou partie de ces collectivités de l'un à l'autre des
régimes prévus par les articles 73 et 74 ne peut intervenir sans que le
consentement des électeurs de la collectivité intéressée, convoqués par le
Président de la République sur proposition du Gouvernement, ait été
préalablement recueilli. En ce cas, le changement de régime est décidé par une
loi organique.
« La loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière des
Terres australes et antarctiques françaises. »
La parole est à M. Dominique Larifla, sur l'article.
M. Dominique Larifla.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le premier
alinéa de l'article 7 énumère nominativement chacune des collectivités situées
outre-mer : les actuels départements et territoires d'outre-mer.
Jusqu'à présent, le régime des premiers étant défini par la loi, leur statut
pouvait être modifié par une loi ordinaire, et ce sans l'avis des populations.
(M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, entre dans
l'hémicycle et gagne le banc du Gouvernement. - Exclamations sur les travées du
groupe socialiste.)
Un sénateur socialiste.
Il va nous informer !
M. le président.
Monsieur Larifla, pardonnez-moi de vous interrompre.
Monsieur le ministre, le Sénat - notamment les membres de l'opposition - se
réjouit de votre arrivée.
(M. Alain Gournac applaudit.)
Veuillez poursuivre, monsieur Larifla.
M. Dominique Larifla.
Je salue, moi aussi, l'arrivée de M. le ministre.
Je reprends mon propos. Il faut donc reconnaître le double mérite de ce projet
qui inscrit chacune de ces collectivités dans la Constitution, en garantissant
dans le même temps que soit recueillie la volonté de leur population en cas
d'évolution, dans la continuité du processus engagé en 2000, avec la loi
d'orientation pour l'outre-mer.
La rédaction actuelle prévoit, par ailleurs, la possibilité d'un changement de
régime, donc du passage de l'identité législative à celui de spécialité
législative, c'est-à-dire à l'autonomie.
On regrette toutefois le caractère manichéen de la rédaction actuelle.
Ainsi, après l'actuelle étape de l'identité législative resterait celle de
l'autonomie, puis viendrait l'heure de l'indépendance.
Entre ces extrêmes, la collectivité unique régie par le principe d'identité
législative serait une voie médiane.
Nous ne doutons pas, madame la ministre, de la validité de vos déclarations,
consistant à assurer que cette collectivité unique demeurerait régie par
l'article 73 de la Constitution, mais nos inquiétudes portent sur le risque des
interprétations.
D'ailleurs, retrouver Saint-Pierre-et-Miquelon aux côtés des collectivités
régies par les articles 73 et 74 de la Constitution contribue à entretenir la
confusion, car celui-ci est bien un département situé en outre-mer, mais érigé
comme tel en application de l'article 72 de la Constitution. Je cite l'article
1er de la loi du 11 juin 1985, relative au statut de l'archipel de
Saint-Pierre-et-Miquelon : « L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon constitue,
conformément à l'article 72 de la Constitution, une collectivité territoriale
de la République française. Son organisation et son fonctionnement sont fixés
par la présente loi. »
Aussi, à la lecture de l'article 7, on sent bien la volonté du Gouvernement
d'apporter une réponse à chacune des aspirations des habitants de l'outre-mer,
allant jusqu'à prendre en compte la particularité de la situation de l'île de
Saint-Barthélemy, au sein de la revendication globale de l'archipel
guadeloupéen.
De cette démarche consistant à satisfaire tout le monde vient sans doute une
rédaction confuse d'un texte qui se veut général tout en étant très précis.
Cependant, l'évolution des départements d'outre-mer comporte deux dimensions :
l'une, institutionnelle, qui porte strictement sur l'organisation
administrative, et l'autre, qui se rapporte à la question du régime.
L'article 72-3 proposé ne vise, quant à lui, que la seconde, d'où l'amendement
que je propose et que je défendrai tout à l'heure.
M. le président.
Avant de donner la parole à l'orateur suivant, je salue la présence, dans la
tribune officielle, de nos collègues députés Mme Vernaudon et M. Buillard. Nous
sommes heureux de les accueillir. Je leur adresse, au nom du Sénat, mes
souhaits de cordiale bienvenue.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, sur l'article 7.
M. Jean-Paul Virapoullé.
Avec votre autorisation, monsieur le président, je salue M. Audifax, député de
la Réunion, qui est également présent dans nos tribunes.
L'article 7 a une portée historique. Je le dis d'autant plus volontiers que,
lorsque nous l'avons passé au crible, j'ai fait partie de ceux qui estimaient
qu'il ne comportait pas suffisamment de verrous pour les départements français
d'outre-mer.
Mais un travail d'analyse constructif a été engagé avec le Gouvernement. Au
fil des jours, je me plais à constater - je tiens à le reconnaître ici - que
ces départements d'outre-mer étaient des anciennes colonies. Comment sont-ils
devenus départements d'outre-mer ? Par un simple texte législatif : la loi de
1946. Or, nous l'avons tous appris, ce qu'une loi fait, une autre loi peut le
défaire.
La première portée historique que je reconnais à l'article 7 est l'inscription
nominative, pour la première fois, des départements et des territoires
d'outre-mer dans la Constitution française, qui efface d'un trait de plume le
procès d'intention fait au Gouvernement à propos du prétendu « largage » de
l'outre-mer français.
Mais là ne s'arrête pas l'innovation. La deuxième nouveauté - et je me plais
ici à la souligner, car, si je ne l'avais pas vue à la première analyse, je la
ressens pleinement aujourd'hui - réside dans le pouvoir de veto accordé au
peuple avant tout changement de statut. Dans un premier temps, j'avais cru
qu'il s'agissait d'un mandat impératif, qui donc aurait été nul ; cependant,
l'analyse montre que la consultation préalable de la population doit être
comprise non pas comme un mandat impératif, mais comme un veto liant aussi bien
le Gouvernement que le Président de la République et le Parlement : ce dernier
ne sera pas tenu de suivre le vote de la population, mais il ne pourra pas être
saisi d'un éventuel projet de changement de statut sans son accord
préalable.
Cette rédaction chasse de nos esprits toute interprétation qui pourrait
susciter l'inquiétude quant au droit de passage de tout ou partie des
collectivités concernées de l'un à l'autre des régimes prévus par les articles
73 et 74 de la Constitution. Ce droit de passage n'est pas une obligation de
passage ; il est, en pratique, une interdiction de passage sans l'accord de la
population.
Sur ce point, je veux souligner que l'article 7, tel qu'il est rédigé, donne
satisfaction aux populations d'outre-mer, notamment à celles des départements
d'outre-mer, et je tiens à en donner acte au Gouvernement.
Le dernier point qui me paraît important est que grâce à l'article 7, le débat
institutionnel sortira du huis clos antidémocratique que constituait le
Congrès. Au cours de la précédente législature, avait été confié à une majorité
d'élus le soin de décider, à huis clos, de l'évolution statutaire des
départements d'Amérique. La Réunion n'était par concernée, puisque, vous le
savez, mon département avait refusé, avec votre soutien, mes chers collègues,
la création du Congrès.
Dès lors que ce n'est plus une majorité d'élus locaux qui décide du sort de la
population, dès lors que les populations de chaque département d'outre-mer
possèdent un droit de veto qui interdit tout changement de statut sans leur
accord, je tiens à remercier le Gouvernement, d'une part, d'avoir inscrit
nominativement nos territoires et nos départements dans la Constitution, et,
d'autre part, d'avoir donné ce droit de veto aux populations d'outre-mer.
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret, sur l'article 7.
M. Robert Bret.
La manière de traiter l'outre-mer dans le projet de réforme constitutionnelle
est révélatrice de la précipitation de nos travaux et de la confusion qui
prévaut dans l'élaboration de ce texte nous en avons eu un exemple il y a
encore un instant.
Lors du débat sur la loi d'orientation pour l'outre-mer, votée dans cet
hémicycle en juin 2000, nous avions rappelé qu'il était nécessaire de répondre
aux aspirations des collectivités d'outre-mer à la responsabilisation et à
l'autodétermination. Nous avions souligné qu'il fallait avoir des approches et
des réponses différenciées. Nous avions insisté sur l'idée qu'il fallait
procéder à des réformes donnant une plus large autonomie à chaque région, dans
le cadre républicain, avec des objectifs de développement pour chaque
territoire.
Notre groupe avait alors regretté que le texte reste en deçà de ces exigences
et que les prérogatives du Congrès soient trop restreintes, alors qu'il aurait
pu devenir un premier outil vers un réel pouvoir de décision et de
participation des populations locales.
Tout en jugeant positif, aujourd'hui, le fait que ce gouvernement, comme le
précédent, reconnaisse le droit et, implicitement, l'intérêt que peuvent
retirer les DOM d'un processus d'évolution institutionnelle, ainsi que
l'inscription dans la Constitution du principe de la consultation des
populations concernées avant tout changement statutaire, nous trouvons
discutable que la révision envisagée aboutisse à limiter les possibilités de
choix laissées aux Domiens et ne permette pas de prendre en compte les
propositions formulées, par exemple, par le Congrès des élus départementaux et
régionaux de la Martinique et de la Guadeloupe.
La volonté du Gouvernement de faire adopter la réforme constitutionnelle dans
des délais brefs fait fi de l'avis de ces populations et de leurs
représentants, et la plupart des dispositions contenues dans le projet de loi
constitutionnelle sont renvoyées à des textes ultérieurs dont, là non plus,
nous ne connaissons pas le contenu.
De plus, le texte dont nous débattons comporte, nous semble-t-il, une
contradiction : nombre de mesures proposées sont communes à la métropole et à
l'outre-mer, alors que les situations sont différentes et appellent donc des
réponses également différentes. En 2000, lors de l'examen du projet de loi
d'orientation pour l'outre-mer, il avait même été dit qu'il fallait faire du «
cousu main ».
Ainsi, des dispositions susceptibles de répondre, au moins en partie, à la
légitime volonté d'autonomie des collectivités d'outre-mer ne sont applicables
à la métropole qu'au prix de reculs, et inversement. En procédant de la sorte,
vous prenez, me semble-t-il, le risque de renvoyer dos à dos les populations de
la métropole et celles de l'outre-mer.
Par ailleurs, aucune mesure de réparation à hauteur convenable n'est prévue
pour ces départements, qui ont subi pendant de longues années le colonialisme
et en supportent encore les séquelles.
(Protestations sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
Vous pouvez protester, mes chers collègues, mais c'est une réalité tout à fait
palpable lorsqu'on est sur place.
En tout état de cause, là comme en métropole, le danger de recul social, le
danger de voir s'accroître les inégalités et les difficultés des collectivités
est présent. Il l'est d'autant plus que les départements et les régions
d'outre-mer sont, on le sait, particulièrement sensibles aux conséquences de la
mondialisation libérale.
Enfin, nous ne soutiendrons aucune disposition visant, comme le propose M.
Virapoullé par son sous-amendement n° 85 rectifié
bis
, à exclure un
département, quel qu'il soit - je pense en particulier à la Réunion -, du champ
d'application des mesures contenues dans le projet de loi constitutionnelle,
par nature destinées à durer.
Mes chers collègues, depuis le début de l'examen du projet de loi
constitutionnelle, tout nous montre qu'il aurait fallu travailler bien
davantage sur ce texte et prendre le temps de consulter les populations et les
assemblées délibérantes sur son contenu même. La réforme constitutionnelle
aurait pu être l'occasion d'engager une véritable réforme en faveur des
populations domiennes, en procédant comme le Gouvernement nous l'impose, au
contraire, nous nous en éloignons.
M. le président.
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Lise, Peyronnet, Bel, Charasse
et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche,
Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe Socialiste, est ainsi
libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 23, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un
article 72-3 dans la Constitution, après les mots : "les régions d'outre-mer,",
insérer les mots : "et pour les collectivités territoriales créées en
application du dernier alinéa de l'article 73,". »
L'amendement n° 116, présenté par MM. Larifla, Othily et Désiré, est ainsi
libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-3
de la Constitution, après les mots : "et les régions d'outre-mer,", insérer les
mots : "ainsi que pour les collectivités territoriales créées en application du
dernier alinéa de l'article 73,". »
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« A. - Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 72-3 de la Constitution.
« B. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
«
Art. 72-4. -
Aucun changement, pour tout ou partie de l'une des
collectivités mentionnées au premier alinéa de l'article 72-3, de l'un vers
l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans
que le consentement des électeurs de la collectivité intéressée ait été
préalablement recueilli dans les conditions prévues à l'alinéa suivant. Ce
changement de régime est décidé par une loi organique.
« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la
durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées
au
Journal officiel,
peut décider de consulter les électeurs d'une
collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son
organisation ou à son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un
changement prévu à l'alinéa précédent et est organisée sur proposition du
Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est
suivie d'un débat. »
« C. - En conséquence, dans le premier alinéa de cet article, remplacer les
mots : "un article 72-3 ainsi rédigé" par les mots : "deux articles 72-3 et
72-4 ainsi rédigés". »
Le sous-amendement n° 61 rectifié, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi
libellé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le B de
l'amendement 24 rectifié pour insérer un article 72-4 dans la Constitution,
remplacer les mots : "l'une des collectivités mentionnées" par les mots : "de
la collectivité intéressée mentionnée".
« II. - En conséquence, dans la même phrase, remplacer les mots : "de la
collectivité intéressée" par les mots : "de cette collectivité". »
Le sous-amendement n° 235 rectifié
bis,
présenté par le Gouvernement,
est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le B de
l'amendement n° 24 rectifié pour insérer un article 72-4 dans la Constitution,
après le mot : "collectivité" insérer les mots : "ou de la partie de
collectivité". »
Le sous-amendement n° 103 rectifié
bis,
présenté par M. Charasse et les
membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le B de
l'amendement n° 24 rectifié pour insérer un article 72-4 dans la Constitution,
faire suivre les mots : "ait été préalablement recueilli" par les mots : "pour
avis".
« II. - Dans la première phrase du second alinéa dudit texte, après les mots :
"peut décider de consulter", insérer les mots : "pour avis". »
L'amendement n° 104 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du
groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Au deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-3 de
la Constitution, remplacer les mots : "le consentement" par les mots :
"l'avis". »
L'amendement n° 214 rectifié, présenté par MM. Othily et Larifla, est ainsi
libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un
article 72-3 dans la Constitution, après les mots : "sur proposition du
Gouvernement", insérer les mots : "et après que le Congrès ou les assemblées
départementales et régionales réunies en Congrès aient adressé au Gouvernement
une proposition de modification de régime". »
L'amendement n° 25, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Après le deuxième alinéa du texte prévu par cet article pour insérer un
article 72-3 dans la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII. »
La parole est à M. Claude Lise, pour présenter l'amendement n° 158
rectifié.
M. Claude Lise.
Cet amendement vise à supprimer purement et simplement l'article 7 du projet
de loi, non parce que les départements d'outre-mer y sont nommés - s'il n'y
avait que cela, je serais d'accord ! -, mais pour deux raisons importantes.
Premièrement, la rédaction de cet article introduit une ambiguïté concernant
la position des départements et des régions d'outre-mer au regard de l'article
72 de la Constitution qui a déjà provoqué des discussions entre juristes et a
donné lieu à des interprétations divergentes ; il importe donc de la lever.
Deuxièmement, cette rédaction affiche un clivage radical entre l'article 73 et
l'article 74 de la Constitution, rendant nécessaire un choix fondamental,
impératif, entre deux régimes législatifs s'excluant l'un l'autre. De ce fait,
l'article 73 semble destiné à privilégier la proximité du droit commun, ce qui
ressort d'ailleurs déjà clairement de l'appellation du régime législatif qu'il
régit, puisque celui-ci est qualifié de régime d'« identité législative » ou
encore d'« assimilation législative ».
Cela traduit, à l'évidence, une conception « très classique », pour employer
un euphémisme, de l'article 73, qui n'est certainement pas celle sur laquelle
se fondait le général de Gaulle au moment de l'inscription de cet article dans
la Constitution de 1958, puisqu'il soulignait alors qu'il s'agissait de «
pouvoir adapter les lois de la République aux nécessités locales ». En réalité,
cette adaptation a été constamment menée de façon très restrictive par le
Conseil constitutionnel.
La rédaction proposée pour l'article 73 tend à l'évidence à en limiter
d'emblée « la vertu adaptative », si je puis dire, et à en restreindre
sérieusement la portée. Elle réduit à coup sûr les possibilités de prévoir une
réponse adaptée aux aspirations qui s'expriment dans certains départements
d'outre-mer et dont la prise en compte nécessite de véritables dérogations au
principe d'assimilation législative dans certains domaines, tels la culture,
l'aménagement du territoire, l'urbanisme ou les transports, domaines sur
lesquels portent les propositions formulées par les Congrès. Ceux-ci ne sont
pas tenus à huis clos, monsieur Virapoullé. J'ai moi-même présidé le congrès de
Martinique, dont les travaux ont été publics et ont été suivis avec passion par
nos concitoyens.
Réclamer de telles dérogations parce qu'elles apparaissent dictées par des
nécessités locales ne signifie aucunement que l'on veut opter pour un statut de
territoire d'outre-mer, et l'on peut se demander s'il n'y a pas là comme une
épée de Damoclès que d'aucuns voudraient insidieusement suspendre au-dessus de
la tête de nos concitoyens des départements d'outre-mer pour mieux les pousser
à adopter une interprétation quelque peu pusillanime de l'article 73. Quoi
qu'il en soit, nombreux sont ceux qui le ressentent ainsi, et j'en fais
partie.
J'ajoute, pour terminer, que le texte méconnaît tout simplement la réalité, à
savoir l'existence de collectivités, telles que Mayotte ou
Saint-Pierre-et-Miquelon, se situant dans une position intermédiaire, entre un
statut relevant de l'article 73 et un statut relevant de l'article 74.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 23.
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement tend à préciser que dans le cas prévu par le
dernier alinéa de l'article 73, c'est-à-dire la fusion d'un département et
d'une région d'outre-mer, la collectivité ainsi créée restera régie par
l'article 73 de la Constitution.
M. le président.
La parole est à M. Dominique Larifla, pour présenter l'amendement n° 116.
M. Dominique Larifla.
Cet amendement vise à garantir aux départements et aux régions d'outre-mer la
possibilité de se voir remplacer par une collectivité sans changer de régime, à
l'instar de ce qui est possible pour les départements et les régions régis par
l'article 72.
Il précise en outre que la nouvelle collectivité créée en lieu et place du
département et de la région demeurerait bien régie par l'article 73 de la
Constitution, traduisant ainsi les interprétations indiquées par Mme la
ministre de l'outre-mer lors de son audition du 16 octobre 2002 devant la
commission des lois du Sénat.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 24
rectifié.
M. René Garrec,
rapporteur.
Il s'agit de regrouper dans un article additionnel inséré
dans la Constitution les dispositions de procédure relatives aux consultations
prescrites en cas de changement de régime ou portant sur des questions
relatives à l'organisation législative des collectivités situées outre-mer.
De plus, la consultation sans valeur décisionnelle serait étendue aux
questions relatives à l'organisation ou au régime législatif d'une
collectivité. Ainsi pourrait être décidée une consultation portant à la fois
sur un changement de régime et sur l'organisation administrative ou sur les
nouvelles compétences susceptibles d'être exercées par la collectivité,
notamment en matière de réglementation.
M. le président.
Le sous-amendement n° 61 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à Mme la ministre, pour défendre le sous-amendement n° 235
rectifié
bis.
Mme Brigitte Girardin,
ministre de l'outre-mer.
Le Gouvernement souhaite sous-amender la
première phrase du texte proposé pour le premier alinéa de l'article 72-4 de la
Constitution afin de préciser les modalités du changement de régime législatif,
de façon que celui-ci puisse ne concerner qu'une partie des collectivités, par
exemple l'île de Saint-Barthélemy. Il convient donc de préciser que seuls sont
appelés à se prononcer les électeurs de la partie de la collectivité
intéressée, et non ceux de l'ensemble de la collectivité.
Le choix du régime concernant Saint-Barthélemy nous paraît suffisamment
important pour justifier que la population de l'île puisse se prononcer
prioritairement, et le Sénat a déjà montré à plusieurs reprises tout son
intérêt pour l'évolution du statut des îles du nord de la Guadeloupe.
Le Gouvernement souhaite donc cette légère correction de la proposition de la
commission, afin que la population de Saint-Barthélemy, notamment - puisque
c'est à cette île que nous pensons en présentant ce sous-amendement -, puisse
voir ses intérêts pleinement pris en compte.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre le sous-amendement n° 103
rectifié
bis
et l'amendement n° 104 rectifié.
M. Michel Charasse.
Il s'agit de préciser qu'il peut y avoir consultation des électeurs des
collectivités concernées, mais que la décision finale appartient toujours au
Parlement. Or - et M. Virapoullé vient de s'exprimer très clairement à ce sujet
- l'expression « sans que le consentement des électeurs de la collectivité
intéressée ait été préalablement recueilli », qui figure dans l'amendement de
la commission, laisse penser que le Parlement serait privé du droit d'exercer
la souveraineté nationale, une fois que les populations auraient voté.
Je comprends bien l'esprit de cet amendement, mais sa rédaction aboutirait en
réalité à supprimer au Parlement français le droit de faire la loi, puisqu'une
section du peuple pourrait s'attribuer, à elle seule, l'exercice de la
souveraineté nationale.
En fait, il y a plusieurs manières d'interpréter le mot « consentement ».
On peut considérer qu'une fois que l'on a demandé le consentement des
populations par un vote on fait ce qu'on veut ensuite. C'est cela, la
souveraineté nationale.
On peut aussi considérer - c'est la position qu'a prise Mme Girardin lors de
sa première audition par la commission des lois - que, si les populations ne
sont pas d'accord, on ne fait rien.
Excusez-moi, madame la ministre, mais aucune section du peuple ne peut
s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale ! Aucune section du peuple
ne peut en bloquer l'exercice ! Par conséquent, je propose, avec mes amis, que
la population ne soit consultée que pour avis et que l'avis qu'elle émettrait
ne lierait pas la souveraineté nationale.
Bien entendu, j'entends par avance ce que pourront nous rétorquer nos
collègues d'outre-mer. Il est bien évident que, si l'on n'est pas sûr de l'avis
qu'émettront les populations, si l'on pense que celui-ci risque d'être
contraire à ce que l'on espère, on ne consultera pas.
Il n'empêche, mes chers collègues, qu'il y a des principes à respecter !
Permettre que le vote local de dix mille, ving mille ou trente mille électeurs
- peu importe le nombre d'ailleurs - prive le Parlement et le Gouvernement
d'exercer les prérogatives de souveraineté qui sont les leurs, c'est donner le
pouvoir à une section du peuple, c'est donc remettre en cause la forme
républicaine du Gouvernement, laquelle forme, aux termes du dernier alinéa de
l'article 89 de la Constitution, ne peut faire l'objet d'une révision.
A tout le moins, mes chers collègues, la formulation que vous propose la
commission mérite d'être précisée.
Il n'est pas dans mon propos, évidemment, d'ennuyer nos collègues d'outre-mer
- je suppose en effet que ce texte a fait l'objet de nombreuses discussions
avec eux - mais je souhaite que les choses soient très claires, étant entendu
que, si une population d'outre-mer est consultée sur un sujet donné, le
Parlement et le Gouvernement devront naturellement tenir compte de l'opinion
exprimée. On ne peut pas gouverner contre les gens ! Toutefois, des motifs
d'intérêt national peuvent conduire la souveraineté nationale à ne pas suivre
la souveraineté « locale ».
Quant à l'amendement n° 104 rectifié, qui modifie directement le texte du
Gouvernement, il a le même objet que le sous-amendement.
M. le président.
La parole est à M. Georges Othily, pour défendre l'amendement n° 214
rectifié.
M. Georges Othily.
Si une consultation de la population doit intervenir, il faudra bien que
l'initiative en soit prise par les assemblées de la collectivité concernée. Je
souhaite donc, par cet amendement, préciser que le Congrès ou les assemblées
départementales et régionales devront saisir le Gouvernement pour qu'il propose
la consultation. Je tiens à ce que Mme le ministre nous réponde sur ce point :
à qui reviendra l'initiative de saisir le Gouvernement ?
Que le Président de la République convoque sur proposition du Gouvernement est
une chose, mais il faudra bien que la population, les électeurs ou encore les
élus, les partis politiques décident qu'un changement de statut doit intervenir
dans le cadre de la République et dans l'intégration européenne.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 25 et pour
donner l'avis de la commission sur les différents amendements et
sous-amendements qui viennent d'être présentés.
M. René Garrec,
rapporteur.
L'amendement n° 25 tend à inscrire la Nouvelle-Calédonie dans
le titre XII de la Constitution, cette collectivité située outre-mer étant la
seule à ne pas y être mentionnée et donc à ne pas bénéficier des progrès de la
loi.
L'amendement n° 158 rectifié tend à supprimer le texte proposé pour l'article
72-3 de la Constitution. Or ce dernier permet de faire figurer nominativement
dans la Constitution les collectivités situées outre-mer et de déterminer la
date de la promulgation de la loi pour les collectivités relevant de l'article
73 - les actuels départements et les régions d'outre-mer - et pour celles qui
relèvent de l'article 74, soit toutes les autres.
L'article 73, en son alinéa 3, permettra, en outre, des dérogations au
principe d'assimilation législative pour les collectivités relevant dudit
article.
Cet amendement est donc contraire à la position de la commission, qui émet un
avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 116, il sera satisfait par l'amendement n° 23.
Le sous-amendement n° 235 rectifié
bis
est contraire à la position de
la commission.
Il paraît en effet indispensable de recueillir le consentement de l'ensemble
des électeurs de la collectivité concernée sous peine d'aboutir à une véritable
balkanisation. La disposition qui nous est soumise, présentée comme étant
spécifique à Saint-Barthélemy, pourrait également s'appliquer à l'évidence à
d'autres collectivités comme les îles Marquises.
Le sous-amendement n° 103 rectifié
bis
est également contraire à la
position de la commission. Les populations d'outre-mer sont très inquiètes au
sujet d'une possible évolution statutaire. Il est donc indispensable de tenir
compte de leur avis.
M. Michel Charasse.
De tenir compte de leur avis, mais pas forcément de les suivre !
M. René Garrec,
rapporteur.
La commission est donc défavorable à ce sous-amendement.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 104 rectifié, qui a
le même objet que le sous-amendement n° 103 rectifié
bis.
Enfin, l'amendement n° 214 rectifié est, lui aussi, contraire à la position de
la commission, qui privilégie le rôle de la représentation nationale et des
électeurs, les membres des congrès ne détenant pas un mandat particulier au
sujet d'une éventuelle évolution statutaire. Elle a donc émis un avis
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements et
sous-amendements ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
S'agissant de l'amendement n° 158 rectifié, je dirai à M. Lise
que, bien évidemment, le Gouvernement ne peut accepter la suppression du texte
proposé pour l'article 72-3, qui, conformément à l'analyse particulièrement
fine et tout à fait juste qu'en a faite tout à l'heure M. Jean-Paul Virapoullé,
et contrairement à ce que prétendent les auteurs de cet amendement, met fin à
l'ambiguïté et à la confusion actuelle du régime de l'outre-mer.
En effet, que signifie aujourd'hui encore la catégorie des territoires
d'outre-mer ? Il y règne une telle hétérogénéité que cette catégorie n'a
vraiment plus aucun sens. C'est la raison pour laquelle nous proposons de la
supprimer.
Quels points communs peuvent avoir la Polynésie française, qui bénéficie d'un
très large statut d'autonomie, Wallis-et-Futuna, qui n'a pas de commune, mais a
trois rois coutumiers ou encore les terres australes et antarctiques
françaises, où n'habite aucune population autochtone ? Quant à
Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, leur statut intermédiaire est source
d'insécurité juridique, et nous souhaitons justement remédier à cette
situation.
Le projet du Gouvernement consiste donc à regrouper les collectivités
d'outre-mer dans deux grandes catégories : celles qui sont soumises au principe
d'assimilation législative et celles qui sont soumises au principe de
spécialité législative.
Ces deux régimes ont chacun leur logique, mais nous les assouplissons pour
qu'à l'intérieur de chacun d'eux on puisse faire du sur-mesure.
Par conséquent, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le
sénateur, notre rédaction n'est en rien une source de rigidité, bien au
contraire.
L'adaptation législative de l'article 73 est assouplie, et la possibilité pour
les DOM de déroger à la loi dans un nombre limité de matières pour tenir compte
de leur spécificité est bien prévu dans notre projet, comme les différents
secteurs issus des réunions du congrès sont parfaitement couverts par les
dispositions de cet article.
Quant à l'article 74, il permettra à toutes les autres collectivités qui ne
sont pas des DOM de bénéficier d'un statut particulier correspondant à leurs
caractéristiques propres, qu'il s'agisse de Saint-Pierre-et-Miquelon, de
Mayotte ou des anciens TOM.
Je m'étonne donc que vous puissiez proposer la suppression de ces deux régimes
législatifs que nous assouplissons, surtout si l'on songe - c'est là un point
essentiel de notre réforme - que les changements entre ces deux régimes ne
peuvent désormais intervenir qu'avec des garanties démocratiques très fortes.
C'est une nouveauté importante, je le répète, par rapport à la situation
actuelle, la Constitution n'interdisant pas un changement autoritaire, sans
consultation, du régime d'une collectivité d'outre-mer.
Cette nouvelle disposition est évidemment particulièrement importante pour une
collectivité d'outre-mer comme la Réunion, qui est très attachée à son statut
départemental et qui se trouvera, de ce fait, tout à fait sécurisée.
Enfin, je voudrais rappeler que ce nouvel article 72-3 consacre l'appartenance
solennelle des collectivités d'outre-mer à la République en les mentionnant
nominativement dans la Constitution ; vous avez reconnu que ce n'était pas un
point négatif.
Aussi le Gouvernement s'étonne-t-il que l'on veuille supprimer pareille
disposition. Monsieur Lise, je connais très bien votre sens de l'Etat et votre
attachement très fort à la République, et je sais que vous êtes sensible au
fait que chaque collectivité d'outre-mer soit mentionnée dans ce qui est la loi
suprême de la République.
Le Gouvernement est donc, bien entendu, défavorable à votre amendement.
