SEANCE DU 10 OCTOBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Conventions relatives à l'extradition entre les Etats membres de l'Union
européenne.
- Adoption de deux projets de loi (p.
1
).
Discussion générale commune : MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux
affaires étrangères ; Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires
étrangères ; Mme Hélène Luc.
Clôture de la discussion générale commune.
Adoption des articles uniques des deux projets de loi.
3.
Traité avec l'Espagne, l'Italie et le Portugal portant statut de l'Eurofor.
- Adoption d'un projet de loi (p.
2
).
Discussion générale : MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères ; Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
4.
Amendement à la convention de Bâle sur les déchets dangereux.
- Adoption d'un projet de loi (p.
3
).
Discussion générale : MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères ; Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
5.
Conventions relatives à l'entrée, à la circulation et au séjour en Principauté
d'Andorre.
- Adoption de deux projets de loi (p.
4
).
Discussion générale commune : MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux
affaires étrangères ; Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des
affaires étrangères ; Paul Blanc.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale commune.
Adoption des articles uniques des deux projets de loi.
6.
Convention avec la Principauté d'Andorre relative à la coopération
administrative.
- Adoption d'un projet de loi (p.
5
).
Discussion générale : MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères ; Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
7.
Convention de sécurité sociale avec la Principauté d'Andorre.
- Adoption d'un projet de loi (p.
6
).
Discussion générale : MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères ; Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
8.
Convention relative au raccordement de la Suisse au réseau ferré français.
- Adoption d'un projet de loi (p.
7
).
Discussion générale : MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères ; Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
9.
Protocole additionnel à l'accord avec la Communauté européenne de l'énergie
atomique et de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
- Adoption d'un projet de loi (p.
8
).
Discussion générale : MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères ; André Dulait, président de la commission des affaires étrangères,
en remplacement de M. Michel Pelchat, rapporteur.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
10.
Accord avec la Russie relatif à la responsabilité civile au titre de dommages
nucléaires.
- Adoption d'un projet de loi (p.
9
).
Discussion générale : MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères ; Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
11.
Accord avec le Venezuela sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements.
- Adoption d'un projet de loi (p.
10
).
Discussion générale : MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères ; Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
12.
Privilèges et immunités accordés à l'Institut d'études de sécurité et au Centre
satellitaire de l'Union européenne.
- Adoption d'un projet de loi (p.
11
).
Discussion générale : MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères ; Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 12 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
13.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire chinoise
(p.
13
).
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
14.
Situation de l'industrie textile.
- Discussion d'une question orale avec débat (p.
14
).
MM. Christian Poncelet, auteur de la question ; Ivan Renar, Gérard Braun,
Philippe Adnot, Jean-Pierre Bel, Christian Gaudin, Pierre André, Michel
Mercier, Louis Moinard.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; MM. Christian Poncelet,
le président.
Clôture du débat.
15.
Règlement définitif du budget de 2001.
- Adoption d'un projet de loi (p.
15
).
Discussion générale : MM. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la
réforme budgétaire ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances ; Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Yves Fréville, Gérard Miquel, Lucien
Lanier.
M. le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er, 2 à 9 et tableaux annexés A à G et I, 10 à 14. - Adoption (p.
16
)
Article additionnel après l'article 14 (p.
17
)
Amendement n° 1 de M. Yves Fréville. - MM. Yves Fréville, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Vote sur l'ensemble (p. 18 )
M. Marcel-Pierre Cléach.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
16.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
19
).
17.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
20
).
18.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
21
).
19.
Ordre du jour
(p.
22
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CONVENTIONS RELATIVES À L'EXTRADITION
ENTRE LES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE
Adoption de deux projets de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 84, 2001-2002) autorisant la ratification de la
convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union
européenne, relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union
européenne (ensemble une annexe comportant six déclarations). [Rapport n° 5
(2002-2003).] ;
- et du projet de loi (n° 85 rect., 2001-2002) autorisant la ratification de
la convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union
européenne, relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les Etats
membres de l'Union européenne. [Rapport n° 5 (2002-2003).].
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire
d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les projets de loi
d'autorisation de ratification des conventions du 10 mars 1995, relatives à la
procédure simplifiée d'extradition, et de la convention du 27 septembre 1996
relative à l'extradition sont l'illustration de la volonté des Etats de l'Union
européenne de favoriser entre eux une coopération judiciaire encore plus
étroite, efficace et rapide.
Ce souhait s'est initialement exprimé à l'occasion d'une déclaration des
ministres de la justice, lors de la réunion informelle de Limelette en
septembre 1993. Au mois de novembre de la même année, le Conseil «
Justice-affaires intérieures » chargeait les instances compétentes de l'Union
européenne d'examiner l'opportunité de conclure entre eux une convention
d'extradition afin d'améliorer le dispositif existant. Ces travaux donnèrent
naissance à la convention de 1995 relative à la situation des personnes ayant
consenti à l'extradition.
Par la suite, la volonté générale des Etats membres de l'Union européenne
d'adapter l'ensemble du domaine de l'extradition aux nécessités de la
coopération judiciaire aboutissait à l'établissement et à la signature de la
deuxième convention, le 27 septembre 1996.
La convention du 10 mars 1995 résulte du constat que les procédures à
l'occasion desquelles les personnes concernées consentent à leur extradition -
ce qui représente 30 % des cas - peuvent être notablement simplifiées et
accélérées.
Cette simplification de la procédure extraditionnelle réside, pour
l'essentiel, dans la dispense de présentation formelle d'une demande
d'extradition et l'absence de recours à une procédure « lourde » permettant
ainsi de réduire au minimum le temps nécessaire à l'extradition et toute
période de détention aux fins d'extradition.
La convention prévoit les modalités de recueil du consentement de la personne
arrêtée et précise que cet accord à l'extradition doit être recueilli par
l'autorité judiciaire, être exprimé volontairement et de manière éclairée, et,
enfin, être consigné dans un procès-verbal. A cet égard, si le caractère
irrévocable du consentement est affirmé, il est permis de déroger à ce principe
par une déclaration lors du dépôt des instruments de ratification.
La France entend déclarer que, dans le cas où une personne susceptible d'être
extradée exercerait une voie de recours à l'encontre de la décision de la
chambre de l'instruction constatant son consentement à l'extradition, ce
recours vaudrait révocation du consentement antérieurement exprimé.
Dans cette hypothèse, en cas de révocation du consentement, c'est la procédure
de droit commun de l'extradition qui devra s'appliquer.
Le texte prévoit également la renonciation au principe de spécialité qui veut
que l'on ne puisse être poursuivi, jugé ou mis en détention pour un fait autre
que celui qui a motivé l'extradition. A ce propos, la France entend déclarer
qu'une telle renonciation ne pourra être réalisée que par une manifestation
expresse de volonté.
Enfin, pour donner une effectivité certaine à l'objectif de célérité, les
Etats membres de l'Union ont encadré dans de brefs délais certaines étapes de
la procédure, à savoir la notification du consentement, la notification de la
décision d'extradition et la remise de la personne. Ainsi, entre l'arrestation
provisoire et la remise de l'intéressé par l'Etat requis à l'Etat requérant, ne
devrait en principe s'écouler qu'un délai de cinquante jours.
La convention du 27 septembre 1996 constitue le complément de la convention de
1995 tout en ayant une portée plus large, puisqu'elle modifie les conditions de
fond de l'extradition.
Elle part en effet du constat que les similitudes considérables existant entre
les politiques pénales des Etats membres, la confiance mutuelle dans le bon
fonctionnement des systèmes judiciaires nationaux et la nécessité
d'homogénéiser les législations internes justifient la révision des aspects
fondamentaux de l'extradition entre les Etats de l'Union.
En conséquence, la convention de 1996 complète tant la convention européenne
d'extradition du 13 décembre 1957, la convention européenne pour la répression
du terrorisme du 27 janvier 1977, dont certaines dispositions deviennent
caduques, et la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin
1990.
Ainsi, la présente convention facilite-t-elle l'extradition en élargissant les
possibilités d'y recourir, en simplifiant les procédures et en réduisant les
obstacles résultant des motifs de refus et des disparités de législations.
Sur le plan procédural, la voie diplomatique prévue par la convention de 1957
est remplacée par une autorité centrale chargée de transmettre et de recevoir
les demandes d'extradition et les documents requis. Dans le cas de la France,
il s'agit du ministère de la justice.
Les principales modifications de fond apportées par la convention du 27
septembre 1996 sont les suivantes : le seuil de l'emprisonnement exigé pour
extrader passe d'un an à six mois d'emprisonnement ; une exception au principe
traditionnel de la double incrimination est prévue afin de lutter efficacement
contre les formes les plus graves de la délinquance que constituent la
criminalité organisée et le terrorisme.
Autre innovation notable : une extradition ne peut être refusée au motif que
la demande est fondée sur une infraction de nature politique, une infraction
connexe à une infraction politique ou une infraction inspirée par des motifs
politiques.
Toutefois, les Etats peuvent limiter l'application de ce principe nouveau aux
seules infractions terroristes et aux faits qualifiés de conspiration ou
d'association de malfaiteurs. A cet égard, la France entend se prévaloir d'une
telle réserve.
Enfin, l'une des dispositions les plus novatrices du texte consiste à ne
pouvoir refuser l'extradition au motif que la personne demandée est un
ressortissant de l'Etat requis. La France entend cependant déclarer qu'elle
n'abandonnera le principe classique de la non-extradition des nationaux qu'à
certaines conditions. Ainsi, les ressortissants français ne pourront être
extradés vers un Etat membre, aux fins de poursuites pénales ou en vue
d'exécuter une condamnation à une peine privative de liberté prononcée par une
juridiction de cet Etat, que si la peine est exécutée sur le territoire
français.
Telles sont les principales dispositions de la convention qui démontrent que
les Etats membres ont pris conscience du caractère de plus en plus
transfrontalier de la criminalité et de l'impérieuse nécessité qu'il y a à
réduire les obstacles résultant des disparités de législation.
L'adoption de ces instruments doit être accompagnée d'une modification de
notre droit interne. Dans ce but, un projet de loi portant réforme de la loi du
10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers a été déposé le 29 mai 2002
devant la Haute Assemblée.
Enfin, il importe de souligner que cette évolution du droit de l'extradition,
qui est au coeur de la création de l'espace judiciaire de l'Union, connaîtra
son point d'aboutissement avec la mise en oeuvre prochaine du mandat d'arrêt
européen issue de la décision-cadre du 13 juin 2002.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions des conventions du 10
mars 1995 et du 27 septembre 1996 qui font l'objet des projets de loi
aujourd'hui proposés à votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Vinçon,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, mes chers collègues, le dispositif
technique de la convention ayant été précisément et clairement exposé par M. le
secrétaire d'Etat à l'instant, je n'y reviendrai que pour attirer l'attention
du Sénat sur les éléments qui me semblent les plus importants. Je me permettrai
ensuite, monsieur le secrétaire d'Etat, de me faire l'écho des débats de notre
commission et de vous poser deux questions.
De ces deux conventions de 1995 et 1996 visant à simplifier les procédures
d'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne, je retiens trois
éléments.
D'abord, la convention de 1995 permettra une réduction très nette du délai
nécessaire à l'extradition - de six à deux mois environ - lorsque la personne
demandée et l'Etat requis sont d'accord. Or, comme cette situation correspond à
près d'un tiers des dossiers au sein de l'Union européenne, l'impact pratique
sera important.
Ensuite, grâce à la convention de 1996, les Etats membres ne pourront plus
refuser une extradition demandée pour des actes de terrorisme ou d'association
de malfaiteurs terroristes au motif qu'il s'agirait d'une infraction
politique.
Enfin, la convention de 1996 ouvre la porte à l'extradition des nationaux,
dérogeant à un principe classique du droit public. Elle constitue donc un
premier pas vers la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'examen, devant notre commission, de ces deux
conventions a soulevé deux questions sur lesquelles je serais heureux que vous
puissiez nous apporter des précisions.
Tout d'abord, il nous a semblé inacceptable que le Royaume-Uni n'ait toujours
pas décidé l'extradition de M. Rachid Ramda, le financier présumé des attentats
du GIA en 1995 et 1996. Au sein de l'Union européenne, il est inadmissible
qu'un Etat membre puisse prétendre défendre les droits fondamentaux d'un
individu en prétextant le mauvais fonctionnement de la justice française tout
en le maintenant en prison sans jugement depuis plus de sept ans. Sur ce
dossier difficile, peut-on espérer, monsieur le secrétaire d'Etat, une issue
prochaine qui viendrait soulager les victimes ?
Par ailleurs, la commission s'est interrogée sur le champ et les modalités
d'application de ces conventions.
En effet, d'une part, elles impliquent une adaptation du droit français pour
être appliquées. Un projet de loi a été déposé au Sénat en ce sens -
pouvez-vous nous indiquer dans quels délais il pourrait être examiné ? -
permettant ainsi l'entrée en vigueur des conventions.
D'autre part, après la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen au 1er
janvier 2004, les conventions ne devraient plus s'appliquer que pour les faits
antérieurs au 1er novembre 1993 en vertu de la déclaration faite par la France
relative à l'article 32 de la décision-cadre du Conseil relative au mandat
d'arrêt européen. Cependant, les dernières décisions prises par le Gouvernement
en matière d'extradition vis-à-vis de l'Italie ne vont-elles pas conduire la
France à retirer ou à ne pas invoquer la déclaration relative à l'article 32
?
En conclusion, mes chers collègues, je crois qu'il est nécessaire que nous
approuvions ces deux conventions qui constituent un progrès vers une plus
grande coopération judiciaire en Europe.
Je crois qu'il s'agit d'une nécessité de sécurité publique et que cela
correspond au souhait et à l'image que se font nos concitoyens de l'Europe
d'aujourd'hui et de demain.
On parle souvent de « rapprocher l'Europe des citoyens » ; il me semble que
ces conventions y contribuent : les frontières en Europe ne doivent pas pouvoir
protéger d'un procès, d'une condamnation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc.
Mes chers collègues, les deux conventions soumises aujourd'hui à ratification
résultent, comme l'ont souligné M. le rapporteur et M. le secrétaire d'Etat, du
besoin impérieux d'une coopération judiciaire plus efficace entre les pays de
l'Union européenne.
Les récents événements qui ont bouleversé l'équilibre international, au
premier rang desquels figure la menace terroriste, nous ont fait prendre
conscience de la nécessité de se doter de moyens plus efficaces de lutte et de
protection. Nous oeuvrons tous pour que ces moyens soient mis en place dans les
meilleures conditions.
Cette convention contient donc des mesures positives. Mais, à côté de ces
mesures indispensables, il faut que les droits des personnes faisant l'objet
d'une demande d'extradition soient au mieux préservés.
Pour illustrer mon propos, je ne prendrai ici qu'un seul exemple qui a trait à
la procédure simplifiée d'extradition, plus particulièrement au volet consacré
au consentement de la personne.
Avec l'entrée en vigueur de la convention, le consentement de la personne sera
recueilli par la chambre d'instruction et consigné dans un procès-verbal en ce
qui concerne la France. Il n'est nullement stipulé que cette personne pourra
être ou, pour être plus précise, sera obligatoirement assistée d'un avocat et,
dans l'éventualité d'un ressortissant étranger ne parlant pas le français, d'un
interprète.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous devons de tout faire afin que les
droits de la personne soient respectés et pour permettre que ce consentement
soit recueilli dans les meilleures conditions. C'est pourquoi l'absence d'un
avocat ou d'un interprète pourrait être fort préjudiciable et pourrait faire
subsister un doute quant à l'obtention du consentement.
Ainsi, j'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que la France s'efforcera
d'éviter tout écueil en la matière.
D'une manière plus générale, et par le fait d'une coïncidence malheureuse,
j'aimerais rappeler ma vive préoccupation après la décision du gouvernement
français de reconsidérer l'engagement pris par notre pays de ne pas extrader
des ressortissants italiens.
Paolo Persichetti a ainsi été livré aux autorités italiennes en août dernier,
alors qu'il avait refait sa vie en France, pays dans lequel il pensait, à tort,
trouver une deuxième chance.
Son cas n'est pas isolé, ils sont plusieurs à attendre dans l'angoisse du
lendemain. D'autres ressortissants italiens sont, aujourd'hui, en France,
passibles d'une mesure d'extradition.
La grande majorité d'entre eux s'est d'ailleurs parfaitement intégrée à la
société française. Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, cela ne semble pas
suffire ; leur passé, avec lequel ils ont rompu, revient sur le devant de la
scène pour mieux leur rappeler qu'il n'y a pas de rédemption possible. Je ne
veux pas que ce soit cette image qui soit véhiculée, car ce n'est pas l'image
de la France que je connais. La France doit être un pays juste ; c'est
pourquoi, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, j'invite le
Gouvernement à appliquer avec la plus grande circonspection les règles en
matière d'extradition, et encore plus maintenant avec la ratification de ces
deux conventions.
A trop vouloir en faire, nous risquons - et il ne le faut pas ! - de tomber
dans une logique ultrasécuritaire trop éloignée des réalités, une logique selon
laquelle l'abus prendrait le dessus sur le raisonnable.
Le groupe communiste républicain et citoyen a finalement décidé de s'abstenir
sur ce texte, non pas que nous minimisions les problèmes inhérents à la lutte
contre le terrorisme, bien au contraire - vous le savez -, non pas que nous ne
soyons pas conscients de la nécessité d'une coopération judiciaire entre les
pays européens, mais parce que, dans ces textes, nombre de points nous semblent
sensibles par rapport au respect des libertés individuelles. En raison du temps
qui m'est imparti, je n'ai pas pu ici les énumérer tous. Ils touchent notamment
l'échelle des peines entre les deux pays, le problème des nationaux ou encore
celui des mineurs, sans compter la possibilité du refus d'extradition.
Nous ne voulons pas, et nous ne devons pas oublier, monsieur le secrétaire
d'Etat, que l'Europe doit aussi, et surtout, être porteuse de liberté, et que
la France doit en être le digne porte-parole !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Avant de répondre précisément aux questions que vous
avez bien voulu me poser, monsieur le rapporteur, et aux interrogations de Mme
Luc, il me semble nécessaire de souligner que l'efficacité des procédures de
remise des personnes recherchées par les autorités judiciaires pénales est la
vraie mesure de la coopération entre Etats.
La ratification de ces conventions permet à la France de rejoindre ses
partenaires dans la mise en oeuvre de mécanismes plus souples que ceux de la
Convention européenne d'extradition adoptée par le Conseil de l'Europe le 13
décembre 1957.
En outre, cette nouvelle donne n'emportera pas de conséquences sur les
dossiers d'extradition concernant les personnes recherchées par l'Italie - qui
restera le dernier pays à n'avoir pas ratifié ces nouveaux instruments - ni sur
le dossier concernant M. Ramda.
En effet, et pour répondre à votre première interrogation, le Gouvernement
français regrette que la demande d'extradition formée il y a bientôt sept ans
auprès des autorités britanniques n'ait toujours pas abouti.
La longueur exceptionnelle de cette procédure a rendu impossible la
comparution simultanée devant la cour d'assises de Paris de l'ensemble des
personnes dont l'enquête sur les attentats de l'été 1995 avait établi qu'elles
avaient pu y jouer un rôle déterminant.
Naturellement, des efforts soutenus sont et seront poursuivis par les
autorités françaises pour aboutir à un résultat positif dans ce dossier,
c'est-à-dire la remise de M. Ramda à la France afin qu'il puisse comparaître
devant la justice de notre pays.
Le ministère de la justice travaille actuellement à réunir des éléments de
réponse qu'il adressera au
Home Office
britannique à la suite de
l'annulation de la décision d'extradition que le ministre de l'intérieur avait
prise au mois d'octobre 2001.
A Londres, mon collègue de la justice en a parlé à M. Plunkett lors de leur
dernier entretien au mois de juillet.
S'agissant de votre seconde interrogation, et contrairement au cas de la
Grande-Bretagne que je viens d'évoquer, où la loi britannique sur l'extradition
n'en est qu'au stade de l'étude, le gouvernement français a déposé devant votre
assemblée un projet de loi de réforme de la loi de 1927 relative à
l'extradition des étrangers qui prend en compte l'adaptation nécessaire de
notre législation et dont l'examen devrait, je l'espère, intervenir dans les
meilleurs délais.
Enfin, et s'agissant de votre dernière question, qui relève davantage de la
procédure, non encore en vigueur, du mandat d'arrêt européen que de la
ratification des conventions de 1995 et 1996, la France a effectivement
déclaré, conformément à l'article 32 de la décision-cadre relative au mandat
d'arrêt européen et à la procédure de remise entre Etats membres, que, en tant
qu'Etat d'exécution, elle continuera de traiter selon le système d'extradition
applicable avant le 1er janvier 2004 les demandes relatives à des faits commis
avant le 1er novembre 1993.
A cet égard, et en ce qui concerne les demandes d'extradition formées par le
gouvernement italien visant d'anciens membres de l'extrême gauche, il est
apparu avec clarté que notre pays ne devait pas servir de sanctuaire aux
auteurs de crimes de sang particulièrement violents. Il est en conséquence
procédé à une étude au cas par cas des demandes formées sur l'initiative des
autorités judiciaires italiennes.
