SEANCE DU 24 OCTOBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Politique ferroviaire.
- Discussion d'une question orale avec débat.
(Ordre du jour réservé.)
(p.
1
).
MM. Josselin de Rohan, auteur de la question ; Jean-Claude Carle, Philippe
Darniche, Daniel Reiner, Jean-Paul Amoudry, Mme Marie-France Beaufils, MM.
Jacques Oudin, Bernard Joly, Mme Odette Herviaux, MM. Jacques Peyrat, Michel
Dreyfus-Schmidt.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer.
Clôture du débat.
Suspension et reprise de la séance (p. 2 )
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
3.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
3
).
4.
Implantation des éoliennes.
- Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission.
(Ordre
du jour réservé.)
(p.
4
).
Discussion générale : M. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission
des affaires économiques ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de
l'écologie et du développement durable ; M. Paul Girod, Mme Evelyne Didier, MM.
Bernard Piras, Jacques Oudin.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 5 )
Amendement n° 1 de M. Hilaire Flandre. - MM. Hilaire Flandre, le rapporteur,
Mmes la ministre, Evelyne Didier. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 (p. 6 )
Mme la ministre, M. le rapporteur.
Adoption de l'article.
Article 3 (p. 7 )
Amendement n° 3 de M. Jean-Pierre Vial. - MM. Jean-Pierre Vial, le rapporteur,
Mme la ministre. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 4. - Adoption (p.
8
)
Article 5 (p.
9
)
Amendement n° 2 de M. Bernard Piras. - MM. Bernard Piras, le rapporteur, Mme la
ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 6. - Adoption (p.
10
)
Vote sur l'ensemble (p.
11
)
Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, Gérard Larcher, président de la
commission des affaires économiques.
Adoption de la proposition de loi.
Mme la ministre, M. le président.
5.
Couverture territoriale en téléphonie mobile.
- Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission.
(Ordre
du jour réservé.)
(p.
12
).
Discussion générale : M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires
économiques ; Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; MM. Alain
Fouché, Paul Girod, Daniel Raoul, Mme Marie-France Beaufils.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 13 )
Amendements n°s 7 du Gouvernement et 1 de M. Jean-Pierre Vial. - Mme la
ministre déléguée, MM. Jean-Pierre Vial, le rapporteur, Daniel Raoul. - Retrait
de l'amendement n° 1 ; adoption de l'amendement n° 7.
Amendements n°s 8 du Gouvernement et 2 de M. Jean-Pierre Vial. - Mme la
ministre déléguée, MM. Jean-Pierre Vial, le rapporteur, Daniel Raoul. - Retrait
de l'amendement n° 2 ; adoption de l'amendement n° 8.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 (p. 14 )
Amendement n° 3 de M. Jean-Pierre Vial. - MM. Jean-Pierre Vial, le rapporteur,
Mme la ministre déléguée. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 3 (p. 15 )
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques.
Amendement n° 9 du Gouvernement et sous-amendement n° 13 de M. Paul Girod. -
Mme la ministre déléguée, MM. le rapporteur, Paul Girod. - Adoption du
sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendements n°s 10 du Gouvernement et 6 de M. Bruno Sido. - Mme la ministre
déléguée, MM. le rapporteur, Daniel Raoul, Paul Girod. - Rejet de l'amendement
n° 10 ; adoption de l'amendement n° 6.
Amendement n° 4 de M. Jean-Pierre Vial. - MM. Jean-Pierre Vial, le rapporteur,
Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement n° 11 du Gouvernement et sous-amendement n° 14 de M. Daniel Raoul. -
Mme la ministre déléguée, MM. le rapporteur, Daniel Raoul. - Rejet du
sous-amendement n° 14 ; adoption de l'amendement n° 11.
M. Paul Girod, Mme Marie-France Beaufils, MM. le président de la commission,
Daniel Raoul, Jean-Pierre Vial, le rapporteur.
Adoption de l'article modifié.
Article 4. - Adoption (p.
16
)
Article 5 (p.
17
)
Amendement n° 5 de M. Jean-Pierre Vial. - MM. Jean-Pierre Vial, le rapporteur,
Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 6 (p. 18 )
Amendement n° 12 du Gouvernement. - Mme la ministre déléguée, MM. le
rapporteur, Daniel Raoul. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 7 à 9. - Adoption (p.
19
)
Vote sur l'ensemble (p.
20
)
Mme Odette Terrade, M. Daniel Raoul.
Adoption de la proposition de loi.
M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée.
6.
Dépôt de propositions de loi
(p.
21
).
7.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
22
).
8.
Ordre du jour
(p.
23
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
POLITIQUE FERROVIAIRE
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 1 de
M. Josselin de Rohan à M. le ministre de l'équipement, des transports, du
logement, du tourisme et de la mer sur la politique ferroviaire.
M. Josselin de Rohan demande à M. le ministre de l'équipement, des transports,
du logement, du tourisme et de la mer de bien vouloir lui exposer la politique
qu'il entend mener en matière ferroviaire et, plus particulièrement, en ce qui
concerne la réalisation des lignes de TGV.
La parole est à M. Josselin de Rohan, auteur de la question.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un nombre
important de projets de liaisons ferroviaires, routières ou fluviales ont été
engagés, étudiés ou annoncés par le gouvernement précédent sans que les
financements nécessaires aient été garantis. M. Gayssot, alors ministre de
l'équipement, avait évalué en 1999 à 8 milliards d'euros le coût des sept
projets de liaisons à grande vitesse susceptibles d'être réalisés entre 2000 et
2010. Compte tenu des perspectives de croissance de l'économie nationale et
internationale, mais aussi de la situation précaire de nos finances publiques,
il était légitime de s'interroger sur la possibilité, pour notre pays, de faire
face à une telle charge dans les huit années à venir.
Telle est la raison qui a conduit le Gouvernement à demander au conseil
général des Ponts et Chaussées et à l'Inspection générale des finances de
procéder à un audit des projets en cours afin d'analyser leur faisabilité
technique, d'évaluer le montant des dépenses à engager et de déterminer un
calendrier des réalisations en fonction des ressources financières
existantes.
Nous ne pouvons qu'approuver cette démarche, car la première exigence des
contribuables doit être celle de la clarté et de la vérité. Il ne serait ni
sage ni honnête d'entretenir des illusions parmi les populations intéressées si
les projets ne pouvaient être réalisés aux conditions et dans les limites de
temps fixées par le gouvernement précédent.
Pour autant, nous souhaitons obtenir des précisions sur ce que le Gouvernement
attend de l'audit, sur la méthode selon laquelle celui-ci est conduit et sur le
domaine qu'il concerne.
Il s'agit non pas, dans mon esprit, de préjuger les conclusions de cet audit,
dont on nous a indiqué qu'elles feraient l'objet d'un débat au Parlement, mais
d'obtenir un éclairage sur les objectifs et sur la méthode.
S'agissant des objectifs, que recherche le Gouvernement : un classement des
projets selon des priorités définies par l'audit, un plus grand étalement des
dépenses dans le temps que celui qui avait été envisagé à l'origine, la
réorientation en faveur du transport ferroviaire de crédits consacrés à nos
voies de communication, la recherche, avec l'Union européenne, de concours
supplémentaires pour accroître nos marges de manoeuvre et utiliser au mieux les
ressources financières existantes, ou bien encore un appel aux collectivités
locales pour prendre en charge une plus grande part du financement des travaux
?
M. Charles Revet.
Et peut-être un réexamen des coûts !
M. Josselin de Rohan.
Même si vous n'excluez aucune hypothèse, peut-être avez-vous une préoccupation
majeure, qu'il nous serait agréable de connaître.
Selon quels critères l'audit sera-t-il conduit ? Doit-il mettre en relief et
comparer, pour chacune des liaisons à grande vitesse, le taux de rentabilité
externe et le taux de rentabilité interne ? Je rappelle que le taux de
rentabilité externe, ou taux socioéconomique, prend en compte les avantages de
la liaison à grande vitesse pour l'ensemble des acteurs du projet, qu'il
s'agisse des voyageurs, de l'Etat, des collectivités territoriales ou des
opérateurs ferroviaires. Le taux de rentabilité interne, quant à lui, est
calculé en fonction du coût et des avantages purement financiers pour les seuls
opérateurs ferroviaires - je devrais plutôt dire : pour le seul opérateur
ferroviaire.
Sachant, par exemple, que le taux de rentabilité socioéconomique minimal est
fixé à 8 %, les projets présentant un taux supérieur à ce seuil ont-ils plus de
chances que d'autres d'être pris en compte ?
Sachant, par ailleurs, que les liaisons sont assurées par un opérateur unique,
la SNCF, le profit engendré pour l'entreprise nationale, et elle seule, doit-il
être particulièrement pris en considération ? L'intérêt que présente une ligne
à grande vitesse sera-t-il examiné au regard de l'aménagement du territoire
?
Vous m'objecterez, monsieur le ministre, que toutes les liaisons envisagées
répondent à cette définition ; mais l'audit évaluera-t-il le remède qu'apporte
la nouvelle ligne ferroviaire à la situation périphérique d'une région telle
que la Bretagne, par exemple, ainsi que la possibilité de libérer une ligne
classique au profit du développement du trafic de marchandises ou de celui du
transport intrarégional ?
L'audit, enfin, s'inscrira-t-il dans les perspectives dégagées par les
documents nationaux et européens ?
Le comité interministériel pour l'aménagement du territoire - le CIAT - du 14
mai 1991 a fait figurer les liaisons concernant la Bretagne et les Pays de la
Loire dans le schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande
vitesse. Les schémas de services collectifs de transport ont reconnu ces
liaisons comme l'un des moyens de valoriser l'Ouest atlantique dans ses
échanges avec les autres pôles européens. La liaison à grande vitesse ouest est
inscrite au réseau transeuropéen des transports depuis 1996.
Le projet de liaison Paris-Brest/Paris-Quimper en trois heures a fait l'objet
d'une première inscription au contrat de plan Etat-région 2002-2006 pour un
montant de 132 millions d'euros, et les études liées à l'avant-projet sommaire
ont été engagées pour un montant de 21 millions d'euros.
D'autres considérations, telles que les acquisitions de terrains déjà opérées
pour la réalisation du projet, le gel de certaines terres à cause de la
détermination des fuseaux ou la nécessité, pour les agglomérations, de lever
des hypothèques et des incertitudes pesant sur leur développement urbanistique
du fait des emprises seront-elles prises en compte ? Autant de questions qui se
posent aux élus locaux et qui les inquiètent.
M. Jean-Claude Carle.
Tout à fait !
M. Josselin de Rohan.
Enfin - et ce sera le dernier point que j'aborderai -, l'audit portera-t-il
sur le problème capital du financement et débouchera-t-il sur des
préconisations dans ce domaine ?
Il me semble plus que probable qu'il sera impossible de recourir à des
financements classiques pour la réalisation des sept lignes à grande vitesse
prévues à l'échéance 2010, car l'état de nos finances publiques, comme les
capacités des collectivités locales, ne le permettront pas. Dès lors - et là
est le problème -, il faudra ne retenir que quelques projets et repousser la
réalisation de tous les autres à un horizon indéterminé.
Le moment n'est-il pas venu de faire preuve, en ce domaine, d'imagination et
d'envisager le recours au marché financier ?
Faut-il rappeler que, au xixe siècle, la construction de notre réseau
ferroviaire a été principalement financée par des capitaux privés ? Ce sont les
Rothschild et les Pereire qui ont très largement procédé au financement de nos
lignes ; les plus mal loties d'entre elles étaient d'ailleurs financées par
l'Etat.
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Demandez à Dassault !
M. Josselin de Rohan.
Aujourd'hui, les autoroutes sont financées par des processus qui ne sont pas
budgétaires.
Le taux de fréquentation de la ligne Paris-LyonMarseille montre que les
liaisons à grande vitesse captent une clientèle nouvelle et nombreuse qui
accroît la rentabilité interne des lignes. Le fait que le choix des voyageurs
se reporte sur le rail montre qu'il existe des gisements importants de
clientèle, que l'on peut mobiliser.
Envisagez-vous de faire étudier de nouvelles formules de financement à
l'occasion de l'établissement de cet audit, qui faciliteraient la réalisation
des projets tout en soulageant les finances publiques de l'Etat et des
collectivités locales ?
Bien entendu, la garantie de l'Etat et celle des collectivités locales
pourraient être apportées aux emprunts souscrits par des opérateurs financiers
pour la construction des lignes à grande vitesse. Ces formules peuvent être
affinées.
Je voudrais terminer par une constatation et une mise en garde.
Dans l'Europe élargie, la mise en oeuvre, par la France, d'un réseau de
liaisons ferroviaires à grande vitesse est un puissant moteur du développement
économique. Il évitera que le déplacement vers l'est du centre de gravité
économique et démographique de l'Europe ne s'opère à notre détriment, et
permettra de renforcer les échanges, les partenariats et les réseaux entre nos
régions et nos agglomérations, ainsi qu'avec les grands centres de décision et
les grandes zones de consommation européens.
Cela étant, rien ne serait plus nuisible à la cohésion nationale et à un
aménagement équilibré du territoire que l'abandon de certains projets vitaux
pour l'avenir de nos régions. Si la fracture ferroviaire s'ajoutait à la
fracture démographique, sociale ou numérique, il y aurait lieu de redouter de
graves déchirements dans ce pays, préludes à de graves affrontements.
En tout cas, l'opinion bretonne sera très attentive, monsieur le ministre,
tant à la réponse que vous apporterez à la question que je vous pose
aujourd'hui qu'aux débats auxquels l'audit donnera lieu demain. En effet, elle
sent que son avenir dépendra des décisions qui seront arrêtées à l'issue de ces
discussions. Monsieur le ministre, vous savez que nous avons une certaine
réputation de ténacité : vos origines bretonnes vous permettront de le
comprendre, je n'en doute pas !
(Sourires et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en août
dernier, le Gouvernement a confié au Conseil général des Ponts et Chaussées et
à l'Inspection générale des finances la réalisation d'un audit sur les projets
de liaisons ferroviaires, routières et fluviales.
En effet, plusieurs projets ont été engagés, étudiés ou annoncés par le
gouvernement précédent sans que les financements nécessaires aient été
garantis. Compte tenu de l'importance des sommes en jeu et de la nécessité
d'achever les travaux en cours de réalisation, le Gouvernement souhaite
apprécier avec précision la situation des équipements et des divers projets
envisagés, qu'il s'agisse du coût pour l'Etat, de l'état précis des projets et
de leur faisabilité technique ou du calendrier prévisionnel.
Un autre objectif assigné à cet audit tient à l'évaluation de l'intérêt
socioéconomique et des enjeux en termes d'aménagement du territoire, sur le
plan tant national qu'européen.
Monsieur le ministre, nous comprenons les motivations du Gouvernement en la
matière. Pour autant, il nous paraît nécessaire de préciser avec vous certains
points qui ont pu susciter l'inquiétude, ou du moins soulever les questions des
élus.
Je résumerai maintenant ces questions.
Pourquoi procéder à une évaluation de l'intérêt socioéconomique et des enjeux,
alors que certains projets sont à l'étude et ont fait l'objet d'engagements
officiels de la France et de ses partenaires européens depuis plusieurs années
?
La réalisation d'un audit ne cacherait-elle pas une volonté de retarder, voire
de remettre en cause certains projets de liaisons, faute des financements
nécessaires ?
Au regard de ces questions, monsieur le ministre, je me réjouis de
l'initiative de M. de Rohan, qui permettra de clarifier la situation en
attendant le débat sur la politique générale du transport dans le cadre
européen que vous nous avez promis d'organiser à la suite de l'audit.
Du débat de ce matin, nous attendons d'abord qu'il vous permette de confirmer
les engagements de la France, singulièrement ceux qui concernent la région
Rhône-Alpes, dont je suis un élu. Je songe ici à la liaison à grande vitesse
Rhin-Rhône, qui offrira des liaisons performantes depuis l'Allemagne du Sud et
la Suisse du Nord-Ouest vers le sud de la France et de l'Europe, projet auquel
notre collègue Jean-François Humbert, président de la région Franche-Comté, est
particulièrement attaché.
La région Rhône-Alpes a fait connaître son intérêt pour la branche sud,
rattachée à la branche est entre Dijon et Dole pour rejoindre Lyon. Je crois
savoir que le comité de pilotage des études de la ligne à grande vitesse
Rhin-Rhône a adopté le cahier des charges des études.
Celui-ci tient compte des avis recueillis au cours des débats publics
organisés en 2000 s'agissant de la branche sud et en 2002 s'agissant du
contournement de Lyon, ainsi que des études complémentaires de Réseau ferré de
France, RFF, et des avis des conseils régionaux.
Ce cahier des charges doit donc vous être transmis pour approbation. Monsieur
le ministre, confirmez-vous que la décision interviendra au début de l'année
prochaine ?
Ma seconde et principale préoccupation concerne la liaison Lyon-Turin, qui a
fait l'objet d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République italienne en janvier 2001, accord approuvé par le
Sénat le 21 février dernier.
Ce projet consiste à construire une liaison ferroviaire nouvelle entre Lyon et
Turin comportant notamment, pour le franchissement des Alpes, un tunnel à basse
altitude de cinquante-deux kilomètres de long entre la Maurienne et la vallée
de Susa en Italie.
La liaison comportera plusieurs sections de ligne à grande vitesse. Une large
partie de l'itinéraire sera vouée non seulement aux trains de voyageurs, mais
également au trafic de marchandises, notamment par ferroutage.
Par cette liaison nouvelle, il s'agit de répondre aux besoins croissants créés
par le trafic entre les deux pays et d'éviter la saturation des axes existants
en dirigeant une partie du surcroît de trafic vers le rail plutôt que vers la
route, sachant, c'est clair, que la mise en service de la nouvelle liaison
ferroviaire n'empêchera pas l'augmentation du trafic sur les liaisons
routières.
A ce sujet, j'ai déjà eu l'occasion de vous rencontrer, monsieur le ministre,
notamment pour la desserte autoroutière et routière de la Haute-Savoie, en ce
qui concerne tant l'autoroute A 41 entre Cruseilles et Saint-Julien que le
désenclavement du Chablais.
Les accidents survenus dans les tunnels routiers du Mont-Blanc, en mars 1999,
et du Saint-Gothard, en octobre 2001, ont en effet mis en lumière l'acuité des
problèmes relatifs aux transports entre l'Italie et le reste de l'Europe à
travers les Alpes et l'urgente nécessité de solutions adaptées pour satisfaire
aux besoins de transport tout en répondant aux exigences de sécurité et
d'environnement.
L'enjeu du projet Lyon-Turin est donc considérable. Ce projet s'inscrit dans
un contexte plus général d'amélioration des liaisons transalpines et de
rééquilibrage en faveur du rail réunissant les différents pays concernés,
appuyés bien sûr par l'Union européenne.
A ce titre, il dépasse largement les seules relations entre la France et
l'Italie, ce qui lui a valu d'être retenu, lors du Conseil européen d'Essen en
1994, parmi les quatorze grands projets d'infrastructures prioritaires.
A l'horizon 2012, c'est-à-dire après la mise en service complète de la
nouvelle ligne - tunnel franco-italien et tunnel sous Belledonne -, les gains
horaires seront considérables pour les liaisons avec les grandes villes du nord
de l'Italie.
Ainsi, le trajet Paris-Turin s'effectuera en moins de trois heures, contre
près de cinq heures pour le train le plus rapide aujourd'hui, et le trajet
Lyon-Turin en une heure trente, soit environ deux heures de moins
qu'actuellement. Milan se trouvera à moins de quatre heures de train de Paris
et à moins de deux heures trente de Lyon.
La modernisation de l'axe Valence-Grenoble-Montmélian permettra une connexion
avec les deux branches du TGV Sud, ce qui mettra Turin à environ deux heures
trente de Marseille et à moins de quatre heures de Barcelone.
Si l'opportunité et l'intérêt socioéconomique du projet Lyon-Turin ne sont pas
en jeu, la concrétisation de cette infrastructure reste encore suspendue à de
nombreuses conditions techniques, juridiques et, bien sûr, financières.
En effet, pour chaque section du trajet, il restera, une fois les derniers
choix techniques effectués, à réunir les financements nécessaires en réalisant
un accord entre les différents partenaires intéressés.
Tel qu'il est évalué aujourd'hui, le coût global du projet Lyon-Turin s'élève
à environ douze milliards d'euros, dont quelque huit milliards d'euros pour la
France.
Le financement du projet n'est pas encore bouclé. Néanmoins, à ce stade, et
compte tenu des engagements officiels pris par notre pays, on comprendrait mal
que le projet Lyon-Turin soit retardé ou, pire, remis en cause pour des
considérations financières.
Dans les schémas de services collectifs de transport, s'agissant des projets
de lignes nouvelles à grande vitesse, dont la ligne Lyon-sillon alpin, le
gouvernement précédent évaluait à environ 25 % la part que pourraient supporter
RFF et la SNCF dans le programme, le reste devant, selon lui, « probablement
être financé à parité par l'Etat d'une part, les collectivités territoriales et
l'Europe d'autre part ».
A l'automne dernier, la région Rhône-Alpes a accepté le principe d'une
participation, sous certaines conditions, au financement des grandes
infrastructures de transport ferroviaires et autoroutières, notamment la ligne
à grande vitesse Lyon-sillon alpin, le tunnel fret sous la Chartreuse et
l'amélioration des lignes existantes d'acheminement vers l'Italie.
Mais il n'est pas certain que l'effort important qu'elle envisage de consentir
et les contributions que pourraient apporter les autres collectivités locales
intéressées soient suffisants si l'Etat ne s'engage pas, pour ce qui le
concerne, beaucoup plus fortement, et en particulier pour le segment
international.
Et encore, monsieur le ministre, n'ai-je pas abordé la question de
l'amélioration de la desserte ferroviaire par le nord et par le sud de la
Haute-Savoie vers Paris, qui n'entre pas dans le cadre de votre audit.
En effet, il ne s'agit pas de rater le rendez-vous de l'histoire : à travers
les investissements structurants listés dans l'audit, nous faisons un pari sur
l'avenir.
Pour réussir ce pari, nous devons avoir une politique des transports qui
s'intègre dans un cadre désormais européen et se conjugue avec une vision
claire de l'aménagement du territoire. A travers ces projets de liaisons, notre
volonté doit être de positionner la France, toute la France et pas seulement
Paris et l'Ile-de-France, au coeur de l'Europe.
Permettez au provincial que je suis, monsieur le ministre, de s'étonner qu'il
ait été question d'un troisième aéroport dans la région parisienne. Puisque
nous devons faire des choix, puisque la France ne peut pas tout payer, pourquoi
financer un troisième aéroport international alors que l'aéroport de Lyon -
Saint-Exupéry est à même de remplir cette fonction et, du même coup,
d'optimiser le noeud ferroviaire à grande vitesse en direction de l'Italie et
de l'Europe du sud ?
En effet, quand un passager atterrit à Saint-Exupéry, il saute dans le TGV et,
en moins de deux heures, il est au centre de Paris. Demain, il sera à moins de
deux heures trente de Milan. Pour un homme d'affaires américain, cela
représente moins de temps que pour traverser Los Angeles ! Et c'est moins que
le temps qu'il m'a fallu avant-hier pour rejoindre l'aéroport de Roissy depuis
le Sénat !
De tout cela, il faudra débattre avec le Parlement lorsque les conclusions de
l'audit et de l'étude prospective de la DATAR, la délégation à l'aménagement du
territoire et à l'action régionale, seront connues.
Dans cette attente, je vous remercie, monsieur le ministre, des informations
que vous pourrez me donner sur les intentions de l'Etat et sur l'état
d'avancement des liaisons ferroviaires qui intéressent la région Rhône-Alpes et
les Rhône-Alpins, mais aussi la France entière.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M.
Michel Dreyfus-Schmidt applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'augmentation des trafics de transports substitutifs à la route touche en
France tous les autres modes de déplacement. Face à une demande en expansion
constante, en particulier en matière de transports ferroviaires rapides pour
les voyageurs, les structures et les extensions finales de réseaux n'évoluent
parfois, hélas ! qu'à la vitesse de l'escargot.
Or, monsieur le ministre, nous avons le devoir de faire bouger les esprits et,
pour passer à la vitesse supérieure, de donner, sur le terrain, la décharge
électrique tant attendue. C'est pourquoi je mets à profit le temps de parole
qui m'est imparti pour vous sensibiliser une nouvelle fois sur un projet
concret - vous le connaissez d'ailleurs bien - de politique ferroviaire
régionale, au service d'une plus grande solidarité des acteurs territoriaux :
il s'agit du projet d'électrification du TGV vendéen.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, l'« impérieuse nécessité » de
l'électrification ferroviaire pour accéder à la façade littorale du département
est inscrite au contrat de plan 2000-2006, qui a été signé entre l'Etat, la
région, le département et les communautés de communes concernées. Mais trois
obstacles ont, semble-t-il, surgi brutalement s'agissant de la programmation
d'un tel projet d'investissement public.
Le premier écueil, nous dit-on, est avant tout de nature financière. Par
rapport aux premières estimations, le budget augmenterait de 200 000 euros, qui
seraient partagés entre l'Etat, la région, le département et les communautés de
communes. Parallèlement, et avant de lancer les travaux nécessaires à la
modernisation par l'électrification de la ligne TGV, les acteurs de ce projet
attendent avec impatience la décision de la SNCF et de votre ministère,
monsieur le ministre.
Le deuxième désagrément est de nature décisionnelle. Le feu vert pour le
lancement du projet dépend également d'une étude socioéconomique diligentée par
Réseau ferré de France. Cette étude est actuellement négative, semble-t-il,
pour le TGV électrifié de desserte ferroviaire de la ligne Nantes-Les
Sables-d'Olonne. Les élus vendéens redoutent que cette étude ne soit qu'un
alibi pour renoncer à ce projet. Monsieur le ministre, il n'est aucunement
souhaitable pour nos concitoyens et les millions de touristes qui se rendent
chaque année sur les côtes vendéennes que cette étude soit utilisée par RFF
pour remettre en cause l'engagement de l'Etat dans le contrat de plan qui a été
signé depuis deux ans déjà.
Enfin, le troisième inconvénient est de nature partenariale. La SNCF semble
favorable à la réalisation du projet sans toutefois vouloir véritablement s'y
impliquer. En clair, elle s'y intéresse tout en souhaitant que les
collectivités territoriales prennent en charge le déficit de fonctionnement
annoncé, et ce de façon assez péremptoire. Dès lors, où se trouve la
responsabilité de chacun dans cette affaire ?
Monsieur le ministre, la Vendée, où nous avons été heureux de vous accueillir
voilà quelques semaines, est un département attrayant, toujours ouvert sur
l'extérieur, et qui a réussi, je pense, son désenclavement routier ; il faut
maintenant réussir son désenclavement ferroviaire. Deuxième département
touristique en France, il est aussi le seul département de l'Ouest sans TGV
électrifié.
De toute évidence, le TGV tracté actuellement par des locomotives à moteur
Diesel remporte un fort succès auprès des usagers. D'ailleurs, nous nous
félicitons des prévisions de la SNCF, qui ont été multipliées par deux depuis
sa mise en place, le 28 mai 2000.
Ces éléments vous ont été présentés lors de votre récente visite en Vendée, le
4 octobre dernier, monsieur le ministre. Pouvez-vous aujourd'hui réaffirmer à
l'élu local que je suis et à l'ensemble des élus vendéens qui sont concernés
par ce projet votre engagement réel - vous nous en avez fait part en Vendée -
et personnel ainsi que le soutien actif de vos services auprès de RFF pour que
nous passions du TGV tracté au TGV électrifié.
Je conclurai par une image médicale : aujourd'hui, nous avons un TGV sous
cathéter ; nous souhaiterions très rapidement avoir un TGV sous caténaire !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains
et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner.
Monsieur le ministre, cette discussion arrive à point nommé : elle devrait
permettre d'éclairer la représentation nationale sur vos intentions en matière
de politique ferroviaire, car, il faut bien le reconnaître, nous sommes pour
l'instant un peu dans le flou.
Vos déclarations, cet été, dans la presse ou, au printemps, celles qui ont été
faites par le secrétaire d'Etat aux transports nous paraissaient, par certains
côtés, un peu précipitées, parfois contradictoires, voire inquiétantes,
s'agissant de la poursuite du programme d'investissement ferroviaire prévu.
On peut s'interroger sur la signification et sur les objectifs de l'audit que
vous avez commandé cet été ; je note que cet avis est partagé. Que voulez-vous
remettre en cause ?
Depuis des années, dans un contexte de forte croissance du transport, tous les
rapports parlementaires, en particulier ceux qui ont été rédigés par le Sénat,
dénoncent l'hégémonie du tout-routier en France, laquelle est confirmée par les
chiffres.
Monsieur le ministre, vous avez fait de la lutte contre l'insécurité routière
un axe d'action du Gouvernement. Vous savez que nous partageons volontiers cet
objectif. La sécurité ferroviaire constitue, à l'évidence, l'une des réponses
qui doivent être apportées dans ce combat.
Vous faites vôtres les engagements internationaux de la France en matière de
respect de l'environnement, en particulier la réduction d'émission des gaz à
effet de serre. Le développement ferroviaire s'y inscrit naturellement.
Et c'est bien dans cet esprit que la précédente majorité a travaillé de 1997 à
2002 pour relancer le ferroviaire en France. La politique engagée par le
Gouvernement de M. Lionel Jospin, notamment par le ministre des transports, M.
Jean-Claude Gayssot, a mis fin à la spirale du déclin d'un secteur ferroviaire
négligé depuis trop longtemps. Résolument engagés dans une logique de rupture
avec le tout-routier, nous avions fait le choix du développement durable par le
rééquilibrage vers des modes de transport respectueux de l'environnement.
Je rappelle les cinq axes stratégiques qui figurent dans les schémas de
services collectifs de transports de juillet 2001 : organisation des services
ferroviaires rapides au niveau européen ; organisation du transport de fret à
l'échelle nationale et européenne ; amélioration des grands corridors de
transport internationaux ; organisation multimodale des liaisons transalpines
et transpyrénéennes, qui donne la priorité au ferroviaire ; développement des
transports collectifs en secteur urbain et périurbain.
Ces schémas, qui sont le fruit d'une importante concertation entre l'Etat et
les collectivités locales, ont reçu un assentiment assez général, parce qu'ils
répondaient aux préoccupations exprimées localement. Ils ont donné une vision
de l'action de l'Etat à l'horizon 2020, et ce sans occulter les questions
financières, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là. L'argument est trop
facile, et il pourrait se retourner contre ses auteurs.
Je n'ai pas souvenir que les documents de présentation des projets
d'infrastructures, qui avaient été préconisés à l'issue du débat national sur
l'aménagement du territoire en 1993-1994, aient été accompagnés de plans de
financement. Nous le savons tous, monsieur le ministre, les négociations
financières sur les grands projets se déroulent tout au long du processus qui
conduit à leur réalisation alors même que les décisions politiques de
construction ont déjà été prises. C'est d'autant plus vrai aujourd'hui avec la
mise à contribution des collectivités locales, qui augmente la durée du tour de
table. Permettez-moi de rappeler quelques-unes des réalisations concrètes
issues de ces grandes orientations.
La gauche a multiplié les efforts pour moderniser le pays sur le plan
ferroviaire.
Les crédits ferroviaires des contrats de plan Etat-région ont été multipliés
par huit, à la grande satisfaction des régions concernées.
Les dividendes de l'activité autoroutière ont été utilisés pour le financement
d'infrastructures ferroviaires et maritimes.
L'amélioration de la sécurité des usagers a été entreprise.
La régionalisation des services ferroviaires de voyageurs, chère à notre
collègue Hubert Haenel, expérimentée au préalable dans plusieurs régions - sans
qu'il y eût besoin d'une loi constitutionnelle -, a été inscrite dans la loi
relative à la solidarité et au renouvellement urbains de décembre 2000. L'Etat
a doté cette décentralisation d'un montant de 1,5 milliard d'euro, alors qu'il
n'en dépensait lui-même qu'1 milliard.
La priorité a été accordée au fret ferroviaire, ce qui s'est traduit notamment
par le lancement de la liaison alpine Lyon_Turin, qui, à l'horizon 2012,
devrait détourner près de 2,6 millions de poids lourds de la route, dont 1
million grâce au seul ferroutage sur le wagon Modalohr, qui est développé par
une entreprise alsacienne. La première expérience de ferroutage français devait
ainsi être réalisée en février prochain. Il serait intéressant que vous
puissiez nous le confirmer.
La convention cadre pour la modernisation de la ligne
Clermont-Ferrand_Neussargues_Béziers a été signée en mars 2001 et inscrite par
l'Union européenne dans le réseau transeuropéen de fret ferroviaire.
Ont été réalisées et étudiées de nouvelles lignes de TGV. Je ne reviendrai pas
sur l'immense succès du TGV-Méditerranée, mais je mentionnerai aussi le
lancement des travaux du TGV Est européen le 28 janvier 2002 auquel j'ai eu le
plaisir d'assister ; je reviendrai sur ce grand projet dans quelques
instants.
Par ailleurs, la signature de la déclaration d'utilité publique, le 25 janvier
dernier, du TGV Rhin-Rhône entre Dijon et Mulhouse ouvre la voie à l'ouverture
de cette liaison européenne majeure à l'horizon 2008. J'espère, monsieur le
ministre, que vous nous confirmerez tout à l'heure la volonté du Gouvernement
de réaliser ce projet.
N'oublions pas, dans cette énumération, la nouvelle ligne Perpignan-Figueras -
branche du futur TGV Sud-Est Montpellier-Madrid -, l'aménagement de la ligne
Paris-Toulouse pour des TGV pendulaires, le prolongement du TGV entre Nîmes et
Montpellier, le TGV Bretagne-Pays de la Loire ou encore le TGV Aquitaine, qui
suscite actuellement une forte mobilisation des élus locaux. Ce sont là autant
de projets essentiels, pour certains déjà bien engagés, qui sont attendus avec
impatience. Le Gouvernement envisage-t-il de les remettre en cause ?
Enfin, permettez-moi de souligner les efforts accomplis pour la préservation
et le développement du service public du rail grâce aux opérations de
désendettement de RFF - dotation d'Etat au capital de 10 milliards d'euros - et
de la SNCF - dotation de 1,22 milliard d'euros -, à l'embauche de 26 000
cheminots entre 1999 et 2001 ou à la création du conseil supérieur du service
public ferroviaire.
Nous sommes conscients que la tâche était immense et qu'elle le demeure. Tout
n'est pas résolu. Il faut donc poursuivre les efforts accomplis.
Le secteur ferroviaire reste lourdement endetté.
L'objectif ambitieux de doubler le volume de fret ferroviaire à l'horizon 2010
sera certainement difficile à atteindre en raison du manque d'infrastructures
performantes, mais cela doit demeureur notre ambition. L'activité fret marque
encore le pas cette année.
La SNCF connaît également des difficultés conjoncturelles sur son activité
grandes lignes, hors TGV. Cela l'oblige à procéder à des cessions d'actifs, à
limiter ses recrutements au détriment parfois de l'efficacité ainsi que ses
acquisitions de matériel roulant, pourtant si indispensables. Ces mesures
nécessaires ne sont pas sans conséquences sur l'état d'esprit qui règne au sein
de l'entreprise.
Nous affirmons toutefois qu'à partir de la situation difficile de 1997 le
Gouvernement a su redonner, en cinq ans, un véritable élan au transport
ferroviaire de voyageurs et de marchandises, en conduisant une politique de
fondations solides pour son développement futur. Qu'allez-vous bâtir sur ces
fondations, monsieur le ministre ?
Parlons du contexte européen.
Quelle sera l'attitude du Gouvernement face à nos partenaires européens ? Le
conseil européen des transports qui doit se dérouler les 5 et 6 décembre
prochain approche à grand pas, et de nombreuses questions qui n'ont pas été
réglées lors des deux derniers conseils de juin et d'octobre, auxquels vous
avez participé, restent en suspens.
En effet, les orientations du Livre blanc de la Commission sur la politique
européenne des transports à l'horizon 2010 ainsi que les deux « paquets »
ferroviaires de décembre 2000 et de janvier 2002 vont entraîner de profondes
modifications dans le paysage ferroviaire national.
D'ores et déjà, la libéralisation du fret ferroviaire international pour 2003
est acquise ; la Commission envisage celle du fret national pour 2006. Le
précédent gouvernement s'était opposé à cette proposition. J'ai relevé à
plusieurs reprises des prises de position de M. Bussereau sur une filialisation
de l'activité fret SNCF. Ouvre-t-elle la voie à une privatisation partielle
ultérieure ?
Quel sera le discours de la France devant l'attitude à dominante libérale de
ses partenaires ? L'avertissement donné par Bruxelles à la France à propos
d'EDF, qui touche de fait au statut de l'entreprise publique, résonne
douloureusement aux oreilles des employés de la SNCF.
Vous connaissez, monsieur le ministre, notre attachement, et celui des
Français de manière générale, à notre service public ferroviaire. Vous pourriez
compter sur notre vigilance s'il s'agissait de remettre en question ce statut
public, au nom d'une idéologie dont on a pu constater les limites. L'exemple
des chemins de fer britanniques illustre, me semble-t-il, parfaitement mes
propos.
Le dernier conseil européen des transports n'est pas parvenu à un accord sur
le financement du programme Marco Polo destiné à soutenir le développement du
transport combiné et des solutions alternatives à la route. La France a fait
partie des opposants à la proposition ambitieuse de la Commission, s'agissant
notamment du montant alloué à ce programme. Pouvez-vous, monsieur le ministre,
nous préciser les raisons qui ont motivé l'opposition de la France ?
En ce qui concerne la réalisation des grandes infrastructures inscrites dans
les réseaux transeuropéens de transports, le dernier conseil européen, qui
s'est tenu à Luxembourg, n'est pas parvenu, pour la seconde fois consécutive, à
un accord sur la révision de la liste des quatorze grands projets qui ont été
validés lors du sommet d'Essen en 1996.
Les projets ajoutés à la liste initiale, proposés par la Commission et
approuvés par le Parlement européen, comportaient, notamment, le prolongement
du TGV Est jusqu'à Vienne, le TGV Rhin_Rhône ou encore la ligne nouvelle
Nîmes_Montpellier.
Il était également proposé de porter de 10 % à 20 % le taux de cofinancement
communautaire sur les projets relatifs aux goulets d'étranglement alpins et
pyrénéens. Faudra-t-il attendre 2004 pour que des décisions politiques soient
prises au plus haut niveau ?
Lors du dernier conseil, il semblerait que la France n'ait pas jugé bon non
plus de soutenir l'Espagne sur l'inscription dans la liste du projet de
traversée des Pyrénées, alors que les voies concernées frôlent l'asphyxie, avec
15 000 véhicules par jour dans les deux sens. Les élus des régions Aquitaine et
Midi-Pyrénées se sont émus, à juste titre, de cette absence de décision.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner votre position sur ce point ?