Je voudrais maintenant remercier la commission des lois, qui, en présentant
l'amendement n° 23, a levé une ambiguïté. Avec cet amendement, il sera
désormais très clair que toutes les collectivités se substituant éventuellement
à un département d'outre-mer, à une région d'outre-mer relèveront bien de
l'article 73 du régime d'assimilation législative. C'était bien l'intention du
Gouvernement. Mais, je le reconnais bien volontiers, la chose n'était sans
doute pas suffisamment précisée. Nous approuvons donc avec beaucoup de plaisir
cette proposition.
Le but visé par les auteurs de l'amendement n° 116 me paraît atteint par
l'amendement n° 23.
S'agissant de l'amendement n° 24 rectifié, le Gouvernement est favorable à la
transposition de certains éléments de la procédure référendaire de l'article 11
de la Constitution à la procédure de changement de régime instituée par
l'article 72-4. Toutefois, comme je l'ai indiqué tout à l'heure en présentant
le sous-amendement n° 235 rectifié
bis,
le Gouvernement souhaite que
soit modifiée la première phrase proposée afin de préciser que le changement de
régime peut ne concerner qu'une partie des collectivités comme, par exemple,
Saint-Barthélemy. Dans ce cas, nous souhaitons que ce soit uniquement de cette
partie de la collectivité concernée qu'il faille recueillir le consentement.
Le sous-amendement n° 103 rectifié
bis
vise à supprimer l'obligation
d'obtenir le consentement des populations intéressées pour le passage de l'un
vers l'autre des régimes institués par les articles 73 et 74 de la
Constitution. Je ne vous étonnerai pas en vous disant que le Gouvernement
considère cette disposition comme absolument inacceptable.
Je le rappelle, M. le Président de la République s'est solennellement engagé à
faire enfin inclure dans notre Constitution des garanties démocratiques
incontestables pour éviter des dérives statutaires non souhaitées par nos
compatriotes d'outre-mer.
L'évolution d'un régime d'assimilation vers un statut de spécialité
législative est trop importante pour les populations concernées pour qu'elle
puisse être décidée sans que leur accord soit recueilli.
En tout état de cause, monsieur Charasse, le Parlement n'est en aucun cas
contraint de décider un changement qui aurait été approuvé par les électeurs à
une faible majorité et avec un taux de participation médiocre, par exemple. Le
Parlement aura le dernier mot.
M. Michel Charasse.
C'est bien le moins !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
En revanche, il est tenu de ne pas donner suite à un changement
qui aurait été rejeté par les électeurs. Il n'y a là rien de choquant.
M. Michel Charasse.
Ah bon ? Il n'y a tout simplement plus de souveraineté nationale !
Mme Brigitte Girardin
ministre.
C'est, au contraire, l'application des principes les plus
élémentaires de la démocratie.
M. Michel Charasse.
Donc, 300 000 habitants peuvent contraindre 63 millions d'habitants ! C'est
cela, pour vous, la République ?...
Mme Brigitte Girardin
ministre.
Ces explications valent évidemment pour l'amendement n° 104
rectifié.
J'en viens à l'amendement n° 214 rectifié. Monsieur Othily, le Gouvernement
n'a évidemment pas l'intention de s'auto-saisir ; il souhaite, en revanche,
s'assurer, préalablement à toute proposition de consultation, qu'il existe un
consensus local sur un éventuel changement de régime.
Cet amendement, qui vise à constitutionnaliser le Congrès des élus
départementaux et régionaux, nous paraît d'autant plus inutile que cette
institution pouvait être créée sans même l'intervention d'une loi. Vous êtes
bien placé pour le savoir, monsieur Othily, puisque, en se réunissant en
congrès sans attendre la loi d'orientation, la Guyane a prouvé que point
n'était besoin pour ce faire d'une disposition législative.
Nous sommes d'autant moins favorables à cet amendement que, selon nous, il
convient de ne pas limiter la capacité d'initiative du Gouvernement en la
subordonnant à la demande des assemblées locales. L'article 72-3 de la
Constitution a vocation à s'appliquer à des collectivités où il n'existe pas de
congrès, par exemple à Mayotte. Il est clair que, si Mayotte souhaitait un jour
passer sous le régime de l'article 73 de la Constitution, votre amendement ne
serait pas adapté à la situation.
L'amendement n° 25 de la commission de lois ne nous paraît pas revêtir la
portée juridique qui lui est prêtée.
Personne ici ne peut douter que la Nouvelle-Calédonie soit une collectivité
territoriale de la République. Elle est d'ailleurs brillamment représentée au
Sénat, ce qui est bien l'une des caractéristiques du statut de cette
collectivité territoriale. Cela dit, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du
Sénat sur cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 158 rectifié.
M. Robert Bret.
Le groupe CRC s'abstient.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 23.
M. Robert Bret.
Le groupe CRC s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 116 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Michel Charasse, contre le sous-amendement n° 235 rectifié
bis.
M. Michel Charasse.
J'ai écouté les explications de Mme le ministre et celles du président de la
commission sur ce sous-amendement du Gouvernement.
Au fond, le problème posé est simple.
Ou bien on considère que, comme l'a dit Mme Girardin tout à l'heure en
s'exprimant sur mon sous-amendement n° 103 rectifié
bis,
le Parlement
devra en tout état de cause s'incliner devant le vote d'outre-mer et, dans ce
cas-là, le Gouvernement se réserve la possibilité de faire un découpage avec
une paire de ciseaux pour mettre d'un côté ceux qui sont d'accord et de l'autre
côté ceux qui ne le sont pas ; c'est la conséquence du fait qu'il n'y a plus de
souveraineté nationale.
Ou bien on considère que la souveraineté nationale existe toujours et, alors,
ce sous-amendement est inutile.
Comme je crains que ce sous-amendement ne s'inscrive en fait dans le droit-fil
de la pensée de Mme le ministre, qui nous a redit plus longuement tout à
l'heure ce qu'elle avait déjà dit devant la commission, je ne le voterai pas :
il ne vise en effet, selon moi, qu'à tirer les conséquences de la suppression
de la souveraineté nationale et de son transfert à une section du peuple dans
les départements et territoires concernés.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 235 rectifié
bis.
M. Robert Bret.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, adopte le sous-amendement.)
M. le président.
La parole est à M. Claude Lise, pour explication de vote sur le
sous-amendement n° 103 rectifié
bis.
M. Claude Lise.
Même si je comprends les arguments juridiques avancés par mon ami Michel
Charasse, je tiens à rappeler que, selon la procédure prévue dans la loi
d'orientation - et j'y suis pour quelque chose -, la consultation des
populations ne contrevient pas au principe qu'il vient de rappeler : le
Parlement et le Gouvernement ne sont pas, dans cette procédure, juridiquement
liés par la position exprimée par les populations consultées. Ils le sont, en
revanche, politiquement, sauf à mettre en oeuvre une singulière conception de
la démocratie.
Dans l'actuelle réforme de la Constitution, le Gouvernement propose de mettre
ce qu'il appelle un verrou : il inscrit dans la Constitution l'impossibilité
d'imposer un changement de statut politique qui ne serait pas souhaité par la
population de l'un de nos départements. Je ne peux qu'approuver une telle
disposition.
En effet, Mme le ministre l'a dit, les citoyens de nos départements sont très
attachés à cette idée de consultation.
De plus, la possibilité généreusement offerte - si j'ose dire - aux
départements d'outre-mer de basculer dans le statut de territoire d'outre-mer,
ce qu'ils n'ont nullement demandé, suscite actuellement de l'inquiétude ; c'est
bien pourquoi un verrou est indispensable.
Les citoyens des départements d'outre-mer sont inquiets non seulement parce
qu'on leur propose quelque chose qu'ils n'ont pas demandé, mais aussi parce que
ce nouveau dispositif semble bien remettre en cause - et ce que j'ai entendu
tout à l'heure me le confirme - l'initiative locale d'évolution
institutionnelle ; désormais, l'initiative d'évolution viendra d'en haut.
Mme le ministre nous dit que le Gouvernement n'a pas du tout l'intention de
s'autosaisir, et je ne mets nullement sa parole en doute. Mais qui nous assure
qu'un autre gouvernement ne va pas décider un beau matin de consulter la
Réunion pour savoir si ses habitants veulent passer sous le régime de l'article
74 ? Voilà le danger !
Autrement dit, puisque l'on a créé des éléments d'insécurité, il devient
absolument indispensable de mettre des verrous. C'est pourquoi, tout en
partageant le point de vue juridique de mon collègue M. Charasse, je suis
obligé de soutenir la position du Gouvernement : mettons en place les verrous
qu'il nous propose pour nous préserver, entre autres choses, d'un risque que
lui-même introduit dans la procédure.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
J'ai la faiblesse de penser que ce point est très important.
On nous dit en effet que, si les populations d'outre-mer, qui sont concernées
par l'article 72-3 ou l'article 72-4, comme on voudra, ne donnent pas leur
accord, le Parlement ne peut plus rien faire. C'est un transfert pur et simple
de la souveraineté nationale à une section du peuple ! Lorsque le président
Garrec nous explique qu'« il faudra tenir compte de leur avis », cela signifie
que la souveraineté nationale ne s'exerce plus là-bas dans ces
circonstances-là, c'est-à-dire si les populations ont dit « non », étant
entendu que, si elles ont dit « oui », on ne pourra pas faire autrement que de
suivre.
En votant le dispositif de l'amendement n° 24 rectifié tel qu'il nous est
présenté, on prive le Parlement, c'est-à-dire un élément de la souveraineté
nationale, de ses pouvoirs, de son droit d'exercer justement ladite
souveraineté. Si, un jour, il faut aller contre, on ne pourra le faire que par
un référendum prévu à l'article 11 de la Constitution puisque la décision prise
ainsi par référendum est elle-même l'expression de la souveraineté nationale et
n'est pas sousmise au contrôle du Conseil constitutionnel. Vous imaginez la
situation !
Le problème est le suivant : le dernier alinéa de l'article 89 de la
Constitution interdit de porter atteinte à la forme républicaine du
Gouvernement. On ne révise pas la République !
Je me suis expliqué sur le contenu de la forme républicaine, je n'y reviens
pas. Les ministres qui étaient alors présents au banc du Gouvernement, à savoir
MM. Perben et Devedjian, ainsi que M. le rapporteur ont dit qu'en l'espèce on
ne portait pas atteinte à la forme républicaine du Gouvernement. Si l'on
considère, malgré ce qui a été dit, que l'on n'y porte pas atteinte, alors la
révision est possible. Mais l'expression « si l'on ne porte pas atteinte » sera
inopérante en la circonstance puisque aucune section du peuple ne pourra
exercer la souveraineté nationale à la place de la souveraineté nationale
elle-même !
Vous voyez la situation dans laquelle nous sommes : ou l'on porte délibérément
atteinte et, dans ce cas, on ne peut pas réviser - et il faudra bien qu'une
autorité tranche ce point ! - ou l'on ne porte pas délibérément atteinte et,
dans ce cas, le consentement signifie que l'on demande l'avis de la
collectivité, mais que l'on en fait ce que l'on veut. C'est ce que le
Gouvernement nous a dit hier pour les référendums locaux sur l'initiative des
collectivités locales : il s'agit d'un simple avis, par exemple sur les
modifications de certaines limites territoriales ou sur d'autres sujets.
Sur ce point, le débat a été tranché, mais, en l'espèce, nous ne parvenons pas
à obtenir de réponse claire.
C'est pourtant simple : si nous votons ce texte sans violer le dernier alinéa
de l'article 89 de la Constitution, cela signifie que le consentement ne veut
plus rien dire, que cela ne nous concerne pas et que l'on fera ce que l'on
voudra ; si, en revanche, il s'agit d'une interdiction d'aller contre le vote
local, alors nous portons atteinte à la forme républicaine du Gouvernement, et
c'est insupportable à tous égards.
C'est la raison pour laquelle je me permets d'insister pour que l'on précise
bien qu'il s'agit d'un simple avis, ou pour que le Gouvernement et le
rapporteur nous disent que, tout bien réfléchi, on ne porte pas atteinte à la
forme républicaine du Gouvernement : le patron, c'est la souveraineté
nationale, et personne d'autre !
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 103 rectifié
bis.
M. Robert Bret.
Le groupe CRC s'abstient.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. Michel Charasse.
On a voté la suppression de la République !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s 104 rectifié et 214 rectifié n'ont plus
d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 25.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
M. Robert Bret.
Le groupe CRC s'abstient.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Le groupe socialiste également.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président.
L'amendement n° 181 rectifié, présenté par M. Bret, est ainsi libellé :
« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé
:
«
Art.
... Les communes de Paris, Marseille et Lyon ont une
organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans
l'ensemble des intérêts de la République. Les statuts de Paris, Marseille et
Lyon sont fixés par des lois organiques qui définissent, notamment, les
compétences de leurs institutions propres. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
Je vous prie de bien vouloir m'excuser d'ouvrir une parenthèse de quelques
minutes dans notre débat sur l'outre-mer avec cet amendement visant à
introduire un article additionnel, mais c'est le seul endroit où je pouvais le
rattacher.
Les lois de décentralisation comportaient un volet concernant l'organisation
administrative des villes de Paris, Marseille et Lyon. Les dispositions en
question, dont personne aujourd'hui ne propose la suppression, ont été
intégrées dans la partie législative du code général des collectivités
territoriales.
Une loi a notamment organisé le découpage de ces trois grandes villes en
secteurs ou arrondissements. Chacun des secteurs ou arrondissements est doté
d'un maire et d'un conseil d'arrondissement élus au suffrage universel direct,
dont le fonctionnement est comparable à celui de la mairie centrale dont ils
dépendent mais dont les moyens financiers et humains sont beaucoup plus
limités.
Instance de proximité par excellence, inscrite au coeur des réalités et des
préoccupations des habitants, la mairie d'arrondissement est le lieu qui répond
le plus rapidement et le plus spontanément aux appels des citoyens.
Ainsi, la mairie de secteur des xiiie et xive arrondissements de Marseille,
dont je suis l'élu, recouvre une zone géographique très vaste et très peuplée -
136 000 habitants - sur laquelle se trouvent 178 équipements transférés :
centres sociaux, maisons de quartier, stades, courts de tennis, boulodromes,
gymnases, espaces verts de moins d'un hectare, et même un centre culturel qui
jouit sur Marseille d'une certaine réputation.
La loi relative à la démocratie de proximité, promulguée le 27 février 2002, a
permis une évolution législative, notamment avec l'article 2511-16 du code
général des collectivités territoriales, qui définit la nature des équipements
de proximité susceptibles d'être inscrits à l'inventaire des mairies
d'arrondissement. Il s'agit des « équipements à vocation éducative, sociale,
culturelle, sportive et d'information de la vie locale qui ne concernent par
l'ensemble des habitants de la commune ou les habitants de plusieurs
arrondissements ou qui n'ont pas une vocation nationale ».
En vertu de ces nouvelles dispositions, M. Bertrand Delanoë, maire de Paris, a
ainsi fait voter par le conseil de Paris, le 29 octobre dernier, le transfert
de la mairie centrale vers les vingt mairies d'arrondissement de plus d'un
millier d'équipements supplémentaires : écoles maternelles et élémentaires,
bibliothèques généralistes, conservatoires, jardins d'enfants, antennes «
jeunes information », maisons des associations ou locaux associatifs.
Il a, dans le même temps, décidé d'augmenter les budgets des arrondissements,
qui vont passer de 22 millions à 82 millions d'euros.
J'ai lu dans le quotidien
Les Echos
du 30 octobre dernier que M. Claude
Goasguen souhaitait proposer au Gouvernement de confier aux arrondissements du
personnel détaché de la mairie centrale et d'organiser une décentralisation
financière des ressources avec une péréquation.
En vingt ans - avec des expériences très inégales, il faut le reconnaître -,
les mairies d'arrondissement ont montré combien elles étaient utiles.
Elles le sont encore plus dans les structures intercommunales, qui contribuent
à éloigner les citoyens des centres de décision et des élus locaux.
J'entends des constitutionnalistes m'opposer des arguments de droit : peut-on
parler de collectivité territoriale quand on parle d'une mairie
d'arrondissement, peut-on créer une nouvelle catégorie de collectivité pour
seulement trois villes particulières ?
A la première question, je réponds oui. La jurisprudence constitutionnelle
détermine quatre conditions pour que l'on puisse parler de collectivité
territoriale.
Premièrement, il faut posséder la personnalité juridique. C'est bien
évidemment le cas ! Le maire d'arrondissement est juridiquement responsable de
ses actes dans les domaines qui lui sont conférés par la loi.
Deuxièmement, il faut avoir des affaires propres. Là aussi, c'est le cas !
Au-delà des affaires traitées par l'arrondissement en vertu des pouvoirs
délégués par le conseil municipal, le conseil d'arrondissement possède des
pouvoirs qui lui sont propres et qui lui sont conférés par la loi. Il suffit
pour s'en convaincre de relire ensemble la partie du code général des
collectivités territoriales relative à Paris, Marseille et Lyon !
Troisièmement, il faut avoir une certaine indépendance à l'égard du pouvoir
central. C'est bien évidemment, là encore, le cas !
Quatrièmement, enfin, il faut posséder un pouvoir de décision. C'est le cas !
Le code général des collectivités territoriales reconnaît à la mairie
d'arrondissement le pouvoir d'édicter des actes pour ses compétences clairement
définies, actes qui produisent des effets à l'encontre des populations.
Pour ce qui est de la seconde question, certains éléments constitutifs forment
un noyau dur commun à toutes les collectivités d'une même catégorie. Le
principe de l'unité catégorielle permet soit une transformation du noyau pour
toutes les collectivités de la catégorie, soit de sortir une ou plusieurs
collectivités d'une catégorie pour les ériger elles-mêmes en une catégorie
nouvelle.
C'est précisément ce que prévoit la Constitution en érigeant les territoires
d'outre-mer en une catégorie distincte : l'article 74 prévoit que les
territoires d'outre-mer de la République ont une organisation particulière dont
les statuts sont fixés par des lois organiques.
C'est une démarche similaire que je vous propose pour Paris, Marseille et
Lyon.
Ces trois villes, les trois plus grandes de notre République, sont des
communes définies comme collectivités territoriales par l'article 72 de notre
Constitution.
Ainsi, je propose d'insérer un article 72-4 ainsi rédigé : « Les communes de
Paris, Marseille et Lyon ont une organisation particulière tenant compte de
leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République. Les
statuts de Paris, Marseille et Lyon sont fixés par des lois organiques qui
définissent, notamment, les compétences de leurs institutions propres. »
Mes chers collègues, au-delà du sort que vous allez lui réserver, vous l'avez
compris, cet amendement a pour objet, dans le cadre d'une nouvelle avancée du
processus de décentralisation, de reconnaître pleinement et durablement le rôle
des mairies d'arrondissement en les faisant figurer dans notre Constitution.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Le Sénat ayant déjà consacré dans la Constitution l'existence
des collectivités à statut particulier, cet amendement est inutile. De plus, la
rédaction proposée assimile, en pratique, les communes de Paris, Lyon et
Marseille à des collectivités d'outre-mer. N'y a-t-il pas là un problème de
distance ?
J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Hélène Luc.
C'est incroyable ! C'est vraiment dommage !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
M. Bret voudrait que la
Constitution consacre la notion d'arrondissement. Or la Constitution est faite
non pour préciser des modalités d'organisation aussi subalternes que la
constitution d'arrondissements, mais pour énoncer des grands principes.
En second lieu, M. Bret emploie une formule propre aux collectivités
d'outre-mer en visant leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la
République. Il voudrait ainsi mettre dans la même catégorie les mairies de
Paris, Lyon et Marseille et les collectivités d'outre-mer, ce qui paraît un peu
surprenant.
Comme l'a dit tout à l'heure très justement M. Garrec, nous avons décidé hier
l'institution de collectivités à caractère particulier. Cela vise notamment les
villes de Paris, Lyon et Marseille ! Si la commune absorbe le département comme
à Paris, ce sera naturellement une collectivité à caractère particulier !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux, contre l'amendement.
M. Jean Chérioux.
La commission et le Gouvernement ont utilisé d'excellents arguments pour
s'opposer à l'amendement de M. Bret.
En tant qu'ancien élu de Paris, je suis stupéfait de ce que nos collègues nous
proposent. L'analyse juridique de M. Bret est complétement fausse ! Faire
entrer dans la Constitution la notion d'arrondissement n'a aucun sens puisqu'il
ne s'agit pas d'une collectivité et qu'un arrondissement n'a aucune existence
juridique. Le maire a une existence juridique, il a un rôle, mais
l'arrondissement en tant que tel n'existe pas : il n'est qu'un démantèlement de
la communauté parisienne, marseillaise ou lyonnaise ; en outre, il ne possède
pas d'autonomie budgétaire.
Je ne comprends pas que l'on puisse se permettre de faire des propositions de
ce genre ! Je suis absolument contre cet amendement, parce qu'il est
consternant.
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret.
Je crois que vous n'avez pas prêté une oreille très attentive aux arguments
que j'ai développés. Tout d'abord, j'ai évoqué non pas la question des
arrondissements, mais celle des mairies d'arrondissement.
M. Jean Chérioux.
C'est pareil !
M. Robert Bret.
Non, ce n'est pas pareil. Quand on parle de décentralisation et de proximité
pour mieux répondre aux besoins des populations, il faut faire preuve
d'imagination et d'audace ! Or les mairies d'arrondissement dans des villes de
deux millions ou de huit cent mille habitants - et mon expérience, en tant
qu'élu local de Marseille, me permet de l'affirmer - sont un atout
extraordinaire. Ensuite, la loi dite PML a reconnu les mairies d'arrondissement
à Paris, Marseille et Lyon.
Quoi qu'il en soit, il me paraissait utile de soulever ces questions qui me
semblent intéressantes : bien des questions, écartées un jour d'un revers de la
main, resurgissent ensuite avec force.
Cela étant, compte tenu du déroulement du débat et devant le peu de réponses
apportées aux questions de fond que j'ai soulevées, je préfère retirer mon
amendement.
(Protestations amusées sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
L'amendement n° 181 rectifié est retiré.
Nous allons maintenant examiner l'article 9 pour lequel la priorité a été
ordonnée.
M. Claude Estier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, je voudrais insister pour que l'on maintienne la
discussion des articles dans l'ordre, parce que M. Claude Lise, comme il l'a
expliqué tout à l'heure, doit assister à une réunion de la commission des
finances.
Si l'on examine l'article 9 avant l'article 8, mon collègue ne pourra pas
défendre ses amendements. Je vous demande donc, monsieur le président, de
passer maintenant à la discussion de l'article 8.
M. le président.
Malgré tout le plaisir qui serait le mien de vous donner satisfaction,
monsieur Estier, je ne peux pas le faire puisque la priorité de l'article 9 a
été ordonnée en raison du départ de M. Flosse.
Article 9 (priorité)
M. le président.
« Art. 9. - L'article 74 est ainsi rédigé :
«
Art. 74
. - Les collectivités d'outre-mer régies par le présent
article ont un statut particulier qui tient compte des intérêts propres de
chacune d'elles au sein de la République.
« Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de
l'assemblée délibérante, qui fixe :
« - les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables
;
« - les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles qu'elle
exerce à la date d'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° du
relative à l'organisation décentralisée de la République, le transfert de
compétences de l'Etat ne peut porter sur la nationalité, les droits civiques,
les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes,
l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique
étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et
les changes ainsi que le droit électoral ;
« - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la
collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ;
« - les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les
projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance ou de décret
comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la
ratification ou l'approbation d'engagements internationaux conclus dans les
matières relevant de sa compétence.
« La loi organique détermine également, pour celles de ces collectivités qui
sont dotées de l'autonomie, les conditions dans lesquelles :
« - s'exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories
d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle
exerce dans le domaine de la loi ;
« - l'assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à
l'entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil
constitutionnel a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de
compétence de cette collectivité ;
« - des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par
la collectivité en faveur de sa population, en matière d'accès à l'emploi, de
droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de
protection du patrimoine foncier ;
« - l'Etat peut associer les collectivités à l'exercice des compétences qu'il
conserve, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire
national pour l'exercice des libertés publiques.
« Les autres modalités de l'organisation particulière des collectivités
relevant du présent article sont définies et modifiées par la loi après
consultation de leur assemblée délibérante. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 198, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydest, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi
libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de
la Constitution, remplacer les mots : "un statut particulier", par les mots :
"une organisation particulière". »
L'amendement n° 30, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de
la Constitution, après les mots : " un statut " supprimer le mot : "
particulier ". »
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 198.
M. Robert Bret.
L'amendement n° 198 vise à remplacer le concept nouveau de « statut
particulier » attribué aux nouvelles collectivités d'outre-mer par celui,
actuellement inscrit dans la Constitution, d'« organisation particulière ».
Cet amendement n'est pas de pure forme. En effet, l'utilisation des termes «
statut particulier » en des emplacements aussi divers que l'article 4 relatif à
l'ensemble des collectivités territoriales ou l'article 9 qui a trait aux
collectivités d'outre-mer peut entraîner, semble-t-il une confusion, un
désordre, voire - pourquoi pas ? - le « bazar » dénoncé par M. Jean-Louis
Debré, président de l'Assemblée nationale.
Nous vous proposons donc de clarifier le débat en adoptant notre
amendement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 30 et pour
donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 198.
M. René Garrec,
rapporteur.
L'expression « statut particulier » figure à la fois au
premier alinéa de l'article 72 et au premier alinéa de l'article 74. Toutefois,
il ne recouvre pas la même réalité juridique, ce qui est une source de
confusion.
A l'article 74, l'usage de cet adjectif, hérité de la rédaction actuelle,
n'est pas indispensable, car la référence à un statut tenant compte des
intérêts propres de chaque collectivité est suffisamment explicite et met en
exergue la notion d'intérêt propre. Il nous paraît donc préférable de supprimer
cette précision.
Je note par ailleurs que l'amendement n° 198 est satisfait sur le fond par
notre amendement n° 30.
M. le président.
L'amendement n° 198 est-il maintenu, monsieur Bret ?
M. Robert Bret.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 198 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 30 ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Le Gouvernement y est favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 30.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 84, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74
de la Constitution, remplacer les mots : "après avis", par les mots : "après
avoir recueilli le consentement". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Je vais rouvrir un débat, cette fois non plus par rapport aux habitants ou aux
électeurs, mais par rapport à l'avis de l'assemblée délibérante d'un lieu où
l'on voudrait « parachuter » un statut ou une organisation particulière par le
biais d'une loi organique.
Le Parlement est bien entendu responsable de ses choix, de ses votes lors de
la discussion d'une loi organique. Il semble néanmoins quelque peu curieux,
alors que notre assemblée vient d'envisager que les électeurs se prononceront
en d'autres lieux pour rendre un consentement et non plus simplement un avis,
que, dans l'article 9, alinéa 2, il ne soit prévu pour l'assemblée délibérante
du lieu qu'un simple avis.
Il me semble que quand on change le statut d'une collectivité, d'un territoire
jouissant d'un statut spécial, on pourrait, pour le moins, recueillir le
consentement de l'assemblée délibérante concernée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Il est possible de recueillir le consentement des électeurs
sur une question relative au changement de régime constitutionnel applicable à
la collectivité ; mais concernant l'assemblée délibérante de la collectivité,
cela ne paraît pas possible.
La commission a donc émis, en toute logique, un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
L'amendement de Mme Blandin vise à faire partager, entre le
Parlement et l'assemblée délibérante d'une collectivité de l'article 74, le
pouvoir de voter la loi organique.
Il n'entre pas dans les intentions du Gouvernement d'accorder aux assemblées
délibérantes un tel pouvoir. Cette démarche est peu conforme à la tradition
française et davantage inspirée par le fédéralisme.
Le Gouvernement y est donc défavorable.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Je ne suis pas très favorable à cet amendement, mais je voudrais faire
remarquer que si l'amendement de Mme Blandin est inspiré par le fédéralisme et,
par conséquent, est contraire à la tradition française, ce qui lui vaut un avis
défavorable du Gouvernement, un amendement précédent, qui avait exactement le
même objet, a été voté par tout le monde et a reçu un avis favorable du
Gouvernement.
C'est la souveraineté nationale à géométrie variable dans le camp du
Gouvernement ! Or il n'y a qu'une seule souveraineté nationale. Tout cela se
paiera cher, un jour !
M. Robert Bret.
Pas besoin de la brader !
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin.
Permettez-moi de récuser la notion de partage de l'exercice du vote de la loi
organique entre l'assemblée délibérante concernée et le Parlement.
Il y a une chronologie, un agenda à respecter. Il convient de demander à
l'assemblée délibérante concernée de donner son consentement. Il me semble tout
à fait incroyable que, dans une loi relative à la décentralisation, il soit
envisagé, pour des collectivités à statut particulier, de « parachuter » depuis
Paris un nouveau statut sans même leur demander leur avis.
M. Georges Othily.
Mais non !
M. Michel Charasse.
On fait ce qu'on veut ! On est dans la République ou on n'y est pas !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 84.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 31, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Après les mots : "sous réserve de celles", rédiger comme suit la fin du
quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la
Constitution : "déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l'Etat
ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l'article 73,
précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ;" »
Le sous-amendement n° 114, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 31, remplacer le mot : "énumérées"
par le mot : "visées". »
L'amendement n° 110, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Après les mots : "ne peut porter sur" rédiger comme suit la fin du quatrième
alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la Constitution :
"les matières qui relèvent, par nature et par nécessité, de la souveraineté
nationale et de l'Etat." »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 31.
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement a pour objet une coordination avec
l'amendement n° 27 de la commission portant sur l'article 8 que nous
examinerons ultérieurement et qui vise à transférer à l'article 73 de la
Constitution l'énumération des matières non susceptibles de transfert car elles
sont de nature régalienne.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre le sous-amendement n°
114.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, je suis bien ennuyé, parce que ce sous-amendement est
la conséquence d'un amendement que j'ai déposé à l'article 8. Mais comme cet
article 8 est provisoirement au « frigo » pour tenir compte des horaires
aériens, je ne sais pas comment on peut faire !
On ne peut pas le voter puisque c'est un sous-amendement de conséquence. Si
l'amendement que j'ai déposé à l'article 8 n'est pas adopté, ce sous-amendement
n° 114 n'a plus d'objet. En revanche, si mon amendement à l'article 8 est
adopté, ce sous-amendement reste en discussion.
M. Georges Othily.
On le retire !
M. Michel Charasse.
Tu retires les tiens, mais moi je ne retire pas les miens !
(Sourires.)
M. René Garrec,
rapporteur.
Il n'aura plus d'objet !