Je tiens à souligner, madame Luc, que nous sommes tous très sensibles à la
liberté individuelle, au respect des droits de l'homme, fidèles en cela à la
tradition de notre pays. Nous ferons donc ce qui est nécessaire pour qu'un
individu ne soit pas systématiquement rattrapé par son passé et pour que la
lutte contre le terrorisme soit efficace dans notre pays comme partout
ailleurs.
M. Robert Del Picchia.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
PROJET DE LOI N° 84
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 84.
«
Article unique.
- Est autorisée la ratification de la convention
établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne,
relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne
(ensemble une annexe comportant six déclarations), faite à Dublin le 27
septembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Avant de mettre aux voix l'article unique du projet de loi, je donne la parole
à M. Claude Estier pour explication de vote.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
situation qui prévaut en Europe et dans le monde depuis le 11 septembre a
démontré qu'il est urgent de renforcer la coopération policière et judiciaire
au sein de l'Union européenne.
Jusqu'à présent, en effet, chaque Etat membre pouvait considérer son système
judiciaire comme étant le meilleur, et exprimait sa méfiance à l'égard des
traditions juridiques de ses partenaires européens.
Depuis le Conseil européen de Tampere, et plus encore, depuis le 11 septembre,
s'agissant de la lutte contre le terrorisme, l'intérêt européen commun impose
de surmonter, de dépasser cette défiance, et a rappelé à l'Union européenne ses
responsabilités : « offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un
espace de liberté, de sécurité et de justice. »
La première mesure adoptée dans la lutte contre le terrorisme par le Conseil
de l'Union « Justice et affaires intérieures » du 20 septembre 2001 a consisté,
justement, à mobiliser par anticipation les mécanismes prévus dans les deux
conventions d'extradition, dont la ratification nous est aujourd'hui
soumise.
Conscients que désormais la seule procédure d'extradition simplifiée n'était
plus adaptée à un espace européen sans frontières confronté à de tels risques
d'actes terroristes, les Etats membres de l'Union ont définitivement adopté, le
13 juin 2002, l'instauration d'un mandat d'arrêt européen, qui rend
l'extradition automatique et obligatoire pour un grand nombre de délits et de
crimes terroristes.
Concrètement, les deux conventions sur l'extradition seront remplacées par une
simple reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et par un simple
transfert des personnes ayant commis un délit, ce qui aura pour effet de créer
un espace unique européen d'extradition.
L'actualité a clairement dicté les priorités et a démontré, une fois encore,
la nécessité d'une intégration européenne plus poussée. Cette dernière est, à
notre sens, toujours la clé de notre pensée et de notre action européenne.
Les exigences de la lutte contre le terrorisme ont enfin permis que la volonté
politique prime sur la différence des cultures juridiques. Nous espérons que
les Etats membres poursuivront en ce sens pour ce qui concerne l'ensemble de la
coopération judiciaire européenne en matière pénale.
Nous veillerons néanmoins à ce que le rapprochement indispensable des
législations et les garanties en matière de droits fondamentaux ne s'exercent
pas au prix d'un nivellement par le bas.
Je prends acte - parce que c'était aussi un sujet d'inquiétude pour nous - de
la réponse que vient de faire M. le secrétaire d'Etat au sujet de la situation
des personnes qui sont réclamées par l'Italie, mais qui sont aujourd'hui
parfaitement intégrées dans notre pays.
En attendant l'entrée en vigueur de la décision-cadre portant sur un mandat
d'arrêt européen le 1er janvier 2004, il reste nécessaire de combler le vide
juridique qui demeure en matière de procédure d'extradition entre l'ensemble
des Etats membres de l'Union. Ce nouveau pas est bien indispensable à la
création d'un véritable espace de justice et de sécurité en Europe.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste approuve la ratification de
ces deux conventions d'extradition.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 85 RECTIFIÉ
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 85
rectifié.
«
Article unique
. - Est autorisée la ratification de la convention
établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne,
relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les Etats membres de
l'Union européenne, faite à Bruxelles le 10 mars 1995, et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
3
TRAITÉ AVEC L'ESPAGNE,
L'ITALIE ET LE PORTUGAL
PORTANT STATUT DE L'EUROFOR
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 268, 2001-2002)
autorisant la ratification du traité entre la République française, le Royaume
d'Espagne, la République d'Italie et la République portugaise portant statut de
l'Eurofor. [Rapport n° 3 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le traité portant
statut de l'Eurofor - Euroforce opérationnelle rapide - signé par l'Espagne, la
France, l'Italie et le Portugal le 5 juillet 2000 consacre une coopération
militaire fructueuse et confirme l'engagement de ces pays au service de la
politique européenne de sécurité et de défense, notamment dans son volet de
gestion de crise.
Ce texte représente une affirmation tangible de la volonté des parties
d'améliorer leurs capacités de réaction rapide dans le cadre de l'objectif
global défini au Conseil européen d'Helsinki.
L'Eurofor est une contribution significative au renforcement des capacités
européennes, une étape importante vers l'européanisation de notre outil de
défense, une reconnaissance du travail accompli ensemble et une concrétisation
de notre vision commune de l'Europe de la défense.
La décision d'engager les moyens nationaux dans une opération sera prise
souverainement par les Etats participants. Toutefois, la mise en commun des
capacités ne s'improvise pas et l'expérience partagée est indispensable pour un
engagement opérationnel efficace. L'Europe est une référence obligée en matière
de choix politico-militaires. Pour être crédible, ce choix implique des
réalisations concrètes, des structures éprouvées, des engagements politiques
durables.
Développer la capacité d'agir de l'Europe est une tâche de longue haleine. La
création de cette force multinationale terrestre avait été décidée à l'occasion
du Conseil des ministres de l'Union de l'Europe occidentale du 15 mai 1995.
L'état-major de l'Eurofor a été créé en 1996. L'Eurofor a été déclarée
opérationnelle en juin 1998. La ratification du traité permettra à la force
d'être employée en opération dans des conditions adéquates de protection
juridique des personnels.
Avec les Euroforces et le Corps européen, l'action extérieure de l'Union
pourra désormais s'appuyer sur un dispositif opérationnel multinational aux
compétences complémentaires. Ces forces pourront agir conjointement et intégrer
des contributions de la part de tous les Etats de l'UEO.
Les missions assignées à l'Eurofor correspondent à celles qui sont énoncées
par la déclaration de Petersberg du 19 juin 1992, inscrites depuis dans le
traité d'Amsterdam : missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants,
missions de maintien de la paix et de forces de combat pour la gestion de
crises, y compris les missions de rétablissement de la paix.
La force peut être appelée à accomplir des missions pour le compte des
organisations internationales, en particulier les Nations unies et l'OTAN.
Les conditions d'emploi de la force, les questions relatives à la mise en
oeuvre du traité et les directives adressées au général commandant la force
sont fixées par les représentants des ministères de la défense et des affaires
étrangères des Etats parties, réunis en comité interministériel de haut niveau,
le CIMIN, qui approuve également le budget. L'Eurofor dispose de la capacité
juridique.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions du traité entre la
République française, le Royaume d'Espagne, la République d'Italie, la
République portugaise portant statut de l'Eurofor, qui fait l'objet du projet
de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. Serge Vinçon,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Vinçon,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a donné un avis favorable à l'approbation du traité portant
statut de l'Eurofor, un traité dont elle avait souligné la nécessité, voilà
déjà cinq ans, dans un rapport d'information consacré aux deux « Euroforces
».
Ce rapport avait signalé certains obstacles juridiques et administratifs qui
entravaient le bon fonctionnement de l'état-major multinational de Florence. Le
traité, inspiré en grande partie des accords qui régissent le stationnement des
troupes alliées dans les pays de l'OTAN, permettra de les surmonter. Il
précisera le statut de la force à l'égard du pays d'accueil et réglera des
questions aussi diverses que le statut des personnels expatriés ou le régime
applicable en matière fiscale, douanière ou d'assurance.
Une autre amélioration, indépendante du traité, semble se profiler, avec
l'acquisition par l'Eurofor d'un système d'information et de commandement
dédié. Il y a cinq ans, notre commission signalait déjà la nécessité d'un tel
équipement pour la crédibilité opérationnelle de la force. Espérons que ce
projet ancien se concrétisera rapidement.
Ces progrès récents sont les bienvenus. Sont-ils pour autant de nature à
atténuer le scepticisme qui entoure l'Eurofor depuis sa création ? C'est une
question qui reste posée pour bien des membres de notre commission.
Déclarée opérationnelle en juin 1998, il y a plus de quatre ans, l'Eurofor
n'a, en tant que telle, jamais été engagée en opérations. Quant à son
état-major, il n'a participé qu'à une opération d'ampleur très limitée, en
Albanie, au premier trimestre 2001, pour assurer le commandement d'une mission
logistique liée à la présence de l'OTAN au Kosovo.
Il s'agit là d'un bilan plus que modeste, à l'heure où les unités nationales
sont, quant à elles, régulièrement envoyées en opérations extérieures.
La commission reste convaincue de l'intérêt d'un état-major multinational
préconstitué et permanent, tel que celui de l'Eurofor, à condition qu'il soit
rodé par des entraînements réguliers et immédiatement opérationnel. Il s'agit
d'un atout, alors que les opérations militaires actuelles sont essentiellement
opérées en coalition internationale.
Pour que l'Eurofor s'affirme réellement comme un instrument au service des
capacités européennes de gestion de crise, il reste à parfaire son
entraînement, à travers un cycle adapté d'exercices multinationaux, et surtout
à l'engager réellement en opération, selon un rythme voisin de celui qui est
appliqué aux états-majors nationaux, faute de quoi elle perdrait toute
justification.
Il est également indispensable de clarifier sa place dans l'architecture des
différentes forces de réaction rapide ou de relève qui sont en cours
d'identification au sein de l'OTAN et de l'Union européenne.
Malgré le scepticisme que peut légitimement inspirer l'Eurofor au vu du bilan
de ses activités depuis sa création, il est encore permis de penser que cette
initiative de la France, de l'Italie, de l'Espagne et du Portugal pourra
trouver, à l'avenir, une traduction utile et concrète. Dans cette perspective,
la commission vous demande, mes chers collègues, d'approuver le présent projet
de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification du traité de siège
entre la République française, le Royaume d'Espagne, la République d'Italie et
la République portugaise portant statut de l'Eurofor, signé à Rome le 5 juillet
2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
4
AMENDEMENT À LA CONVENTION DE BÂLE
SUR LES DÉCHETS DANGEREUX
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 198, 2001-2002)
autorisant l'approbation de l'amendement à la convention de Bâle sur le
contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur
élimination. [Rapport n° 343 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la production d'une
quantité croissante de déchets de toutes natures est l'une des caractéristiques
de nos sociétés et entraîne un certain nombre de problèmes pour la santé
publique et l'environnement.
La mise en décharge, qui reste le mode d'élimination le plus répandu, pose des
problèmes en matière de pollution des sols, des eaux superficielles et
souterraines, d'émissions de gaz à effet de serre et, directement ou
indirectement, en matière de santé humaine. La nature et l'importance de ces
problèmes dépendent du type de déchets concernés et de la qualité des
techniques de mise en oeuvre utilisées. L'incinération pose d'autres problèmes
liés à la pollution atmosphérique - émission de produits toxiques et de métaux
lourds - dont la solution est coûteuse.
Le renforcement des politiques de gestion des déchets dans les pays développés
au début des années quatre-vingt a entraîné une augmentation significative des
coûts d'élimination des déchets dangereux. Ce phénomène a conduit certains
éliminateurs à se débarrasser de leurs déchets dangereux dans des pays de l'Est
ou en développement, dans des conditions désastreuses pour la santé et
l'environnement.
La mise au jour de ces pratiques a amené la communauté internationale à
élaborer et à adopter, sous l'égide du programme des Nations unies pour
l'environnement, le PNUE, en 1989, la convention de Bâle, afin de contrôler les
mouvements transfrontières de déchets dangereux. A ce jour, cent-cinquante deux
Etats et la Communauté européenne sont parties à ce texte entré en vigueur en
1992.
La convention de Bâle s'est fixé trois objectifs principaux : la réduction de
la production de déchets dangereux au minimum ; le traitement des déchets aussi
près que possible de leur lieu de production ; la limitation des mouvements de
déchets dangereux.
Afin de mettre clairement un terme à tout mouvement de déchets dangereux vers
les pays en développement, la deuxième conférence des parties à la convention a
adopté une décision qui vise l'interdiction d'exportation de déchets dangereux
des pays membres de l'OCDE vers les pays non membres de l'OCDE.
Lors de sa troisième réunion, en 1995, elle a décidé de donner suite à la
demande des pays en développement et d'adopter un amendement qui interdit les
exportations de déchets dangereux des pays industrialisés vers les pays en
développement. En conséquence, les déchets destinés à être éliminés étaient
interdits d'exportation et ceux qui étaient destinés à la valorisation l'ont
été à compter du 31 décembre 1997.
Ces interdictions d'exportations s'imposent aux Etats membres de l'OCDE, de la
Communauté européenne et au Liechtenstein.
Pour la France, l'entrée en vigueur de cet amendement n'entraînera pas de
conséquences juridique, économique, budgétaire ou administrative. La France
exporte, en effet, peu de déchets dangereux, et les pays destinataires sont
presque exclusivement des pays européens.
La France applique, en outre, les dispositions du règlement communautaire du
1er février 1993 en ce qui concerne la surveillance et le contrôle des
transferts de déchets à l'intérieur et à la sortie de la Communauté. Les
articles 14 et 16 de ce règlement transposent en droit communautaire les
dispositions de l'amendement du 22 septembre 1995.
Cet amendement a été ratifié, à ce jour, par vingt-neuf Etats, ainsi que par
la Communauté européenne. Il n'entrera cependant en vigueur que lorsque
soixante-deux parties l'auront ratifié.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'amendement à
la convention de Bâle qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à
votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, quatre cents millions de tonnes de déchets dangereux sont
produits chaque année dans le monde, principalement par les pays industrialisés
; 5 %, c'est-à-dire vingt millions de tonnes, franchissent les frontières. Deux
cents millions de tonnes sont produites par les parties à la convention et cent
soixante-treize millions de tonnes par les Etats-Unis, qui ont des accords en
particulier avec le Mexique et avec le Canada, où ils exportent 95 % de leurs
déchets.
Pour ne pas nuire à la santé humaine, ni à l'environnement, ces déchets
doivent faire l'objet d'un traitement approprié et être soit éliminés, soit
recyclés.
Entrée en vigueur voilà maintenant dix ans, la convention de Bâle a mis en
place des procédures de contrôle des mouvements transfrontières de déchets
dangereux. Avec pour objectif final la réduction de la production, la
convention privilégie le traitement des déchets dans le pays de production sur
le critère de la « gestion écologiquement rationnelle » et soumet les
mouvements à des procédures transparentes selon le principe du consentement
préalable à l'importation donné en connaissance de cause.
Le texte qui est aujourd'hui soumis à l'approbation du Sénat est un amendement
à la convention de Bâle, adopté à Genève en septembre 1995, qui pose le
principe d'une interdiction totale des flux de déchets dangereux produits dans
les pays développés, définis comme les pays membres de l'OCDE, de la Communauté
européenne et le Liechtenstein, et regroupés dans une annexe, vers les pays en
développement, définis comme n'appartenant pas à cette annexe.
Cette interdiction totale des flux en direction des pays en développement
avait été réclamée à Bâle, mais, à l'époque, elle n'avait pas obtenu le
consensus nécessaire.
Avant d'aborder de façon plus détaillée les enjeux de ce texte, il convient de
souligner que ces dispositions sont déjà applicables en France - M. le
secrétaire d'Etat l'a rappelé - puisque mises en vigueur par le règlement
communautaire du 1er février 1993. L'Union européenne applique donc totalement
ces mesures.
L'approbation de la France est nécessaire à l'entrée en vigueur de
l'amendement : à l'heure actuelle, seuls 29 pays sur 62 l'ont ratifié.
Après avoir dressé brièvement un bilan d'application de la convention de Bâle,
j'aborderai les questions posées par cet amendement qui, s'il s'inscrit dans le
droit-fil des principes définis à Bâle, n'en soulève pas moins certaines
interrogations.
Le bilan juridique qu'il est aujourd'hui possible de dresser de la convention
est largement satisfaisant : il s'agit d'un instrument dynamique, très
largement ratifié - 149 Etats à ce jour - et qui a contribué de façon décisive
à la mise en place des règles internationales, sous l'effet, notamment, des
législations types et des directives techniques élaborées par le secrétariat de
la convention.
La convention de Bâle a également été complétée par toute une série d'accords
régionaux dont le champ d'application est parfois plus large. C'est le cas,
notamment pour l'Afrique avec la convention de Bamako, entrée en vigueur en
mars 1996, et qui interdit l'importation en Afrique de déchets dangereux et de
déchets radioactifs en provenance de parties non contractantes. Je citerai
aussi l'accord ACP - Afrique, Caraïbes, Pacifique - de Lomé, article 39,
l'accord Centre américain, l'accord du Pacifique Sud, l'accord de
Barcelone-Méditerranée et l'accord de Moscou pour les pays de la Communauté des
Etats indépendants, la CEI.
Quant à l'impact sur l'environnement, il est difficile à évaluer en l'absence
de données statistiques homogènes. Une tendance générale se dégage toutefois :
sur les 5 % de la production mondiale de déchets qui franchissent les
frontières, soit environ vingt millions de tonnes par an, la part destinée à
l'élimination finale est en diminution, tandis que les flux de déchets destinés
au recyclage connaissent une augmentation. Cette tendance est valable, quelle
que soit la zone observée.
Enfin, la convention de Bâle a connu un développement très rapide de ses
dispositions, qui ont été enrichies au fur et à mesure des réunions de la
conférence des parties. Ainsi, outre le texte qui est aujourd'hui soumis à
notre examen, les conférences des parties ont adopté des textes relatifs à la
définition des déchets dangereux, ainsi qu'un protocole particulièrement
attendu sur la responsabilité et l'indemnisation.
L'amendement d'interdiction des exportations en direction des pays en
développement était en germe depuis l'entrée en vigueur de la convention. Il
s'inscrit, en effet, dans le prolongement de deux principes fondateurs de la
convention : le principe de proximité du traitement des déchets dangereux de
leur lieu de production - on ne veut pas les transporter trop loin - et le
principe de leur gestion écologiquement rationnelle.
Partant du constat qu'il est difficile pour le pays en développement d'assurer
le traitement des déchets dangereux dans des conditions satisfaisantes pour la
santé et l'environnement et que, faute de moyens techniques, réglementaires,
financiers et humains, ils ne peuvent faire respecter une interdiction
d'importation, il a très vite semblé nécessaire, comme mesure de précaution
d'envisager une interdiction de ces exportations.
L'amendement procède, en conséquence, à une division du marché mondial des
déchets selon un critère d'appartenance à des organisations économiques. C'est
précisément ce critère de division qui soulève certaines interrogations et qui
explique l'absence de consensus observé lors de l'adoption de cet
amendement.
Deux points n'appellent pas d'objection particulière : l'interdiction est
incontestablement positive pour les déchets destinés à être éliminés et pour
les exportations de déchets en direction des pays les moins avancés.
Le premier type de questions soulevées est la valeur commerciale des
déchets.
Les pays en direction desquels les exportations seront désormais interdites
sont loin de constituer un groupe homogène.
Pour certains pays en transition, les déchets constituent des matières
secondaires nécessaires au fonctionnement de leur industrie, notamment en Asie.
On peut citer ici le cas de Taiwan, qui importe près des trois quarts des
débris d'aluminium produits par l'Union européenne pour fabriquer son propre
aluminium.
On peut citer encore deux chiffres, mes chers collègues : 38 % de la
production mondiale de cuivre et 50 % de la production mondiale de plomb sont
du recyclage.
Certains Etats, comme Israël, ont accès à des techniques avancées de
recyclage, avec un risque de baisse de rentabilité d'installations
particulièrement coûteuses si les importations sont interdites.
A l'inverse, les pays candidats à l'Union européenne se trouveront
automatiquement, du fait de leur adhésion, importateurs potentiels de déchets
dangereux.
La valeur commerciale des déchets pourrait être un obstacle à une ratification
rapide de l'amendement d'interdiction des exportations.
Le second type de questions porte sur le caractère hétérogène du dispositif
adopté, qui reste à éclaircir sur certains points.
Une possibilité de contournement de la règle posée persiste tant que les
Etats-Unis, qui sont, par ailleurs, le premier producteur mondial de déchets -
200 millions de tonnes -, n'auront pas ratifié la convention de Bâle.
En outre, la convention non amendée s'applique aux relations entre deux Etats
dans l'hypothèse où l'un d'entre eux n'a pas ratifié l'amendement.
Le texte de l'amendement n'apporte pas de précisions sur le statut des accords
particuliers relatifs aux exportations de déchets, qui restaient autorisés par
la convention. Si l'Union européenne a considéré qu'il fallait désormais les
proscrire, certains pays, comme l'Australie, les ont considérés comme étant
toujours valables.
Enfin, même si certains pays comme Monaco, Israël ou la Slovénie ont manifesté
leur intention d'y entrer, les critères d'adhésion à l'annexe regroupant les
pays importateurs de déchets ne sont pas encore définis et la définition de
l'annexe est gelée jusqu'à l'entrée en vigueur de l'amendement.