Comme on le voit, les questions européennes conditionnent largement la
réalisation de nos grandes infrastructures ferroviaires.
Il a fallu se battre, ces dernières années, pour la défense de notre
conception des services publics au sein de l'Union, dans des assemblées qui
n'étaient pas, loin s'en faut, favorables aux thèses françaises. Cependant, la
pression pour libéraliser à tout-va reste réelle. La France y résistera si elle
sait démontrer, par son efficacité, la pertinence de ses choix en faveur du
service public, mais le Gouvernement que vous représentez est-il toujours dans
le même sentiment ?
Nos interrogations portent également sur l'avenir du fret ferroviaire à la
lumière des points que je viens d'évoquer. La mission que vous avez confiée à
nos collègues MM. Haenel et Gerbaud a-t-elle pour objet de préparer une
régionalisation de ce secteur ? Quelles seraient, à vos yeux, monsieur le
ministre, l'utilité et l'efficacité d'une telle évolution ?
Enfin, quelle politique comptez-vous développer en matière de liaison
ferroviaire à grande vitesse ? Cette question, essentielle dans son contexte
européen et national, requiert des réponses très en amont. Vous connaissez,
comme chacun ici, la complexité du montage de ce type de dossier - complexité
qui n'est pas seulement financière - et la nécessaire transparence qui doit
exister dans son élaboration avec les acteurs concernés.
Pour prendre un exemple que, en tant que Lorrain je connais bien,
permettez-moi d'évoquer la ligne à grande vitesse est européenne, dont le
projet a été lancé voilà près de vingt ans et dont les travaux, qui débutent
aujourd'hui, suscitent nombre d'inquiétudes chez pour les responsables
régionaux.
Tout d'abord, des retards liés aux appels d'offres infructueux, aux
difficultés géologiques et aux problèmes de recrutement de personnels
spécialisés ont amené RFF à annoncer un report d'une année de la mise en
service de ce TGV, celle-ci aura donc lieu en 2007. Nous en prenons acte, tout
en vous demandant de mettre en oeuvre tous les moyens pour garantir cette
nouvelle échéance.
M. Bussereau a assuré à la presse alsacienne que les surcoûts annoncés
seraient pris en charge intégralement par l'Etat ; c'est bien la moindre des
choses quand on connaît l'effort, sans précédent, accompli par les
collectivités locales, qui, pour la première fois, financent un TGV ! La
convention de réalisation de l'ouvrage prévoyait d'ailleurs expressément cette
disposition : il y va de la parole de l'Etat.
Cependant, il semblerait qu'un gaspillage d'argent public se prépare en ce qui
concerne l'aménagement de la gare d'interconnexion en Lorraine, destinée aux
liaisons province-province.
Le protocole additionnel à la convention de réalisation du TGV Est prévoyait
que « compte tenu des avantages que représente l'interconnexion TGV-TER pour le
développement des transports collectifs en Lorraine, la gare d'interconnexion
sera réalisée à Vandières ».
Et pourtant, des récentes réunions du comité de pilotage comme de vos récentes
déclarations on peut déduire que l'Etat pourrait ne pas honorer sa signature en
maintenant la gare d'interconnexion à Cheminot, en plein champ, dans le colza,
à quelques kilomètres d'un aéroport, gare uniquement accessible par automobile.
Cette gare n'a d'intérêt ni comme gare de voyageurs ni comme gare de fret, car
l'utilité de relier aéroport et voie ferrée reste à démontrer. Il serait
infiniment plus pertinent de conserver cette possibilité inscrite dans la
déclaration d'utilité publique initiale si, dans le futur, cette utilité venait
à apparaître.
L'ensemble des acteurs lorrains s'est exprimé en faveur de l'implantation à
Vandières, y compris les associations d'usagers, le conseil économique et
social régional et les communes concernées.
Le prétexte de l'aménagement de cette gare, non inscrite dans la déclaration
d'utilité publique initiale, ne peut être avancé pour justifier un retard de la
mise en service du TGV, puisqu'il est admis aujourd'hui que sa livraison
interviendra de toute façon après l'ouverture de la ligne.
Qu'attend l'Etat pour réunir autour d'une table l'ensemble des collectivités
afin de statuer sur le financement ?
Par ailleurs, l'Etat a inscrit, pour son propre compte, plus de 15 millions
d'euros pour le financement de la gare de Vandières, et près de 14 millions
d'euros ont déjà été engagés. Si la gare de Vandières ne devait pas voir le
jour, cet argent serait perdu. Comment justifier devant nos concitoyens
l'existence de deux gares d'interconnexion en Lorraine, à quelques kilomètres
d'intervalle ? Ce seraient alors les dépenses de la gare de Cheminot qui
s'avéreraient inutiles.
Nous attendons, monsieur le ministre, que l'Etat respecte sa signature et que
vous nous annonciez les mesures que vous entendez prendre pour engager
définitivement l'aménagement de la gare d'interconnexion de Vandières.
A ce problème s'ajoute celui du franchissement de la vallée de la Moselle, à
propos duquel j'ai eu l'honneur de vous saisir avec mon collègue député
Jean-Yves Le Déaut. Il s'avère que l'Etat a autorisé RFF à réaliser les travaux
alors que de nombreux points figurant dans la déclaration d'utilité publique ne
sont pas satisfaits et que certains engagements de l'Etat ne sont pas
respectés.
En conclusion, monsieur le ministre, et sans anticiper sur la discussion
budgétaire que nous aurons bientôt, je voudrais vous faire part de notre
inquiétude. Vos déclarations, celles de votre secrétaire d'Etat, ont jeté un
doute sur votre détermination à propos de l'avenir ferroviaire.
Plutôt fiers de l'action que nous avons menée en la matière, nous attendons du
présent gouvernement qu'il s'exprime clairement sur l'ensemble de ces
questions.
Vos réponses intéressent les élus régionaux engagés dans la réalisation des
contrats de plan. Elles intéressent aussi l'ensemble des cheminots attachés,
vous le savez - et vous avez pu le vérifier hier, lors de la Convention
nationale - à la réussite de leur entreprise. Ils ont besoin de savoir où va
RFF, où va la SNCF. Ils ont besoin de savoir si vous leur donnerez les moyens
de réussir leur mission. Vous savez les efforts considérables - il s'agit là
d'une véritable mutation culturelle en cours - accomplis ces dernières années
en matière de dialogue interne dans l'entreprise. De ce point de vue, la
proposition de loi récente signée par 130 parlementaires de votre majorité pour
instituer un service minimum garanti en cas de grève apparaît comme une
provocation et une tentative de mise en cause du droit de grève. Il y a
certainement mieux à faire en ces temps pour faciliter la poursuite du dialogue
engagé.
Enfin, au-delà, vos réponses intéressent tous nos concitoyens, usagers
quotidiens et attentifs à la qualité de ce mode de transport.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Monsieur le ministre, à la demande de notre collègue M. Josselin de Rohan,
vous acceptez qu'un débat s'engage au Sénat sur un sujet fondamental
d'aménagement du territoire : le transport ferroviaire. Je tiens à vous en
remercier.
Ce sujet de première importance, à l'échelle de la France et de l'Europe, est
également essentiel pour l'avenir de nos collectivités territoriales. C'est
dire l'attention toute particulière que lui apporte le Sénat.
A titre personnel, je considère que le dossier du transport ferroviaire
s'inscrit parmi les grandes questions actuelles de la politique territoriale de
notre pays.
C'est ainsi que trois grands projets de développement ferroviaire font l'objet
d'un audit commandé par le Gouvernement au conseil général des Ponts et
Chaussées et à l'Inspection générale de finances. Les conclusions de cet audit,
attendues pour la fin du moins de décembre prochain, seront examinées par le
Parlement l'an prochain.
Les trois projets en question sont, je le rappelle, le TGV
Sud-Europe-Atlantique, le TGV Lyon-Turin et le TGV Sud-Europe, appelé également
« ligne nouvelle Languedoc-Roussillon », qui doit relier Nîmes à l'Espagne. Ces
trois projets relient non seulement de grandes villes françaises entre elles,
mais également la France à d'autres pays d'Europe.
Cette double dimension - régionale et européenne - met en évidence l'étroite
interdépendance de l'Europe avec nos régions et la nécessité d'un engagement
simultané et coordonné de l'Union européenne, de notre pays et des régions
concernées.
A titre d'exemple, le prolongement de la ligne du TGV Aquitaine permettra non
seulement de relier Paris à Bordeaux en moins de deux heures mais également de
développer la circulation des personnes et des biens entre la France et
l'Espagne.
Je voudrais brièvement préciser en quoi la connexion entre les deux dimensions
géographiques que sont l'Europe et les régions est indispensable pour assurer
la cohérence d'une politique globale de transport : si les grands projets TGV
doivent avoir une dimension européenne, ils n'acquièrent, à mon sens, une
totale justification qu'en favorisant le développement des réseaux
régionaux.
Regrettons au passage que la politique commune des transports n'ait été
inscrite que très récemment dans l'agenda européen, contrairement d'ailleurs
aux dispositions du traité fondateur de 1957. Heureusement, cette politique
occupe dorénavant une place importante dans le projet politique de l'Union
européenne, qui, dans ses diverses instances, accorde ainsi une attention
toute particulière au développement du rail.
En effet, à l'issue des travaux du groupe présidé par M. Christophersen, alors
vice-président de la Commission européenne, le sommet d'Essen a adopté en
décembre 1994 une liste prioritaire de neuf projets d'infrastructures
ferroviaires à grande vitesse, ce qui témoigne de l'intérêt porté par l'Union
européenne à la constitution d'un véritable réseau continental.
Parmi ces projets figurent le TGV Est Paris-Allemagne et Paris-Luxembourg, le
TGV Lyon-Turin-Milan-Venise-Trieste, les TGV
Montpellier-Perpignan-Barcelone-Madrid et Dax-Madrid par Valladolid. Il est
donc indispensable que les acteurs du système ferroviaire adoptent tous,
désormais, une démarche orientée sur les perspectives européennes.
La nécessité d'une telle vision pour traiter de la situation et des
perspectives du chemin de fer ne résulte pas seulement de considérations
relatives au contexte économique et politique. Elle est déjà inscrite dans
l'activité ferroviaire même et, partant, dans le comportement et les projets de
tous les acteurs intéressés.
Parmi ces acteurs, les élus locaux tiennent une place prépondérante. Il leur
revient, en effet, de développer un dialogue constructif, notamment avec
l'Etat, pour que les intérêts des collectivités qu'ils représentent soient pris
en considération dans l'élaboration des projets qui les concernent. C'est à eux
qu'incombe le devoir de faire prendre en compte la dimension régionale des
dessertes à partir des projets de lignes à grande vitesse, afin que le
rattachement de projets régionaux assure une meilleure efficacité et une pleine
justification aux programmes de réseaux à grande vitesse.
C'est dans cet esprit, me semble-t-il, qu'il nous faut poursuivre et relancer,
autant qu'il est nécessaire, la politique ferroviaire de la France.
L'exigence de complémentarité entre les lignes à grande vitesse et les projets
régionaux s'illustre notamment dans les régions de montagne, où le
désenclavement de certaines zones et le franchissement de nos massifs
constituent autant de questions vitales et sensibles.
Ce constat a d'ailleurs été fait par la mission sénatoriale d'information sur
la montagne, qui vient de rendre ses conclusions, et dont j'ai eu l'honneur de
rapporter les travaux. Ces conclusions montrent notamment que, dans les
Pyrénées, la forte croissance des flux routiers de marchandises a été mal
anticipée par les pouvoirs publics ; d'où des phénomènes de congestion du
trafic et une pollution à la limite du supportable. On peut, hélas ! faire la
même observation à propos des Vosges et des Alpes.
La mission sénatoriale souligne, en conséquence, la nécessité de réaliser au
plus vite la ligne Perpignan-Figueras, accessible du transport de marchandises,
dont la mise en service est prévue pour 2006. Ce projet doit concrétiser une
volonté politique forte de rééquilibrage entre le trafic routier et le trafic
ferroviaire.
Concernant le massif alpin, le rapport de la mission sénatoriale préconise,
devant les perspectives d'évolution du trafic routier de marchandises, la
réalisation dans les meilleurs délais de la ligne ferroviaire Lyon-Turin, dont
la construction a été décidée par un accord franco-italien conclu en janvier
2001.
S'agissant de cette grande infrastructure européenne, je tiens, monsieur le
ministre, mes chers collègues, en ma qualité d'élu de la Haute-Savoie, à
souligner combien est vive l'attente des responsables régionaux et locaux,
attente exprimée encore le 15 octobre dernier dans une résolution adoptée à
l'unanimité par l'Assemblée des pays de Savoie, qui réunit les conseils
généraux des deux départements savoyards.
Il s'agit incontestablement d'un outil d'aménagement du territoire européen
visant à répondre au grand défi des échanges interrégionaux, transeuropéens et
au développement économique, culturel et environnemental des régions du sud de
l'Europe.
D'une part, ce projet met en place une liaison ferroviaire qui permettra
d'acheminer non seulement le fret classique, en constante progression, mais
aussi 40 millions de tonnes par an de marchandises supplémentaires, soit
l'équivalent annuel d'au moins deux millions de camions.
D'autre part, il organise une liaison ferroviaire destinée aux voyageurs et
reliant les réseaux à grande vitesse français et italien. Cette liaison
permettra à sept millions de voyageurs de se déplacer chaque année entre la
France et l'Italie et, au-delà, dans toute l'Europe méditerranéenne.
M. Jacques Peyrat.
Très bien !
M. Jean-Paul Amoudry.
Moins de deux heures seront nécessaires pour aller de Lyon à Turin, au lieu de
quatre aujourd'hui.
Cette liaison est une alternative réaliste et indispensable au tout-routier.
Elle apporte une réponse efficace aux enjeux environnementaux permet le respect
des impératifs de sécurité dans les Alpes. On sait, en effet, que le
tout-routier entraîne la complète saturation des vallées alpines.
Enfin, ce projet présente un intérêt majeur au regard du développement
économique et des bassins d'emploi des régions concernées, Rhône-Alpes en
particulier.
La connexion entre la future ligne à grande vitesse et les principales villes
de cette région doit être prévue afin d'optimiser les effets de la construction
de cette ligne. En effet, celle-ci doit favoriser le désenclavement du nord des
Alpes françaises, dont la desserte ferroviaire actuelle est notoirement
pénalisante pour des départements qui contribuent largement, grâce au tourisme
et à l'industrie, aux résultats économiques de notre pays.
M. Jean-Claude Carle.
C'est vrai !
M. Jean-Paul Amoudry.
Aussi, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de bien vouloir
garantir la conduite à bonne fin de cette liaison en permettant l'adhésion de
l'ensemble des partenaires français et italiens, financeurs et futurs
clients.
La mise en place d'une solution innovante de financement dès 2003 devrait
également permettre la réalisation du programme au travers d'une approche
économique globale, de nature industrielle, et garantir un soutien financier
communautaire d'au moins 20 % dans le cadre du réseau transeuropéen.
Les engagements pris par la France et l'Italie en janvier 2001 doivent être
appliqués par une volonté commune de rééquilibrage modal du transport des
marchandises de la route vers le rail.
Je souhaite, effectivement, monsieur le ministre, que les Etats français et
italien mettent tout en oeuvre pour que les objectifs et les délais fixés
soient respectés, s'agissant aussi bien des études préliminaires que de
l'exécution de cet ambitieux et si nécessaire programme ferroviaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants. - M. Jacques Bellanger applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le ministre, comme les orateurs qui m'ont précédée, je pense que nous
traitons ce matin d'un sujet important en termes d'aménagement du
territoire.
L'accroissement des déplacements de personnes et de marchandises se poursuit.
La route est devenue le mode majoritaire, avec 88 % des déplacements de
voyageurs et 85 % du transport des marchandises en Europe. En même temps,
l'actualité nous rappelle cruellement et quotidiennement que nos routes sont
meurtrières.
Le réseau routier et autoroutier, pratiquement saturé, engendre des pollutions
importantes. Je rappellerai qu'avec un kilogramme équivalent-pétrole, on peut
transporter une tonne de marchandises sur 50 kilomètres par la route, sur 130
kilomètres par le chemin de fer ou sur 275 kilomètres par les canaux.
Les accords de Kyoto ainsi que l'engagement pris par notre pays exigent que
nous tenions compte de cette donnée.
Notre pays possède un maillage ferroviaire très complet mais sous-utilisé ; il
doit être modernisé. La libération de sillons sur certaines lignes
traditionnelles en raison de la création des lignes TGV peut permettre
d'améliorer le réseau pour le fret.
Le fret ferroviaire est en effet en fort déclin. Sa part du marché est tombée
de 57,60 % en 1960 à 22,5 % aujourd'hui, et la tendance est la même dans
l'ensemble de l'Europe.
Le déséquilibre est aujourd'hui flagrant ; il devient socialement,
financièrement et écologiquement insuportable.
Pour rééquilibrer le rail par rapport à la route, des investissements lourds
sont indispensables. Ils ont été amorcés par le précédent gouvernement, sous la
responsabilité de Jean-Claude Gayssot, ministre des transports, et je dirai,
après notre collègue Daniel Reiner, que nous pouvons être fiers du travail
accompli en quelques années.
Cependant, l'objectif de doublement du trafic en dix ans ne ferait que figer
la part du ferroviaire dans le transport des marchandises. Le développement du
tout-routier implique en fait une fuite en avant, et une telle solution ne peut
être retenue sans risque pour l'activité routière elle-même.
Le ferroviaire participe au développement durable.
L'essor des transports est souvent synonyme de nuisances. Les avantages
qu'offre le rail sont bien connus : faible utilisation de l'espace, grande
sécurité, efficacité énergétique, utilisation de l'électricité, énergie qui ne
pollue pas. Le défi lancé aujourd'hui, c'est l'inscription dans une logique
d'intermodalité, tant pour les voyageurs que pour le fret.
L'utilisation optimale des lignes est une nécessité parce que les
infrastructures coûtent cher et qu'il faut penser aux réalisations nouvelles,
indispensables sur les axes les plus chargés. Il s'agit aussi de contourner des
noeuds importants. Dès son article 1er, la loi du 13 février 1997 a placé les
missions du transport ferroviaire « dans une optique de développement durable
».
Les citoyens sont excédés par les nuisances des camions. En Suisse, ils ont
été capables d'imposer l'utilisation du ferroutage. De plus en plus, les
transporteurs sont aujourd'hui convaincus que le tout-routier n'est pas la
solution.
Les professionnels de la route le reconnaissent, pour que l'intermodalité
fonctionne, il faut que le chemin de fer bénéficie d'investissements lourds,
lui permettant d'entrer en cohérence avec la route.
La régionalisation, notamment avec les TER, est une approche intéressante.
Elle a permis de répondre aux besoins des populations, de mobiliser fortement
les élus locaux, d'éviter des fermetures de lignes, de revitaliser certains
territoires, et de préserver l'activité de certaines PME qui ont besoin de
logistique et de fret. La régionalisation est un contrepoids aux effets pervers
de la libération européenne.
Aujourd'hui, qu'en est-il des opérations inscrites dans les contrats de plan
Etat-région ? Les études étant longues, la consommation des crédits est lente.
Sous ce prétexte, des crédits sont actuellement en suspens, gelés pour cause
d'audit. Seront-ils réservés au chemin de fer ou transférés vers la route,
comme certaines voix le demandent dans les discussions concernant la révision
des contrats de plan ? Cela ne ferait que creuser le fossé !
On l'a vu en Grande-Bretagne : privé d'investissement public, le service
public ferroviaire perd en qualité. Les exigences de la Commission de Bruxelles
ne doivent pas nous empêcher de tirer les leçons de l'expérience de nos
voisins, de manière que la spécificité française conserve toute sa
pertinence.
Comme le disait M. Gérard Larcher, dans un article de
La Tribune,
« les
investissements structurants sont gage de croissance et d'emplois ».
Aussi, monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement maintienne les
crédits ouverts les années précédentes et renforce les moyens mis à la
disposition du chemin de fer et des transports collectifs.
Cela suppose, parallèlement, que le désendettement de RFF se poursuive dans de
bonnes conditions. Or, selon certains articles de presse, vous ne seriez pas en
mesure d'assurer les engagements pris parce qu'ils seraient gagés par les
privatisations. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous apportiez
également des éclaircissements sur ce sujet.
Les projets doivent être maintenus et développés. La ligne TGV Aquitaine doit
se concrétiser : il y va de l'avenir des régions qu'elle traverse ; cette ligne
libérerait des sillons pour le fret ferroviaire et éviterait d'autres
investissements lourds sur l'autoroute A 10.
Les financements prévus pour le projet de ligne
Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, sur laquelle la SNCF envisage de faire circuler
les premiers trains à technologie pendulaire seront-ils confirmés ?
Le Gouvernement ne semble pas défendre à Bruxelles la traversée centrale des
Pyrénées, alors que la commission et le Parlement européens y sont
favorables.
La ligne Lyon-Turin serait, elle aussi, une excellente réponse aux demandes
des populations des régions concernées, qui aimeraient que leurs territoires
soient moins pollués par une circulation de transit difficilement
supportable.
Monsieur le ministre, nous savons que les questions financières sont au coeur
des interrogations de l'audit que vous avez commandé. Mais nous souhaiterions
aussi qu'en ce début de législature vous preniez le temps d'examiner l'étude
très instructive réalisée par le Conseil supérieur du service public
ferroviaire sur les conséquences de la privatisation des transports ferrés
anglais : elle confirme que, si nous voulons une réforme de qualité pour
assurer le déplacement des populations et le transport des marchandises, il
faut garder une unité d'organisation de ces déplacements pour assurer une
cohérence nationale.
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il faut donner à l'outil ferroviaire
les moyens financiers nécessaires pour répondre aux besoins des populations.
Cela suppose une forte implication du budget de l'Etat, mais aussi du budget
européen, aux côtés des collectivités territoriales compétentes, les régions.
Ainsi, l'Europe et notre pays permettraient à notre monde d'être plus soucieux
de son environnement ainsi que des femmes et des hommes qui y vivent.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis moi
aussi particulièrement heureux, comme M. de Rohan, président de notre groupe,
d'intervenir ce matin sur le thème de la politique ferroviaire, qui aurait déjà
mérité de faire l'objet de nombreux débats spécifiques.
Je suis d'autant plus satisfait que ce débat ait lieu aujourd'hui que, pendant
cinq ans, nous n'avons souvent entendu, dans ce domaine, que des incantations :
priorité au rail, doublement du fret ferroviaire, progrès de la SNCF, etc.
Cependant, comme je le soulignais dans cet hémicycle l'an dernier en
présentant, au nom de la commission des finances, mon rapport spécial sur le
budget des transports, si les objectifs étaient à l'origine ambitieux, les
résultats sont aujourd'hui déplorables.
Nous devons constater que trois ambitions au moins ne se sont pas
concrétisées.
En premier lieu, si les investissements ferroviaires sont, tout le monde l'a
dit, une nécessité, les chiffres de la commission des comptes des transports de
la nation sont particulièrement éloquents : pendant les cinq dernières années !
- j'ai bien dit les cinq dernières années -, l'Etat n'a jamais aussi peu
investi dans les infrastructures ferroviaires.
Le réseau ferré n'a représenté que 13 % des investissements en infrastructures
en 2000. Nous sommes ainsi passés, entre 1997 et 2000, de 3,5 à 2,4 milliards
d'euros d'investissements par an. Tout reste à faire pour mettre en oeuvre une
politique dynamique en faveur du rail. En effet, la demande ferroviaire est
forte : elle émane de toutes les régions - les orateurs qui m'ont précédé l'ont
souligné - qu'il s'agisse des lignes à grande vitesse, du fret ferroviaire ou
de la traversée des Alpes et des Pyrénées.
Un deuxième objectif n'a pas été atteint. Il s'agissait de développer le fret
ferroviaire, pour en doubler le volume en dix ans. Dans ce domaine, le constat
est accablant. Le fret ferroviaire ne cesse de reculer et, aujourd'hui, nous
sommes en passe de perdre la bataille dans ce domaine.
M. Jacques Peyrat.
Eh oui ! C'est parfaitement vrai !
M. Jacques Oudin.
Le ralentissement économique et, plus encore, les mouvements de grève ont eu
de nombreuses conséquences sur le trafic du fret ferroviaire, qui a reculé de 9
% en 2001, première année du doublement annoncé.
Le premier semestre de 2002 ne marque aucune amélioration notable et les
objectifs prévus - 54 milliards de tonnes-kilomètres transportées ne seront pas
atteints puisque les résultats devraient s'établir à 50 milliards de
tonnes-kilomètres. Les chargeurs sont désabusés.
Les résultats ne sont pas meilleurs pour le transport combiné, qui a chuté en
2001 et qui ne devrait pas s'améliorer en 2002, avec 12,5 milliards à 13
milliards de tonnes-kilomètres transportées.
Dans le contexte d'accroissement général des trafics, le fret ferroviaire et
le transport combiné continuent à perdre des parts de marché.
En France comme en Europe, pour la seule année 2001, d'après les chiffres du
ministère des transports, on observe un gain de 1,8 point de la part de la
route alors que le fret perd 1,7 point. C'est tout le contraire de ce qui nous
était annoncé avec la politique « multimodale volontariste », telle que j'ai eu
l'honneur de la rapporter au Sénat devant la délégation à l'aménagement du
territoire, le 23 mai 2001.
La troisième ambition non atteinte a été le redressement des comptes de la
SNCF, même s'il faut reconnaître que cette ambition n'a jamais été clairement
exprimée.
Tous les indicateurs financiers de la SNCF se sont dégradés depuis 1997, de
l'aveu même des services de Bercy, que j'ai rencontrés voilà quarante-huit
heures. En 1998, un euro d'immobilisation nette générait 1,6 euro de chiffre
d'affaires ; aujourd'hui, le même investissement génère seulement 1,34 euro
d'activité. La marge sur chiffre d'affaires est tombée de 8,94 % en 1998 à 4,4
% en 2001. Elle a donc diminué de moitié. Que les chiffres sont terribles quand
ils présentent des réalités de cette nature !
La SNCF a renoué avec le déficit à la fin de l'année 2001. La perte nette de
l'exercice pour la maison mère est de 134 millions d'euros, contre un bénéfice
annoncé de 68 millions d'euros en 2000.
Evidemment, ces chiffres doivent être considérés en prenant en compte
l'importance de l'ensemble des subventions publiques au secteur ferroviaire,
qui représentent globalement 10 milliards d'euros par an, y compris les
retraites.
Le résultat de l'exercice 2001 est donc en très forte dégradation par rapport
à l'exercice 2000.
Au premier semestre 2002, les résultats sont désastreux, avec 156 millions
d'euros de pertes. A la fin de l'année, le déficit pourrait s'établir à 250
millions d'euros.
La commission des finances du Sénat souhaite avant tout une clarification des
comptes de la SNCF et de RFF, compte tenu des liaisons entre ces organismes et
l'Etat, mais aussi une clarification des comptes généraux des transports pour
tous les modes.
J'ai donc déposé un amendement qui est devenu l'article 12 de la loi de
finances rectificative pour 2002, afin que la commission des comptes des
transports remette un rapport annuel au Gouvernement et au Parlement. Ce sera
notre outil de travail.
Une telle clarification, je le rappelle, a été mise en oeuvre dans le domaine
de la sécurité sociale grâce à la pugnacité du Sénat, quia pu, grâce à la
contribution de la commission des comptes de la sécurité sociale, voir enfin
clair dans le fameux trou de la sécurité sociale, qui tantôt apparaissait
tantôt disparaissait sans que l'on en discerne toujours les contours et les
origines. Maintenant, il n'y a plus de contestations, sur les comptes de la
sécurité sociale, même s'ils ne sont pas toujours très bons. En revanche, les
comptes de la SNCF suscitent encore des interrogations.
En attendant cette clarification nécessaire et la mise en oeuvre des
dispositions de la loi organique du 1er août 2001, la SNCF « paye » ses
mauvaises performances en matière de fret, de lignes Corail, compte tenu du
coût d'entretien de matériels vétustes et, surtout, de ses charges de
structures, alourdies par l'application du dispositif des 35 heures et par
l'augmentation corrélative des effectifs. C'est là une performance unique en
Europe, toutes les autres sociétés européennes ayant renforcé leur productivité
par un ajustement des effectifs.
Le seul vrai projet de réforme de la SNCF pendant la période 1997-2001, le
projet « Cap Clients », qui était parfaitement justifié, a été abandonné en
rase campagne.
Face à ce constat sans appel, quelles peuvent être aujourd'hui les
orientations d'une nouvelle politique ferroviaire qui ne cède plus aux
incantations mais à la clarification, à l'action et à la volonté ?
Nous devons au moins nous engager dans trois directions.
Tout d'abord, il importe de faire le point sur les projets à financer.
Comme je le soulignais l'an dernier, les programmes d'investissement devraient
atteindre plus de 5,7 milliards d'euros en 2004 - soit le double de ce qui a
été réalisé, puisqu'il s'agit de passer de 2,4 à 5,7 milliards d'euros - pour
les seuls programmes déjà approuvés : TGV Est, contrats de plan Etat-région,
etc.
Or, à ce jour, aucune mesure n'a été prise en termes financiers pour remplir
les obligations et les échéances que l'Etat s'est fixées.
Le maillage des territoires par des liaisons à grande vitesse, les traversées
ferroviaires des massifs alpins et pyrénéens seront les grands enjeux des
décennies à venir. Mais il y en aura d'autres, comme la suppression des zones
de congestion autour de Paris, Dijon, Lyon et Montpellier.
Ces projets sont coûteux, nous le savons. Ils sont pourtant nécessaires, voire
indispensables.
Le TGV Lyon-Turin devrait coûter 10 milliards d'euros, dont au moins 7
milliards de subventions publiques.
Deux établissements publics multimodaux ont été créés pour recevoir des
dotations en capital ou des dividendes de sociétés d'autoroute.
Un des deux fonds a bien reçu 280 millions d'euros pour le financement de la
ligne Perpignan-Figueras, ce qui représente seulement 15 % des 1 800 millions
d'euros obtenus par l'ouverture du capital d'ASF - Autoroutes du Sud de la
France - mais l'autre fonds n'a rien reçu. J'ajoute que tout le capital d'ASF
qui a été mis sur le marché a été consacré aux retraites. C'est important, les
retraites, mais le trafic ou les problèmes de la SNCF, ce n'est pas moins
important ! Pour l'instant, il ne s'agit que d'une simple débudgétisation sans
aucun mécanisme pérenne permettant le financement de ces organismes.
Nous savons qu'une grande partie du développement ferroviaire sera assurée par
les recettes et les dividendes en provenance de l'activité routière et
autoroutière : en fait, la route paie et paiera le rail. Encore faudrait-il que
le secteur ferroviaire ne soit pas un tonneau des Danaïdes !
Encore faudrait-il également qu'une politique financière globale et à long
terme soit déterminée, tant pour le secteur autoroutier que pour le secteur
ferroviaire. En fait, il faut mettre en place une politique globale de
financement de tous les modes de transport.
Nous n'échapperons pas à des systèmes de péréquation, qui ne seront efficaces
que si des règles financières claires sont établies pour les différents
secteurs de transport.
En dehors des projets alpins et pyrénéens et des grands axes transeuropéens ou
des lignes de TGV - TGV Rhin-Rhône, TGV Aquitaine, TGV Bretagne-Pays de la
Loire, etc. - tout le monde s'interroge sur le court et le moyen terme, sur les
dotations ferroviaires accordées aux contrats de plan ou aux projets de TGV en
cours. La première phase du TGV Est-européen, hors électrification des lignes
des Vosges, représente un coût de 3,12 milliards d'euros !
Devant cet immense enjeu, le Gouvernement a donc très légitimement demandé un
audit au conseil général des Ponts et Chaussées et à l'Inspection générale des
finances, audit qui, en fait, a été à l'origine de la question posée par M. de
Rohan.
Cet audit, qui devra être rendu d'ici au 31 décembre 2002, établira l'état
précis des projets, leur faisabilité technique, leur calendrier prévisionnel et
leur coût pour l'Etat. Il évaluera par ailleurs l'intérêt socio-économique et
les enjeux en termes d'aménagement du territoire de chaque projet, tant au plan
français qu'au plan européen.
Monsieur le ministre, cet audit est le bienvenu, mais il ne doit pas conduire
à relâcher notre réflexion sur le long terme, c'est-à-dire sur l'effort
d'investissement qui ne sera garanti que par une modification structurelle
profonde du secteur ferroviaire. La France a besoin de liaisons ferroviaires
sûres et performantes. Dans ce domaine, il faut raisonner à vingt ou trente
ans.
Pour cela, il faut trouver de nouvelles sources de financement. M. Josselin de
Rohan a parlé du marché financier, mais qui dit marché financier dit aussi
rentabilité. Il faudra donc bien assurer la rentabilité du dispositif, en
répartissant mieux la charge entre contribuable et usager, en tarifant mieux :
est-il normal que le prix d'un billet de TER soit à peu près équivalent à celui
d'un billet de TGV ? La rapidité doit sans doute être facturée ! Par ailleurs,
nous devrons avoir des opérateurs performants.
La deuxième direction dans laquelle nous devons nous engager concerne la dette
ferroviaire et sa résorption.
Cette dette s'élève à 40 milliards d'euros, soit près de 260 milliards de
francs. Elle est portée par RFF, mais aussi par la SNCF et par une autre
structure sans grande qualification juridique et mal identifiée, le service
annexe d'amortissement de la dette.
L'importance de la dette limite les capacités d'investissement du système
ferroviaire. Je dirai même qu'elle les bloque.
Paradoxalement, cette dette garantie par l'Etat n'est pas comptabilisée à ce
titre. Faut-il la réintégrer dans la dette de l'Etat ? Ne faut-il pas la
cantonner dans une structure
ad hoc
afin de lui affecter des recettes
pérennes pour la résorber ? Voilà autant de problèmes qu'il faut régler
rapidement.
La dette du système ferroviaire provient des investissements passés. Il est
tout à fait légitime de s'endetter pour investir, à condition, par la suite,
d'assurer le remboursement progressif de la dette, ce qui n'a pas été fait.
L'endettement du système autoroutier, par exemple, se résorbe de lui-même grâce
à l'augmentation des péages.
Dans les conditions actuelles - c'est mon sentiment, monsieur le ministre - la
résorption de la dette ferroviaire n'est pas envisageable.
Enfin - c'est la troisième direction - il nous faut réformer la SNCF.
Les priorités de notre politique ferroviaire sont triples : avoir un projet
d'entreprise, rétablir l'équilibre des comptes et développer
l'investissement.
S'il est légitime de s'endetter pour investir, les emprunts ne doivent pas
pour autant servir à payer le fonctionnement courant des structures. Or c'est
ce qui se passe actuellement à la SNCF. Elle a renoué avec les déficits et ses
comptes ne cessent de se dégrader.
Les réformes engagées doivent être poursuivies dans l'esprit de la loi
organique du 1er août 2001. Cette dernière impose au budget de l'Etat des
réformes considérables : fixer des objectifs, des indicateurs de résultats,
rationaliser la dépense publique, planifier le développement.
Nous sommes, par exemple, le dernier pays de l'Union européenne à ne pas avoir
ouvert notre réseau fret à la concurrence. Dans ce domaine, nous faisons un peu
figure de dernier de la classe. Il est donc temps de réagir et, surtout, de
réussir avant l'échéance, qui est fixée au 13 mars 2003.
Certes, les échecs répétés des différents plans de réorganisation de la SNCF
sont préoccupants. Mais les réformes engagées sont encourageantes : réforme par
le haut, avec la séparation de la SNCF et de RFF sous la pression de l'Europe ;
réforme par le bas, avec la régionalisation de la SNCF et l'implication des
régions.
Il reste désormais à opérer la réforme dans le « corps central » en modifiant
les procédures, les mentalités et l'état d'esprit de ce grand corps social
qu'est la SNCF. Une vaste concertation est en cours, et nous nous en
réjouissons.
La réforme de la SNCF est inséparable de la réforme globale de notre politique
des transports. Dans le cadre des exigences européennes et face à une situation
financière dramatique, nous n'avons plus de temps à perdre.
Le Gouvernement saura, j'en suis sûr, prendre ce problème à bras-le-corps et
le traiter à la fois sur le court, le moyen et le long terme, en proposant des
réformes audacieuses pour assurer les engagements auxquels toutes nos
collectivités territoriales sont attachées.
Le transport est une préoccupation quotidienne de nos concitoyens et de nos
entreprises.
La demande de transports ne faiblira pas au cours des vingt prochaines années.
Il faut le savoir ! Dans ce contexte, le fer doit occuper toute sa place. Voilà
un grand enjeu national qui ne pourra être relevé que par un ensemble de
décisions clairvoyantes et courageuses.
Nous sommes certains, monsieur le ministre, que vous saurez le faire et
répondre à nos attentes ; vous pouvez compter sur notre soutien.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ma
qualité de rapporteur du budget des transports terrestres, je voudrais tout
d'abord féliciter notre collègue M. Josselin de Rohan d'avoir fait inscrire ce
problème à l'ordre du jour. J'en profiterai pour poser quelques questions et
faire certaines remarques.
En complément de ce que vient de dire M. Oudin, je pense que les propos de M.
Reiner relèvent d'une vision quelque peu idyllique. Méfiez-vous de ces
fondations, monsieur le ministre !
Pour ma part, il y a un an, je concluais mon rapport en mettant l'accent sur
le vertige que suscitait la dette ferroviaire. Ce n'était tout de même pas très
optimiste !
Considérant le montant de la dette globale - Jacques Oudin vient d'en citer le
chiffre exact - le problème, c'est de remettre à flot les finances du secteur
ferroviaire.
Peut-on aujourd'hui considérer que le rail sera dans les quinze ans à venir
une alternative à la route ? C'est très hypothétique. Par ailleurs, dans quels
délais le fret pourra-t-il être géré par une société autonome ?
Pour ce qui concerne le TGV, on constate une augmentation de 17 % du trafic au
premier semestre 2002 par rapport au deuxième semestre 2001. Toutefois,
l'augmentation du trafic, hors TGV, n'est que de 3,1 % contre les 7 % prévus
par la SNCF. La perte est donc double.
Quant au fret, il perd encore cette année du terrain avec une diminution de
1,8 %. Si l'on compare ce chiffre avec celui de l'année précédente, il
enregistre une baisse d'environ 8 %.
M. Daniel Reiner a parlé du recrutement. On avait prévu d'embaucher 7 000
personnes ; or dans les faits, seules 6 000 l'ont été.
Par ailleurs, une manifestation s'est récemment déroulée pour défendre le
service public, les salaires, l'emploi.