M. Michel Charasse.
Voyons, mes chers collègues, j'ai posé une question précise !
J'ai déposé un amendement de fond à l'article 8, et le sous-amendement n° 114
est un texe de conséquence. Si l'amendement à l'article 8 n'est pas adopté, le
sous-amendement n° 114 n'a plus d'objet. En revanche, si l'amendement à
l'article 8 est adopté, le sous-amendement n° 144 reste en discussion.
Monsieur le président, je vous laisse le soin de vous débrouiller avec tout
cela !
M. le président.
De toute façon, monsieur Charasse, vous interviendrez à l'article 8.
M. Michel Charasse.
Je vous prie de m'excuser, monsieur le président, mais il n'est pas question
de cela !
Puisqu'il s'agit d'un sous-amendement de conséquence, il faudrait d'abord
voter l'article 8, et en conséquence réserver le vote sur l'amendement n° 31 et
le sous-amendement n° 114.
M. le président.
Monsieur Charasse, vous étiez présent lorsqu'une demande de priorité a été
formulée. La priorité a été ordonnée par l'assemblée souveraine. Je suis donc
obligé d'y souscrire.
M. Michel Charasse.
Certes, monsieur le président. Mais, à « l'assemblée souveraine », personne ne
lui a expliqué qu'il y avait des amendements de conséquence. Il aurait fallu à
tout le moins nous permettre, grâce à une suspension de séance, de modifier nos
amendements et nos sous-amendements.
On peut faire du travail constitutionnel n'importe comment, mais cela devient
lassant !
M. le président.
Vous auriez pu le demander à ce moment-là, monsieur Charasse !
M. Michel Charasse.
Peut-être, mais la présidence aurait pu également s'apercevoir qu'il y avait
des amendements de conséquence et ne pas soumettre au Sénat n'importe quoi !
(Protestations sur les travées du RPR. - Marques d'approbation sur les
travées du groupe socialiste.)
M. le président.
Je vous donne maintenant la parole, monsieur Charasse, pour défendre
l'amendement n° 110.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, pardon de m'être emporté, mais vous n'étiez pas
personnellement visé par mes propos. Vous savez l'affection que j'ai pour vous
!
(Rires.)
De temps en temps, cela fait du bien. Et il paraît que cela se passe de la
même façon au conseil général des Vosges !
(Nouveaux rires.)
Il est, je crois, dangereux d'établir une liste limitative des prérogatives
qui ne peuvent relever que de l'Etat car elles touchent à la souveraineté
nationale et qu'elles sont par nature régaliennes, c'est M. le rapporteur qui
a prononcé ce mot voilà un instant.
Non seulement ce serait confiner l'Etat dans des compétences étroites, alors
qu'il a toujours une compétence générale - c'est du droit français, c'est même
du droit international -, mais encore on prend le risque d'oublier certaines
matières.
C'est d'ailleurs ce qu'a relevé la commission des lois à juste titre en
prévoyant que la liste pourrait être complétée et précisée par une loi
organique, qui peut à son tour en oublier, mais en retenant la formule qui
existe actuellement à la fin de l'article 34 de la Constitution.
Je pense qu'il est donc préférable d'interdire des transferts dans des
domaines qui relèvent, à l'évidence, de la souveraineté nationale, donc de
l'Etat, sans prendre la peine de les énumérer. Englobons tout d'une manière
générale, c'est beaucoup plus simple !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 114 et sur
l'amendement n° 110 ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Le sous-amendement n° 114 étant un texte de coordination avec
un amendement que la commission a rejeté, elle a donc émis un avis
défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 110, je note qu'il est vrai, mon cher
collègue, qu'une énumération n'est jamais une solution idéale. Elle a cependant
le mérite de la clarté par rapport à l'expression : « les matières relevant par
nature et par nécessité de la souveraineté nationale », qui est imprécise et
dont la signification concrète découlera par définition de la jurisprudence.
En outre, l'amendement n° 27 de la commission a prévu que la liste serait
complétée, le cas échéant, par une loi organique, ce qui règle le problème.
Par conséquent, la commission est défavorable à l'amendement n° 110.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 31, le sous-amendement n°
114 et l'amendement n° 110 ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 31.
A propos du sous-amendement n° 114 et de l'amendement n° 110 de M. Charasse,
je précise que le Gouvernement entend conserver l'énumération d'une série de
matières qui sont régaliennes par détermination de la Constitution et qui ne
peuvent en aucun cas être attribuées aux collectivités d'outre-mer. Il estime
que ce choix doit relever du pouvoir constituant et non de la seule décision du
Conseil constitutionnel.
Je rappelle sur ce point que nous sommes exactement dans la ligne du projet de
révision qui avait été adopté en 1999 dans les mêmes termes par les deux
chambres du Parlement et dans lequel le choix de l'énumération dans la
Constitution des matières réservées à l'Etat avait été approuvé, y compris par
vous, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse.
Pas sûr !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Si, nous avons vérifié !
M. Michel Charasse.
Ah bon ! C'est une erreur !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Il convient de remarquer que la Constitution ne fixe que la
liste des matières non transférables, mais qu'elle n'oblige en rien à
transférer les matières qui n'y figurent pas. En aucun cas le transfert de
compétences n'est définitif, le législateur organique pouvant toujours rendre à
l'Etat une compétence de la collectivité. Il n'est donc pas dangereux, il est,
au contraire, très raisonnable de fixer une telle énumération dans la
Constitution.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur le
sous-amendement n° 114 et sur l'amendement n° 110.
M. le président.
Monsieur Charasse, on peut toujours se tromper. Une erreur est pardonnée dès
qu'elle est avouée !
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, je vais régler tout ça !
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour explication de vote sur le sous-amendement
n° 114.
M. Michel Charasse.
Si vous le permettez, monsieur le président, pour gagner du temps, mon
explication de vote portera en même temps sur le sous-amendement n° 114 et sur
l'amendement n° 110.
M. le président.
Merci !
M. Michel Charasse.
Etant donné que le sous-amendement n° 114 est la conséquence d'un amendement
qui, pour l'instant, est un OVNI, puisqu'il porte sur un article qui n'a pas
été examiné, et que je ne veux pas compliquer la situation - mais je fais la
remarque quand même ! - je le retire.
M. Jean-Patrick Courtois.
Ah !
M. Michel Charasse.
On ne va pas voter sur une disposition qui n'a pas de support !
En ce qui concerne l'amendement n° 110, je veux bien me ranger aux arguments
du rapporteur. Selon lui, c'est une mauvaise chose de faire une énumération,
car on risque toujours d'oublier des prérogatives. Il prend toutefois la
précaution d'ajouter que la liste sera précisée, complétée, le cas échéant, par
une loi organique. Je ferai remarquer qu'il prend une position contraire à
celle de Mme le ministre, qui approuve quand même l'amendement n° 31 de M.
Garrec. Mais peu importe !
Quant à la référence au scrutin de 1999, je pense, madame Girardin, que vous
voulez parler de la Nouvelle-Calédonie. On peut avoir du remords, madame !
Voilà tout ce que je voulais dire, sans être désagréable à l'égard de
personne.
Cela dit, je retire mon amendement et mon sous-amendement, comme cela vous
êtes contents !
(Oui ! sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Monsieur Charasse, si vous l'aviez fait tout de suite, on aurait gagné un peu
de temps ! Cela étant, je vous remercie de vos explications.
Le sous-amendement n° 114 et l'amendement n° 110 sont retirés.
M. Michel Charasse.
J'aurais même pu le faire dans les couloirs ! Cela va encore plus vite !
(Sourires.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 31.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 63, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 74 de la Constitution :
« "- les principes que doit suivre la collectivité pour l'organisation et le
fonctionnement de ses institutions ainsi que le régime électoral de son
assemblée délibérante ;" »
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse.
Le statut d'autonomie confère à la Polynésie française, sur le plan interne,
des compétences très larges. De ce fait, il convient d'adopter des dispositions
visant à faciliter le fonctionnement de ses institutions. Or la jurisprudence
constitutionnelle interprète restrictivement la notion de règles dans le
domaine de l'organisation des institutions locales.
Nous demandons donc que la loi organique fixe seulement les règles principales
et non le détail du fonctionnement des institutions. En revanche, il va de soi
que le régime électoral devra être précisé par la loi organique. Tel est
l'objet du présent amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Si la loi organique statutaire n'a pas à définir jusque dans
le détail les règles d'organisation et de fonctionnement de la collectivité,
elle ne saurait se limiter à en fixer les principes directeurs. En matière
d'organisation et de fonctionnement institutionnels, la notion de « principes »
n'a d'ailleurs pas de véritable signification ! Il conviendra donc, lors de
l'examen du projet de loi organique statutaire, de faire le départ entre
l'essentiel et l'accessoire.
En outre, il ne paraîtrait pas justifié d'admettre une telle possibilité en
faveur de la Polynésie française alors qu'elle ne serait pas offerte à la
Nouvelle-Calédonie, qui bénéficie pourtant d'une autonomie encore plus
poussée.
La commission souhaite donc le retrait de cet amendement. Sinon, elle
émettrait un avis défavorable.
M. le président.
Monsieur Flosse, répondez-vous à la demande de M. le rapporteur ?
M. Gaston Flosse.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 63 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 64, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le septième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 74 de la Constitution :
« "Les collectivités dotées de l'autonomie se gouvernent librement et
démocratiquement. La loi organique détermine les conditions dans lesquelles :".
»
L'amendement n° 32, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Au septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la
Constitution, remplacer les mots : "détermine également" par les mots : "peut
également déterminer". »
La parole est à M. Gaston Flosse, pour défendre l'amendement n° 64.
M. Gaston Flosse.
Cette rédaction, adoptée par le constituant en 1999, traduisait la volonté de
ce dernier de faire bénéficier la Polynésie française d'une avancée statutaire
correspondant aux aspirations de la grande majorité des Polynésiens.
Afin, d'une part, de souligner l'évolution statutaire que vont accomplir ces
collectivités locales et, d'autre part, de mettre en adéquation les principes
juridiques fondamentaux et leur système institutionnel, il est proposé
d'inscrire dans la loi fondamentale la notion de gouvernement libre et
démocratique.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 32 et pour
donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 64.
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement tend à rendre le cadre constitutionnel
consacré aux collectivités d'outre-mer le plus souple possible pour permettre
l'aménagement de statuts « à la carte ». Il ne faut pas imposer à une
collectivité, même dotée de l'autonomie, certaines dispositions qui ne
correspondraient ni à ses besoins ni à ses souhaits. Je pense, par exemple, aux
mesures de discrimination positive en faveur de sa population autochtone.
S'agissant de l'amendement n° 64, bien que l'expression « se gouverner
librement et démocratiquement » ait été retenue dans le projet de loi
constitutionnelle de 1999, le verbe « se gouverner » est intimement lié à la
notion d'Etat, les collectivités ne pouvant que « s'administrer ». Ce
vocabulaire paraît antinomique de la notion de collectivité territoriale,
fût-elle dotée de l'autonomie.
La commission souhaite donc le retrait de cet amendement, sinon elle émettrait
un avis défavorable.
M. le président.
M. Gaston Flosse, accédez-vous à la demande de M. Garrec ?
M. Gaston Flosse.
Je souhaite entendre préalablement l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement n° 64.
Monsieur le président du gouvernement de la Polynésie française, ce territoire
a évidemment vocation à bénéficier, le premier, de ces nouvelles dispositions
de la Constitution sur l'autonomie.
Ce terme d'« autonomie », qui figurait dans l'article 77 d'origine de la
Constitution pour les Etats de la Communauté, y retrouve donc sa place. Il ne
figurait jusqu'ici que dans la loi organique statutaire de la Polynésie de
1996.
La notion de libre gouvernement est, à nos yeux, synonyme de celle
d'autonomie. L'autonomie implique que soit reconnue à la collectivité qui en
bénéficie une marge de manoeuvre et d'appréciation, et un espace de décision
beaucoup plus important que ceux qui sont dévolus à une simple autorité
administrative. La notion de libre gouvernement pourra donc être inscrite dans
la loi organique statutaire sans qu'il soit nécessaire de l'inscrire dans la
Constitution. C'est ce que fera le Gouvernement ; j'en prends l'engagement
aujourd'hui devant vous, monsieur le président du gouvernement de la Polynésie.
Vous aurez pleinement satisfaction dans le projet de loi organique sur lequel
nous avons, d'ailleurs, commencé déjà à travailler.
Je vous serais donc reconnaissante de retirer votre amendement.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 32, qui permet au législateur
organique de moduler les différentes composantes de l'autonomie en les rendant
optionnelles, alors que la rédaction initiale du projet conduisait à rendre
obligatoire l'ensemble des dispositions en cause.
M. le président.
Maintenez-vous votre amendement, monsieur Flosse ?
M. Gaston Flosse.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 64 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 32.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 237, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le huitième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 74 de la Constitution :
« "- le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur
certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre
des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi ;". »
L'amendement n° 33, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Au huitième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la
Constitution, après les mots : "contrôle juridictionnel spécifique", insérer
les mots : "devant le Conseil constitutionnel ou devant le Conseil d'Etat".
»
Le sous-amendement n° 247, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 33, supprimer les mots : "devant
le Conseil constitutionnel ou". »
L'amendement n° 65, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
« Au huitième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la
Constitution, remplacer les mots : "intervenant au titre des compétences
qu'elle exerce" par les mots : "ayant le caractère de lois du pays, lorsque
l'assemblée délibérante intervient". »
La parole est à Mme la ministre, pour défendre l'amendement n° 237.
Mme Brigitte Girardin
ministre.
Le Gouvernement souhaite que le contrôle juridictionnel
spécifique des actes de l'assemblée délibérante d'une collectivité d'outre-mer
dotée de l'autonomie intervenant dans le domaine de la loi puisse être exercé
par le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort. Tel est l'objet
de l'amendement n° 237.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 33.
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement précise que le contrôle juridictionnel auquel
pourront être soumis certains actes pris par la collectivité dans des matières
qui, en métropole, relèvent du domaine de la loi sera, selon le cas, organisé
devant le Conseil d'Etat ou devant le Conseil constitutionnel.
L'article 77 de la Constitution visant expressément le Conseil constitutionnel
comme étant compétent pour exercer un contrôle
a priori
sur les lois du
pays calédoniennes, l'absence de cette mention dans l'article 74 aurait conduit
à rendre impossible cette éventualité pour les collectivités d'outre-mer.
Lors de sa réunion du 29 octobre, la commission a décidé de se rallier à
l'amendement n° 237 présenté par le Gouvernement, en estimant que les actes
pris par l'assemblée délibérante de la collectivité dans des matières relevant
en métropole du domaine de la loi demeurent des actes de nature réglementaire,
ce qui prédispose le Conseil d'Etat à en être le juge naturel.
M. Michel Charasse.
Très bien !
M. René Garrec,
rapporteur.
La commission retire donc son amendement n° 33 au profit de
celui du Gouvernement.
M. le président.
L'amendement n° 33 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 247 n'a plus d'objet.
M. Michel Charasse.
Il est satisfait, monsieur le président !
M. le président.
La parole est à M. Gaston Flosse, pour défendre l'amendement n° 65.
M. Gaston Flosse.
Compte tenu des larges compétences dont dispose la Polynésie française, il
convient de permettre que les actes de l'assemblée délibérante qui
interviennent dans les matières de l'article 34 et qui font l'objet d'un
contrôle juridictionnel spécifique soient qualifiés de lois du pays afin de les
distinguer des actes adoptés par cette même institution qui demeurent de nature
réglementaire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 65 ?
M. René Garrec,
rapporteur.
L'expression de « lois du pays », retenue dans le projet de
loi constitutionnelle de 1999, trouve son origine dans l'accord de Nouméa et a
été consacrée dans la loi statutaire de la Nouvelle-Calédonie mais pas dans la
Constitution, puisque l'article 77 fait seulement référence à « certaines
catégories d'actes ».
Par ailleurs, dans la Constitution, le mot « loi » n'est utilisé que pour
désigner les actes pris par le Parlement.
En outre, dans le nouvel article 74 fixant le cadre constitutionnel de
l'ensemble des collectivités d'outre-mer, dont la Polynésie française, il n'est
plus question de « pays d'outre-mer » : l'expression « lois du pays » n'a donc
plus de justification.
Je demande par conséquent à notre collègue de retirer son amendement, sinon la
commission émettrait un avis défavorable.
M. le président.
Monsieur Flosse, votre amendement est-il maintenu ?
M. Gaston Flosse.
Je souhaite entendre l'avis du Gouvernement, monsieur le président.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Il ne nous paraît pas nécessaire de fixer d'ores et déjà dans
la Constitution la dénomination des actes que pourra prendre la Polynésie
française dans le domaine de la loi. C'est le législateur organique qui y
pourvoira. Il pourra naturellement retenir, comme vous le souhaitez, le terme
de « loi du pays ».
La loi organique définira également la portée du contrôle juridictionnel
spécifique dont ces actes seront justiciables devant le Conseil d'Etat, ce qui
leur conférera une valeur supérieure aux actes administratifs ordinaires.
Je souhaite donc que M. le président du gouvernement de la Polynésie française
puisse retirer son amendement. Je l'assure que ses préoccupations seront
couvertes dans la loi organique.
M. le président.
Monsieur Flosse, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Gaston Flosse.
Avec plaisir !
M. le président.
L'amendement n° 65 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 237.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 111, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Au neuvième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la
Constitution, remplacer les mots : "le Conseil constitutionnel" par les mots :
"le Conseil d'Etat". »
L'amendement n° 66 rectifié, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
« Au neuvième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de la
Constitution, après les mots : "Conseil constitutionnel", insérer les mots :
"saisi notamment par les autorités de la collectivité". »
La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre l'amendement n° 111.
M. Michel Charasse.
Le débat est presque le même que celui que nous venons d'avoir sur
l'amendement n° 237 du Gouvernement, qui a pour objet de confier le contentieux
au Conseil d'Etat et qui a été adopté avec l'accord de la commission des lois,
laquelle a retiré son propre amendement.
Le neuvième alinéa du texte proposé par l'article 9 du projet de loi pour
l'article 74 de la Constitution confierait le soin au Conseil constitutionnel
d'intervenir lorsque l'assemblée délibérante modifie une loi promulguée
postérieurement à l'entrée en vigueur du statut de la collectivité.
En encombrant le Conseil constitutionnel de compétences secondaires mais
accaparantes, intéressant le fonctionnement de collectivités d'outre-mer, le
constituant risque d'affaiblir l'aptitude du Conseil à faire face, dans les
brefs délais qui lui sont impartis, et avec l'efficacité indispensable, à des
tâches beaucoup plus essentielles, à savoir le contrôle de la
constitutionnalité des lois organiques, des traités, des lois ordinaires
nationales et des règlements des assemblées parlementaires, sans oublier
l'élection présidentielle et les contentieux électoraux.
Une telle surcharge serait d'autant plus malvenue que le Conseil
constitutionnel n'est pas véritablement armé pour examiner des contentieux
concernant des délibérations d'assemblées locales. Or M. Garrec vient de dire,
très justement, que ces délibérations sont des actes administratifs. Il a
proposé de se rallier à l'amendement présenté par le Gouvernement puisqu'il lui
semblait - et il a siégé longtemps au Conseil d'Etat - que cela relevait, par
nature, du Conseil d'Etat.
Par conséquent, il ne me paraît pas raisonnable de maintenir le Conseil
constitutionnel à cet alinéa : il vaudrait mieux le remplacer par le Conseil
d'Etat. C'est lui qui examine habituellement le contentieux de toutes les
délibérations locales.
J'ajoute que le Conseil d'Etat a reçu, par l'article 37 de la Constitution, un
pouvoir de déclassement des lois antérieures à la Constitution de 1958 :
lorsqu'elles se trouvaient, après 1958, dans le domaine réglementaire, elles
pouvaient être déclassées par le Conseil d'Etat.
Il y a là une pratique, une habitude et un savoir-faire qui permettent
d'éviter d'encombrer le Conseil constitutionnel avec un domaine qui n'est
vraiment pas le sien. C'est pourquoi je propose, par l'amendement n° 111, de
remplacer les mots : « le Conseil constitutionnel » par les mots : « le Conseil
d'Etat », comme l'a fait le Gouvernement tout à l'heure.
M. le président.
La parole est à M. Gaston Flosse, pour présenter l'amendement n° 66
rectifié.
M. Gaston Flosse.
Le neuvième alinéa du texte proposé par l'article 9 du projet de loi pour
l'article 74 de la Constitution prévoit un mécanisme de délégalisation des lois
intervenues postérieurement à l'entrée en vigueur du statut, afin de garantir
la sécurité juridique de l'ordre normatif des collectivités d'outre-mer. Ainsi,
les assemblées délibérantes pourraient modifier une loi qui serait intervenue
dans le domaine de compétence qui leur est réservé, à condition que le Conseil
constitutionnel l'ait préalablement constaté.
Par cet amendement, nous vous proposons de préciser cette possibilité, tout en
laissant à la loi organique le soin de définir les institutions qui seront
habilitées à exercer ce droit et les conditions dans lesquelles il
s'exercera.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 111 ?
M. René Garrec.
rapporteur.
Nous tombons-là dans le domaine du ciseau de dentellière, mon
cher collègue, et de la subtilité. Tout à l'heure, j'étais d'accord avec votre
analyse.
M. Michel Charasse.
C'est la même !
M. René Garrec,
rapporteur.
Non, c'est la loi qui s'immisce dans la réglementation de la
collectivité. S'agissant d'une disposition législative qu'il faut déclasser
pour permettre à la collectivité d'outre-mer de retrouver sa compétence, il
paraît logique de prévoir l'intervention du Conseil constitutionnel dans ce cas
précis, comme cela résulte du deuxième alinéa de l'article 37 relatif au
partage du domaine de la loi et du règlement.
M. Michel Charasse.
Le Conseil d'Etat l'a fait dans le cadre de l'article 37 !
M. René Garrec,
rapporteur.
C'est la loi qui s'immisce dans le domaine du règlement et
c'est donc le Conseil constitutionnel qui est compétent.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Il estime, en effet, que s'agissant de la contestation d'une loi votée par le
Parlement, qui est intervenue en dehors du champ de compétence qui lui est
attribué par la Constitution et la loi organique, c'est le Conseil
constitutionnel qui est la bonne juridiction.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 66 rectifié ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Le texte initial de cet amendement avait pour conséquence de
réserver le droit de saisine du Conseil constitutionnel aux seules autorités de
la collectivité. Cette exclusivité, ainsi que la considération selon laquelle
la désignation des titulaires du droit de saisine pour la mise en oeuvre de la
procédure de déclassement relève de la loi organique, avaient conduit la
commission à donner un avis défavorable sur l'amendement n° 66.
La commission ne s'étant pas prononcée sur la rectification consistant à
introduire l'adverbe « notamment », elle s'en remet à la sagesse du Sénat sur
cet amendement n° 66 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Favorable.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement
n° 111.
M. Michel Charasse.
Si je comprends bien, pour les lois antérieures à 1958, modifiées par décret,
c'est le Conseil d'Etat qui est compétent. Mais pour une loi modifiée par une
délibération d'une assemblée locale, c'est le Conseil constitutionnel qui devra
être saisi. Plus cela baisse, plus cela monte !
(Sourires.)
Or le
Conseil constitutionnel n'est pas vraiment armé pour cela.
En outre, étant donné que le Gouvernement a accepté l'amendement n° 66
rectifié de M. Flosse pour que le Conseil constitutionnel puisse être saisi par
les autorités locales, cela veut dire que le Conseil constitutionnel peut être
saisi tous les jours de dix questions portant sur dix lois ou dix parties de
loi auxquelles il devra répondre, tout en réglant, dans le même temps, les
contentieux électoraux et tout le reste ! D'autant, monsieur Garrec, qu'on ne
modifie pas les délais de réponse du Conseil constitutionnel tels qu'ils
figurent actuellement dans la Constitution : c'est un mois ou huit jours. En
fin d'année, le Conseil constitutionnel doit se prononcer en même temps sur les
lois de finances et sur bien d'autres textes. S'il doit, en plus, examiner
dix-sept demandes d'une assemblée locale...
(M. Gaston Flosse
s'exclame.)
Permettez, mon cher collègue ! Je vous dis simplement que le
Conseil d'Etat est mieux armé pour faire face à ce genre de chose que le
Conseil constitutionnel.
Maintenir au Conseil d'Etat, le droit de se prononcer sur les lois antérieures
à 1958 modifiées par décret, mais lui interdire de le faire lorsqu'il s'agit de
lois modifiées par de simples délibérations d'assemblées locales en laissant au
Conseil constitutionnel le soin de le faire, cela veut dire, je le répète, que
plus cela baisse et plus cela monte. Je maintiens donc mon amendement.
M. le président.
La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je
souhaite simplement rappeler à M. Charasse que, aux termes du deuxième alinéa
de l'article 37 de la Constitution lorsqu'une loi est modifiée par la voie
réglementaire, c'est le Conseil constitutionnel qui est compétent. C'est
exactement de même nature !
M. Michel Charasse.
Non !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Par conséquent, l'argumentation qui
vient d'être développée n'est pas pertinente.
M. Michel Charasse.
Pas pour les lois antérieures à 1958 !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 111.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 66 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 112, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Au début du dixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article
74 de la Constitution, ajouter les mots : "Sous réserve des dispositions de
l'article 1er,". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Le dixième alinéa de l'article 9 s'inspire manifestement de ce qui a été fait,
au titre XIII, en faveur de la Nouvelle-Calédonie. Les dispositions insérées
sous le titre XIII permettent, en effet, à la Nouvelle-Calédonie de réglementer
certaines matières en s'affranchissant des principes fondamentaux de la
République, notamment le principe d'égalité des citoyens et le principe de
non-discrimination.
Ces dispositions sont, à l'évidence, exceptionnelles et ne dérogent aux
principes sacrés de la République qu'à titre provisoire et transitoire, puisque
la Nouvelle-Calédonie doit prochainement accéder à l'indépendance si sa
population le souhaite.
Ces règles exceptionnelles, qui remettent en cause des principes intangibles
et sacrés, ne sauraient être généralisées outre-mer, sauf à admettre que
l'outre-mer n'appartient plus à la République. Il y a des moments où on se le
demande !
Il est donc proposé de préciser que les mesures « justifiées par les
nécessités locales » devront respecter les principes définis à l'article 1er de
la Constitution.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
L'alinéa que l'amendement propose de modifier tend,
précisément, à permettre de déroger au principe d'égalité. La réserve de
l'article 1er de la Constitution entre donc en contradiction avec le
dispositif.
La commission est, par conséquent, défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin
ministre.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, qui
ne lui paraît pas utile.
Il va de soi que le statut des collectivités d'outre-mer de l'article 74 et
qui succéderont aux territoires d'outre-mer s'inscrit pleinement dans le cadre
de la Constitution, donc des principes fondamentaux contenus dans son article
1er tels que l'égalité des citoyens devant la loi ou l'indivisibilité de la
République.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Ce que je veux dire est très clair : plus de souveraineté nationale, puisque
localement on fait ce que l'on veut ; plus de principe d'égalité. Mais
rassurez-moi, madame la ministre : la République est toujours là quand cela va
mal ! Vous voyez ce que je veux dire et je n'insiste donc pas ! Par conséquent,
il n'y a plus rien, sauf la République, quand cela va mal.
Je maintiens l'amendement n° 112, parce que je défendrai la République
jusqu'au bout !
(M. Gaston Flosse s'exclame.)
On est bon pour payer !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 112.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 67, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 74 de la Constitution :
« Les collectivités peuvent participer, sous le contrôle de l'Etat, à
l'exercice des compétences qu'il conserve, dans le respect des garanties
accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés
publiques. »
Le sous-amendement n° 240, présenté par M. Garrec, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Au début du texte proposé par l'amendement n° 67 pour l'avant-dernier alinéa
de l'article 74 de la Constitution, remplacer les mots : "les collectivités
peuvent" par les mots : "la collectivité peut". »
L'amendement n° 113, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le onzième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74 de
la Constitution, après les mots : "qu'il conserve", insérer les mots : "autres
que celles relevant, par nature et par nécessité, de la souveraineté nationale,
et". »
La parole est à M. Gaston Flosse, pour défendre l'amendement n° 67.
M. Gaston Flosse.
Le dispositif prévu par le onzième alinéa est destiné à renforcer l'exercice
des compétences des collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie, en
l'occurrence de la Polynésie française. Fréquemment, en effet, les compétences
des collectivités sont limitées par celles de l'Etat en raison de l'imbrication
des matières.
Cette intervention du territoire dans la sphère de compétence de l'Etat se
révèle également nécessaire lorsqu'il s'agit de prendre des mesures limitées,
afin d'assurer la cohérence et la bonne exécution de la réglementation
territoriale.
Pour résoudre les problèmes ci-dessus mentionnés et garantir ainsi le plein
exercice de l'autonomie du territoire, il est proposé de substituer le terme «
participer » à celui d'« associer ». Ce terme permet de garantir plus
clairement une réelle participation de la collectivité dans les domaines
susvisés au quatrième alinéa. L'Etat conserve, bien évidemment, le contrôle de
cette participation puisqu'il lui revient, d'une part, de décider des
transferts qui sont possibles et, d'autre part, de surveiller leur correcte
utilisation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 240 et
pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 67.
M. René Garrec,
rapporteur.
La commission est favorable à l'amendement n° 67 de notre
collègue Gaston Flosse à condition qu'il soit modifié par le sous-amendement
qu'elle présente.
La notion de participation paraît plus dynamique et ouvre la possibilité à des
collectivités de proposer à l'Etat sa participation à l'exercice de certaines
compétences. Il convient simplement de viser « la collectivité » et non « les
collectivités », car la loi organique statutaire sera prise pour chaque
collectivité.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 113.
M. Michel Charasse.
Je le retire, monsieur le président, puisqu'un amendement analogue a été
repoussé il y a dix minutes. Mais je maintiens quand même mon point de vue !
M. le président.
L'amendement n° 113 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 67 et au
sous-amendement n° 240.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 240.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 67, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 9, modifié.
M. Michel Charasse.
Je vote contre.
M. Robert Bret.
Le groupe CRC s'abstient.
(L'article 9 est adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen de l'article 9, appelé par priorité.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 8.
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - L'article 73 de la Constitution est ainsi rédigé :
«
Art. 73
. - Dans les départements et les régions d'outre-mer, les
lois et règlements sont applicables de plein droit, sous réserve d'adaptations
tenant à leurs caractéristiques et contraintes particulières.
« Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les
matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées par
la loi.
« Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités,
les collectivités régies par le présent article peuvent, sous les réserves
prévues au quatrième alinéa de l'article 74, être habilitées à fixer
elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, y compris dans
certaines matières relevant du domaine de la loi.
« Les habilitations prévues aux alinéas précédents sont décidées, à la demande
de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues
par une loi organique.
« La création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et
une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour
ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les
formes prévues au deuxième alinéa de l'article 72-3, le consentement des
électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. »
La parole est à M. Dominique Larifla, sur l'article.
M. Dominique Larifla.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
présent article 8, tout en le réaffirmant, en son premier alinéa, introduit des
assouplissements au principe d'identité législative et, dans le même temps,
prévoit, en son dernier alinéa, deux possibilités d'évolution en matière
d'organisation administrative. Ainsi est-il opéré une décentralisation du
pouvoir d'adaptation.
Jusque-là, la consultation des départements d'outre-mer en matière
d'adaptation est largement restée lettre morte. A titre d'exemple, l'article
1er du décret d'avril 1960, qui prévoyait une consultation des départements sur
les projets et décrets tendant à adapter la législation ou l'organisation
administrative des départements, s'est constamment appliqué dans des délais
assez courts pour que ces collectivités soient rarement en mesure de rendre
leur avis.
Certes, de nouvelles dispositions seraient garanties par la Constitution, mais
il ne faudrait pas qu'elles restent sur le plan des principes : nous veillerons
à ce qu'elles se traduisent par une application effective.
S'agissant du pouvoir d'adaptation lui-même, le texte présente une rédaction
qui permet de présager des divergences d'appréciation et, par conséquent, des
recours réguliers à l'arbitrage du juge constitutionnel.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 73 fait référence à la « situation
particulière », des départements d'outre-mer. Or on connaît malheureusement
l'interprétation restrictive du Conseil constitutionnel en cette matière.
Aussi je salue l'amendement de la commission des lois, laquelle, dans sa
grande sagesse, a jugé bon de préciser les matières dans lesquelles peut
s'exercer cette compétence.
Enfin, le dernier alinéa de l'article 8 prévoit dans quelles conditions
peuvent avoir lieu les changements d'organisation administrative. Comme je le
disais précédemment, on ne pouvait envisager une telle évolution sans que les
électeurs s'expriment. Ainsi, cet ultime alinéa, essentiellement procédural,
introduit le principe fondamental de la consultation des électeurs.
C'est pourquoi, dans un souci de cohérence, il serait bon que ce même article,
qui prévoit expressément la possibilité de substituer une collectivité à un
département et une région d'outre-mer, place, dans la Constitution, cette
nouvelle collectivité sur le même plan que celles auxquelles elle se
substitue.
M. le président.
La parole est à M. Claude Lise, sur l'article.
M. Claude Lise.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 73
est censé remplir une fonction tout à fait essentielle : c'est lui qui doit
permettre de répondre à la nécessité, très largement reconnue, semble-t-il, de
tenir compte des réalités particulières des départements d'outre-mer et, plus
important encore, de tenir compte des aspirations des populations de ces
départements.
Cet article peut, en revanche, se révéler, comme l'actuel article 73, inadapté
à la vocation qu'on lui assigne. Il peut, c'est vrai, donner l'impression
d'ouvrir de très larges perspectives. Cependant, nous le savons tous, quelles
que soient les intentions affichées par le Gouvernement - voire les engagements
que celui-ci pourrait prendre - le Conseil constitutionnel donnera, en toute
indépendance, le moment venu, son interprétation de l'article 73, chaque fois
qu'il sera amené à examiner les lois organiques prévues par ce même article. Et
nous avons une certaine expérience en la matière !
Je voudrais rappeler, s'agissant de l'actuel article 73, que le général de
Gaulle, qui l'avait fait inscrire dans la Constitution, considérait qu'il avait
une très grande portée pour les départements d'outre-mer.
Dans un message adressé aux Antillais et aux Guyanais pour leur demander de
voter « oui » au référendum portant sur le projet de Constitution de 1958, il
disait ceci : « A l'intérieur des nouvelles institutions que les Français vont
se donner, les élus des départements français d'Amérique devront pouvoir
participer à l'adaptation de nos lois aux nécessités locales. » Vous entendez
bien : « A l'adaptation de nos lois aux nécessités locales » !
Et André Malraux, envoyé en mission aux Antilles, pouvait dire, s'adressant à
Aimé Césaire : « A vous, Martiniquais, nous promettons des franchises qui
dépassent vos franchises traditionnelles. »
Aimé Césaire prit acte de ce qu'il considéra comme des engagements et il fit
voter « oui », revenant sur sa position, qui, fondée sur la méfiance que lui
inspirait le fameux article 73, avait été initialement négative.
On connaît la suite, notamment les interprétations systématiquement
restrictives données par le Conseil constitutionnel.
Il ne faudrait pas que l'histoire se répète ! Nous devons donc être très
attentifs à la rédaction de l'article, notamment à celle de son premier alinéa.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement tendant à reprendre,
non pas partiellement, mais complètement la formulation de l'article 299-2 du
traité d'Amsterdam, auquel l'exposé des motifs se réfère.
Il nous faut être tout aussi attentifs aux dispositions prévues par les autres
alinéas.
A priori
, ce que l'on y trouve correspond, en grande partie, à
ce qu'ont souhaité, de façon très majoritaire, les élus, réunis en congrès, en
Guadeloupe, Guyane et Martinique.
Cependant, l'obtention, par les collectivités locales, d'un pouvoir
d'adaptation ou d'un pouvoir réglementaire suppose une habilitation par le
Parlement dans un champ préalablement défini par une loi organique ; elle est
donc fonction de la mise en oeuvre d'une procédure complexe, à l'issue toujours
incertaine, et, nous l'avons déjà dit, étroitement contrôlée par le Conseil
constitutionnel.
De surcroît, un amendement de la commission des lois tend à bien préciser que
le pouvoir réglementaire ne doit s'appliquer que « dans un nombre limité de
matières relevant du domaine de la loi ». S'il est adopté, cet amendement va
encore réduire un peu plus la portée du dispositif. Tout cela a de quoi rendre
plutôt sceptique sur la portée réelle de ce que l'on nous propose et ne saurait
trop tempérer l'optimisme dont certains font preuve !
Par ailleurs, une incertitude plane sur la nature de la collectivité qui peut
se substituer au département et à la région et qui peut faire cesser le système
de région mono-départementale actuel. Peut-on la considérer comme une
collectivité à statut particulier, pouvant disposer de compétences plus larges
que celles des deux collectivités qu'elle remplace ainsi que d'une organisation
particulière ? Il serait quand même curieux que, en la matière, on puisse
considérer comme anormal pour les départements d'outre-mer ce qui est normal
pour la Corse !
J'en arrive à me demander si le degré de spécificité et la force de l'identité
se mesurent au niveau de violence constaté dans un territoire... On peut
réellement se poser la question !
Cet article 73 soulève un autre problème. Comme je l'ai déjà souligné, il ne
fait aucune place à l'initiative locale au début d'une procédure d'évolution
institutionnelle tendant à créer une assemblée unique ou une collectivité
unique nouvelle. J'ai donc déposé un amendement qui vise à reconnaître un tel
pouvoir d'initiative aux élus des deux assemblées locales. Ce pouvoir leur
avait, d'ailleurs, déjà été reconnu par la loi d'orientation pour
l'outre-mer.
Cela dit, je tiens à souligner de nouveau un élément très positif :
l'inscription, dans la Constitution, de la possibilité, pour les seules
populations concernées, de se prononcer sur tout changement institutionnel
notable. Je m'étais beaucoup battu pour faire inscrire un tel dispositif dans
la loi d'orientation. Je signale, au passage, que ma proposition avait été
combattue par plus de quatre-vingts de nos collègues dont il est inutile de
préciser l'appartenance politique : ils se reconnaîtront...
Je me félicite d'autant plus de cette inscription, aujourd'hui, dans la
Constitution, que la disposition apporte des garanties supplémentaires aux
citoyens concernés, dans les conditions que le Sénat a examinées
précédemment.
Je déplore, toutefois, que les procédures prévues par le présent dispositif ne
permettent plus aux populations de se prononcer sur un projet global. Il est
prévu de les consulter uniquement sur des cadres institutionnels dont elles
découvriront le contenu par la suite, ou bien sur une mesure qu'elles n'auront
pas demandée, à savoir la transformation en territoires d'outre-mer.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 26, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 73 de la Constitution :
« Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements
sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant
aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. »
Le sous-amendement n° 270, présenté par MM. Lise, Peyronnet, Bel, Charasse et
Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche,
Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée,
est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 26 pour le
premier alinéa de l'article 73 de la Constitution, remplacer les mots : "tenant
aux" par les mots : "et de mesures spécifiques nécessitées par les". »
L'amendement n° 117, présenté par MM. Larifla, Othily et Désiré, est ainsi
libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de
la Constitution, après les mots : "et les régions d'outre-mer,", insérer les
mots : "et dans les collectivités territoriales qui se substitueraient aux uns
et aux autres,". »
L'amendement n° 159 rectifié, présenté par MM. Lise, Peyronnet, Bel, Charasse
et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche,
Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée,
est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de
la Constitution, remplacer les mots : "sous réserve d'adaptations tenant à" par
les mots : "sous réserve d'adaptations et de mesures spécifiques nécessitées
par". »
La parole à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 26.
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer une ambiguïté dans la mesure
où la rédaction du projet de loi semble subordonner l'application des lois et
règlements à des adaptations. C'est la raison pour laquelle il convient de
préciser que « les lois et règlements sont applicables de plein droit »,
nonobstant les possibilités d'adaptations « tenant aux caractéristiques et
contraintes particulières de ces collectivités ».
M. le président.
La parole est à M. Claude Lise, pour défendre le sous-amendement n° 270.
M. Claude Lise.
Il s'agit de reprendre, comme je l'avais annoncé tout à l'heure, complètement
et non pas seulement partiellement, la formulation de l'article 299-2 du traité
d'Amsterdam.
En effet, ce que l'on a retenu, dans la rédaction de cet article, c'est-à-dire
les termes « caractéristiques et contraintes particulières », en lieu et place
des « situations particulières », n'est pas ce qui donne le plus de portée à
l'article 73.
L'article 299-2 du traité d'Amsterdam prévoit que le Conseil « arrête les
mesures visées au deuxième alinéa » - alinéa qui renvoie aux « mesures
spécifiques » - « en tenant compte des caractéristiques et contraintes
particulières des régions ultrapériphériques ».
Cette formulation me paraît bien meilleure si l'on veut vraiment faire en
sorte que le Conseil constitutionnel ne se sente pas fondé à interpréter le
nouvel article 73 comme il a malheureusement toujours interprété le précédent,
c'est-à-dire de façon extrêmement restrictive.
M. le président.
La parole est à M. Dominique Larifla, pour défendre l'amendement n° 117.
M. Dominique Larifla.
Cet amendement vise à préciser le régime législatif de la collectivité
territoriale unique, créé en application du dernier alinéa de l'article 73 de
la Constitution, en levant toute ambiguïté qui pourrait subsister de la
rédaction actuelle du projet de loi.
M. le président.
La parole est M. Claude Lise, pour défendre l'amendement n° 159 rectifié.
M. Claude Lise.
J'ai défendu cet amendement de repli en présentant tout à l'heure le
sous-amendement n° 270, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
La rédaction du sous-amendement n° 270 est lourde et
n'apporte rien par rapport au texte du projet de loi. C'est pourquoi la
commission a émis un avis défavorable, ainsi que sur l'amendement n° 159
rectifié des mêmes auteurs.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 26.
En revanche, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 270, car il
considère que les mesures sont incluses dans les adaptations : on ne peut
adapter sans prendre de mesures !
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 270.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 26.
(L'amendement est adopté.).
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s 117 et 159 rectifié n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 160 rectifié, présenté par MM. Lise, Peyronnet, Bel, Charasse
et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche,
Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée,
est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du deuxième alinéa du texte proposé par cet
article pour l'article 73 de la Constitution :
« Ces adaptations et mesures spécifiques nécessitées par leurs
caractéristiques et contraintes particulières peuvent... »
Cet amendement est également sans objet, compte tenu du vote intervenu
précédemment.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 27, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Remplacer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 73 de la Constitution par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités,
les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées par la
loi à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un
nombre limité de matières relevant du domaine de la loi.
« Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les
garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes,
l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique
étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et
les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être
précisée et complétée par une loi organique. »
Le sous-amendement n° 236, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé
:
« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 27 pour
remplacer le troisième alinéa de l'article 73 de la Constitution, remplacer le
mot : "relevant" par les mots : "pouvant relever". »
Le sous-amendement n° 107, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Après les mots : "Ces règles ne peuvent porter sur", rédiger comme suit la
fin de la première phrase du second alinéa du texte proposé par l'amendement n°
27 : "les matières qui, par nature et par nécessité, relèvent de la
souveraineté nationale et de l'Etat.". »
L'amendement n° 85 rectifié, présenté par M. Virapoullé, Mme Payet, M. Hyest
et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 73 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition n'est pas applicable au département et à la région de la
Réunion. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 27.
M. René Garrec,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence par rapport à
l'amendement n° 31, adopté à l'article 9.
M. le président.
La parole est Mme la ministre, pour présenter le sous-amendement n° 236.
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Le Gouvernement souhaite modifier la rédaction proposée pour le
troisième alinéa de l'article 73 afin de ne pas limiter la compétence dévolue
aux assemblées locales au seul domaine législatif. Il s'agit de l'étendre
également au domaine réglementaire de l'Etat.
M. le président.
La parole est M. Michel Charasse, pour défendre la sous-amendement n° 107.
M. Michel Charasse.
Je n'insiste pas sur le sous-amendement n° 107, identique à un amendement qui
a été précédemment rejeté, dans sa rédaction comme dans sa forme,
d'ailleurs.
Cependant, au passage, je voudrais faire observer que je ne sais pas où se
trouve la mention du pouvoir réglementaire dans le sous-amendement n° 236 du
Gouvernement. Je vois que cela concerne les matières pouvant relever du domaine
de la loi, mais il n'est pas question du domaine réglementaire, contrairement à
ce que pourrait laisser entendre le commentaire de Mme Girardin.
M. le président.
Le sous-amendement n° 107 est retiré.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour présenter l'amendement n° 85
rectifié.
M. Jean-Paul Virapoullé.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais
solliciter votre attention et votre soutien sur cet amendement qui revêt une
importance essentielle - et je pèse mes mots - pour nos compatriotes de l'île
de la Réunion.
Cet amendement nous paraît justifié. En effet, il prend sa source dans des
déclarations importantes puisqu'elles proviennent du chef de l'Etat. Dans deux
discours, l'un à Madiana, l'autre à l'île de la Réunion, le Président de la
République a déclaré : « L'heure des statuts uniformes est passée. Il n'y a
plus aujourd'hui de formule unique qui réponde efficacement aux attentes
variées des différentes collectivités d'outre-mer. Chacune d'entre elles doit
être libre de définir, au sein de la République, le régime le plus conforme à
ses aspirations et à ses besoins, sans se voir opposer un cadre rigide et
identique. »
Dans son projet pour l'outre-mer, M. le Président de la République a
clairement exprimé que chaque collectivité avait le droit au respect de sa
liberté de choix, qu'à cet égard la Réunion avait choisi de rester dans son
statut départemental actuel et que ce choix devait être respecté.
Cet amendement a en outre une réelle légitimité. Ma collègue Anne-Marie Payet
et moi-même avons été candidats aux élections sénatoriales voilà un an. A cette
occasion, nous avons pris des engagements devant les grands électeurs qui
représentent la population. Nous avons incité la population réunionnaise à
voter pour nous en lui promettant de défendre la Réunion dans son statut actuel
et - je reprends les termes de notre engagement - de « verrouiller la Réunion
dans le statut de l'article 73 de la Constitution. »
N'étant pas de ceux qui trahissent leurs engagements, nous sollicitons le
soutien du Sénat pour accomplir cette mission qui nous a été confiée par plus
de la moitié des grands électeurs, puisque notre liste a remporté deux sièges
sur trois.
Les conséquences seront importantes. Dans l'article 73 de la Constitution, la
volonté du Président de la République est clairement exprimée. Nous aurons
droit à l'assimilation adaptée en fonction de nos contraintes et de nos
caractéristiques particulières. Le champ d'adaptation sera beaucoup plus
important qu'il ne l'était dans le précédent article.
En outre, l'alinéa 2 de l'article 73 va nous donner, dans les matières
réglementaires, la possibilité d'adapter toutes les lois qui relèvent de nos
compétences, soit pour le conseil général, soit pour le conseil régional. Nous
sommes favorables à cette possibilité, qui est énorme. Si vous additionnez les
compétences du conseil régional et celles du conseil général, vous obtenez une
liste importante de responsabilités.
Comme nous sommes des paysans, nous sommes prudents. Nous disons « oui » à
l'assimilation adaptée, « oui » au champ de compétences nouvelles ouvert grâce
à l'alinéa 2. Mais lorsqu'on nous propose de délibérer aussi dans les matières
qui relèvent de la loi, la loi étant votée par le Parlement, ...
M. Michel Charasse.
Jusqu'à nouvel ordre !
M. Jean-Paul Virapoullé.
... en paysans prudents, nous disons « non, nous ne voulons pas ».
Telles sont les justifications qui nous permettent de demander au Sénat
d'adopter notre amendement.
Je le rappelle, la Réunion est un département français éloigné de 9 800
kilomètres de la métropole. Un container destiné à la fabrication de produits
doit accomplir un véritable parcours du combattant et franchir 9 800
kilomètres, le produit exporté refaisant ces 9 800 kilomètres en sens inverse.
Un touriste doit parcourir la même distance, dans les deux sens.
De plus, notre environnement est hostile ; nous sommes entourés d'un océan de
misère.
La prudence que nous faisons valoir ne tient pas seulement à Jean-Paul
Virapoullé ou à Anne-Marie Payet ; elle est recommandée par la population
réunionnaise. En effet, lorsque les Réunionnais se rendent à Paris, ils doivent
survoler l'Afrique. Or, une pensée m'anime souvent lorsque je traverse ces
pays. Au moment où l'hôtesse de l'air range les plateaux-repas à moitié
consommés, quel gaspillage, me dis-je, alors que, sous cet avion, des milliers
d'enfants meurent de faim, des millions de gens n'ont ni de quoi manger ni de
quoi boire !
Voilà qui inspire la prudence à la Réunion : nous sommes favorables à la
départementalisation adaptée, à des mesures dans le domaine réglementaire de
nos compétences, mais nous demandons à la représentation nationale de faire
droit à notre souhait de prudence. Nous ne voulons pas ouvrir une brèche dans
le domaine législatif hors de nos compétences. Nous préférons la stabilité
institutionnelle et la sécurité juridique parce que ce sont deux fondements
essentiels au décollage économique de notre département et à la paix sociale.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Monsieur Virapoullé, votre amendement nous pose un problème !
La commission a émis un avis de sagesse très favorable sur votre texte, dans la
mesure où il viendrait modifier l'amendement n° 27. Ce serait plus logique.
M. le président.
Monsieur Virapoullé, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur de
transformer l'amendement n° 85 rectifié en un sous-amendement n° 85 rectifié
bis
à l'amendement n° 27 de la commission ?
M. Jean-Paul Virapoullé.
Oui, monsieur le président, l'essentiel est qu'il soit voté ! Qu'importe le
flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 85 rectifié
bis
, présenté
par M. Virapoullé, Mme Payet, M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste, ainsi libellé :
« Compléter le texte de l'amendement n° 27 par un alinéa ainsi rédigé :
« La disposition prévue aux deux précédents alinéas n'est pas applicable au
département et à la région de la Réunion. »
Quel est donc l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
La commission émet un avis de sagesse très favorable sur le
sous-amendement n° 85 rectifié
bis
.
Elle est par ailleurs favorable au sous-amendement n° 236.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 27 de la
commission.
S'agissant du sous-amendement n° 85 rectifié
bis
, le Gouvernement s'en
remet à la sagesse du Sénat.
Je voudrais tout d'abord dire à M. Virapoullé qu'il a eu la sagesse de ne pas
suivre certains qui, de façon irrationnelle, souhaitaient exclure la Réunion de
l'article 73 de la Constitution pour qu'elle soit assimilée à un département de
la métropole. Quelle régression économique et sociale !
Vous le savez bien, cela aurait signifié la fin de la défiscalisation et de
l'exonération des charges sociales pour les entreprises réunionnaises.
Finalement, une obligation constitutionnelle m'aurait imposé d'exclure la
Réunion de la loi de programme sur quinze ans que je prépare. Monsieur le
sénateur, je tiens à vous féliciter de ne pas avoir cédé aux pressions et même
à une démagogie un peu suspecte.
Toutefois, vous souhaitez priver la Réunion d'une possibilité - j'insiste sur
le fait qu'il s'agit d'une simple possibilité - de fixer des règles à sa
demande - et non pas à celle de l'Etat -, dans un nombre limité de matières qui
relèvent normalement du domaine de la loi, et ce pour répondre à une situation
spécifique de votre île.
Je tiens tout de même à préciser que, par cet article 73-3, il s'agit ni plus
ni moins pour le Gouvernement d'appliquer, sur un plan national, la possibilité
de déroger au droit communautaire permise par l'article 299-2 du traité
d'Amsterdam que vous connaissez bien, monsieur le sénateur, et pour la pleine
application duquel vous avez été chargé par le Gouvernement d'une mission
parlementaire.
Cette possibilité que nous prévoyons à l'article 73-3 est très encadrée.
Alors même que je suis saisie par plusieurs élus réunionnais très attachés au
département - je le répète, il n'est en rien remis en cause par cette réforme
et voit au contraire son statut consolidé -, qui souhaitent de telles
dérogations dans certains secteurs où les lois, même adaptées, sont souvent en
décalage complet avec les réalités locales, le Gouvernement considère qu'une
telle exclusion de la Constitution pourrait s'avérer, un jour, préjudiciable
aux intérêts de la Réunion.
Il estime, en effet, que la loi organique de décentralisation qui sera
préparée après l'adoption de cette révision constitutionnelle, selon une
procédure solennelle d'adoption, peut suffire à exclure un département et une
région d'outre-mer de la possibilité ainsi ouverte par l'article 73, alinéa 3,
de la Constitution.
Cette loi organique encadrera d'ailleurs suffisamment la procédure en
ajoutant, le cas échéant, d'autres matières à la liste de celles qui ne peuvent
pas faire l'objet d'une habilitation, en précisant, comme elle le fera pour
l'expérimentation de droit commun, les conditions d'exercice de ces
habilitations.
Je considère donc que ce sous-amendement peut être une source de rigidité un
peu excessive, car, une fois que cette limitation sera inscrite dans la
Constitution, il ne sera plus possible de la modifier sans réviser à nouveau la
Constitution.
En outre, je signale que la procédure de l'expérimentation de l'article 72
n'est pas forcément une alternative, puisqu'elle a un effet transitoire et
qu'au terme de l'expérimentation elle est soit généralisée, soit stoppée. Or,
je ne suis pas sûre que cela réponde aux besoins de la Réunion.
Pour illustrer mon propos, je vais prendre un exemple précis. Vous savez que
la Réunion a une spécificité, liée à la présence, sur son territoire, d'un
volcan en activité. Il se peut qu'un jour les Réunionnais souhaitent mettre en
place une réglementation spécifique en matière d'environnement ou d'aménagement
du territoire liée à ces éruptions volcaniques. Le sous-amendement qui vous est
proposé, à l'évidence, les en empêchera.
La Réunion ne pourra pas davantage expérimenter une telle réglementation
puisque, sauf à constater que les volcans d'Auvergne reprennent subitement de
l'activité,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Cela se peut !
Mme Brigitte Girardin
ministre.
... cette expérimentation ne serait pas généralisable à
l'ensemble du territoire français. Tels sont les quelques éléments que je
souhaitais porter à votre réflexion.
Toutefois, je tiens à préciser que, si ce sous-amendement est adopté, il ne
constituera en rien, comme j'ai pu le lire dans certains articles de la presse
réunionnaise, une censure du minstre que je suis ou du gouvernement que je
représente. Si les Réunionnais souhaitent se priver d'une telle possibilité,
c'est leur droit le plus strict. Je tiens à redire ici qu'ils sont des Français
responsables, méritant notre confiance et notre respect ; leur choix doit être
respecté.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 236.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote sur le
sous-amendement n° 85 rectifié
bis
.
Mme Anne-Marie Payet.
Personne au sein de cette assemblée ne se sera étonné que j'ai cosigné ce
sous-amendement. Je vous propose, mes chers collègues, de nous apporter votre
soutien, au nom du respect de la volonté clairement exprimée et maintes fois
réaffirmée des Réunionnais, qui souhaitent vivre dans un climat de paix
institutionnelle et de sécurité juridique.
Oui au principe d'assimilation législative adaptée, qui a fait tant de bien à
la Réunion, non au principe de spécialité législative, tel est le sens de ce
sous-amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault.
Le groupe de l'Union centriste apporte son soutien à la proposition de M.
Virapoullé.
Vous l'avez rappelé, madame le ministre, dans ce projet de loi
constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, le
Gouvernement a choisi une méthode adaptée à l'outre-mer. Pour le
sous-amendement n° 85 rectifié
bis
, il a souhaité s'appuyer sur la
sagesse du Sénat, et les membres du groupe de l'Union centriste l'en
remercient.
Je suis sûre que la Haute Assemblée adoptera ce sous-amendement, conformément
au souhait de nos Amis réunionnais, pour lesquels l'intégration à la nation et
à l'Europe passe inéluctablement par le maintien du statut départemental.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Le sous-amendement de M. Virapoullé et de ses collègues ne me gêne en aucune
façon. Je ferai seulement remarquer qu'en début de semaine on parlait grande
surface, grand bazar et supermarché ; maintenant, c'est fromage ou dessert !
C'est le self-service, mais ce n'est pas très grave !
M. Michel Mercier.
C'est la République !
M. Michel Charasse.
Je relève que Mme le ministre a dit tout à l'heure, avec beaucoup de
sincérité, « je n'ai pas le droit de vous censurer ». Madame le ministre,
rassurez-vous, quand ce débat sera fini, vous n'aurez plus le droit de faire
quoi que ce soit où que ce soit, si ce n'est de signer des mandats et des
chèques !
M. le président.
Vous êtes un peu dur !
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas faux !
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret.
Après vos explications, madame la ministre, j'avoue que j'ai du mal à
comprendre que vous vous en remettiez, sur ce sous-amendement, à la sagesse du
Sénat. Pouvons-nous raisonnablement accepter, en effet, que notre Constitution
comporte demain une disposition particulière visant à exclure un département,
la Réunion, du bénéfice de la disposition prévue au troisième alinéa ? Alors
que la réforme constitutionnelle dont nous débattons a vocation à durer, je
trouve l'argument un peu léger !
Par ailleurs, M. Virapoullé parle au nom de tous les Réunionnais, mais - vous
connaissez la situation dans ce département - il n'est représentatif ni de
l'ensemble des élus ni de l'ensemble de la population.
Attention donc à ne pas suivre aveuglément M. Virapoullé. Ne privons pas la
Réunion du bénéfice d'une telle disposition.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Masson.
Le sous-amendement de M. Virapoullé témoigne d'un certain bon sens et d'une
très grande prudence. Je le soutiens donc sans réserve.
Ce sous-amendement devrait d'ailleurs peut-être nous amener à réfléchir sur la
nécessité d'adopter une prudence globale sur tous les textes que nous
examinons, car je me demande si nous n'allons pas un peu loin s'agissant de
l'outre-mer.
M. le président.
La parole est à M. Dominique Larifla, pour explication de vote.
M. Dominique Larifla.
Nous avions souhaité que la collectivité unique qui se substituerait
éventuellement à un département ou à une région demeure régie par l'article 73
de la Constitution, étant entendu que si la substitution devait se faire par
étape on devrait prendre le temps de les franchir. C'est pourquoi nous
approuvons l'esprit qui sous-tend ce sous-amendement, lequel en dépit de
certaines confusions que nous avons eu l'occasion de souligner, a le mérite de
rendre possible - et non pas obligatoire - une évolution statutaire, dans le
respect de la volonté des électeurs.
Toutefois, M. Virapoullé, pour qui j'ai beaucoup de sympathie, semble préjuger
la volonté démocratique présente et surtout future des habitants de la Réunion
en figeant le statut de l'île.
C'est la raison pour laquelle, malgré l'admiration que je porte à M.
Virapoullé, à titre personnel et au nom de mes collègues radicaux de gauche
membres du RDSE, je voterai contre le sous-amendement.
M. le président.
La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard.
L'occurrence est tout à fait exceptionnelle, et elle me laisse ému en même
temps que perplexe !
Je me réfère à un grand homme que j'ai servi et que vous avez bien connu,
monsieur le président, Edgar Faure, qui avait quelques principes, au nombre
desquels celui-ci : il faut donner aux gens ce qu'ils demandent, ce qui veut
dire non pas qu'il faut leur donner tout ce qu'ils demandent, mais qu'il ne
faut pas leur proposer autre chose.
M. Virapoullé, avec beaucoup d'éloquence, a clairement pris ses
responsabilités. Je voterai le sous-amendement en sachant qu'il en est à la
source.
M. le président.
Vous en imputez donc la responsabilité à M. Virapoullé !
M. Jean-Paul Virapoullé.
Je l'accepte !
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 85 rectifié
bis
.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'Union
centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 232 |
Majorité absolue des suffrages | 117 |
Pour l'adoption | 188 |
Contre |
44 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
Je mets aux voix l'amendement n° 27, modifié.
(L'amendement est adopté.)
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président.
L'amendement n° 105, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Au quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de la
Constitution, remplacer les mots : "sont décidées" par les mots : "peuvent être
décidées". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Fidèle à la ligne qui est la mienne dans cette affaire, j'estime que le
Gouvernement et le Parlement ne sauraient être des notaires muets chargés
d'exécuter sans broncher les décisions ou les souhaits émis localement, quels
que soient ceux-ci.