Pour conclure, l'amendement qui vous est soumis aujourd'hui s'inscrit dans le
prolongement des principes posés à Bâle. Il complète un dispositif dynamique
aux effets incontestablement positifs. Pour autant, il devra être accompagné
d'actions concrètes et de moyens pour lutter notamment contre le trafic
illicite, qui va se trouver mécaniquement grossi, pour renforcer les moyens
environnementaux des pays en développement, confrontés qu'ils sont à la
croissance des flux sud-sud en provenance d'Asie, et pour définir de façon plus
fine les destinataires des flux autorisés.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous demande, mes chers collègues, de
bien vouloir adopter le présent projet de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique
. - Est autorisée l'approbation de l'amendement à la
convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets
dangereux et leur élimination, adopté à Genève le 22 septembre 1995, et dont le
texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
5
CONVENTIONS RELATIVES À L'ENTRÉE,
À LA CIRCULATION ET AU SÉJOUR
EN PRINCIPAUTÉ D'ANDORRE
Adoption de deux projets de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 280, 2001-2002) autorisant la ratification de la
convention entre la République française, le Royaume d'Espagne et la
Principauté d'Andorre relative à la circulation et au séjour en Principauté
d'Andorre des ressortissants des Etats tiers. [Rapport n° 383 (2001-2002).]
- et du projet de loi (n° 281, 2001-2002) autorisant la ratification de la
convention entre la République française, le Royaume d'Espagne et la
Principauté d'Andorre relative à l'entrée, à la circulation, au séjour et à
l'établissement de leurs ressortissants. [Rapport n° 383 (2001-2002)] ;
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire
d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la Principauté
d'Andorre a accédé à la souveraineté internationale en 1993. Son enclavement
géographique, les liens historiques rappelés dans le traité « de bon voisinage,
d'amitié et de coopération » entre la République française, le Royaume
d'Espagne et la Principauté d'Andorre du 1er juin 1993, et la suppression des
contrôles aux frontières ont incité les trois Etats à tirer les conséquences de
ce changement de statut international en définissant des règles en matière de
circulation, de séjour et d'établissement de leurs ressortissants et des
ressortissants d'Etats tiers.
Dans ce but, la France, l'Espagne et l'Andorre ont signé, le 4 décembre 2000,
à Bruxelles, deux conventions, l'une relative à l'entrée, à la circulation, au
séjour et à l'établissement de leurs ressortissants, l'autre relative à la
circulation et au séjour en principauté d'Andorre des ressortissants des Etats
tiers, mettant un terme à cinq ans de négociations.
La convention relative à l'entrée, à la circulation, au séjour et à
l'établissement des nationaux des trois Etats vise à établir en la matière une
plus grande sécurité juridique et à faciliter la circulation et l'installation
des ressortissants français et espagnols en Andorre, et des ressortissants
andorrans en France et en Espagne. Elle apporte des améliorations
substantielles aux conditions d'exercice d'activités professionnelles
salariées, non salariées et libérales.
Ainsi, les ressortissants français pourront désormais investir dans les
entreprises andorranes s'ils peuvent justifier d'une résidence effective et
ininterrompue en principauté d'une durée de dix ans, au lieu de vingt ans
actuellement, ce qui constitue une nette amélioration. En outre, cette
convention permet à nos compatriotes d'accéder aux emplois du secteur public
andorran dans des conditions plus favorables que les autres étrangers.
La convention relative à la circulation et au séjour en Principauté d'Andorre
des ressortissants des Etats tiers, quant à elle, établit une étroite
coopération entre les trois Etats contractants en matière de délivrance de
visas et de titres de séjour, prenant en considération leurs préoccupations
mutuelles selon la nationalité des ressortissants des Etats tiers.
Ainsi, eu égard à la situation géographique de la Principauté, les demandes
d'établissement en Andorre des ressortissants hors Union européenne font
l'objet d'un échange d'informations des autorités espagnoles et françaises
préalablement à la décision d'acceptation de la demande. Cette coopération
permettra aux titulaires d'un titre de séjour andorran de circuler librement en
France et en Espagne.
Même si ces conventions ne prévoient pas une stricte réciprocité, elles
constituent néanmoins une avancée réelle par rapport à la situation antérieure.
Elles marquent une étape dans les relations entre les trois Etats, de nouveaux
pas devant être franchis dans le cadre des négociations à venir entre la
Principauté d'Andorre et l'Union européenne.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention entre la
République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative
à l'entrée, à la circulation, au séjour et à l'établissement de leurs
ressortissants, et de la convention entre la République française, le Royaume
d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative à la circulation et au séjour en
Principauté d'Andorre des ressortissants des Etats tiers, qui font l'objet des
projets de loi aujourd'hui proposés à votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, ces deux conventions trilatérales ont été signées entre la
France, l'Espagne et Andorre le 4 décembre 2000, à Bruxelles. Elles portent
respectivement sur les modalités de circulation et d'établissement entre ces
trois pays, et sur la circulation et le séjour en Andorre des ressortissants
des Etats tiers.
En préalable, je souhaite rappeler le contexte récent qui permet de comprendre
pourquoi nos relations avec ce micro-Etat nécessitent autant des textes.
Andorre n'est devenu un Etat souverain que le 14 mars 1993, avec l'approbation
d'une constitution qui mettait fin à la situation féodale prévalant depuis le
xiiie siècle. Andorre était alors une principauté régie par des coprinces, le
Président de la République française et l'évêque d'Urgel, ville de Catalogne
située près de Lerida.
Cette accession à la souveraineté internationale, consacrée par un siège à
l'ONU, a été suivie par la conclusion, le 1er juin 1993, d'un traité de « bon
voisinage, d'amitié et de coopération » entre la France, l'Espagne et
Andorre.
Des négociations trilatérales ont ensuite été engagées sur les modalités
réciproques de circulation, de séjour et d'établissement, avec la prise en
compte de deux contraintes : d'une part, la non-appartenance d'Andorre à
l'Union européenne, alors que la France et l'Espagne en sont membres ; d'autre
part, la spécificité d'Andorre au regard de ses deux grands partenaires. En
effet, on recense quelques centaines d'Andorrans installés en France pour 4 000
Français installés en Andorre.
C'est pourquoi le ministère français des affaires étrangères indique avoir
négocié suivant un objectif de « réciprocité pondérée ».
Ces négociations ont été longues et délicates, comme c'est souvent le cas des
discussions entre pays membres et pays non membres de l'Union européenne.
S'agissant de la position respective des Français et des Espagnols sur le
territoire d'Andorre, cette convention trilatérale leur accorde des droits
identiques, notamment le libre accès aux activités non salariées pour ceux qui
justifient d'une résidence ininterrompue de dix ans, contre vingt ans exigés
aujourd'hui.
Par ailleurs, les nationaux français et espagnols exerçant une activité
professionnelle, salariée ou non, en Andorre bénéficieront, aux termes de ces
conventions, d'une garantie d'égalité de traitement en matière de conditions de
travail, ce qui est une avancée au regard de la situation actuelle.
Il faut relever qu'un titre de séjour de longue durée sera attribué à nos
compatriotes au terme de cinq ans de résidence effective et ininterrompue,
alors que, actuellement, Andorre ne délivre plus que des permis provisoires de
travail et de séjour d'une validité de six mois.
Permettez au sénateur représentant les Français établis hors de France que je
suis de relever que ce sera une avancée pour les Français qui résident en
Andorre.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Très bien !
M. Robert Del Picchia,
rapporteur.
Enfin, le titulaire français ou espagnol d'un droit de séjour
en Andorre pourra faire venir auprès de lui les membres de sa famille, qui
recevront un titre de séjour de même nature et de même durée.
Cette convention trilatérale contient donc un certain nombre d'avancées en
faveur des citoyens français établis en Andorre.
Je vous précise que, depuis 1995, première année statistique significative
après l'accession d'Andorre à la pleine souveraineté, le nombre de Français
actifs séjournant dans la principauté est passé de 1 500 environ à 1 800 en
2001. On voit donc qu'une bonne partie des cadres travaillant dans la
principauté sont français. Nos compatriotes se trouvant dans cette situation
sont évidemment favorables à l'adoption de cette convention.
L'Espagne et Andorre ayant déjà ratifié cette convention en juin 2001, je vous
recommande donc son adoption.
S'agissant maintenant du texte portant sur la circulation et le séjour en
Andorre des ressortissants des Etats tiers, il vise à remédier à la disparité
créée par la soumission de la France et de l'Espagne au dispositif instauré par
l'accord de Schengen en matière de conditions d'entrée, de circulation et de
séjour des étrangers, alors que la Principauté d'Andorre n'est pas liée par ce
texte.
Désormais, les demandes d'établissement de ressortissants d'Etats tiers en
Andorre feront l'objet d'un échange complet d'informations nominatives entre
les trois Etats ; en contrepartie, les titulaires d'un titre de séjour andorran
pourront circuler librement en France et en Espagne.
Cette fluidité nouvelle facilitera le recrutement de la main-d'oeuvre
étrangère nécessaire à Andorre pour soutenir sa croissance économique,
notamment auprès des Français qui seraient intéressés par cette perspective.
Il faut enfin souligner que la population étrangère résidant dans la
principauté se compose aujourd'hui d'environ 40 % d'Espagnols, de 10 % de
Portugais et de seulement 6 % de Français.
Cette convention contient donc des avancées réelles en matière d'accès du
marché du travail andorran, ainsi qu'en matière de rapprochement d'Andorre avec
le système établi par l'accord de Schengen. Ces deux éléments clés ont conduit
la commission des affaires étrangères à vous recommander, mes chers collègues,
d'adopter cette convention.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
me réjouis, bien entendu, de ces dispositions nouvelles dont vont profiter
notamment les ressortissants français en Andorre.
En effet, vous ne l'ignorez pas, le département des Pyrénées-Orientales est
mitoyen de la principauté. Sachant que le tunnel d'Envalira est maintenant
ouvert et que donc le passage des frontières est facilité, on peut s'attendre à
ce que les échanges entre les deux pays s'accroissent encore.
Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais que, dans le cadre
de ces conventions, et peut-être plus encore dans le cadre de la convention
suivante, qui concerne la coopération administrative, les problèmes frontaliers
soient réglés d'une façon définitive. Je pense en particulier au tracé de la
frontière. En effet, certaines communes limitrophes, notamment la commune de
Porta, ont été un peu oubliées lors de la délimitation de la frontière et cela
engendre un certain nombre de problèmes.
Je sais que je peux compter sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour
veiller à ce que ces communes ne soient pas sacrifiées - et Porta, spoliée -
au nom de certains traités ou conventions qui, par ailleurs, sont utiles et
nécessaires.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
J'entends bien votre inquiétude, tout à fait
légitime, monsieur le sénateur, mais tout le monde s'accorde aujourd'hui pour
reconnaître que ces conventions constituent des évolutions considérables pour
nos relations avec la Principauté d'Andorre.
Cependant, la territorialité est sacrée et les communes limitrophes méritent
une attention toute particulière. Je prends donc acte de votre souci, monsieur
le sénateur, et vous assure que nous allons examiner la manière de traiter ce
problème.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?
...
La discussion générale commune est close.
PROJET DE LOI N° 280
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 280.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification de la convention
entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre
relative à la circulation et au séjour en Principauté d'Andorre des
ressortissants des Etats tiers, signée à Bruxelles le 4 décembre 2000, et dont
le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
PROJET DE LOI N° 281
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 281.
«
Article unique.
- Est autorisée la ratification de la convention
entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre
relative à l'entrée, à la circulation, au séjour et à l'établissement de leurs
ressortissants, signée à Bruxelles le 4 décembre 2000, et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
6
CONVENTION AVEC LA PRINCIPAUTÉ
D'ANDORRE RELATIVE
À LA COOPÉRATION ADMINISTRATIVE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 282, 2001-2002)
autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relative à
la coopération administrative. [Rapport n° 384 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et la
Principauté d'Andorre ont signé le 14 février 2001 une convention relative à la
coopération administrative entre les deux Etats, achevant ainsi les
négociations entreprises depuis 1997.
Cette convention a pour principal objet de fournir aux magistrats et aux
fonctionnaires français appelés à occuper un emploi en Andorre un cadre
juridique stable et clair, alors que leurs dossiers étaient jusqu'à présent
traités au cas par cas.
Dans ce but, la convention encourage le détachement de fonctionnaires français
en Andorre, afin de répondre au souhait de la Principauté d'Andorre d'obtenir
de la France les moyens humains nécessaires à la gestion de son administration,
en particulier judiciaire. La convention permettra ainsi de renforcer la
présence française dans ce pays où les fonctionnaires espagnols sont
actuellement plus nombreux dans la magistrature que les fonctionnaires
français.
L'accord de 2001 présente en outre l'avantage de régulariser la situation
statutaire des fonctionnaires appartenant à la fonction publique française, de
nationalité andorrane, appelés à exercer un mandat électif, une fonction de
membre du gouvernement, ou encore une haute charge pour le compte de la
Principauté d'Andorre.
Enfin, l'entrée en vigueur de la convention permettra de lever le risque
suscité par les dérogations au droit de la fonction publique, lesquelles
pourraient créer un précédent susceptible de mettre en cause le droit positif
français.
Le texte qui est soumis aujourd'hui à votre approbation intéresse à l'heure
actuelle uniquement deux catégories d'agents publics, à savoir des magistrats -
six magistrats français - et des enseignants - cinq enseignants andorrans. Il
va de soi que le faible nombre de personnes concernées ne doit pas occulter le
fait que cette convention présente un réel intérêt dans le cadre des relations
bilatérales.
En effet, l'Andorre, qui ne compte que 65 000 habitants, ne s'est ouverte à la
vie internationale qu'en 1993 et ne dispose pas toujours des moyens humains
nécessaires à une gestion efficace de son appareil administratif et judiciaire.
La France, qui bénéficie d'un lien particulièrement fort avec ce pays du fait
de l'institution du coprince, a un devoir de solidarité active envers le jeune
Etat.
Grâce à la situation administrative précise et stable dont bénéficieront
désormais les agents relevant de notre fonction publique, la convention est
susceptible de renforcer la présence en Andorre de fonctionnaires et de
magistrats français, tout en attirant les Andorrans vers la fonction publique
française. Ces deux facteurs sont de nature à renforcer le rayonnement français
dans la Principauté, sachant que l'influence française est actuellement
fortement déséquilibrée au bénéfice de la présence hispano-catalane.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention
relative à la coopération administrative qui fait l'objet du projet de loi qui
est aujourd'hui proposé à votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, dans la suite des deux conventions trilatérales que nous
venons d'approuver, nous sommes amenés à examiner une convention, bilatérale
cette fois, portant sur la coopération administrative entre la France et la
Principauté d'Andorre, qui a été signée le 14 février 2001.
L'objet en est le suivant : à l'heure actuelle, les membres de la fonction
publique française susceptibles d'occuper des fonctions en Andorre peuvent être
de nationalité andorrane.
Cette possibilité découle de l'extension, en 1994, aux ressortissants
andorrans, des dispositions de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et
obligations des fonctionnaires, loi qui a ouvert la fonction publique française
aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou de l'Espace
économique européen.
Jusqu'à présent, cette potentialité donnait lieu à une étude au cas par cas de
l'adéquation des candidats aux postes vacants.
La présente convention vise donc à formaliser cette coopération
administrative, afin de faciliter la mise à disposition ou le détachement de
fonctionnaires français, appartenant à la fonction publique de l'Etat, et de
magistrats de l'ordre judiciaire, pour occuper un emploi public en Principauté
d'Andorre, et permettre à des ressortissants andorrans relevant de la fonction
publique française d'exercer un mandat électif, une fonction de membre du
gouvernement, ou une haute charge pour le compte de la Principauté.
Aujourd'hui six magistrats français exercent une charge juridictionnelle en
Andorre et cinq ressortissants andorrans sont titulaires de la fonction
publique française, après avoir passé des concours de niveaux divers du
ministère de l'éducation nationale. Ainsi, Mme l'ambas-sadeur d'Andorre en
France, qui est aujourd'hui parmi nous et que je salue, est agrégée de
l'université française. On le voit, le champ d'application de la convention
apparaît restreint par le faible nombre de personnes impliquées.
Mais ce texte apporte une facilité nouvelle aux fonctionnaires de nationalité
andorrane relevant de la fonction publique française puisqu'ils disposeront,
grâce à elle, de la possibilité de prétendre à la position de détachement,
alors qu'ils doivent aujourd'hui recourir à la position de mise en
disponibilité pour convenances personnelles s'ils veulent exercer une fonction
dans un Etat tiers, comme l'est la Principauté d'Andorre.
Par ailleurs, la convention présente l'avantage de conférer une base juridique
claire et stable aux fonctionnaires français exerçant des missions, notamment
de magistrats, en Andorre. La France pourra ainsi apporter son appui dans un
cadre précis à ce petit pays qui manque de cadres administratifs compétents.
Par conséquent, même si elle ne s'applique qu'à un nombre limité de personnes,
cette convention qui facilite l'échange et la coopération administrative entre
la France et la Principauté d'Andorre, est utile et opportune.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères vous recommande son
adoption.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté
d'Andorre relative à la coopération administrative, signée à Andorre-la-Vieille
le 14 février 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
7
CONVENTION DE SÉCURITÉ SOCIALE
AVEC LA PRINCIPAUTÉ D'ANDORRE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 363, 2001-2002)
autorisant la ratification de la convention de sécurité sociale entre la
République française et la Principauté d'Andorre signée à Andorre-la-Vieille le
12 décembre 2000. [Rapport n° 2 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en l'absence de
convention de sécurité sociale, les relations entre les régimes français et
andorrans étaient régies par l'accord administratif du 9 juin 1970 passé entre
la caisse andorrane de sécurité sociale et les caisses nationales
françaises.
Cependant, ce premier acte officiel de la coopération franco-andorrane dans le
domaine de la sécurité sociale présentait des limites importantes en raison du
caractère insuffisant de ses dispositions. Il était, en outre, devenu obsolète
à la suite de l'accession à la souveraineté de la Principauté d'Andorre en
1993.
C'est la raison pour laquelle les autorités françaises et andorranes ont
ouvert en 1997 des négociations qui ont abouti, le 12 décembre 2000, à la
signature d'une convention de sécurité sociale.
Les dispositions de ce texte, qui se rapprochent fortement des règles
européennes en la matière, tiennent compte de la situation géographique de la
Principauté.
A l'instar de toutes les conventions internationales de sécurité sociale,
celle-ci devrait faciliter les échanges de travailleurs entre les deux pays.
Elle devrait améliorer la situation des assurés des régimes français et
andorran, indépendamment de leur nationalité, en permettant l'accès au système
de santé de l'autre Etat et en facilitant l'ouverture des droits et le services
des prestations.
Pour ce faire, le texte reprend les grands principes de notre législation
sociale et les dispositions qui figurent traditionnellement dans nos
conventions.
Ainsi, le champ d'application personnel inclut les salariés et les
non-salariés français et andorrans, en activité ou à la retraite, ainsi que les
ressortissants d'Etats tiers affiliés aux régimes des deux Etats.
Tous les risques - maladie, invalidité, vieillesse et accidents du travail -
sont inclus dans le champ matériel de la convention sans pouvoir être
dissociés.
L'affiliation à la législation de l'Etat où est exercée l'activité
professionnelle est de règle. Toutefois, pour éviter d'éventuelles pertes de
droit, des dérogations sont prévues qui autorisent les travailleurs à rester
soumis à la législation de sécurité sociale de leur Etat d'origine pour une
mission ou une prestation de service d'une durée d'un an prorogeable.
L'égalité de traitement est garantie, permettant à toute personne entrant dans
le champ d'application, ainsi qu'à ses ayants droit, de bénéficier d'un
traitement égal à celui qui est accordé aux ressortissants de l'autre Etat
contractant.
Il est également prévu de totaliser toutes périodes de cotisation dans chacun
des deux Etats pour l'ouverture des droits et d'effectuer un double calcul afin
de déterminer le pourcentage des prestations revenant à la charge des deux
Etats, le calcul le plus favorable à l'assuré étant toujours privilégié.
Enfin, par la levée des clauses de résidence, les prestations ne peuvent faire
l'objet d'aucune restriction de droits, de modification, de suspension,
d'annulation, au seul motif que les bénéficiaires ne résident pas sur le
territoire de l'Etat contractant débiteur desdites prestations.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention de
sécurité sociale entre la République française et la Principauté d'Andorre qui
fait l'objet du projet de loi qui est aujourd'hui proposé à votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, l'accession, en 1993, de la Principauté d'Andorre à la
souveraineté internationale - que j'ai déjà évoquée lors de mes précédentes
interventions - a rendu nécessaire l'évolution des rapports, de droit et de
fait, que la France entretient avec ce pays.
La présente convention figure au nombre des instruments juridiques destinés à
adapter ces rapports.
Ce texte se substitue à des arrangements parcellaires qui avaient été
directement conclus en 1970 entre les caisses de sécurité sociale andorranes et
françaises. La convention englobe désormais l'ensemble des risques couverts par
les assurances sociales, à l'exception du risque chômage, qui n'est pas prévu
par la législation de la Principauté d'Andorre.
Il faut souligner que les nouvelles dispositions contenues dans cette
convention, qui a déjà été ratifiée par la partie andorrane, s'inspirent
largement des mécanismes contenus dans le règlement élaboré en ce domaine par
l'Union européenne.