La position de la direction de se placer aujourd'hui en amont des conflits me
semble très raisonnable, parce qu'il ne faut plus que la population soit prise
en otage en cas de grève et que la dette s'accroisse encore.
M. Josselin de Rohan.
Il n'y a pas de service si l'on se moque du public !
M. Bernard Joly.
Prévoir un dispositif de veille sociale avec le préavis de grève me semble
être la meilleure solution.
S'agissant de RFF, la dette est encore plus importante. Monsieur le ministre,
quelle est votre position à cet égard ?
Les crédits alloués dans le projet de budget pour 2003 vont-ils stabiliser
cette dette ? Compte tenu de l'énormité de cette dernière, ce serait déjà une
bonne chose. Quelle solution proposer ?
Est-il vrai que RFF envisage d'augmenter les frais de location des lignes TER,
ce qui provoquerait certainement de vives réactions dans les régions ?
En tout état de cause, RFF devra faire le choix entre le service voyageurs et
le service fret en ce qui concerne la répartition des sillons.
Monsieur le ministre, l'investissement de 2003 sera-t-il de 350 millions
d'euros, à savoir de 160 millions d'euros pour le TGV Est et de 140 millions
d'euros pour le reste ? Ainsi, le programme de TGV, notamment, serait un peu
long à réaliser.
Comme chacun de mes prédécesseurs a plaidé pour sa chapelle, permettez-moi de
dire deux mots de la ligne Paris-Bâle.
Pour un département comme le mien, qui est très enclavé, elle ne permet de
rejoindre la capitale que dans des temps beaucoup trop longs. J'avais donc
demandé, l'année dernière, qu'un traitement particulier soit réservé à cette
ligne, non pas son électrification immédiate, mais au moins un changement de
motrice, afin de réduire ce temps de parcours.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tout à fait !
M. Bernard Joly.
Je souhaiterais, en attendant le rapport financier de la fin d'année, que vous
examiniez ce cas. Le TGV Rhin-Rhône n'est certainement pas pour demain.
Voilà un an, j'avais soulevé d'autres questions. Nous les examinerons lorsque
nous discuterons des conclusions du rapport sur les transports terrestres, car
vous avez eu trop peu de temps pour les étudier.
Qu'envisagez-vous pour faciliter l'accès des handicapés dans les TGV ?
Qu'en est-il de la coopération de la SNCF et des autres modes de transport ?
Quelquefois, après s'être battu pour un gain de quelques minutes, on constate,
à l'arrivée, que ces quelques minutes sont perdues et que des ruptures de
charges ne sont pas prises en compte.
Enfin, en matière de sécurité, des progrès ont déjà été faits. Mais il en
reste encore à accomplir.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux.
En complément de l'intervention de mes collègues du groupe socialiste, je
voudrais, monsieur le ministre, vous faire part de notre attachement à la
réalisation de la ligne TGV Ouest, notamment.
Le projet de prolongement de cette ligne à grande vitesse au-delà du Mans
jusqu'à Rennes puis Brest et Quimper constitue un enjeu majeur pour la région
Bretagne et fait l'unanimité des élus bretons, toutes tendances confondues.
En avril 2001, Jean-Claude Gayssot, alors ministre des transports, confirmait
la volonté du Gouvernement de donner la priorité au désenclavement de l'Ouest,
en particulier de la Bretagne, en autorisant l'engagement des études
d'avant-projet sommaire pour la réalisation de la ligne TGV Bretagne-Pays de la
Loire. Il retenait alors les grandes options suivantes : choix du fuseau B4,
soit le tracé le plus au sud, variante Centre-Nord pour l'entrée de Rennes, et
réalisation d'une première phase Connerré-Sablé-Laval Est.
L'étape décisive pour la réalisation concrète de l'objectif tendant à placer
Brest et Quimper à trois heures de Paris en 2010 était alors franchie.
Or, sans vouloir préjuger les conclusions de l'audit qui devraient être
rendues le 31 décembre prochain, les élus socialistes de Bretagne, dont je me
fais le porte-parole aujourd'hui, s'inquiètent de voir le projet du TGV Ouest,
déjà très bien engagé, concurrencé, voire remis en cause, par d'autres projets
tels que le TGV Est européen et surtout la ligne à grande vitesse
Perpignan-Figueras, en Espagne.
Il s'avère que le budget du ministère de l'équipement, des transports, du
logement et du tourisme, dans le projet de loi de finances pour 2003, concerne
essentiellement ces deux projets, certes très importants. Il semble donc que
nous soyons totalement oubliés.
Pourtant, il convient absolument de tenir compte, tout d'abord, de la
nécessité d'optimiser l'aménagement de notre territoire, car la position «
périphérique » de la Bretagne risque de s'accentuer au fur et à mesure du
déplacement des frontières de l'Europe vers l'Est, et, ensuite, du taux de
rentabilité du TGV Bretagne qui place notre région en tête des seize projets du
schéma directeur national des liaisons à grande vitesse.
En effet, depuis sa création, il y a une dizaine d'années, plus de 54 millions
de voyageurs ont été transportés par le TGV Bretagne. Ce chiffre va au-delà de
ce qui était prévu initialement.
De plus, avec environ 51 % de parts de marché, cette ligne supplante
actuellement la liaison aérienne.
Le transport express régional en Bretagne représente également 16 000
voyageurs, 250 trains par jour, 140 gares et points d'arrêt, ainsi qu'un trafic
en progression de plus de 10 % ces dernières années. A Brest, par exemple, le
trafic TGV concerne près de 500 000 voyageurs par an.
La région Bretagne doit pouvoir continuer son désenclavement.
Je répète que le transport ferroviaire constitue l'un des piliers d'une
politique de développement durable et s'inscrit dans la notion de région
périphérique qui risque de devenir rapidement ultrapériphérique si Brest et
Quimper ne sont pas à trois heures de Paris.
Dans ce contexte, le projet de TGV Bretagne-Pays de la Loire s'inscrit aussi
dans une libération des voies qui permettra, seule, un développement du fret
auquel, monsieur le ministre, je crois savoir que vous avez toujours été
attaché et pour lequel vous aviez déposé une proposition de loi il y a quelque
temps.
Il s'agit ici non pas d'un discours incantatoire, mais bien d'une volonté
réelle de tous les élus d'une région qui sont prêts à se mobiliser autour d'un
projet vital.
Alors que se précisent les perspectives d'une Europe élargie, notre région a
un besoin urgent d'une ligne ferroviaire à grande vitesse. Pour son économie,
pour les citoyens, il s'agit d'une réelle colonne vertébrale, un axe fort de
développement.
J'ajoute que M. le Premier ministre, lorsqu'il était encore président de
l'Association des régions de France, avait conscience de l'importance des
crédits ferroviaires puisque, sous sa pression et celle d'autres élus locaux,
le Premier ministre de l'époque avait multiplié par dix les crédits du rail
dans les contrats de plan Etat-région par rapport à ceux de 1993-1999.
Revenir sur les engagements de l'Etat ne manquerait pas de décevoir - le mot
est faible -, et l'annulation de certains projets risquerait même de remettre
en cause la planification à l'échelon national de l'offre des transports.
Je tiens à préciser également que, quel que soit le résultat de l'audit que
vous avez demandé, et quand bien même le chantier du TGV Ouest ne serait pas
remis en cause, ce sont pratiquement dix-huit mois qui auront été perdus, ce
qui représente un temps précieux par rapport à l'échéance de 2010.
Monsieur le ministre, les élus bretons réaffirment leur détermination commune
et demandent instamment au Gouvernement de confirmer sa volonté de réaliser,
dans les meilleurs délais, la ligne à grande vitesse Le Mans-Rennes. C'est
l'avenir d'une région et donc celui de milliers de nos concitoyens qui en
dépend.
Sur ce dossier, vous avez pu constater la convergence des points de vue,
au-delà des clivages politiques. Cela a toujours été la force de notre région
que de savoir se mobiliser et parler d'une même voix lorsque son avenir était
en jeu.
Jusqu'à présent, la Bretagne a toujours été entendue lorsqu'elle était unie.
J'espère, monsieur le ministre, qu'il en sera encore ainsi car, comme le disait
tout à l'heure M. de Rohan, si l'on dit les Bretons « têtus », ils savent aussi
être solidaires et déterminés.
(Sourires et applaudissements sur les travées
du groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.
- M. Serge Franchis applaudit également.)
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Marcel Deneux.
C'est la Bretagne unie !
M. le président.
La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hélas ! je
ne suis pas breton.
(Sourires.)
M. Josselin de Rohan.
Personne n'est parfait !
(Nouveaux sourires.)
M. Jacques Peyrat.
Mais, les Niçois, monsieur de Rohan, sont aussi opiniâtres.
(M. Josselin de
Rohan acquiesce.)
Ils l'ont d'ailleurs prouvé pour devenir Français au
moment des grands bouleversements de l'Europe en 1860, voilà 142 ans.
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Jacques Peyrat.
Etant l'avant-dernier orateur inscrit, les grands traits de la politique
ferroviaire vous ont déjà été présentés, monsieur le ministre, et je ne veux
rien répéter. Souffrez néanmoins que je fasse un bref plaidoyer
pro domo.
En effet, quand un dossier est bon, comme je le pense ici, il n'est pas
nécessaire de le plaider longtemps.
Il faut trois heures pour relier Paris à Marseille, distantes de 750
kilomètres. Il faut également trois heures pour relier Nice à la frontière
italienne, distantes de 220 kilomètres, soit presque quatre fois moins ! Voilà
résumé en quelques chiffres tout le problème ; et, les chiffres, monsieur
Oudin, sont têtus !
Si vous le décidez, monsieur le ministre, la durée de la liaison
Paris-Aix-Nice sera de trois heures quarante. Toute la survie de cette portion
de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui souffre de ce mal terrible, réside
dans ce chiffre-là.
Permettez-moi d'avancer quatre arguments, que je crois objectifs.
D'abord, cette portion de territoire, qui abrite à la fois le deuxième
aéroport de France et le premier technopôle européen, Sophia-Antipolis, doit
être reliée rapidement au reste de l'Europe. C'est une nécessité, d'autant que
la seule activité - l'Etat n'a pas été très généreux au cours de ces 142 ans !
- de cette portion du territoire est le tourisme, qu'il soit de loisirs ou
d'affaires, qui rapporte indirectement de l'argent à l'Etat !
Mon deuxième argument tient à l'enclavement. Je ne partage pas - pardonnez-moi
! - l'optimisme de Mme Beaufils quant à l'excellence des actions qui ont été
conduites au cours de ces cinq dernières années. Je trouve que l'enclavement de
Nice et de son pourtour, deuxième communauté d'agglomération de France, est
devenu terrifiant. Mais vous le savez, car nous nous en sommes ouverts.
Nous connaissons une saturation autoroutière, puisque l'A 8, qui est la seule
autoroute, est pratiquement fermée cinq heures par jour depuis quatre ans à
cause du trafic en provenance de Vintimille en direction de Barcelone et de
Paris. Nous connaissons également une saturation aéroportuaire, puisque
l'aéroport de Nice, le deuxième de France, accueille neuf millions de passagers
et pourrait aller, en tirant, jusqu'à quinze, mais à quel prix, en raison de la
pollution de l'air et du bruit, nuisance d'autant plus importante que
l'aéroport est situé au coeur de la ville.
Mon troisième argument tient à la liaison transfrontalière. Certes, vous êtes
européen comme nous, et peut-être plus encore. La réalisation de la ligne
transversale entre Gênes et Barcelone est impérative. Le tronçon reliant
Marseille à Nice serait-il le chaînon manquant de cette liaison qui, un jour,
pourrait rejoindre Turin, si vous construisez la ligne Lyon-Milan, bien sûr
dans d'autres années...
Enfin, mon quatrième et dernier argument tient à la rentabilité de la ligne
Paris-Aix-Nice, cerise sur le gâteau ! Elle sera rentable, selon la SNCF et
Réseau ferré de France, et cela sera vraisemblablement confirmé par votre
audit.
Monsieur le ministre, j'en ai terminé. Vous avez donné, au maire de Nice en
tout cas, l'image d'un ministre rapide...
M. Gilles de Robien,
ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la
mer.
Pas sur la route !
(Sourires.)
M. Jacques Peyrat.
... dans la prise en considération des problèmes majeurs de ma région - j'en
porte témoignage publiquement. Je souhaite que vous le soyez aussi pour l'étude
du tracé, car il ne faudrait pas que le développement de l'urbanisation dans
cette région en plein essor gêne la mise en oeuvre de la configuration nouvelle
souhaitée pour toutes celles et tous ceux que je représente.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais,
moi aussi, remercier M. de Rohan d'avoir permis à de nombreux collègues, grâce
à la question orale avec débat qu'il a posée, de « prendre le train en marche
», si vous me permettez cette expression, d'autant que nous avons tous -
n'est-il pas vrai ? - le souci de voir le réseau de TGV se développer.
En entendant tous les orateurs, je me disais que l'idée d'un référendum
portant sur le choix entre, par exemple, la construction d'un deuxième
porte-avion et celle de l'ensemble des TGV serait à creuser. Pourquoi pas ? Je
ne suis pas de ceux qui nieront que, comme le disait Pierre Mendès France, «
Gouverner, c'est choisir ». Mais il est dommage qu'il faille choisir entre les
différents TGV, tant chacun est d'accord sur les avantages qu'ils présentent
tous sur les plans de la sécurité et du développement économique. Même ceux qui
s'inquiètent pour la SNCF doivent réclamer la réalisation rapide de nombreux
TGV, qui sont rentables.
En tant que sénateur du Territoire de Belfort, je dois évidemment faire
remarquer que l'aire urbaine Belfort-Montbéliard-Héricourt est enclavée et que,
si nous construisons le TGV depuis des années, nous n'en bénéficions pas.
Enfin, les plans sociaux se succèdent. Après 800 emplois perdus à Alstom, c'est
General Electric qui s'apprête à licencier près de 300 personnes, et Peugeot
commence à se séparer de nombreux emplois précaires. Il est possible que tout
cela eût été évité si nous avions eu le TGV plus tôt. C'est pourquoi nous
tenons particulièrement à sa réalisation.
Ce n'est pas seulement vrai pour l'aire urbaine Belfort-Montbéliard-Héricourt,
ou pour la région Franche-Comté. C'est aussi vrai pour l'ensemble du pays,
puisque le TGV Rhin-Rhône-Méditerranée étant destiné dans un premier temps,
vous le savez bien, à relier Barcelone à Francfort, en attendant Madrid, puis
Lisbonne à Copenhague, ce sont en vérité onze régions sur vingt-deux qui sont
intéressées, sans parler de la Suisse ni de l'Italie. Il permettra de relier
l'ensemble des lignes, et donc le Nord, la Bretagne, les Pays de la Loire.
Vous le savez aussi bien que moi, la déclaration d'utilité publique a été
prise le 25 janvier. Je remercie ceux de nos collègues qui l'ont rappelé, en
particulier MM. Carle et Reiner. La convention de financement des études
d'avant-projet de la branche est a été signée le 4 juin dernier par M. le
directeur des transports terrestres après que l'ont déjà fait Réseau ferré de
France et les présidents des régions d'Alsace, de Franche-Comté et de
Bourgogne. Car toutes ces collectivités sont prêtes - elles ont d'ores et déjà
voté en ce sens - à contribuer largement - n'est-il pas vrai ? - à sa
réalisation.
Lorsque l'on examine la composition de l'association Trans Europe TGV
Rhin-Rhône-Méditérannée, on ne peut qu'être frappé par l'importance et le
nombre des régions intéressées, puisque figurent sur la liste un grand nombre
de personnalités, pour ne citer, par exemple, que Jean-Marie Bockel, maire de
Mulhouse, qui en est le président ; Jean-Pierre Chevènement, qui - il faut lui
rendre cette justice - est à l'origine du projet ; Mme Anne-Marie Comparini, la
présidente du conseil régional de Rhône-Alpes ; Jean-François Humbert, notre
collègue président du conseil régional de Franche-Comté ; Jean-Pierre Soisson,
président du conseil régional de Bourgogne ; Adrien Zeller, président du
conseil régional d'Alsace ; tous les présidents des conseils généraux de
l'ensemble des départements intéressés ; le maire de Montpellier ; de
nombreuses personnalités étrangères, parmi lesquelles le ministre du
département de l'environnement et de l'équipement de la République du canton du
Jura, le maire de Saragosse, celui de Valencia, le ministre de l'économie et
des transports du Land de Rhénanie-Palatinat, le maire de Barcelone, le
ministre de l'économie publique du canton de Zürich, le maire de Göttigen, le
ministre de l'économie et des affaires sociales du canton de Bâle-ville, etc.
La liste des sénateurs qui plaident pour ce grand investissement nécessaire, et
d'ailleurs lui aussi largement rentable, est éloquemment longue : Jean-François
Humbert, que j'ai déjà cité ; Louis de Broissia, président du conseil général
de la Côte-d'Or ; Hubert Haenel, sénateur du Haut-Rhin, premier vice-président
du conseil régional d'Alsace ; Jacques Blanc, président du conseil régional de
Languedoc-Roussillon ; Michel Mercier, président du conseil général du Rhône ;
Jean Pépin, président du conseil général de l'Ain ; Philippe Richert, président
du conseil général du Bas-Rhin ; Louis Souvet, sénateur-maire de Montbéliard et
président de la communauté d'agglomération ; Jean-Paul Alduy, sénateur-maire de
Perpignan ; Paul Blanc, sénateur des Pyrénées-Orientales ; Jean-Patrick
Courtois, sénateur-maire de Mâcon ; Daniel Eckenspieller, sénateur du
Haut-Rhin, maire d'Illzach ; Jean-Louis Lorrain, sénateur du Haut-Rhin. C'est
dire l'intérêt national et international de ce projet !
Or nous craignons que l'audit annoncé n'entraîne des retards, qui pourraient
être catastrophiques. Des intérêts sont en jeu : la Suisse, notamment, et
l'Union européenne ont à déterminer rapidement leur participation financière.
En particulier, sont un peu en concurrence la Suisse alémanique, à l'exception
évidemment de Zurich et de Bâle, et de la république et du canton du Jura. Les
fonds que la Suisse affectera à ces projets doivent donc être très vite
définis.
M. Pierre Kohler, ministre de l'environnement et de l'équipement de la
république et du canton du Jura, en a récemment parlé au président Chirac à
Johannesbourg et il a déclaré à la presse, pas plus tard qu'hier, que le
Président de la République l'avait rassuré. M. Kohler insiste, en effet, pour
que le premier coup de pioche soit donné au plus vite, de manière que les fonds
en attente ne soient pas réaffectés, ce qui remettrait tout en cause.
De la réalisation de la branche Est dépend également la réouverture de la
ligne Delle-Belfort qui permettrait à nos amis suisses de rejoindre facilement
la gare d'ores et déjà prévue à Meroux, dans le Territoire de Belfort. Les
études sont en effet très avancées.
En définitive, je veux simplement vous demander, monsieur le ministre, de me
confirmer que les promesses du président Chirac seront tenues.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Quel affront !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas un affront ! J'attends que vous me confirmiez que cette promesse
est une garantie.
J'ai sous les yeux la lettre que le Président de la République a adressée, le
25 avril dernier, au président de l'association TGV Rhin-Rhône, M. Jean-Marie
Bockel :
« Monsieur le président, cher ami,
« Vous avez bien voulu attirer mon attention sur la résolution prise par
l'assemblée générale de l'association Trans-Europe TGV Rhin-Rhône-Méditerranée
pour la réalisation du TGV Rhin-Rhône.
« Le TGV Rhin-Rhône est inscrit au schéma directeur national des liaisons
ferroviaires à grande vitesse. Il figure aussi dans le réseau transeuropéen des
trains à grande vitesse. Le TGV Rhin-Rhône se décline en trois branches,
chacune en étant à un stade différent. La déclaration d'utilité publique de la
branche Est est parue le 27 janvier 2002 au
Journal officiel.
Tout doit
être maintenant mis en oeuvre pour une mise en chantier en 2004 et pour une
mise en service en 2008, comme prévu. La branche Sud reliera la branche Est à
l'agglomération lyonnaise. La branche Ouest reliera la branche Est vers la
ligne de TGV Paris-Lyon. Elles en sont au stade des études préalables. Mais
parce que le TGV Rhin-Rhône est un élément complémentaire du grand maillage
ferroviaire de l'Europe de demain, et notamment de la partie franco-allemande,
j'ai obtenu du Chancelier Schröder, lors du sommet franco-allemand de
Fribourg-en-Brisgau, que l'Allemagne participe aux études relatives au TGV
Rhin-Rhône.
« Il s'agit d'un dossier dont le prochain gouvernement devra se saisir sans
délai afin de poursuivre, sans perte de temps, la réalisation de cette
infrastructure d'intérêt national et européen. »
Je le répète, les TGV doivent arriver à l'heure et particulièrement le TGV
Rhin-Rhône-Méditerranée, puisque le Président de la République nous l'a promis.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
MM. Jacques Oudin et Josselin de Rohan.
Bravo Chirac !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la
mer.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais
tout d'abord remercier M. de Rohan de me donner l'occasion de m'exprimer, pour
la première fois au Sénat, au sujet des transports, notamment ferroviaires.
Je souhaite également indiquer que Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux
transports et à la mer, qui sera de retour de Chine dans quelques heures et qui
se rendra cet après-midi à l'Assemblée nationale pour le débat budgétaire, est
désolé de ne pas être parmi nous.
En tout cas, je veux remercier le Sénat d'aborder le sujet du transport
ferroviaire, qui est au coeur du développement économique et de l'aménagement
de notre territoire. Ce sujet est porteur d'enjeux financiers très importants.
Comme l'a très bien dit Jean-Claude Carle, il ne faut pas rater ce rendez-vous
de l'histoire.
Nombre d'intervenants se sont interrogés sur la pertinence de l'audit, en
exprimant, pour certains, des craintes. Je tiens à affirmer d'emblée que, en
aucun cas, l'audit n'a pour objet de retarder les projets. Cet audit porte, je
le rappelle, sur les infrastructures routières, ferroviaires et fluviales. Il
vise tout simplement à établir une photographie, à un instant donné, de la
situation, de l'avancement des projets, tant au niveau des études que de la
réalisation, et à apporter un éclairage sur l'intérêt de chaque projet au
niveau économique ou socioéconomique.
Pourquoi ai-je ressenti la nécessité de procéder à un audit dès mon arrivée
dans ce ministère ? Tout simplement - je le dis avec beaucoup de sérénité, sans
esprit polémique - parce que le précédent gouvernement avait multiplié les
promesses, les annonces. J'ai reçu beaucoup d'élus et je me suis aperçu que la
litanie des projets ne cessait de s'allonger. Il fallait y voir clair. Dans
chaque région, de nouveaux tronçons de lignes à grande vitesse et d'autoroutes
devaient être mis en service, me disait-on, entre 2006 et 2012. Mais, à
l'exception du TGV Est, sur lequel je reviendrai dans un instant, rien n'était
financé. Les simulations qui ont été réalisées sur les financements induits par
ces annonces montrent une véritable explosion de la pression sur le budget de
l'Etat.
L'objet de l'audit n'est pas d'annuler les projets pertinents. Tous les
projets à l'étude présentent forcément un intérêt puisqu'ils ont été demandés
par des élus, nationaux et locaux. Mais la question est de savoir quels sont
les projets prioritaires, les « phasages » les mieux adaptés, et les moyens de
financement à mettre en place. Ce sont là des questions de bon sens !
L'audit vise donc à remettre ce programme à plat et non pas à annuler des
projets. Il est destiné à sortir tout simplement de la logique d'annonce qui
fait toujours plaisir : quel ministre ne souhaite pas annoncer un nouveau
projet de TGV ou d'autoroute ? Il s'agit de définir ensemble un programme
d'infrastructures ambitieux, surtout réaliste, donc réalisable, en posant la
question essentielle des modalités de financement de ce programme.
D'ailleurs, l'audit des infrastructures, c'est un peu comme l'audit de la
situation des finances publiques que le Premier ministre a souhaité réaliser
dès le début de la législature, afin d'avoir la photographie des moyens
disponibles et d'orienter les politiques en fonction de ces moyens.
Quel est le périmètre de l'audit ? L'audit couvre l'ensemble des grands
projets d'infrastructures routières, autoroutières et fluviales. Il n'engloble
donc pas - je serai très clair à cet égard - les projets qui figurent dans les
contrats de plan. Il prend en compte les grands projets, notamment
internationaux, comme les liaisons Lyon-Turin et Perpignan-Figueras, qui font
l'objet d'un accord international signé au plus haut niveau. A l'évidence, la
France respectera ses engagements internationaux.
S'agissant du TGV Est, bien entendu, la première phase est actuellement en
travaux - elle a fait l'objet d'une médiatisation importante au début de l'été
- et elle n'est donc pas prise en compte dans l'audit. Je rappellerai
d'ailleurs la décision prise par le Gouvernement au sujet des surcoûts et
annoncée par le Premier ministre lui-même : c'est l'Etat, conformément à la
convention de financement, qui prendra à sa charge les surcoûts.
(Très bien
! sur les travées du RPR.)
En ce qui concerne la seconde phase - entre
Baudricourt et Strasbourg - qui est encore à l'état de projet, elle est
naturellement prise en compte dans l'audit.
J'ai également émis le voeu, pour permettre au Gouvernement de préparer au
mieux les rencontres avec nos partenaires européens, que les projets
transfrontaliers soient systématiquement étudiés dans le cadre de l'audit pour
nous donner des éclairages sur les degrés de priorité à réserver à chacun
d'eux.
J'aborderai brièvement la méthode utilisée. L'audit est mené par une équipe
qui est issue de l'Inspection générale des finances et du conseil général des
Ponts et Chaussées. Il sera terminé le 31 décembre prochain et rendu public.
Le travail est conduit en plusieurs temps : un recensement exhaustif des
projets a été réalisé, leur état d'avancement technique et administratif a été
précisé, et les études socioéconomiques dont ils ont pu faire l'objet ont été
recensées. En outre, un calendrier réaliste pour chaque projet doit également
être défini.
Il s'agira, ensuite, de déterminer pour chaque projet le mode de financement
adapté et, notamment, la part qui pourra être supportée par l'usager et celle
qui incombera au contribuable.
Enfin - c'est un point essentiel - il faudra examiner l'équilibre entre les
besoins et les ressources disponibles et proposer de nouvelles pistes de
financement des projets prioritaires - M. de Rohan a évidemment formulé des
remarques très pertinentes sur ces questions, suivies en cela par MM. Amoudry,
Oudin et Joly.
Les ressources budgétaires ne permettront pas, j'y insiste, de réaliser les
infrastructures dans un bref délai. Il faudra donc définir de nouveaux
instruments financiers. Cela paraît évident si l'on veut tenir des calendriers
qui soient compatibles avec nos objectifs et avec les souhaits que vous avez,
les uns et les autres, exprimés.
Le recours au financement privé sera examiné - d'ailleurs, cela ne signifie
pas privatisation de la SNCF ; j'y reviendrai tout à l'heure -, sous réserve,
évidemment, que les projets soient rentables, car le privé ne saurait -
pardonnez-moi l'expression - arriver « ventre à terre » pour financer des
projets non rentables.
J'en viens à la mise en place, le cas échéant, de péages supplémentaires pour
les poids lourds. En effet, je crois que l'on peut affirmer - cela n'a jamais
été fait à ce point - que l'encombrement des routes et des autoroutes, les
problèmes d'environnement que nous connaissons ne pourront pas indéfiniment
continuer. Il faudra qu'un jour, au-delà de l'incantation, l'on sache
s'arrêter. En tout cas, j'affirme très clairement que des études seront
effectuées, des discussions engagées - d'ailleurs, c'est déjà le cas - pour
examiner dans quelle mesure les poids lourds, qui sont aujourd'hui les
principaux détenteurs du fret mais en même temps les principaux pollueurs, on
peut le dire, sur nos routes et nos autoroutes doivent aussi payer leur écot au
financement des infrastructures à venir. On n'échappera pas, non pas à ce
débat, mais à cette décision - en tout cas, dans mon esprit, elle est prise
-,...
M. François Gerbaud.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
... notamment dans les zones encore plus sensibles que d'autres
si l'on peut parler de zones plus sensibles ; je pense, évidemment, aux zones
de montagne, où des pistes nouvelles devront être identifiées si nous voulons
disposer des moyens de mener une politique ambitieuse en la matière.
Telles sont, globalement, les réponses que je puis vous apporter en ce qui
concerne le financement ; mais je répondrai de façon plus individuelle dans un
instant.
Après l'audit, un travail interministériel devra être mené, dans un court
délai. Puis, au printemps, les deux assemblées parlementaires - en tout cas, je
le souhaite, et c'est ainsi que je formule ma demande - débattront
vraisemblablement sur les grands choix à opérer en matière d'infrastructures de
transports. A ce moment-là, elles seront éclairées, si l'on peut dire, par une
étude prospective de la DATAR. Cela permettra de définir les projets en
fonction de critères comme l'aménagement du territoire, l'insertion des flux
transeuropéens et l'intermodalité.
A l'évidence, les échanges transeuropéens constituent un sujet important. De
par sa situation géographique au coeur de l'Europe et de l'Ouest, notre pays a
un rôle majeur à jouer dans les échanges. Là encore, il ne faut pas rater les
rendez-vous de l'histoire.
Au printemps, après ces exercices - l'audit, le travail interministériel et
les débats parlementaires - nous proposerons à l'ensemble du pays un vrai
programme de mandature, puisque celle-ci commence, un programme clair,
cohérent, courageux - je n'hésite pas à le dire - qui montrera où nous allons
en matière d'infrastructures de transports, en tout cas dans les années à
venir.
Au-delà de l'audit, il paraît nécessaire de faire le point sur la situation
financière des acteurs du monde ferroviaire. Deux sujets de préoccupations ont
déjà été largement exprimés ici : le niveau d'endettement de Réseau ferré de
France et les résultats financiers de la SNCF.
La situation financière de la SNCF n'est pas bonne, et vous avez exprimé à cet
égard vos préoccupations. Les chiffres sont dans le rouge : l'année 2001 s'est
achevée sur une dégradation très importante et l'année 2002 a confirmé cette
évolution ; nous en serons, à la fin de 2002, à près de 250 millions d'euros de
déficit d'exploitation.
Il est vrai que la conjoncture n'est pas porteuse : quand la croissance est
moins forte, il y a moins de voyageurs, moins de fret à confier à la SNCF, et
les marges d'ajustement sont très faibles.
Donc, aujourd'hui, la situation du fret et des trains nationaux, hors grandes
lignes, se dégrade fortement, et seules les activités qui sont conventionnées -
TER et Ile-de-France - affichent un résultat d'exploitation positif.
Pour réaliser les investissements indispensables à son développement, la SNCF
devra donc, de toute façon, faire des économies et, le cas échéant, vendre
certaines de ses participations qui ne sont pas nécessaires à l'exploitation et
au « coeur de cible » de cette grande maison.
J'ai eu l'occasion de redire au président de la SNCF ainsi qu'à un grand
nombre de cheminots qui étaient réunis hier matin, à Paris, à l'occasion de
leur convention, toute la confiance que nous avions dans le développement de
cette entreprise et dans sa capacité à surmonter les problèmes de concurrence,
en général, et de l'ouverture à l'Europe, en particulier.
Il lui faut en effet saisir cette ouverture européenne comme une occasion de
développement et non l'envisager comme un risque, ce qui signifierait une sorte
de renfermement. Au contraire, voilà des parts de marché à saisir pour une
entreprise dont la qualité de service est reconnue.
L'Europe est une chance pour la SNCF, j'en suis personnellement convaincu.
Reste l'endettement de RFF, qui s'élève aujourd'hui à près de 25 milliards
d'euros, auquel certains d'entre vous ont ajouté la dette de la SNCF.
Le désendettement de RFF est une priorité du Gouvernement pour permettre
l'entretien du réseau et de son développement. L'Etat fera face à ses
engagements, je l'assure à tous ceux qui se sont exprimés sur le sujet,
notamment M. de Rohan, Mme Beaufils et M. Oudin.
J'en viens maintenant aux sujets européens.
La transposition dans notre droit interne du « premier paquet ferroviaire »
sera opérée pour le 15 mars 2003. Le décret est en cours de finalisation. Ce
texte fait encore l'objet de concertations, mais, d'ores et déjà, et c'est
l'une des principales dispositions retenues, RFF sera chargé de répartir les
capacités d'infrastructures. RFF s'appuiera donc pour ce faire sur une équipe
de vingt-cinq à trente « horairistes ». La SNCF conservera ces horairistes qui
travailleront pour le compte de RFF. En outre, un organisme de contrôle sera
mis en place auprès du ministre ; il gérera les recours des acteurs du
secteur.
Ce « premier paquet ferroviaire » introduit la concurrence sur le réseau
transeuropéen de fret ferroviaire, pour le fret international.
Quant à l'hypothèse du « deuxième paquet ferroviaire », qui a fait l'objet de
discussions tant entre partenaires sociaux que lors de chaque réunion du
conseil européen des transports, elle tend à la libéralisation du fret
ferroviaire sur l'ensemble du réseau, y compris le cabotage. Elle comporte
également des dispositions très intéressantes en matière d'interopérabilité et
de sécurité, notamment la création d'une agence européenne de sécurité et
d'interopérabilité ferroviaire.
Nous soutenons toutes les initiatives qui concernent la sécurité ; nous
soutenons toutes les initiatives qui concernent l'interopérabilité. Cependant,
conformément aux engagements qui ont été pris par les chefs d'Etat, lors du
sommet de Barcelone - je l'ai encore rappelé au dernier conseil européen des
transports à Luxembourg -, avant toute décision au sujet de ce « deuxième
paquet », il est indispensable de dresser d'abord le bilan de la mise en oeuvre
du « premier paquet ».
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
C'est la position que nous avons adoptée depuis le début, et
nous persévérerons en ce sens.
Nous souhaitons également que le « paquet » prenne mieux en compte les
questions d'harmonisation sociale et davantage encore celles de la sécurité.
Nous proposerons donc que soient retenues des dispositions relatives à la
licence européenne de conduite et aux règles d'emploi des personnels,
s'agissant notamment du temps de travail et du temps de repos, de façon que les
règles de concurrence soient les plus harmonieuses possible et que la SNCF ne
se trouve pas dans une situation d'infériorité sur ces plans. Je le répète,
lorsque j'interviens, au nom de la France, dans ces différents débats,
j'insiste sur la sécurité.
S'agissant du fret, je vous l'ai dit tout à l'heure, la situation est
préoccupante même si, on le sait, l'entreprise consent des efforts importants
pour ramener cette activité à l'équilibre. La qualité du service s'améliore,
mais elle reste très en deçà des attentes des clients. Par conséquent, le
trafic diminue, non seulement parce que les attentes des clients ne sont pas
satisfaites, mais aussi parce que la conjoncture est difficile. Les chiffres de
l'activité sont dans le rouge : nous avons perdu à peu près 40 % en quarante
ans !
Pour combler le décalage entre les discours et la réalité, le Gouvernement a
pris au bond la proposition de M. Hubert Haenel qui, avec M. François Gerbaud,
chargées de nous proposer des mesures susceptibles de redresser la situation et
de développer le fret ferroviaire.
Grands connaisseurs du monde ferroviaire - ils sont respectivement
administrateurs de la SNCF et de RFF - vos deux collègues, mesdames, messieurs
les sénateurs, sont les pères de deux grandes réformes récentes du système
ferroviaire, à savoir la régionalisation et la création de RFF.
Nous escomptons donc des propositions concrètes, nouvelles, à la mesure de
l'attente de nos concitoyens. Je vous livre quelques pistes de réflexion
auxquelles, je le sais, ils ne sont pas insensibles : l'apport du « premier
paquet » et les perspectives offertes, à terme, par le « deuxième paquet » ;
une conviction que l'avenir du fret est en Europe et que la SNCF doit donc se
saisir résolument de cet enjeu ; enfin, une approche plus spécifique des
marchés du fret, secteur par secteur, produit par produit, pour proposer des
services adaptés aux besoins des clients.
M. de Rohan et Mme Herviaux ont traité de la ligne à grande vitesse
Pays-de-la-Loire - Bretagne, qui constitue bien le prolongement du TGV
Atlantique du Mans vers Rennes et vers Nantes. Le projet consiste à réaliser
une ligne nouvelle de 225 kilomètres, avec un tronc commun à partir de
Connerré, à l'est du Mans, puis une branche vers le coeur de la Bretagne, qui
irait jusqu'à Rennes, et une autre vers Nantes, qui se raccorderait au réseau
existant au nord de Sablé-sur-Sarthe. Le coût de la nouvelle ligne est évalué à
1,6 milliard d'euros, dont 930 millions d'euros pour la première phase. Aucun
plan de financement n'est aujourd'hui défini. Le gain de trafic prévu est de
2,1 millions de voyageurs par an.
Dans sa réalisation complète, le projet permettrait une réduction très
sensible des temps de parcours : un gain de trente-cinq minutes entre Paris et
Rennes, de vingt-cinq minutes entre Le Mans et Rennes, de dix minutes entre
Paris et Angers ou Nantes. La réalisation de la première phase du projet entre
Le Mans et Laval-Est est envisagée en 2011.
Le taux de rentabilité socio-économique du projet est relativement favorable,
puisqu'il est à deux chiffres, c'est-à-dire supérieur à 10 % - 10,6 %
exactement -, en tout cas, pour la première phase. Il s'agit donc d'un TGV fort
intéressant, pour la réalisation duquel nous sommes mobilisés, les uns et les
autres, Bretons ou non-Bretons !
(Sourires.)
La ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, dont M. Carle et M. Dreyfus-Schmidt,
notamment, ont souligné l'intérêt, est constituée de trois branches centrées
sur la région de Dijon. Chacune d'elles fait l'objet d'un projet distinct : une
branche est reliant, en ligne nouvelle, l'agglomération dijonnaise au sud de
l'Alsace ; une branche ouest, en ligne nouvelle, l'agglomération dijonnaise à
la ligne à grande vitesse Sud-Est ; une branche sud qui devrait relier, en
ligne nouvelle, ces deux branches à la région lyonnaise.
A ce jour, ces trois projets n'ont fait l'objet d'aucun plan de financement.
Cependant, concernant la branche est, un rapport établi par M. de Fenoyl,
inspecteur général des Ponts et Chaussées, expertise les conditions de
financement du projet.
Les grandes fonctionnalités et caractéristiques de la branche sud du TGV
Rhin-Rhône, du sud de Dijon vers Lyon, ont fait l'objet d'un débat public qui a
été organisé entre le 15 mars et le 15 juin 2000 sous l'égide d'une commission
particulière et indépendante mise en place par la Commission nationale du débat
public.