C'est pourquoi, je propose qu'au quatrième alinéa du texte présenté pour
l'article 73 de la Constitution les mots : « sont décidées » soient remplacés
par les mots : « peuvent être décidées », le Parlement et le Gouvernement
faisant ce qu'ils veulent.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Une loi organique doit prévoir les conditions dans lesquelles
de telles habilitations interviendront. Celles-ci ne sont donc pas
automatiques. La commission émet, par conséquent, un avis défavorable sur
l'amendement n° 105.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Défavorable.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
S'il s'agit de considérer que l'alinéa visé constate que les habilitations ne
pourront intervenir que par une loi organique, et pas autrement, cet amendement
n'a plus d'objet.
M. René Garrec,
rapporteur.
C'est bien cela !
M. Michel Charasse.
Puisque M. le rapporteur me confirme que c'est le cas, je retire mon
amendement.
M. le président.
L'amendement n° 105 est retiré.
L'amendement n° 28, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 73 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée : "Elles ne
peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice
d'une liberté publique". »
Le sous-amendement n° 108, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 28, après les mots : "sont en
cause", insérer les mots : "le principe d'égalité des citoyens et". »
La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 28.
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement tend à interdire les possibilités d'adaptation
et de réglementation par les collectivités régies par l'article 73 de la
Constitution dans le domaine de la loi lorsque sont en cause les conditions
essentielles d'exercice d'une liberté publique. En effet, de telles précisions
étant prévues à l'article 72 de la Constitution relatif à l'expérimentation
locale, il paraît anormal que les garanties soient moindres s'agissant cette
fois de dispositions qui seront pérennes.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre le sous-amendement n°
108.
M. Michel Charasse.
Je propose de compléter l'amendement n° 108 présenté par M. le
président-rapporteur, qui vise les conditions essentielles d'exercice des
libertés publiques, par le principe d'égalité des citoyens. Encore que je ne
sache plus s'il est vraiment applicable outre-mer... Je ne sais d'ailleurs pas
non plus s'il est toujours applicable en métropole
(Sourires),
mais,
s'agissant de l'outre-mer, je crois qu'il doit être applicable à certaines
catégories de la population, mais pas forcément à toute la population !
Je pense en tout cas qu'il vaudrait mieux avouer clairement les choses !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 108 ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Les possibilités d'adaptation et de réglementation ouvertes
aux assemblées locales visent précisément à contrôler le respect du principe
d'égalité. L'encadrement prévu par l'amendement n° 28 lui paraissant suffisant,
la commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 108.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Le Gouvernement considère que l'amendement n° 28 n'est pas
forcément utile, cependant il s'en remet à la sagesse du Sénat. Sur le
sous-amendement de M. Charasse, il émet un avis défavorable.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur le
sous-amendement n° 108.
M. Michel Charasse.
Cette discussion est très utile puisque, subitement, le principe d'égalité
vient de faire sa réapparition ! Tantôt il est dans le noir, tantôt il est dans
le blanc...
Cela étant, comme la loi organique garantira le respect du principe d'égalité,
je retire mon sous-amendement.
M. le président.
Le sous-amendement n° 108 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 28.
(L'amendement est adopté).
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 161 rectifié
quater,
présenté par MM. Lise, Peyronnet,
Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat,
Frécon, Lagauche, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe
Socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Remplacer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article
73 de la Constitution par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Une assemblée délibérante unique, commune à un département et à une région
d'outre-mer peut être instituée par la loi à la demande des élus des deux
collectivités concernées.
« Une collectivité territoriale à statut particulier se substituant à un
département et à une région d'outre-mer peut être créée par la loi à la demande
des élus des deux collectivités concernées.
« Les modalités selon lesquelles la demande des élus des deux collectivités
concernées est recueillie sont définies par la loi.
« L'institution de l'assemblée délibérante unique et la création de la
collectivité à statut particulier, prévue aux alinéas précédents ne peuvent
intervenir sans que le consentement des électeurs des collectivités concernées,
convoqués par le Président de la République sur proposition du Gouvernement,
ait été préalablement recueilli. »
L'amendement n° 29 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de
la Constitution, remplacer la référence : "72-3" par la référence : "72-4".
»
L'amendement n° 106, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 73 de
la Constitution, remplacer les mots : "le consentement" par les mots :
"l'avis". »
La parole est à M. Claude Lise, pour défendre l'amendement n° 161 rectifié
quater.
M. Claude Lise.
Cet amendement vise à confirmer un acquis fondamental obtenu dans le cadre de
la loi d'orientation pour l'outre-mer et qui consiste à privilégier
l'initiative locale en matière d'évolutions institutionnelles. Les élus locaux
sont particulièrement attachés au respect de ce pouvoir d'initiative qui leur a
été reconnu et qu'ils ont eu l'occasion d'utiliser à l'occasion des congrès des
élus départementaux et régionaux qui se sont tenus en Guadeloupe, en Guyane et
en Martinique dans les formes prévues par la loi - j'y insiste, car cela donne
une certaine légitimité à ces congrès, dont on doit tenir compte.
Cela étant, l'amendement n° 161 rectifié
quater
ne fait pas
expressément référence aux congrès, malgré les motions qui émanent de nos
assemblées locales. Je propose simplement que l'on inscrive dans la
Constitution qu'une évolution institutionnelle pourra résulter d'une initiative
des élus locaux, lesquels sont, me semble-t-il, à même de connaître les
souhaits de la population.
Je trouve assez paradoxal que, dans le cadre d'une réforme constitutionnelle
visant à renforcer la décentralisation, on « centralise » l'initiative en
matière d'évolutions institutionnelles. Cela dit, nous nous trouvons, d'une
manière générale, dans une situation paradoxale : demain, à mon retour en
Martinique, je ferai part aux élus locaux réunis de propos assez ahurissants
que j'ai entendus dans cet hémicycle.
En effet, alors que l'on se montre, sur certaines travées, très audacieux
quand il s'agit de l'Hexagone - on est prêt à octroyer des statuts particuliers
à l'Alsace, à la Moselle, etc.
(M. Daniel Hoeffel s'étonne)
-, j'entends
dire qu'il serait extrêmement dangereux de faire de semblables propositions
pour l'outre-mer. Il semble que nos situations soient moins spécifiques, qu'il
n'y ait chez nous ni problèmes d'identité, ni aspirations particulières ... Une
fois de plus se manifestent, à mon sens, le vieil esprit conservateur et
l'incompréhension des vrais problèmes de l'outre-mer.
Je signale que le Gouvernement adopte quand même une position plus avancée que
celle des sénateurs qui le soutiennent. Je reconnais qu'il y a au moins une
tentative d'ouverture, même si de nombreux verrous subsistent. Il est toutefois
assez ahurissant d'entendre encore des propos selon lesquels aucune adaptation
ne serait nécessaire dans ces régions qui sont tout de même assez lointaines et
qui présentent de nombreuses spécificités !
C'est là une erreur, comme est erronée cette vision perpétuellement
pessimiste, à courte portée et de nature toujours comptable, soumise à un
prisme budgétaire. On a toujours l'impression, lorsque l'on entend parler de
nos départements, que ceux-ci ne présentent que des handicaps. On ne voit pas
leurs atouts, or je ne pense pas que l'on puisse faire de grande politique en
adoptant un point de vue aussi limité.
(Applaudissements sur les travées du
groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 29
rectifié.
M. René Garrec,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre l'amendement n° 106.
M. Michel Charasse.
Je m'obstine à considérer que les populations ne peuvent être consultées que
pour avis et qu'une section du peuple ne peut pas s'attribuer l'exercice de la
souveraineté nationale. Je persisterai jusqu'au bout et je résiste d'ailleurs
de moins en moins au plaisir de voir cette assemblée piétiner
consciencieusement la souveraineté nationale...
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 161 rectifié
quater
et 106 ?
M. René Garrec,
rapporteur.
L'amendement n° 161 rectifié
quater
va à l'encontre de
la position de la commission, qui privilégie le rôle de la représentation
nationale et des électeurs. Subordonner la mise en oeuvre d'une telle faculté à
une demande des élus concernés risquerait d'empêcher toute réforme et
remettrait en cause les prérogatives du Parlement.
M. Michel Charasse.
Il a encore des prérogatives ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Ce dernier pourra, bien évidemment, consulter les assemblées
délibérantes.
De plus, une telle disposition est de nature politique et ne nous semble pas
avoir sa place dans la Constitution.
En ce qui concerne l'amendement n° 106, la commission y est défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
S'agissant de l'amendement n° 161 rectifié
quater
, que
les choses soient bien claires : le Gouvernement n'entend nullement engager une
éventuelle procédure d'évolution institutionnelle dans un département
d'outre-mer sans un large accord des forces politiques locales. Une telle
démarche consensuelle est d'ailleurs la seule qui soit envisageable.
Il n'entre donc pas dans les intentions du Gouvernement de présenter une
solution « clés en main » et de régler ainsi les problèmes rencontrés par
chaque collectivité territoriale. On a vu, par le passé, que de telles
démarches pouvaient quasiment provoquer des crises : je pense notamment à la
bidépartementalisation de la Réunion et à toutes les conséquences qu'elle a pu
entraîner.
Pour autant, la démarche consensuelle qui doit être propre à chaque
collectivité territoriale est un processus purement politique qui ne doit pas
être rigidifié dans la Constitution au risque de se priver de la souplesse
nécessaire. L'exemple de la Guyane le montre bien : les élus sont associés au
processus de réflexion statutaire, naturellement, mais également les forces
politiques représentatives et les forces vives.
Le Gouvernement souhaite donc conserver une certaine souplesse et n'inscrire
dans la Constitution que l'essentiel, c'est-à-dire la garantie que le processus
d'évolution institutionnelle sera ratifié par les électeurs.
Sur l'amendement n° 29 rectifié, le Gouvernement émet un avis favorable.
Quant à l'amendement n° 106, je suis désolée de vous dire, monsieur Charasse,
que je persiste moi aussi et que je continue de penser que nous devons
recueillir l'assentiment de la population, et non pas seulement son avis.
M. Michel Charasse.
Vous vous faites du mal, à terme !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 161 rectifié
quater
.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 106.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 10 ou après l'article 11
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 199, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 77 de la
Constitution, un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au
congrès de la Nouvelle-Calédonie, le tableau auquel se réfère l'accord
mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non
admises à participer à la consultation prévue à cet article. »
« II. - Les titres XIV, XV et XVI de la Constitution deviennent respectivement
les titres XV, XVI et XVII.
« III. - Le titre XIV de la Constitution est rétabli et intitulé :
"Dispositions relatives à la Polynésie française."
« IV. - Dans le titre XIV de la Constitution, il est rétabli un article 78
ainsi rédigé :
«
Art. 78
. - La Polynésie française se gouverne librement et
démocratiquement au sein de la République. Son autonomie et ses intérêts
propres de pays d'outre-mer sont garantis par un statut que définit la loi
organique après avis de l'assemblée de la Polynésie française ; ce statut
détermine les compétences de l'Etat qui sont transférées aux institutions de la
Polynésie française, l'échelonnement et les modalités de ces transferts ainsi
que la répartition des charges résultant de ceux-ci.
« Ces transferts ne peuvent porter, sous réserve des compétences déjà exercées
en ces matières par la Polynésie française, sur la nationalité, les garanties
des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, l'organisation
de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures,
la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les charges.
« La loi définit également :
« - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la
Polynésie française et notamment les conditions dans lesquelles certaines
catégories d'actes de l'assemblée délibérante, ayant le caractère de lois du
pays, pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil
constitutionnel ;
« - les conditions dans lesquelles le délégué du gouvernement a la charge des
intérêts nationaux et du respect des lois ;
« - les règles relatives à la citoyenneté polynésienne et aux effets de
celle-ci en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour
l'exercice d'une activité économique et d'accession à la propriété foncière
;
« - les conditions dans lesquelles la Polynésie française peut, par dérogation
au deuxième alinéa, être membre d'une organisation internationale, disposer
d'une représentation auprès des Etats du Pacifique et négocier avec ceux-ci,
dans son domaine de compétence, des accords dont la signature et l'approbation
ou la ratification sont soumises aux dispositions des articles 52 et 53. »
L'amendement n° 165, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution,
un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au
congrès de la Nouvelle-Calédonie, le tableau auquel se réfère l'accord
mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non
admises à participer à la consultation prévue à cet article. »
La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 199.
M. Robert Bret.
On l'aura compris, cet amendement vise à inscrire enfin dans la Constitution
les dispositions constitutionnelles qui ont été adoptées en 1999 par le Sénat
et par l'Assemblée nationale mais qui n'ont jamais été soumises au Congrès.
Le débat sur la question de la Polynésie française ayant eu lieu à l'occasion
de l'examen de l'article 9, je souhaite recentrer notre proposition sur le
premier paragraphe de notre amendement, relatif à la Nouvelle-Calédonie, et
donc rectifier mon texte en ce sens.
Ce premier paragraphe tend à préciser la définition du corps électoral pour
les élections au congrès et aux assemblées de Nouvelle-Calédonie. La
disposition présentée permet de satisfaire pleinement aux accords de Nouméa.
Il est regrettable que l'examen du texte de 1999 n'ait pu aboutir parce que
celui-ci était lié à un autre texte qui visait à réformer le Conseil supérieur
de la magistrature mais qui fut bloqué à l'époque.
Il est temps, aujourd'hui, de mettre un terme à cette attente en adoptant
notre proposition, qui, je le rappelle, avait recueilli l'accord des deux
assemblées.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n°
165.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Cet amendement ayant le même objet que le précédent, mon propos sera bref.
Il s'agit de clore définitivement le débat sur la composition du corps
électoral en Nouvelle-Calédonie pour les élections provinciales. La loi
organique de mars 1999 avait transcrit dans le droit positif les dispositions
de l'accord de Nouméa, qui avait été signé, en mai 1998, par les représentant
du Front de libération nationale kanak et socialiste, le FLNKS, par ceux du
Rassemblement pour la Calédonie dans la République, le RCPR, et par le Premier
ministre, M. Lionel Jospin. Conformément à cet accord, la loi organique a
limité le corps électoral appelé à voter lors de ces consultations
provinciales.
Il se trouve que le Conseil constitutionnel a méconnu l'interprétation donnée
par le législateur. Une procédure avait été entamée, qui n'était pas allée
jusqu'à son terme, à savoir l'inscription des dispositions dans une loi
constitutionnelle. Je vous propose, mes chers collègues, de procéder
aujourd'hui à cette inscription.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?
M. René Garrec,
rapporteur.
S'agissant de l'amendement n° 199, la commission a souscrit à
la philosophie du projet de loi constitutionnelle, qui tend à éviter un
émiettement du cadre constitutionnel de l'outre-mer. Elle ne peut accepter la
création d'un titre spécifique pour la Polynésie française.
Concernant la Nouvelle-Calédonie, elle estime inopportun d'inscrire dans la
Constitution une disposition relative au corps électoral restreint tant que la
Cour européenne des droits de l'homme ne se sera pas prononcée sur les recours
formés.
S'agissant de l'amendement n° 165, les deux assemblées avaient approuvé en
1999 la disposition présentée, mais il ne semble pas opportun aujourd'hui de
l'inscrire dans la Constitution, alors que les recours contestant le caractère
discriminatoire d'un corps électoral figé sont pendants devant la Cour
européenne des droits de l'homme.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
Comme l'a indiqué à l'instant M. le rapporteur, depuis la réforme de 1999, qui
n'avait pas abouti, la Cour européenne des droits de l'homme est saisie de la
question du droit électoral en Nouvelle-Calédonie par le biais d'une série de
recours individuels dirigés contre le refus d'inscription sur la liste
électorale spéciale pour l'élection du congrès des assemblées de province de
Nouvelle-Calédonie.
Le Gouvernement estime que la plus sûre façon d'aboutir à une condamnation
certaine de la France par la Cour européenne des droits de l'homme...
M. Michel Charasse.
Ah !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
... serait de tenter, à l'occasion de la réforme
constitutionnelle en cours, d'accentuer encore ce « gel » du corps électoral en
bloquant celui-ci, alors que ladite cour ne s'est même pas encore prononcée sur
la conformité à la convention européenne des droits de l'homme de la notion de
corps électoral restreint glissant.
Il convient donc d'attendre la décision de la Cour européenne. Je précise
qu'il n'y a pas d'urgence sur cette question, puisqu'elle ne commencera
réellement à se poser avec acuité qu'à partir de novembre 2008, date à laquelle
les électeurs installés en Nouvelle-Calédonie depuis novembre 1998 pourront
prétendre à l'électorat.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 199.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement
n° 165.
M. Michel Charasse.
Un accord local a été conclu en Nouvelle-Calédonie et il semble correspondre
aux souhaits de la population, mais on ne le suit pas. Cela veut donc dire que
l'on a décidé toute la journée que l'on suivrait pour tout le monde, sauf pour
la Nouvelle-Calédonie ! Je le signale au passage...
Par ailleurs, cette disposition vise à introduire ou à confirmer une
discrimination entre les citoyens. La discrimination sera possible partout dans
ce que l'on a voté toute l'après-midi, sauf en Nouvelle-Calédonie. De surcroît,
on apprend maintenant que la France risque d'être condamnée à cause des
discriminations en Nouvelle-Calédonie, alors que, toute l'après-midi, on a
étendu les discriminations à tout le monde. C'est-à-dire que nous venons de
mettre en place le dispositif qui peut nous faire condamner par la Cour
européenne. Donc, tout est parfait, tout va très bien, madame la Marquise !
(Sourires.)
J'ajoute qu'il n'y a pas de contradiction entre mes positions traditionnelles
en ce qui concerne l'amendement n° 165, dont je suis cosignataire. En effet
comme la Nouvelle-Calédonie c'est une situation transitoire avant
l'indépendance, ce n'est pas gênant de voter ce type de disposition, alors que
ce n'est pas le cas des autres départements et territoires d'outre-mer.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 165.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - Il est inséré au titre XII de la Constitution un article 74-1
ainsi rédigé :
«
Art. 74-1
. - Dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article
74 ainsi que par le titre XIII et pour les matières qui demeurent de la
compétence de l'Etat, le Gouvernement peut, après avis de l'assemblée
délibérante de ces collectivités, étendre par ordonnance, avec les adaptations
nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole,
sauf si elles en disposent autrement.
« Les règles du deuxième alinéa de l'article 38 sont applicables. Toutefois,
les ordonnances deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est
pas déposé devant le Parlement dans les six mois suivant leur publication. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 162, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 35, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour insérer un article
74-1 dans la Constitution :
«
Art. 74-1. -
Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74
et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, dans les matières qui demeurent
de la compétence de l'Etat, étendre par ordonnances, avec les adaptations
nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole,
sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en
cause, le recours à cette procédure.
« Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis des
assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d'Etat. Elles entrent en
vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l'absence de
ratification par le Parlement dans le délai d'un an suivant cette publication.
»
L'amendement n° 163, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74-1
de la Constitution, remplacer les mots : "si le projet de loi de ratification
n'est pas déposé devant le Parlement dans les six mois suivant leur
publication" par les mots : "si le projet de loi de ratification n'est pas
ratifié par le Parlement dans le délai d'un an". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n°
162.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Il s'agit purement et simplement de supprimer l'article 10, qui pose un
problème au regard des principes de la Constitution. La loi est votée par le
seul Parlement, son domaine est limité et les conditions dans lesquelles elle
peut habiliter le Gouvernement à agir dans le domaine législatif sont très
encadrées. En l'occurrence, ces conditions ne me semblent pas assurées. C'est
pourquoi le présent amendement vise à supprimer l'habilitation permanente
donnée par cet article au Gouvernement pour lui permettre, par ordonnance,
d'actualiser le droit applicable aux collectivités d'outre-mer régies par
l'article 74 de la Constitution.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 35.
M. René Garrec,
rapporteur.
L'article 74-1 vise à instaurer une délégation permanente en
faveur du Gouvernement pour procéder, par ordonnances, à l'actualisation du
droit applicable outre-mer.
Si une telle procédure peut permettre d'accélérer opportunément
l'actualisation du droit applicable outre-mer, elle opère cependant un
dessaisissement du législateur en amont, privant les collectivités d'outre-mer
d'une tribune pour contester, le cas échéant, le périmètre de
l'habilitation.
En outre, en l'absence de ratification expresse des ordonnances ainsi prises -
et je m'adresse surtout à notre collègue Michel Charasse - les dispositions
rendues applicables conservent une valeur simplement réglementaire et leur
régularité peut être mise en cause devant le juge de l'excès de pouvoir.
Cela présente l'inconvénient d'introduire la confusion dans la hiérarchie des
normes localement applicables et c'est préjudiciable à la sécurité juridique.
Ce risque contentieux est d'ailleurs susceptible d'affecter, par ricochet, la
loi métropolitaine que l'ordonnance a précisément pour objet d'étendre à
l'outre-mer.
Il apparaît donc primordial, pour assurer non seulement l'actualisation mais
également la sécurité juridique du droit applicable outre-mer, de prévoir une
ratification expresse des ordonnances en cause.
Notons, par ailleurs, que la rédaction du projet de loi présente
l'inconvénient de qualifier indirectement la Nouvelle-Calédonie de «
collectivité d'outre-mer ».
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n°
163.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Il s'agit d'un amendement de repli, aux termes duquel les ordonnances
deviendront caduques si le projet de loi de ratification n'est pas ratifié par
le Parlement dans un délai d'un an.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 162 et 163.
M. René Garrec,
rapporteur.
L'amendement n° 162 est contraire à l'amendement n° 35. On ne
peut à la fois déplorer l'existence d'un ordonnancement juridique à deux
vitesses en métropole et outre-mer et refuser toute procédure susceptible de le
rendre homogène.
La commission émet donc un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 163, il est satisfait par l'amendemement n° 35 qui
exige, à peine de caducité, une ratification expresse des ordonnances dans un
délai d'un an.
M. Michel Charasse.
Ça c'est bien !
M. René Garrec,
rapporteur.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Contrairement à ce que prétendent les auteurs de l'amendement
n° 162, l'article 74-1 de la Constitution n'organise pas un dessaisissement du
Parlement, qui pourra toujours étendre lui-même les dispositions législatives
aux collectivités d'outre-mer ou s'opposer à l'utilisation de la procédure des
ordonnances. En outre, les ordonnances ne peuvent porter que sur l'extension de
dispositions déjà votées par le Parlement. Cette procédure ne pourra donc pas
être utilisée pour procéder à l'adoption des dispositions législatives
innovantes.
Il faut rappeler que cette nouvelle procédure tend à mettre fin, comme l'a dit
la commission des lois, à une situation de droit à double vitesse préjudiciable
à nos concitoyens d'outre-mer et à renforcer ainsi la capacité de l'Etat à
exercer ses propres compétences. Elles ne s'appliquera qu'aux collectivités
soumises au principe de spécialité législative. Elle favorisera, en outre, une
meilleure prise en compte des avis des assemblées locales, qui pourront être
consultées, non seulement sur les dispositions d'extension d'un projet de loi,
mais également sur des dispositions d'extension d'une loi définitivement votée,
ce qui leur permettra d'émettre un avis en toute connaissance de cause.
S'agissant de l'amendement n° 35, le Gouvernement partage la préoccupation de
la commission des lois de voir aboutir aussi rapidement que possible la
ratification des ordonnances afin que ne perdure pas trop longtemps une
situation d'insécurité juridique. Il est, en outre, sensible à la bonne volonté
de la commission des lois qui a bien voulu approuver l'institution d'une
procédure aussi nouvelle. Il craint, cependant, que le délai d'un an imposé
pour une ratification qui sera désormais obligatoire ne soit trop bref, compte
tenu de l'encombrement de l'ordre du jour du Parlement, bien connu de nous
tous. C'est pourquoi, à titre principal, il s'oppose à l'amendement et souhaite
le maintien de son texte. Toutefois, dans le souci de répondre aux
préoccupations de la commission des lois et parce qu'il pourra s'appuyer sur
elle et sur l'intérêt constant de ses membres pour la modernisation du droit de
l'outre-mer, il se rallierait volontiers à l'amendement de la commission sous
réserve que le délai d'un an soit remplacé par un délai de deux ans.
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
En ce qui concerne l'amendement n° 163, le Gouvernement
souhaite le maintien du texte du projet de loi et la simple obligation de dépôt
d'un projet de loi de ratification des ordonnances, et, comme je viens de
l'indiquer, il se rallierait à un délai de ratification obligatoire de deux
ans.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 35 dans le
sens souhaité par Mme la ministre ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Je remercie le Gouvernement de reprendre l'esprit de notre
proposition.
Madame le ministre, un an, c'est peut-être trop court, deux ans, c'est trop
long ! Ne pourrait-on pas transiger à dix-huit mois ?
M. Hilaire Flandre.
Il faut couper la poire en deux !
M. René Garrec,
rapporteur.
Couper la poire en deux, c'est raisonnable.
M. Michel Charasse.
On a ratifié des directives européennes par paquet en cinq minutes !
M. le président.
Madame la ministre, le Gouvernement accède-t-il à la demande de M. le
rapporteur ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Dans un souci de compromis, j'y accède.
Un sénateur du RPR.
Très bien !
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Garrec, au
nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour insérer un article
74-1 dans la Constitution :
«
Art. 74-1
. - Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74
et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, dans les matières qui demeurent
de la compétence de l'Etat, étendre par ordonnances, avec les adaptations
nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole,
sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en
cause, le recours à cette procédure.
« Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis des
assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d'Etat. Elles entrent en
vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l'absence de
ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette
publication. »
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote sur l'amendement n°
162.
Mme Nicole Borvo.
J'interviendrai très brièvement, mais pour soutenir cet amendement. En effet,
madame la ministre, la distinction que vous faites entre légiférer, légiférer
de façon innovante et prolonger la législation ne me semble pas pertinente ;
c'est légiférer, quel que soit l'objet de la loi ! Or, selon moi, il est
contraire aux principes constitutionnels d'habiliter le Gouvernement à
légiférer par ordonnance
ad vitam aeternam
.
C'est pourquoi je soutiens l'amendement n° 162 ou, à défaut, l'amendement n°
163, car je ne crois pas que l'on puisse faire une distinction dans l'acte de
légiférer.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 162.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement
n° 35 rectifié.
M. Michel Charasse.
Je ne veux pas prolonger le débat, mais je souhaiterais que, à la faveur de la
navette, on puisse répondre à la question précise que je vais poser, à moins
que l'on puisse y répondre tout de suite.
Il s'agit, par ce texte - je dois d'ailleurs dire que le texte de la
commission des lois rectifié est bien meilleur que le texte du projet de loi,
et le groupe socialiste avait déjà fait une démarche en ce sens sur la question
de la ratification, mais passons -, d'accorder une délégation permanente au
pouvoir exécutif d'agir dans le domaine législatif dans toutes les matières qui
demeurent de la compétence de l'Etat, sauf dans le cas où une loi dirait le
contraire. Cela veut dire que, une fois ces nouvelles dispositions adoptées, la
délégation sera générale.
Or, mes chers collègues, je rappelle que, en application de l'article 41 de la
Constitution, une proposition ou un amendement formulés par les membres du
Parlement ne sont pas recevables s'ils portent sur une matière ayant fait
l'objet d'une délégation en matière d'ordonnance. Certes, à l'article 41, on
vise la délégation opérée en vertu de l'article 38, mais c'est une délégation
quasi analogue. Cela veut-il dire que cette interdiction pour le Parlement
d'intervenir dans le domaine qui fait l'objet de la délégation continue à ne
s'appliquer qu'aux ordonnances de l'article 38 ou s'appliquera aussi aux
ordonnances résultant de la délégation nouvelle ?
Je demande une réponse non pas tout de suite, mais d'ici à la fin de la
navette, car c'est quand même tout un pan de l'exercice du pouvoir législatif
et de l'initiative législative parlementaire qui ne pourrait plus s'exercer
dans un nombre infini de matières. Donc, s'il est entendu que l'exclusion de
l'article 41 ne concerne que les ordonnances de l'article 38, pas de problème.
En revanche, si on doit l'étendre à tout le reste, cela signifie que la
compétence parlementaire est quasiment supprimée pour l'outre-mer dans un
nombre incalculable de matières, ce qui n'est pas acceptable.
M. le président.
La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Je rappelle simplement à notre ami
Michel Charasse que l'article 41 est très clair : le dispositif n'est
applicable qu'aux seules délégations accordées en vertu de l'article 38 de la
Constitution, et donc pas aux délégations qui sont attribuées dans le cadre de
ce que nous sommes en train de discuter.
M. Michel Charasse.
Je préfère que ce soit précisé !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 163 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article additionnel après l'article 10
M. le président.
L'amendement n° 164, présenté par MM. Lise, Peyronnet et Bel, Mme Blandin, MM.
Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon,
Lagauche, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est
ainsi libellé :
« Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré au titre XII de la Constitution un article 74-2 ainsi rédigé
:
«
Art. 74-2
. - La loi détermine le régime législatif et l'organisation
particulière des Terres australes et antarctiques françaises. »
Cet amendement n'a plus d'objet.
Articles additionnels avant l'article 11
M. le président.
L'amendement n° 200, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré au titre V de la Constitution un article 43-1 ainsi rédigé
:
«
Art. 43-1. -
Chaque assemblée peut créer des commissions d'enquête
destinées à recueillir des éléments d'information sur des faits déterminés, sur
la gestion des services publics ou des entreprises nationales, ou sur
l'évaluation des politiques publiques. Elles ne peuvent se prononcer sur les
responsabilités personnelles encourues à l'occasion de faits donnant lieu à des
poursuites judiciaires.
« Les conclusions des commissions d'enquête font l'objet d'un débat en séance
publique, en présence du Gouvernement, deux mois au plus tard après le dépôt de
leur rapport.
« Une loi organique fixe les modalités de création des commissions d'enquête,
en particulier à l'initiative d'une minorité des membres de chaque assemblée.
Elle détermine également leurs règles de fonctionnement, leurs pourvoirs
d'investigation, ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être créé une
commission d'enquête commune à l'Assemblée nationale et au Sénat. Elle garantit
les droits des personnes entendues et le respect des procédures judiciaires.
»
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
Avant d'exposer l'amendement n° 200, je tiens à m'élever contre la manière
dont le Gouvernement et la commission des lois ont accueilli les amendements à
la Constitution qui ne portaient pas sur la rédaction initiale du projet de loi
- ce que l'on appelle plus communément des « articles additionnels ». Bien
souvent, ils ont été balayés d'un revers de main, comme vous vous apprêtez
certainement à le faire pour celui-ci.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est la règle habituelle !