Des adaptations de certains éléments de ce règlement communautaire ont
cependant été effectuées pour tenir compte des spécificités de la Principauté,
notamment son petit nombre d'habitants, qui se situe autour de 65 000.
Ce nouvel instrument juridique, beaucoup plus complet que les dispositions
actuellement en vigueur en matière de sécurité sociale, est globalement
équilibré au profit des deux pays, et est attendu par nos concitoyens résidant
en Andorre.
Il faut rappeler que les accords de 1970, conclus lorsque Andorre n'était pas
encore un Etat indépendant, ont perdu leur validité juridique lors de
l'accession d'Andorre à la souveraineté.
De plus, nos concitoyens résidant dans la Principauté d'Andorre pâtissent de
la précarité de ces arrangements, qui sont lacunaires et ne couvrent que
certains risques sociaux.
Ces éléments constituent autant de restrictions aux activités économiques que
souhaiteraient engager des Français sur le territoire andorran. Alors que l'on
constate une forte expansion des entreprises espagnoles dans la Principauté, il
convient de donner à nos compatriotes des garanties sociales stables et fondées
en droit. Ce sera là l'un des apports bénéfiques de la présente convention.
Le texte établit un dispositif très complet d'assurances sociales, du point de
vue tant de la définition des bénéficiaires que des risques couverts.
Ainsi, ce sont tous les risques sociaux, à l'exception du chômage - nous
l'avons dit - qui sont évoqués et réglés par la convention. Cette dernière
porte successivement sur l'assurance vieillesse, les assurances maladie et
maternité, l'assurance invalidité, l'assurance décès, ainsi que l'assurance
accidents du travail et maladies professionnelles.
Certains cas particuliers sont évoqués par la convention, car ils dérogent à
sa portée générale. Ainsi, pour la France, il faut relever que les travailleurs
salariés pourront bénéficier d'une possibilité dite de « détachement » d'un an,
renouvelable une fois, ce qui leur permettra de rester affiliés au régime
français. En outre, les personnels salariés des postes diplomatiques et
consulaires resteront affiliés au régime de sécurité sociale applicable en
France.
En conclusion, je vous rappelle que cette convention contient des dispositions
classiques, largement analogues à celles qui sont entrées en vigueur grâce à
des textes similaires conclus entre la France et des Etats
extracommunautaires.
Ce texte constituera un élément positif pour les Français souhaitant établir
leur activité professionnelle dans la Principauté d'Andorre, alors que la
communauté de langue constitue un atout pour nos amis espagnols, très présents
dans la Principauté.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
demande donc au Sénat, au vu de l'ensemble de ces éléments, d'adopter ce projet
de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée la ratification de la convention de
sécurité sociale entre la République française et la Principauté d'Andorre,
signée à Andorre-la-Vieille le 12 décembre 2000, et dont le texte est annexé à
la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
8
CONVENTION RELATIVE AU RACCORDEMENT DE LA SUISSE
AU RÉSEAU FERRÉ FRANÇAIS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 322, 2001-2002)
autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la
République française et le Conseil fédéral suisse relative au raccordement de
la Suisse au réseau ferré français, notamment aux liaisons à grande vitesse
(ensemble une annexe). [Rapport n° 399 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et la
Suisse ont signé, le 5 novembre 1999, à Genève, un accord concrétisant leur
volonté d'améliorer les conditions de circulation des personnes et des biens
entre les deux pays, en réduisant sensiblement les temps de parcours par voie
ferrée.
Les autorités et les citoyens de la Confédération helvétique ont, depuis
longtemps, pris la mesure des enjeux du transport ferroviaire pour le
franchissement des Alpes et du Jura, enjeux d'autant plus forts que la Suisse
est, à l'image de la France, l'un des grands pays pour le transit européen des
voyageurs et des marchandises. Ainsi, la mise en valeur des liaisons de Berne
et Lausanne vers Dijon et Paris, l'amélioration de la liaison de Genève vers
Paris par Bellegarde et Bourg-en-Bresse ainsi que celle de Bâle vers Paris font
partie du projet global de raccordement de la Suisse au réseau ferroviaire
européen à grande vitesse.
L'accord du 5 novembre 1999 se place dans le cadre des décisions du Conseil
fédéral suisse d'affecter une partie des investissements prévus par le
programme suisse de construction de lignes ferroviaires à travers les Alpes à
l'amélioration du raccordement de la Suisse au réseau européen à grande
vitesse. Ce principe, approuvé par les chambres fédérales en avril 1998, a été
adopté par référendum du peuple suisse en novembre 1998.
Il précise les conditions d'une amélioration à court et moyen terme du
raccordement de la Suisse au réseau ferroviaire français dans le cadre des
réflexions déjà conduites. Il s'agit de la recherche d'une meilleure
performance des liaisons ferroviaires par des mesures d'exploitation et des
investissements sur le réseau ferré national français. L'accord s'appuie sur
une démarche de coopération fructueuse, engagée de longue date, entre les
administrations compétentes en Suisse et en France. Il privilégie trois axes
majeurs de transport : Paris-Genève, Paris-Neuchâtel-Berne et Paris-Bâle.
Il est prévu que les Etats français et suisse apportent les contributions
financières nécessaires à la réalisation des travaux d'infrastructures. Une
répartition de ces contributions a été recherchée en tenant compte des intérêts
respectifs des deux Etats. Sur ce point, les autorités suisses ont donné leur
accord sur un financement de 50 % du montant des projets de réouverture de la
ligne entre Bourg-en-Bresse et Bellegarde, d'une part, et du projet de
modernisation de la ligne entre Dijon et Neuchâtel-Berne sur le territoire
français, d'autre part. Pour partie, ce projet figure également dans les
contrats de plan Etat-région.
Il convient de souligner l'intérêt de cet accord puisque ce financement suisse
porte sur des projets qui sont intégralement sur le territoire français, et que
le Conseil fédéral suisse envisage également une participation financière au
projet de ligne à grande vitesse Rhin-Rhône.
Tous ces éléments m'amènent à souligner l'importance de cet accord. En effet,
le Conseil fédéral suisse apprécie la qualité de nos infrastructures
ferroviaires et le maillage TGV de notre territoire national grâce à son
insertion européenne. Soucieux du coût de réalisation important de ces
infrastructures, il a souhaité s'associer au financement de ces améliorations
afin de pouvoir assurer la desserte de grandes villes suisses par notre réseau
national.
Afin de veiller à la concrétisation rapide des objectifs de cet accord, un
comité de pilotage bilatéral se réunit à intervalles réguliers depuis la date
de signature du protocole. Les entreprises gestionnaires des infrastructures et
les exploitants ferroviaires des deux pays participent, en tant que de besoin,
aux travaux de ce comité de pilotage.
En définitive, cet accord fournit un cadre adapté pour le financement des
différents projets ferroviaires communs entre les deux pays. Parmi ces projets,
les liaisons Paris-Genève et Paris-Lausanne, Neuchâtel et Berne pourront être
améliorées à court terme par la moderni-sation des infrastructures existantes.
A terme, le projet de ligne à grande vitesse Rhin-Rhône améliorera quant à lui
la desserte de la Suisse par Bâle.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l'accord qui fait
l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la convention du 5 novembre 1999 relative au raccordement de
la Suisse au réseau ferré français constitue un exemple très positif de
coopération transfrontalière dans le domaine des infrastructures de transport,
en l'occurrence, en matière de liaisons ferroviaires.
Elle présente tout d'abord le mérite de formaliser les principales priorités
retenues par la France et la Suisse pour leurs relations ferroviaires et met en
place des mécanismes de concertation et de coordination.
L'objectif général recherché par les deux parties, à savoir le raccordement
optimal du réseau ferroviaire suisse au réseau ferré français, est assorti
d'une énumération précise de projets d'améliorations à court et à moyen
terme.
Ainsi, la liaison Paris-Genève la plus rapide, qui prend actuellement trois
heures trente-cinq, prendra deux heures trente après les travaux et la liaison
Paris-Lausanne - trois heures quarante-cinq aujourd'hui - prendra trois heures
cinq.
Parmi les projets, la réactivation de la ligne du Haut-Bugey, qui passe par
Nantua, nous semble en mesure d'apporter, à une échéance raisonnable, des gains
de temps très appréciables non seulement en direction de Genève, mais aussi
entre Paris et la Haute-Savoie. De même, les aménagements prévus sur la ligne
du Jura faciliteront les liaisons avec Lausanne et Berne. A plus long terme,
d'autres progrès sont envisageables grâce à l'extension du réseau à grande
vitesse, en particulier avec le TGV Rhin-Rhône. Bâle sera alors encore plus
près de Paris : de quatre heures cinquante, la durée de la liaison passera à
deux heures trente.
La convention laisse toutefois chaque pays maître de la conduite de ses
projets, dans le cadre des procédures nationales. Elle n'assigne pas
d'échéancier précis et ne mentionne aucun engagement financier de l'un ou
l'autre Etat.
Elle comporte cependant une clause très importante permettant un certain
partage des investissements nécessaires aux projets envisagés. Dans ce cadre,
la Suisse a déjà annoncé une participation financière très significative - 135
millions d'euros - pour la réouverture de la ligne du Haut-Bugey et
l'amélioration de la traversée du Jura. Cette contribution suisse représente 45
% du coût de ces travaux, qui sont, précisons-le, entièrement effectués sur le
territoire français.
Dans la même logique, des négociations sont en cours pour une contribution
helvétique au profit de la branche est du TGV Rhin-Rhône, qui coûtera environ
50 millions d'euros. Les Suisses seraient prêts à payer 25 millions d'euros.
Si certaines mesures prévues dans la convention peuvent se concrétiser à
échéance des actuels contrats de plan Etat-régions, c'est-à-dire à l'horizon
2006, d'autres s'inscrivent dans une perspective à moyen terme. Nous savons
qu'en ce qui concerne la France le calendrier de certains projets pourra être
revu à la lumière de l'audit commandé par le Gouvernement sur l'ensemble des
projets d'infrastructure.
Il n'en reste pas moins que cette convention constitue un cadre très utile de
concertation et de planification. Sans doute serait-il souhaitable de disposer
d'instruments analogues avec d'autres pays voisins, notamment ceux, comme
l'Espagne, avec lesquels les flux de transport sont les plus intenses.
Compte tenu de l'intérêt que représente l'amélioration des liaisons
ferroviaires franco-suisses, tant pour les liaisons voyageurs que pour le fret,
la commission des affaires étrangères vous demande, mes chers collègues,
d'adopter le présent projet de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention entre
le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse
relative au raccordement de la Suisse au réseau ferré français, notamment aux
liaisons à grande vitesse (ensemble une annexe), signée à Genève le 5 novembre
1999, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Avant de mettre aux voix l'article unique du projet de loi, je donne la parole
à M. Paul Blanc pour explication de vote.
M. Paul Blanc.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la signature de cette convention est, bien sûr,
une excellente chose et si par ailleurs, comme M. le rapporteur y a fait
allusion, un financement identique pouvait être trouvé dans les meilleurs
délais pour la liaison Figueras-Perpignan, nous en serions très heureux !
Le projet est maintenant prêt, mais les financements sont difficiles à mettre
en place. Je serais donc très favorable à ce que Mme la ministre déléguée aux
affaires européennes engage une discussion avec l'Espagne afin que puisse être
trouvé avec ce pays un accord de financement aussi avantageux que celui qui a
été passé avec la Suisse.
(M. le président de la commission des affaires
étrangères applaudit.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
9
PROTOCOLE ADDITIONNEL À L'ACCORD
AVEC LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE
DE L'ÉNERGIE ATOMIQUE
ET L'AGENCE INTERNATIONALE
DE L'ÉNERGIE ATOMIQUE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 199, 2001-2002)
autorisant la ratification du protocole additionnel à l'accord entre la France,
la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de
l'énergie atomique relatif à l'application de garanties en France. [Rapport n°
398 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, la
France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence
internationale de l'énergie atomique, l'AIEA, ont signé à Vienne, le 22
septembre 1998, un protocole additionnel à l'accord entre ces mêmes parties,
relatif à l'application de garanties en France, accord qui était entré en
vigueur le 12 septembre 1981.
La découverte du programme nucléaire militaire clandestin de l'Iraq et les
difficultés rencontrées par l'AIEA en Corée du Nord pour vérifier le stock de
matières nucléaires déclarées par cet Etat, au début des années
quatre-vingt-dix, ont mis en évidence l'insuffisance des mesures appliquées
dans le cadre des accords de garanties généralisées.
Ces deux Etats sont en effet signataires du TNP, le traité de
non-prolifération nucléaire, d'un accord de garanties généralisées avec l'AIEA.
Cependant, dans le cadre des accords de garanties, qui portent sur la
vérification des matières nucléaires détenues et déclarées par ces Etats, les
prérogatives des fonctionnaires de l'Agence restent limitées, notamment en
termes d'accès à l'information et d'accès physique aux matières nucléaires dans
les installations inspectées.
Il a donc fallu pallier les insuffisances juridiques ou pratiques des accords
de garanties et donner à l'AIEA la capacité de détecter des matières ou des
activités nucléaires non déclarées dans les Etats non dotés d'armes
nucléaires.
En conséquence, le programme de renforcement des garanties de l'AIEA, plus
connu sous le nom de « programme 93 plus 2 », a répondu à cet objectif. Le
modèle de protocole additionnel aux accords de garanties généralisées de 1997
prévoit que les Etats signataires communiquent à l'Agence des informations plus
larges que les informations relatives aux matières nucléaires, par exemple les
informations ayant trait à la recherche et au développement ou encore aux
importations et exportations d'articles nucléaires. Le modèle de protocole
autorise également l'Agence à accéder à des lieux où d'éventuelles activités
nucléaires non déclarées pourraient être menées.
Il s'agit donc d'un progrès significatif en termes d'efficacité de la
vérification internationale et d'une contribution importante au renforcement du
régime international de non-prolifération des armes nucléaires dans ce qu'il a
de plus essentiel.
Conçu à l'origine pour les Etats non dotés d'armes nucléaires ayant signé des
accords de garanties généralisées, le modèle de protocole a servi également de
base pour la négociation des protocoles additionnels aux accords de garanties
des cinq Etats dotés d'armes nucléaires, dont la France.
La France a, en effet, estimé qu'elle devait jouer pleinement son rôle dans le
processus de renforcement du régime de non-prolifération des armes nucléaires.
Son offre de signer un protocole additionnel témoigne de sa volonté de
contribuer activement à la paix et à la sécurité internationale.
Ainsi, ce protocole additionnel tient compte des objectifs qu'elle s'est fixés
en matière de renforcement des garanties dans les Etats non dotés d'armes
nucléaires d'amélioration du rapport coût/efficacité des garanties exercées par
l'AIEA en France.
Avec la mise en oeuvre du protocole français, l'Agence pourra bénéficier
d'informations sur des coopérations dans le domaine des applications pacifiques
de l'énergie nucléaire, engagées par la France avec les Etats non dotés d'armes
nucléaires.
La France octroiera également à l'Agence un accès à certaines de ses
installations, lorsque cet accès sera de nature à éclairer l'Agence sur des
activités menées en coopération avec ces mêmes Etats non dotés d'armes
nucléaires.
Les informations communiquées par la France et, le cas échéant, par la
Commission européenne au titre du traité d'EURATOM, de même que l'accès qui
sera éventuellement octroyé à l'Agence seront bien entendu limités à l'objectif
poursuivi et ne sauraient porter sur des domaines confidentiels, parce que
relevant de la défense nationale.
Le protocole français contient donc des dispositions qui encadrent les
nouvelles compétences de l'Agence et les modalités d'exercice par cette
dernière de la vérification internationale en France.
Il entrera en vigueur lorsque l'Agence aura reçu à la fois de la France et de
la Communauté notification écrite que leurs procédures internes respectives
sont terminées. Cette entrée en vigueur devrait être simultanée avec celle des
protocoles de nos partenaires de l'Union européenne.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le président de la commission,
mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le
protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de
l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à
l'application de garanties en France, qui fait l'objet du projet de loi
aujourd'hui proposé à votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées, en remplacement de M. Michel Pelchat, rapporteur.
Monsieur
le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du
protocole conclu en septembre 1998 entre la France, EURATOM et l'Agence
internationale de l'énergie atomique a été l'occasion, au sein de la
commission, d'un débat plus large sur la lutte contre la prolifération
nucléaire et ses perspectives actuelles.
Suivant les conclusions de son rapporteur, M. Michel Pelchat, la commission a,
bien entendu, approuvé le protocole additionnel ; et, en commençant ainsi par
la conclusion, je suis certain, monsieur le secrétaire, que je vous soulage
d'une inquiétude considérable !
(M. le secrétaire d'Etat sourit.)
Sur un plan pratique, la France étend la gamme des informations transmises à
l'AIEA. Elle accepte le contrôle international d'activités nucléaires civiles
menées en coopération avec d'autres pays afin d'établir que ces coopérations ne
favorisent pas l'acquisition et la détention par des pays non dotés d'armes
nucléaires de capacités nucléaires militaires.
La démarche française a surtout un objectif politique de soutien au régime
international de non-prolifération.
A travers la généralisation de tels protocoles, il s'agit en effet de donner
corps au programme de renforcement des garanties de l'AIEA défini en 1993, en
réaction notamment aux lacunes criantes du régime de contrôle antérieur
révélées lors de la découverte du programme nucléaire militaire iraquien. La
question est donc d'actualité.
Ces protocoles additionnels doivent permettre à l'AIEA sinon de garantir la
prévention absolue d'un programme nucléaire clandestin du moins de favoriser la
collecte d'informations suffisantes pour établir de fortes présomptions en cas
de telles activités clandestines. L'enjeu est donc très important, et la France
ne peut qu'appuyer l'extension à un maximum de pays de ce régime renforcé
d'inspections internationales.
Pour autant, lors du débat en commission, plusieurs de nos collègues ont
exprimé un certain pessimisme - et pour cause ! - sur l'avenir de la politique
de non-prolifération.
Tout d'abord, il faut constater que la mise en oeuvre de ce programme de
renforcement des pouvoirs de l'AIEA reste lente et laborieuse. Une soixantaine
d'Etats seulement ont souscrit à un protocole additionnel, et, parmi eux, on ne
trouve pratiquement pas de pays des régions les plus sensibles, notamment du
Proche-Orient et du Moyen-Orient. Une majorité d'Etats demeure sous le régime
antérieur des accords de garanties dont nous venons de souligner
l'insuffisance.
La politique de non-prolifération est également affaiblie par les difficultés
persistantes rencontrées non seulement avec l'Iraq, mais également avec la
Corée du Nord. Elle se trouve confrontée à l'immense défi du contrôle et de la
sécurité de l'arsenal nucléaire russe et de son démantèlement, aux risques de
vols de matières fissiles ou de détournement du potentiel scientifique,
matériel et humain au profit d'Etats proliférants, voire d'organisations
terroristes. Enfin, les nouvelles puissances nucléaires de fait, qui n'adhèrent
pas au TNP, se situent toujours en dehors du régime international de
non-prolifération.
Tous ces éléments, monsieur le secrétaire d'Etat, démontrent la fragilité du
régime de lutte contre la prolifération nucléaire mis en place par la
communauté internationale.
Il est plus que nécessaire de poursuivre tous les efforts destinés à
consolider et à perfectionner les instruments internationaux existants.
La commission des affaires étrangères vous demande donc, mes chers collègues,
d'adopter le projet de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. -
Est autorisée la ratification du protocole
additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie
atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à
l'application de garanties en France, signé à Vienne (Autriche) le 22 septembre
1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
10
ACCORD AVEC LA RUSSIE RELATIF
À LA RESPONSABILITÉ CIVILE
AU TITRE DE DOMMAGES NUCLÉAIRES
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 323, 2001-2002)
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la
responsabilité civile au titre de dommages nucléaires du fait de fournitures en
provenance de la République française destinées à des installations nucléaires
en Fédération de Russie. [Rapport n° 4 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et la
Russie ont toutes deux fait un choix énergétique en faveur de l'utilisation de
l'énergie nucléaire pour satisfaire une partie importante de leurs besoins en
électricité. La France dispose en la matière d'un pôle industriel d'excellence,
et la Russie doit mettre son industrie aux normes de sûreté occidentales. C'est
donc naturellement que la France et la Russie ont décidé de renforcer leur
coopération dans ce domaine par le biais de l'accord du 20 juin 2000.
L'objectif principal de cet accord consiste à assurer la sûreté juridique des
livraisons effectuées en Russie par la France et ses fournisseurs.
En effet, l'un des obstacles au développement des échanges entre la France et
la Russie dans le domaine du nucléaire civil réside dans l'absence de règles
permettant de dégager la responsabilité civile de la France et de ses
fournisseurs en cas d'accident nucléaire survenant en Russie. A la suite des
efforts consentis, à titre bilatéral et dans le cadre du G 8, pour inciter la
Russie à adhérer à la convention de Vienne de 1963 sur la responsabilité civile
nucléaire, ce pays a accepté de signer ce texte, mais ne l'a toujours pas
ratifié.
Cette convention, ou celle de l'OCDE, à laquelle la France adhère, la
convention de Paris de 1960, introduisent le principe, très protecteur pour les
fournisseurs, de la canalisation de la responsabilité vers l'exploitant, et
uniquement vers ce dernier. La signature d'un accord bilatéral était donc
nécessaire pour combler ce vide juridique.