Se fondant sur le bilan du débat public et des études complémentaires
réalisées depuis, RFF a élaboré, en concertation avec les différents
cofinanceurs, un projet de cahier des charges. Le parti a été pris d'examiner
l'intérêt de réaliser une ligne mixte, répondant à la fois aux objectifs de
gain de temps pour les voyageurs et aux perspectives de développement du trafic
de fret sur cet axe nord-sud.
Ce cahier des charges devrait être transmis au ministère à l'automne prochain,
pour approbation. Suivant les options retenues, le coût du projet varierait
entre 1,75 milliard d'euros et 2,3 milliards d'euros.
En réponse à M. Carle, notamment, j'indique que la nouvelle liaison
ferroviaire transalpine Lyon-Turin figure parmi les quatorze projets européens
d'infrastructures de transport classés prioritaires lors du sommet d'Essen, en
décembre 1994. Il s'agit d'un projet ambitieux, pour ne pas dire coûteux,
destiné aux trafics voyageurs et fret.
Il comprend, pour les TGV, une ligne à grande vitesse Lyon-Turin qui doit être
aménagée progressivement, avec un « tunnel de base » transfrontalier d'environ
52 kilomètres de long - excusez du peu ! - et, en territoire italien, un
ensemble d'ouvrages de raccordement de ce tunnel de base à la ligne historique
et à la future ligne nouvelle dans la vallée de Suse, à proximité de
Bussoleno.
Il comprend, pour le trafic de marchandises - classique, combiné non
accompagné et autoroute ferroviaire - un itinéraire performant empruntant le
même tunnel de base, et combinant, pour y accéder, l'utilisation des lignes
existantes et de plusieurs tronçons neufs.
Le projet de liaison nouvelle ferroviaire transalpine Lyon-Turin doit répondre
à deux enjeux majeurs : assurer le développement durable du fret ferroviaire et
permettre aux voyageurs de traverser les Alpes dans les meilleures conditions
possibles, tout en assurant une desserte performante des grandes villes du
sillon alpin.
Ce projet doit également préserver l'environnement. Dieu sait que,
aujourd'hui, dans les vallées de Chamonix et de la Maurienne, on est sensible à
ces problèmes.
Le programme de modernisation de la ligne existante de la Maurienne et de ses
itinéraires d'accès se poursuit, afin de doubler la capacité d'acheminement des
marchandises vers l'Italie.
Il comprend des mesures d'organisation des circulations, destinées à améliorer
les conditions d'acheminement du fret entre la France et l'Italie ; la
transformation du matériel roulant, afin d'assurer une meilleure
interopérabilité entre les deux réseaux ; enfin, une amélioration des
infrastructures, avec notamment un renforcement de la sécurité et la mise au
gabarit B + des tunnels existants entre la France et l'Italie.
A l'issue de la phase d'études, les premiers travaux de mise au gabarit des
ouvrages souterrains ont démarré en mars 2002 sur le tunnel de Saint-Antoine.
Les études des autres opérations du programme de modernisation - aménagement
des voies et, dans les gares, signalisation, renforcement de la traction
électrique ou électrification de sections de ligne - ont été engagées et
déboucheront sur des travaux dès 2003.
Par ailleurs, la mise en oeuvre d'un service expérimental d'autoroute
ferroviaire sur les infrastructures existantes est prévue au début 2003, avec
quatre allers et retours quotidiens qui offriront une capacité progressive de
l'ordre de 50 000 poids lourds par an. C'est un début. Un service complet avec
vingt à trente navettes par jour et dans chaque sens est prévu à partir de
2006, dès que les travaux de mise à un gabarit supérieur des ouvrages auront
été réalisés. Il sera alors possible d'acheminer environ 300 000 poids lourds
par le train.
Encore faut-il qu'il y ait des clients pour assurer ce trafic de 300 000 poids
lourds, raison pour laquelle, nous y revenons, il faut toujours de la
compétitivité.
En ce qui concerne le financement, il nous faut évidemment attendre le débat
qui suivra l'audit, au début de 2003.
M. Carle a fait une digression sur le troisième aéroport, évoquant, à juste
titre, les potentialités de Lyon - Saint-Exupéry. La mission de l'Assemblée
nationale doit aborder cette question. Elle n'est pas limitée aux seules
questions de la création de la troisième plate-forme aéroportuaire et de sa
localisation éventuelle en région parisienne : ce serait bien trop
restrictif.
La mission fera porter son étude, au contraire, sur l'ensemble de la politique
du transport aérien et de la politique aéroportuaire de notre pays, compte tenu
des hypothèses de trafic aérien pour les années à venir. C'est tout de même
plus dynamique que l'approche qui consisterait à ne s'interroger que sur la
troisième plate-forme et sur sa localisation. Il faut, en tout cas, se situer
dans une perspective.
M. François Gerbaud.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
M. Darniche a beaucoup parlé, et en bien, de la Vendée. Je
souscris totalement à ses propos. Un séjour fort agréable et instructif sur
place m'a permis de mesurer le dynamisme de ce département.
Je veux dire un mot de l'électrification.
En ce qui concerne le TGV tracté, différentes composantes de ce projet sont en
cours de définition. Des règles propres à RFF - le fameux article 4 - limitent
la participation financière du gestionnaire d'infrastructures.
Au vu du résultat des études, il faudra boucler le plan de financement du
projet entre l'Etat, RFF et les collectivités locales, d'ailleurs très
motivées.
Monsieur Darniche, l'expérience du TGV tracté, qui permet d'offrir aux clients
une desserte sans rupture de charge, et ce sans attendre les travaux
d'infrastructures, est très intéressante. De nombreux témoignages soulignent
combien cette idée est subtile et innovante.
Néanmoins, il est nécessaire de faire un bilan de cette première expérience.
En effet, si la SNCF nous signale d'ores et déjà une augmentation de trafic
très sensible, elle fait également état de problèmes de fiabilité non
négligeables. Dominique Bussereau et moi-même avons décidé de faire procéder à
une évaluation de ce projet. RFF sera, bien sûr, interrogé sur le TGV
caténaire.
M. Reiner m'a interpellé de nouveau sur l'audit en me faisant une sorte de
procès d'intention. Je le répète, j'ai refusé l'audit bloquant. Donc, j'espère
que, désormais, en toute bonne foi, vous êtes, mesdames, messieurs les
sénateurs, bien convaincus.
Je tiens quand même à souligner que, si j'ai commandé cet audit, c'est parce
que mon prédécesseur a fait beaucoup de promesses et qu'il fallait distinguer
celles qui correspondaient à de réels projets.
M. Daniel Reiner.
C'étaient des ambitions !
M. Gilles de Robien,
ministre.
On peut le dire dans ces termes ! Je peux, moi aussi, allonger
la liste des ambitions pour arriver jusqu'en 2100 et même au-delà !
(M. Josselin de Rohan approuve.)
Mais il faut aussi être réaliste. Je vous le répète, il ne s'agit en aucun
cas de remettre en cause le développement durable et l'épanouissement du
transport ferroviaire partout où il est pertinent. Telles ne sont pas les
intentions du Gouvernement.
Quant aux wagons Modalohz, sachez, monsieur Reiner, qu'ils sont en cours
d'homologation. Les travaux des deux plates-formes d'Aiton et d'Orbassano se
poursuivent et les subventions d'exploitation sont prévues au budget. Par
conséquent, je vous le confirme, l'expérimentation débutera bien au printemps
2003.
Vous avez, sinon suggéré, du moins prononcé le mot « privatisation ». Je ne
voudrais pas que ce mot s'envole au-delà des travées de cette éminente
assemblée qu'il affole !
(Sourires.)
Je l'ai d'ailleurs confirmé devant
4 000 cheminots réunis hier à l'invitation du président de la SNCF, M. Gallois
: j'ai dit carrément non à la privatisation. Que tout le monde soit
complètement et définitivement rassuré sur ce point !
Puisque vous m'avez aussi interpellé sur le « service minimum », sachez que je
n'emploie pas ce mot - et ce, volontairement - parce qu'il y a toujours dans
les rapports sociaux des mots qui fâchent.
M. François Gerbaud.
C'est vrai !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Or, si l'on veut aboutir à des résultats positifs, à un «
gagnant-gagnant », les mots ne doivent pas fâcher.
M. Daniel Reiner.
Tout à fait !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Comme je l'ai dit hier, c'est par le dialogue entre les
partenaires sociaux et la direction de la SNCF qu'on parviendra à réduire les
conflits dans cette entreprise. M. Gallois a d'ailleurs pris des initiatives
cet été.
M. Daniel Reiner.
Et a fait des propositions !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Elles ont été suivies d'une série de réunions pour étudier
précisément les modalités de réduction des conflits et pour aborder la question
du droit de grève. Ce droit, qui ne doit en aucun cas être amoindri, s'exerce
lorsque toutes les autres procédures ont été épuisées. Souvent, les partenaires
sociaux le sont aussi d'ailleurs !
(Sourires.)
Quand on fait grève,
c'est parce que, vraiment, on n'a pas réussi à l'éviter.
Le Gouvernement n'envisage pas de déposer un projet de loi qui viendrait
imposer brutalement un service minimum en cas de grève. Faisons confiance aux
partenaires sociaux ! Certaines entreprises prouvent que l'on peut arriver à
une solution, chacun à sa façon, chacun avec sa culture. Je suis persuadé que
l'on peut faire confiance à la culture de la SNCF pour trouver un bon contrat,
pour réduire la conflictualité dans ce secteur. C'est en tout cas ce
qu'attendent les clients de la SNCF.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le problème du fret, je le confirme, dépasse l'aspect régional
et se pose en termes européens. Même si le territoire de notre hexagone est
très vaste, le fret doit se développer à travers toute l'Europe.
C'est à cette échelle, c'est sur de longues distances qu'il trouvera une
clientèle, une pertinence et qu'il pourra ainsi devenir compétitif. Des trains
composés non plus de cinquante, mais de cent, voire, plus tard, de cent
cinquante wagons, pourront alors transporter de très lourdes charges. On m'a
rapporté que, dans certains pays, les trains comptent trois cents à quatre
cents wagons.
Le ministre canadien des transports me disait voilà quinze jours - et ce
n'était pas une boutade - que, chez lui, les trains de voyageurs s'arrêtent
pour laisser passer les trains de marchandises. Les voyageurs trouvent normal
que leur train soit arrêté ici ou là, car ils savent que, pour garder un
marché, il faut honorer ses contrats et donc, respecter la ponctualité des
livraisons. Cette pratique semble donner satisfaction.
J'en viens à la ligne Perpignan-Figueras évoquée par MM. Reiner et Amoudry.
L'accord franco-espagnol, signé le 10 octobre 1995 à Madrid, prévoit que la
construction et l'exploitation de la section internationale à grande vitesse
entre Perpignan et Figueras prendront la forme d'une concession. Le décret
d'utilité publique de la section française a été signé le 8 octobre 2001. La
procédure d'octroi de la concession comporte deux étapes : l'appel à
candidatures, suivi de l'appel d'offres proprement dit. L'appel à candidatures
a été publié en juillet 2001 et les dossiers ont été remis le 1er octobre 2001.
Six groupements ont fait acte de candidature et ils ont été retenus. La remise
des offres a été fixée au 2 avril 2002.
Au terme du dépouillement et de l'analyse des offres, un candidat a été
pressenti - j'insiste sur ce mot : le candidat n'est pas choisi définitivement,
car les conditions doivent encore être affinées. Nous sommes en cours de
négociation. Si cette dernière aboutit, la signature du contrat de concession
pourrait intervenir avant la fin de l'année 2002, la mise en service de cette
ligne étant alors envisageable pour le début de l'année 2007.
Quant au projet Marco Polo, vous n'ignorez pas, monsieur Reiner, que les
divergences entre les Etats membres sur les montants à y consacrer ont été
flagrantes. En tout cas, la position de la France a été considérée par nos
partenaires comme très positive. Nous nous sommes fixé le montant de 60
millions d'euros.
S'agissant des grandes infrastructures européennes, la France demande - et,
d'ailleurs, le gouvernement Jospin en avait fait autant - que le statut de
l'annexe III reste en l'état, c'est-à-dire qu'il soit arrêté par les chefs
d'Etat en Conseil. On s'en tient là pour l'instant.
Pour le TGV Est, comme je l'ai dit tout à l'heure sur le financement des
surcoûts, l'Etat respectera sa parole.
Quant à la consistance du projet, nous mettrons en oeuvre la déclaration
d'utilité publique, toute la déclaration d'utilité publique, mais rien que la
déclaration d'utilité publique.
En ce qui concerne Vandières, qui n'est pas dans la déclaration d'utilité
publique, des mesures conservatoires permettent de préserver la possibilité
d'une réalisation ultérieure ; c'est d'ailleurs le bon sens même.
Mme Beaufils défend le rail, et elle a raison. Elle défend la part du
ferroviaire pour des raisons sociales, économiques et écologiques, et elle a
raison. Elle vante le travail de M. Gayssot : elle a peut-être raison mais, là,
je serai sans doute un peu moins d'accord avec ses affirmations.
(Sourires.)
M. Oudin a parlé d'« incantations », je ne suis pas loin, au
contraire, de partager ce point de vue.
Vous avez déploré, madame la situation en matière d'infrastructures.
Pensez-vous aux délais qui sont nécessaires pour lancer des projets et les
réaliser ? En tout cas, sur ce sujet, ne tenez pas rigueur au gouvernement
actuel.
Vous demandez le maintien des crédits ouverts les années précédentes. Mais
c'est ce que nous faisons ! M. Dominique Bussereau et moi-même avons défendu
avec beaucoup de passion le budget des transports et, surtout, le budget du
rail. En matière d'infrastructures ferroviaires, il augmente de 10 % par
rapport au budget précédent. Au-delà de ce chiffre, je vous invite, mesdames,
messieurs les sénateurs, à y voir l'indication - ou les prémices - d'une
nouvelle politique.
M. Oudin illustre l'échec des ambitions affichées par le précédent
gouvernement par des descriptions précises et chiffrées de la situation. Son
analyse est exacte. Il suggère de faire le point sur les investissements - là,
je l'approuve -, ce qui justifie l'audit, bien entendu.
A l'affirmation selon laquelle « la route paiera le rail », je réponds très
clairement oui. Vous avez mille fois raison ! Mais il faut une vision globale
des financements pour tous les modes. Je crois que c'est vraiment la bonne
réponse si l'on veut être toujours aussi volontariste en matière
d'équipements.
Faut-il optimiser les tarifs ? Je réponds encore oui. Pour le fret, par
exemple, on sait très bien que la SNCF vend aujourd'hui à perte. Si le coût du
fret routier augmente, la SNCF en profitera, par effet de billard ou par
ricochet.
Mais M. Oudin a raison, il faut aussi se poser la question de la dette
ferroviaire, et le Gouvernement s'en préoccupe fortement. Sur ce sujet, j'ai
engagé avec mon collègue Francis Mer une approche très globale, très
approfondie, j'irai jusqu'à dire très courageuse.
Je remercie M. Oudin des nombreuses et très intéressantes pistes de réflexion
qu'il a esquissées et dont Dominique Bussereau, et moi-même ferons évidemment
le meilleur usage.
M. Joly a critiqué l'un de mes prédécesseurs, et il a souligné que la dette
ferroviaire donnait le vertige. Il faut, notamment pour le fret, établir une
comptabilité analytique. En effet, si on parle beaucoup du fret, si on sait que
ce secteur est fortement déficitaire, on ne connaît pas la part exacte qu'il
occupe dans l'exploitation générale de la SNCF. Il faut donc obtenir de cette
dernière une comptabilité analytique.
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Elle saura le faire, j'en suis convaincu ; encore faut-il le
lui demander, disons, avec insistance, et cela sera fait.
M. Josselin de Rohan.
Et voilà !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Bien sûr, des moyens spécifiques doivent être affectés au fret.
En tout cas, je souhaite fortement que la SNCF recoure à ces méthodes.
Non, il n'est pas prévu d'augmenter les tarifs des TER. Seules les décisions
de hausse déjà prises seront appliquées ; l'heure est à la stabilisation.
A propos des handicapés, Mme Levy a été désignée, vous le savez, parlementaire
en mission sur un sujet très important, celui de l'accessibilité,
insuffisamment pris en compte, il est vrai, au cours des années passées. Il
est normal que les personnes à mobilité réduite soient des personnes comme les
autres, qu'elles puissent prendre les mêmes moyens de transport que les autres,
sans perdre plus de temps que les autres. Mme Levy, j'en suis convaincu, nous
apportera des réponses pertinentes que nous saurons mettre en place.
M. Joly a évoqué la liaison Paris - Bâle. Il sait qu'une étude de
l'amélioration des dessertes et de l'électrification est en cours ; mais la
bonne nouvelle, c'est que le changement des moteurs des locomotives à moteur
Diesel a commencé et sera achevé au plus tard en 2003.
Mme Herviaux a évoqué le TGV Bretagne. Je la remercie vivement pour sa
courtoisie. Je lui confirme que l'audit ne fera pas perdre de temps.
M. Peyrat a évidemment parlé du TGV vers Nice. Il faut, il est vrai,
aujourd'hui le même temps - trois heures - pour aller de Paris à Marseille en
TGV que pour aller de Nice à Marseille. Paris-Nice en trois heures cinquante,
en tout cas en moins de quatre heures, ce serait un objectif d'autant plus
séduisant qu'on imagine le foisonnement de clientèle sur ce tronçon. Cette
potentialité fait de ce projet l'un des plus intéressants à l'étude.
Les difficultés - elles existent, il faut quand même le souligner ! - sont
liées à l'environnement.
M. Jacques Peyrat.
Le tracé !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le tracé, c'est une chose, mais un tracé respectant
l'environnement, cela demande un petit peu de travail. Ce travail, il faut
l'entreprendre tout en étudiant les fonctions à assurer. Il s'agit, je vous le
confirme, d'un très bon projet, ne serait-ce que parce qu'il est évidemment
plus facile à financer que d'autres. Les résultats de l'audit confirmeront sans
doute ce que nous ressentons de façon certes mathématique, mais aussi très
intuitive.
Ce que vous avez signalé à propos du trafic sur l'aéroport de Nice le prouve :
neuf millions de passagers, ce chiffre ne peut laisser la SNCF indifférente.
Dès la mise en place du TGV sur le trajet Paris-Marseille, on a vu l'inversion
de tendance : la répartition - deux tiers pour le transport aérien, un tiers
pour le transport ferroviaire - est devenue deux tiers pour le transport
ferroviaire, un tiers pour le transport aérien. On peut supposer qu'il en
serait de même pour le trajet Paris-Nice.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous ai parlé de l'enjeu, de mon désir
et de la volonté que je partage avec Dominique Bussereau d'être à l'heure à ce
grand rendez-vous européen.
Avec une immense façade maritime et trois façades continentales, au sud, au
nord et à l'est, la France a, à l'évidence, une position géographique éminente
en Europe de l'Ouest qui lui donne vocation à accueillir ou à voir passer sur
son territoire un trafic considérable de voyageurs et de fret.
Demain, dix nouveaux pays vont rejoindre l'Union européenne, quatre ou cinq
autres s'y ajouteront après-demain.
Si la France ne dispose pas d'un réseau pertinent de transport, tant
autoroutier que ferroviaire, pour le fret et pour les voyageurs, et d'une offre
très importante d'infrastructures, elle sera un « pays frein » dont le trafic
se détournera pour passer par l'Italie, par la mer ou par ailleurs.
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le centre de gravité de l'Europe de déplacera vers l'est. Ce
serait contraire à la vocation de la France,...
M. Henri de Raincourt.
Tout à fait !
M. Gilles de Robien,
ministre.
... et c'est pourquoi je tenais à affirmer très solennellement
devant vous la volonté du Gouvernement de développer un très grand réseau
d'infrastructures ferroviaires. Je sais que cette volonté est largement
partagée sur toutes les travées de la Haute Assemblée et je vous en remercie.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR,
de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur certaines
travées socialistes.)
M. le président.
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est
clos.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à quinze heures, sous la présidence
de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport évaluant le coût
réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et
des maladies professionnelles, établi par la commission instituée par l'article
L. 176-2 du code de la sécurité sociale.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
4
IMPLANTATION DES ÉOLIENNES
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 360,
2001-2002) de M. Jean-François Le Grand, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan, sur sa proposition de loi relative à
l'implantation des éoliennes et à la protection de l'environnement (n° 287,
2000-2001).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'aborderai
successivement les points majeurs de cette proposition de loi.
Tout d'abord, quelle est l'origine de cette proposition de loi ? Le 21 mars
2001, j'avais interrogé le ministre de l'équipement, des transports et du
logement de l'époque, M. Gayssot, à propos du flou plus ou moins artistique qui
entourait la question de l'implantation des éoliennes. J'avais reçu une réponse
dilatoire, selon laquelle il convenait d'attendre que des décrets soient
pris.
J'avais renouvelé ma question le 6 juin 2001, à l'occasion de l'examen d'un
projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et
financier, et obtenu une réponse à peu près identique. Mais j'avais alors
rappelé un principe qui vaut dans la Manche comme dans d'autres départements, à
savoir qu'une très grande confiance dans les propos du ministre n'excluait
cependant pas une légère méfiance
(Sourires),
ce qui m'amènerait à
élaborer une proposition de loi !
Je voudrais, à cet instant, remercier M. le président du Sénat et le bureau de
notre assemblée d'avoir accepté d'inscrire ce texte à l'ordre du jour réservé,
ainsi que le président de la commission des affaires économiques et du Plan
d'avoir très largement accompagné ma démarche depuis le début et de s'être
penché personnellement sur le problème que je souhaitais voir aborder. Je tiens
également à vous remercier, madame la ministre, d'avoir accepté de venir au
Sénat débattre de cette proposition de loi : j'y suis extrêmement sensible.
Je formulerai maintenant quelques considérations préliminaires.
Quel est l'objet de cette proposition de loi ? Il s'agit non pas de légiférer
pour le plaisir de légiférer, mais de permettre l'application d'une directive
européenne du 27 septembre 2001 qui fait obligation aux Etats membres de
l'Union européenne de promouvoir la production d'électricité à partir
d'énergies renouvelables. La France s'était engagée, à l'époque, à produire de
cette façon 21 % de son électricité, soit une augmentation de 6 % par rapport à
la situation qui prévaut actuellement, où 15 % de notre électricité est
produite à partir d'énergies renouvelables.
On sait, par ailleurs, que l'énergie hydraulique et les cellules
photovoltaïques ne permettront pas d'atteindre un tel objectif ; par
conséquent, il faudra s'appuyer, pour l'essentiel, sur l'énergie éolienne.
A cet égard, un rapport au Parlement sur la programmation pluriannuelle des
investissements de production électrique fait apparaître que, pour atteindre le
seuil de 21 %, il sera nécessaire d'implanter plusieurs milliers d'éoliennes,
probablement de 8 000 à 9 000. Ce chiffre est purement indicatif, mais il
montre bien, en tout cas, que les implantations devront être nombreuses. Quoi
qu'il en soit, un encadrement législatif est indispensable.
C'est la raison pour laquelle j'ai élaboré le texte qui est aujourd'hui soumis
au Sénat. Il s'agit de prendre acte de l'engagement pris par la France de
produire 21 % de son électricité selon les modalités que j'ai rappelées, mais
sans accepter que l'on fasse n'importe quoi n'importe où.
Il est donc impératif de soumettre ces implantations au droit commun : tel est
l'unique objet de la présente proposition de loi.
Cela implique notamment de clarifier le régime juridique d'implantation des
éoliennes. A l'heure actuelle, on ne sait s'il est nécessaire de demander un
permis de construire ou si une simple déclaration de travaux suffit. L'objet de
l'article 1er est de lever cette ambiguïté, en précisant qu'un permis de
construire devra être sollicité pour l'édification de toute structure
éolienne.
D'ores et déjà, je tiens à remercier mon collègue Hilaire Flandre d'avoir bien
voulu déposer des amendements visant à améliorer très sensiblement le texte et
à faire en sorte qu'il ne puisse y avoir une application quelque peu
inconsidérée des mesures présentées.
Un autre objectif majeur, madame la ministre, est d'organiser la concertation.
On ne peut plus continuer de vivre un conflit d'usage qui oppose le dogmatisme
au pragmatisme, l'intérêt général à l'intérêt particulier. La concertation est
une nécessité : un bon projet, c'est un projet partagé. D'ailleurs, en 1995,
alors que je rapportais un projet de loi présenté par l'un de vos
prédécesseurs, M. Michel Barnier, ce dernier et moi-même avions, au terme d'une
collaboration étroite, instauré la commission nationale du débat public, dont
la mission est non pas de trancher, mais d'organiser le débat et de faire en
sorte que nos concitoyens puissent, le plus largement possible et dans les
meilleures conditions possibles, participer à la réflexion générale.
Il est donc indispensable d'organiser cette concertation, ce qui fait l'objet
des articles 2, 3, 4 et 5.
L'article 2 tend à faire en sorte que la commission départementale des sites,
perspectives et paysages soit systématiquement consultée. Pourquoi une telle
disposition, alors que l'implantation ne concerne pas forcément des sites
protégés ? Tout simplement parce que l'impact de la verticalité de l'éolienne -
si l'on peut s'exprimer ainsi ! - excède largement le périmètre d'assise de
celle-ci, voire le paysage considéré. Il faut donc tenir compte de cet aspect
visuel des choses, qui peut largement déborder du cadre de nos préoccupations
habituelles.
L'article 3, madame la ministre, permettra au Gouvernement de combler une
lacune qui est imputable à vos prédécesseurs, et non pas à vous-même, en
transposant dans le droit national la directive du 3 mars 1997 relative aux
études d'impact, ce qui aurait dû être fait avant le 14 mars 1999.
L'article 4, quant à lui, a trait à l'enquête publique à laquelle devra être
soumis tout projet d'éolienne de plus de douze mètres. C'est à ce stade
qu'interviendra, pour l'essentiel, la concertation avec les citoyens.
Que l'on me permette d'indiquer au passage que les enquêtes publiques sont en
quelque sorte la traduction concrète d'un proverbe chinois selon lequel « le
pignon de ma maison appartient à mon voisin » !
(M. Bruno Sido applaudit.)
Une maison peut bien nous appartenir, c'est
quand même le voisin qui la regarde, et il faut donc que les riverains puissent
se prononcer sur les projets d'implantation d'éoliennes. Voilà ce que je
souhaitais souligner à propos de l'article 5, dont nous reparlerons tout à
l'heure.
L'article 6 vise, quant à lui, à faire en sorte qu'il n'y ait plus de sites «
orphelins ». En effet, nous avons eu trop souvent à souffrir, dans nos
communes, de l'existence de sites industriels à l'abandon, à la suite de
l'arrêt des activités économiques auxquels ils étaient affectés. Ces sites
constituent de véritables zones de non-droit et n'appartiennent plus à
personne, mais les collectivités locales sont, le plus souvent, obligées de les
remettre en état alors que cela ne relève pas de leurs compétences. Mieux vaut
prévenir que guérir, et c'est pourquoi je propose que des garanties financières
soient demandées aux opérateurs pour que, à la fin de l'exploitation, le site
puisse être remis en état. Il faudra étudier quelles seront les modalités de
financement de cette disposition, mais je pense qu'il appartiendra au
Gouvernement de le préciser par décret.
Je voudrais maintenant évoquer brièvement le débat sur le projet de loi
relatif aux marchés énergétiques qui s'est tenu au Sénat la semaine dernière.
Notre collègue Ladislas Poniatowski était le rapporteur de ce texte, dont
l'article 20
sexies
prévoyait que des collectivités pourraient
éventuellement devenir productrices et distributrices d'énergie. En effet, rien
n'interdit
a priori
à une collectivité de créer son propre parc éolien.
Qu'en sera-t-il alors de l'obligation qui est faite aux
distributeurs-producteurs de racheter l'excédent ? Les collectivités
seront-elles soumises aux mêmes règles qu'EDF ? Les questions qui se posent à
cet égard sont trop nombreuses pour que je les énumère ici, toutefois il faudra
y revenir, car ce sujet est important à la fois pour les collectivités et pour
nos concitoyens.
En conclusion, cette proposition de loi n'a pas d'autre objet que de régler un
conflit d'usage, un conflit de société, une opposition qui pourrait exister
entre la doctrine et la pratique.
Je me réjouis d'ailleurs que le Gouvernement ait doté la France d'un ministère
de l'écologie et du développement durable. Qu'est-ce que le développement
durable ? C'est la conjugaison harmonieuse des aspects économique,
environnemental et social. C'est probablement la dimension qui a manqué à vos
récents prédécesseurs, madame la ministre. Ceux-ci se préoccupaient sans doute
uniquement de l'environnement, sans se soucier du développement durable, alors
que l'harmonie de notre société dépend de la conjugaison harmonieuse de ces
deux volets.
La proposition de loi que j'ai l'honneur de présenter devant le Sénat tend
donc à régler le conflit que j'ai évoqué. La loi n'est pas un élément
d'interdiction, c'est, au contraire, un facteur fondamental de liberté. Je
voulais insister fortement en dernier lieu sur cette dimension du texte : la
liberté dépend du code dont on se dote, la loi nous protège de l'arbitraire. Je
puis peut-être achever mon propos en citant Diderot : « S'il est difficile de
dire quelque chose qui soit compris comme on le dit, il est pis encore, c'est
qu'on ne peut rien faire qui soit compris comme on le fait. » Cette proposition
de loi vise simplement à garantir la liberté.
(Très bien ! et
applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre de l'écologie et du développement durable.
Monsieur le
président, monsieur le président de la commission des affaires économiques,
mesdames, messieurs les sénateurs, mardi prochain, je me rendrai à la huitième
conférence des parties à la convention sur les changements climatiques, à New
Dehli. Il n'y a sans doute pas un élément plus important pour la sauvegarde de
notre environnement que ces problèmes de changements climatiques. Et s'il était
nécessaire de s'en convaincre, il suffirait de lire l'excellent rapport de
votre collègue M. Marcel Deneux, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques, qui rappelle l'impérieuse nécessité
de lutter contre les changements climatiques.
On sait, de façon à peu près sûre maintenant, que ces changements climatiques
sont dus, pour une grande part, à l'augmentation des gaz à effet de serre.
Certes, compte tenu du choix de l'industrie nucléaire fait par notre pays voilà
de nombreuses années, nous n'avons, dans le cadre du protocole de Kyoto, qu'un
engagement de maintien de nos émissions de gaz à effet de serre. En effet, nous
avons un engagement à 0 %. Nous sommes même allés au-delà, puisque, au cours
des dernières années, la France a réussi à baisser de 2 % ses émissions de gaz
à effet de serre. Néanmoins, vous l'avez rappelé, monsieur Le Grand, nous avons
pris, dans le cadre des directives européennes, des engagements forts. Nous
nous sommes notamment engagés à augmenter de façon notable la part des énergies
renouvelables dans notre pays.
Actuellement, dans notre facture énergétique, 13,7 % sont fournis par les
énergies renouvelables : 13 % par l'énergie hydroélectrique et 0,7 % par les
autres énergies, et en particulier par l'éolien, ce qui est peu eu égard, vous
l'avez rappelé, à l'engagement que nous avons pris de porter à 21 % la part
d'électricité fournie par les énergies renouvelables.
Il faut signaler que cet engagement est pris dans le cadre d'une augmentation
de 10 % à 15 % de la facture globale de fourniture d'énergie électrique. Nous
devrons donc faire un effort considérable en matière d'énergie éolienne. C'est
d'ailleurs la raison pour laquelle des dispositions tarifaires motivantes ont
été prises. Nous sommes donc au pied du mur.
Face à cette énergie éolienne, l'observateur le plus impartial ne peut que
constater un certain nombre de dysfonctionnements.
D'abord, si on la compare à d'autres pays qui ont développé l'éolien - je
pense en particulier au Danemark - la France, de par la disposition de son
plateau continental maritime, peut faire très peu d'éolien maritime. En effet,
le plateau continental s'enfonce très vite, contrairement au plateau baltique.
Nous sommes donc contraints à faire de l'éolien terrestre. Aussi, l'impact sur
le paysage et sur l'environnement est très contraignant, sans oublier l'effet
sur la faune.
Par ailleurs, le développement de l'énergie éolienne s'est fait de manière
anarchique, faute de schémas régionaux ou départementaux, monsieur Le Grand.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Absolument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
On a abouti ainsi à une certaine incohérence eu égard aux
dispositions de protection de la nature.
Voilà quelques semaines, je me suis rendue dans un site Natura 2000 où, alors
que la procédure prévoyait un certain nombre de dispositions de protection de
l'environnement, on se proposait de disposer une chaîne éolienne en ligne de
crête sur les monts du Forez. Cela apparaissait totalement contradictoire avec
ladite procédure.
L'énergie éolienne s'est aussi développée d'une façon assez injuste. Monsieur
Le Grand, vous avez cité, très justement, le proverbe selon lequel « le pignon
de ma maison appartient à mon voisin ». En effet, ce ne sont pas toujours les
communes ou les structures intercommunales les plus touchées par l'impact
paysager qui tirent les bénéfices économiques de l'implantation des éoliennes.
On ne peut que constater que l'éolien s'est développé d'une manière exorbitante
par rapport au droit de l'urbanisme.
Nous avons vu, tout naturellement, monter le mécontentement d'un certain
nombre d'usagers et d'associations de protection de la nature, ce qui n'est pas
sans nuire au nécessaire développement de l'énergie éolienne dans notre pays.
Il fallait « réveiller » le Gouvernement. Cher Jean-François Le Grand, vous
avez tenté de le faire s'agissant du gouvernement précédent. Vous n'avez pas
vraiment réussi. Je veux vous le dire : vous y réussirez avec ce gouvernement
(applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE),...
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
C'est déjà quelque chose !
(Sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
... et avec la ministre de l'écologie et du développement
durable !
Dans un premier temps, vous avez élaboré une proposition de loi, comprenant
deux articles, sur la nécessité d'une commission d'enquête et d'une étude
d'impact. Sous l'impulsion du président Gérard Larcher, dont on connaît la
compétence et l'enthousiasme à la tête de la commission des affaires
économiques et du Plan, cette proposition de loi a été complétée, à juste
titre, par trois articles relatifs aux permis de construire, aux schémas
départementaux - tout au moins un embryon de schéma qui fonctionnerait sur un
mode volontariste - et à la nécessité de provisionner les crédits nécessaires
au démontage pour ne pas avoir de sites orphelins.
Toutes ces propositions sont bienvenues. Elles lancent le débat sur l'énergie
éolienne et le Gouvernement les examinera. Dans le cadre de nos engagements
internationaux, cette proposition de loi est un élément très important, qu'il
conviendra également de verser au débat sur l'énergie voulu par le Premier
ministre et annoncé dans son discours de politique générale. En effet, celles
et ceux qui considèrent que c'est en ne faisant rien que l'on fera la promotion
de l'éolien se trompent : ils auront alors les citoyens contre eux. Or, on ne
peut défendre l'environnement qu'avec les citoyens. C'est ce que vous proposez
de faire !
(Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Qu'on le veuille ou non, le vent - le vent chéri par les poètes et maudit par
les victimes des tempêtes, adoré par les marins qui aiment la voile et maudit
par eux lorsqu'il est trop fort - devient un enjeu économique. Ainsi,
l'Allemagne est, avec 10 000 mégawatts installés, le premier producteur
mondial, suivie par l'Espagne - Don Quichotte se réjouirait de voir autant
d'ailes à combattre. Vient ensuite le Danemark, qui, comme vous l'avez dit,
madame la ministre, a la chance d'avoir un plateau continental plat et qui peut
donc implanter des éoliennes en mer, suivi par les Pays-Bas qui commencent à
installer des éoliennes en mer du Nord, même si l'on ne sait pas vraiment ce
que cela donnera au regard de la sécurité maritime.
A l'évidence, cette énergie commence à se développer, ce qui présente bien sûr
un intérêt en ce qui concerne l'émission des gaz à effet de serre et le respect
du protocole de Kyoto. En l'occurrence, la France n'est pas parmi les meilleurs
élèves, bien qu'elle soit protégée par l'existence de son parc nucléaire.
Madame la ministre, vous avez eu raison de rappeler que, grâce au choix du
nucléaire effectué avant les années quatre-vingt, la France est probablement le
pays qui, en l'état actuel, nuit le moins à l'environnement, même si certaines
associations n'en conviennent pas volontiers.
(M. Raymond Courrière
s'exclame.)
M. Lucien Lanier.
Très bien !
M. Paul Girod.
Cela étant dit, l'éolien, c'est du vent, et celui-ci commence à créer une
drôle d'atmosphère.
M. Raymond Courrière.
C'est moins dangereux que le nucléaire !
M. Paul Girod.
En effet, même si l'éolien est une énergie propre et s'il a un aspect
sympathique, les associations écologiques de notre pays commencent, elles
aussi, à se poser un certain nombre de questions. Si tant est que l'on puisse
prouver que les moulins du Moyen-Age produisaient autant d'énergie qu'un
réacteur nucléaire chez nous
(M. Lanier rit.)
, ils étaient de dimension
moyenne et avaient un aspect sympathique ; le meunier était révéré.
Aujourd'hui, les choses ne sont pas tout à fait de la même nature. On voit
apparaître des objections de la part de ceux qui résident près des
implantations. Ces objections, qui concernent le respect du paysage et les
nuisances sonores, ne sont pas dénuées de fondement.
Et si nous avions seulement affaire à des personnes n'ayant, en l'occurrence,
aucun intérêt personnel, cela irait ! Ainsi, dans mon département, on dénombre
actuellement au moins douze sociétés qui sont en train de prospecter, de faire
des promesses, de faire miroiter ceci ou cela, dans des endroits parfois
inattendus.
Elles expliquent que le recours à l'énergie éolienne est la seule solution.
Or, nous avons à notre disposition, comme vous-même, madame la ministre, le
rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques élaboré par MM. Birraux et Le Déaut et aux termes duquel si
l'éolien est certes intéressant, dans un pays comme le nôtre, compte tenu de
ses caractéristiques et d'un certain nombre de contraintes, mieux vaut, en
matière d'énergies renouvelables, s'orienter davantage vers la biomasse et un
certain nombre d'autres procédés. D'autant que huit éoliennes coûtent tout de
même dix milliards d'euros, auxquels il faut ajouter trois milliards d'euros au
titre du raccordement. Il faut aussi prévoir une installation de substitution
pour les périodes au cours desquelles il n'y a pas de vent. Sinon, comment
fera-t-on rouler le TGV quand il n'y aura pas de vent pour fabriquer l'énergie
électrique nécessaire ? Et comme il ne s'agira pas de faire face à des pointes
de consommation, il faudra disposer d'installations permanentes.