M. Robert Bret.
Cette attitude, à mon sens, n'est pas acceptable, et ce pour deux raisons,
monsieur Hyest.
Premièrement, les révisions de la Constitution sont des moments suffisamment
rares, en théorie, pour que l'on puisse s'arrêter sur tel ou tel point de nos
institutions qui mérite d'être modernisé. Une telle modernisation, de l'avis de
beaucoup, est urgente si l'on veut répondre à l'attente que les Français ont
exprimée lors des dernières élections.
Deuxièmement, contrairement à ce qui a été dit, nos amendements « additionnels
» entrent dans le cadre du projet de loi constitutionnelle, qui est fixé par
l'intitulé du projet de loi : il s'agit de « l'organisation décentralisée de la
République ». Qui peut imaginer que le Parlement, ses droits, son rôle et ses
compétences seraient en dehors de ce débat ? Il est d'ailleurs à noter que
l'article 3, qui vise la compétence du Sénat, et l'article 11, qui traite de
questions liées à l'élection présidentielle, sortent du cadre strict de la
décentralisation.
L'amendement n° 200 concerne le pouvoir de contrôle du Parlement. Il s'agit
d'inscrire dans la Constitution le principe des commissions d'enquête, qui
représentent un aspect important du regard que portent les assemblées sur
l'action gouvernementale. Il faut leur donner plus de force, et tel est le sens
de notre démarche.
Nous demandons également que soient inscrits des droits pour la minorité en
matière de commissions d'enquête, car c'est un élément important pour
l'instauration de contre-pouvoirs dans nos institutions. Est-il acceptable, par
exemple, que notre demande de commission d'enquête sur Vivendi Universal n'ait
jamais pu aboutir ? La « démocratie apaisée » voulue par M. Raffarin exige que
la minorité parlementaire, de manière encadrée, bien sûr, ait prise sur le
contrôle et le pouvoir d'investigation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement est intéressant, mais il est sans rapport avec
le projet de loi constitutionnelle. La commission émet donc un avis
défavorable.
M. Robert Bret.
C'est désespérant !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 200.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 201, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 88-4 de la Constitution est complété
in fine
par la phrase
suivante :
« Une loi organique définit les conditions dans lesquelles le Gouvernement
négocie au sein du Conseil européen, dans le respect d'orientations définies
par le Parlement, et lui en rend compte. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
Contrairement à ce qui pourra m'être une nouvelle fois rétorqué, cet
amendement répond aux exigences de démocratie qui s'expriment aujourd'hui et,
de ce fait même, devrait trouver sa place dans le projet de loi
constitutionnelle.
L'Europe a été la grande absente de notre débat relatif à la décentralisation.
Chacun sait qu'une volonté d'uniformiser les collectivités territoriales des
différents pays membres de l'Union européenne existe. Or, autant la coopération
est utile entre les collectivités territoriales de part et d'autre des
frontières, autant la volonté de plaquer un modèle d'organisation territoriale
venu d'en haut nous paraît contraire à une construction démocratique de
l'Europe.
De même, n'est-il pas temps, madame la ministre, d'introduire dans notre
Constitution une disposition qui permette au Parlement d'exercer un contrôle
réel sur l'avalanche de normes émanant des autorités de Bruxelles ? Notre
collègue M. Charasse faisait allusion tout à l'heure aux dizaines de textes que
nous devons transposer dans notre droit.
M. Michel Charasse.
Voilà !
M. Robert Bret.
L'ambition de moderniser nos institutions passe de toute évidence par la
recherche de mécanismes permettant aux citoyens, directement ou par le biais de
leurs représentants, d'agir sur les décisions européennes. A quoi bon
décentraliser, mes chers collègues, si les habitants de notre pays sentent leur
pouvoir, ou ce qu'il en reste, s'échapper par le haut ?
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec.
Comme le précédent, cet amendement est sans rapport avec le texte. Avis
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin
ministre.
Avis défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 201.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - I. - Au premier alinéa de l'article 7 de la Constitution, les
mots : "le deuxième dimanche suivant" sont remplacés par les mots : "dans les
deux semaines qui suivent".
« II. - Au troisième alinéa de l'article 13 de la Constitution, les mots :
"les représentants du Gouvernement dans les territoires d'outre-mer" sont
remplacés par les mots : "les représentants de l'Etat dans les collectivités
d'outre-mer régies par l'article 74".
« III. - A l'article 60 de la Constitution, après les mots : "des opérations
de référendum" sont ajoutés les mots : "prévues aux articles 11 et 89". »
L'amendement n° 36, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« A la fin du I de cet article, remplacer les mots : "dans les deux semaines
qui suivent" par les mots : "le quatorzième jour suivant". »
L'amendement n° 37, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Après les mots : "par l'article 74", compléter le II de cet article par les
mots : "et en Nouvelle-Calédonie". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec,
rapporteur.
Le I de l'article 11 vise à supprimer dans l'article 7 de la
Constitution l'obligation d'organiser le deuxième tour des élections
présidentielles le deuxième dimanche suivant le premier tour de scrutin, et ce
afin de permettre aux électeurs de voter dans les deux semaines qui suivent.
Des spécialistes de la rotation de la Terre nous ont expliqué que l'on pouvait
concilier l'objectif d'assouplissement et l'intérêt qui s'attache à ce que l'on
ne sache pas dans un lieu de notre République ce qui s'est passé dans l'autre,
c'est-à-dire que l'on ne connaisse pas le résultat du vote qui vient d'avoir
lieu.
L'amendement n° 36 vise à fixer à quatorze jours le délai à respecter entre
les deux tours. Ainsi, la loi organique prévue à l'article 6 de la Constitution
préciserait les dates du premier tour en organisant le scrutin dans les
territoires concernés la veille du jour du vote en métropole.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. René Garrec,
rapporteur.
L'amendement n° 37 tend à combler une lacune concernant le
haut-commissaire de Nouvelle-Calédonie, qui est le seul haut fonctionnaire à ne
pas être nommé en conseil des ministres, parce que ce n'est pas prévu dans la
Constitution.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements.
L'amendement n° 36 vise à garantir qu'un délai de quatorze jours sera maintenu
entre les deux tours de l'élection présidentielle. La loi organique fixant le
jour du premier tour, le second tour interviendra nécessairement le quatorzième
jour suivant. Le samedi pourra être fixé comme jour de scrutin pour les
départements français d'Amérique, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, pour la
Polynésie française et pour les Français de l'étranger relevant des centres de
vote du continent américain.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 36.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 37.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11
M. le président.
L'amendement n° 166, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase de l'article 88-3 de la Constitution, le mot :
"seuls" est supprimé. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Cet amendement n'a plus d'objet, puisque l'amendement qui instaurait le droit
de vote pour les étrangers n'a pas été adopté.
M. le président.
L'amendement n° 166 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 62, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le titre XV de la Constitution est complété par un article ainsi rédigé :
«
Art. 88-5. -
La République reconnaît les spécificités des régions
ultrapériphériques françaises telles que définies par les dispositions de
l'article 299-2 du traité signé le 2 octobre 1997. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
(M. Christian Poncelet remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Madame, monsieur le ministre, mes très chers collègues et amis, nous voici
parvenus au terme de la discussion de ce projet de loi constitutionnelle,
discussion passionnante et parfois passionnée d'un texte essentiel.
Avant que nous ne procédions au vote à la tribune, permettez-moi, mes chers
amis, de vous faire un aveu : ce soir, le président du Sénat est un homme
heureux.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du
groupe CRC.)
M. Michel Charasse.
Oh, il peut !
M. Jacques Blanc.
Nous le sommes aussi !
M. Robert Bret.
Il faut peu de chose à votre bonheur !
M. le président.
Oui, un homme heureux, car le débat qui vient d'avoir lieu restera gravé dans
nos mémoires comme un moment fort dans la vie de notre institution,...
M. Michel Charasse.
Fort de café !
M. le président.
... assemblée parlementaire à part entière, mais aussi, et c'est un plus,
représentant des collectivités territoriales de la République.
Vous avez tous - je dis bien tous, mes chers collègues, quelles que soient les
travées sur lesquelles vous siégez -, vous avez tous contribué à enrichir nos
débats et à nourrir les « travaux préparatoires », auxquels le Conseil
constitutionnel saura fort utilement se référer pour forger sa nouvelle
jurisprudence.
La passion n'a pas obscurci la raison, les péroraisons enflammées n'ont pas
altéré le travail de fond, les effets de manche n'ont pas nui à la sérénité ni
au sérieux de nos débats républicains.
Soyez-en tous remerciés, mes chers collègues, de même que MM. les
vice-présidents, qui m'ont secondé dans la conduite de nos débats.
Oui, disais-je, je suis un président heureux, car le Sénat, fidèle à sa
vocation d'avocat de la décentralisation - qui pourrait le contester ? Pas
vous, en tout cas, monsieur Mauroy ! - a pleinement joué son rôle.
Il est vrai que le Sénat, émanation des collectivités territoriales, connaît
les préoccupations des élus locaux et mesure les enjeux de la nécessaire
relance de la décentralisation, qui ne saurait être un prétexte - madame,
monsieur le ministre, j'insiste particulièrement auprès de vous - pour renoncer
à l'indispensable réforme de l'Etat, qui doit être concomitante de celle que
nous sommes sur le point de voter.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Hyest.
Absolument !
M. le président.
Ce rôle de défenseur de la gestion de proximité, dans le respect d'un Etat
unitaire, monsieur Charasse, le Sénat l'a joué tout d'abord en amont, comme
aiguillon de la pensée gouvernementale. Telle était la finalité des deux
propositions de loi constitutionnelle présentées par le Sénat, dont l'objet
était de « muscler » le principe de libre administration des collectivités
territoriales.
Ces deux textes ont à l'évidence - qui pourrait le contester ? - inspiré la
rédaction du projet de loi. Je ne sais si leur influence a été « prépondérante
»,...
M. Patrick Devedjian
ministre délégué.
... mais elle a été prédominante !
M. le président.
... mais je suis certain qu'elle a été « prédominante » !
(Sourires.)
Ensuite, le Sénat a contribué, par ses amendements, à l'amélioration du
texte.
Au titre des avancées obtenues, je citerai l'introduction dans notre loi
fondamentale du principe de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité
territoriale sur une autre. Cette consécration permettra de mieux définir les
contours de la notion de chef de file, madame, monsieur le ministre.
Je pense également aux précisions apportées aux conditions et aux modalités
d'exercice du droit à l'expérimentation.
Je pense aussi au principe de la compensation financière des compétences
créées et dévolues
ab initio
aux collectivités territoriales.
Je pense enfin aux utiles précisions apportées au volet « outre-mer » du
projet de loi.
D'une manière générale, je voudrais remercier M. le Premier ministre d'avoir
entendu notre appel, une sorte « d'appel de Strasbourg »... à rebours, monsieur
Hoeffel.
Je voudrais également remercier de leur disponibilité de tous les instants, de
leur compétence éclairée et de leur courtoisie républicaine les ministres qui
ont eu la responsabilité de porter ce texte et de le mener à bon port. Je pense
à Mme la ministre de l'outre-mer, à M. le garde des sceaux, à M. le ministre
délégué aux libertés locales, à M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le
Parlement, sans oublier leurs collaborateurs.
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
Pour terminer, je dirai que j'ai la faiblesse - vous me la pardonnerez - de
penser que, toutes et tous, nous avons fait oeuvre utile et que le texte adopté
par le Sénat tiendra la route.
M. Robert Bret.
Il prend déjà l'eau !
M. le président.
Madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, chers amis, un Etat fort,
c'est-à-dire un Etat recentré sur ses missions régaliennes, sur son rôle de
stratège et sur sa fonction de garant de l'égalité des chances entre les
territoires et entre tous les citoyens, doit se conjuguer avec des
collectivités territoriales fortes. C'est ma propre conviction, je sais que
vous la partagez, et je vous en remercie.
Puisse cet ancrage constitutionnel, préalable indispensable à l'ouverture de
l'acte II de la décentralisation, contribuer à donner naissance à une France
moderne, dynamique et solidaire, ainsi qu'à une République revivifiée et
revigorée par une démocratie locale renforcée !
(Nouveaux applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je
donne la parole à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Pour de nombreuses raisons, nous voterons contre ce texte. Ce n'est pas une
surprise. Nous avions annoncé nos réserves lors de la discussion générale, et
le débat ne nous a rassurés ni sur la forme ni sur le fond, qui souvent se
rejoignent.
La forme, c'est l'article 1er. Associer l'organisation décentralisée aux
grands principes républicains d'unité, de liberté, d'égalité, c'est rabaisser
le texte fondateur au rang d'un texte banal. Un humoriste disait l'autre jour à
la radio que c'était comme si l'on rédigeait la Déclaration des droits de
l'homme de la façon suivante : « Les hommes naissent et demeurent libres et
égaux en droits et se lavent les dents tous les matins. » C'est à peu près du
même niveau et on peut le regretter, mais c'est surtout très dangereux.
La conception de l'Etat qui sous-tend ce mélange étrange de concepts est à
l'opposé de ce que nous pensons. En fait, on voit une logique s'imposer entre
cet article ainsi complété et les alinéas qui comportent les principes de
subsidiarité ou d'expérimentation, une logique souterraine mais que nous
croyons implacable, celle d'une conception fédéraliste de l'Etat. Vos
dénégations pour nous convaincre que ce n'était pas le cas ont été vaines.
A cette logique fédérale s'ajoute ce que je qualifierai d'un terme que je n'ai
pas employé dans la discussion générale et qui ne vous plaira pas, appliqué à
cette matière : une logique libérale. Le Premier ministre prétend vouloir
mettre en mouvement les territoires, je crains qu'il ne les mette surtout en
compétition. Les affirmations de M. le garde des sceaux que nous avons
entendues hier soir et dans la nuit le confirment : je veux parler de
l'affirmation de l'inégalité et de la compétition entre les territoires comme
élément consubstantiel à la décentralisation, mais aussi du refus d'introduire
dans la Constitution l'intéressante formule concernant les territoires proposée
par Mme Blandin : « l'Etat est le garant de la solidarité ».
Nous ne sommes pas contre l'expérimentation, bien au contraire, nous l'avons
pratiquée et sommes favorables à son extension. Mais l'expérimentation que vous
proposez est celle de l'inégalité, on ne peut l'accepter sans un certain nombre
de précautions. Nous ne voulons pas d'une France avec vingt-six lois
différentes ou vingt-six types de règlement.
D'autres enjeux sont apparus, et, comme les débats ont été assez approfondis à
cet égard, je veux vous faire part de mes inquiétudes.
Inquiétudes sur la subsidiarité et sa logique.
Inquiétudes sur la notion de chef de file.
Vous prétendez, messieurs, que l'affirmation de l'interdiction de la tutelle
d'une collectivité sur une autre serait une garantie absolue. Je ne le crois
pas : c'est une affirmation sans suite, parce que la collectivité « chef de
file » peut toujours faire à peu près ce qu'elle veut pour organiser la mise en
oeuvre de la compétence qu'elle a obtenue. Je vous rappelle que M. Charasse
avait proposé un amendement visant à préciser que la compétence pourrait se
mettre en oeuvre par accord entre les collectivités. Vous avez refusé une telle
disposition : vous pensez donc bien que la compétition sera effective et qu'une
collectivité exercera sa tutelle sur une autre.
Inquiétudes, enfin, sur la suppression de niveaux de collectivités dans tel ou
tel secteur de la République. On pourra supprimer les deux départements
d'Alsace par exemple ; on pourra aussi, éventuellement, supprimer des communes
dans tel ou tel département ou décider que, dans tel département, les
communautés de communes sont suffisamment efficaces pour qu'on les remplace par
des collectivités à statut particulier qui seront - comme par hasard -
identiques aux EPCI en question.
Vous me dites : c'est la loi qui décidera ! Est-ce rassurant ? Non, parce
qu'une majorité pourra toujours en décider autrement - et, en disant cela, je
ne fais aucun procès d'intention à la majorité actuelle. Mais, en l'occurrence,
ou bien on joue à l'apprenti sorcier, ou bien on a un double langage, l'un
n'excluant pas l'autre.
Ce texte est mal ficelé. Il fait la part trop grande au juge et il entraînera
des contentieux. Il est également frileux. Vous avez accepté - c'est bien - de
reconnaître dans la Constitution le statut de collectivité territoriale à part
entière à la région. Vous avez en revanche refusé d'y inscrire les communautés
de communes à fiscalité propre, ce qui aurait pourtant donné de l'ampleur à
votre projet de loi, au motif qu'elles n'ont pas encore fait leurs preuves. Or
les communautés urbaines sont plus vieilles que les régions ! Elles ont 37 ans
! Si elles n'ont pas fait leurs preuves aujourd'hui, je ne suis pas sûr
qu'elles puissent le faire jamais.
Je passe sur le refus d'inscrire dans la Constitution le droit de vote des
étrangers, ce qui aurait également eu un peu d'allure.
Bref, ce texte nous semble dangereux, surtout parce qu'il n'est pas
clair,...
M. Jacques Mahéas.
Il est bâclé !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... parce qu'il n'est pas étayé par les éléments qui auraient pu nous être
apportés sur les lois organiques qui seront prochainement soumises au
Parlement. Cela a d'ailleurs donné lieu à un bref incident et à une suspension
de séance en début d'après-midi.
Dans l'état actuel des choses, nous sommes donc amenés à voter fermement
contre ce projet de loi constitutionnelle.
(Applaudissements sur les travées
du groupe socialiste, sur celles du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily.
Tout compte fait, il fallait bien se décider à aller plus loin dans la
décentralisation. Ce n'est pas parce que c'est difficile que l'on n'ose pas,
c'est parce que l'on n'ose pas que c'est difficile ; Sénèque avait raison.
Ce texte, il faut le reconnaître, est arrivé sur le bureau du Sénat parsemé
d'ambiguïtés, de flous, d'imprécisions, voire d'incohérences.
Il était donc de notre devoir de sénateur de le rendre lisible, de le mettre
droit, car il s'agit de la loi fondamentale de notre République, de la loi des
lois.
Lorsque le Parlement aura adopté définitivement ce projet de loi
constitutionnelle, notre Constitution sera, pour la seizième fois, révisée.
Vingt ans après les lois Mauroy et Defferre de 1982, l'acte II de la
décentralisation est enfin lancé : il était temps ! « L'organisation
décentralisée » de notre République, nécessité pratique pour une gouvernance
moderne, est sur le point de devenir une réalité constitionnelle, et c'est tant
mieux !
Les collectivités d'aujourd'hui et les élus ont été transformés, modelés par
le temps et la dure réalité de la vie. Plus de responsabilités, plus
d'autonomie, il a fallu s'adapter et souvent se remettre en question pour mieux
gérer son territoire, pour satisfaire les exigences de plus en plus vives de
nos concitoyens.
Le grand chantier de la décentralisation a donc bien commencé. Son maître
d'ouvrage, le Premier ministre, s'est fixé cent cinquante jours, nous a-t-il
dit lors de la discussion générale : cent cinquante jours depuis le dépôt de ce
projet de loi constitutionnelle sur le bureau de notre assemblée, cent
cinquante jours pour édifier la « République des proximités », celle-là même
que les Français réclament et attendent depuis plusieurs années maintenant. Le
compte à rebours des grands travaux de la décentralisation a donc commencé. Le
Sénat et, en son sein, le groupe du RDSE ne peuvent que s'en féliciter.
Certes, l'affirmation, à l'article Ier de notre Constitution, du principe
selon lequel la France a une organisation décentralisée a ému, choqué, voire
troublé certains. Qu'à cela ne tienne ! La sagesse des sénateurs a prévalu et
les constituants que nous sommes ont adopté. L'avenir nous dira quelle
utilisation les praticiens du droit et les acteurs des collectivités feront de
ce nouveau principe.
Alors, y a-t-il eu rupture avec l'acte Ier de 1982 ? Je ne le crois pas : plus
que d'une rupture entre hier et aujourd'hui, entre la gauche et la droite,
c'est d'un progrès qu'il s'agit !
En effet, la décentralisation est enfin relancée, elle s'apprête à franchir
une nouvelle étape, étape qu'appelait de ses voeux le groupe du RDSE, au mois
de juin dernier, en livrant des propositions concrètes en la matière.
Le texte que nous nous apprêtons à voter aujourd'hui s'inscrit dans les
engagements pris par le Président de la République pendant la campagne
électorale du printemps dernier. Ce projet de loi ne sort pas des limitations
énoncées à Rouen par le candidat Chirac, et chacun ici, mes chers collègues,
sur quelque travée qu'il siège, ne peut que s'en réjouir.
C'est bel et bien dans le cadre de la République que s'inscrit ce projet de
loi constitutionnelle, dans le cadre d'une République qui demeure indivisible,
qui reste laïque et sociale, qui renforce son caractère démocratique, à l'aide
notamment du référendum local et du droit de pétition, mais - et c'est là, à
mon sens, toute sa force et toute sa modernité - dans une République dont
l'organisation est décentralisée.
Concrètement, le droit à l'expérimentation est consacré dans la Constitution,
de même que l'autonomie financière. A cet égard, je me dois de saluer la
compétence et l'expérience de notre excellent collègue Jean-Pierre Fourcade,
qui, lors du débat, n'a pas manqué d'éveiller l'attention des législateurs que
nous sommes.
Tout compte fait, il fallait agir.
Aussi, il importe, avant le vote, d'exprimer nos sentiments de reconnaissance
à notre président-rapporteur, René Garrec, pour l'excellent travail qu'il a
effectué. L'expérience, la clarté de jugement et la rigueur dans l'analyse dont
il a fait preuve tout au long de la discussion nous ont permis d'appréhender
avec sérénité ce texte difficile, dont les nuances et les rédactions fines se
sont imposées à nous tous à travers les amendements proposés et adoptés par la
commission des lois.
Qu'il me soit aussi permis de remercier les collaborateurs de la commissions
des lois, qui n'ont pas ménagé leur peine pour nous faciliter la tâche.
S'agissant de l'organisation de notre travail, problème que nous avons soulevé
maintes fois, vous comprendrez aussi que nous ne pouvons qu'être satisfaits.
Le passage de l'article 72 à l'article 73 sera subordonné à la consultation
préalable des électeurs de la collectivité d'outre-mer concernée. C'est
pourquoi, monsieur le président, il importera que, lors de la discussion des
lois organiques, les élus d'outre-mer se montrent extrêmements vigilants. Nous
devons en prendre conscience dès maintenant.
Dans l'attente de ces lois organiques à venir, le groupe du RDSE, dans sa très
grande majorité, votera le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc.
Madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, devant un président
heureux, permettez-moi de dire qu'il y a aussi des sénateurs heureux
(Rires sur les travées du groupe socialiste) ...
M. Jacques Mahéas.
Il y a aussi des imbéciles heureux !
M. Jacques Blanc
... et même fiers. Les membres du groupe des Républicains et Indépendants sont
de ceux-là. Ils sont peut-être un peu plus fiers parce que c'est un des leurs
qui, quelque peu imprégné de la vie sénatoriale, a, en tant que chef du
Gouvernement, incontestablement imprimé sa volonté politique.
Ils sont fiers parce que c'est un des leurs, le président-rapporteur, René
Garrec, qui, grâce à un travail acharné, a su montrer, madame, monsieur le
ministre, que le Gouvernement pouvait trouver au Sénat des interlocuteurs qui à
la fois discutent, dialoguent, proposent. Le débat qui vient d'avoir lieu me
paraît, à cet égard, exemplaire.
Permettez-moi de dire que, pour un sénateur qui n'est pas dans cette maison
depuis très longtemps, c'est une grande fierté que de voir le Sénat saisi en
premier - on ne peut que se féliciter du choix du Gouvernement - travailler
sérieusement et en profondeur, dans la sérénité, même si nous n'étions pas tous
d'accord, mais cela c'est le jeu de la vie démocratique !
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. Jacques Blanc.
Nous avons la conviction de vivre un moment un peu historique car, pour la
première fois, dans notre Constitution sera affirmée, sans que soit jamais
remis en cause son caractère indivisible ni son unité, l'organisation
décentralisée de notre République. C'est un acte de confiance très fort en la
démocratie, mais aussi dans le peuple de France, qui aura désormais la capacité
de s'exprimer grâce au droit de pétition et qui pourra être consulté par la
voie de référendums locaux.
C'est également un signe fort de confiance en direction de ces multiples élus
locaux qui, dans leur immense majorité, sont au service de la population, que
ce soit au niveau des communes, des départements, des régions ou des
collectivités territoriales d'outre-mer, de ces élus qui portent les ambitions
de leur collectivité.
Permettez à un président de région de se réjouir de voir désormais figurer
dans la Constitution, au rang de collectivité territoriale, le niveau régional,
sans que cela se fasse aux dépens des communes ou des départements.
C'est aussi le propre du Sénat que de trouver cette synthèse entre des
démarches qui, au départ, peuvent paraître contradictoires, mais qui, en
réalité tendent à répondre aux vrais problèmes des femmes et des hommes de
notre temps.
Le monde bouge : il fallait que la Constitution, sans que son socle soit
aucunement remis en cause, puisse s'adapter à ce mouvement, aux nouvelles
exigences des femmes et des hommes de France. Ceux-ci doivent savoir que, sous
l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement a engagé une vraie
réforme. On en parlait depuis trop longtemps. Elle est aujourd'hui en marche.
Dans 150 jours, nous la concrétiserons.
Merci au Gouvernement, merci à vous, monsieur le président, et merci au Sénat
de nous permettre de participer au remodelage de la France.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Merci à vous, mon cher collègue, qui avez été longtemps député, de mettre
ainsi en relief toutes les qualités du Sénat.
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Nous avons connu, avec ce texte, un curieux débat parlementaire.
Vous venez de le dire, monsieur le président, il s'agit d'un texte essentiel.
C'est en tout cas ce que M. Raffarin a martelé depuis qu'il est Premier
ministre, à tel point qu'il a envisagé d'engager sa responsabilité sur ce
texte.
Permettez-moi de ne pas être satisfaite de la façon dont notre assemblée a
travaillé sur ce projet de loi constitutionnelle.
Des préoccupations, voire des craintes, se sont exprimées, sur toutes les
travées de cet hémicycle, devant le flou ou les ambiguïtés du texte. Mais elles
ont vite été mises sous le boisseau et, à mon sens, ce qu'il est advenu du
travail de la commission des lois n'est pas acceptable. Cela étant, ce n'est
pas à moi de parler pour la majorité de la commission des lois !
Quant aux avis et propositions de l'opposition, ils ont été purement et
simplement balayés.
Pourtant, la République est notre bien commun. Nous en sommes, à chaque
génération, responsables, et l'on sait ce qu'il en a coûté, en d'autres temps,
de ne pas la protéger.
Modifier profondément l'organisation de la République exige donc beaucoup de
prudence, de réflexion. Il s'agit de bien peser ce que nous faisons, d'en
mesurer les effets probables, d'imaginer les dérives possibles. Hélas ! Il n'en
a rien été : le texte devait « passer » à toute vitesse, sans véritable
discussion.
Alors, décentralisateurs contre anti-décentralisateurs ? Certainement pas !
Girondins contre Montagnards ? Allons donc ! D'abord, les lois de
décentralisation de 1982, la droite ne les avait pas votées !
M. Didier Boulaud.
Eh non !
Mme Nicole Borvo.
C'est encore suffisamment récent pour qu'il ne soit pas besoin de remonter aux
Girondins et aux Montagnards.
M. Bernard Angels.
Ils ont vraiment la mémoire courte !
Mme Nicole Borvo.
Pour nous, une décentralisation sans démocratisation peut surtout déboucher
sur des féodalités et des pouvoirs tout aussi éloignés des citoyens que l'est
l'Etat.
Ce qui caractérise votre texte, c'est une modification profonde de ce qui
fonde l'égalité et la solidarité dans notre société. Plusieurs d'entre nous ont
parlé, au cours du débat sur l'article 1er, de fracture de la République, «
République en morceaux », ai-je entendu dans vos rangs, mesdames, messieurs de
la droite. Cela mérite tout de même réflexion. Il ne suffit pas de dire que
c'est n'importe quoi, comme M. de Rohan se plaît à le faire.
M. Josselin de Rohan.
Mais c'est n'importe quoi !
Mme Nicole Borvo.
Vous le direz à vos amis !
Croyez-vous vraiment que nos concitoyens, y compris ceux qui ont voté au
premier tour pour M. Chirac, ont voulu que l'Etat ne soit plus le garant de
l'égalité entre les citoyens ? En tout cas, vous avez repoussé un amendement
qui tendait à le réaffirmer.
M. Hilaire Flandre.
Textuellement, ce n'était pas tout à fait ça !
Mme Nicole Borvo.
Nos concitoyens veulent-ils des régions pauvres à côté de régions riches, des
services publics pauvres à côté de services publics riches ? Sûrement pas !
Le débat sur les finances a été tout aussi édifiant. Franchement, les élus
locaux, au nom desquels vous affirmez si souvent parler, veulent-ils de
l'augmentation des impôts locaux qu'ils sont obligés de décider ? Et nos
concitoyens sont-ils prêts à supporter cet alourdissement de la fiscalité
locale ?
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Roger Karoutchi.
C'est votre faute !
Mme Nicole Borvo.
Les élus locaux veulent-ils affronter les mécontentements ?
Si vous en aviez réellement eu la volonté, il aurait été possible d'engager
d'abord une vraie réforme fiscale !
M. Louis de Broissia.
Vous êtes des tartuffes !
Mme Nicole Borvo.
Or, de cela, il n'est pas question !
Il y a donc, dans ce texte, une partie visible et une partie invisible. Pour
toutes ces raisons, nous sommes résolument contre.
(Applaudissements sur les
travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers
collègues, après un président heureux, après des sénateurs fiers, vous avez
devant vous un sénateur confiant, issu d'une région où l'on sait bien quels
peuvent être les désavantages du centralisme.
Depuis des temps presque immémoriaux, le centralisme a éloigné notre région du
pouvoir et donc des décisions dont dépendait son avenir.
J'ai entendu, parfois avec beaucoup de surprise, souvent avec un certain
intérêt, les critiques qui ont été opposées au texte qui nous est soumis.
M. Jacques Mahéas.
Même celles de Jean-Louis Debré ?
M. Josselin de Rohan.
A Rennes, je me fais reprocher par l'opposition de gauche d'être un président
de conseil régional trop frileux, de manquer d'audace, de me montrer timoré
parce que la région ne revendique pas la gestion des hôpitaux, celle des ports,
celle des aéroports, celle des routes, celle des écoles, que sais-je
encore...