En outre, l'accord de Paris était indispensable pour mettre en place une
coopération d'envergure entre les deux pays.
Les besoins de la Russie en matière de sûreté nucléaire sont grands,
principalement en matière de modernisation des installations et de dépollution
nucléaire. Dans ce domaine, la France possède un savoir-faire, et il est de
notre responsabilité d'aider la Russie et de contribuer aux projets de la
communauté internationale.
Notre action porte également sur l'aide au désarmement et à la
non-prolifération nucléaires. En effet, dans le cadre du partenariat global
contre la prolifération des armes de destruction massive, annoncé par le G 8 au
sommet de Kananaskis, en juin dernier, la France est l'un des leaders de la
transformation du plutonium des armes nucléaires russes démantelées en
combustible destiné à être brûlé dans des réacteurs civils.
Enfin, il convenait que nos entreprises ne soient pas pénalisées par rapport à
nos concurrents occidentaux.
Les Etats-Unis ont conclu un accord tout à fait similaire en 1993, l'Allemagne
et la Norvège en 1998. Enfin, la Commission européenne, pour le programme
Tacis, et la BERD, la Banque européenne pour la reconstruction et le
développement, ont également conclu des accords de même nature. La conclusion
de cet accord était nécessaire à notre action en Russie et à la participation
aux programmes internationaux.
Je vous présenterai maintenant les deux dispositions qui constituent le coeur
de cet accord.
Tout d'abord, la Russie renonce au recours contre la France et les
fournisseurs français. Cette disposition est importante, car toutes les
centrales nucléaires russes, sauf une, sont gérées par l'Etat.
Ensuite, une protection juridique appropriée est garantie à la France ou aux
fournisseurs français si ceux-ci sont attaqués en justice par des tiers. Ils
sont, en outre, déchargés de leur responsabilité civile en cas de
condamnation.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l'accord entre la
France et la Russie relatif à la responsabilité civile au titre des dommages
nucléaires qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre
approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier Pintat,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le développement de la coopération dans le domaine nucléaire,
engagée à partir des années quatre-vingt-dix entre la Russie et les pays
occidentaux justifie que soit résolue la question sensible du régime de
responsabilité civile applicable aux interventions des opérateurs étrangers.
On se souvient qu'après l'accident de Tchernobyl, en 1986, l'Union soviétique
avait décliné toute responsabilité pour les dommages nucléaires provoqués par
cette catastrophe. Depuis lors, plusieurs pays issus de l'ex-URSS et la plupart
des pays d'Europe centrale ont adhéré à la convention de l'Agence
internationale de l'énergie atomique sur la responsabilité civile en matière de
dommages nucléaires. On peut regretter que, bien qu'ayant signé cette
convention en 1996, la Russie ne l'ait pas ratifiée et n'ait toujours pas
adopté de législation interne conforme aux règles reconnues par la communauté
nucléaire internationale.
L'accord signé le 20 juin 2000 entre la France et la Russie répond bien à ce
souci de sécurité juridique pour les prestations fournies par des intervenants
français et destinées à une installation nucléaire russe.
Comme les accords bilatéraux de même nature conclus par les Etats-Unis, la
Commission européenne, l'Allemagne et la Norvège, il garantit l'application des
principes fondamentaux du droit de la responsabilité nucléaire, en particulier
la responsabilité objective et exclusive de l'exploitant de l'installation.
Si une part significative des interventions françaises transitent par le canal
européen, dans le cadre des programmes communautaires d'amélioration de la
sûreté des installations nucléaires russes, et sont donc déjà couvertes par
l'accord conclu en 1995 entre les autorités européennes et la Russie, l'accord
franco-russe de juin 2000, dont la ratification nous est proposée aujourd'hui,
trouvera, quant à lui, à s'appliquer à d'autres projets où la France est, en
tant que telle, engagée.
Nous pensons en particulier ici au domaine si important du recyclage du
plutonium militaire excédentaire en vue de son utilisation à des fins civiles,
ou encore des projets de dépollution nucléaire.
Par ailleurs, des coopérations pourraient être envisagées si les autorités
russes concrétisaient leur ambition de développer leur secteur nucléaire
civil.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a
donc pleinement approuvé cet accord et vous demande, mes chers collègues,
d'adopter le présent projet de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de
Russie relatif à la responsabilité civile au titre des dommages nucléaires du
fait de fournitures en provenance de la République française destinées à des
installations nucléaires en Fédération de Russie, signé à Paris le 20 juin
2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
11
ACCORD AVEC LE VENEZUELA
SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION
RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 286, 2001-2002)
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements. [Rapport n°
344 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord d'encouragement et de protection
réciproques des investissements conclu entre la France et le Venezuela le 2
juillet 2001 à Caracas a pour objet d'établir un cadre juridique sûr et stable,
susceptible de favoriser l'activité de nos entreprises dans ce pays.
La France est, à ce jour, liée avec quatre-vingt-six autres pays par des
accords de ce type. Le texte aujourd'hui soumis à votre approbation contient
les grands principes et les clauses habituelles, qui constituent la base du
droit international de la protection des investissements à l'étranger, telle
que la conçoivent les pays de l'OCDE.
Les dispositions les plus notables de l'accord de Caracas prévoient : l'octroi
aux investisseurs d'un traitement juste et équitable, conforme au droit
international et au moins égal au traitement accordé aux nationaux ou à celui
qui est consenti aux investisseurs de la nation la plus favorisée ; la garantie
de libre transfert des revenus et du produit de la liquidation des
investissements ; le versement, en cas de dépossession, d'une indemnisation
prompte et adéquate, dont les modalités de calcul sont précisées dans l'accord
; la faculté de recourir à une procédure d'arbitrage international en cas de
différend entre l'investisseur et le pays d'accueil.
Enfin, l'accord prévoit la possibilité, pour le Gouvernement français,
d'accorder sa garantie aux investissements que réaliseront à l'avenir nos
entreprises dans ce pays, conformément aux dispositions de la loi de finances
rectificative pour 1971, qui subordonne l'octroi de cette garantie à
l'existence d'un tel accord.
Comme vous le voyez, les principes auxquels nous sommes attachés et qui
fondent la protection des investissements sont clairement inscrits dans cet
accord.
Je saisis l'occasion qui m'est ainsi donnée pour souligner l'intérêt présenté
par cet accord pour nos relations avec le Venezuela. J'ai d'ailleurs eu
l'occasion de m'en entretenir avec le président Chávez lors de mon déplacement
à La Paz et à Bogota.
Tout d'abord, on peut espérer qu'il permettra de favoriser les investissements
français dans ce pays. A ce jour, les quatre-vingt-dix entreprises françaises
présentes au Venezuela disposent d'un stock d'investissements d'environ un
milliard d'euros, ce qui ne représente que 8 % du total des investissements
directs étrangers. Les réussites françaises passées - TotalFinaElf demeure le
premier investisseur étranger du pays -, nos atouts dans de nombreux domaines,
tels que le pétrole et les transports, en particulier, ainsi que le potentiel
de développement du sixième producteur mondial d'hydrocarbures devraient
inciter davantage d'entreprises françaises à investir au Venezuela.
Par ailleurs, la signature de cet accord s'inscrit dans le cadre de relations
bilatérales que nous entendons développer avec un Etat important d'Amérique
latine. Comme vous le savez, le président Chávez sera à Paris le quinze de ce
mois, et il aura à cette occasion un entretien avec le Président de la
République.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord
d'encouragement et de protection réciproques des investissements entre la
France et le Venezuela qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à
votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le présent projet de loi a pour objet d'autoriser
l'approbation de l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements entre la France et le Venezuela, signé à Caracas le 2 juillet
2001.
La situation politique, économique et sociale du Venezuela incite aujourd'hui
à l'expectative en matière d'investissements, tant la période apparaît
troublée.
Les événements d'avril 2002, où la déposition du président Chávez et son
retour se sont succédé en l'espace de quelques heures, ainsi que la suite
donnée à ces événements, n'invitent pas non plus à l'optimisme.
Les besoins de ce pays sont cependant réels et son potentiel considérable.
L'économie du Venezuela est ce que l'on peut appeler une économie duale, dans
laquelle un système économique globalement peu efficace coexiste avec des
poches de grande richesse.
La part non pétrolière de l'économie vénézuélienne est résiduelle, et
globalement peu efficace. Entre 1990 et 2000, la part de l'industrie
manufacturière a reculé de 17 % à 14 % du produit intérieur brut.
Des sorties massives de capitaux et la baisse des prix du pétrole ont conduit
à une crise sévère de la balance des paiements et ont amené à décider, le 12
février 2002, la libre flottaison du bolivar.
Le tissu productif du Venezuela est à reconstruire et les infrastructures
nécessaires au développement des activités productives, notamment routières, ne
sont pas satisfaisantes.
L'accord qui nous est soumis témoigne de la préoccupation des autorités
vénézuéliennes de développer les investissements dans le pays. Les clauses sont
celles qui sont habituelles dans ce genre de contrat : chacune des parties
encourage et admet les investissements effectués par les nationaux et les
sociétés de l'autre partie sur son territoire.
S'agissant du règlement des différends survenus entre un national ou une
société d'une partie et l'autre partie, l'accord ouvre une option au national
ou à la société en question pour soumettre le différend soit, de façon
classique, au Centre international pour le règlement des différends relatifs
aux investissements, soit à la juridiction compétente de l'Etat dans lequel
l'investissement a été réalisé.
La France entretient de bonnes relations politiques avec le Venezuela, mais
les échanges commerciaux restent modestes. Ainsi, le Venezuela est notre
soixante-sixième client et notre soixante-neuvième fournisseur, et la France a
reculé, en termes de parts de marché, à la huitième place en 2001, avec 1,8
%.
En matière d'investissements, la France est particulièrement présente au
Venezuela dans les domaines de l'énergie hydraulique, des matériels et de la
construction électrique haute tension.
L'ouverture du secteur pétrolier, à compter du début des années
quatre-vingt-dix, sous forme d'« associations stratégiques », a permis la
réalisation d'investissements importants qui font de TotalFinaElf le premier
investisseur étranger au Venezuela.
Dans ce contexte incertain, la tradition démocratique vénézuélienne et son
insertion réelle dans le commerce mondial des hydrocarbures sont des atouts non
négligeables. Les investisseurs français, très présents sur le marché des
hydrocarbures, peuvent aussi jouer un rôle dans la reconstruction d'un marché
intérieur et le développement d'infrastructures propices aux activités
économiques.
En levant des incertitudes quant au cadre juridique régissant les
investissements entre la France et le Venezuela, cet accord est donc de nature
à permettre de développer les échanges économiques nécessaires entre les deux
pays. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir
l'adopter.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
bolivarienne du Venezuela sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements, signé à Caracas le 2 juillet 2001, et dont le texte est annexé
à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
12
PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS ACCORDÉS
À L'INSTITUT D'ÉTUDES DE SÉCURITÉ
ET AU CENTRE SATELLITAIRE
DE L'UNION EUROPÉENNE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 324, 2001-2002)
autorisant l'approbation de la décision des représentants des gouvernements des
Etats membres de l'Union européenne concernant les privilèges et immunités
accordés à l'Institut d'études de sécurité et au Centre satellitaire de l'Union
européenne, ainsi qu'à leurs organes et aux membres de leur personnel. [Rapport
n° 385 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'Europe de la
défense est une construction graduelle. Sa première pierre a été posée le 17
mars 1948, avec la fondation de l'Union de l'Europe occidentale, et, surtout,
les protocoles de Paris du 23 octobre 1954 créant la structure définitive de
l'organisation. Depuis lors, la décision a été prise de ne pas fusionner
l'Union européenne occidentale et l'Union européenne, mais de renforcer la
politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, en lui transférant
deux agences opérationnelles de l'UEO : l'Institut d'études de sécurité et le
Centre satellitaire.
L'Institut d'études de sécurité et le Centre satellitaire de l'Union
européenne ont pour vocation de contribuer au développement de la politique
européenne de sécurité et de défense. L'Institut d'études de sécurité a
principalement pour mission d'établir des documents de recherche et d'analyse
dans le domaine de la PESC et de la PESD et d'organiser des séminaires. Le
Centre satellitaire doit soutenir le processus de prise de décision de l'Union
en cas de crise, en fournissant du matériel résultant de l'analyse de
l'imagerie satellitaire et de données collatérales, y compris, le cas échéant,
de l'imagerie aérienne.
Conformément aux décisions prises par le dernier conseil ministériel de l'UEO
à Marseille - très belle ville ! - le 13 novembre 2000 et par le Conseil
européen de Nice en décembre 2000, ces deux nouvelles agences de l'Union
européenne ont incorporé, au 1er janvier 2002, les structures correspondantes
de l'UEO. Afin d'assurer une continuité juridique et de fonctionnement à ces
deux organismes et à leurs personnels, il a été décidé de leur accorder les
privilèges et immunités dont ils bénéficiaient au titre de l'UEO.
La présente décision, adoptée le 15 octobre 2001 à l'unanimité par les
représentants des gouvernements des Etats membres de l'Union européenne et
soumise à approbation parlementaire, conférera aux organes et aux personnels de
l'Institut d'études de sécurité, localisé à Paris, et du Centre satellitaire,
situé à Torrejon, en Espagne, des privilèges et immunités identiques à ceux
qu'ils détenaient au titre du statut du 11 mai 1955.
La décision du 20 juillet 2001 se présente sous la forme d'un accord de siège
classique. Les principales dispositions sont les suivantes : les locaux et
avoirs des agences bénéficieront de l'inviolabilité et de l'immunité de
juridiction ; les agences bénéficieront de l'exonération des impôts directs et
des taxes et droits indirects ; la liberté de communication est garantie ;
l'entrée et le séjour du personnel seront facilités par le pays hôte ; les
membres du personnel des agences qui sont soumis à un prélèvement interne sur
les salaires seront exonérés d'impôt sur le revenu. Le montant des traitements
et salaires sera toutefois pris en compte pour établir l'impôt dû sur les
autres revenus.
L'entrée en vigueur de la décision confortera le statut des deux agences et de
leur personnel : le Centre satellitaire emploie soixante-huit personnes, dont
onze Français, et l'Institut, dirigé par une Française, vingt-six personnes,
dont dix Français.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales dispositions de la décision des représentants des gouvernements des
Etats membres de l'Union européenne, réunis au sein du Conseil, concernant les
privilèges et immunités accordés à l'Institut d'études de sécurité et au Centre
satellitaire de l'Union européenne, ainsi qu'à leurs organes et aux membres de
leur personnel, adoptée à Bruxelles le 15 octobre 2001, qui fait l'objet du
projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à notre examen a
pour objet d'autoriser l'approbation d'une décision des représentants des
gouvernements des Etats membres de l'Union européenne en date du 15 octobre
2001, relative aux privilèges et immunités accordés à l'Institut d'études de
sécurité et au Centre satellitaire de l'Union européenne, deux agences
spécialisées qui ont vu le jour le 1er janvier 2002.
Ce texte, qui s'apparente à un accord de siège relativement classique,
constitue le point d'achèvement du processus entamé à Nice de reprise par
l'Union européenne des activités « pertinentes » de l'Union de l'Europe
occidentale. Cette reprise concerne deux structures permanentes : le Centre
satellitaire de Torrejon et l'Institut d'études de sécurité.
Ces deux agences européennes ont pour trait commun de contribuer à l'émergence
d'une réflexion véritablement européenne en matière de sécurité.
Le Centre satellitaire de l'UEO a été créé en 1991. Son siège est alors fixé à
Torrejon de Ardoz, à proximité de Madrid.
L'intérêt de ce centre est qu'il représente un outil de coopération européenne
à caractère véritablement opérationnel dans un domaine, le renseignement, où
les cultures sont avant tout nationales.
Ses missions comprennent l'aide à la vérification de l'application des
traités, l'aide à la maîtrise des armements et de la prolifération, ainsi que
la surveillance maritime en matière d'environnement.
Depuis le 1er janvier 2002, le Centre satellitaire de l'Union européenne a été
mis au service de la politique étrangère et de sécurité commune.
Il est placé sous le contrôle politique du comité politique et de sécurité, le
COPS, et sous l'autorité du haut représentant qui lui donne des instructions
opérationnelles et reçoit les demandes de la Commission et des Etats membres.
Le texte prévoit que des organisations internationales, notamment l'OTAN,
peuvent également adresser des demandes au haut représentant.
Le Centre satellitaire fonctionne avec un budget de 9,3 millions d'euros et
une équipe de soixante-huit personnes.
Le Centre satellitaire travaille peu en temps réel, mais son temps de
réaction, déjà rapide, devrait être amélioré par l'installation récente d'une
antenne de réception. Ses capacités militaires demandent cependant à être
renforcées afin que l'ensemble des missions qui lui sont confiées dans le cadre
de la politique européenne en matière de sécurité puissent être correctement
remplies. A cet égard, le développement de capacités de renseignement figure
dans l'objectif global d'Helsinki et le Centre satellitaire pourrait servir de
centre de traitement à un développement du projet GMES, Global monitoring for
environment and security.
J'en viens aux moyens et missions de l'Institut d'études de sécurité.
L'Institut d'études de sécurité a le statut d'une agence autonome. Il est
placé sous la double tutelle d'un conseil d'administration, présidé par le haut
représentant, et du comité politique et de sécurité, le COPS, interlocuteur
politique de l'Institut.
Le budget de fonctionnement de l'Institut, qui s'établit pour l'année 2002 à
3,2 millions d'euros, provient des contributions des Etats membres, déterminées
selon la clé PNB.
L'Institut d'études de sécurité, dont le siège a été maintenu à Paris, à la
demande de la France, emploie vingt-six personnes, dix étant de nationalité
française dont le directeur, Mme Nicole Gnesotto.
Les nouvelles agences jouissent de la personnalité juridique nécessaire pour
remplir leurs fonctions et atteindre leurs objectifs. Elles sont le nouvel
employeur du personnel en service au 31 décembre 2001 et reprennent les
obligations qui découlent des contrats d'engagement existants.
La décision du 15 octobre 2001 se substitue, pour ces personnels, à la
convention du 11 mai 1955 sur le statut de l'UEO relatif aux représentants
nationaux et au personnel international, et offre des garanties similaires.
Ainsi retrouve-t-on, comme c'est l'usage en pareil cas, l'immunité de
juridiction, à l'exception des cas d'accident de la circulation,
l'inviolabilité des documents et des archives et la liberté des
communications.
En matière fiscale, les agences sont exonérées de tout impôt direct ainsi que
des droits indirects représentant des dépenses importantes. Les membres du
personnel des agences bénéficient de l'exonération de l'impôt sur le revenu,
mais leur traitement est soumis à un prélèvement au profit des agences et peut
être pris en compte pour le calcul de l'impôt portant sur d'autres sources de
revenus.
L'entrée en vigueur de la décision était fixée par son article 12 au 1er
janvier 2002. A cette date, seuls trois pays avaient notifié au secrétariat
général du Conseil leur procédure d'approbation. Concernées au premier chef, la
France et l'Espagne ont mis en oeuvre par anticipation les dispositions
fiscales définies par la décision du 15 octobre 2001. Comme cela était prévu
par les deux décisions communes, les agences sont opérationnelles depuis le 1er
janvier 2002 et ont repris à leur compte les contrats qui liaient jusqu'à
présent les agents à l'Union de l'Europe occidentale, l'Organisation ayant
procédé à un plan social en juillet 2001.
L'approbation de cette décision est donc nécessaire pour substituer au régime
des privilèges et immunités accordés aux agents de l'Union de l'Europe
occidentale le nouveau cadre juridique qui fait défaut depuis le 1er janvier
2002.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter
le présent projet de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la décision des
représentants des Gouvernements des Etats membres de l'Union européenne, réunis
au sein du Conseil, concernant les privilèges et immunités accordés à
l'Institut d'études de sécurité et au Centre satellitaire de l'Union
européenne, ainsi qu'à leurs organes et aux membres de leur personnel, signée à
Bruxelles le 15 octobre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.
»
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Hélène Luc.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures,
sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
13
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
PARLEMENTAIRE CHINOISE
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune
officielle d'une délégation du Comité national de la Conférence consultative
politique du peuple chinois, conduite par son vice-président, M. Ye Xuanping.
(Mme la ministre, Mmes, MM. les sénateurs se lèvent et
applaudissent.)
Je suis convaincu que le séjour en France de la délégation, qui se rendra dans
la Drôme, où elle sera accueillie par notre collègue Jean Besson, président du
groupe interparlementaire, contribuera à fortifier les liens d'amitié entre nos
deux peuples et les relations économiques entre nos deux pays.
Nous vous remercions, messieurs, de votre visite ; nous avons été heureux de
vous recevoir. Nous espérons que vous emporterez de votre passage au Sénat,
trop court, à mon grand regret, un excellent souvenir et, d'ores et déjà, nous
vous invitons à y revenir.
(Applaudissements.)
(M. Serge Vinçon remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
14
SITUATION DE L'INDUSTRIE TEXTILE
Discussion d'une question orale avec débat
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 2 de
M. Christian Poncelet à Mme la ministre déléguée à l'industrie sur la situation
de l'industrie textile.
M. Christian Poncelet demande à Mme la ministre déléguée à l'industrie de bien
vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement compte prendre pour
remédier à la situation inquiétante de l'industrie textile en France.