Le coût est considérable. Il faut donc probablement regarder d'un peu plus
près les possibilités offertes par le solaire et la biomasse. Tout à l'heure,
M. Le Grand a dit que l'énergie photovoltaïque n'avait peut-être pas un grand
avenir. Cela dépend encore de l'évolution des connaissances. La biomasse, en
revanche, dans un pays comme le nôtre, qui compte de grandes surfaces
agricoles, est sans doute une possibilité sur laquelle nous devons beaucoup
plus travailler qu'il n'y paraît à première vue.
Autrement dit, sur une piste intéressante, l'énergie éolienne, on voit se
développer, d'une part, des spéculations anarchiques et, d'autre part, des
tentations excessives en direction des agriculteurs ou des petites communes
rurales. Notre collègue Jean-François Le Grand a eu raison de déposer sa
proposition de loi, et la commission des affaires économiques et du Plan de la
renforcer et de l'enrichir. En effet, cela vous donnera, madame la ministre, un
point d'appui parlementaire majeur en la matière, et je m'en rejouis.
Je formulerai maintenant quelques brèves observations.
Protégeons les éoliennes de détail des agriculteurs qui pompent un peu d'eau
ou qui font un peu d'électricité pour leur ferme. Il faut sans doute moduler un
peu le dispositif.
S'agissant des schémas, je veux bien qu'ils soient départementaux et
régionaux. Mais quelles sanctions prévoir ensuite ? Ce point mérite sans doute
d'être éclairci.
En revanche, en ce qui concerne les garanties financières, elles doivent être
lourdes et définies au préalable. Autrement dit, il faut qu'elles fassent
partie de ce qui sera déposé entre les mains du promoteur et de celui qui est
victime consentante, à savoir le bénéficiaire local. Cet élément pèsera dès le
départ et, à la sortie, nous ne nous trouverons pas devant des friches qui
ressembleraient étonnamment à des oiseaux sans ailes mais qui, hélas !
défigureraient le paysage.
Madame la ministre, vous l'avez compris, je soutiens notre ami Jean-François
Le Grand et la commission des affaires économiques et du Plan. Je souhaite que,
dans cette affaire de vent, nous ayons les meilleures odeurs possibles, et pas
celles de la corruption !
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons
aujourd'hui une proposition de loi visant à préciser le régime juridique
d'implantation des éoliennes, afin de renforcer la protection de
l'environnement et d'assurer une meilleure préservation de notre patrimoine
paysager.
En effet, par leur impact visuel sur le paysage - certaines éoliennes ont une
hauteur de plus de 100 mètres - et par le bruit qu'engendre leur
fonctionnement, notamment, elles peuvent constituer une nuisance certaine pour
leur environnement.
De plus, l'installation de ce type de structures n'est pas sans conséquence
sur le site de leur implantation. Les fondations sont des masses de béton et de
ferraille de plusieurs centaines de tonnes, qui déforment le terrain en
profondeur.
A ce stade de mon intervention, je souhaiterais vous faire part d'un dossier
qui m'a été remis par mon collègue et ami Guy Fischer et qui concerne un projet
d'implantation d'une ferme d'éoliennes sur le plateau du Mézenc, dans le
département de la Haute-Loire.
Ce projet prévoit l'installation de seize mâts de 115 mètres de hauteur à
proximité d'habitations, à trois kilomètres d'un village classé et dans un
paysage qui bénéficie de différentes mesures de protection : CTE, Natura 2000,
espace naturel sensible, réserve de chasse et de pêche.
D'après les renseignements qui lui sont parvenus, il n'y a pas eu vraiment de
concertation avec les habitants, et cette opération est en totale contradiction
avec les politiques de développement touristique et de préservation du site
mises en place depuis des années.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
D'où la nécessité de cette proposition de loi.
Mme Evelyne Didier.
Pour nous, c'est presque un cas d'école, qui mériterait une étude plus
approfondie.
Si la proposition de loi qui nous est soumise ne réglera sans doute pas tous
les problèmes, elle donnera un cadre juridique à l'installation des
aérogénérateurs - n'est-ce pas, monsieur Flandre ?
(M. Hilaire Flandre
approuve.) -,
ce qui faisait défaut jusqu'ici.
M. Jacques Oudin.
Bravo !
Mme Evelyne Didier.
Nous ne pouvons donc que féliciter M. le rapporteur pour son initiative.
La proposition de loi soumet l'implantation des éoliennes de plus de 12 mètres
de hauteur à la procédure du permis de construire, avec avis de la commission
départementale des sites, perspectives et paysages. Je souscris à cette mesure.
Elle permet de contrôler l'installation des éoliennes, notamment par les
collectivités.
Par ailleurs, ce texte prévoit, et c'est une bonne chose, une étude d'impact
pour les structures de 2,5 mégawatts de puissance installée, en précisant qu'en
cas de réalisation fractionnée le seuil à retenir est celui du programme
général.
Lors d'une réunion de la commission, j'avais évoqué cette question, craignant
que des petites structures implantées de manière fractionnée mais continue,
dans des communes, voire dans des départements différents, ne constituent en
réalité, à terme, un projet important, qui, de ce fait, ne serait plus soumis à
la règle.
Je parlerai enfin de l'obligation qui est faite à l'installateur de constituer
des garanties financières destinées à assurer la remise en état du site en fin
d'exploitation.
La remise en état du site - je parle de l'état initial - exige qu'on règle le
problème des mâts et des hélices en fin de vie, celui de leur dépose et de leur
transport. Si le site est définitivement abandonné, il faudra en outre
s'occuper des énormes cratères laissés dans le sol par les fondations. Ce point
me semblait important à souligner.
La volonté de M. le rapporteur d'associer le conseil général à la procédure de
contrôle des implantations contribuera aussi, nous l'espérons, à apporter des
garanties supplémentaires.
A l'occasion de l'examen de ce texte, je souhaiterais faire part des quelques
réflexions que je formule à propos de notre politique énergétique.
Notre indépendance énergétique ne peut être assurée que par une politique
nationale volontariste, intelligente et efficace, grâce à une loi d'orientation
qui définira les priorités de nature à satisfaire les besoins en s'appuyant sur
une stratégie industrielle et financière cohérente pour le moyen et le long
terme.
Cette approche doit, selon moi, être complétée à l'échelon local par une
implication des collectivités concernées, qui sont des donneurs d'ordres dans
le cadre de leurs politiques propres et qui peuvent conduire des
expérimentations.
Seul l'Etat peut élaborer un plan d'ensemble sur les questions stratégiques,
pour en assurer la cohérence sous le contrôle de la représentation
nationale.
Il n'est pas concevable de laisser ce secteur se développer au gré des seuls
investissements du secteur privé, préoccupé uniquement de rentabilité
financière.
Un contrôle démocratique est nécessaire, et ce à plusieurs niveaux : au niveau
parlementaire pour les grandes orientations, au niveau des collectivités, qui
soutiennent les investissements dans le cadre de leurs compétences, enfin, au
niveau des citoyens-consommateurs - je n'ai pas dit des consommateurs ; il y a
une nuance.
Il serait en outre souhaitable de développer une réflexion pour garantir la
meilleure adéquation possible entre types de consommation et types de
production.
Dans ce champ d'activités, les politiques de recherche et de développement
peuvent trouver un terrain d'expérimentation intéressant.
Les énergies renouvelables - et il ne faut pas se limiter aux éoliennes parce
que l'énergie solaire, la biomasse et les courants marins sont également des
pistes de travail - constituent des réponses pertinentes de nature à satisfaire
des besoins ponctuels ou ciblés tout en étant des solutions efficaces en termes
économique - par la proximité - environnemental - par la réduction des
transports et de la pollution - et social - par la satisfaction des besoins
particuliers.
Autrement dit, nous devrions raisonner non plus en termes de rentabilité
strictement financière, mais en termes quantitatifs et qualitatifs, en
recherchant la réponse la plus adaptée et la plus efficace au regard des
besoins à satisfaire.
Cette logique permettrait de développer davantage la solidarité internationale
en direction des pays où la contrainte sociale, économique et environnementale
est plus forte encore.
Bien entendu, l'expérimentation implique une évaluation qui permettra de juger
de la rentabilité des solutions choisies au regard de tous les critères
pertinents qui auront été définis, par exemple la satisfaction des besoins,
l'efficacité sociale, le coût, l'effet sur l'environnement, la position sur le
plan énergétique global, la cible visée, la viabilité industrielle.
En conclusion, je voudrais réaffirmer notre attachement au développement des
énergies renouvelables dans le cadre d'une politique énergétique cohérente,
dans un souci de développement durable, soucieux de l'environnement et du cadre
de vie.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et
citoyen votera ce texte.
(Applaudissements sur l'ensemble des
travées.)
M. le président.
Ma chère collègue, vous avez suscité une approbation unanime, puisqu'il y a eu
des applaudissements sur l'ensemble des travées.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
C'était mérité !
M. le président.
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes
dans un contexte favorable au développement des éoliennes.
Le lancement, en décembre 2000, par le précédent gouvernement, du plan
national de lutte contre le changement climatique a formalisé non pas tant un
changement d'orientations de notre politique énergétique que de nouvelles
tendances visant, d'une part, à relancer la politique de maîtrise de la demande
d'énergie et, d'autre part, à soutenir le développement des énergies dites
renouvelables, comme celle qui est produite à partir du vent et qui nous occupe
aujourd'hui.
En ce domaine, notre pays a pris des engagements formels : faire passer d'ici
à 2010 de 15 % à 21 % la part de notre électricité produite à partir des
sources d'énergie renouvelables.
Pour tenir ces engagements, différentes mesures ont été prises, notamment dans
la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation du service public de
l'électricité, comme l'obligation faite à EDF et aux distributeurs non
nationalisés de racheter l'électricité produite à partir d'énergies
renouvelables.
Grâce à ces mesures, l'énergie éolienne connaît un bon développement : elle
dispose d'une marge de progression importante ; elle possède une rentabilité
intéressante, cet aspect étant encore plus évident si l'on prend en
considération le fait qu'elle induit de très faibles coûts indirects.
La principale difficulté engendrée par l'implantation des éoliennes porte sur
leur intégration dans l'environnement. C'est justement sur ce point qu'un
certain nombre de précisions et de garanties doivent être apportées, tel est
l'objet de cette proposition de loi.
Comme je l'ai déjà dit, ce contexte favorable explique que de nombreux projets
éoliens soient actuellement soumis aux élus locaux.
Face à cette situation, un certain flou existe en matière de réglementation
propre, notamment, à garantir les nombreux paramètres mis en jeu par ces
projets, qu'ils soient techniques, sociaux ou environnementaux.
Pour chaque projet, il est important de s'assurer, par exemple, de la distance
au réseau, des servitudes publiques, de l'accès, du respect des paysages, de la
prise en considération des zones naturelles protégées, de l'impact visuel et
sonore, des activités économiques environnantes, des propriétés foncières,
etc.
La proposition de loi qui nous est présentée vise à appréhender un certain
nombre de ces problèmes.
Sur la forme, je tiens à souligner que la plupart des points abordés auraient
pu être réglés de manière réglementaire. La proposition de loi n'était donc pas
d'une nécessité absolue ; elle présente néanmoins l'avantage de permettre le
débat au Parlement d'une question aux enjeux locaux et nationaux importants.
A l'origine, cette proposition de loi ne comportait que deux articles, l'un
relatif au permis de construire, l'autre à l'enquête publique.
Le travail accompli par la commission des affaires économiques, sans aucun
doute largement inspiré par les conclusions du rapport qui avait été, en son
temps, commandé par le précédent gouvernement, a permis de l'étoffer
notablement.
Il ressort de ce travail plusieurs points positifs : la saisine de la
commission des sites avant délivrance du permis de construire ; la soumission à
étude d'impacts en fonction d'un critère de puissance et non d'un critère
financier ; enfin, l'instauration d'un schéma d'implantation des éoliennes.
Une question se pose néanmoins : le choix départemental est-il opportun au
regard de la compétence de la région, notamment à travers le schéma régional
des services collectifs de l'énergie ?
Pour conclure, j'évoquerai brièvement deux points particuliers.
Le premier porte sur la compatibilité des implantations d'éoliennes avec les
règles locales d'urbanisme. Il semble qu'au regard des plans locaux
d'urbanisme, sauf interdiction explicite formulée dans le règlement, les
éoliennes sont autorisées dans toutes les zones. Pour les communes couvertes
par les anciens plans d'occupation des sols, et dans le cas où le règlement
énumère les constructions et installations autorisées sans prévoir les
éoliennes, une modification de ce règlement apparaît nécessaire, si se
manifeste la volonté d'implanter des éoliennes.
Une clarification ou, du moins, une confirmation de cette compatibilité est
souhaitée par les nombreux élus locaux qui nous interpellent sur ce sujet.
Le second et dernier point que j'aimerais aborder porte sur l'esprit qui doit
nous guider dans l'élaboration de ce texte, celui-ci devant faciliter
l'intégration de ces ouvrages sur notre territoire de manière harmonieuse et
non conflictuelle.
J'ai rappelé précédemment que la plupart de ces règles auraient pu être
adoptées par la voie réglementaire et que ce qui pouvait justifier la procédure
utilisée était la volonté des parlementaires de prendre position officiellement
sur un tel sujet.
C'est pourquoi - c'est du moins dans cet esprit que s'est investi notre groupe
sur ce texte - il s'agit non pas de restreindre l'implantation des éoliennes,
qui répondent à un réel besoin, mais de prendre toutes les garanties
nécessaires pour que cette implantation se fasse de manière acceptée et
harmonieuse sur notre territoire.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dirai tout
de suite que je suis pour les énergies renouvelables. Il y a trente ans, en
1973, après la première crise de l'énergie - ce sont de vieux souvenirs -
auprès de quelqu'un que vous connaissez bien, Olivier Guichard, qui était alors
conseiller technique, j'ai travaillé sur les énergies renouvelables. Nous nous
sommes beaucoup investis pendant les années soixante-dix dans ce domaine.
J'en ai retiré un certain nombre d'enseignements ou de réflexions.
D'abord, sans l'énergie nucléaire, madame la ministre, les pays comme la Chine
et l'Inde ne pourraient jamais accéder au niveau d'autonomie énergétique que
nous connaissons. Leurs besoins ne pourraient pas être satisfaits avec
l'énergie éolienne ou quelque autre forme d'énergie.
En ce qui concerne l'énergie hydraulique, la France, vous l'avez dit, est bien
placée. Elle est bien équipée, mais l'ère des grands barrages est terminée, il
faudra faire autre chose.
J'en viens à l'énergie marémotrice. Nous avons été des pionniers en la matière
puisque la première usine marémotrice du monde fut implantée sur l'estuaire de
la Rance. Ce fut aussi la dernière, peut-être parce que le bilan écologique
était aussi négatif avec l'usine marémotrice que sans. Et pourtant, il n'existe
pas d'énergie plus formidable que l'énergie marémotrice !
S'agissant de l'énergie solaire, nous avons créé la première grande centrale
dans le midi de la France. Nous avions installé 4 hectares de capteurs sur une
grosse chaudière. Cette centrale a été la dernière. Maintenant, nous ne pouvons
que réfléchir au développement de l'énergie solaire éparpillée. Nous avons des
milliers d'hectares de toits bien positionnés face au sud. Encore faut-il avoir
des capteurs dont la fabrication n'ait pas un bilan négatif au regard de
l'apport énergétique qui en résulterait.
Il y a aussi la biomasse et le bois. J'ai entendu dire qu'en Bretagne des
dizaines de milliers de tonnes d'algues vertes se répandent sur les côtes. On
pourrait peut-être les utiliser pour créer du méthane. Il reste que l'on trouve
un peu partout des énergies renouvelables. Simplement, il faut faire le bilan
entre leurs avantages et leurs inconvénients.
Enfin, il y a l'énergie éolienne. A cet égard, je félicite Jean-François Le
Grand d'avoir déposé cette proposition de loi de façon à faire entrer les
structures éoliennes dans le droit commun. S'il faut faire un effort,
faisons-le dans la clarté ! C'est ce vers quoi nous tendons.
Pour ma part, je me pose deux questions : une d'ordre environnementale et
l'autre d'ordre économique.
L'interrogation environnementale tient au simple constat que les éoliennes
doivent s'implanter là où il y a du vent. Quels sont les endroits où il y a le
plus de vent ? D'abord les côtes, ensuite la montagne.
Qu'a fait le Parlement en la matière ? Il a créé pour ces deux zones, le
littoral et la montagne, deux lois spéciales protectrices interdisant les
poteaux : la loi Montagne et la loi Littoral. Cela fait quinze ans que je me
bats sur le littoral, contre les poteaux, qu'ils soient petits, moyens ou
grands !
A ce propos, je tirerai un grand coup de chapeau à EDF, qui, dans mon canton,
l'île de Noirmoutier, a procédé à l'éradication de toutes les lignes de 20 000
volts et a enterré deux kilomètres de lignes de 90 000 volts, pour le coût -
excusez du peu ! - de 10 millions de francs.
Mme Marie-France Beaufils.
Heureusement qu'il y a le service public !
M. Jacques Oudin.
Oui, heureusement que nous avons une entreprise publique qui a une conscience
écologique très forte ! Bravo à EDF !
(Sourires.)
En tant que membre du
conseil de l'environnement de EDF, je peux le dire.
Je me suis toujours battu pour faire enlever les poteaux. Je ne peux donc
m'empêcher de m'interroger lorsque je vois implanter ou proposer d'implanter
des parcs d'éoliennes. J'ai vu celles de Californie, je suis allé à Palm
Springs, j'ai vu des milliers d'hectares avec des milliers d'éoliennes. Ce
n'est pas ce que je souhaite, ce n'est pas ce que vous souhaitez non plus, et
ce n'est pas ce vers quoi nous tendons.
Cela étant, je suis tout de même un peu interloqué quand il est question
d'implanter des éoliennes dans des zones fragiles. Madame la ministre, vous
allez visiter en novembre un premier champ d'éoliennes, dans le département de
Vendée. Or il s'agit d'une zone classée Natura 2000, zone spéciale de
protection, etc. Eh bien, malgré tout cela, on y a dressé huit éoliennes !
Je crois donc que, sur le plan écologique, il faudrait savoir faire preuve
d'un peu de discernement.
Mais mon interrogation essentielle est d'ordre économique. Economiquement,
est-il possible d'agir dans le cadre tracé par la loi et l'arrêté de 2001, qui
fixent le tarif auquel EDF est obligé de racheter l'électricité d'origine
éolienne ? Car, ne nous leurrons pas : si cette disposition économique
n'existait pas, on ne verrait pas fleurir tous ces projets !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Tout à fait !
M. Jacques Oudin.
Je me suis donc référé à l'avis de la Commission de régulation de
l'électricité, la CRE, en date du 5 juin, dont certains passages sont assez
étonnants. Permettez-moi d'en citer quelques-uns. « Que les kilowattheures
éoliens se substituent à des kilowattheures nucléaires ou à des kilowattheures
issus de centrales à cycle combiné au gaz, le tarif d'achat proposé est très
supérieur à la somme des coûts et externalités environnementales évités, ainsi
que des autres effets positifs supposés de la production éolienne.
« Le tarif proposé se situe également très au-dessus de toutes les estimations
raisonnables des coûts de revient de la filière éolienne. Le développement de
la spéculation liée aux réservations de site depuis l'annonce de ce tarif est
d'ailleurs le révélateur de rentabilités tout à fait excessives :...
M. Paul Girod.
Très bien !
M. Jacques Oudin.
... plus de 20 % par an après impôts, garantis sur quinze ans, même pour des
sites moyennement ventés.
« A ce niveau de rentabilité, toute subvention publique supplémentaire est à
proscrire, et les projets déjà lancés qui demandent à bénéficier du nouveau
tarif devraient rembourser les subventions déjà perçues.
« Dans ces conditions, la CRE recommande au Gouvernement de mettre en oeuvre
le plus rapidement possible la procédure d'appel d'offres prévue par la loi du
10 février 2000 pour révéler le juste prix à payer et éviter les difficultés
liées à un prix administré.
« Pour une quantité installée de 5 000 mégawatts en 2010, annoncée par le
Gouvernement, le coût total cumulé à la charge des consommateurs d'électricité
serait dans le meilleur des cas de l'ordre de 7 milliards d'euros, soit 46
milliards de francs. Si 12 000 mégawatts sont installés, comme annoncé par
certains professionnels de la filière éolienne, ce surcoût approchera 17
milliards d'euros, soit 111 milliards de francs, et atteindrait 26 milliards
d'euros, soit 170 milliards de francs - avec une pointe à 1,5 milliard d'euros,
soit 10 milliards de francs, en 2012 - si l'on considérait que l'éolien se
substitue à du nucléaire... »
« Du fait des caractéristisques de la production électrique française, le
développement de la production éolienne ne contribuera quasiment pas, dans les
quinze prochaines années, à la réduction des émissions françaises de gaz à
effet de serre ni à l'amélioration de la qualité de l'air... »
J'en arrive, après avoir passé d'autres paragraphes tout aussi croustillants,
à la conclusion : « Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la CRE
considère que le tarif proposé entraîne des rentes indues aux producteurs
éoliens qui se traduiront par une augmentation significative des prix de
l'électricité en France, et représente un moyen exagérément coûteux pour la
collectivité d'atteindre l'objectif de développement de la filière que s'est
fixé le Gouvernement. Elle émet, en conséquence, un avis défavorable sur ce
projet d'arrêté. »
M. Raymond Courrière.
Et le nucléaire, alors ?
M. Jacques Oudin.
Pour ma part, madame la ministre, je tire deux conclusions.
En premier lieu, lorsqu'on prend une décision dans un domaine aussi lourd que
celui de l'énergie, il est quand même préférable de disposer de bilans
économiques et environnementaux beaucoup plus détaillés que ceux qu'on nous a
proposés l'année dernière !
M. Raymond Courrière.
Est-ce qu'on en avait pour le nucléaire ?
M. Jacques Oudin.
Je pense d'ailleurs que la proposition de loi de Jean-François Le Grand sera
adoptée à une large majorité, et cela est révélateur de l'attitude de nos
collègues qui, sur le terrain, ont bien vu de quoi il retournait.
Au regard de l'urbanisme, faire entrer le régime éolien dans le droit commun
constitue une bonne chose. Mais cela laisse de côté tout le volet
économique.
Il faudrait que la commission des affaires économiques s'intéresse aussi à ce
volet, c'est-à-dire à la question de l'équilibre entre les différentes énergies
par rapport au coût supporté par les consommateurs.
En second lieu, madame la ministre, je tiens à préciser que je suis favorable
à l'énergie éolienne.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du
groupe communiste républicain et citoyen, et sur plusieurs travées
socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Les structures éoliennes entrent dans le champ d'application du
permis de construire. »
L'amendement n° 1, présenté par M. Flandre, est ainsi libellé :
« I. - Dans cet article, remplacer les mots : "structures éoliennes" par le
mot : "aérogénérateurs".
« II. - En conséquence, procéder au même remplacement de mots dans tous les
articles de la proposition de loi. »
La parole est à M. Hilaire Flandre.
M. Hilaire Flandre.
Cet amendement tend à exclure du champ d'application de la proposition de loi
qui nous est soumise les petites éoliennes, qui sont utilisées par les
agriculteurs pour pomper l'eau dans leurs prairies. Celles-ci sont généralement
de très petite dimension mais certaines dépassent parfois les douze mètres de
hauteur qui constituent le seuil retenu. Pour autant, elles sont toujours
isolées et n'ont donc pas du tout le même impact visuel que les
aérogénérateurs.
Voilà pourquoi je propose d'exclure du champ d'application de ce texte les
petites éoliennes utilisées par les agriculteurs pour les besoins de leur
exploitation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je tiens à remercier de nouveau M. Flandre de cette utile
précision, à laquelle la commission est tout à fait favorable.
Il eût été dommage, en effet, que l'ensemble des structures éoliennes soient
concernées par l'obligation d'un permis de construire alors même qu'un grand
nombre de machines - environ vingt mille sur l'ensemble du territoire national
- sont simplement destinées au pompage de l'eau ou à des usages très ponctuels.
Ce sont bien les aérogénérateurs qui sont visés par la proposition de loi.
Je saisis aussi cette occasion pour répondre à des remarques que j'ai
entendues concernant le nucléaire.
Cette proposition de loi, cher collègue Courrière, n'a pas pour objet de
traiter de la politique énergétique de la France : il s'agit seulement de faire
entrer dans le droit commun l'un des éléments de cette politique. Nous
considérons en effet qu'il n'y a pas de raison de faire à l'énergie éolienne un
sort particulier ou prétexte qu'elle correspondrait mieux à certaines
conceptions.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Avis favorable.
M. le président.
La parole est à Mme Evelyne Didier pour explication de vote sur l'amendement
n° 1.
Mme Evelyne Didier.
J'ai songé un moment à déposer un amendement dans le même sens, puisque
lorsque ce point a été abordé en commission, imaginant d'avance quelle pourrait
être la réaction des agriculteurs obligés d'obtenir un permis de construire
pour installer une petite éolienne au bout d'un champ !
Au moment où nous essayons de simplifier les démarches administratives, il eût
été de mauvais goût de ne pas prévoir une telle exclusion.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Que Mme Didier veuille bien me pardonner d'avoir oublié de
préciser qu'elle avait en effet émis cette idée en commission. Je tiens
d'ailleurs à la remercier, d'une manière générale, de la tonalité de son
intervention.
(Très bien ! sur plusieurs travées.)
M. le président.
Je suis persuadé, monsieur le rapporteur, que Mme Didier est très sensible à
ce compliment !
M. Bernard Piras.
Je mets aux voix l'amendement n° 1.
M. Bernard Piras.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, il sera procédé, par coordination, au même remplacement de
mots dans l'ensemble de la proposition de loi. Je mets aux voix l'article 1er,
modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - La demande de permis de construire des structures éoliennes est
soumise pour avis à la commission départementale des sites, perspectives et
paysages. »
La parole est à Mme la ministre, sur l'article.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Je rappelle que la mission de la commission départementale des
sites, perspectives et paysages est d'émettre des avis sur les questions
relatives aux sites et paysages dont elle est saisie par le ministre chargé des
sites ou par le préfet. Le préfet peut, notamment, la consulter sur les projets
de travaux en sites inscrits, ainsi que sur tout projet dont l'importance des
effets sur le paysage justifie sa consultation.
Rien n'interdit par conséquent au préfet, puisque la délivrance du permis de
construire relève de sa compétence, de consulter cette commission sur tout
projet éolien important. Les procès-verbaux des commissions départementales des
sites attestent d'ailleurs que de nombreux préfets ont pris cette habitude. La
commission des sites est ainsi devenue, de fait, un lieu de débat sur
l'implantation des projets éoliens dans un département.
Cela étant, la qualité des débats au sein d'une commission des sites est aussi
fonction du nombre de dossiers qui lui sont soumis. Dès lors, lui soumettre
systématiquement pour avis tous les dossiers éoliens ne relève pas vraiment
d'une utilisation particulièrement économe d'une instance déjà saisie de
nombreux dossiers.
Je souhaiterais donc que les dossiers soumis soient sélectionnés pour ne
retenir que les projets plus importants du point de vue de leur impact sur les
sites et sur les paysages.
Dans cette logique, il paraîtrait plus judicieux de laisser au préfet le soin
d'apprécier au cas par cas s'il souhaite saisir la commission des sites,
lorsque les enjeux le justifient, plutôt que de fixer un principe général de
consultation qui ôterait sa souplesse au processus, alourdirait inutilement la
charge de la commission et allongerait sans raison les délais des
procédures.
Je n'ai pas déposé d'amendement sur cet article, préférant vous livrer
simplement cette observation et m'en remettre, mesdames, messieurs les
sénateurs, à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Chacun comprendra combien il est délicat de prendre la parole
après une intervention aussi brillante et pertinente.
D'une certaine manière, madame la ministre, vous nous avez laissé entendre : «
Cela va sans dire ». J'ai presque envie de compléter la formule de la façon
habituelle : « Mais cela va mieux en le disant. »
Aux termes de la loi, vous l'avez rappelé, les préfets peuvent à tout moment
saisir la commission départementale des sites. Pour autant, je crois, comme
vous, que la consultation systématique de la commission départementale des
sites risque de la conduire à son engorgement, car elle a déjà fort à faire.
Je ne peux pas faire moins que de m'en remettre, moi aussi, à la sagesse du
Sénat, puisque vous avez vous-même eu la sagesse de ne pas déposer
d'amendement. Sagesse pour sagesse, j'invite malgré tout mes collègues à voter
l'article !
(Sourires.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 122-1 du code de
l'environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Doivent comprendre une étude d'impact les projets d'implantation de
structures éoliennes de 2,5 mégawatts (MW) de puissance installée. En cas de
réalisation fractionnée, le seuil à retenir est celui du programme général. Les
projets d'implantation de structures éoliennes non soumis à étude d'impact
doivent faire l'objet d'une notice d'impact. »
L'amendement n° 3, présenté par M. Vial, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par cet article pour être inséré après le deuxième
alinéa de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, remplacer les mots :
"2,5 mégawatts" par les mots : "50 kilowatts". »
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial.
Cette disposition présente l'avantage de ne pas pénaliser les petits
producteurs privés dont la production est inférieure à 50 kilowatts et qui
consomment généralement leur production. Elle permet aussi d'encadrer davantage
les développeurs par une démarche prenant mieux en compte l'environnement.
Cette disposition, en élargissant le champ d'application des études d'impact,
encadre les demandes, ce qui évite de bloquer les sites avec des projets trop
aléatoires ou dépourvus de base solide.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Au risque de faire de la peine à mon collègue et ami
Jean-Pierre Vial, président du conseil général de Savoie, je dirai qu'il ne me
paraît pas raisonnable de descendre jusqu'au niveau de puissance qu'il
propose.
D'abord, le chiffre de 2,5 mégawatts qui a été retenu a résulté d'une
réflexion diligentée par un groupe de travail interministériel voilà déjà un
certain nombre de mois.
Dans les préoccupations du groupe de travail figurait également le coût même
de l'étude de l'impact : en moyenne 100 000 euros.
Par conséquent, proposer une étude d'impact de ce coût en vue de
l'implantation d'une machine dont le prix serait sensiblement similaire est
probablement déraisonnable. C'est pourquoi j'ai proposé de retenir le chiffre
de 2,5 mégawatts.
Même si vos observations, mon cher collègue, sont sur le fond pertinentes, je
crois qu'il faut savoir raison garder dans cette affaire.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 3.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission, monsieur le
président.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Vial ?
M. Jean-Pierre Vial.
Monsieur le président, je suis un peu déçu, car je ne pense pas que mon
amendement aille à l'encontre de la logique qui sous-tend notre débat, au
contraire.
La principale critique, en l'occurrence - notre collègue Jacques Oudin s'en
est fait l'écho -, portait sur l'aspect économique de l'aide à apporter à cette
énergie et à cette technologie. Or l'amendement n° 3 vise les
auto-consommateurs, ceux qui, dans des situations particulières, pourraient
avoir intérêt à utiliser cette énergie.
Par conséquent, puisqu'on me demande de retirer mon amendement, je vais le
faire, mais je suis un peu étonné de la logique sur laquelle on s'appuie pour
justifier cette demande.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je m'aperçois que j'ai omis, dans mon explication - et je
vous prie de m'en excuser - de dire que les études d'impact sont déclenchées à
partir d'un investissement de 1,9 million d'euros, et que le seuil de 50
kilowatts est largement inférieur à cette somme. Voilà pourquoi j'avais
envisagé de fixer ce seuil à 2,5 mégawatts. Compte tenu de l'évolution
prévisible du coût de ces machines, j'ai préféré retenir la puissance plutôt
que le prix.
M. Jean-Pierre Vial.
Dans ces conditions, monsieur le président, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
M. le président.
Je constate que cet article a été adopté à l'unanimité des suffrages
exprimés.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Le premier alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'environnement
est complété
in fine
par une phrase ainsi rédigée :
« Sont visées par cette disposition les structures éoliennes de plus de douze
mètres. » -
(Adopté.)
Je constate que cet article a été adopté à l'unanimité des suffrages
exprimés.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Il est ajouté au titre cinquième du livre troisième du code de
l'environnement un article L. 350-2 ainsi rédigé :
« Afin de promouvoir un développement harmonieux de l'énergie éolienne, les
départements peuvent mettre en place un schéma départemental ou
interdépartemental éolien.
« Le schéma indique les secteurs géographiques qui paraissent les mieux
adaptés à l'implantation d'éoliennes.
« Le conseil général peut en confier l'élaboration, sous son contrôle, aux
services de l'Etat. »
L'amendement n° 2, présenté par MM. Pires, Raoul et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« I. - Après les mots : "de l'énergie éolienne," rédiger comme suit la fin du
premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 350-2 du code
de l'environnement :
« les régions peuvent mettre en place un schéma régional éolien, après avis
des départements et des établissements publics de coopération intercommunale à
fiscalité propre concernés. »
« II. - En conséquence, au début du dernier alinéa du même texte, remplacer
les mots : "Le conseil général" par les mots : "Le conseil régional". »
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras.
Pour la mise en place des schémas, nous préférons donner la compétence à la
région plutôt qu'au département, ce dernier pouvant cependant, ainsi que les
établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, donner
son avis.
Il ne s'agit pas pour moi d'ouvrir un débat entre régionalistes et
départementalistes ; mais, rapporteur du schéma collectif de l'énergie dans le
cadre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire, je n'oublie pas que ce dernier texte a retenu la compétence de la
région. J'essaie donc, en ma qualité de législateur, d'être cohérent.
Je sais ce que M. le rapporteur va me répondre tout à l'heure, puisque nous
avons déjà évoqué la question ensemble, mais il faut prendre en compte les
problèmes de frontières, de limites, quel que soit le territoire.
En tant que législateur, j'entends rester cohérent, et mes explications me
paraissent sages et cohérentes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Ma réponse sera d'autant plus brève que notre excellent
collègue M. Piras a déjà répondu à ma place.
(Sourires.)
Il est vrai qu'une limite est toujours un peu subjective, et que les
problèmes de seuil, de frontière, sont fréquents.
Dans ces conditions, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat. Même si
la baie du Mont-Saint-Michel, pour reprendre cet exemple, est située à la
limite de deux départements et de deux régions, une solution de bon sens devra
néanmoins être trouvée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Nous aurions tort, sur cette importante question, de nous
livrer à un débat stérile en opposant département et région. L'examen du texte
sur la décentralisation voulue par le Premier ministre sera l'occasion d'une
clarification importante et nécessaire en la matière.
Il peut y avoir des schémas éoliens départementaux. Je souhaite, en
particulier, que les départements les plus concernés par l'utilisation de
l'énergie élolienne se saisissent de cette affaire. Mais les régions, pour ce
qui concerne l'inventaire des sites remarquables et des espaces naturels, pour
la mise en oeuvre d'une politique coordonnée de protection de l'environnement,
me paraissent devoir jouer un rôle de maître d'ouvrage tout à fait
pertinent.
Les schémas départementaux sont utiles, mais la concertation régionale aussi.
A ce stade du débat, l'amendement de M. Piras n'apporte rien.
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Quel consensus !
(Sourires.)
M. le président.
Monsieur Piras, l'amendement est-il maintenu ?
M. Bernard Piras.
Je le maintiens, parce que je suis un législateur cohérent. J'en appelle à la
sagesse et à la responsabilité de mes collègues !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 2.
M. Paul Girod.
Je m'abstiens !
(L'amendement est adopté.)
M. Bernard Piras.
Merci, mes chers collègues !
M. le président.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Il est ajouté au titre cinquième du livre troisième du code de
l'environnement un article L. 350-3 ainsi rédigé :
« La mise en oeuvre des structures éoliennes visées à l'article précédent est
subordonnée à la constitution de garanties financières, destinées à assurer la
remise en état du site en fin d'exploitation.
« Le mode de calcul de ces garanties est déterminé par voie réglementaire dans
les six mois suivant la promulgation de la loi n° ......... du ........ » -
(Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des
affaires économiques sur la proposition de loi n° 287, je donne la parole à Mme
Evelyne Didier pour explication de vote.
Mme Evelyne Didier.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai eu
l'occasion, au cours de mon intervention, de souligner que notre politique
énergétique méritait d'être repensée : elle devrait faire l'objet d'une
réflexion sur le long terme, capable, sur fond d'évolution des technologies, de
préserver notre indépendance énergétique.
Nous devons relever plusieurs défis dans ce domaine : faire face aux nouvelles
exigences en matière d'environnement, que ce soit dans le cadre international,
avec le protocole de Kyoto, ou européen, avec l'augmentation de la part des
énergies renouvelables.
Mais nous ne devons certainement pas négliger le fait que l'énergie n'est pas
tout à fait une marchandise comme les autres. La priorité de notre politique
énergétique devrait donc être, tout en répondant aux besoins des populations et
en respectant l'égalité de traitement devant ce bien collectif, de reconnaître
qu'il constitue un droit pour tous.
Cela dit, et malgré quelques réserves évoquées au cours de la discussion
générale, le groupe communiste républicain et citoyen votera cette proposition
de loi, qui tend à éviter un développement démesuré des éoliennes afin de
préserver nos paysages, notre faune et notre flore.
En imposant un permis de construire, en définissant des obligations en matière
de préservation et de restauration des sites après leur exploitation, ce texte
permet de répondre, même si ce n'est que partiellement, aux préoccupations que
suscite, parmi les populations, cette nouvelle forme de production industrielle
d'énergie.
Dans cette conjoncture particulière où le libéralisme s'impose, où les
logiques financières prennent le pas sur les logiques de développement à long
terme, il devient, en effet, urgent d'exercer des contraintes sur le
développement des constructions privées d'éoliennes dont la rentaliblité, à
court terme, est assurée.
Mais nous aurions évidemment souhaité que ces contraintes soient plus
importantes encore !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je remercie chaleureusement l'ensemble des intervenants dans
ce débat, d'abord de la pertinence et de la qualité de leurs propos, ensuite
d'avoir parfaitement compris qu'il ne s'agissait pas ici d'engager un débat sur
les enjeux énergétiques mais simplement de faire entrer dans le droit commun
des implantations d'éoliennes qui, à coup sûr, vont nous concerner dans notre
vie quotidienne. Chacun l'a parfaitement à l'esprit, et je suis absolument
certain que ceux qui nous écoutent ou qui liront le compte rendu de nos débats
seront reconnaissants au Sénat d'avoir fait oeuvre législative en la matière et
d'avoir ainsi protégé aussi bien les simples citoyens que les collectivités de
ce qui pourrait relever d'un certain arbitraire.
Je tiens donc à remercier tous mes collègues, qui se sont excellemment
exprimés sur ce sujet, ainsi que nos collaborateurs de la commission des
affaires économiques, qui nous ont assistés dans cette discussion.
Enfin, je tiens à vous remercier, madame la ministre, de nous avoir prêté une
oreille aussi attentive et d'avoir fait en sorte que nous puissions jouer
pleinement notre rôle de législateur sur un texte d'initiative parlementaire.