Je suis même taxé de jacobinisme, ce qui, dans mon cas particulier, ne manque
pas de sel car, en d'autres époques, la fréquentation des Jacobins aurait pu se
révéler dangereuse !
(Rires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
Le texte dont nous achevons la discussion est jugé tantôt trop frileux tantôt
trop audacieux, tantôt trop flou tantôt trop précis. En fait, on l'a bien
compris, il n'a aucune espèce de qualité aux yeux de ceux qui ont beaucoup
parlé de décentralisation, qui s'en sont fait un monopole mais qui n'ont pas su
passer à l'étape suivante, tout simplement parce qu'il n'a pas été présenté par
eux. Ils nous reprochent aujourd'hui ce qu'ils n'ont pas su faire hier !
(Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Nous, nous pensons que, grâce à la réforme que nous nous apprêtons à voter,
nous allons vers une République plus moderne, plus proche et plus solidaire,
quoi que certains en aient dit.
Ce sera incontestablement une République plus moderne, d'abord, parce que
l'Etat se concentrera sur ses missions régaliennes...
M. Claude Estier.
Nous verrons !
M. Josselin de Rohan.
... et que les collectivités locales pourront gérer ce qui ne relève pas
intrinsèquement du domaine de l'Etat. L'Etat pourra concentrer son action sur
des actions essentielles, qui n'ont pas toujours été bien soutenues ces
derniers temps.
Une République plus moderne aussi parce que de nouveaux espaces de liberté
s'ouvrent à nous grâce à l'expérimentation. Celle-ci permettra de vérifier que
de nouvelles compétences peuvent être exercées convenablement à l'échelon le
plus proche. De nouvelles coopérations pourront également être mises en place
grâce à la notion de collectivité chef de file.
Une République plus moderne, enfin, parce que nous allons mettre un terme à
l'uniformité totale qui a été si longtemps la caractéristique de notre
République. Une République peut être unie tout en abritant divers statuts.
C'est ce qui se passera avec les collectivités à statut particulier ou avec les
évolutions prévues pour les collectivités d'outre-mer.
Nous allons par ailleurs vers une République plus proche parce que s'y
exercera le principe de la subsidiarité, sur lequel on a beaucoup glosé. La
subsidiarité signifie en fait que le service public pourra être mieux rendu aux
échelons les plus proches, de manière plus efficace et souvent moins
coûteuse.
Des droits nouveaux sont, en outre, ouverts à nos concitoyens. J'espère que
l'usage raisonnable du droit de pétition et l'usage raisonné du référendum
permettront aux populations de s'exprimer.
Nous allons, enfin, vers une République plus solidaire. On nous a reproché de
vouloir briser la République et de rompre la solidarité entre les territoires.
J'ai entendu hier un excellent collègue stigmatiser le fait que les territoires
soient mis en concurrence. Mais nous savons tous très bien que les territoires
sont d'ores et déjà en concurrence et qu'il existe entre eux de profondes
inégalités. Précisément, il faut faire en sorte que cette concurrence constitue
une émulation entre les territoires, en vue du meilleur développement
possible.
Quant à l'Etat, sa tâche consistera plus que jamais à réduire les inégalités,
grâce aux dispositions qui sont contenues dans ce texte.
Le simple fait que l'Etat ait à établir la péréquation entre les régions
riches et celles qui le sont moins montre bien qu'il joue sont rôle à cet
égard.
C'est donc un sénateur confiant qui s'apprête à voter ce texte. Celui-ci sera
surtout ce que nous en ferons. Nous sommes bien décidés à le faire vivre, à
faire en sorte que s'ouvre une nouvelle page pour nos collectivités locales,
porteuse de modernité et d'une plus grande efficacité.
Vous n'avez pas voulu nous suivre sur cette voie, mesdames, messieurs de
l'opposition, et je le regrette pour vous. Nous, nous sommes convaincus que la
page nouvelle qui s'ouvre sera prospère, heureuse et féconde pour la
République.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Mauroy.
M. Pierre Mauroy.
M. Jean-Claude Peyronnet s'est exprimé au nom du groupe socialiste. Vous me
permettez, monsieur le président, de m'exprimer en tant qu'ancien Premier
ministre, et je vous en remercie.
Je remercie également tous ceux qui ont bien voulu rappeler ces années
1981-1983 au cours desquelles a été élaborée une décentralisation qui fait
aujourd'hui l'unanimité. Je ne peux manquer, en cet instant, d'évoquer le
souvenir de Gaston Defferre, qui a beaucoup ferraillé dans cette enceinte pour
faire aboutir les lois de décentralisation.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Comme nous !
M. Pierre Mauroy.
L'histoire est ainsi ! Il y a vingt ans, nous nous sommes opposés sur l'idée
même de décentralisation. Depuis, tout le monde l'a adoptée.
M. Hilaire Flandre.
Ce sera pareil avec cette loi !
M. Pierre Mauroy.
Voilà quelques années, le gouvernement précédent a souhaité que je préside une
commission réunissant autant de représentants de la gauche que de représentants
de la droite, et la consigne du Premier ministre, Lionel Jospin, était de
dégager des lignes de consensus sur une évolution de la décentralisation.
Je ne pouvais donc qu'aborder ce débat avec une certaine confiance.
Monsieur le président, vous affirmez être heureux de tout ce qui s'est passé ;
d'autres disent qu'ils sont eux aussi des sénateurs heureux. Eh bien, moi, je
ne suis pas un sénateur heureux !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Protestations
amusées sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Non, je ne suis pas heureux de ce qui s'est passé dans cet hémicycle, et je
vais vous dire en deux mots pourquoi.
Nous avons beaucoup discuté autour de la décentralisation, mais jamais nous ne
nous sommes opposés sur les principes constitutionnels entre Montagnards ou
Girondins : nous avons essayé de résoudre d'autres problèmes.
Une opposition pouvait se faire jour, c'est normal. Mais il n'était pas tout à
fait normal, en revanche, qu'autant de flou, autant d'incertitudes, autant de
difficultés surviennent, à propos d'une idée aussi lumineuse, dans la conduite
des débats.
(M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
Les Français souhaitent une décentralisation simple, lisible. Ne nous
avez-vous pas, quelquefois, reproché une absence de lisibilité dans nos textes
?
Or vous aurez réussi ce tour de force - oui, il fallait le faire ! -, avec
l'article 1er, de poser un problème essentiel au plus haut sommet de la
République : les plus hautes autorités de l'Etat ont ainsi été obligées de se
consulter - je ne sais pas exactement ce qu'ils se sont dit -, et,
manifestement, cette idée de République décentralisée, même rectifiée, a fait
couler beaucoup d'encre.
Nous avons en tout cas raison d'être fiers de vivre dans une République
unitaire, avec un Etat centralisé - parfois trop -, et nous avons tout autant
raison de souhaiter que l'organisation territoriale soit, elle,
décentralisée.
Quant à l'expérimentation, c'est une belle idée.
Nous avions, quant à nous, dégagé les élus de la casquette des préfets.
M. Pierre Hérisson.
Des commissaires de la République !
M. Pierre Mauroy.
Les élus sont devenus libres de leur gestion. Alors, expérimenter est une
bonne idée, mais à expérimenter à haute dose et sans précaution nous risquons
de voir apparaître des inégalités dans les territoires.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Nous en reparlerons !
Enfin, j'évoquerai l'intercommunalité.
Vous parlez de proximité, de subsidiarité. Mais, finalement, l'instance de
proximité et de subsidiarité la plus naturelle n'est-elle pas la commune ou les
regroupements de communes ? Indépendamment du clivage entre la gauche et la
droite, ce sont manifestement les maires qui ont résisté le mieux !
Franchement, vous auriez pu honorer beaucoup mieux l'intercommunalité en en
faisant véritablement le fer de lance du projet de loi sur lequel nous allons
maintenant nous prononcer. Je regrette profondément que vous ne l'ayez pas
fait.
Dans un discours à Marseille, le Premier ministre nous annonçait récemment une
avancée significative pour les communautés urbaines. Mais, à Paris, on ne l'a
pas suivi ! Je le regrette profondément.
J'espère en tout cas qu'il ne faudra pas vingt ans pour vous convaincre, comme
cela a été le cas pour les lois de 1981 et 1982. Mais nous aurons à reprendre
la mise en place de la décentralisation, sans idée de rupture, toutefois :
n'est-ce pas une drôle d'idée que d'imaginer une décentralisation pour les uns
et une décentralisation différente pour les autres ?
Quant à nous, nous sommes, au sein de la République, favorables à une grande
décentralisation qui honore nos territoires ainsi que toutes les instances de
notre pays. Voilà pourquoi nous voterons contre ce texte, et continuerons notre
combat en faveur de la décentralisation.
(Applaudissements sur les travées
du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Au terme de ce débat qui aura été long, riche et divers, je tiens à vous faire
part de la satisfaction des membres du groupe de l'Union centriste.
Ce débat nous a satisfaits par son existence même. C'est la première fois,
sous la Ve République, qu'une révision constitutionnelle va au-delà d'une
simple révision technique. Au cours de ces deux semaines, on nous aura en effet
demandé de créer le droit constitutionnel des collectivités locales.
C'est aussi - il faut nous en rendre compte - la première fois depuis
cinquante-six ans que le Parlement est appelé à créer véritablement tout un pan
de notre droit constitutionnel. Cela nécessitait, évidemment, du temps, et nos
débats auront, je crois, honoré notre assemblée. Avoir donné une base
constitutionnelle forte à la décentralisation, cela compte !
Nous l'avons vu au cours de ces dernières années, personne ne remet en cause
le travail effectué par M. le Premier ministre Pierre Mauroy en 1982.
Toutefois, la belle construction de 1982, à l'usage du temps, n'a pas toujours
bien résisté. La volonté décentralisatrice a pu, parfois, disparaître, et
l'Etat est revenu, en certaines occasions, sur la décentralisation.
Le présent projet de loi empêchera l'exercice d'une décentralisation en yoyo.
Désormais, et nous nous en réjouissons, le principe de l'organisation
territoriale décentralisée de la République sera garanti par la
Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest reviendra dans quelques instants sur le fond. Je me
contenterai de rappeller à M. le ministre les engagements forts qu'il a pris
devant le Sénat s'agissant de la notion de file et du respect du principe
essentiel de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité territoriale sur
une autre.
S'agissant des finances locales, il nous restera, lors de la discussion du
projet de la loi organique, à donner tout leur sens aux efforts que nous avons
faits. Ce soir, nous avons bâti la maison ; avec le projet de loi organique, il
nous appartiendra de donner véritablement corps à une République territoriale,
à une République fière de ses territoires, à une République qui s'appuie sur
eux et sur la reconnaissance de leur diversité, sur les pouvoirs accordés aux
collectivités territoriales pour construire la vraie égalité entre tous les
citoyens de notre pays.
Nous pourrons alors aborder une seconde étape : la décentralisation ne devra
pas, en effet, rester une affaire de spécialistes ou d'élus, et nos discussions
du printemps prochain sur l'organisation de l'exercice des compétences devront
être l'occasion d'ancrer la décentralisation dans la culture de notre pays.
Alors, grâce à une nouvelle organisation de la République, l'Etat, dont les
Françaises et les Français attendent beaucoup, sera désormais capable de
remplir toutes ses missions et les collectivités pourront offrir à nos
concitoyens tous les services dont ils ont besoin.
Telles sont les raisons pour lesquelles les sénateurs de l'Union centriste,
qui ont très largement construit leur groupe autour de l'idéal d'une République
décentralisée, voteront ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Monsieur le président, vous nous avez dit avec le sourire que vous étiez un
homme heureux. Nous nous en réjouissons sincèrement.
(Ah ! sur les travées
du RPR.)
Cependant, vous en conviendrez, mes chers collègues, nous sommes tous ici pour
veiller à ce que tous les Français puissent être heureux. Ce texte va-t-il leur
apporter des réponses ?
La décentralisation, c'est une quête d'efficacité de l'action publique, avec
pour avantages l'écoute des habitants, la cohérence au plus près du territoire,
l'allégement des procédures inadaptées. Mais cet allégement ne passe pas -
surtout pas ! - par un allégement des droits des citoyens ou par un allégement
des solidarités.
Le 21 avril, le doute s'est exprimé sur la capacité des pouvoirs publics à
résister à la férocité de la mondialisation. Alors, nous nous devons tous de
trouver les meilleurs lieux pour agir, de savoir qui fait quoi en Europe, à
Paris, dans les régions, dans les intercommunalités, dans les quartiers.
Mais, dans ce deuxième souffle de la décentralisation, on ne trouve que ce qui
existait déjà sans problème : les régions, l'expérimentation, le passage
possible par priorité d'un texte au Sénat en première lecture.
Quelques innovations, comme le droit de pétition des habitants, sont passées
du droit d'obtenir au droit de demander. Ni la vraie reconnaissance des
intercommunalités, ni le juste droit de vote local des étrangers non européens
n'ont eu droit de cité.
Quant à la solidarité, plus le Gouvernement s'est expliqué, plus il a refusé
les garanties qu'offraient nos amendements et plus il s'est imposé à
l'observateur attentif que deux déterminismes ont façonné ce texte : d'une
part, la précipitation hasardeuse et, d'autre part, l'inspiration libérale.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Le refus de l'inscription dans la Constitution du principe selon lequel «
l'Etat est le garant de la solidarité nationale » est éloquent !
Ajoutons à cela une gestion rigide du débat, une commission des lois aux
ordres, une opposition négligée, et l'on aura tous les ingrédients d'une
Constitution malmenée.
Oh, certes, le contexte ne nous rassurait pas : baisse des impôts nationaux,
stratégie fondée sur une croissance qui s'essouffle, suppression de postes,
baisse des budgets de la culture et de la recherche. Mais là, la méthode a
accru le trouble. La loi constitutionnelle sans regard sur les lois organiques,
c'est comme un contrat d'assurance dont on aurait fait disparaître les petites
lettres.
Je garde mes convictions pour la décentralisation, et je vais plus loin. A la
différence de mes collègues, ni la géométrie variable, ni même le fédéralisme,
ni même l'Europe des régions ne me font peur. Mais plus vous vous expliquiez,
madame, monsieur le ministre, plus nous partagions une défiance croissante sur
votre façon de voir les choses.
Nombre de vos réponses ont dévoilé des contenus tacites masqués par le flou, à
commencer par votre cri du coeur sur la rupture. Et bien non ! on ne peut pas
construire la décentralisation avec ceux qui jugent superflues les garanties,
avec ceux qui jugent inutile la mention des engagements internationaux de la
France, ou encore avec ceux qui se méfient des habitants.
Nous, nous préférons la coopération à la concurrence, nous ne mettons pas les
gens en rivalité. Nous sommes des décentralisateurs de la solidarité, et non du
libéralisme féroce.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, je comprends votre bonheur, puisque le Sénat avait
présenté des propositions en faveur d'une République décentralisée. Vous avez
beaucoup oeuvré pour cela, et votre excellente explication de vote de tout à
l'heure aurait sans doute été suffisante à l'issue de ce débat, sauf, bien sûr,
pour nos collègues de l'opposition.
J'y ajouterai cependant quelques mots. Comme l'a dit Michel Mercier, la
nécessité d'une révision constitutionnelle est une évidence dans la mesure où,
bien souvent, l'article 72 n'a pas suffi pour prendre des dispositions
nouvelles en matière d'expérimentation ou dans certains autres domaines.
C'est une grande joie pour tous ceux qui sont attachés depuis toujours au
principe de subsidiarité, et je me réjouis que nous ayons fait des émules. En
effet, les problèmes sont traités là où ils doivent l'être, c'est-à-dire à
proximité. C'est une bonne illustration d'un principe qui devrait être général
et qui ne concerne pas seulement les collectivités et l'Etat puisqu'il
s'applique aussi aux personnes par rapport aux communautés.
L'action d'une personne n'est pas forcément une obligation imposée par le
groupe. Cela aussi, c'est un aspect du principe de subsidiarité. Je rends
attentifs certains de nos collègues à l'intérêt de cette notion
philosophique.
L'expérimentation est également un volet fondamental. Elle ne concerne pas
seulement les collectivités territoriales : elle s'applique aussi aux actions
de l'Etat.
J'ai déjà dit que, pour la mise en place de certains dispositifs d'Etat,
notamment dans le domaine de la justice, il serait utile d'expérimenter avant
de généraliser sur l'ensemble du territoire. Or c'est impossible
aujourd'hui.
Ces deux thèmes rendraient nécessaire une révision constitutionnelle.
Je suis par ailleurs très heureux, bien sûr, qu'on ait permis aux
collectivités d'outre-mer, en fonction de leurs possibilités, de leur histoire
passée et de leur environnement, de trouver les voies et moyens pour rester
dans la République, tout en ayant plus d'autonomie.
Nous l'avons fait pour la Nouvelle-Calédonie, dans un contexte particulier.
Nous souhaitions le faire pour la Polynésie française ; mais je crois que notre
collègue M. Gaston Flosse a obtenu satisfaction sur l'essentiel.
Néanmoins, nous permettons aussi aux départements qui le veulent de rester
dans le cadre qui a été conçu dès 1946.
Tout cela forme une République toujours unie, mais qui tient compte des
diversités, à condition, bien sûr, monsieur le président, mes chers collègues,
que l'Etat conserve ses responsabilités, mais aussi assure et fasse respecter
l'égalité des chances entre les collectivités et non pas cet égalitarisme que
j'ai trop souvent entendu prôner sur certaines travées.
L'égalitarisme n'est pas l'égalité. L'égalité, c'est l'égalité des chances, et
c'est à l'Etat de la faire respecter.
Tout ce que nous avons dit sur la solidarité financière et sur les
péréquations nous fera avancer dans la décentralisation puisque cela permettra
aux collectivités de faire mieux là où l'Etat est souvent incapable de faire
bien.
Une profonde réforme des institutions de l'Etat doit bien évidemment prolonger
ce processus de décentralisation.
Monsieur le président, nous sommes heureux de voter ce texte.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers
collègues, des assises qui se termineront une fois le débat parlementaire clos,
un mépris affiché pour les élus de l'opposition,...
(Protestations sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants)
auxquels vous refusez
ce que vous accordez à vos amis, c'est-à-dire le droit, tout simplement, de
connaître ce sur quoi ils sont appelés à se prononcer, décidément, la
démocratie vous fait sans doute très peur !
(Vives protestations sur les
mêmes travées.)
Toute notre discussion a eu pour seul objectif de faire avaliser, dans la
précipitation et dans une confusion extrême, le projet gouvernemental. C'est
effarant !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Vous avez rejeté tous nos amendements tendant à favoriser la démocratie à tous
les niveaux, à rapprocher les citoyens des décisions, ce qui est pourtant,
dites-vous, votre objectif. En réalité, votre conception de la « proximité »
consiste à laisser aux citoyens les questions qui seront traitées au niveau
local - aussi importantes soient-elles pour leur vie quotidienne - et à les
déposséder de toute intervention sur les choix politiques, les enjeux
complexes. Le couplage Etat - région d'un côté, département - commune de
l'autre en est une illustration.
Nous avons rappelé notre attachement aux communes et aux départements, qui
jouent un rôle réel en mettant en oeuvre des mécanismes de solidarité. Mais
vous avez maintenu toutes les dispositions susceptibles de les faire
disparaître.
Vous avez fermé la porte au vote des étrangers non communautaires, au prix
d'arguments particulièrement fallacieux.
(Protestations sur les mêmes
travées.)
Une révision constitutionnelle ne se fait pas tous les jours. Elle devrait
être l'occasion d'engager de grandes réformes pour moderniser le paysage
institutionnel français dans un sens démocratique.
Mais avec les dispositions que vous souhaitez voir adopter, notre pays va
connaître un véritable bond en arrière vers de nouvelles féodalités.
(Oh !
sur les mêmes travées.)
M. Eric Doligé.
Pensez à M. Hue !
Mme Josiane Mathon.
J'espérais que votre réaction serait vive. Elle ne l'est pas trop !
(Sourires.)
Pour ce qui nous concerne, nous refusons que nos concitoyennes et nos
concitoyens payent ainsi le prix fort pour la construction d'une France
fédérale dans une Europe libérale.
Privatisation des services publics avec bientôt l'aide des collectivités
territoriales, attaques contre la sécurité sociale et les retraites, contre le
logement social, l'éducation, votre Gouvernement remet systématiquement en
cause tous les outils de la solidarité et de l'égalité. Vous démolissez
méthodiquement ce que les constituants de 1946 avaient su réaliser ; vous
mettez à bas les avancées de ces dernières années et décennies.
Il y a une grande cohérence dans votre politique.
(Ah ! sur les mêmes travées.)
Le projet de loi constitutionnelle en est une pièce importante, qui, s'il est
voté, marquera l'avenir d'une manière négative. En retirant ses amendements,
devant l'insistance du Gouvernement, la commission des lois y aura
contribué.
S'aligner sur le Gouvernement, cela devient d'ailleurs une habitude ! Déjà,
cet été, le travail de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs
avait été jeté par dessus bord, lors du vote de la loi d'orientation et de
programmation sur la justice.
Notre conception de la décentralisation n'est pas la vôtre...
MM. Eric Doligé et Josselin de Rohan.
Heureusement !
Mme Josiane Mathon.
Nous voulons une décentralisation solidaire, respectueuse de l'égalité des
citoyens, qui se fixe pour objectif de répondre à leurs besoins et non de
mettre les régions françaises en concurrence pour répondre aux exigences
européennes.
C'est pourquoi nous refusons de voir apparaître dans la Constitution une
conception de la République fondée sur une multitude de statuts particuliers,
de normes particulières.
Nous voulons une décentralisation qui soit synonyme de déconcentration et de
démocratisation. Nous en sommes bien loin et nous nous sommes efforcés de le
démontrer tout au long du débat. Nous n'avons pas été entendus. Mais il n'est
pas trop tard...
M. Eric Doligé.
Mais si : il est trop tard !
Mme Josiane Mathon.
... pour leur donner tous les éléments, contenu, enjeux, pour juger en toute
connaissance de cause du projet dans ses aspects publics comme cachés et pour
organiser un grand débat national débouchant sur un référendum.
En attendant, nous voterons résolument contre ce texte.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur celles du groupe
socialiste.)
M. Eric Doligé.
Heureusement !
M. le président.
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille.
Le scrutin du 21 avril dernier a bien montré combien les Français étaient
insatisfaits du fonctionnement actuel de nos institutions. A l'évidence, une
grande part des électeurs ne s'est pas sentie concernée par les processus de
décision tels qu'ils ont fonctionné durant la période la plus récente.
En rapprochant le lieu de décision du citoyen, le Gouvernement a choisi la
bonne voie pour réveiller leur participation et leur permettre de s'intéresser
à nouveau, de manière positive, à la vie politique.
Pour préparer cette évolution indispensable, vous avez opté pour une révision
de la Constitution. Il convient effectivement d'ouvrir de nouvelles
possibilités à l'expérimentation, mais aussi d'encadrer dans des dispositions
de principe les transferts de compétences, ce qui n'avait pas été fait jusqu'à
présent.
L'opposition sénatoriale a reproché à ce texte de ne pas contenir ce qui
n'avait pas été fait dans les précédents textes de décentralisation. Entre
autres, l'affirmation constitutionnelle de l'autonomie financière et de la
libre administration des collectivités territoriales devient un principe
constitutionnel désormais sanctionnable par le Conseil constitutionnel.
Bien sûr, il existe une marge d'appréciation. Elle est d'ailleurs
indispensable si l'on ne veut pas aboutir à des blocages. Mais quel progrès
!
La compensation financière à l'occasion des transferts de compétences devient
également un principe constitutionnel sanctionnable. Quel progrès, après
l'expérience de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, et celle des
collèges !
L'expérimentation devient possible mais pour une durée et un objet limités, ce
qui permet ou son abandon en cas d'échec, ou au contraire sa généralisation en
cas de succès. Là encore, quel progrès par rapport aux dispositions qui nous
étaient proposées pour la Corse !
Nos collègues ont choisi de s'opposer à ce nouvel espace de liberté.
Nous avons entendu de vibrantes défenses du centralisme, censées garantir la
stricte égalité entre les territoires, pour s'opposer à tout transfert nouveau.
Il a même été question de fédéralisme.
Mais une question vient aussitôt à l'esprit : la situation actuelle, même
après cinq ans de gestion de la gauche plurielle, assure-t-elle cette égalité
des territoires ? Toutes les régions, tous les départements, toutes les
communes sont-ils satisfaits du montant de leurs ressources, des crédits
déconcentrés de l'Etat ? Pourquoi feindre aujourd'hui de croire que les crédits
décentralisés au profit des collectivités territoriales seront moins bien
répartis que les crédits déconcentrés ?
Il ne faut pas oublier que le centralisme n'est nullement une garantie
d'égalité entre les territoires.
De même, comment ne pas être sidéré par les critiques de nos collègues sur
l'article 4, alinéa 3, relatif au principe dit de subsidiarité ?
Refuser d'accorder aux collectivités territoriales les compétences qu'elles
peuvent mieux exercer que l'Etat ne tient pas de la défense de la République
mais de la politique du roi Ubu.
C'est vouloir à toute force confier à des technostructures irresponsables ce
dont il est manifeste que les élus locaux, par leurs connaissances du terrain,
sont le mieux à même de traiter, et de manière plus performante.
Ce texte n'est ni aléatoire ni inutile. Au contraire, il offre un bon
équilibre entre le pouvoir local et le pouvoir central et s'en tient, comme la
logique le commande pour un texte constitutionnel, au niveau des principes.
Il permettra de répondre au sentiment de découragement des Français au regard
du fonctionnement de leurs institutions et de moderniser les rapports entre
l'Etat et les collectivités territoriales en vue d'une meilleure efficacité.
Dans les semaines qui viennent, les assises des libertés locales vont
permettre de définir un premier train de mesures. Mais la révision de la
Constitution n'est pas une mesure de circonstances. Les règles que nous fixons
s'appliqueront dans la durée à bien d'autres situations que nous ne pouvons
aujourd'hui prévoir sans nous lancer dans des spéculations hasardeuses.
Le souhait de nos collègues de connaître par avance toutes les dispositions
des lois organiques n'est pas une attitude de constituant.
Appelée de ses voeux par le Président de la République durant la campagne
électorale, cette réforme est plus que nécessaire, elle est aujourd'hui
indispensable pour permettre à notre République de redémarrer, de repartir de
l'avant.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues,
personnellement, j'ai apprécié que ce projet de loi vienne d'abord en
discussion au Sénat plutôt qu'à l'Assemblée nationale.
Je voudrais aussi, en tant que nouveau sénateur, dire à un autre nouveau
sénateur - originaire, lui aussi, de « la grande bleue » - que je suis
satisfait, compte tenu des discours qu'il tenait il y a vingt ans, de voir
combien son évolution a été positive en matière de décentralisation. Peut-être
la maturation a-t-elle été un peu longue ! Mais, en définitive, il a fait
preuve d'enthousiasme et de sérénité. Mais là n'est pas mon propos !
Je voudrais surtout dire qu'il y a un certain nombre de choses que nous ne
pouvons qu'apprécier. Ainsi, il est clair que, lorsqu'on nous parle de réformer
les structures administratives, de revivifier la vie politique et la
République, lorsqu'on nous parle d'organisation décentralisée, de péréquation,
d'expérimentation, nous ne pouvons nier, bien entendu, que tout cela fait
partie de l'héritage de la gauche. Par conséquent, mes chers collègues, si vous
vous y ralliez, j'y verrais là un signe extrêmement encourageant qui prouverait
tout simplement que vous avez bien évolué et que nous avions peut-être raison
avant vous !...
(Murmures sur les travées du RPR.)
Je mettrai toutefois un bémol à l'évolution dont je parlais. Il est des
éléments que j'aurais personnellement voulu voir figurer dans le texte, ou au
moins esquisser. Par exemple, sur le plan intellectuel, tout le monde est
d'accord avec l'expérimentation. Mais si on ne la cadre pas - et, pour
l'instant, nous ne savons rien -, je crains que seules les collectivités aisées
- aucune collectivité ne peut être riche en cette période ! - ne puissent
s'offrir toutes les expérimentations, et que les collectivités démunies ne
parviennent, en définitive, qu'à faire face à leurs obligations légales,
c'est-à-dire à leurs compétences obligatoires. C'est une inquiétude d'autant
plus grande que nous sommes très attachés à la solidarité territoriale, qui va
bien au-delà de la solidarité sociale.
M. Roger Karoutchi.
C'est la sagesse !
M. François Fortassin.
Quant à la péréquation, si elle doit être fondée sur le principe actuel de la
DGE et de la DGF, à l'évidence, elle ne va pas donner satisfaction. Ce sera un
coup d'épée dans l'eau et, paraphrasant mon grand-père, je dirai que, dans
cette République nouvelle qui s'esquisse, mieux vaut être riche et bien portant
que pauvre et malade !
(Rires.)
Cette idée de péréquation manque donc
singulièrement de précision. Nous aurions souhaité...
M. Hilaire Flandre.
Des sous !
M. François Fortassin
... l'inscription dans le texte que l'Etat est garant de l'unité nationale.
D'autres éléments me laissent perplexe.
Tout d'abord, je trouve qu'il y a quelque incohérence à parler d'unicité de la
République et de République décentralisée.
M. Josselin de Rohan.
Ah bon !
M. François Fortassin.
Il faudra que vous m'expliquiez.
N'y aura-t-il pas une fonction publique territoriale à plusieurs vitesses ?
Enfin, quand on connaît les débats qui sont organisés par les préfets sur les
libertés locales, on ne peut qu'être dubitatif quant à la portée réelle des
différentes discussions qui nous attendent maintenant !
M. Didier Boulaud.
Il a totalement raison !
M. François Fortassin.
Dans les déclarations qui émanent tant de l'opposition que de la majorité et
qui font état d'un texte « mal ficelé », d'un « projet bâclé », voire d'une «
République en morceaux », je me demande s'il n'y a pas un petit fond de
vérité.
M. Didier Boulaud.
Il a raison !
M. François Fortassin.
Quand j'ai écouté, lors des dernières assises des conseillers généraux, le
discours du président de l'Assemblée nationale,...
M. Hilaire Flandre.
Il va s'abstenir !
M. François Fortassin.
... j'ai cru entendre...
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste.