Ce secteur, qui emploie de nombreux salariés dans plusieurs régions ou
départements de France, traverse en effet de lourdes difficultés, qui se
trouvent encore aggravées par la non-reconduction de l'accord multifibres.
Celui-ci prenant fin en décembre 2004, la France restera sans aucune protection
face aux importations massives de textile en provenance de pays à bas
salaires.
La parole est à M. Christian Poncelet, auteur de la question.
M. Christian Poncelet.
Madame le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, j'ai tenu à
proposer au Sénat un débat sur l'industrie textile car ce secteur traverse,
depuis plusieurs années, une crise profonde et durable, avec son cortège de
licenciements, de fermetures d'entreprises et de restructurations d'usines.
La dégradation persistante que connaît cette branche d'activité a atteint, en
2001, un niveau que l'on peut qualifier d'inquiétant. Elle concerne de
nombreuses régions ou départements puisque ce secteur compte 1 280 entreprises
en France - 2 800 si l'on y ajoute l'industrie de l'habillement - et emploie
directement ou indirectement près de 450 000 personnes.
Depuis un an, l'activité textile française est entrée en récession, avec des
indices de production, dans pratiquement tous les segments de la filière, en
baisse de 5 % à 15 %.
Cette situation entraîne, dans le domaine de l'emploi, une réduction
d'effectifs qui atteindra au moins 10 % en 2002. La situation est donc
exceptionnellement grave et tous les indicateurs en notre possession laissent
présager le maintien de cette situation au moins jusqu'à l'automne 2003.
Vous me permettrez, madame le ministre, en vous remerciant très sincèrement,
au nom de tous mes collègues, d'avoir bien voulu accepter la tenue de ce débat
aujourd'hui au Sénat, de débuter mon propos en l'illustrant plus
particulièrement de l'exemple vosgien.
En trente ans, les emplois dans le textile sont passés de 40 000 à 7 000 et,
depuis dix ans, 1 000 emplois sont, en moyenne, perdus annuellement.
Or ce secteur emblématique de mon département a un impact économique et social
très supérieur à celui que peuvent connaître d'autres départements ou que
peuvent avoir d'autres secteurs économiques. Les Vosges ont déjà été durement
sinistrées du fait de calamités naturelles : 12 % des dégâts forestiers subis
sur le territoire à la suite des tempêtes de décembre 1999 ont concerné les
Vosges.
Cette catastrophe naturelle a eu des conséquences non seulement sur la filière
bois du département, mais également sur les finances communales ; si certaines
de ces communes doivent en outre être affectées par les difficultés que
pourraient connaître les entreprises textiles, la situation deviendra pour
elles et pour leurs habitants très vite insurmontable, voire intolérable.
Et pourtant, il s'agit d'un département méritant, qui a assuré depuis le début
des années quatre-vingt, en application du « plan Vosges », une reconversion
continue, résolue et courageuse, menée conjointement par ses élus et sa
population.
Aujourd'hui, les Vosges ne peuvent plus se battre seules, madame le ministre :
un effort ciblé et urgent de l'Etat est donc nécessaire pour que soit sauvé ce
qui peut encore l'être dans les vallées vosgiennes, où se concentrent, pour
l'essentiel, les usines textiles.
Face à la perspective de nouveaux licenciements et à l'annonce toute fraîche
de plusieurs dépôts de bilan d'entreprises textiles, vous comprendrez, je
pense, l'importance que revêt ce douloureux sujet dans mon département.
Au demeurant, au-delà des Vosges, c'est l'ensemble de la filière qui
souffre.
Le cas de notre pays est d'ailleurs inquiétant dans la mesure où l'industrie
textile française se comporte visiblement moins bien que la plupart de celles
de ses partenaires européens. Ainsi, en Allemagne et au Royaume-Uni s'amorce un
léger redressement, pendant qu'en Italie la croissance se poursuit.
Les causes évoquées pour expliquer cette situation sont diverses. On peut,
certes, citer la mondialisation accrue des échanges, qui soumet nos entreprises
à une concurrence toujours plus forte de la part des pays à faibles coûts
salariaux, mais il ne faut pas négliger les causes nationales que sont :
l'évolution des stratégies d'approvisionnement des grandes chaînes de
distribution, lesquelles sont passées d'une sous-traitance de la confection à
l'achat de produits finis, le manque de souplesse de l'outil de production qui
empêche ces entreprises de s'adapter et la mauvaise utilisation de ce que
j'appellerai la « ressource humaine », élément essentiel.
Cependant, les atouts de l'industrie textile française sont réels et sont loin
d'être négligeables : des marques mondialement connues, une réelle capacité
d'innovation, des produits à très forte valeur ajoutée.
Il est donc possible de renforcer la compétitivité des sites textiles français
afin que nos entreprises soient à armes égales avec leurs principaux
concurrents. Pour ce faire, plusieurs pistes peuvent être explorées.
Conformément, bien sûr, à la méthode à laquelle le Sénat est attaché, nous
établissons un diagnostic des maux dont nous souffrons, mais nous avons aussi
l'intention, madame le ministre, de soumettre à votre appréciation des
propositions que vous pourrez retenir, voire améliorer.
Il faut tout d'abord prévoir l'assouplissement des horaires de travail afin
que soient mieux prises en compte, les contingences de la production, comme le
prévoit le projet de loi présenté par François Fillon, qui va nous être soumis
la semaine prochaine.
Il faudra ensuite veiller au renforcement du dialogue social en respectant
l'autonomie des partenaires sociaux pour qu'ils définissent en commun leurs
objectifs.
A cet égard, je voudrais vous féliciter d'avoir bien voulu recevoir, dans des
délais extrêmement courts, des représentants des salariés venus exposer leurs
préoccupations, voire leurs angoisses devant la situation à laquelle ils se
trouvent confrontés.
Il faut, par ailleurs, promouvoir la valorisation des métiers du textile et de
l'habillement auprès des jeunes et veiller à ce que soit dispensée une
formation de meilleure qualité afin de tirer la profession vers l'excellence.
Actuellement, on ne compte annuellement, que 1 200 jeunes en contrats
d'alternance et 250 apprentis.
Enfin, nous devons assurer une meilleure anticipation de la demande du client
en développant l'innovation, notamment en matière de multifibres et de textiles
synthétiques.
D'une manière générale, la situation de l'Europe, comme celle de la France,
est handicapée par une situation internationale préoccupante, marquée par le
développement de la concurrence des pays à bas salaires et par une
globalisation accrue.
En effet, une nouvelle donne du commerce international est apparue,
caractérisée à la fois par la disparition des quotas fixés par l'Organisation
mondiale du commerce, je veux parler de la fin de l'accord multifibres
programmée pour décembre 2004, et par l'entrée dans ladite OMC de ce grand pays
industriel qu'est la Chine.
Vous permettrez à votre serviteur de rappeler que, à l'époque rapporteur à
l'Assemblée nationale du budget de l'industrie, il ne fut pas étranger à la
mise en place de ces accords multifibres, avec le soutien - ô combien efficace
- de notre regretté collègue Maurice Schumann, qui était alors ministre de
l'industrie.
Pour pouvoir concurrencer les pays émergents, l'Europe doit, tout d'abord,
développer un meilleur accès au marché international. Après le lancement à
Doha, en 2001, des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, il
faut, à l'échelon européen, promouvoir d'urgence nos industries textiles sur
les marchés mondiaux, notamment en garantissant la protection du droit des
marques, des dessins et des modèles, en obtenant une réduction de tous les
tarifs douaniers à 15 % ou moins et en interdisant toute forme de barrière non
tarifaire.
Dès lors que l'on adhère à une organisation mondiale, on s'impose d'en
respecter les règles ! Cela signifie que quelques redressements méritent d'être
opérés...
Il ne serait pas acceptable pour nos entreprises que l'Union européenne ait,
en 2005, le tarif douanier le plus bas au monde alors que de nombreux pays
conserveraient des droits de douane égaux ou supérieurs à 40 % ! Comment la
concurrence pourrait-elle jouer dans de telles conditions ?
L'Union européenne doit également peser de tout son poids pour favoriser un
commerce mondial plus équitable, notamment en réaffirmant l'objectif du
développement durable et le respect des normes sociales fondamentales élaborées
par l'Organisation internationale du travail, notamment en ce qui concerne le
travail des enfants, l'égalité entre les hommes et les femmes, le maintien des
droits syndicaux.
Bien entendu, lorsque j'évoque l'Union européenne, je n'oublie pas, madame le
ministre, que vous avez été une remarquable présidente du Parlement européen et
que vous avez, en cette qualité, pesé en faveur de décisions qui vont
précisément dans le sens de ce que je souhaite aujourd'hui pour l'industrie
textile.
L'Europe doit, en outre, imposer le respect de l'accord sur les aspects des
droits de la propriété intellectuelle à tous les pays membres de l'Organisation
mondiale du commerce. En effet, la France et l'Italie, qui concentrent les
trois quarts des grandes marques mondiales du luxe, se trouvent
particulièrement vulnérables face à ce qu'il faut bien appeler le pillage et la
contrefaçon.
Enfin, l'Union européenne doit accélérer la création d'une zone
pan-euroméditerranéenne pour 2005, et non pas seulement pour 2012, comme cela
semble prévu dans le cadre du processus de Barcelone lancé par la Commission. A
cette date, si rien n'est fait, je crains qu'il n'y ait plus d'industrie
textile en France et peut-être en Europe. Ainsi pourrait être maintenue une
zone homogène dans les processus de filature, de tissage et de confection, et
ce dans des conditions compétitives par rapport à la zone asiatique.
Vous le voyez, madame le ministre, l'urgence est réelle.
Les plans gouvernementaux précédents ont été la plupart du temps trop
sectoriels, fondés simplement sur des mesures ponctuelles qui ont démontré dans
les faits leur incapacité à résoudre des problèmes qui sont fondamentalement
structurels.
Ces plans se sont aussi, hélas ! quelquefois heurtés à la Commission de
Bruxelles, et je pense tout particulièrement à l'excellent plan Borotra de 1996
sur l'allégement des charges dans l'industrie textile.
MM. Alain Gournac et Gérard Braun.
Très bien !
M. Christian Poncelet.
Les pouvoirs publics français et européens doivent engager des études
d'évaluation et d'impact sur l'activité et l'emploi dans le secteur textile
d'ici à 2005 et, plus généralement, mettre en oeuvre cette véritable stratégie
industrielle qui a, jusqu'à présent, fait cruellement défaut.
Le gouvernement auquel vous appartenez, madame le ministre, se doit d'apporter
des réponses rapides et efficaces à cette lente mais indéniable dégradation de
l'industrie textile.
Pour que d'authentiques solutions soient trouvées, j'appelle de mes voeux une
mobilisation de l'Etat, afin qu'il devienne un Etat stratège, un Etat garant de
la liberté et de la responsabilité des entrepreneurs, un Etat soucieux de la
compétitivité de nos entreprises dans la concurrence européenne et mondiale, un
Etat fier de ses industries textiles. La survie économique de nos régions
dépend de ce sursaut !
Je sais, madame le ministre, que nous pouvons compter sur votre soutien, tant
à Bruxelles qu'à Paris. Soyez sûre que, de notre côté, nous ferons tout pour
vous aider dans votre démarche difficile, mais ô combien indispensable.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 27 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici
donc amenés, à l'occasion d'une séance consacrée aux questions orales avec
débat, à débattre de la situation de l'industrie du textile et de
l'habillement. Nous le faisons depuis des années - c'est notre regretté
collègue Maurice Schumann qui avait, le premier, pris cette initiative - mais
le constat reste malheureusement le même : le textile-habillement va mal, les
emplois et les entreprises disparaissent, l'avenir apparaît décidément bien
sombre.
Ce constat négatif n'est-il pas aussi, par la force des choses, celui de
l'inefficacité, en termes économiques et sociaux, tant de la gestion de cette
filière industrielle par le patronat dans sa grande majorité que des mesures
prises par les pouvoirs publics pour la soutenir ?
N'est-il pas temps, aujourd'hui, au regard de la situation, d'oser d'autres
choix que ceux qui sont faits depuis des années ?
Ces questions méritent d'être posées. Il y a même urgence devant les menaces
que fait peser la non-reconduction de l'accord multifibres. Les conséquences de
la libéralisation totale des échanges pour la France et l'Union européenne, qui
deviendra le marché le plus ouvert du monde en 2005, suscitent de nombreuses
craintes.
Il nous faut peser de tout notre poids, au niveau international, pour imposer
d'autres règles commerciales, sociales, voire éthiques et morales - je pense au
travail des enfants -, afin de limiter les effets des conditions inégales de
concurrence. Sans doute convient-il aussi que nous défendions mieux le textile
et l'habillement, qui sont encore trop souvent réduits, sur notre planète, à
des objets de troc.
Je serai attentif, madame la ministre, aux éléments de réponse que vous nous
apporterez à ce sujet.
Mais tout cela restera insuffisant si nous n'examinons pas avec courage et
lucidité, pour nous y attaquer, les causes profondes et structurelles des
difficultés que connaît cette branche industrielle.
Alors qu'elle employait un million de salariés à la fin des années soixante,
la filière textile-habillement-cuir connaît depuis les années soixante-dix un
processus continu de régression, qui atrophie progressivement sa base de
production. En trente ans, la filière a perdu les deux tiers de ses effectifs,
soit environ 20 000 emplois par an. Et l'hémorragie continue aujourd'hui, au
rythme de 2 000 suppressions d'emplois par mois !
Dans le même temps, le déficit commercial n'a cessé de se creuser, à
l'exception de quelques segments de la filière.
Certes, la concurrence internationale est déloyale, je ne le nie pas. Mais
comment ne pas voir dans ce déclin les résultats d'une stratégie de
restauration des profits, dans un premier temps, puis de recherche du profit
maximum, une recherche exacerbée jusqu'à une financiarisation de l'activité aux
dépens de la production ?
Ce sont les délocalisations des productions à faible valeur ajoutée vers les
pays à bas salaires qui causent une véritable hécatombe en termes d'emplois.
Selon les chiffres de l'Union des industries textiles elle-même, en 1997, 20 %
des marchandises de la filière textile-habillement-cuir importées en France
provenaient d'entreprises françaises délocalisées. Or, en l'occurrence, 1 %
d'importation équivaut à la suppression de 7 000 emplois.
M. Christian Poncelet.
C'est exact !
M. Ivan Renar.
La stratégie de baisse des coûts salariaux est également en cause. Les
salaires dans la filière sont parmi les plus bas qui puissent exister. Cela
fait d'ailleurs cinq années - on ne le sait pas assez - qu'il n'y a pas eu
d'accords sur les salaires dans la filière.
La « smicardisation », pour reprendre l'expression d'un syndicaliste, gangrène
les professions jusqu'aux postes hautement qualifiés. Sur le plan social et au
regard des conditions de travail, le textile, c'est souvent le xixe siècle de
l'industrie française !
Une stratégie de spécialisation sur des créneaux à forte valeur ajoutée ou
dans la vente par correspondance entraîne également la disparition ou la
délocalisation de pans entiers de la production ainsi qu'un recul sévère des
investissements. Et quand ceux-ci existent, ils ne visent bien souvent qu'à
rationaliser l'outil de production.
J'ai déjà fait mention de la financiarisation accrue des activités qu'on
observe depuis quelques années. Le textile-habillement est devenu le cadre
d'une véritable économie de casino, où se succèdent acquisitions et cessions,
abandons de production dans le seul but de dégager des taux exorbitants de
rentabilité - 15 % à 17 % -, qui sont exigés par les actionnaires, notamment
les fonds de pensions, mais qui sont totalement incompatibles avec la
production.
Ce capitalisme de rentier est inhumain !
De la filature Mossley, à Hellemmes, près de Lille, où les salariés et l'outil
de travail sont proprement abandonnés sur place par la direction - pourtant
condamnée par la justice -, à l'entreprise Lejaby, dont la direction a décidé
la délocalisation de 70 % de la production en Tunisie et la suppression de 200
emplois, les exemples sont légion.
Notre collègue Josiane Mathon a tenu à me faire part de ce chiffre : à la fin
août 2002, le tribunal de commerce de Roanne avait enregistré quatre-vingts
dépôts de bilan, entraînant 765 licenciements, la plupart dans le textile, une
des dernières industries encore présentes dans le Roannais.
Je pourrais aussi vous parler de la situation à Roubaix, à Tourcoing, dans la
vallée de la Lys, dans l'Avesnois, où ne subsiste plus qu'une seule usine
d'habillement, employant 400 salariés.
La question se pose donc, madame la ministre, mes chers collègues : faut-il
continuer dans cette voie ? N'existe-t-il pas d'autres pistes à explorer pour
revivifier et pour muscler ce secteur industriel, qui possède des atouts et
peut donc avoir un avenir ?
La préservation de l'emploi et le développement du tissu industriel exigent,
me semble-t-il, plus de volontarisme politique.
Il faut freiner la spéculation que couvrent les cessions et restructurations
d'entreprises. Pouvons-nous continuer à tolérer sans réagir les « licenciements
boursiers » ? Il est nécessaire de sanctionner financièrement et fiscalement
les entreprises bénéficiaires qui licencient. Je rappelle qu'une telle
disposition avait été adoptée par le Parlement dans le cadre de la loi de
modernisation sociale, avant d'être annulée par le Conseil d'Etat.
L'instauration de droits nouveaux pour les salariés est, à mon sens, une
condition essentielle pour mettre en cause le pouvoir discrétionnaire des
actionnaires et favoriser des choix de gestion et industriels plus favorables à
l'emploi.
Je prendrai un exemple. Le conseil régional de Nord-Pas-de-Calais a élaboré un
plan textile visant à favoriser des actions fortes de soutien et de
développement - investissements, formation, recherche, etc. - des secteurs
concernés. Ce plan a été approuvé et signé par tous les partenaires : patronat,
syndicats de salariés. Mais force est de constater l'insuffisance de son bilan
actuel, liée à un manque évident de bonne volonté et d'enthousiasme du patronat
du textile.
Donner aux salariés la possibilité de donner leur avis, d'intervenir dans les
choix, de faire des propositions, permettrait à coup sûr de surmonter bien des
obstacles. Faut-il que la citoyenneté, dont on parle tant en cette époque,
s'arrête aussitôt les portes de l'entreprise franchies ?
Des mesures législatives contre les délocalisations doivent également être
prises. Les organisations représentatives des salariés ont avancé plusieurs
propositions en ce sens, parmi lesquelles l'interdiction de tout plan social
lié aux délocalisations et la création d'une taxe sur le coût différentiel de
la main-d'oeuvre.
Monsieur le président Poncelet, vous avez été un éminent syndicaliste ; vous
conviendrez avec moi qu'il faudrait discuter davantage avec les organisations
syndicales et mieux les écouter.
(M. Christian Poncelet marque son
approbation.)
Ne convient-il pas également de faire preuve, enfin, d'innovation sociale ?
Non seulement la politique de bas salaires, de flexibilité et de précarité est
injuste humainement, mais elle est inefficace économiquement, car elle freine
la demande intérieure.
La politique économique menée depuis des années a été fondée sur un parti
pris, celui de limiter la part des salaires dans la valeur ajoutée : tout pour
le profit ! On en voit les conséquences dans la débâcle financière actuelle, au
point que de très nombreux économistes s'interrogent sur le bien-fondé de cette
stratégie et se demandent si un pouvoir d'achat plus important des salariés
n'aurait pas contribué à soutenir une autre croissance, non inflationniste.
Dans le même esprit, ne convient-il pas de rendre plus transparentes les
relations de la sous-traitance, forme d'organisation de la production très
développée dans le textile, composé de nombreuses petites et moyennes
entreprises.
Le flou qui entoure aujourd'hui les contrats de sous-traitance ne permet pas
d'identifier les donneurs d'ordre. Les salariés et les syndicats sont souvent
démunis et soumis à une asymétrie dans l'information, s'agissant des contrats
de travail - rémunération, durée, conditions de travail, etc. - et de leur
application. Il est donc nécessaire que le code du travail soit modifié afin
que soit assurée une meilleure transparence dans le domaine de la
sous-traitance.
Les conditions d'affectation et d'utilisation des fonds publics devraient être
plus strictement encadrées. Le textile vit depuis vingt ans sous perfusion
permanente de fonds publics. Le résultat est là ! Est-il juste que des
entreprises perçoivent des fonds publics pour délocaliser, pour transférer les
productions ?
Les allégements massifs de charges sans objectifs précis en matière d'emplois
mènent tout droit à l'inefficacité. Ils n'ont jamais créé d'emplois, au
contraire : ils ont accéléré les délocalisations et les productions à
l'étranger, plombé plus encore les comptes de la sécurité sociale, ont eu des
conséquences sur les bas salaires, bloqué les grilles de salaires et les
salaires effectifs.
Faut-il continuer cette marche, ou plutôt cette fuite en avant dans les
exonérations et baisses de charges, coupables de régression salariale et de
précarité ? Ne conviendrait-il pas mieux d'engager plutôt l'aide publique vers
la création réelle d'emplois et les investissements productifs par
l'intermédiaire de la banque de développement des petites et moyennes
entreprises, sous la forme de conditions bonifiées de financement, par exemple
?
D'autres mesures devraient également être prises en matière de formation afin
d'assurer, par exemple, le reclassement qualifiant du personnel licencié,
notamment au sein des industries innovantes.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Ivan Renar.