Vous auriez pu agir différemment, mais vous avez de cette manière rendu hommage
au Parlement, et je vous en remercie chaleureusement.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Monsieur le président, madame le ministre,
mes chers collègues, ce débat a finalement été très consensuel, dans la
tradition de notre Haute Assemblée, et il a révélé la pertinence de l'analyse
de M. le rapporteur lorsqu'il est venu défendre cette proposition de loi devant
la commission des affaires économiques et du Plan. Le Sénat a ainsi la
possibilité de souligner l'importance qu'il attache à des questions telles que
le développement durable. En effet, ces questions n'appartiennent ni à certains
groupes politiques ni à certaines familles politiques, elles sont aujourd'hui
l'objet d'une préoccupation partagée, nous venons de le constater.
Quoi qu'il en soit, nous avons pu constater aujourd'hui encore que la réforme
constitutionnelle de 1995, voulue par le Président de la République, permettait
au Parlement de prendre des initiatives par le biais de l'ordre du jour
réservé. Ces séances me semblent très importantes, car elles nous permettent
d'examiner certains sujets, et preuve en sera encore donnée tout à l'heure
lorsque nous examinerons la proposition de loi relative à la couverture
téléphonique et à l'itinérance locale. Cette initiative parlementaire est un
espace nouveau offert à la démocratie et au Parlement, ne l'oublions pas.
Utilisons-le largement !
Enfin, si ce débat n'a pas été consacré directement à l'énergie, il nous a
tout de même permis de réfléchir au juste équilibre à trouver entre les
énergies renouvelables et la préservation du paysage. Certes, ce débat sur
l'énergie, notamment sur l'énergie nucléaire, nous l'aurons, vous l'avez
d'ailleurs rappelé, madame le ministre, dès que vous avez pris la
responsabilité de ce ministère. Nous parlerons de sécurité, de transparence. Il
nous faudra aller plus loin dans les travaux de recherche en matière
d'élimination des déchets issus du nucléaire.
Quoi qu'il en soit, il nous faudra cesser de diaboliser telle énergie par
rapport à telle autre, et nous devrions nous retrouver sur cette idée autour de
notre collègue Jean-Pierre Vial, créateur de l'Institut national de l'énergie
solaire. Toutes ces recherches sont nécessaires à notre équilibre énergétique,
à la lutte contre l'effet de serre, et c'est bien cette réflexion que nous
souhaitons poursuivre au sein de la commission des affaires économiques et du
Plan de la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des
affaires économiques sur la proposition de loi n° 287 (2000-2001).
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité des suffrages exprimés.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je
viens de vivre un grand moment : c'était, en effet, mon premier débat
législatif et donc, si j'ose dire, mon baptême du feu... ou du vent plutôt !
(Sourires.)
L'ancienne députée que je suis a été fort impressionnée par la qualité et la
sérénité des débats de votre assemblée, par leur très haute tenue qui a permis,
sur un sujet aussi important, un vote unanime.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous poursuivrons cette discussion lors des
débats sur l'énergie et sur la décentralisation, car nous avons bien vu, à
travers nos échanges, à quel point ces thèmes étaient croisés.
Quand je suis arrivée au Gouvernement, j'ai décidé de placer mon action sous
le signe de la sécurité - Dieu sait si, dans le domaine de l'énergie, elle est
primordiale - et de la transparence. Je veux en effet que, dans le débat
citoyen, les Français puissent se prononcer sur des questions aussi importantes
en ayant tous les atouts, toutes les explications, tous les dossiers en main.
Et nous avons bien vu à quel point la Haute Assemblée pouvait être un facteur
essentiel d'information et de transparence.
Je souhaite placer également mon action gouvernementale sous le signe de la
participation, car les citoyens veulent désormais non seulement comprendre,
mais aussi participer aux décisions qui les concernent.
A travers votre proposition de loi, monsieur Le Grand, c'est à une véritable
démarche citoyenne de participation que vous nous invitez. Je souhaitais vous
en féliciter.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Madame le ministre, pour Mme Didier également, c'était le baptême du feu !
(Applaudissements.)
Le vote a été unanime : réjouissons-nous-en et dégustons ce moment de calme.
Et souhaitons bon vent à cette proposition de loi.
(Sourires.)
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Ce sont des alizés !
5
COUVERTURE TERRITORIALE
EN TÉLÉPHONIE MOBILE
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 23,
2002-2003) de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan sur la proposition de loi (n° 409, 2001-2002) de MM.
Bruno Sido, Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy, Paul Girod, Aymeri
de Montesquiou, Philippe Adnot, Pierre André, Michel Bécot, Paul Blanc, Jean
Boyer, Jean-Claude Carle, Robert Del Picchia, Michel Doublet, Alain Fouché,
Christian Gaudin, François Gerbaud, Georges Gruillot, Joseph Kerguéris, Pierre
Laffitte, Lucien Lanier, Patrick Lassourd, Max Marest, Charles Revet, Yves
Rispat, Daniel Soulage et Jean-Pierre Vial relative à la couverture
territoriale en téléphonie mobile de deuxième génération par la mise en oeuvre
prioritaire de prestations d'itinérance locale entre opérateurs.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le nombre
d'abonnés au téléphone mobile vient de dépasser le nombre d'abonnés au
téléphone fixe, l'absence de couverture en téléphonie mobile dans certaines
zones devient chaque jour plus pénalisante, non seulement sur le plan de
l'agrément, des loisirs, du tourisme, de la sécurité, mais également du point
de vue du développement économique.
Le mobile est devenu un outil de travail pour de nombreuses professions. La
couverture du territoire en téléphonie mobile constitue désormais un élément
d'attractivité économique et humaine au même titre que les infrastructures
traditionnelles.
Cependant, chacun a bien conscience qu'on ne peut pas compter uniquement sur
la dynamique concurrentielle pour que la couverture GSM s'améliore sensiblement
à la veille des investissements dans les réseaux UMTS.
Avant de présenter quelques éléments historiques sur ce dossier,
permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler que deux solutions techniques
existent pour étendre la couverture téléphonique du territoire : soit le
partage d'infrastructures, ce qui signifie l'extension par chaque opérateur de
son réseau de téléphonie mobile, les deux ou trois réseaux étant toutefois
supportés par des infrastructures passives communes ; soit l'itinérance locale,
qui repose sur le déploiement d'un seul réseau par un seul opérateur, lequel
s'engage à accueillir les appels des abonnés aux autres réseaux.
Au CIADT - le comité interministériel pour l'aménagement et le développement
du territoire - de Limoges, en juillet 2001, c'est l'itinérance locale qui
avait été retenue par le gouvernement d'alors pour assurer en trois ans -
excusez du peu ! - la couverture des « lieux de vie permanents et occasionnels
et les axes de transport prioritaires » qui n'étaient couverts par aucun
opérateur, soit environ 1 500 centre-bourgs, à en croire le précédent
gouvernement.
Les négociations des licences UMTS, au cours de l'hiver dernier, ont brouillé
les cartes. Le gouvernement d'alors s'est finalement converti au partage
d'infrastructures entre deux opérateurs - Orange et SFR - et non pas trois.
Cette solution ne tient pas. La preuve en est que les deux opérateurs concernés
ne l'ont eux-mêmes pas mise en oeuvre depuis près d'un an.
Vous-même, madame le ministre, en avez pris la mesure. Je m'en félicite et je
vous en remercie. Vous avez encouragé l'ouverture d'une nouvelle concertation
entre les opérateurs, lesquels sont parvenus à une position commune, remise il
y a exactement un mois à l'Autorité de régulation des télécommunications,
l'ART.
Les trois opérateurs s'engagent, pour couvrir les « zones blanches », à mettre
en oeuvre parallèlement le partage de sites et l'itinérance locale sur les
zones « qui justifient cette solution », c'est-à-dire là où cela génère une
économie de moyens. Ils insistent aussi sur la nécessité, en tout état de
cause, de préserver une concurrence équitable.
Les trois opérateurs se déclarent prêts à entreprendre sans délai les travaux
sur les premiers sites mutualisés - 200 viennent d'être identifiés - et à
lancer immédiatement les expérimentations permettant de valider les conditions
de mise en oeuvre de l'itinérance locale. Concernant les zones où serait
retenue la solution du partage des sites, les opérateurs visent à assurer la
présence effective d'au moins deux opérateurs d'ici à deux ans, l'objectif
étant la présence, à terme, des trois opérateurs sur chaque site.
Je ne peux que saluer cette soudaine accélération des négociations et la
volonté affichée des opérateurs d'aboutir concrètement et rapidement. Vous
savez comme moi que le dépôt de la présente proposition de loi n'y est pas
étranger : ce texte vise à donner aux collectivités locales qui décideraient de
financer des infrastructures de télécommunications les moyens d'exiger des
opérateurs de téléphonie mobile de deuxième génération qu'ils mettent en place
une itinérance locale.
Pour les zones où l'itinérance locale ne se justifie pas, économiquement ou
techniquement, le texte prévoit également la possibilité de recourir au partage
d'infrastructures dans les cas où tous les opérateurs le jugeraient
préférable.
Alors, me direz-vous, pourquoi persévérer alors qu'un accord entre opérateurs
a été conclu ? L'initiative que j'ai prise avec quatre de mes collègues
sénateurs, MM. Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy et Paul Girod,
conserve toute sa légitimité. En effet, notre texte me paraît seul à même
d'assurer, au moindre coût, une couverture effective en GSM des centres bourgs
ou des routes prioritaires, dans un souci d'équité concurrentielle.
Notre objectif est triple. Premièrement, il s'agit d'assurer une couverture «
effective », ce qui implique une identification des zones blanches sur le
terrain, et non pas à partir de modèles théoriques de propagation des ondes.
Dans mon département, la Haute-Marne, un cabinet indépendant a montré que le
nombre de communes non couvertes était en fait cinq fois plus élevé que ne le
laissaient apparaître les estimations du précédent gouvernement. La moitié des
communes de mon département se trouvent donc en zones blanches.
L'accord entre les opérateurs ne peut par conséquent se limiter aux 1 500
communes. Il doit porter sur les 5 000 à 6 000 centres bourgs qui sont
effectivement privés de toute couverture en téléphonie mobile et sur les routes
prioritaires qui les relient.
J'insiste sur le fait que nous ne demandons pas une couverture intégrale du
territoire. Ce serait très coûteux et préjudiciable à l'esthétique
environnementale pour un service ajouté minimal.
Notre deuxième objectif vise à assurer la couverture des zones identifiées
ci-dessus au moindre coût.
Cela impose d'afficher une préférence de principe pour l'itinérance locale, le
recours au partage de sites s'entendant comme une solution par défaut. Or la
position commune des trois opérateurs est inverse.
Certes, la mutualisation des infrastructures passives présente un avantage
majeur : elle préserve la position concurrentielle des opérateurs, acquise au
prix d'investissements considérables, puisque la couverture territoriale et la
qualité de services proposées par l'opérateur restent des éléments de
différenciation concurrentielle indéniables.
Toutefois, l'itinérance m'apparaît préférable à bien des égards.
Sa mise en place est moins coûteuse, car elle permet de n'installer, dans les
zones blanches, qu'un seul réseau, alors que le partage d'infrastructures
repose sur le déploiement parallèle de trois réseaux.
L'itinérance accroît la couverture pour tous les usagers, alors que la
mutualisation profite seulement aux abonnés des opérateurs qui se partagent les
infrastructures.
L'itinérance fonctionne : les opérateurs français mettent déjà en oeuvre des
conventions d'itinérance avec d'autres opérateurs étrangers, ou même entre eux
dans les départements d'outre-mer.
Moins d'antennes, c'est moins de soucis pour les élus locaux et leurs
administrés, inquiets, à tort ou à raison, des effets des émissions
radioélectriques de ces antennes sur la santé.
Nous souhaitons, en troisième lieu, respecter l'équité concurrentielle qui
est, pour moi, un impératif majeur. Or l'itinérance organisée localement est
absolument neutre à l'égard des situations concurrentielles respectives des
opérateurs de téléphonie mobile.
Je ne parle pas d'itinérance nationale, celle qui permet à un opérateur mobile
d'offrir à ses abonnés l'accès au réseau d'un autre opérateur mobile en tout
point du territoire. L'itinérance nationale est inconcevable, aujourd'hui, sans
ruiner immédiatement tous les efforts consentis par les opérateurs mobiles pour
étendre leur couverture territoriale et pour se démarquer de leurs concurrents
par la qualité de leurs services.
L'itinérance locale, elle, n'altère en rien l'équilibre concurrentiel elle
fait accéder aux prestations des opérateurs de téléphonie mobile des
consommateurs qui en sont aujourd'hui exclus, et ce sans aucune discrimination
puisque l'opérateur chargé de l'itinérance locale acheminera les appels des
abonnés des autres réseaux. Ce sont donc plutôt de nouvelles opportunités de
marchés qui s'ouvrent à tous les opérateurs et aux équipementiers.
Quant au léger désavantage concurrentiel qui résulterait d'un service dégradé
dans ces zones pour des raisons techniques, il pèsera tout aussi équitablement
sur les opérateurs et sur leur image de marque.
A l'inverse, permettez-moi de douter que l'équité concurrentielle soit
garantie par la position commune des opérateurs datée du 24 septembre dernier.
Les opérateurs s'engagent à être au moins deux, d'ici à deux ans, sur les zones
en partage de sites. Si ce partage à deux venait à perdurer, les abonnés du
troisième opérateur ne bénéficieraient pas de l'extension de la couverture.
Vous voyez qu'il ne s'agit pas de substituer la loi à la concertation, encore
moins, à l'évidence, d'embarrasser le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin.
Si la concertation permet d'atteindre l'objectif visé par la proposition de
loi, il faudra se réjouir que le nouveau mode de gouvernance enregistre ainsi
un succès notoire, et l'outil législatif pourrait dès lors être délaissé. Mais
nous voulons garantir aux élus locaux qu'ils n'attendront pas éternellement des
avancées concrètes et qu'ils ne seront pas déçus.
Je n'ignore pas les difficultés économiques rencontrées par le secteur des
télécommunications, des opérateurs jusqu'aux équipementiers. Dans ce souci, je
souhaiterais relativiser l'impact financier de notre proposition.
Il est vrai que le fait de couvrir de 5 000 à 6 000 communes au lieu de 1 500
multipliera au moins par trois la facture. Mais, parallèlement, le recours
obligé à l'itinérance la divisera par trois, l'effort de couverture se trouvant
alors réparti entre les trois opérateurs. La facture pourrait donc rester
sensiblement la même. Ce calcul simple, simpliste même, m'autorise à présumer
la faisabilité financière du dispositif proposé pour les opérateurs, avec
l'appui des collectivités territoriales, des fonds européens, etc.
L'engagement des pouvoirs publics doit être clairement réaffirmé, mais il ne
devrait pas être plus important. Il s'agit seulement d'ouvrir la possibilité
aux collectivités locales qui le souhaitent d'investir plus encore dans la
couverture de leur territoire avec la certitude d'être suivies par les
opérateurs, et d'exiger que ces derniers mettent en place l'itinérance.
Vous comprendrez, madame le ministre, qu'il est aujourd'hui de la
responsabilité du Sénat d'intervenir dans ce débat, qui le concerne au premier
chef en raison de son implication territoriale. Notre projet n'est pas
maximaliste : nous ne prônons ni l'itinérance nationale, ni la couverture
intégrale du territoire, ni l'itinérance entre réseaux UMTS. Nous prônons une
solution de bon sens pour couvrir en GSM de deuxième génération les lieux de
vie de notre pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée à l'industrie.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de
m'adresser à vous aujourd'hui sur un sujet qui me tient à coeur. Vous le savez,
le renforcement de la couverture en téléphonie mobile de notre pays est un
élément important de la politique de télécommunications du Gouvernement.
Le téléphone portable est devenu en quelques années un outil indispensable à
la vie quotidienne des Français. Le nombre d'abonnés, près de 38 millions,
dépasse désormais largement les abonnés au téléphone fixe. Ce formidable
développement, nous le devons à l'ensemble des entreprises qui ont cru en cette
technologie et qui ont accepté d'investir, parfois plusieurs milliards d'euros,
pour en accompagner le déploiement. Aujourd'hui, l'industrie des
radiocommunications mobiles est devenue une part importante de l'industrie plus
large des télécommunications.
J'ajouterai que cette industrie présente un autre intérêt : c'est un secteur
en France qui jouit d'une bonne santé financière. Les trois opérateurs actifs
sur le marché français que sont Orange France, SFR et Bouygues Télécom sont peu
endettés. Leur nombre de clients et donc leur chiffre d'affaires continuent à
croître à un rythme qui, s'il est certes plus modéré qu'il y a un ou deux ans,
reste tout à fait honorable. Leur situation financière saine leur permet
d'investir et d'envisager l'avenir avec ambition : cet avenir sera celui du
lancement de services à forte valeur ajoutée, comme les services multimédia.
Cette réussite a été possible grâce à un cadre réglementaire adapté. Cet
environnement réglementaire se caractérise avant tout par la permanence de ses
grands principes. Cette stabilité est tout à fait essentielle pour conforter la
confiance des entreprises afin qu'elles envisagent avec sérénité des projets
d'investissements lourds.
C'est en partie grâce à ce cadre réglementaire stable que la France a vu
l'émergence, en quelques années, de trois nouveaux réseaux de
télécommunications. Ces sociétés, dont je tiens à saluer le scrupuleux respect
du cahier des charges et plus particulièrement de la clause sur la couverture
de la population, ont obtenu une autorisation d'exploitation valable pour
quinze ans.
Aujourd'hui, nous nous situons au dernier tiers de la durée de ces
autorisations ; c'est tout du moins le cas pour deux d'entre elles. La question
de la couverture de notre territoire est devenue une préoccupation
importante.
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement partage votre constat, à savoir que la
couverture mobile de notre pays doit être renforcée. C'est un impératif
d'équité ; c'est pourquoi nous devons au plus vite combler ces lacunes.
Le gouvernement précédent avait prévu un plan d'amélioration de couverture.
Présenté lors du CIADT de Limoges, le 9 juillet 2001, il fut malheureusement un
échec. Je ne souhaite pas revenir sur les modalités de ce plan, qui est
aujourd'hui abandonné ; je veux seulement en tirer les leçons qui nous seront
utiles pour les décisions que nous prendrons.
Deux raisons fondamentales expliquent l'échec de ce plan.
La première tient au fait que, en confiant la couverture à seulement deux des
trois opérateurs existants, le CIADT a par là même réduit la concurrence. Il
est donc essentiel - c'est la première leçon que nous retirons de l'échec du
CIADT - que le traitement du dossier de la couverture mobile respecte le
principe de concurrence.
La seconde raison qui explique l'échec du CIADT réside dans le fait que les
zones à couvrir ont été déterminées depuis Paris, à partir d'une étude
théorique nationale ne représentant que très imparfaitement la couverture au
niveau local. Il est donc essentiel - c'est la seconde leçon que nous tirons de
l'échec du CIADT - d'associer étroitement les collectivités locales à toutes
les phases d'élaboration d'un nouveau plan.
Le Gouvernement a retenu ces deux principes essentiels que sont le respect des
règles de la concurrence et la concertation au niveau local pour faire avancer
ce dossier.
En quelques mois, nous avons établi un nouveau plan - en concertation, cette
fois, avec les trois opérateurs -, et je vous remercie, monsieur le rapporteur,
d'avoir bien voulu remarquer que notre plan allait dans la bonne direction.
En quoi consiste-t-il ?
Dans une position commune, les trois opérateurs ont accepté, le 24 septembre
dernier, une solution technique mixte mêlant mutualisation d'infrastructures et
itinérance locale. Le choix entre ces deux options sera déterminé en fonction
de critères techniques et économiques, l'objectif final étant d'optimiser
l'efficacité des investissements.
A partir de la position des opérateurs, le Gouvernement a défini quelques
principes.
Le premier - je le réaffirme ici au nom du Gouvernement - est celui du
financement public des infrastuctures passives. Par conséquent, les pylônes
financés sur fonds publics reçoivent les équipements techniques des trois
opérateurs.
L'engagement financier des pouvoirs publics devrait atteindre 88 millions
d'euros, répartis à parts égales entre l'Etat et les collectivités locales. Ce
montant permettra la construction de 1 200 pylônes assurant la desserte de 1
650 centre-bourgs. Au-delà de cette enveloppe nationale, le Gouvernement
s'efforcera de mobiliser les crédits du fonds européen de développement
régional, le FEDER.
Les engagements pris par les opérateurs le 24 septembre dernier doivent être
rapidement mis en oeuvre. Je m'y emploie aujourd'hui avec fermeté. A la suite
d'une réunion de travail que j'ai organisée le 10 octobre dernier avec les
trois opérateurs, nous avons pu préciser le calendrier : la localisation des
200 pylônes et des trois sites d'expérimentations d'itinérance locale sera
proposé dans les prochains jours au ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, M. Paul Delevoye, et à
moi-même. D'après les premières indications des opérateurs, ces derniers sont
prêts à faire un effort supplémentaire en proposant environ 300 pylônes; la
construction pourra démarrer d'ici à la fin du mois de novembre, dès que la
concertation avec les collectivités locales aura abouti.
Pour suivre la mise en place du déploiement, un comité de pilotage sera
constitué et regroupera les principaux ministères concernés, l'Autorité de
régulation des télécommunications et les associations d'élus locaux. Il sera
chargé en particulier de valider la liste des premiers sites et la répartition
entre itinérance locale et mutualisation.
Mesdames et messieurs les sénateurs, voilà en quelques mots l'état
d'avancement du dossier après trois mois de travail.
Le Gouvernement n'a pas souhaité définir de façon unilatérale un grand plan de
couverture de notre territoire. Au contraire, il a retenu une approche
pragmatique de concertation avec tous les acteurs, afin que la construction des
infrastructures avance le plus rapidement possible.
La proposition de loi déposée par M. Bruno Sido et quatre de ses collègues,
MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy et Girod, nous a beaucoup aidés dans les
négociations que nous avons menées avec les opérateurs, je tiens à le dire. Le
texte que nous examinons aujourd'hui reprend l'essentiel des idées qui nous ont
guidés pour élaborer ce plan : respect de la concurrence, concertation,
itinérance locale.
Afin qu'aucune ambiguïté ne demeure, je voudrais néanmoins revenir sur trois
points de votre texte, monsieur le rapporteur. Ainsi, la cohérence entre
celui-ci et la concertation menée par le Gouvernement sera parfaite.
J'aimerais tout d'abord souligner que le plan du Gouvernement a pour fondement
la notion d'itinérance locale.
Cette technique permet à un utilisateur d'avoir accès aux trois réseaux quel
que soit son abonnement. Cette faculté doit néanmoins être spécifiquement
réservée au niveau local pour la couverture des zones blanches et ne saurait en
aucun cas être étendue au niveau national. En effet, la couverture du
territoire par un opérateur constitue un élément commercial fort, et ce
d'autant plus qu'il a été obtenu au prix d'investissements considérables. La
mise en place de l'itinérance nationale gommerait instantanément les
différences de couverture entre opérateurs et risquerait de réduire les efforts
ainsi consentis ; je pense en particulier aux efforts entrepris avec le
concours de fonds publics par la filiale de France Télécom. Monsieur le
rapporteur, je sais que nous sommes d'accord pour rejeter cette hypothèse.
Cet élément est extrêmement important, car il conditionne l'acceptation du
plan par deux des trois opérateurs. Nous souhaitons donc que le texte de la
proposition de loi précise encore plus explicitement la notion d'itinérance, en
spécifiant bien qu'il ne s'agit que d'itinérance au niveau local.
Par ailleurs, je pense qu'il est important que la concertation s'établisse
localement entre les collectivités et les opérateurs. L'implantation des
pylônes doit être décidée localement, conformément à une méthodologie approuvée
par l'ART. Les préfets de région mèneront une concertation avec les élus locaux
et avec les opérateurs pour définir la meilleure méthode de couverture.
Enfin, il est essentiel que cette proposition de loi s'inscrive dans un cadre
économique cohérent. Nous l'avons vu, nos interlocuteurs sont des entreprises
qui ont déjà réalisé de considérables investissements. Les contraintes
éventuelles qu'une loi pourrait leur imposer ne doivent pas empêcher d'assurer
la pérennité de près de 100 000 emplois, directs et indirects, offerts par ces
sociétés. Il est donc essentiel que la proposition de loi détermine précisément
les engagements des opérateurs et définisse limitativement les zones blanches
qu'ils devront couvrir.
Une couverture absolument totale du territoire ne serait possible - nous en
avons bien conscience - qu'au prix d'investissements colossaux que certaines
analyses estiment à près de un milliard d'euros, alors même que l'utilité d'un
tel objectif serait réduite. En effet, une grande partie des zones aujourd'hui
non couvertes ne sont ni habitées ni régulièrement visitées. Il nous paraît
donc indispensable de concentrer nos efforts sur les zones peuplées,
c'est-à-dire sur les zones de résidence, afin de ne pas gaspiller inutilement
les crédits publics. Les centre-bourgs et les axes prioritaires de transport
feraient partie de ces zones à couvrir.
Monsieur le rapporteur, vous pouvez le constater, le Gouvernement partage
entièrement vos préoccupations. Encore une fois, notre texte nous a permis des
avancées importantes dans l'élaboration d'un plan renforçant la couverture du
territoire.
Soyez assurés, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que
le Gouvernement, en pleine concertation avec les collectivités locales, sera
extrêmement vigilant dans l'avancée de ce dossier.
(Applaudissements sur les
travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Alain Fouché, dont je salue la première intervention.
M. Paul Girod.
Quelle journée !
Mme Marie-France Beaufils.
C'est la journée des nouveaux !
M. Alain Fouché.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les conditions
de la venue de cette discussion, qui ont été évoquées par plusieurs de nos
collègues, méritaient d'être rappelées, car elles montrent de façon manifeste
tout l'intérêt et l'attachement de la Haute Assemblée à l'égard des questions
relatives à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales.
A l'heure de l'Internet et des nouvelles technologies de l'information, à
l'heure où les abonnements à un téléphone mobile sont plus nombreux que ceux à
un téléphone fixe, les élus que nous sommes sont particulièrement soucieux de
cohérence et d'équité.
Concrètement, cela signifie que nous voulons assurer à nos citoyens un égal
accès à ces technologies, quelle que soit leur situation sur le territoire
national.
J'avais moi-même attiré l'attention du Gouvernement sur ce dossier, lors d'une
récente séance de questions d'actualité, le 3 octobre dernier. Notre territoire
est, en effet, inégalement couvert par les réseaux de téléphonie mobile, et ce
au détriment des espaces ruraux. La cartographie de la situation réelle est
d'ailleurs le premier enjeu pour savoir de quoi l'on parle et où l'on veut
aboutir.
L'estimation effectuée par le précédent gouvernement, selon laquelle 92 % du
territoire étaient couverts, s'est révélée inexacte. L'Autorité de régulation
des télécommunications a depuis lors fourni un autre chiffrage, sur la base de
mesures plus précises, d'où il ressort que seuls 80 % du territoire sont
couverts. Le département de la Vienne, dont je suis l'élu, a d'ailleurs fait
partie des vingt-cinq départements qui ont fait procéder à des mesures de
couverture selon la méthodologie de l'ART.
Le téléphone mobile revêt désormais un caractère quasiment indispensable,
s'agissant, bien entendu, de la sécurité, mais également en matière économique.
Le téléphone mobile est devenu un instrument de travail quotidien pour
certaines professions, médicales, industrielles ou artisanales, par exemple.
Des entreprises refusent fréquemment de s'installer dans des zones non
couvertes. Et je ne parle pas de la simple facilité que procure ce mode de
communication pour une population de plus en plus mobile. Nos concitoyens
souhaitent pouvoir téléphoner sur tout le territoire.
L'amélioration de la couverture nationale est donc un enjeu d'avenir - les
différenciations ne sont plus acceptables - et elle est au coeur de toute la
problématique de l'aménagement du territoire.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui tente de remédier à
cette situation de la façon la moins coûteuse possible pour la collectivité.
Ainsi, ce texte vise à assurer la couverture des zones du territoire non
desservies par les opérateurs français de téléphonie mobile en favorisant le
recours à l'itinérance locale - cette question a été largement évoquée tout à
l'heure -, c'est-à-dire à l'installation d'une seule infrastructure pylône et
d'un seul réseau permettant d'accueillir les communications des abonnés de tous
les opérateurs, tout en partageant les charges d'investissement.
Cette initiative doit incontestablement aider à combler le retard pris. En
effet, au CIADT de Limoges, en juillet 2001, le gouvernement de M. Jospin
s'était engagé de façon quelque peu hâtive à couvrir les zones blanches d'ici à
2004. Depuis, il est apparu que les progrès ne se réalisaient que très
lentement, et l'octroi des licences UMTS à deux opérateurs sur trois n'a fait
que rendre la situation plus confuse.
En outre, le montage financier du plan d'action annoncé au CIADT de Limoges
relevait d'une logique étonnante : faire largement appel à la générosité des
collectivités locales, si bien que les moins riches devaient investir dans un
service que les autres se voyaient offert gratuitement.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Absolument !
M. Alain Fouché.
Un an et demi est passé sans amélioration notable de la couverture des zones
blanches. Il est donc maintenant nécessaire d'agir pour atteindre rapidement un
maillage plus complet de notre territoire.
La présente proposition de loi, qui a été déposée dans le courant de l'été,
permet d'ouvrir le débat en proposant le recours à la technique de l'itinérance
locale sous l'égide de l'ART. Elle autorise les collectivités locales qui
souhaitent financer des infrastructures de télécommunications à exiger des
opérateurs qu'ils mettent en place cette itinérance. Elle préserve la
concurrence à l'échelon national, sur la majeure partie du territoire, tout en
permettant la réalisation des infrastructures dans les espaces les plus
difficiles d'accès à un coût moins élevé pour la collectivité.
Nous espérons ainsi contribuer à mobiliser les opérateurs, à accélérer les
arbitrages et à favoriser des décisions rapides et équitables.
Nous connaissons, madame la ministre, tout votre intérêt et celui du
Gouvernement pour ce dossier particulièrement sensible en termes d'équité et
d'aménagement indispensable du territoire.
Après avoir rapidement compris qu'une action des pouvoirs poublics était
nécessaire - vous l'avez rappelé tout à l'heure - vous avez engagé sans retard
une concertation avec les trois opérateurs pour débloquer ce dossier et, grâce
à votre détermination, vous avez obtenu un premier succès par l'accord finalisé
au début du mois d'octobre.
Les positions respectives des trois opérateurs ont ainsi considérablement
évolué et, non seulement ils acceptent l'itinérance, mais ils acceptent aussi
de la financer.
Madame la ministre, vous avez répondu à certaines questions, mais
permettez-moi de rappeler celles qui demeurent.
Il faudra d'abord établir une identification précise des zones à partir de
données réalistes, et ce en concertation avec les collectivités
territoriales.
Il faut aussi savoir quelles sont les portions de territoire retenues.
Il faudra connaître le calendrier des réalisations, car nous n'avons pas
d'indication précise à cet égard.
Il faudra, enfin, définir d'une manière très serrée la répartition des
financements entre l'Etat, les opérateurs, les collectivités publiques et les
fonds structurels européens.
Sur ces quatre points, madame la ministre, nous attendons des précisions.
Vous l'avez compris, nous ne pouvons accepter des distorsions de traitement
qui touchent nos compatriotes dans leur vie quotidienne et provoquent un
sentiment d'abandon dans une partie de notre territoire.
La présente proposition de loi a pour objet de faire prendre conscience de ce
décalage et de contribuer à corriger cette situation.
C'est pourquoi nous y apportons notre entier soutien tout en demeurant très
attentifs aux réponses que le Gouvernement apportera à nos préoccupations.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, lorsque notre
excellent collègue Bruno Sido, prenant dès son arrivée au Sénat des initiatives
hardies
(Sourires),
m'a fait l'honneur de me contacter pour savoir si
j'accepterais d'être cosignataire de sa proposition de loi, je me suis trouvé
moralement honoré, intellectuellement satisfait, et physiquement dans une
situation délicate, parce que je voulais la signer des deux mains et que ce
n'est pas commode.
(Nouveaux sourires.)
La raison en est simple.
Je ne crois pas passer, dans cet hémicycle, pour un rural geignard en ce qui
concerne la notion de ruralité. Mais il est des moments où la rédaction des
textes et l'organisation de notre pays me font penser qu'il y a quelque
hypocrisie quand on sort des espaces urbains. Cette hypocrisie, je voudrais la
caractériser par un point, qui me conduira d'ailleurs, madame le ministre, à
vous poser une question tout à l'heure ; il s'agit de la définition des zones
blanches par l'Agence de régulation des télécommunications : n'est pas une zone
blanche une zone dans laquelle l'un au moins des trois réseaux de téléphonie
mobile est accessible. Cela signifie que dès que l'on sort des zones à forte
densité urbaine, ou bien on n'est plus qu'un tiers de citoyen
(Sourires),
ou bien, de la même manière que les ruraux sont pratiquement tous obligés
d'acheter deux voitures pour pouvoir vivre, il faut acheter trois téléphones et
souscrire trois abonnements, de façon à être - j'allais dire à tout moment - à
égalité avec nos concitoyens des zones à population plus dense.
C'est la raison pour laquelle, très honnêtement, quand j'ai été contacté sur
cette affaire, je me suis dit : enfin, quelque chose bouge ! D'ailleurs, j'ai
constaté avec plaisir, madame le ministre, que les préoccupations de nos
collègues rejoignaient les vôtres et que, dans le même temps, le 24 septembre
dernier, les opérateurs ont trouvé des moyens de s'entendre, ce qu'ils
évitaient soigneusement jusqu'alors.
Par conséquent, je pense que, dès le départ, la proposition de loi de notre
collègue Bruno Sido a aidé tout le monde à revenir un peu à la raison.
Voilà quelques instants, je faisais allusion aux ruraux et à leur obligation
d'acheter deux voitures et trois téléphones. Cela signifie qu'une entreprise
qui souhaite s'établir en milieu rural se retrouve dans les mêmes conditions de
handicap, donc avec des difficultés supplémentaires pour s'implanter dans cet
endroit. Dès lors, c'est tout l'aménagement du territoire, toute la vie des
zones non urbaines d'une bonne partie de notre pays qui se trouvent
indirectement concernés.
D'ailleurs, on rencontre rigoureusement le même problème avec l'ADSL. Je me
permets d'attirer votre attention, madame le ministre, sur le fait que, dans
l'état actuel des choses, une collectivité territoriale rurale sur le
territoire de laquelle passe le faisceau optique qui véhicule l'ADSL, et qui a
sur son territoire une station France Télécom, ne peut pas participer à la mise
en place d'un des groupeurs ADSL dans la station en question au motif que
France Télécom est une entreprise commerciale. Dès lors, la zone industrielle
que cette collectivité a pu à grands frais essayer de mettre en place se
trouve, d'une certaine manière, handicapée, au même titre qu'avec le téléphone
mobile.
Il existe là un réel problème, et nous avons tous intérêt à essayer de le
résoudre.
Je suis heureux de constater que cet ensemble de questions est aujourd'hui
abordé par le biais de l'itinérance locale. Madame le ministre, nous sommes
tous unanimes à penser que cela ne peut se pratiquer que sur cet échelon
précis. Je tiens toutefois à formuler deux observations.
La première observation concerne l'amendement n° 10 présenté par le
Gouvernement, dans lequel il est fait état d'une méthodologie approuvée par
l'Autorité de régulation des télécommunications. Compte tenu de la manière dont
l'ART a abouti à la définition des zones dites « non blanches », c'est-à-dire
celles qui sont couvertes au moins par un opérateur, vous me pardonnerez d'être
prudent quant à l'acceptation éventuelle de cet amendement.
J'en viens à la seconde observation. Jusqu'à une période récente, bien des
opérateurs se préparaient, disaient-ils, à tenir des promesses quelquefois
anciennes concernant la mise en place d'antennes ou de relais sur des pylônes
préexistants. Je crains qu'avec l'adoption de cette proposition de loi et les
nécessaires délais de mise en oeuvre - vous avez en effet parlé, tout à
l'heure, des financements croisés, y compris européens - les opérateurs en
question, qui font déjà preuve d'une certaine mauvaise volonté depuis quelque
temps, n'y trouvent un prétexte supplémentaire pour continuer à différer leurs
promesses.
Il s'agit de deux restrictions relativement mineures, mais je me devais de
vous en faire part. Celles-ci ne m'empêcheront pas de soutenir la présente
proposition de loi, ainsi que l'action de la commission des affaires
économiques, dont nous savons qu'elle n'est jamais indifférente au
développement rural.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la desserte du
territoire en téléphonie mobile et, plus généralement, l'accès aux nouvelles
technologies de l'information sont un enjeu d'aménagement du territoire. Le
précédent gouvernement l'avait bien compris. C'est pourquoi, lors du comité
interministériel d'aménagement et de développement du territoire qui s'est tenu
à Limoges le 9 juillet 2001, il avait pris une série de mesures visant à donner
à tous les territoires l'accès à ce que l'on appelle désormais la société de
l'information.
Parmi toutes ces mesures, j'en évoquerai surtout une, puisqu'elle est au coeur
des débats qui nous occupent aujourd'hui, à savoir l'achèvement de la
couverture en téléphonie mobile en trois ans.
Cette décision a fait suite au rapport remis au Parlement par M. Christian
Pierret, alors secrétaire d'Etat à l'industrie, sur l'état de la couverture en
téléphonie mobile du territoire. Dans ce rapport, on trouve le constat suivant
: 91,6 % du territoire métropolitain était couvert par au moins un réseau
mobile GSM.
Je sais que les mesures prises à Limoges, le rapport de M. Pierret et même ce
pourcentage ont suscité des critiques ou des contestations - tel a été le cas
tout à l'heure encore. D'ailleurs, je vous en donne acte, monsieur le
rapporteur, s'agissant de la couverture du territoire métropolitain, on peut
sans doute plutôt compter sur un taux de couverture de 80 %.
En outre, dans 1 480 communes, le centre-bourg n'est pas couvert. On parle
actuellement de 1 650 centre-bourgs concernés. Nous verrons !
Lors du CIADT de Limoges, il a donc été décidé d'assurer la couverture en GSM
non seulement des lieux de vie dits « permanents », soient les 1 480
centre-bourgs non couverts, mais aussi des lieux de vie dits « occasionnels » -
essentiellement les sites touristiques - et des axes de transport
prioritaires.
Les modalités techniques ont été arrêtées en accord avec les trois opérateurs
de téléphonie mobile. Le système dit de l'« itinérance locale » a été retenu de
préférence à celui dit du « partage des sites », car il présente plusieurs
avantages. D'un moindre coût, il prend mieux en compte les préoccupations
environnementales en évitant la multiplication des infrastructures et, enfin,
il permet un meilleur service rendu aux abonnés, puisque ce dispositif assure
la présence effective des trois opérateurs sur la zone concernée, ce que ne
permet pas nécessairement la solution du partage des sites. Or je sais que vous
tenez à la concurrence, madame la ministre.