« Le bazar ! »
M. François Fortassin.
... son père, lui dont on ne peut quand même pas dire que le jacobinisme était
la dernière des qualités !
(Vives exclamations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Par ailleurs, je vous en donne acte,
monsieur le président, j'ai apprécié votre discours, je le dis très
clairement.
M. Didier Boulaud.
On a compris !
M. François Fortassin.
Par conséquent, si j'ai envie de voter le texte des deux mains
(Exclamations sur les mêmes travées),
en raison du flou artistique qui
subsiste sur tous ces différents points...
M. Henri de Raincourt.
Toujours le radicalisme !
M. François Fortassin.
... et que vous n'avez pas dissipé au cours des débats, je ne peux pas vous
donner de chèque en blanc, ...
M. Hilaire Flandre.
Il va s'abstenir !
M. Robert-Denis Del Picchia.
Il va voter d'une seule main !
M. François Fortassin.
... même si je ne mets pas en doute la volonté du Premier ministre et de la
majorité sénatoriale de mener à bien une telle réforme. Je suis beaucoup plus
inquiet de ce qui va se passer à l'Assemblée nationale !
(Exclamations sur
les travées du RPR.)
MM. Jacques Pelletier et Paul Girod.
Très bien !
M. Louis de Broissia.
Ils vont s'abstenir !
M. le président.
Avant de donner la parole à M. Gélard, j'adresse au président-rapporteur de la
commission des lois, au vice-président et à tous les membres de la commission,
élus et fonctionnaires, mes félicitations pour le travail extrêmement important
qu'ils ont réalisé, je dois le reconnaître, dans des conditions assez
difficiles. Ils méritent, par conséquent, les uns et les autres, que nous les
complimentions.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
Vous avez la parole, monsieur Gélard.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Monsieur le président, vous venez de me
couper l'herbe sous le pied ! Je voulais en effet commencer par remercier le
président Garrec pour le rapport qu'il a fait au nom de la commission des lois
sur ce projet de loi constitutionnelle.
(Bravo ! et applaudissements sur les
mêmes travées.)
Il a eu une mission difficile,...
M. Jean-Pierre Sueur.
Très !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
... complexe, dans un domaine où nous
n'avions pas encore expérimenté de révision constitutionnelle.
Je tiens aussi à saluer l'opposition
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste),
même si nous n'avons retenu aucun de ses amendements
!
(Rires sur les mêmes travées. - Protestations sur les travées du groupe
socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Claude Carle.
C'est trop fort !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Même s'ils ont parfois voulu - c'était
Halloween ! - nous faire peur en évoquant le fédéralisme, le démantèlement de
la République, l'atteinte à la souveraineté, ce débat aura été riche, et les
propositions qui ont été faites, même si elles n'étaient pas dans la ligne que
nous avions choisie au nom de la majorité de la commission des lois,
intéresseront ceux qui, par la suite, étudieront la façon dont ce texte a été
adopté.
Mme Hélène Luc.
La postérité !
M. Jacques Mahéas.
Quel dédain !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
J'ajoute que nous avons innové, sur le
plan constitutionnel, dans toute une série de domaines.
Mme Nicole Borvo.
Vous avez cafouillé !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Nous avons innové en inventant la
décentralisation constitutionnalisée. Il y avait déjà le régionalisme
constitutionnalisé, le fédéralisme constitionnalisé, mais il n'y avait pas
encore la décentralisation constitutionnalisée. C'est chose faite.
Vous verrez aussi, à l'usage, que toute une série des principes que nous avons
dégagés perdureront et marqueront profondément à l'avenir.
Le débat que nous avons mené, longuement, avec passion, avec quelques
chausse-trappes aussi...
M. Jean-Pierre Sueur.
Beaucoup !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
... ainsi que quelques prolongations qui
n'avaient peut-être pas tout à fait leur place, a au moins permis d'apporter
une réponse à une demande constante de la part des Français : un Etat plus
proche de leurs préoccupations. Ce sera la décentralisation.
Nous avons tenu les engagements pris par le chef de l'Etat dans son discours
de Rouen, par le Premier ministre lors de sa déclaration d'investiture. Nous
sommes dans la lignée de ce pour quoi nous avons été élus et nous continuerons
dans cette voie !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
M. Didier Boulaud.
Ce n'est pas normal ça ! Après le vote !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
C'est la première fois que l'honneur m'a été fait de venir
défendre un texte dans votre assemblée. J'en ai été évidemment à la fois émue
et heureuse, d'autant qu'il s'agit d'une réforme que je considère comme une
grande réforme pour l'outre-mer et qui est, me semble-t-il, la traduction
juridique très fidèle du discours - qui a été qualifié de fondateur - que M. le
Président de la République a prononcé à Madiana, en Martinique, en mars
2000.
Même si nos débats ont montré que, entre la Polynésie et la Réunion par
exemple, il y avait une palette importante de nuances - mais c'est cela aussi
la France, avec sa diversité et ses richesses grâce aux collectivités
d'outre-mer - nous avons réussi à élaborer un texte équilibré, qui ancre
davantage nos dix collectivités d'outre-mer dans la République. Au-delà de ce
lien juridique très fort, n'oublions pas que c'est surtout le lien du coeur
entre la métropole et l'outre-mer qui est important !
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
En outre, je tiens tout particulièrement à vous remercier,
monsieur le président, de l'efficacité avec laquelle vous avez dirigé les
travaux qui me concernent tout particulièrement. Je veux surtout adresser à M.
le président Garrec et à M. Gélard des remerciements très chaleureux pour la
manière dont nous avons très longuement travaillé ensemble, et j'y associe bien
sûr tous leurs collaborateurs. Grâce à la commission des lois, nous avons
amélioré avec intelligence la partie du texte relative à l'outre-mer, car ses
membres nous ont fait penser à des subtilités qui nous avaient échappé. Ce
texte a donc été amélioré grâce au travail très intense que vous avez fourni,
mesdames, messieurs les sénateurs.
M. Didier Boulaud.
Passe-moi le poivre !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Je remercie aussi les sénatrices et les sénateurs, de la
majorité comme de l'opposition, de l'accueil à la fois compréhensif et courtois
qu'ils ont bien voulu me réserver. Nos débats, qui ont été parfois animés, ont
été de toute façon très enrichissants pour les uns et les autres. Je vous
adresse, je le répète, à vous toutes et à vous tous mes remerciements les plus
sincères et les plus vifs.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
(Applaudissements sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le texte qui vous est soumis est très important et il doit beaucoup
au Sénat car, vous l'avez dit, monsieur le président, le Sénat, au cours de ces
débats, a été non seulement un aiguillon permanent, mais aussi un
inspirateur,...
M. Didier Boulaud.
Un aspirateur !
(Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
Monsieur Boulaud, voyons !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
... notamment à travers vous qui vous êtes engagé
depuis longtemps dans cette réforme de la décentralisation.
Rassurez-vous, monsieur le président, je connais M. Boulaud : il était aussi
perturbateur à l'Assemblée nationale qu'il l'est au Sénat !
Un sénateur du RPR.
Il ne s'améliore pas !
M. Henri de Raincourt.
La maladie est chronique dans la Nièvre !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Le Gouvernement s'est largement inspiré des travaux
préparatoires du Sénat, en particulier de votre proposition de loi, monsieur le
président. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, le Gouvernement a tenu à
ce que ce projet de loi soit soumis en priorité au Sénat. Il s'agit non
seulement d'un acte de courtoisie à l'égard de la Haute Assemblée, mais aussi
d'une adresse à des spécialistes des collectivités territoriales.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Patrick Devedjian
ministre délégué.
Cela va éclairer les débats à venir pour l'ensemble du
Parlement et permettra sans doute d'avancer avec plus d'efficacité dans le
débat juridique.
M. Laurent Béteille.
Très bien !
Mme Nicole Borvo.
C'est pour cela que vous n'avez retenu aucun amendement !
M. Patrick Devedjian
ministre délégué.
Ce texte doit beaucoup aussi à la commission des lois
du Sénat
(Vives exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste),
à ses collaborateurs, qui ont apporté un concours technique
très efficace, à M. René Garrec en particulier, qui, en plus de ses qualités de
fin juriste, qu'il a acquises sans doute ailleurs mais aussi dans cette
assemblée, a su ne jamais se départir d'une subtilité souriante et d'un grand
art diplomatique.
M. Patrice Gélard a su, lui, recentrer le débat sur l'essentiel lorsque le
droit et les notions fondamentales du droit étaient en cause.
La commission des lois a été critiquée ; j'ai entendu, à son sujet, des mots
désagréables : elle a dû « se coucher »,
(Oh ! sur les travées du groupe
socialiste et sur celle du groupe CRC),
elle a été aux ordres... Or, avec
le sourire, M. Garrec a su faire accepter trente-quatre amendements. Pour des
gens qui marchent aux ordres, ce n'est pas mal !
Très souvent, monsieur le rapporteur, vous avez su convaincre le Gouvernement
de la pertinence de votre approche par rapport à la sienne et nous vous en
sommes reconnaissants.
M. Jean-Pierre Sueur.
Quelle vision de l'histoire !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Ce projet de loi crée des instruments nouveaux, qui
transformeront progressivement le paysage administratif de notre pays.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je les rappelle,
car ils sont nombreux et l'on pourrait avoir tendance à les oublier en raison
d'un excès de polémique.
Ce texte institue le statut particulier, l'expérimentation, la subsidiarité,
le référendum local, le chef de file, la reconnaissance d'un droit
réglementaire des collectivités territoriales et son assise constitutionnelle ;
la liberté des collectivités territoriales est garantie ; il n'y a pas de
tutelle d'une collectivité sur l'autre ; il n'y a plus et il ne pourra plus y
avoir de tutelle financière de la part de l'Etat
(Rires sur les travées du
groupe socialiste et sur celles du groupe CRC)
; la péréquation devient une
obligation constitutionnelle - elle était un thème de discours, elle devient un
droit - ; la région fait son entrée dans la Constitution - elle se trouve enfin
à égalité avec les deux autres collectivités locales - ; le statut de
l'outre-mer est rénové ; enfin, ce projet de loi marque une amplification
considérable par rapport à la réforme de Gaston Defferre de 1982.
Si vous le permettez, monsieur Mauroy, je dirai que cette réforme constitue un
changement de méthode.
D'abord, c'est une réforme qui est demandée par les collectivités locales, et
non pas octroyée par l'Etat. C'est une grande différence !
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les
travées du groupe socialiste.)
Ensuite, c'est une réforme qui est constitutionnalisée, si bien qu'elle est
juridiquement protégée contre les retours en arrière et contre la reprise fibre
à fibre des libertés qui ont été concédées.
(M. Bernard Piras
s'exclame.)
C'est également une réforme permanente. Les instruments qui figureront dans la
Constitution permettront de continuer à décentraliser d'année en année. La
réforme ne s'arrêtera pas à un moment donné. Elle n'est pas occasionnelle.
(Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, monsieur Mauroy, cette réforme est emblématique, et non pas
circonstancielle. C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à ce qu'elle
soit inscrite à l'article 1er de la Constitution. Elle représente en effet une
volonté permanente d'aborder autrement les relations entre l'Etat et les
collectivités territoriales.
(M. Jacques Mahéas s'exclame.)
Face à l'importance de ce projet de loi, les critiques de la gauche que j'ai
entendues, et qui ont été rappelées lors de vos explications de vote, me
paraissent être des prétextes d'une grande légèreté.
(Vives protestations
sur les travées du groupe socialiste.)
L'unité de la République n'est pas menacée : elle est garantie par l'article
1er et par l'article 3 de la Constitution.
(M. Jacques Mahéas s'exclame de
nouveau.)
J'ai entendu l'accusation de « fédéralisme ».
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Il est vrai - et cela fait la richesse de notre débat -
que l'histoire est à l'arrière-plan de tout ce que nous disons. Les malheureux
Girondins qu'on envoyait à la guillotine étaient déjà accusés de « fédéralisme
» : c'était le crime suprême dont on accusait ceux qui voulaient décentraliser.
Ce reproche existe encore aujourd'hui. Il s'agit évidemment d'un archaïsme,
mais c'est significatif.
L'égalité, avez-vous dit, serait menacée.
Mme Hélène Luc.
Bien sûr qu'elle est menacée !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Or jamais les inégalités n'ont été aussi fortes
qu'aujourd'hui. Regardez la carte de notre pays, regardez ces provinces en
jachère
(Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et sur
celles du groupe CRC),
abandonnées, éloignées des axes de communication :
tous les TGV, toutes les autoroutes, toutes les lignes aériennes convergent
vers Paris ! Croyez-vous que c'est cela l'égalité ?
(Bravo ! et vifs
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Vous nous avez dit que notre projet était flou. Mais le propre d'une
Constitution est d'énoncer des droits. Et ceux qui, dans un droit, ne voient
que du flou sont mûrs, effectivement, pour toutes les subversions.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe
CRC.)
C'est la loi organique qui organise le droit et c'est la Constitution qui
l'énonce !
Vous nous avez reproché de ne pas avoir inscrit l'intercommunalité dans le
projet de loi. Nous vous avons répondu que nous tenions autant que vous à
l'intercommunalité, qu'effectivement c'était l'avenir, et que pour préserver le
processus d'expérimentation, qui est actuellement en plein développement, il
fallait sans doute ne pas le bousculer, mais le laisser s'achever avant de
marquer une étape supplémentaire.
Monsieur Mauroy, la promesse du Premier ministre à Marseille est tenue : il
avait promis que les intercommunalités pourraient bénéficier de
l'expérimentation. Eh bien ! c'est fait : c'est inscrit dans le projet de
loi.
J'ai également entendu parler de « féodalité ». C'est oublier que la
décentralisation est inscrite dans le droit et que le droit est contrôlé. Les
préfets continueront à exercer le contrôle de légalité, et il n'y aura pas plus
de féodalité demain qu'il n'y en a eu hier.
(Exclamations sur les travées du
groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
Enfin, car il faut évidemment employer tous les arguments, j'ai entendu parler
de « libéralisme ». On se demande ce que cela vient faire !
(Mme Nicole
Borvo s'exclame.)
Il s'agit d'organiser autrement la puissance publique. Il n'est nulle part
question de privatisation. La puissance publique restera toujours responsable
du service public.
Je comprends que la gauche, qui a des problèmes, essaie de ressouder son
unité.
(Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et sur
celles du groupe CRC.
) Mais il me semble que, par ces considérations
tactiques un peu subalternes, vous avez oublié vos propres convictions et,
finalement,...
(Les protestations s'amplifient jusqu'à couvrir la voix de
l'orateur.)
La liberté consiste à laisser parler celui qui a la parole ! La
démocratie aussi !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Brouhaha sur les
travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
... et,
finalement, vingt ans après Gaston Defferre, vous nous avez dit aujourd'hui que
vous étiez d'accord avec les idées de Michel Debré.
M. Jean-Claude Peyronnet.
On n'a jamais dit cela !
M. Patrick Devedjian
ministre délégué.
C'est une satisfaction mitigée pour un gaulliste comme
moi.
(Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud.
Que les gaullistes lèvent le doigt !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
En tout cas, pour vous, c'est un singulier
renoncement.
Après cinq ans d'un gouvernement Jospin qui a recentralisé à marche forcée en
remplaçant la tutelle des préfets par la tutelle financière, il fallait que
nous arrivions pour rétablir la liberté des collectivités locales.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Ce ne sont pas vos cris, ni votre obstruction, qui feront avancer
l'histoire !
En définitive, la gauche bégaye. En 1969, vous vous êtes opposés à la
décentralisation du général de Gaulle. En 1982, nous avons fait l'erreur de
nous opposer à votre décentralisation. Aujourd'hui, vous vous opposez à la
nôtre. L'histoire avance à reculons avec vous, et je le regrette. Pourtant, ce
débat a été très riche, utile, et il portera ses fruits.
Demain, nous aurons à examiner la loi organique. Ce débat a jalonné son
contenu grâce à ce qui s'est passé aujourd'hui tant à gauche qu'à droite. Nous
savons déjà un peu mieux comment devra être écrite la loi organique.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
L'Assemblée
nationale nous aidera à préciser davantage les choses, mais c'est déjà très
avancé.
Nous commençons à savoir aussi, grâce à ce débat, ce que devra être la réforme
fiscale : ce sera inévitablement l'application des principes inscrits dans la
Constitution.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
C'est
dur d'entendre la vérité !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les
travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
Mais c'est
seulement en affrontant la vérité que l'on peut guérir !
M. Didier Boulaud.
Vous ne nous ferez pas taire !
M. Patrick Devedjian
ministre délégué.
A défaut de vous avoir convaincus, il nous reste à
expliquer aux Français que cette réforme est pour eux : elle n'est pas pour la
gauche ou pour la droite ; elle n'est pas pour les fonctionnaires ; elle n'est
pas pour les élus locaux ; elle n'est pas pour les élus nationaux. Elle est
pour les citoyens, pour qu'ils aient un meilleur service public, un service
public de qualité, de proximité,...
Mme Hélène Luc.
Vous voulez privatiser !
M. Patrick Devedjian
ministre délégué.
... et dont les élus soient responsables.
Tel est le sens de la réforme : un meilleur service public pour tous les
citoyens.
(Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE. - Huées et sifflets sur les travées du groupe socialiste et
sur celles du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud.
C'est ce que l'on appelle un discours de trop !
M. le président.
Le Sénat va procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi
constitutionnelle.
En application de l'article 60
bis
, alinéa 1, du règlement, il va être
procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par
l'article 56
bis
du règlement.
J'invite Mme Gisèle Printz et M. Jean-Claude Carle, secrétaires du Sénat, à
venir superviser les opérations du scrutin.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.
(Le sort désigne la lettre Q.)
M. le président.
Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.
(L'appel nominal a lieu.)
M. le président.
Le premier appel nominal est terminé.
Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
(Le nouvel appel nominal a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
Mme et M. les secrétaires vont procéder au dépouillement.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 305 |
Nombre de suffrages exprimés | 302 |
Majorité absolue des suffrages | 152 |
Pour l'adoption | 197 |
Contre |
105 |
Le Sénat a adopté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
5
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
J'ai reçu de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement,
porte-parole du Gouvernement, la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous informer que, en application de l'article 48 de la
Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement demande
que la discussion du projet de loi pour la sécurité intérieure commence le
mercredi 13 novembre, à 15 heures. La discussion se poursuivra mercredi 13
novembre, le soir, jeudi 14 novembre, le matin, l'après-midi, après les
questions d'actualité au Gouvernement, et le soir, ainsi que vendredi 15
novembre, le matin, l'après-midi et le soir.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments
les meilleurs.
« Signé : Jean-François Copé. »
En conséquence, l'ordre du jour de la séance de demain s'établit désormais
comme suit :
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
- Questions d'actualité au Gouvernement ;
- Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le rapport du
Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
6
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 4 novembre 2002, l'informant de l'adoption définitive des neuf
textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 1839. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de
l'accord INTERBUS relatif au transport international occasionnel de voyageurs
par autocar ou par autobus (adoptée le 3 octobre 2002).
N° E 1918. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion,
entre la Communauté européenne et la République tchèque, d'un accord concernant
les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord
européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs
Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part (adoptée le
22 octobre 2002).
N° E 1998. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil
relatif au maintien du système statistique de la Communauté européenne du
charbon et de l'acier après l'expiration du traité instituant la Communauté
européenne du charbon et de l'acier (adoptée le 30 septembre 2002).
N° E 2031. - Demande de dérogation présentée par la Suède conformément à
l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE concernant les droits
d'accises sur les huiles minérales (essence alkylat) (adoptée le 8 octobre
2002).
N° E 2033. - Proposition de règlement du Conseil portant rectification du
règlement (CE) n° 2200/96 en ce qui concerne la date de début de la période
transitoire fixée pour la reconnaissance des organisations de producteurs
(adoptée le 14 octobre 2002).
N° E 2047. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision
1999/78/CEE du Conseil du 22 juin 1998 relative à la conclusion d'un accord de
reconnaissance mutuelle entre la Communauté européenne et les Etats-Unis
d'Amérique (adoptée le 8 octobre 2002).
N° E 2048. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision
2001/747/CE du Conseil du 27 septembre 2001 concernant la conclusion de
l'accord de reconnaissance mutuelle entre la Communauté européenne et le Japon
(adoptée le 8 octobre 2002).
N° E 2066. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE)
n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion des contingents tarifaires
communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels
(chlorure de diméthylammonium, moteurs) (adoptée le 8 octobre 2002).
N° E 2088. - Projet de règlement de la Commission portant règlement financier
cadre des organismes visés à l'article 185 du règlement (CE, EURATOM) du
Conseil (règlement financier applicable au budget général) (adopté le 14
octobre 2002).
7
DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT
M. le président.
J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante
:
N° 6. - Le 6 novembre 2002 - M. Jean-Paul Amoudry appelle l'attention de M. le
Premier ministre sur les conclusions et propositions formulées par la mission
d'information du Sénat sur la politique de la montagne, dans son rapport rendu
public le 16 octobre 2002.
En effet, si les travaux conduits par la mission depuis le mois de février
dernier ont souligné l'infinie diversité des territoires des montagnes de
France, qui couvrent 28 % du territoire et regroupent 13,5 % de la population
de notre pays, ils ont également mis en évidence de très nombreuses
caractéristiques communes aux terres d'altitude.
Ces points communs et les préoccupations qui en découlent apparaissent comme
autant de questions urgentes posées aux responsables politiques dans des
domaines déterminants pour l'avenir des zones de montagne françaises :
- le niveau des soutiens publics à l'agriculture, inférieur à la moyenne
nationale, et donc en totale contradiction avec les principes de légitime
compensation du « handicap montagne » affirmés depuis plusieurs décennies par
le législateur ;
- la préservation d'une activité industrielle, souvent fortement enracinée,
qui aspire à continuer à vivre dans des territoires incapables de surmonter
sans aide extérieure le handicap de l'enclavement, et qui ressentent un fort
déficit de solidarité nationale ;
- la poursuite du développement touristique, freiné par l'absence de
politiques fiscales et sociales adaptées à la saisonnalité et d'un véritable
régime de la pluriactivité ;
- la quasi-inexistence de politiques nationales et européennes pour régler la
question de la traversée des massifs frontaliers, ce qui inflige aux
populations sédentaires les nuisances induites par la croissance du trafic
routier sans perspective d'amélioration ;
- l'absence de concertation avec les responsables locaux, constatée dans
certaines initiatives environnementalistes, telle la réintroduction du loup, au
mépris d'activités ancestrales, comme le pastoralisme, entretenant ainsi le
sentiment que les « grandes » décisions concernant la montagne relèvent d'un
processus centralisé ;
- la lente, mais apparemment inéluctable disparition de services publics,
médicaux et privés, qui, dans beaucoup de massifs, entraîne puis accroît la
dévitalisation démographique ;
- l'excès de rigueur, enfin, dans l'application des dispositions d'urbanisme
de la loi « montagne », devenue la pomme de discorde permanente entre élus
locaux et représentants de l'Etat.
Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les initiatives et
mesures que le Gouvernement qu'il dirige entend engager, pour répondre aux
interrogations et légitimes inquiétudes des élus, responsables et populations
des départements de montagne, et leur apporter l'aide et le soutien qu'ils
attendent pour relever les défis auxquels sont confrontés ces territoires.
Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat
a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion
aura lieu ultérieurement.
8
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2003, adopté par l'Assemblée
nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 47, distribué et renvoyé à la
commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Joseph Ostermann, Laurent Béteille, Gérard Braun, Mme
Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Auguste Cazalet, Robert Del
Picchia, Alain Dufaut, Bernard Fournier, Philippe de Gaulle, Alain Gérard,
François Gerbaud, Francis Giraud, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Lucien
Lanier, Patrick Lassourd, Max Marest, Michel Guerry, Paul Natali, Mme Nelly
Olin, M. Jacques Peyrat et Mme Janine Rozier une proposition de loi tendant à
instituer une journée nationale unique du Souvenir.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 50, distribuée et renvoyée à la
commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
10
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de
coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et
l'Ukraine.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2128 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à l'harmonisation du revenu
national brut aux prix du marché. Règlement RNB.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2129 et distribué.
11
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi (n° 47, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2003, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
12
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Louis Lorrain un rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales sur la proposition de loi de M. Nicolas About, relative à la
responsabilité civile médicale (n° 33, 2002-2003).
Le rapport sera imprimé sous le n° 49 et distribué.
J'ai reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, premier vice-président de
l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,
sur les conséquences de l'évolution scientifique et technique du secteur des
télécommunications, établi par MM. Jean-Louis Lorrain et Daniel Raoul,
sénateurs, au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 52 et distribué.
13
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport d'information fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 48 et distribué.
J'ai reçu de M. Roland du Luart un rapport d'information fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation sur la défiscalisation dans les départements et les territoires
d'outre-mer.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 51 et distribué.
14
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 7 novembre 2002, à quinze heures et, éventuellement, le soir
:
1. Questions d'actualité au Gouvernement.
2. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le rapport du
Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, déposé en
application de l'article 52 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001
relative aux lois de finances.
Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi
de M. Nicolas About relative à la responsabilité civile médicale (n° 33,
2002-2003) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 novembre 2002, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de
loi de M. Bernard Murat portant modification de l'article 43 de la loi n°
84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des
activités physiques et sportives (n° 28, 2002-2003) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 novembre 2002, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de
loi de M. Dominique Braye et plusieurs de ses collègues portant modification de
la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 37, 2002-2003)
:
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
vendredi 8 novembre 2002, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 novembre 2002, à
dix-sept heures ;
Personne ne demande la parole ?...
la séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures quinze.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
DÉCLARATION D'URGENCE
Par lettre en date du 6 novembre 2002, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article 45 de la Constitution le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi pour la sécurité intérieure (n° 30, 2002-2003).
NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
M. Bernard Murat a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 28
(2002-2003) de M. Bernard Murat portant modification de l'article 43 de la loi
n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des
activités physiques et sportives.
M. Philippe Richert a été nommé rapporteur du projet de loi n° 470 (1999-2000)
portant ratification de l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la
partie législative du code de l'éducation.
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
M. Ladislas Poniatowski a été nommé rapporteur de la proposition de résolution
n° 186 (2001-2002) de M. Aymeri de Montesquiou sur la proposition de directive
du Parlement européen et du Conseil et la proposition de règlement du Parlement
européen et du Conseil concernant les règles communes pour le marché intérieur
de l'électricité et du gaz naturel et les conditions d'accès au réseau pour les
échanges frontaliers d'électricité.
M. Dominique Braye a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 37
(2002-2003) portant modification de la loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains.
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. Alain Vasselle a été nommé rapporteur pour les équilibres financiers
généraux et l'assurance maladie,
M. Jean-Louis Lorrain a été nommé rapporteur pour la famille,
M. Dominique Leclerc a été nommé rapporteur pour l'assurance vieillesse du
projet de loi n° 47 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, de
financement de la sécurité sociale pour 2003.
COMMISSION DES FINANCES, DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
ET DES COMPTES ÉCONOMIQUES DE LA NATION
M. Adrien Gouteyron a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 47
(2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité
sociale pour 2003, dont la commission des affaires sociales est saisie au
fond.
DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT D'AMENDEMENTS À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE
En application de l'article 73
bis,
alinéa 6, du règlement, la
commission des affaires économiques et du Plan examinera le
mercredi 13
novembre 2002
, à
9 h 30,
le rapport et les amendements éventuels sur
la proposition de résolution n° 44 (2002-2003) présentée, en application de
l'article 73
bis
du règlement, par MM. Ladislas Poniatowski, Henri Revol
et Gérard Larcher, sur la proposition modifiée de directive du Parlement
européen et du Conseil modifiant les directives 96/92/CE et 98/30/CE concernant
les règles communes pour les marchés intérieurs de l'électricité et du gaz
naturel et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil
concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers
d'électricité (n° E 1742).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au
mardi 12 novembre
2002
, à
12 heures.
Les amendements devront être déposés directement
au secrétariat de la commission.
Il est rappelé que, conformément à l'article 73
bis,
alinéa 6, du
règlement, les amendements dont aucun des auteurs n'appartient à la commission
saisie au fond sont présentés devant celle-ci par leur premier signataire. La
présente publication vaut, à leur égard, convocation à la réunion de la
commission.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Maintien du deuxième versement de la dotation jeunes agriculteurs
86.
- 6 novembre 2002. -
M. Bernard Joly
appelle l'attention de
M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires
rurales
sur les inquiétudes des jeunes agriculteurs qui se sont vu refuser le paiement
du deuxième versement de la prime liée à l'installation pour des questions de
délais. Jusqu'alors la dotation jeunes agriculteurs était versée en deux
fractions : les deux tiers lors de l'installation et le dernier tiers à la
troisième année d'exploitation. Or la circulaire n° 7025 du 5 juin 2002 revoit
les principes de gestion du second volet. Elle modifie les délais d'instruction
qui présentaient une certaine souplesse et élimine la possibilité d'étudier la
quatrième année de résultats. En conclusion le solde n'est versé qu'à condition
que la demande ait été faite dans l'année qui suit le troisième exercice. Dans
son département, dix-neuf candidats ont vu leur dossier achopper sur cette
nouvelle rigidité. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il compte
revenir aux dispositions antérieures afin, d'une part, de ne pas changer les
règles de la procédure en cours d'application et, d'autre part, de prendre en
considération les impondérables inhérents à l'activité agricole qui ne
permettent pas de répondre aux exigences d'un texte sans la flexibilité
voulue.
Problèmes de gestion des communes situées en aval d'un barrage
87.
- 5 novembre 2002. -
M. Paul Blanc
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de
la mer
sur les difficultés rencontrées par les élus locaux dans la gestion et
l'aménagement des communes des zones situées en aval de barrages et
susceptibles d'être submergées.
Concurrence sur le marché
des produits de radiodiffusion et télévision
88.
- 6 novembre 2002. -
Mme Brigitte Luypaert
attire l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur les résultats d'une enquête réalisée par le mensuel
60 millions de
consommateurs
qui mettent en cause des pratiques anticoncurrentielles mises
en oeuvre, semble-t-il, par certains fabricants et distributeurs de produits «
bruns » (télé, hi-fi et vidéo) : ententes sur les prix, exclusivités de vente
concertées... Elle le prie de bien vouloir préciser les mesures qu'il compte
prendre visant à faire en sorte qu'une saine et libre concurrence puisse jouer
dans ce secteur qui soit véritablement profitable aux consommateurs.