Une telle mesure pourrait prendre la forme d'un fonds de mutualisation financé
par une taxe sur les licenciements.
Enfin, vous savez combien est attendu dans ces professions si difficiles un
accord de branche qui permettrait la mise en place d'un dispositif de cessation
anticipée d'activité pour les salariés de plus de cinquante-cinq ans.
Madame la ministre, malgré ses difficultés, l'industrie textile reste un
domaine très important : elle participe à la structuration et à l'intégration
sociales dans d'importants secteurs géographiques,
a fortiori
dans les
zones rurales, où sont présentes de nombreuses petites et moyennes entreprises.
Elle est aussi particulièrement innovante du point de vue tant des procédés que
des produits potentiellement créateurs d'emplois et de débouchés nouveaux.
Vous comprendrez donc l'importance de vos réponses et des mesures que compte
prendre le Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes. - M.
Poncelet applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Braun.
M. Gérard Braun.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais en
premier lieu dire combien je partage, en tant qu'élu lorrain et vosgien, les
propos pertinents de M. le président Poncelet et sa vive inquiétude pour un
secteur vital de l'économie française.
Ne nous y trompons pas ! Si rien n'est fait dans les semaines et les mois à
venir, le risque est grand de voir s'accélérer la disparition progressive de la
filière textile en France et, en corollaire, s'accroître notre dépendance aux
importations venues principalement d'Asie.
Pour ma part, je ne peux me résoudre à une telle perspective. Pour côtoyer
chaque jour, dans les Vosges, les acteurs du secteur textile, il me semble
essentiel de nous mobiliser à tous les niveaux pour préserver cette industrie
car je suis persuadé qu'elle a toujours un avenir, à condition qu'on lui donne
les moyens si ce n'est de se battre à armes égales - ne rêvons pas ! - au moins
de se battre à armes un peu moins inégales dans un contexte de concurrence
exacerbée.
J'ai la chance - oui, croyez-moi, c'est une chance ! - de vivre dans les
Vosges, premier département français s'agissant de l'activité cotonnière, avec
près de 60 % de la production nationale et 5 500 emplois.
Je suis chaque jour admiratif de la qualité et du dynamisme des chefs
d'entreprise du secteur textile qui, ces dernières années, ont massivement
investi pour moderniser leur outil de production, malgré des perspectives
difficiles. Je suis tout aussi admiratif de la qualité des personnels qui se
forment et donnent le meilleur d'eux-mêmes dans la course à la réduction des
coûts de production qu'impose la concurrence internationale.
Personne, soyez-en sûrs, ne s'est endormi sur ses lauriers : les entreprises
et les écoles d'ingénieurs, telle l'Ecole supérieure des industries textiles
d'Epinal, ont toutes mis l'accent sur la recherche et le développement. De
même, aucune niche d'activité n'est laissée de côté. Pourtant, les dirigeants
et les employés du secteur textile ont l'impression de se dépenser en pure
perte parce qu'ils n'ont pas été soutenus ces dernières années par une
politique industrielle digne de ce nom.
Aujourd'hui, madame la ministre, vous le savez, la situation de l'industrie
textile n'est pas bonne, et c'est un euphémisme. Cependant, pour dresser un
état des lieux objectif de ce secteur, il est nécessaire de distinguer deux
sortes d'entreprises.
Les premières, les plus exposées, sont celles dont la priorité est d'essayer
de survivre à très court terme - six mois au maximum - compte tenu de l'état
actuel du marché et des ressources dont elles disposent. Ainsi, pour le seul
département des Vosges, on estime que 1 000 à 1 500 emplois sont menacés,
principalement en zone rurale. Pour ces sociétés et leurs salariés, l'urgence
est absolue. Il faut, sous peine de les voir disparaître, leur permettre de
s'adapter rapidement, d'ajuster les effectifs, de gérer la pyramide des âges,
d'engager des plans de formation, et ce grâce à des mesures
ad hoc
et à
l'atténuation des effets de la loi relative à la modernisation sociale.
Il est également urgent, pour les salariés qui vont perdre leur emploi, que
soient mises en oeuvre des mesures concrètes d'accompagnement et de formation
et que la conversion de certains bassins soit favorisée par l'émergence
d'activités nouvelles. Les collectivités locales s'y emploient, mais elles
attendent un coup de pouce rapide de l'Etat - je l'appelle de mes voeux - via
la création d'un fonds spécifique d'intervention et de conversion pour les
bassins d'emploi très touchés par les problèmes du textile mais également pour
le secteur, dont la situation est tout aussi préoccupante, du meuble.
Une telle procédure avait déjà été mise en oeuvre avec des résultats non
négligeables à l'occasion des reconversions des bassins houillers et
sidérurgiques en Lorraine du Nord, avec la création du FIBH, le Fonds
d'industrialisation du bassin houiller, et du FIBM, le Fonds
d'industrialisation du bassin minier. Il me semble que la reprise et la
modernisation de cette formule serait une opportunité intéressante, avec la
création d'un FIBT, un fonds d'industrialisation des bassins textiles.
A côté des entreprises que je viens d'évoquer et dont la situation est
extrêmement critique, certaines sociétés, fort heureusement, résistent mieux
mais pour combien de temps encore si rien n'est fait au niveau national et
européen pour contrecarrer les importations massives de produits finis ?
Comme toutes les industries de main-d'oeuvre, le textile a besoin d'une baisse
des charges, mais pas uniquement. Il faut également une vraie ambition
industrielle pour la France, car ce qui arrive aujourd'hui au textile se
produira demain pour d'autres secteurs si nous ne réagissons pas rapidement. Le
meuble, j'en disais quelques mots, est menacé, mais demain la mécanique,
l'équipement automobile ou d'autres secteurs le seront peut-être.
La Lorraine et les Lorrains, madame la ministre, croient encore à l'avenir du
textile et des industries traditionnelles. J'en veux pour preuve, en ma qualité
de vice-président du conseil régional en charge de l'économie, la mise en
oeuvre prochaine par la région Lorraine, avec le président Gérard Longuet et le
député Gérard Cherpion, d'un pôle lorrain textile identique au PLAB, le pôle
lorrain de l'ameublement bois, que nous avions mis en place voilà quelques
années et qui vient en aide aux industriels du bois.
La création d'un pôle textile permettrait de fédérer plus encore la filière en
matière d'innovation, de recherche, de stratégie, d'exportation et de
formation, tout en continuant, bien entendu, à soutenir les investissements
d'équipement et d'immobilier.
Oui, la Lorraine est sûre de l'avenir de son textile ; mais encore faudra-t-il
que la France s'emploie à lutter contre les importations asiatiques de produits
finis ou encore contre le dumping de certains pays : je pense au Pakistan,
notamment.
La profession textile propose, depuis de longs mois déjà, la création d'une
zone paneuropéenne de libre-échange comprenant, outre l'Union européenne, les
pays de l'Est - les pays d'Europe centrale et orientale, les PECO - et les pays
du bassin méditerranéen - Maghreb, Egypte, Turquie, Chypre - qui connaissent, à
une échelle moindre, les mêmes problèmes que nous face à l'Asie.
Le Gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour voir ce projet aboutir. Après
avoir perdu la majeure partie de la confection, en effet, il est grand temps
d'agir pour conserver en France la fabrication du fil et du tissu. Le devenir
de milliers d'emplois et de milliers de familles est en jeu.
Madame la ministre, je sais pouvoir compter sur vous et sur votre volonté de
redonner à la France un élan industriel et, enfin, une politique ambitieuse en
la matière. Je sais également que vous saurez prendre les mesures
conjoncturelles qui s'imposent très rapidement pour la sauvegarde du textile
français, et plus généralement pour préserver l'avenir de nos industries
traditionnelles.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne peux que
partager la volonté de M. le président Poncelet d'encourager une prise de
conscience nationale de la situation très grave de l'industrie textile, et
saluer la pertinence de la question orale avec débat qu'il pose aujourd'hui en
ce moment crucial.
Je souhaiterais, pour ma part, appeler plus particulièrement votre attention
sur le contexte difficile dans lequel évolue l'industrie du chaussant : bas,
collants, chaussettes.
Vous savez que l'Aube est le département de la maille, puisque 40 % de la
production y sont fabriqués. Or, depuis plus de dix ans, elle a perdu plusieurs
centaines d'emplois dans ce secteur, même si elle a réussi à en préserver
autant.
Qu'elles appartiennent à des groupes au nom prestigieux qui sont passés sous
contrôle américain et qui ont disparu ou à des groupes qui existent encore,
comme Doré-Doré dans le haut de gamme, toutes nos entreprises doivent plus ou
moins recourir aux délocalisations. Pour certaines d'entres elles, cela
n'empêchera d'ailleurs pas une éventuelle faillite.
La situation extrêmement difficile dans laquelle se trouve notre industrie
n'est que le reflet du malaise face à une concurrence sans cesse accrue des
pays à faible coût de main-d'oeuvre.
Ainsi, ces dernières années ont été caractérisées, dans le secteur du
chaussant, par une chute importante tant du volume achetés aux industriels
français que du chiffre d'affaires réalisé sur le secteur en grandes et
moyennes surfaces.
Dans les GMS, grands magasins et supermarchés de plus de 800 mètres carrés,
l'évolution des quantités vendues par les distributeurs est telle que nous
avons perdu 16 % de parts de marché. Et cela continue puisque le marché du
chaussant a perdu 7,2 % en volume. Pour l'année 2002, l'estimation réalisée sur
la base des chiffres du premier semestre montre encore une baisse du marché de
5,3 % en volume.
La volonté des grandes enseignes de distribution françaises d'améliorer leurs
marges pour pallier le blocage des extensions des surfaces de vente a eu
plusieurs effets : concentration des enseignes, développement des marques
distributrices, pression sur les prix, inflation des concessions commerciales
pour les marques nationales.
Ces effets conjugués ont eu pour conséquence un développement du négoce et de
la sous-traitance internationale, d'où un recrutement important par les GMS
d'équipes d'acheteurs.
La plupart des enseignes se sont structurées en recrutant des équipes
d'acheteurs qui recherchent à l'étranger des produits au meilleur prix, et il
n'est pas rare de rencontrer ces acheteurs chez les sous-traitants des
fabricants français.
Par ailleurs, différents pays ont des équipements de plus en plus performants.
Nombre d'entre eux tels que la Turquie, le Portugal, la Hongrie ou la Roumanie
se sont équipés de matériel performant afin de répondre aux demandes de la
distribution et leur parc de machines est maintenant comparable à celui des
fabricants français.
Cela a créé un véritable marché de l'approvisionnement international.
Le récent développement de l'organisation de salons de
sourcing
a mis
en évidence cette tendance. De plus, avec la disparition croissante des quotas
d'importation, il est de plus en plus simple pour les distributeurs de
s'approvisionner sur le marché mondial. On constate ainsi que les grandes
centrales de distribution font appel directement à la sous-traitance de
proximité - Europe ou Maghreb - pour leur approvisionnement en circuit
court.
Il serait donc illusoire, aujourd'hui, de penser que l'on va réserver les
productions de masse aux pays très lointains pour ne garder que le réassort ;
tout cela, c'est du passé, tant il est évident que tous ces pays interviennent
maintenant dans le circuit court.
Permettez-moi de citer quelques chiffres révélateurs qui porteront très
précisément sur l'évolution des importations de chaussettes entre 1996 et
2001.
La Turquie exportait en France 16 millions de paires de chaussettes en 1996 ;
elle en est maintenant à 70 millions.
La Roumanie est passée de 6 millions de paires en 1996 à 42 millions
aujourd'hui.
Par ailleurs, alors qu'on ne cesse de dire que ce sont les pays asiatiques qui
créent des problèmes dans ce domaine, la Chine, qui exportait vers la France 11
millions de paires de chausettes en 1996, en est à l'heure actuelle à 12
millions de paires.
Ces chiffres montrent bien que c'est de la proximité que provient l'effet de
masse. Le problème, c'est donc la réactivité.
M. Christian Poncelet.
Exact !
M. Philippe Adnot.
Par ailleurs,
a contrario,
l'Italie, qui exportait 81 millions de
paires en 1996, n'en est plus aujourd'hui qu'à 54 millions.
Les industriels sont donc obligés de délocaliser en partie leur production, et
le rapport est à l'heure actuelle - il ne faut pas l'oublier - d'à peu près 80
pour la production de masse et de 20 pour la réactivité. Or, je l'ai déjà
indiqué, cette réactivité n'est pas garantie à terme, il faut en être
conscient.
Je n'ignore pas les efforts du Gouvernement pour que notre pays revienne à un
niveau de compétitivité globale plus intéressant. Je n'ignore pas non plus
l'intérêt de la diversification de l'activité économique. Il n'empêche que des
entreprises en France, des entreprises de mon département risquent de procéder,
dans les semaines qui viennent, à plusieurs centaines de licenciements. Cette
question ne se traite pas avec des présupposés ou des idées générales et cela
me conduit, madame la ministre, à vous poser quelques questions.
Concrètement, dans l'immédiat et dans l'urgence, quelles mesures comptez-vous
prendre ? Comptez-vous, par exemple, introduire des contre-garanties du type
SOFARIS ou des crédits à taux bas au bénéfice des entreprises concernées pour
qu'elles puissent développer des politiques commerciales plus agressives ?
Quelles initiatives allez-vous prendre pour le reclassement des personnels,
notamment pour la prise en charge et les cellules qui peuvent y procéder ? En
effet, les entreprises n'arrivent même plus à financer les plans sociaux
auxquels elles sont confrontées.
Quelles mesures allez-vous prendre aussi en ce qui concerne les formations
longues qui peuvent concerner le personnel ? Plus généralement, comment
allons-nous faire pour proposer des alternatives aux personnels qui sont
obligés de trouver un autre travail ? Dans quelles industries ?
C'est donc bien un problème général que je soulève, madame la ministre.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel.
Je voudrais en premier lieu remercier M. le président Poncelet d'avoir pris
l'initiative de ce débat qui intervient à un moment particulièrement
bienvenu.
Bien sûr, les conséquences de la non-reconduction de l'accord multifibres se
feront sentir. Mais, dès à présent, avant même cette échéance, une question se
pose, celle de la survie de notre industrie textile à moyen terme.
« Vous avez dit textile ? » s'étonnent certains ! Comme j'ai pu le vérifier
mille fois depuis qu'il m'appartient de m'en préoccuper, défendre cette
activité, parler de tout ce qu'elle recouvre, la préparation et la fabrication
de fibres telles que la laine, le coton, la soie... parler de filature, de
tissage, d'ennoblissement, de bonneterie, de confection même..., en un mot,
parler du textile, pour certains beaux esprits obsédés par le paraître de la
modernité, pour tous ceux qui s'apprêtent à liquider tranquillement un pan
essentiel de notre patrimoine industriel, c'est presque ringard, incongru, en
tout cas, ce n'est pas « économiquement correct ».
Oui, madame la ministre, ils sont toujours là, indéboulonnables malgré les
changements ministériels, ces fonctionnaires influents de la haute
administration française ou européenne, quelquefois infiltrés dans vos
cabinets, ces économistes d'un nouvel âge pour lesquels la nouvelle économie,
celle qui se nourrit exclusivement de spéculation financière, doit faire table
rase d'une politique industrielle jugée d'une autre époque.
Eh bien ! ne leur en déplaise, le textile est une industrie moderne, capable
de faire appel aux technologies les plus avancées, capable aussi d'assumer sa
mutation en utilisant au maximum les procédés les plus récents liées à la
recherche et à l'innovation !
Le textile-habillement en France, c'est aussi 450 000 emplois directs et
indirects répartis dans près de 3 000 entreprises. Pour l'Union européenne,
c'est plus de 3 millions de salariés et 114 000 entreprises. C'est tout cela
qui est en grand danger de disparition si l'on ne prend pas la mesure du
problème.
Où en sommes-nous en ce moment même ?
Nous avions placé beaucoup d'espoir dans les années 1999-2000 parce que le
taux de croissance en France et en Europe semblait enrayer la spirale
descendante de l'industrie textile. Nous avions beaucoup d'espoir parce que des
changements de stratégie, des investissements importants, tant en matière grise
qu'en matériel, des diversifications innovantes avaient permis de relancer les
chiffres d'affaires, la valeur ajoutée et les exportations.
Le secteur textile montrait qu'il était capable de s'adapter par des réformes
sérieuses face aux problèmes structurels. La plupart des entreprises se
montraient offensives dans leur développement, tournant ainsi le dos à une
attitude défensive courante dans le passé. Bref, nous avions l'impression de
retrouver un peu d'oxygène.
Au début de l'année 2001, la machine a commencé à s'enrayer, sous l'influence
d'une accumulation de facteurs.
Sur le plan international tout d'abord, nous avons assisté à une très faible
croissance du marché américain, à un accroissement du report des productions
asiatiques sur le marché européen, à la dévaluation compétitive de certains
pays tels que la Turquie, l'Indonésie, le Brésil, à l'adhésion de la Chine à
l'OMC, sans que la réciprocité douanière, certes programmée jusqu'en 2007, soit
encore en place.
Nous avons aussi été confrontés à la disparité des droits de douane entre les
pays développés, notamment entre les Etats-Unis et l'Europe, à l'accélération
de la libéralisation des quotas douaniers prévus en 2005 afin de servir de
monnaie d'échange à d'autres industries ou à d'autres secteurs, au
subventionnement indirect de pays pourtant adhérents ou frappant aux portes de
l'OMC, ce qui entraîne des effets de dumping, à l'accélération des
délocalisations vers les pays à bas salaires.
Nous avons également constaté des facteurs aggravants pour l'Europe et pour la
France : la faible protection de la propriété intellectuelle, l'absence de
contraintes environnementales et sociales en même temps que de programmes
précis pour permettre la progression des pays en voie de développement, la
concentration de la grande distribution et la réorganisation du système
d'approvisionnement où le responsable principal de cet approvisionnement
devient le confectionneur, lequel se trouve de plus en plus déclocalisé dans
les zones à bas coût de main-d'oeuvre. A cela s'ajoute l'impossibilité pour de
nombreuses entreprises artisanales de sortir de la sous-traitance pour aller
vers une véritable cotraitance, ce qui conduit ces petites entreprises à une
situation redoutable faite de difficultés et d'endettement.
Après une telle énumération, on voit bien que l'industrie textile est plus
largement influencée par le contexte européen et mondial que par son contexte
national. Mais cela n'enlève rien, bien entendu, à l'utilité des actions
concertées sur le plan national. Ces actions sont nécessaires, utiles parce
qu'elles peuvent être déterminantes quant à la pérennisation et au
développement du secteur et parce qu'elles permettent d'accompagner sa
mutation.
Voici le constat : la baisse globale du volume d'activité varie de 5 % à 30 %
suivant les secteurs, le textile-habillement traditionnel, qui représente 60 %
de l'activité, étant le plus touché. Au contraire, le secteur
textile-habillement nouvelles fonctionnalités et le textile technique se
rapprochent de l'équilibre voire, à certains endroits, malgré la conjoncture,
continuent leur progression.
On voit bien que nous nous heurtons à trois types de problèmes : conjoncturel,
structurel et spécifique avec la notion de mode-produits.
En ce qui concerne ce dernier point, je dirai simplement que c'est une
question de nature différente. Il s'agit d'un problème cyclique lié à la mode
et à la consommation qui, lorsqu'il se conjugue au problème conjoncturel,
renforce l'état dépressif du secteur, ce qui est le cas actuellement.
Le secteur textile est aujourd'hui confronté à un problème conjoncturel.
Comme cela a été dit, le ralentissement de l'activité a provoqué une absence
d'investissement des entreprises : elles n'ont plus les moyens. Même si la
consommation, en matière d'habillement en particulier, reste correcte, la
production est en chute. L'écart entre les deux provient du flux des
importations, qui s'accélère.
Il me faut donc parler maintenant de la situation dramatique des artisans.
Après avoir fait des efforts d'investissement en machines pour répondre aux
besoins des donneurs d'ordres, ils sont dans une situation quasiment analogue à
celle des agriculteurs surendettés.
Lorsque des donneurs d'ordres décident d'internaliser leur production, ils
diminuent fortement, voire arrêtent leurs commandes aux sous-traitants, leur
ôtant ainsi toute possibilité d'activité et les laissant avec leurs dettes.
On doit donc se demander si l'on souhaite conserver l'intégralité de la
filière textile qui, comme on le sait, constitue une chaîne autour de
nombreuses activités : filature peignée, filature cardée, teinture, tissage,
ennoblissement, tricotage, confection, broderie, dentelle, etc.
Perdre un élément de la filière, c'est mettre en péril la filière dans son
ensemble. Pour l'éviter, il faut veiller à soutenir l'amont de la filière, qui
se consacre principalement à la recherche, au transfert de technologie, à la
conceptualisation, à la formation et, indirectement, à toutes les applications
de la recherche.
Le textile est lié à ses territoires, nos territoires sont liés au textile.
Si on laisse se développer jusqu'à son terme ce processus lent et insidieux,
quel avenir offrons-nous à des régions entières de notre pays, les Vosges bien
sûr, la région Rhône-Alpes, le Pas-de-Calais, et à celles qui me sont chères, à
Castres-Mazamet dans le Tarn et, surtout, au pays d'Olmes en Ariège ?