Enfin, un plan de financement a été établi. Le coût de l'investissement avait
été évalué, à l'époque à 210 millions d'euros. Les opérateurs avaient consenti
à financer le projet à hauteur de 61 millions d'euros ; l'Etat, pour sa part,
s'était engagé à mobiliser 76 millions d'euros et avait demandé aux
collectivités locales de faire de même.
De cette décision, je ne retiens que deux points : une volonté politique forte
d'aménagement du territoire et des engagements précis de la part de l'Etat mais
aussi des opérateurs.
Entre-temps, la situation financière des opérateurs de téléphonie mobile s'est
dégradée. A l'automne 2001, le Gouvernement a donc décidé, et à juste titre, de
revoir à la baisse le prix des licences UMTS, pour tenir compte de ces
difficultés. En contrepartie, deux opérateurs, mais pas le troisième, qui
n'avait pas à l'époque de licence UMTS, ont accepté de participer davantage au
financement de la couverture mobile et d'accélérer le processus. Leur
participation est, en conséquence, passée à 100 millions d'euros, les
opérateurs s'engageant à compléter la couverture en deux ans, et non trois. Les
pouvoirs publics - Etat et collectivités locales - voyaient, eux, leur
participation se réduire à 40 millions d'euros chacun. Cependant, les
opérateurs sont revenus sur l'un de leurs engagements, du moins sur le volet
technique, en refusant de recourir au système de l'itinérance locale,
prétextant des difficultés techniques.
Vint ensuite la période pré-électorale, ce qui n'est jamais propice -
reconnaissons-le - à l'avancement de ce genre de dossier. Mais le nouveau
gouvernement s'est saisi du dossier. J'en prends acte.
Le 24 septembre dernier, il a annoncé qu'un nouveau protocole avait été signé,
cette fois entre les trois opérateurs de téléphonie mobile - Bouygues Télécom a
désormais une licence UMTS - en vue d'achever la couverture du territoire en
GSM.
Que dit ce protocole et qu'apporte-t-il par rapport aux accords précédents
?
Tout d'abord, il est précisé que ce protocole s'applique « aux zones blanches
identifiées lors du CIADT de Limoges ». Il ne semble donc pas, madame la
ministre - vous le confirmerez - qu'il soit question de revoir cette
cartographie, même s'il est vrai que de nouvelles zones blanches ont été
identifiées, notamment sur l'initiative de l'Autorité de régulation des
télécommunications et des départements.
Pour le zonage, à quelques centaines près, il s'agit donc du
statu
quo.
Sur le plan technique, l'itinérance locale n'est plus la solution privilégiée.
Le texte fait état de « deux approches en parallèle », soit le partage des
sites, soit l'itinérance locale. L'itinérance locale ne sera, en fait, utilisée
que sur les zones blanches étendues. L'accord est donc en deçà des décisions
initialement prises à Limoges.
Sur le calendrier, il y a un certain flou, et l'on ne sait sur quoi se fonder
: sur vos engagements, madame la ministre, ou sur ceux des opérateurs.
Concernant le partage des sites, les opérateurs s'engagent simplement à assurer
la présence effective de deux opérateurs par zone au moins dans les deux ans et
de trois opérateurs « à terme » - pour reprendre l'expression exacte de leur
communiqué - sans que l'on sache quand interviendra ce terme !
S'agissant de l'itinérance locale, la mise en oeuvre du dispositif est
conditionnée à la réalisation d'une phase expérimentale dont on ne connaît pas
la durée. A cela, il faut ajouter le temps nécessaire à l'établissement de la
nouvelle cartographie définissant les zones respectivement couvertes soit par
l'itinérance, soit par la mutualisation des infrastructures.
Enfin, sur le plan financier, là aussi, nous sommes un peu dans le vague.
Notre collègue M. Pierre Hérisson, dans son rapport d'information de février
dernier sur le bilan de la loi de la réglementation des télécommunications,
avait critiqué le volet financier du CIADT de Limoges qu'il commentait en ces
termes : « C'est un système de péréquation inversée - une logique de cumul des
handicaps et des charges (...) ; ceci se révèle contraire aux principes
d'aménagement du territoire. » Ses mots ont dû dépasser sa pensée, notamment au
regard de ce qui nous est proposé aujourd'hui. On nous dit, en effet, que des
crédits seraient mobilisés sur les moyens d'intervention de la DATAR, mais le «
bleu » budgétaire n'y fait nullement référence et les crédits de paiement pour
2003 au titre du budget de l'aménagement du territoire diminuent.
On nous dit encore, et vous venez de le confirmer, que l'on mobilisera des
crédits du FEDER, mais tous les territoires qui ne sont pas couverts par un
réseau GSM ne sont pas obligatoirement éligibles. La clé de répartition arrêtée
à Limoges est-elle maintenue ? Quelle sera la participation exacte de l'Etat ?
Quelle sera celle des collectivités locales ? Nous aimerions que, sur ces
points très importants, le Gouvernement nous réponde avec précision.
On ne peut accepter de faire reposer le financement de la couverture des zones
les moins rentables sur les collectivités les moins riches. Or,
malheureusement, c'est ce vers quoi on s'achemine, si l'Etat n'assume pas ses
engagements.
Les limites que je viens d'évoquer sont celles aussi de la propositon de
loi.
Ce texte consacre, en fait, le rôle des collectivités locales pour assurer la
couverture mobile des zones blanches. Je ne suis pas sûr que cela soit une
bonne chose de la façon dont ce rôle est défini.
Certes, les collectivités locales veulent intervenir dans le secteur des
télécommunications et des nouvelles technologies. Elles sont demandeuses, car
elles savent que ces technologies sont un enjeu d'aménénagement du territoire.
Elles savent aussi que, pour attirer des entreprises ou des touristes, il faut,
certes, des infrastructures traditionnelles comme des routes, des dessertes
ferroviaires ou aériennes, mais qu'il leur faut aussi donner les moyens
d'accéder à ces nouvelles infrastructures de communication que sont les réseaux
à haut débit ainsi que les réseaux de téléphonie mobile.
A ce propos, j'aurais préféré que l'intitulé de la proposition de loi fasse
référence à la couverture de téléphonie mobile, sans préciser « de deuxième
génération ». J'étais d'ailleurs, sur ce point, d'accord avec notre collègue M.
Revol.
Les initiatives des collectivités locales ne manquent donc pas, d'autant que
le régime juridique encadrant l'intervention des collectivités locales en
matière d'infrastructures a été simplifié par la loi du 17 juillet 2001, même
s'il est vrai que nous attendons toujours le décret d'application. Sur ce
point, je souhaiterais que Mme la ministre nous indique quand la publication
est prévue.
Loin de moi l'idée d'empêcher les collectivités locales qui souhaitent
investir dans ce domaine de le faire. Mais, simplement, je constate que toutes
ne peuvent pas et ne pourront pas le faire. Or, sur ce problème de fond, la
proposition de loi n'apporte aucune réponse satisfaisante. Elle met simplement
en oeuvre le principe : « A chacun selon ses moyens. » Visiblement, les
critiques formulées lors de la présentation du rapport d'information sur le
bilan de la loi de règlementation des télécommunications ne sont plus de mise
ou d'actualité.
D'autres points, dans cette proposition de loi, ne me semblent pas
satisfaisants. J'en évoquerai cinq.
L'article 3 pose le principe suivant : dès lors qu'une collectivité finance la
couverture mobile, la technique utilisée est celle de l'itinérance locale. Je
souscris à ce principe. Néanmoins, cet article prévoit immédiatement après une
dérogation : dès lors que les trois opérateurs se sont mis d'accord, la
technique du partage des sites peut être utilisée, sans, visiblement, que les
collectivités concernées aient leur mot à dire.
Le calendrier retenu n'est guère précis : la date butoir du 1er juillet 2004,
prévue par la proposition de loi initiale, a disparu.
L'établissement d'une nouvelle cartographie des zones à couvrir est requise.
Cette proposition est intéressante. Cependant, quelle sera
in fine
sa
portée pratique, dès lors que nous ne savons pas comment sera financée la
couverture des zones nouvellement retenues ?
Un rôle très important est confié à l'Autorité de régulation des
télécommunications. Ce faisant, je crains que les règles du droit à la
concurrence ne prévalent sur les impératifs d'aménagement du territoire.
Enfin, je note que la solution retenue peut aboutir à la mise en place d'un
service de moindre qualité pour ces zones, ce qui est contraire au principe
d'égalité et présage mal d'une éventuelle inscription de la téléphonie mobile
dans le service universel.
En fin de compte, cette proposition de loi montre les limites de la dynamique
concurrentielle, dès lors qu'une préoccupation d'intérêt général est en jeu. Si
une telle préoccupation a bien été le moteur essentiel du développement de la
téléphonie mobile sur notre territoire, force est de constater que,
aujourd'hui, les seules forces du marché ne suffisent plus ni pour permettre à
tous, en tout point du territoire, l'accès à ces services de télécommunication,
ni même simplement pour améliorer la desserte en GSM.
Il faut donc constater la carence du marché dans ce domaine, dès lors que la
rentabilité et les profits ne sont plus au rendez-vous, du moins dans
l'immédiat. La proposition de loi en tire partiellement les conséquences en
substituant l'initiative publique à l'initiative privée, qui fait défaut. Mais
cette initiative publique, celle des collectivités locales, n'est pas la
panacée : comme je l'ai déjà dit, toutes les collectivités locales n'ont pas
les mêmes moyens. Elle est d'autant moins la panacée que l'Etat ne fixe pas
entièrement ses engagements.
Je crois qu'il aurait été préférable que le législateur porte de nouvelles
ambitions pour le service public des télécommunications. C'était d'ailleurs le
sens des conclusions de notre collègue M. Pierre Hérisson dans le rapport que
j'ai déjà cité. Le téléphone mobile a tout désormais d'un service universel.
Comme le souligne M. le rapporteur dans une formule un peu ramassée, « le
téléphone mobile est devenu un outil plus important que le téléphone fixe dans
la vie des Français ». L'intégrer dans le service universel, c'est d'abord
garantir son universalité et donc une couverture étendue, c'est aussi s'assurer
d'un financement mutualisé et c'est, enfin, la possibilité d'imposer un service
de qualité à prix abordable.
Avec une telle reconnaissance du rôle des collectivités locales dans le
domaine du GSM, le combat auprès de nos partenaires européens pour faire
évoluer la notion de service universel, par lequel vous nous avez déclaré,
madame la ministre, vous battre, risque, je le crains, d'être plus difficile à
mener.
Un nouveau rendez-vous européen est prévu en mars 2004 pour redéfinir le
service universel. A cette date, si l'on s'en tient au calendrier de la
proposition de loi, l'extension de la desserte du territoire en téléphonie
mobile sera loin d'être achevée. Le Gouvernement devra alors prendre des
positions fermes pour inclure la téléphonie mobile dans le service
universel.
Lors de l'examen de la directive relative au service universel des
télécommunications, le gouvernement de Lionel Jospin s'est battu pour que
soient intégrés dans la définition de ce service la couverture mobile ainsi que
l'Internet à haut débit. Il n'a certes pas obtenu gain de cause. Néanmoins, il
n'a pas été isolé dans sa démarche : l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, la
Grèce et l'Irlande ont rejoint les positions françaises. Il faudra donc être
présent au rendez-vous de mars 2004.
M. le rapporteur nous a indiqué que cette proposition de loi n'avait pas
vocation à être définitivement adoptée. Elle a simplement pour objet de faire
pression sur les opérateurs et de leur mettre une épée dans les reins afin
d'accélérer la couverture du territoire en téléphonie mobile. J'ajouterai qu'il
faut aussi faire pression sur le Gouvernement pour qu'il soutienne plus qu'il
ne l'a fait jusqu'à maintenant les collectivités locales dans cet effort.
Nous appouvons cette démarche. Cependant, nous ne souhaitons pas que cette
proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, puisse avoir force de loi. Nous
en avons, en effet, montré les limites, et aussi les dangers.
A l'heure où nous nous apprêtons à discuter d'une importante révision de la
Constitution portant sur la décentralisation, l'exemple de la téléphonie mobile
doit nous amener à une certaine prudence si l'égalité des territoires, mes
chers collègues, principe qui est au coeur de la politique d'aménagement du
territoire, a un sens à nos yeux.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.
- M. Hilaire Flandre applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'accès aux
nouvelles technologies de communication constitue aujourd'hui un levier
essentiel en matière de développement économique et social. L'absence de
couverture de nombreuses communes - environ 1 500 dans l'hypothèse la plus
optimiste, mais qui est loin de refléter la situation actuelle - constitue donc
un facteur particulièrement handicapant pour l'avenir de certains espaces de
notre territoire. Le risque d'une fracture territoriale, avec la formation de
poches d'exclusion, de zones économiquement retardées est bien réel !
Nous ne pouvons pas rester indifférents à ce risque qui compromet à terme
l'équilibre de notre territoire en favorisant les inégalités et les
exclusions.
Nous le pouvons d'autant moins que le secteur des télécommunications traverse
actuellement une crise dont l'ampleur est des plus préoccupantes. Aucun segment
de la filière ne semble épargné. Sur le plan tant national qu'européen, les
suppressions massives d'emplois se multiplient aussi bien chez les
équipementiers que chez les opérateurs, suppressions d'emplois révélatrices de
l'entrée, après la débâcle financière, dans une phase profonde de
dépression.
Dans ce contexte particulièrement perturbé, nous devons réagir, trouver
rapidement des solutions afin de rendre accessibles, sur l'ensemble du
territoire et à des tarifs abordables et équitables, ces nouvelles technologies
de communication au premier rang desquelles figure la téléphonie mobile.
Ce serait là répondre aux besoins et aux aspirations de nos concitoyens,
contribuer aussi à leur émancipation en soumettant ce bien particulier qu'est
la communication aux obligations fondamentales de service public dans le
respect même de ses principes fondateurs, en l'occurrence celui de
l'adaptabilité aux nouveaux besoins.
Ce serait là - mais il y a loin de la coupe aux lèvres - reconnaître que la
communication n'est pas une marchandise et qu'
a fortiori
le droit et
l'égalité de tous à la communication doivent être garantis.
Hélas ! tout nous porte à croire aujourd'hui que nous reculons sur les
principes essentiels, que le réel volontarisme politique fait défaut dans un
domaine qui constitue, à n'en pas douter, l'un des enjeux majeurs de notre
société.
Certains membres de la commission des affaires économiques ont pris
l'initiative de demander l'inscription à l'ordre du jour de ce texte qui
exprime le souci de remédier à l'insuffisante couverture territoriale en
téléphonie mobile. Au vu de son contenu et de certaines de ses orientations,
nous demeurons des plus perplexes quant à l'opportunité d'une telle loi et des
plus dubitatifs quant à son efficacité.
Selon les propres termes de notre collègue M. Sido, rapporteur de ce texte,
cette proposition de loi vise à donner une impulsion aux engagements pris lors
du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 9
juillet 2001 en réhabilitant l'itinérance locale. Ce comité interministériel
avait prévu, dans un délai de trois ans, l'extension de la couverture en
téléphonie mobile de deuxième génération à des zones considérées comme
prioritaires, des zones blanches définies comme « l'ensemble des lieux de vie
permanents et occasionnels - sites touristiques - et des axes de transport
prioritaires. »
Je tiens, monsieur le rapporteur, à attirer votre attention sur le caractère
particulièrement limité de l'extension de la couverture au vu de la définition
très restrictive des zones prioritaires. Par ailleurs, le dispositif financier
fait immédiatement ressortir la faiblesse des contributions de chacun des
opérateurs - environ 10 % - comparées aux financements publics. Nous savons
que, pour ces collectivités locales, ces charges financières sont d'autant plus
élevées qu'elles ont un potentiel fiscal faible.
Vous prenez note, monsieur le rapporteur, du recul des opérateurs sur leurs
engagements financiers pris à la suite du comité interministériel de juillet
2001. Les nouvelles conditions d'attribution des licences UMTS laissent aux
opérateurs des marges financières importantes. J'observe, quant à moi, les
limites de la privatisation, et j'ai cru comprendre que notre collègue Paul
Girod les constatait également tout à l'heure Une fois de plus, on fait appel
au financement public pour suppléer la défaillance du secteur privé lorsqu'il
s'agit de répondre à des exigences en matière de service public. Ne nous
voilons pas la face : la sollicitation des fonds publics devait permettre
d'assurer un minimum de rentabilité aux projets d'investissement
d'infrastructures et de réseaux. Au vu des bénéfices engrangés dans ce secteur
ces dernières années, c'est une augmentation de la participation financière des
opérateurs que nous aurions dû exiger au titre du service public !
Au lieu de cela, les profits ont servi à alimenter la spéculation financière
au détriment d'investissements à plus long terme fondés sur un véritable projet
industriel favorisant les synergies entre opérateurs et équipementiers.
Nous héritons aujourd'hui des conséquences économiques et sociales de
l'éclatement - somme toute prévisible - de la bulle financière. Quel gâchis
!
De plus, tous les opérateurs repoussent leur projet d'investissement en
téléphonie mobile de troisième génération. Ainsi, l'Espagnol Telefonica et le
Finlandais Sonera ont finalement abandonné leur licence norvégienne et
allemande. Orange retarde son programme d'équipement troisième génération en
Suède. En Europe et en France même, la plupart des investisseurs GSM font
preuve d'attentisme. Dans le même temps, après la course au gigantisme,
certains d'entre eux - c'est le cas de Bouygues et de Telecom Italia - semblent
opérer un repli sur leur base nationale.
Les opérateurs historiques croulent aujourd'hui sous le poids de dettes
colossales, résultat de stratégies de développement vers l'international
fondées, dans un contexte d'euphorie boursière, sur l'acquisition au prix fort
de multiples actifs. Ce type de stratégies, axées sur la recherche de la
rentabilité à court terme, montre, à travers le coût social énorme qu'il induit
pour l'ensemble de la collectivité, toutes ses limites.
Nous ne considérons pas pour autant que le développement vers l'international
soit condamnable en soi. Mais il l'est incontestablement lorsque, en l'absence
de véritable projet industriel, il laisse primer la logique de rentabilité à
court terme et place nos industries sous la coupe des marchés financiers et des
actionnaires.
Les propos d'un grand économiste, fin observateur et connaisseur des
mécanismes des marchés financiers, nous mettaient en garde, il y a déjà bien
longtemps, contre les emballements spéculatifs que peut générer, si l'on n'y
veille, leur propre fonctionnement : « Les spéculateurs peuvent être aussi
inoffensifs que les bulles d'air dans un courant régulier d'entreprises. Mais
la situation devient sérieuse lorsque l'entreprise n'est plus qu'une bulle
d'air dans le tourbillon spéculatif. Lorsque, dans un pays, le développement du
capital devient le sous-produit de l'activité d'un casino, il risque de
s'accomplir dans des conditions défectueuses. »
Notre secteur des télécommunications doit être dégagé des contraintes
qu'exerce sur lui la finance. La dette de plus de 70 milliards d'euros de
France Télécom, sa charge et son échéance auraient dues être renégociées avec
ceux des créanciers qui ont avalisé la stratégie de l'entreprise et qui doivent
donc aussi assumer leur part de responsabilité !
C'est en profondeur qu'il nous faut aujourd'hui revoir le fonctionnement de
notre système bancaire et financier afin d'éviter qu'après la phase
d'assainissement boursier que nous vivons, une nouvelle euphorie boursière ne
se déclenche autour des valeurs des nouvelles technologies.
Et n'hésitons pas à le dire, une loi de type Sarbanes-Oxley, pour importante
et nécessaire qu'elle soit, ne suffira pas à réorienter les moyens de
financement dont a besoin ce secteur vers un développement à long terme
privilégiant l'emploi et la formation, ainsi que la péréquation tarifaire et
géographique.
Loin de laisser à l'initiative privée le soin de multiplier les réseaux, ce
qui, sur le plan économique, est loin d'être efficace, nous devons intervenir
pour favoriser la mutualisation des infrastructures et des réseaux sur
l'ensemble du territoire. Cette mise en commun des investissements,
financièrement moins coûteuse, permettrait en outre de réduire le nombre des
pylônes et des relais, dans un souci de préservation de l'environnement et de
réduction des méfaits probables sur la santé des citoyens.
En ce sens, la contribution de fonds publics aux zones prioritaires, outre
qu'elle renvoie à une conception pour le moins étroite des obligations de
service public, doit être subordonnée à une réflexion sur les choix opérés par
les opérateurs et équipementiers. C'est à un véritable bilan du mouvement
européen de libéralisation que nous devrions nous livrer.
Si nos collègues qui ont pris l'initiative de cette proposition de loi
reconnaissent l'actuelle défaillance des opérateurs privés, ils ne parviennent
toujours pas, manifestement, à prendre conscience des méfaits du libéralisme et
de la gravité de la crise actuelle du secteur des télécommunications !
Pourtant, des incertitudes demeurent quant à la participation du troisième
opérateur ; son retrait occasionnerait l'exclusion du bénéfice de l'extension
concernant 20 % du parc d'abonnés. Qu'en sera-t-il de SFR dans le cas probable
où il serait englouti par Vodafone ?
Le CIADT de juillet 2001 liait les opérateurs à des engagements financiers
concrets. Qui nous dit que, demain, les opérateurs ne feront pas pression sur
les collectivités locales pour qu'elles accroissent leur contribution ?
Nous ne pouvons accepter que les collectivités locales les plus pauvres
prennent à leur charge financièrement de telles missions. C'est à l'Etat qu'il
revient, à travers une politique soucieuse de notre service public, de
contraindre les opérateurs privés à réorienter une partie de leurs bénéfices au
profit des obligations de service public.
Dans votre proposition de loi, chers collègues, vous laissez une part belle à
l'Autorité de régulation des télécommunications. Nous pouvons comprendre
l'intérêt d'utiliser une structure existante mais, étant donné son caractère
aussi peu démocratique, nous pensons inutile de lui faire jouer un rôle plus
important.
Nous reconnaissons l'urgente nécessité d'équiper les zones prioritaires mais,
en même temps, le Gouvernement a les moyens, à partir des obligations inscrites
dans le cahier des charges des opérateurs, d'imposer la mise en oeuvre de
l'itinérance locale : M. le rapporteur lui-même en convient. Vous le disiez
sous le gouvernement précédent, le recours à la loi n'est pas toujours la
solution.
Nous nous heurtons à la volonté des opérateurs d'investir dans les secteurs
géographiques moins rentables. Le prochain CIADT de mi-décembre ne serait-il
pas l'outil efficace pour que le Gouvernement résolve ce problème d'égalité de
traitement des citoyens, quels que soient les lieux où ils vivent ?
Nous estimons, quant à nous, qu'un pôle public est l'unique garant d'une
couverture de la totalité du territoire national. Qu'il soit rural ou urbain,
il est le seul à assurer l'égalité des citoyens face à l'accès aux nouveaux
outils de communication.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'article L. 32 du code des postes et télécommunications est
complété par un 16° ainsi rédigé :
« 16° Itinérance.
« On entend par prestation d'itinérance celle qui est fournie par un opérateur
de radiocommunications mobiles à un autre opérateur de radiocommunications
mobiles en vue de permettre l'accueil, sur le réseau du premier, des clients du
second. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour le
16° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications par le mot :
"locale".
« II. - En conséquence, procéder à la même modification dans l'ensemble de la
proposition de loi. »
L'amendement n° 1, présenté par M. Vial, est ainsi libellé :
« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour le 16° de
l'article L. 32 du code des postes et télécommunications, après le mot :
"itinérance", ajouter le mot : "locale".
« II. - Dans le second alinéa dudit texte, après les mots : "d'itinérance",
insérer le mot : "locale". »
La parole est à Mme la ministre déléguée pour présenter l'amendement n° 7.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Cet amendement tend à préciser la notion d'itinérance
locale. Encore une fois, j'ai le sentiment que M. le rapporteur et moi-même
sommes tout à fait d'accord ; mais parfois, selon le vieux dicton, les choses
vont encore mieux en les disant !
Tel est donc l'objet de l'amendement n° 7, comme celui de l'amendement n° 1.
Je souhaiterais d'ailleurs que son auteur, M. Vial, ait la gentillesse de le
retirer au profit de celui du Gouvernement.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Vial pour défendre l'amendement n° 1.
M. Jean-Pierre Vial.
Je vais satisfaire à la demande de Mme la ministre, et je retire donc mon
amendement.
M. le président.
L'amendement n° 1 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 7 ?
M. Bruno Sido,
rapporteur.
L'amendement n° 7, déposé par le Gouvernement, tend à
préciser que le texte traite bien d'« itinérance locale », et non pas
simplement d'« itinérance ». Il qualifie de « locale » l'itinérance à chaque
occurrence de ce mot dans le texte. Le Gouvernement souhaite ainsi parer à tout
risque de dérive vers l'imposition d'une itinérance nationale. Je n'y vois
aucune objection, puisque notre intention est bien évidemment d'écarter
l'itinérance nationale.
En effet, je veux rappeler l'importance qu'il y a à bien distinguer entre les
deux types d'itinérance. L'itinérance nationale permet à un opérateur mobile
d'offrir à ses abonnés, en tout point du territoire, l'accès au réseau d'un
autre opérateur, tandis que l'itinérance locale limite à certaines zones
géographiques la disponibilité de cette prestation.
En l'état actuel du jeu concurrentiel, il serait inconcevable de recourir à
l'itinérance nationale : une telle démarche ruinerait immédiatement tous les
efforts consentis par les opérateurs mobiles pour étendre leur couverture
territoriale et pour se démarquer de leurs concurrents par la qualité des
services qu'ils proposent.
A l'inverse, l'itinérance locale n'altère en rien l'équilibre concurrentiel,
puisqu'elle amènera chacun des trois opérateurs à accroître « de manière
comparable » la couverture qu'ils offrent à leurs abonnés respectifs.
Si je souscris entièrement au souhait du Gouvernement de circonscrire le champ
des obligations d'itinérance à certaines zones, je dois tout de même faire part
de ma réserve sur l'opportunité de la précision apportée par cet amendement à
l'article 1er, lequel ne fait que définir l'itinérance.
Du strict point de vue logique et puisque la proposition de loi est sans
ambiguïté, il m'aurait paru préférable de définir d'abord le concept
d'itinérance dans l'article L. 32 du code des postes et télécommunications
consacré aux définitions, avant d'envisager sa déclinaison locale. Grâce à
l'amendement n° 7, tous les autres articles n'évoqueront en effet que l'«
itinérance locale ».
Au-delà de cette légère divergence d'approche sur laquelle je ne veux pas
insister, je ne considère que l'essentiel : l'intention du Gouvernement, qui
est la nôtre. C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur
l'amendement n° 7.
M. le président.
La parole est à M. Daniel Raoul pour explication de vote.
M. Daniel Raoul.
Nous ne pouvons qu'être favorables à l'amendement n° 8 puisque nous avions
proposé un amendement identique à la commission. Pour une fois, madame la
ministre, nous suivrons donc le Gouvernement !
(Sourires.)
M. Paul Girod.
Ah !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 7.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour le 16° de
l'article L. 32 du code des postes et télécommunications, après le mot :
"permettre", insérer les mots : "sur une des zones mentionnées au deuxième
alinéa de l'article 3 de la loi n° ...... relative à la couverture territoriale
en téléphonie mobile de deuxième génération par la mise en oeuvre prioritaire
de prestations d'itinérance locale entre opérateurs". »
L'amendement n° 2, présenté par M. Vial, est ainsi libellé :
« Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour le 16° de
l'article L. 32 du code des postes et télécommunications, après les mots : "en
vue de permettre", insérer les mots : "sur une zone déterminée". »
La parole est à Mme la ministre déléguée pour défendre l'amendement n° 8.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
L'amendement n° 8, qui repose sur la même idée que
l'amendement qui vient d'être adopté, a seulement pour objet de préciser les
zones visées, en l'occurrence les zones blanches.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Vial pour défendre l'amendement n° 2.
M. Jean-Pierre Vial.
Monsieur le président, l'amendement n° 2 relève de la même démarche que
l'amendement n° 1 que j'ai retiré. Par souci d'harmonie, je retire donc
également l'amendement n° 2.
M. le président.
L'amendement n° 2 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 8 ?
M. Bruno Sido,
rapporteur.
L'amendement n° 8 du Gouvernement et l'amendement n° 2 que M.
Vial vient de retirer tendent à définir l'itinérance locale en complétant le
texte actuel, qui ne définit que l'itinérance générale. Il s'agit donc
d'amendements de conséquence par rapport aux amendements précédemment
examinés.
Alors que le Gouvernement vise « une des zones mentionnées au deuxième alinéa
de l'article 3 de la présente loi », notre collègue proposait la formule « sur
une zone déterminée ».
Ces deux amendements ont été mis en concurrence devant la commission, qui a
préféré la rédaction de M. Vial.
La commission a en effet estimé qu'il valait mieux éviter d'introduire dans le
code une définition dont la validité est conditionnée par l'existence d'une
loi.
Elle a également considéré que les précisions de nature normative sur les
périmètres des zones d'itinérance locale ne devraient pas figurer à l'article
1er, dont l'objet est de définir l'itinérance locale et non pas de fixer des
obligations.
La commission préférait donc la formulation plus neutre et plus générale de M.
Vial ; mais, comme celui-ci a retiré son amendement, elle souhaiterait, avant
de se prononcer sur l'amendement du Gouvernement, savoir quelle lecture il faut
en faire.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Je vous confirme, monsieur le rapporteur, que le
Gouvernement fait de cet amendement la même interprétation que vous.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido,
rapporteur.
J'entends bien, madame la ministre, que nous partageons la
préoccupation de bien délimiter le présent texte, et c'est pourquoi j'invite
mes collègues à adopter l'amendement du Gouvernement.
M. le président.
La parole est à M. Daniel Raoul contre l'amendement.
M. Daniel Raoul.
Nous sommes contre l'amendement présenté par le Gouvernement, car il a pour
conséquence d'empêcher l'application de l'itinérance locale dans les zones qui
ne sont pas identifiées à l'article 3 et donc de limiter l'intervention des
collectivités locales. Nous préférions la rédaction plus large de M. Vial.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 8.
M. Paul Girod.
Je m'abstiens !
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
M. Paul Girod.
Je m'abstiens !
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Le huitième alinéa (e) du I de l'article L. 33-1 du même code est
complété
in fine
par les mots : "ou d'itinérance locale." »
L'amendement n° 3, présenté par M. Vial, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial.
L'itinérance locale se définit principalement par le partage des
infrastructures d'un seul opérateur pour le compte des autres. La précision
concernant les modalités de partage des infrastructures devrait donc suffire à
couvrir le cas de l'itinérance, sans qu'il soit nécessaire d'ajouter les termes
: « ou d'itinérance locale ».
C'est la raison pour laquelle je souhaite la suppression pure et simple de
l'article 2.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido,
rapporteur.
M. Vial estime que l'itinérance locale est une forme de
partage d'infrastructures. Il juge donc qu'il est inutile de compléter les
clauses types du cahier des charges des opérateurs par l'évocation des
prescriptions exigées par l'itinérance locale et qu'il suffit de conserver la
rédaction actuelle des clauses types, laquelle ne fait référence qu'au seul
partage d'infrastructures.
Je pense au contraire qu'il est utile de conserver l'article 2, l'itinérance
locale n'ayant rien de commun avec le partage d'infrastructures.
L'itinérance locale repose en effet sur le déploiement d'un seul réseau par un
seul opérateur, qui s'engage à accueillir sur son réseau les appels des
abonnées des autres réseaux. Le partage d'infrastructures, quant à lui,
signifie le déploiement d'un réseau de téléphonie mobile propre à chaque
opérateur, ces réseaux étant toutefois supportés par des infrastructures
passives communes.
Les clauses types du cahier des charges des opérateurs doivent donc, selon
moi, inclure explicitement les prescriptions exigées par l'itinérance
locale.
C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n°
3.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Le Gouvernement partage l'avis défavorable de la
commission.
Il y a bien deux technologies différentes pour couvrir les zones peu denses,
l'itinérance locale et le partage d'infrastructures. De ce fait, il me semble
tout à fait cohérent de modifier les clauses types des opérateurs contenues
dans le code des postes et télécommunications pour y intégrer l'itinérance
locale.
M. le président.
L'amendement n° 3 est-il maintenu, monsieur Vial ?
M. Jean-Pierre Vial.
Au bénéfice des observations qui viennent d'être formulées, je le retire,
monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Lorsque les collectivités territoriales font application de
l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, les zones,
qui incluent des lieux de vie permanents ou occasionnels ou des axes de
transport prioritaires et qu'elles ont identifées comme n'étant couvertes par
aucun opérateur de radiocommunications mobiles, sont couvertes en téléphonie
mobile de deuxième génération, par l'un de ces opérateurs chargé d'assurer une
prestation d'itinérance locale.
« Ces zones sont identifiées au terme d'une campagne de mesures menée
conformément à la méthodologie définie par l'Autorité de régulation des
télécommunications. Elles font l'objet d'une cartographie assortie du nombre de
sites relais à financer et de leur positionnement prévisionnel, qui est
transmise par les préfets de région à l'Autorité de régulation des
télécommunications dans les trois mois suivant la promulgation de la présente
loi.
« L'Autorité de régulation des télécommunications, après consultation des
opérateurs et des collectivités territoriales, répartit entre les opérateurs
les zones visées à l'alinéa précédent, dans des conditions objectives,
transparentes et non discriminatoires. Elle dresse le calendrier prévisionnel
de déploiement des pylônes et d'installation des équipements électroniques de
radiocommunication. L'Autorité de régulation des télécommunications transmet
cette répartition et ce calendrier au ministre chargé des télécommunications et
au ministre en charge de l'aménagement du territoire, dans les six mois suivant
la promulgation de la présente loi. L'ensemble du déploiement est achevé deux
ans après la réception du calendrier prévisionnel par les ministres
concernés.
« Par dérogation à la règle posée au premier alinéa, la couverture en
téléphonie mobile de deuxième génération dans certaines des zones visées est
assurée, si tous les opérateurs de radiocommunications mobiles en conviennent,
par le partage des infrastructures destinées à supporter des réseaux de
télécommunications, créées par les collectivités territoriales en application
de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales. ».
La parole est à M. le président de la commission sur l'article.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
L'article 3 constitue le coeur de cette
proposition de loi à laquelle j'attache une très grande importance.
Je tiens d'ailleurs à dire, cher Daniel Raoul, que, si le CIADT de Limoges
avait suscité des espoirs entre l'intention, que nous partagions, et le
résultat de l'action, il y eut... un pylône. C'est pourquoi il nous a paru
essentiel que le Sénat, toujours attentif à l'aménagement équilibré du
territoire, se saisisse du dossier. Et je veux remercier M. Bruno Sido, qui,
partant d'observations dont certaines émanaient du groupe d'études du Sénat sur
les postes et télécommunications, a conduit l'élaboration de cette proposition
de loi, nous y a associés et a accepté que nous l'enrichissions.
Je rends hommage à son expérience d'élu d'un département où, en fait, les
zones blanches étaient bien plus étendues que ne le laissait entrevoir une
analyse dont je ne dirai pas qu'elle était proposée par l'Autorité de
régulation des télécommunications, mais qu'inspirait peut-être une lecture un
peu préfectorale de la réalité !
C'est cela l'initiative parlementaire, et nous étions aussi dans notre rôle en
aidant le Gouvernement à amener au début de l'automne les opérateurs à des
dispositions favorables, et les uns et les autres à sortir enfin de leur
ignorance mutuelle.
Vision de l'aménagement du territoire, mais aussi vision de l'équilibre
économique : j'ai le souvenir qu'en 1996, pour l'un des opérateurs qui n'avait
pas le même avis qu'aujourd'hui, je me suis battu contre la notion d'itinérance
nationale non pas pour faire plaisir à tel ou tel mais parce que, si nous
avions imposé en 1996 l'itinérance nationale, il n'y aurait pas eu
d'investissement et nous serions retombés, madame Beaufils, dans la situation
que nous avions connue.
Je rappelle que le duopôle avait eu pour résultat de faire de notre pays le
dernier pays européen avec la Grèce en matière d'équipement en téléphonie
mobile en 1994.
On comptait moins de 500 000 abonnés, qui généraient certes un chiffre
d'affaires particulièrement intéressant ; mais qu'est-ce-que 500 000 abonnés au
regard de la notion de service universel sur laquelle la réflexion s'engagera
en 2004, et qui étaient ces 500 000 abonnés ? La téléphonie mobile ne
concernait que les dirigeants de grandes entreprises et tous ceux qui pouvaient
payer des factures élevées. De service universel, il n'y en avait point.
Aucun pays d'Europe, sinon le nôtre, n'a multiplié par quarante depuis 1996 -
et le coefficient serait de quatre-vingt si l'on prenait 1994 comme année de
référence - le nombre de ses abonnés au réseau mobile.
C'est donc bien que la concurrence a stimulé le marché, alors que le monopole
de fait lié au duopôle l'entravait. Reconnaissons que la concurrence a eu là un
effet positif !
Je n'en suis pas moins favorable à une concurrence régulée, chacun le sait. Il
faut un cahier des charges et des bases de régulation. Aujourd'hui, en aidant
le Gouvernement, en contribuant à ce que les opérateurs se mettent autour de la
table, nous participons à la régulation. C'est notre rôle de politiques que de
savoir quel aménagement du territoire nous voulons.
J'ai entendu les propos de notre collègue Paul Girod et j'y ai été sensible.
Même à moins de 60 kilomètres de Paris, la naissance d'une communauté de
communes me le démontre encore, il y a une formidable différence d'attractivité
entre les communes qui sont équipées de l'ADSL et celles qui ne le sont pas.
Si nous « collions » l'UMTS, dont nous savons déjà que le destin est incertain
- tous les pays d'Europe repoussent son horizon, ce qui n'est pas sans
conséquence sur les opérateurs historiques, sur la concurrence et sur les
équipementiers - nous « plomberions » son avenir.
Je prends donc rendez-vous. Dans quelques années nous aurons sans doute le
même débat sur l'UMTS si nous n'anticipons pas. Nous devrons, le moment venu,
reconnaître la pertinence de la troisième génération, pour qu'elle s'impose à
l'ensemble du pays.
En écoutant Paul Girod, je me faisais la réflexion que, grâce à Bruno Sido,
nous avons une vision trinitaire tout à fait orthodoxe du téléphone mobile.
Trois en un, c'est finalement ce qui ressortira de nos débats.
J'ajoute que la présente proposition de loi s'inscrit, presque symboliquement,
à une semaine de l'ouverture du débat sur la décentralisation et de l'examen du
projet de loi constitutionnel qu'ont voulu le Premier ministre, le Président de
la République et le Gouvernement, et c'est bien de liberté locale que nous
traitons, d'autant que ce texte permettra aux collectivités locales de faire
quelques économies...
M. Bernard Piras et Mme Odette Terrade.
On en reparlera !
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
De facto,
mes chers collègues, qu'on
le veuille ou non !
Monsieur Raoul, je voudrais vous rappeler que le rendez-vous est fixé à 2004
s'agissant du service universel et de son évolution. La loi l'a prévu ainsi à
l'extension de la téléphonie mobile dans le cadre du service universel ne sera
pas sans conséquences pour notre opérateur historique. C'en sera alors fini, si
je puis dire, du monopole du service universel, puisque, par ce biais, nous
ouvrirons celui-ci à la concurrence. C'est un principe dont nous avons déjà
débattu.
Pardonnez-moi, madame la ministre, mes chers collègues, d'avoir été un peu
long sur ce sujet essentiel. Je remercie encore une fois M. Bruno Sido d'avoir
été le promoteur, à partir de son expérience territoriale, d'une avancée qui me
paraît importante.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
L'amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
« Lorsque les collectivités territoriales font application de l'article L.
1511-6 du code général des collectivités territoriales en matière de
radiocommunication mobile de deuxième génération, les zones, incluant des
centre-bourgs et des axes de transport prioritaires, qu'elles ont identifiées
comme n'étant couvertes par aucun opérateur de radiocommunication mobile, sont
couvertes en téléphonie mobile de deuxième génération, par l'un de ces
opérateurs chargé d'assurer une prestation d'itinérance locale. »
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Cet amendement vise à préciser la définition des zones
de couverture, en mentionnant explicitement les centre-bourgs et les axes de
transport prioritaires.
Il s'agit d'indiquer que la couverture du territoire en téléphonie mobile doit
être étendue dans les lieux de vie. Il ne s'agit pas, je le précise bien,
d'exclure des communes du champ d'application de l'article. La notion de
centre-bourg est d'ailleurs répertoriée par l'INSEE et couvre la grande
majorité des habitants de la commune.
La rédaction que nous proposons permet de garantir que les fonds publics
seront utilisés pour construire des infrastructures destinées à desservir un
maximum d'habitants.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido,
rapporteur.
L'amendement n° 9 me semble avoir deux objets.
En premier lieu, il vise à préciser que les investissements des collectivités
locales en matière d'infrastructures de télécommunications doivent concerner la
téléphonie mobile de deuxième génération pour que soit valablement ouvert aux
collectivités locales le droit d'obtenir des opérateurs la couverture par
itinérance locale des zones à couvrir. Cette précision est bienvenue. Il n'est
pas question, par exemple, qu'une collectivité ayant investi dans la fibre
noire en tire le droit d'exiger l'itinérance locale en matière de téléphonie
mobile de deuxième génération.
En second lieu, il tend à remplacer les expressions : « lieux de vie
permanents ou occasionnels » et : « axes de transport prioritaires », héritées,
comme nous l'avons indiqué, du CIADT de juillet 2001, par les expressions : «
centre-bourgs » et : « axes de transport prioritaires ».
La première substitution ne pose pas de difficulté à la commission,
puisqu'elle concorde avec l'esprit du texte. En effet, la proposition de loi
vise non pas la couverture intégrale du territoire, mais bien celle des
mairies, ce qui se rapproche de la notion de centre-bourgs que vous suggérez de
retenir, madame la ministre.
Je souhaiterais par ailleurs, madame la ministre, que vous m'éclairiez sur un
point de la rédaction présentée par votre amendement. Ce dernier vise les zones
incluant des centre-bourgs et des axes de transport prioritaires : il est donc
plus restrictif que notre rédaction, qui évoquait des zones incluant des
centre-bourgs « ou » des axes de transport prioritaires. Pardonnez-moi de
soulever ce point de sémantique, mais il me semble quand même important.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Ce n'est pas que sémantique !
M. Bruno Sido,
rapporteur.
Si je comprends bien votre texte, vous semblez estimer que
les zones à couvrir doivent inclure à la fois des centre-bourgs et des axes de
transport prioritaires. Or, à mon sens, elles doivent inclure soit des
centre-bourgs, soit des routes prioritaires, mais pas nécessairement les deux à
la fois.
Sous ces réserves d'interprétation, la commission a émis un avis favorable sur
l'amendement, mais elle aimerait entendre les explications du Gouvernement à
cet égard.
M. Hilaire Flandre.
Il faut sous-amender !
M. Paul Girod.
Exactement !
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
M. le rapporteur a parfaitement conscience que son
objection ne relève pas d'une simple question de sémantique ! Il existe en
effet une différence entre les deux rédactions. Il faut que les choses soient
claires : nous ne souhaitons pas viser exclusivement des axes de transport, et
je maintiens donc la conjonction de coordination « et ».
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido,
rapporteur.
Je dois constater que nos appréciations divergent sur ce
point. Si je reste favorable, sur le fond, à cet amendement, j'avoue que le
cumul de conditions introduit par la conjonction « et » m'inquiète.
Toutefois, dans la mesure où ce texte sera sans doute prochainement examiné
par l'Assemblée nationale, je propose que cette question soit discutée au cours
de la navette.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Je souhaite déposer un sous-amendement tendant à remplacer le mot : « et » par
le mot : « ou ». Il est inutile que je reprenne une argumentation que M. le
rapporteur a déjà développé, mais je tiens, quant à moi, qu'un débat s'instaure
dès maintenant sur ce point, qui me semble trop important pour que l'on s'en
remette à la navette.
M. Hilaire Flandre.
Voilà !
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 13, présenté par Paul Girod, et qui
est ainsi libellé :
« Dans le texte de l'amendement n° 9, remplacer le mot : "et" par le mot :
"ou". »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Bruno Sido,
rapporteur.
Cette question est effectivement importante, mais je crois
qu'il ne faut pas en surestimer la portée. C'est pourquoi j'ai proposé de la
traiter à l'occasion de la navette.
Cela étant, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur le
sous-amendement de M. Paul Girod, qui est d'ailleurs coauteur de la proposition
de loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
J'étais en train d'hésiter entre m'en remettre à la
sagesse du Sénat et émettre un avis défavorable, mais, par cohérence avec
l'explication que j'ai donnée, je choisis la seconde option.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 13.
(Le sous-amendement est adopté.)
2
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 9, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa de cet article :
« Ces zones sont déterminées après concertation régionale associant les
opérateurs, en s'appuyant sur une campagne de mesures menée conformément à une
méthodologie approuvée par l'Autorité de régulation des télécommunications.
»
L'amendement n° 6, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, après les mots :
"campagne de mesures menée", insérer les mots : ", par les départements,". »
La parole est à Mme la ministre déléguée pour présenter l'amendement n° 10.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
L'amendement n° 10 vise à prévoir une concertation à
l'échelon régional avec les opérateurs, afin de déterminer les zones
d'application de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités
territoriales. Il est en effet important que les collectivités puissent
s'exprimer sur la détermination des zones de couverture dès lors que celles-ci
seront équipées grâce à des crédits publics.
M. le président.
La parole est à M. Bruno Sido pour présenter l'amendement n° 6.
M. Bruno Sido.
J'ai déposé cet amendement à titre personnel, car j'estime qu'il est important
de mentionner explicitement dans le texte l'intervention des départements, qui
sont un échelon moteur du dispositif : leur rôle est assurément de mener la
campagne de mesures de la couverture effective.
Je signale d'ailleurs qu'une bonne moitié des départements ont déjà fait
réaliser une étude par des sociétés indépendantes - mais peut-être pas selon le
protocole de l'ART. Les départements sont donc déjà totalement impliqués.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 10 et 6 ?
M. Bruno Sido,
rapporteur.
L'amendement n° 10 tend à prévoir une concertation locale
supplémentaire afin de déterminer les zones blanches, mais je m'interroge sur
l'opportunité d'introduire une concertation régionale avec les opérateurs dans
le processus de détermination des zones à couvrir.
Le dispositif adopté par la commission prévoit déjà une concertation entre les
opérateurs et les collectivités locales, qui doit précéder la répartition entre
les opérateurs, par l'ART, des zones à couvrir. Cependant, je ne suis pas
certain qu'il faille aussi prévoir l'intervention des opérateurs dès la phase
d'identification des zones.
Il faut, une fois pour toutes, tenir un langage de vérité sur les zones qui ne
sont pas aujourd'hui couvertes en France. Il sera en effet difficile de
prétendre qu'une zone est couverte s'il suffit d'allumer un téléphone portable
pour constater qu'elle ne l'est pas. Nous devons en finir avec les estimations
théoriques des opérateurs et les taux de couverture aberrants qu'avait affichés
le précédent gouvernement.
Grâce à des mesures scientifiques de couverture effective sur le terrain, nous
pourrons dresser une carte objective des zones blanches, répondant ainsi au
besoin de transparence qui s'exprime à cet égard. Ce n'est qu'après cet «
enterrement » définitif des estimations données par le précédent gouvernement
qu'une concertation pourra s'ouvrir enfin en vue de déterminer les zones dans
lesquelles sera déployé un réseau de téléphonie mobile.
Ces deux étapes sont distinctes, et je crois que la concertation n'a pas sa
place au cours de la première d'entre elles, qui se veut objective. Adopter
l'amendement du Gouvernement reviendrait à entremêler les deux étapes, ce qui
ne me semble pas souhaitable.
Je sais toutefois que l'intention du Gouvernement était bienveillante à
l'égard des collectivités locales. Il craint en effet que la cartographie des
zones effectivement blanches ne suscite des désirs de couverture mobile dans
des zones reculées, où l'on pourrait ensuite se sentir en droit d'exiger une
telle couverture. Il serait alors délicat, pour les collectivités locales,
d'opposer un refus à une telle demande.
Je crois, pour ma part, que nos concitoyens sont assez mûrs pour admettre qu'à
l'impossible nul n'est tenu et que la couverture ne pourra être intégrale. Ils
comprendront que les contraintes financières des collectivités locales
amèneront celles-ci à faire des arbitrages et à déployer le réseau téléphonique
mobile dans les zones qu'elles jugeront prioritaires. J'estime donc qu'il
suffit de prévoir la concertation entre opérateurs et collectivités locales au
stade de la répartition des zones par l'ART, qui sera un stade d'arbitrage,
notamment en fonction de considérations financières.
Sensible aux mises en garde, tout à fait justifiées, du Gouvernement, mais
aussi à mes arguments, la commission a donc choisi d'émettre un avis de sagesse
défavorable sur l'amendement n° 10.
Par ailleurs, elle a émis un avis favorable sur l'amendement n° 6.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 ?
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 6.
En outre, j'ai bien entendu les propos de M. le rapporteur sur l'amendement n°
10. Je ne le retire pas, mais je fais confiance à la sagesse de la Haute
Assemblée pour décider du sort qu'il convient de lui réserver.
M. le président.
La parole est à M. Daniel Raoul pour explication de vote sur l'amendement n°
10.
M. Daniel Raoul.
L'idée qui sous-tend cet amendement du Gouvernement nous semble intéressante.
Toutefois, il nous paraît souhaitable qu'une telle concertation menée à
l'échelon régional ne retarde pas la mise en oeuvre du processus.
Je tiens également à demander à M. le rapporteur de ne pas faire une fixation
sur le précédent gouvernement : les zones blanches avaient été identifiées non
par celui-ci, mais par l'ART.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Par les préfets !
M. Daniel Raoul.
Le précédent gouvernement n'était pas en cause, je vous demande de nous en
donner acte !
M. Hilaire Flandre.
Dont acte !
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod pour explication de vote.
M. Paul Girod.
Les deux amendements sont incompatibles, donc il faut adopter l'un ou
l'autre.
Cela étant dit, j'éprouve le même scrupule à l'égard des deux rédactions
s'agissant de la référence à l'Autorité de régulation des télécommunications.
En effet, en l'état actuel des choses, l'interprétation des textes qui émanent
de cette haute instance aboutit très exactement à ce que nous ne souhaitons
pas, c'est-à-dire à une définition exagérément stricte des zones blanches. Si
nous allons trop loin dans cette direction, il n'y aura même pas de zones
d'itinérance !
M. Bernard Piras.
Très bien !
M. Paul Girod.
Pour cette raison, je m'abstiendrai.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 10.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 4, présenté par M. Vial, est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
la deuxième phrase du troisième alinéa de cet
article par les mots : "sur la base des plans départementaux qui lui seraient
soumis". »
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial.
Il convient de faire en sorte que le calendrier prévisionnel dressé par
l'Autorité de régulation des télécommunications tienne compte des plans
départementaux.
Il s'agit d'un amendement de cohérence avec la disposition relative aux
diagnostics, que nous venons d'adopter.
On nous a proposé, et nous avons adopté cette mesure, l'intervention des
départements à l'occasion de la mise en place des diagnostics. Le diagnostic a
un sens : il permet de passer ensuite au stade opérationnel de la mise en
oeuvre de la couverture. Si nous voulons effectivement permettre à l'ART de se
prononcer de façon satisfaisante, il faut que celle-ci, lorsque plusieurs
propositions lui sont soumises, puisse se prononcer par rapport aux plans
départementaux.
C'est la raison pour laquelle je propose que l'article 3 fasse référence aux
plans départementaux, bien sûr lorsqu'ils existent.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido,
rapporteur.
Cet amendement porte sur le troisième alinéa de l'article 3.
Il vise à ce que le calendrier prévisionnel de déploiement des pylônes et
antennes dressé par l'ART soit établi sur la base de plans départementaux. Il
me semble que la préoccupation de M. Jean-Pierre Vial rejoint la mienne : il
s'agit de confirmer la place des départements dans le dispositif.
L'amendement n° 6, que nous venons d'adopter, satisfait, me semble-t-il, la
préoccupation de M. Jean-Pierre Vial. Ce matin, au vu des explications qui lui
avaient été fournies, la commission avait émis un avis défavorable. Cependant,
compte tenu des propos que nous venons d'entendre, je m'en remets, à titre
personnel, à la sagesse de notre assemblée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Après avoir entendu M. Jean-Pierre Vial, je m'en
remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après la deuxième phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une
phrase ainsi rédigée :
« L'Autorité de régulation des télécommunications publie les montants des
engagements financiers des opérateurs. »
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
En prévoyant de rendre public le montant des
contributions des opérateurs, cet amendement devrait permettre à l'Autorité de
régulation des télécommunications de valider le schéma de financement de la
couverture.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido,
rapporteur.
Le Gouvernement manifeste, par cet amendement, son souhait
que l'ART publie les montants des engagements financiers respectifs des
opérateurs. Cela devrait permettre à l'ART de valider le schéma de financement
de la couverture, et donc de veiller à l'équité concurrentielle.
Comme ce souci est partagé par la commission, celle-ci a émis un avis
favorable sur cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul.
Je souhaite déposer un sous-amendement visant à ajouter, à la fin de la phrase
proposée par l'amendement n° 11, les mots « et de l'Etat ».
(Sourires. M. Bernard Piras applaudit.)
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 14, présenté par M. Raoul, et ainsi
libellé :
« Compléter le texte de l'amendement n° 11 par les mots : "et de l'Etat". »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Bruno Sido,
rapporteur.
En aparté, nous avons déjà discuté longuement de ce point
avec le Gouvernement. Au départ, il était prévu que l'ART publie les montants
des engagements financiers des opérateurs et des collectivités. J'avais fait
valoir au Gouvernement que, si on prévoyait la publication des engagements
financiers des collectivités, il faudrait également prévoir la publication des
montants des engagements financiers de l'Etat. C'est pourquoi nous étions
convenus de viser les seuls opérateurs. En effet, l'important, c'était de
préserver une situation concurrentielle.
Monsieur Raoul, vous proposez de retenir la dernière option possible,
c'est-à-dire les opérateurs et l'Etat. A titre personnel, et compte tenu des
discussions que nous avons eues avec Mme la ministre, j'émets un avis
défavorable sur le sous-amendement n° 14.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Cela ne vous surprendra pas, monsieur Raoul, le
Gouvernement n'est pas favorable à ce sous-amendement. Cela étant dit, je vous
confirme - vous m'aviez d'ailleurs interrogée sur ce point dans votre
intervention liminaire - que l'Etat assumera sa part de financement. Il n'y a
pas lieu de s'inquiéter à cet égard. Nous avons déjà dégagé un budget de 44
millions d'euros pour la première phase de la couverture des zones blanches.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 14.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod pour explication de vote sur l'article 3.
M. Paul Girod.
Quoique signataire de la proposition de loi, j'hésite à voter l'article 3 dans
sa rédaction actuelle, compte tenu des références qu'il contient à propos de
l'ART. Cela ne change en rien mon engagement auprès de la commission et de M.
le rapporteur en faveur de l'itinérance locale. Cependant, le passé me conduit
à être prudent. Aussi, je m'abstiendrai lors du vote sur cet article.
M. le président.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils.
Comme M. GérardLarcher l'a dit tout à l'heure, il s'agit d'un article
important. Même s'il a été amendé s'agissant des zones de couverture, cet
article nous semble toujours insuffisant.
M. le président de la commission des affaires économiques a déclaré que la
concurrence avait stimulé l'implantation et la place du téléphone mobile dans
le paysage de notre pays. Si l'on n'a pas été plus vite malgré le pôle public
que nous avions à notre disposition auparavant, c'est aussi parce que l'Etat
n'a pas vraiment joué le rôle qui aurait dû être le sien pour impulser une
autre politique de télécommunications avec l'entreprise publique, et je ne peux
que le regretter. Ce n'est donc pas parce que le pôle public était un frein à
ce développement. C'est parce que l'on n'a pas exigé de lui ce que l'Etat doit
exiger des pôles publics qui sont à sa disposition.
A nos yeux, cet article est très insuffisant pour permettre d'assurer
véritablement la couverture des zones blanches. Nous ne le voterons donc
pas.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Je voudrais apporter une précision eu égard à
l'interrogation de M. Paul Girod.
Sur le fond, il n'y a rien de changé quant à la place et au rôle de l'Autorité
de régulation des télécommunications. Les développements que nous avons faits
pourraient sans doute induire en erreur sur ce sujet. En fait, l'ART, c'est le
socle sur lequel nous pouvons nous appuyer pour accélérer l'itinérance
locale.
Par ailleurs, je peux porter témoignage de l'audition devant notre commission
de l'Autorité de régulation des télécommunications mais aussi des entretiens
récents que nous avons eus avec celle-ci. Le président de l'Autorité de
régulation des télécommunications, quand il est venu présenter son rapport
annuel à M. le président du Sénat, s'est déclaré favorable à l'itinérance
locale, et je peux vous dire qu'il a été un des cocatalyseurs de l'évolution
actuelle. Par conséquent, la crainte qui ressortait des propos de mon collègue
et ami M. Paul Girod n'est pas fondée.
M. Paul Girod.
Dans ces conditions, je me rends aux arguments de M. le président de la
commission !
M. le président.
Monsieur le président de la commission, je vous félicite, vous avez réussi à
convaincre M. Paul Girod ! (
Rires.
)
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Cette journée est à marquer d'une pierre
blanche !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Raoul pour explication de vote.
M. Daniel Raoul.
La définition, même sous-amendée, ne nous satisfait pas. On ne vise plus les
sites occasionnels, et donc les sites touristiques. Aussi, nous nous
abstiendrons.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Vial pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Vial.
Un de mes deux arguments ne vaut plus puisque M. Paul Girod s'est rangé aux
arguments du président de la commission des affaires économiques.
En ce qui concerne l'ART, pour avoir pratiqué le dispositif sur le terrain,
nous sommes en quelque sorte passés à la lumière depuis le diagnostic qui avait
été fait sur les propositions des préfets. On se demandait d'ailleurs sur quoi
les préfets pouvaient bien se fonder pour nourrir la réflexion du Gouvernement.
En effet, les préfets interrogeaient les maires qui, eux-mêmes, avaient bien
des difficultés pour les informer.
L'ART propose aux collectivités un cahier des charges qui comporte une méthode
et qui les rassure. En effet, celles-ci peuvent solliciter des opérateurs pour
établir des diagnostics à partir d'un cahier des charges qui comprend un
certain nombre de critères permettant de connaître véritablement la zone
blanche et la qualité de celle-ci. On ne peut que se féliciter de ce
dispositif, d'autant qu'il a été précisé que les diagnostics seront établis à
l'échelon départemental.
En ce qui concerne la mise en oeuvre, l'article qui nous est soumis nous
donnera un véritable outil. A ce sujet, je me félicite du fait que le Sénat ait
soutenu l'amendement que je lui ai proposé. Tout à l'heure, Mme la ministre a
été notamment interrogée sur la définition de la zone centre-bourg.
Je regrette de devoir dire que les indications dont nous disposons aujourd'hui
ne reposent sur aucun critère. Finalement, ce sont les plans régionaux ou
départementaux qui fourniront des indications fiables à l'ART, lorqu'elle devra
se prononcer, étant entendu que, très souvent, les régions se rapprochent des
départements, et là on en revient au principe de la proximité. La région
Rhône-Alpes, par exemple, a adopté un dispositif visant à aider le haut débit
et la couverturte des zones d'ombre. La région distingue les zones d'intérêt
régional et les zones d'intérêt non régional, où s'expriment des intérêts
locaux ou départementaux. Cela signifie que, si les départements ne qualifient
pas eux-mêmes les plans, nous rencontrerons de très grandes difficultés.
Certes, le dispositif aurait encore pu être amélioré, mais l'article 3 tel
qu'il nous est proposé constitue l'outil qui permettra aux collectivités
d'arrêter des plans, de les soumettre à l'ART, pour que l'on puisse, après les
diagnostics, mettre en oeuvre la couverture des zones blanches.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido,
rapporteur.
Je voudrais revenir sur plusieurs points.
Le premier concerne l'ART et l'itinérance locale. Ayant eu l'occasion de nouer
des contacts avec l'ART, je peux vous confirmer qu'elle est favorable à
l'itinérance locale, et que cela ne pose aucun problème. Lorsque l'ART
affectera les zones blanches aux opérateurs, il n'y aura pas de problème. Je
comprends bien que l'on puisse avoir des craintes compte tenu de ce qui s'est
passé entre le CIADT de Limoges et aujourd'hui.
M. Paul Girod.
C'est le problème !
M. Bruno Sido,
rapporteur.
D'ailleurs, je ne reproche rien à personne, car le dispositif
n'était pas bon. Puisqu'il n'y a eu qu'un pylône, chacun considére qu'il faut
circonscrire au maximum le sujet. J'ai confiance car, aujourd'hui, le
Gouvernement écoute la France d'en bas.
(M. Daniel Raoul s'exclame.)
Il
sait que l'itinérance locale est nécessaire. Si nous ne l'obtenons pas
aujourd'hui, le dispositif qui sera adopté dans l'avenir sera encore plus
coercitif et plus grave, éventuellement pour les opérateurs.
Je voudrais par ailleurs rassurer M. Raoul. Il a cru que je critiquais le
gouvernement précédent et le CIADT de Limoges. Or, il n'en est rien. Mais il
faut bien dire qu'entre le CIADT de Limoges et aujourd'hui, il y a une nouvelle
donne. Le troisième opérateur est en effet entré dans le jeu. Tant qu'il n'y
avait que deux opérateurs, l'itinérance locale ne pouvait pas se réaliser. En
l'occurrence, je ne fais pas une critique ; c'est une simple constatation. A
vrai dire, cette proposition de loi arrive à point nommé et je n'en suis, avec
mes quatre collègues, que le promoteur. N'importe qui aurait fait comme moi, à
partir du moment où le troisième opérateur était entré dans le circuit de
l'UMTS.
Enfin, je voudrais revenir sur le problème des centres-bourgs.
Croyez bien que je me suis interrogé, comme vous tous, sur cette notion. Dans
cette affaire - et j'en remercie Mme la ministre - j'ai eu l'assurance que le
Gouvernement était de bonne foi. Il est de bonne foi parce qu'il veut avancer.
J'en veux pour preuve le protocole que le Gouvernement a réussi à faire
accepter par les trois opérateurs avant que la proposition de loi n'arrive en
discussion, même si celle-ci a sans doute permis de faire avancer les
choses.
Au demeurant, j'ai la faiblesse de croire que le protocole est insuffisant et
que, grâce à notre proposition de loi, avec les mêmes fonds, le territoire sera
bien mieux couvert, en particulier les centre-bourgs.
Me fondant sur l'évidente bonne foi du Gouvernement, j'espère avoir levé les
préventions des uns et des autres sur cet article 3.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Bravo, monsieur le rapporteur !
M. le président.
Je mets aux voix l'article n° 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - L'opérateur de radiocommunications mobiles auquel l'Autorité de
régulation des télécommunications attribue la fourniture de la prestation
d'itinérance locale dans une zone visée à l'article 3 conclut des accords
d'itinérance locale avec tous les autres opérateurs et des conventions de mise
à disposition des infrastructures destinées à supporter des réseaux de
télécommunications avec les collectivités territoriales qui en sont
propriétaires. » -
(Adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5 - Une convention de mise à disposition des infrastructures destinées
à supporter des réseaux de télécommunications visées à l'article 3 est conclue
sur la base du droit privé entre l'opérateur exploitant ces infrastructures et
la collectivité territoriale qui en est propriétaire, dans le respect des
dispositions de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités
territoriales.
« En cas de litige, l'Autorité de régulation des télécommunications est
saisie, dans les conditions prévues à l'article L. 36-8 du code des postes et
télécommunications. »
L'amendement n° 5, présenté par M. Vial, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cette convention détermine notamment les conditions de maintenance et
d'entretien de ces infrastructures. »
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial.
Il semble important de préciser les conditions de la participation financière
des collectivités dans l'investissement et, surtout, dans la maintenance et
l'entretien des sites faisant l'objet de l'itinérance locale.
Il serait en effet anormal que, à l'image de ce que nous avons connu avec les
émetteurs de TDF pour les chaînes de télévision, les collectivités aient à
supporter seules la charge de la maintenance des nouveaux sites dès lors que
les opérateurs profitent aussi des structures pour élargir leur champ
commercial.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido,
rapporteur.
Je serai bref : cela allait sans dire dans la rédaction
retenue pour la proposition de loi, mais cela va encore mieux en le disant. La
commission est donc favorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
J'aurais été sincèrement désolée de devoir refuser
tous les amendements présentés par M. Vial. Tel ne sera pas le cas, puisque je
peux donner un avis favorable sur celui-ci, pour les raisons que vient
d'exprimer M. le rapporteur.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - La section 4 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des
postes et télécommunications est complétée par un article additionnel ainsi
rédigé :
«
Art. L. 34-8-1. -
La prestation d'itinérance est assurée dans des
conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.
« Cette prestation fait l'objet d'une convention de droit privé entre
opérateurs de radiocommunications mobiles. Celle-ci détermine les conditions
techniques et financières de fourniture de la prestation d'itinérance. Elle est
communiquée à l'Autorité de régulation des télécommunications.
« Pour garantir l'égalité des conditions de concurrence ou l'interopérabilité
des services, l'Autorité de régulation des télécommunications peut, après avis
du Conseil de la concurrence, demander la modification des accords d'itinérance
déjà conclus.
« Les différends relatifs à la conclusion ou à l'exécution de la convention
d'itinérance sont soumis à l'Autorité de régulation des télécommunications,
conformément à l'article L. 36-8. »
L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet
article pour l'article L. 34-8-1 du code des postes et télécommunications par
les mots : "de deuxième génération". »
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Cet amendement a pour objet de limiter le champ du
dispositif à la technologie de deuxième génération. S'agissant, en effet, de la
troisième génération, les réseaux sont encore en cours de construction.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido,
rapporteur.
La commission des affaires économiques partage entièrement la
préoccupation du Gouvernement.
En effet, elle a adopté, la semaine passée, un amendement tendant à préciser
que le partage de sites prévu au quatrième alinéa de l'article 3 visait la
couverture en téléphonie mobile de deuxième génération. Il s'agissait déjà d'un
amendement de cohérence, puisque le premier alinéa de l'article 3, qui prévoit
l'obligation d'itinérance locale, concernait explicitement les opérateurs en
téléphonie mobile de deuxième génération GSM, le but étant d'éviter que ne
soient étendues aux opérateurs UMTS de troisième génération les obligations de
la couverture locale.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement de
cohérence.
M. le président.
La parole est à M. Daniel Raoul contre l'amendement.
M. Daniel Raoul.
Comme je vous l'ai déjà dit dans ma déclaration liminaire, je regrette qu'on
se limite aux opérateurs de deuxième génération. En effet, la vitesse de
progression des technologies étant bien supérieure à la vitesse du processus
législatif, on risque d'en être à une autre génération avant que la loi ne soit
promulguée !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Vial.
On en fera une autre !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido,
rapporteur.
Je souhaite bien évidemment que cette loi, si la navette suit
son cours normal, soit promulguée le plus rapidement possible. J'aimerais bien
connaître l'avis de Mme la ministre sur ce point.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Je peux tout à fait rassurer M. le rapporteur et M.
Daniel Raoul. Je souhaite, naturellement, que cette loi soit vite soumise à
l'Assemblée nationale et, sans préjuger ce que sera le vote de vos collègues
députés, qu'elle soit adoptée le plus rapidement possible.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Articles 7, 8 et 9
M. le président.
« Art. 7. - Le troisième alinéa (2°) de l'article L. 36-6 du même code est
complété
in fine
par les mots : "et aux conditions techniques et
financières de l'itinérance, conformément à l'article L. 34-8-1". » -
(Adopté.)
« Art. 8. - Il est inséré, après le troisième alinéa (2e) du II de l'article
L. 36-8 du même code, un alinéa ainsi rédigé :
« 3° la conclusion ou l'exécution de la convention d'itinérance prévue à
l'article L. 34-8-1 et de la convention de mise à disposition des
infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications,
conclue entre l'opérateur et la collectivité territoriale propriétaire en
application de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités
territoriales. ». -
(Adopté.)
« Art. 9. - Dans la zone où il assure une prestation d'itinérance locale,
l'opérateur de radiocommunications mobiles fournit au moins les services
suivants : émission et réception d'appels téléphoniques, appels d'urgence,
accès à la messagerie vocale, émission et réception de messages alphanumériques
courts. » -
(Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des
affaires économiques sur la proposition de loi n° 409, je donne la parole à Mme
Odette Terrade pour explication de vote.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma collègue et
amie Marie-France Beaufils a eu l'occasion, dans la discussion générale, de
faire part des réserves du groupe communiste républicain et citoyen sur ce
texte.
Le secteur des télécommunications est aujourd'hui en proie à une grave crise
économique et financière dont vous ne mesurez pas les effets qu'elle peut avoir
sur le plan économique et social, ni l'ampleur des drames humains qu'elle
provoque chez des milliers de personnes qui se trouvent au chômage et qui
risquent, à tout moment, de basculer dans des situations d'extrême
précarité.
Cette crise - qui le nierait ? - est le résultat du mouvement de
libéralisation et de déréglementation que subit depuis de nombreuses années
notre pays.
Elle est aussi le résultat de l'euphorie boursière qui a conduit à une
spéculation effrénée à la hausse des cours des valeurs des nouvelles
technologies de l'information et de la communication.
Le mouvement de restructuration actuel laisse présager le pire pour l'avenir
de ce secteur.
La mainmise du groupe britanique Vodafone sur Cegetel en est l'exemple
significatif. Elle risque d'affaiblir la cohérence de nos réseaux de téléphonie
mobile et de compromettre l'aménagement équilibré de notre territoire.
La restructuration ne doit pas être laissée à l'initiative privée. Nous
réclamons, avec les usagers, les élus et les organisations syndicales, qu'un
bilan de la privatisation soit effectué.
Les privatisations engagent inexorablement notre pays sur la voie de la
régression sociale. Notre service public des télécommunications doit être
préservé des logiques purement financières et des dérives affairistes
auxquelles nous avons assisté ces derniers mois.
Nous avons, au contraire, besoin d'un grand pôle public de télécommunications,
qui soit capable de répondre aux besoins des usagers et de mobiliser, en
conséquence, les moyens de financement nécessaires, moyens qui sont
actuellement détournés à des fins spéculatives.
Nous devons aujourd'hui réfléchir - il est urgent de le faire - à la notion
d'entreprise de service public socialement responsable et à la définition de
critères de gestion et de rentabilité qui soient soustraits à la pression des
marchés financiers !
Notre secteur des télécommunications - secteur de pointe et secteur d'avenir -
doit pouvoir continuer à assumer des missions de service public, à contribuer à
l'aménagement équilibré de notre territoire, à favoriser l'accès de tous aux
nouvelles technologies de communication. La présente proposition de loi ne
pouvant répondre entièrement à cette ambition, nous nous abstiendrons.
M. le président.
La parole est à M. Daniel Raoul pour explication de vote.
M. Daniel Raoul.
Comme je l'ai dit, nous sommes favorables à l'aménagement du territoire et à
la possibilité donnée aux collectivités locales de participer au financement
des infrastructures. Toutefois, nous restons un peu sur notre faim s'agissant
de la définition des zones et en particulier des zones à exclure, des zones que
l'on appelait les sites occasionnels. Je repense à ce propos à la fameuse
discussion sur le « et » et le « ou » qui a opposé tout à l'heure la commission
et le Gouvernement.
Eprouvant quelques doutes sur l'interprétation qui pourra être faite, nous
nous abstiendrons en espérant toutefois que cette proposition de loi, comme l'a
souhaité Mme la ministre, aboutisse rapidement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des
affaires économiques sur la proposition de loi n° 409 (2001-2002).
(La
proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido,
rapporteur.
A l'issue de cette discussion, je voudrais remercier tous
ceux de nos collègues qui ont participé à l'examen de ce texte. Je remercie,
bien sûr, plus particulièrement les co-auteurs de la proposition de loi ainsi
que le président de la commission, qui m'a toujours soutenu dans cette affaire,
y compris dans les moments difficiles.
Je tiens également à remercier le Gouvernement, avec lequel nous avons noué
des discussions qui n'ont pas toujours été faciles, mais qui ont été
fructueuses et ont permis de déblayer le terrain. Ainsi, je l'espère,
l'Assemblée nationale pourra adopter rapidement ce texte sans en modifier
l'économie générale.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Je voudrais, à mon tour, féliciter les différents
participants à ce débat, en particulier le rapporteur, M. Sido, et les quatre
autres co-signataires de la proposition de loi, M. Gérard Larcher, président de
la commission des affaires économiques, MM. Hérisson, Trucy, Paul Girod, mais
aussi Mme Beaufils, MM. Fouché, Vial et Raoul.
J'ai pris infiniment d'intérêt et de plaisir à la coopération que nous avons
nouée à l'occasion de ce texte. J'ai vraiment apprécié nombre des réflexions
qui ont été émises.
J'ai le sentiment que nous avons les mêmes objectifs. Avec quelques nuances,
nuances tout à fait naturelles compte tenu des différentes sensibilités
politiques qui existent dans votre assemblée, un consensus s'est formé sur
l'existence de réelles carences, facteurs d'inégalités sociales, sur la
nouvelle forme d'exclusion qui en découle et donc sur l'objectif à atteindre,
c'est-à-dire le renforcement de la couverture du territoire en téléphonie
mobile.
6
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. André Vallet une proposition de loi tendant à instituer une
journée de réflexion sur les dates choisies pour les commémorations
nationales.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 31, distribué et renvoyée à la
commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Pierre Laffitte, René Trégouët, Jacques Pelletier et Paul
Girod une proposition de loi tendant à généraliser dans l'administration
l'usage d'Internet et de logiciels libres.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 32, distribué et renvoyée à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
7
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 91/68/CEE en ce
qui concerne le renforcement des contrôles applicables aux mouvements des ovins
et des caprins.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2118 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) np 1268/1999
relatif à une aide communautaire à des mesures de préadhésion en faveur de
l'agriculture et du développement rural dans les pays candidats d'Europe
centrale et orientale, au cours de la période de préadhésion.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2119 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Conseil modifiant, en ce qui concerne les essais
comparatifs communautaires, la directive 66/401/CEE concernant la
commercialisation des semences de plantes fourragères, la directive 66/402/CEE
concernant la commercialisation des semences de céréales, la directive
68/193/CEE concernant la commercialisation des matériel de multiplication
végétative de la vigne, la directive 92/33/CEE concernant la commercialisation
des plants de légumes et des matériels de multiplication de légumes autres que
les semences, la directive 92/34/CEE concernant la commercialisation des
matériels de multiplication de plantes fruitières et des plantes fruitières
destinées à la production de fruits, la directive 98/56/CE concernant la
commercialisation des matériels de multiplication des plantes ornementale, la
directive 2002/54/CE concernant la commercialisation des semences de
betteraves, la directive 2002/55/CE concernant la commercialiation des semences
de légumes, la directive 2002/56/CE concernant la commercialisation des plants
de pommes de terre et la directive 2002/57/CE concernant la commercialisation
des semences de plantes oléagineuses et à fibres.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2120 et distribué.
8
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 29 octobre 2002, à dix heures, à quinze heures et le soir :
Discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation
décentralisée de la République (n° 24 rectifié, 2002-2003).
Rapport (n° 27, 2002-2003) de M. René Garrec, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 28 octobre 2002, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 28 octobre 2002, à dix-sept
heures ;
Les explications de vote et le scrutin public à la tribune sur l'ensemble du
texte interviendront le mardi 5 novembre 2002, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
NOMINATION D'UN RAPPORTEUR
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Jean-Patrick Courtois a été nommé rapporteur du projet de loi n° 30
(2002-2003) relatif à la sécurité intérieure, dont la commission des lois est
saisie au fond.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Développement des équipements de liaisons transversales
dans le Bassin parisien
74.
- 24 octobre 2002. -
M. Dominique Leclerc
souhaite attirer l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de
la mer
sur l'impérieuse nécessité de développer la transversalité de l'aménagement du
Bassin parisien. En effet, si les axes province-Paris sont aujourd'hui
desservis de manière à peu près satisfaisante aussi bien par les autoroutes que
par le mode ferroviaire, il n'en est pas de même pour les itinéraires
transversaux. Or, une telle situation est pénalisante notamment pour la région
Centre. En effet, elle va à l'encontre de ses intérêts collectifs :
augmentation de la pollution du fait des encombrements, augmentation de la
dangerosité de la circulation du fait des transferts qui s'effectuent sur des
itinéraires inadaptés, impact économique du fait des difficultés apportées aux
échanges inter-entreprises. C'est pourquoi il lui serait reconnaissant de bien
vouloir lui faire savoir s'il envisage de procéder à la réalisation des
itinéraires transversaux prônés dans le dernier schéma de services et confirmés
dans le document de la MIIAT-Bassin parisien de janvier 2002.