Quand l'activité textile représente jusqu'à 50 % du total, on voit bien que le
problème industriel devient aussitôt un problème d'aménagement du
territoire.
Cela n'est d'ailleurs pas sans lien avec d'autres secteurs, puisque, lorsque
l'on visite les usines textiles du troisième millénaire - il en existe ! -
elles rassemblent dans leurs différentes composantes la presque totalité des
applications de la recherche, qu'elle soit chimique, physique ou électronique
et, très souvent, la combinaison de l'ensemble d'entre elles.
Quelles sont les mesures d'accompagnement que nous vous demandons de soutenir
fortement sur le court terme ? Pour les artisans, nous souhaitons des
dispositions visant à passer des conventions pour le chômage partiel, le report
des charges sociales et fiscales sans intérêt, notamment pour les artisans et
les PME, l'affectation de fonds de garantie de l'Etat, et sans doute aussi des
régions, de type SOFARIS, afin de pouvoir garantir des prêts à 100 % sur une
période de deux à trois ans.
Entreprise par entreprise, au cas par cas, cette mesure est susceptible de
dépasser l'accident conjoncturel.
Il faut également appliquer la règle du mieux-disant sur les marchés
administratifs.
J'attire votre attention, madame la ministre, sur ces marchés administratifs
qui, au plan européen, semblent de plus en plus fermés à nos productions
nationales tant nous déployons un grand zèle pour observer les offres des
autres entreprises.
Il faut ensuite mettre en place des lignes budgétaires pour réaliser des
opérations financières par la FNE.
Toutefois, notre problème est aussi et surtout un problème structurel.
Vous ne trouverez aucun entrepreneur textile, aucun reponsable de ce secteur,
qu'il soit patronal ou syndical, pour contester le développement des échanges
au plan européen ou mondial, mais vous les trouverez tous extrêmement
vigilants, notamment à l'occasion des négociations de l'OMC.
Il ne faut pas, en effet, faire preuve de précipitation : tant que la
structuration des entreprises n'aura pas intégré parfaitement cette évolution
par la mise en place de nouvelles stratégies et des investissements adaptés,
les risques seront énormes.
Madame la ministre, nous comptons sur votre soutien : le territoire ne peut
pas être une monnaie d'échange pour l'accélération de la politique induite par
la mondialisation.
Nous comptons sur vous pour négocier les droits de douane des produits
textiles ou d'habillement, que ce soit sur des marchés développés, aux
Etats-Unis notamment, ou dans des pays en émergence adhérents à l'OMC. Nous
comptons aussi sur vous pour sanctionner les pays qui maintiennent des
obstacles administratifs à l'importation et mènent des politiques de dumping,
pour lutter contre la contre-façon en favorisant la création et la propriété
intellectuelle, pour gérer l'attribution des aides publiques à partir
d'objectifs industriels et d'emplois offensifs et, enfin, pour favoriser
l'émergence d'un véritable espace d'échanges euro-méditerranéen, même si
celui-ci, dans un premier temps, a suscité des craintes.
En effet, seule la vitalité de ce nouveau champ de prospérité pourra rivaliser
avec la zone américaine - qu'il s'agisse de l'accord de libre-échange
nord-américain ALENA, ou du marché commun du Sud, le MERCOSUR - ou avec la zone
asiatique.
Nous comptons également sur vous pour accompagner de nouveaux appels à projets
européens concernant l'innovation technologique ou organisationnelle, qui
permettraient aux PME d'avoir accès au financement de l'innovation.
Madame la ministre, c'est vital aujourd'hui : la réorientation de la politique
des fonds structurels doit prendre en compte la réindustrialisation,
l'innovation, la mutation des industries traditionnelles.
Il faut ouvrir les yeux ! Dans des régions comme la mienne, ni l'agriculture
ni même le tourisme ne suffiront à alimenter les emplois du futur.
Nous pouvons aussi intervenir pour l'accompagnement des politiques locales et
nationales.
Trop longtemps, les différents acteurs de ce secteur se sont ignorés, chacun
travaillant dans son coin. Aujourd'hui, ils ont pris conscience de l'intérêt de
l'action collective et de la construction d'un réseau allant du bas vers le
haut - c'est le sens des systèmes productifs localisés, les SPL. Pour les
aider, il convient de résoudre les problèmes suivants : le développement de la
compétitivité, le développement de la valeur ajoutée et l'incitation à la
demande par l'offre.
Si l'on sait que 40 % des produits et
process
que nous utiliserons dans
trente ans ne sont pas inventés, on comprend alors le champ immense d'évolution
de la consommation des produits textiles.
Le textile peut prendre différentes formes : textile technique, biotextile,
agro-textile.
Nous avons affaire aujourd'hui aux fibres antistress, antibactéries, anti-UV
ou même bronzantes, hydratantes, lumineuses. Les tissus doivent devenir
intelligents. Comme l'a dit Christian Larose, syndicaliste du secteur du
textile et de l'habillement : « Ils se prêtent à tout. Ils régulent la chaleur
du corps, distillent des parfums, mais, bien sûr, ces procédés d'avenir sont
complexes à mettre en oeuvre. Une maille antistress utilise le carbone et
protège le corps des ondes électromagnétiques. Certains traitements donnent une
meilleure hygiène et éliminent les mauvaises odeurs. On peut tout imaginer :
des vêtements qui changent de couleurs, qui réagissent à la lumière pour se
transformer. »
Mais avant d'opter pour ces fabrications du futur, nous avons besoin d'une
véritable révolution. Dans les SPL, on y réfléchit déjà et on avance des axes
favorisant ces évolutions.
L'aide à la réflexion stratégique des entreprises, à la recherche de
stratégies alternatives, en est un. Les programmes Stratex, dans ma région
Midi-Pyrénées, ou Nortex, dans le Nord - Pas-de-Calais, en sont des
exemples.
L'aide à l'innovation est un autre axe.
Celle-ci est actuellement articulée autour du réseau industriel d'innovation
du textile et de l'habillement, mis en place par l'Etat dans dix pôles
d'excellence hexagonaux. Cette action qui démarre doit être complétée par une
action directe des entreprises, au travers de la mise à disposition
d'animateurs-innovation.
L'Etat doit permettre un contact direct, en se dotant de moyens d'animation
humains. Les objectifs visés sont de porter l'action innovation indirectement
dans chaque entreprise. Ils doivent aussi être de favoriser l'émergence de
nouveaux projets de création en utilisant l'essaimage ou les techniques
d'incubation, de mise en pépinière et de création.
Une action pour le textile doit veiller à la préservation, la transmission et
l'adaptation des métiers et savoir-faire. C'est un troisième axe. La matière
première du futur est plus que jamais la matière grise alliée à la
connaissance. Sa montée en puissance au sein des entreprises est le seul garant
de la valeur ajoutée des entreprises.
Il faut donc oeuvrer pour le développement de la formation continue, du bac
pro jusqu'à la mémorisation des savoir-faire, en passant par la validation des
acquis et le développement des compétences.
Je l'ai dit en commençant, nous devons nous battre pour améliorer l'image du
textile. C'est un quatrième axe. Il nous faut des opérations de communication
offensive sur les plans à la fois régional, national et international. Pour ce
faire, il convient de relancer l'intérêt, non seulement des étudiants, mais
aussi de l'opinion publique aux potentialités du textile, véritable métier de
passion.
Permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que le secteur du textile, ce
sont des femmes et des hommes qui ont consacré leur vie à leur métier et qu'il
conviendrait par conséquent, comme cela a été fait pour la sidérurgie, d'aider
à l'accompagnement des personnes âgées de plus de cinquante ans qui sont
concernées par des plans sociaux.
Pour conclure, je dirai que l'accompagnement des pouvoirs publics dans les
réformes structurelles est l'une des conditions de réussite de la mutation du
secteur textile. Les entreprises, dont les finances sont bien souvent exsangues
à l'heure actuelle, auront du mal à entreprendre seules, malgré leur volonté,
ces mutations, notamment les TPE et les PME, même lorsque celles-ci se
regroupent.
Il en va de même pour l'aménagement du territoire : en effet, on ne remplace
pas du jour au lendemain un type d'activité par un autre, mais on peut
commencer à entreprendre des diversifications préventives à partir d'un socle
solide traditionnel.
En matière textile - je me permets d'insister sur cet aspect - on ne pourra se
passer de la création d'une sorte de comité interministériel d'aménagement du
territoire prenant en compte les territoires en mutation, la politique
sectorielle ayant été condamnée.
Madame la ministre, si une telle volonté se fait jour, chacun sera gagnant.
Tout ce que nous pouvons mettre en oeuvre aujourd'hui sera, de toute façon,
moins coûteux, moins douloureux, que tous les problèmes sociaux engendrés par
l'abandon d'espaces économiques industriels. Il n'y a pas de vie sociale, de
vie économique durable dans un territoire sinistré.
Oui, l'heure est grave et cette occasion pourrait être la dernière. Le textile
a tissé longtemps les fils de la vie. Ne les coupons pas ! Il nous appartient
de ne pas tromper l'espérance de centaines de milliers de femmes et d'hommes
pour qui le textile est à la fois une culture, un environnement et une raison
de vivre.
Actuellement - mon ami Ivan Renar l'a dit -, nous perdons plus de 2 000
emplois pas mois ; c'est pourquoi l'heure n'est plus à la résignation, à
l'interrogation ni à des déclarations d'intention. L'heure est à une vraie
politique industrielle offensive. Madame la ministre, vous avez un rôle éminent
à jouer pour aider le secteur textile à accomplir sa mutation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin.
Monsieur le président Poncelet, je vous remercie d'avoir, par votre question,
ouvert le débat sur l'industrie textile.
L'industrie du textile-habillement et de la maille représente 240 000 emplois
aujourd'hui en France. Malheureusement, cette activité est de plus en plus
menacée par la perte de ses emplois à la production.
Deux chiffres illustrent la crise que connaît le seul secteur de l'habillement
; il comptait 250 000 emplois voilà quinze ans contre seulement 100 000
aujourd'hui !
C'est une industrie particulièrement fragilisée, largement ouverte à la
concurrence internationale, en permanente restructuration depuis plusieurs
années déjà.
La concurrence s'exerce à la fois à l'intérieur de l'Europe avec l'Italie, le
Portugal et l'Espagne, et de plus en plus avec les pays en voie de
développement à faible coût salarial.
Cette activité manufacturière s'amenuisant, ce sont des territoires entiers
qui sont économiquement menacés. Par exemple, dans la région des Pays de la
Loire, dont je suis l'élu, la filière habillement représente 12 000 emplois
répartis sur 200 entreprises concentrées essentiellement dans le bassin
choletais.
La fragilité de cette industrie repose en effet sur l'importance de la
main-d'oeuvre, qui peut représenter 60 % du prix de revient. Nos entreprises
ont modernisé leurs techniques, leur outillage, mais cette technicité est
elle-même devenue très accessible pour les pays en voie de développement, et
les faibles coûts salariaux de ces derniers ont entraîné la délocalisation du
façonnage pour de nombreuses entreprises qui ne gardent dans l'Hexagone que les
activités commerciales et créatives.
Vous n'ignorez pas, madame la ministre, combien la région des Pays de la Loire
a été très affectée par le transfert d'une grande partie des activités de
production dans les pays à faible coût de main-d'oeuvre. La consommation du
marché intérieur, qui avait connu une légère reprise depuis 1997, a régressé
pour devenir négative en 2002. Nous savons tous que, si la période de récession
se confirmait, les résultats seraient encore plus désastreux.
Or c'est dans ce contexte déjà critique que doit intervenir le démantèlement
de l'accord multifibres.
Dans le cadre de l'Uruguay Round et de la conférence de Marrakech en 1994, il
avait été convenu que l'accord multifibres serait démantelé en quatre phases
sur une période de dix ans, démantèlement consistant à supprimer
progressivement les quotas d'importations. Nous entamons aujourd'hui la
dernière phase de cet accord puisque, au 1er janvier 2005, c'est-à-dire dans un
peu plus d'un an, tous les quotas d'importations applicables aux textiles et à
l'habillement seront supprimés et le commerce des vêtements et des tissus
totalement libéré.
Les engagements pris par les pays en voie de développement en contrepartie du
démantèlement de l'accord multifibres consistait, d'une part, à ouvrir leurs
marchés aux tissus et vêtements en provenance des pays plus industrialisés et,
d'autre part, à mettre en oeuvre les moyens législatifs et réglementaires
nécessaires pour faire respecter, sur leur marché, les accords ADPIC en matière
de protection de la propriété industrielle et commerciale. Force est de
constater que les engagements de ces pays n'ont pas été tenus, que ce soit en
matière d'accès aux marchés ou en matière de respect des accords sur la
protection de la propriété intellectuelle et commerciale.
Madame la ministre, est-il normal que l'Union européenne demeure l'une des
zones les plus ouvertes aux importations ? Il convient de rappeler que le tarif
extérieur commun - le TEC - de l'Union européenne est le plus bas du monde,
puisque les droits de douane à l'importation sont de 12 % pour les vêtements et
de 9 % pour les textiles. Les tarifs douaniers consolidés des pays en voie de
développement sont compris dans une fourchette de 30 % à 50 %, avec un record
pour l'Inde à 82 %.
Entre 1995 et 2000, les importations extra-Union européenne sont passées de 41
milliards d'euros à 67 milliards d'euros, soit une progression de 64 %, alors
que, pendant la même période, les exportations extra-Union européenne sont
passées de 27 milliards d'euros à 38 milliards d'euros, soit une progression de
40 %.
Entre les accords de Marrakech de 1994 et la fin de l'année 2001, les
effectifs de l'industrie française de l'habillement ont diminué de 40 %.
L'entrée de la Chine dans l'OMC, en lui permettant de bénéficier des 51 % de
quotas déjà libérés, va se traduire par une pression accrue de ce pays sur le
commerce international du textile et de l'habillement. C'est ainsi que, pour le
seul marché français, les importations de vêtements en provenance de Chine ont
progressé de 8 % pendant le premier semestre. La Chine devient ainsi le
deuxième fournisseur de vêtements en France après la Tunisie.
Dans ce contexte, que reste-t-il à l'industrie française ? Heureusement, notre
industrie de l'habillement conserve ses atouts : le principal est d'avoir su
conserver un capital d'image en matière de mode, grâce notamment à la haute
couture.
Mon département est tout à fait représentatif. Le Maine-et-Loire occupe en
effet une place de choix dans les activités de la mode au niveau national. Dans
le Choletais, nos entreprises fabriquent 30 % du prêt-à-porter français et
occupent la première place européenne dans la confection pour enfants.
Contrairement aux autres régions du textile, le bassin choletais est un pôle
industriel qui s'est construit autour de petites communes. Cette spécificité de
créer des usines à la campagne est unique en France, un exemple de
décentralisation avant l'heure. En contrepartie, les possibilités de
reconversion professionnelle dans des zones essentiellement rurales sont
extrêmement faibles. C'est une réalité à prendre en compte dans le cadre de
l'aménagement du territoire. Notons à ce sujet que les salaires sont souvent
peu attractifs et n'incitent pas à la mobilité. Ne pourrait-il pas être
envisagé une défiscalisation salariale ou une baisse des charges pour les
emplois de production ?
Bien sûr, la sous-traitance est majoritaire au sein de la filière. Les
donneurs d'ordres sont soit de grands distributeurs, soit les marques les plus
prestigieuses de la haute couture, ce qui conforte l'excellente image dont
bénéficie la profession dans ce bassin d'emplois.
La qualité est un atout majeur. Gardons à l'esprit que 100 % de la production
très haut de gamme française est fabriquée en France. C'est pourquoi il est
important d'accentuer nos efforts dans trois domaines qui sont la création, la
qualité et le développement des exportations vers les pays à fort potentiel
comme l'Asie du Sud-Est et l'Amérique latine.
En conséquence, face à la concurrence des pays à faible coût de main-d'oeuvre,
la survie de cette industrie réside dans ses capacités à aider la création et
l'émergence de jeunes créateurs, à développer la fabrication haut de gamme, à
continuer de promouvoir la qualité, à développer les exportations en s'appuyant
sur des marques à forte image et notoriété et, enfin, à mener une politique de
formation.
Puisque 30 % de ce secteur lié à la création est destiné à être exporté, il
est nécessaire de développer et de coordonner les aides dans ce secteur. Le
maintien - et je l'espère, la croissance - de l'industrie du textile dépend de
l'ouverture de nouveaux marchés. L'Europe, la France doivent être fermes sur
l'accès aux marchés de certains pays. Nous ne devons pas oublier que si le
pourcentage de la population susceptible d'acheter des produits haut de gamme
français reste faible en Inde ou en Chine par exemple, ce pourcentage, au
regard de la population de ces pays, représente néanmoins un marché énorme pour
nos entreprises.
La défense de nos marques, des dessins et de la création de modèles,
c'est-à-dire la protection intellectuelle de nos créateurs, doit constituer une
autre priorité. L'attente est grande, mais les professionnels ne voient rien
venir et retrouvent leurs modèles plagiés dans la grande distribution française
ou internationale.
En corollaire, l'industrie française doit développer une politique de
formation : d'une part, sauvegarder les métiers traditionnels, les savoir-faire
à haute valeur ajoutée ; d'autre part, promouvoir les formations en matière de
logistique et de commerce international.
Je souhaite à présent vous faire part, madame la ministre, d'une question
importante pour la profession.
L'industrie française de l'habillement dispose d'une taxe parafiscale qui lui
permet, par une mutualisation du produit de cette taxe, de mettre en oeuvre des
programmes nationaux collectifs en matière de soutien à la création,
d'accompagnement et de développement de la formation et de promotion des
exportations. Or cette taxe parafiscale est appelée à disparaître à la fin de
l'année 2003. Sa pérennisation sous la forme d'une imposition affectée est
vitale pour l'avenir des industries françaises de l'habillement et de la mode.
Les professionnels aimeraient connaître votre position sur cette question
précise, madame la ministre.
Pour conclure, je souhaite que vous puissiez, dès à présent, nous annoncer les
mesures nouvelles arrêtées par votre ministère ou par l'Union européenne pour
répondre à l'attente des salariés, des chefs d'entreprises et des élus locaux.
L'annonce d'un réel plan textile-habillement serait un signal très fort quant
au soutien que le Gouvernement entend apporter à cette industrie primordiale
pour l'emploi, qui contribue largement au rayonnement de l'image de la France.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre André.
M. Pierre André.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, depuis
quelques mois, le rythme des dépôts de bilans dans le secteur textile
s'accélère de façon inquiétante, accompagnés de leur lot de drames en tout
genre et particulièrement de drames humains.
Aussi, monsieur Poncelet, le débat sur l'industrie textile que vous avez
souhaité arrive au bon moment. En effet, les Français sont nombreux à se poser
la question de savoir si la France a encore la volonté de défendre et de
soutenir son industrie et particulièrement son industrie textile. Au vu de la
politique industrielle des vingt dernières années, nous sommes en droit d'en
douter.
Elus du Nord de la France, bastion de l'industrie textile, qui a créé tant de
richesses pour notre pays, nous vivons, impuissants, l'inexorable déclin de nos
usines et l'augmentation continue du chômage, qui atteint 13, 14, 15, voire 20
% de la population active.
Dans le bassin d'emploi de Saint-Quentin, ville dont je suis maire, quatre
mille emplois ont disparu, c'est-à-dire la moitié des emplois industriels
existants et les plans de redressement en cours portent malheureusement sur
plusieurs centaines de suppressions de postes.
De temps à autre, lorsque la colère monte, à l'approche d'une échéance
électorale, les gouvernements successifs nous proposent des mesures locales du
type « cabinet de reconversion », dont les résultats sont souvent comparables à
l'effet d'un cataplasme sur une jambe de bois, alors que c'est d'une véritable
politique « de rupture » dont nous avons besoin.
Tout à l'heure, le président Christian Poncelet a brillamment ouvert un
certain nombre de voies sur lesquelles il nous faudra travailler dans les
semaines et dans les mois à venir. Nos collègues qui sont intervenus voilà
quelques instants ont également souligné l'aspect international et conjoncturel
de l'industrie textile. Aussi limiterai-je mon intervention à quelques
remarques relatives au contexte national.
Pour l'industrie textile, il faut aller plus loin. Comme Alain Juppé l'a fait
avec succès avec les zones franches urbaines, c'est-à-dire avec nos quartiers
les plus en difficulté, il faut mettre en place - peut-être à l'échelon
européen, d'ailleurs - une politique de discrimination positive en faveur des
entreprises textiles, afin de réduire les charges fiscales et sociales.
Il paraît également important de mieux réguler les relations entre donneurs
d'ordres et sous-traitants. Je pense, par exemple, aux équipementiers
automobiles du secteur textile, qui doivent souvent investir lourdement et
ensuite passer sous les fourches caudines des fabricants, qui imposent leurs
prix - en général, ils baissent de 3 % à 4 % par an - les délais, les stockages
et aussi les aléas du marché. La distribution a également sa part à prendre.
La confection en France est sinistrée, nous dit-on. Or, curieusement, dans les
grandes villes françaises et étrangères, voire sur notre prestigieuse avenue
des Champs-Elysées, nous voyons les meilleurs emplacements commerciaux occupés
par des marques de vêtements féminins ou masculins fabriqués en Europe - je
pense aux grandes marques espagnoles, dont les produits sont fabriqués dans
leur pays -, voire aux Etats-Unis.
Le secteur de l'habillement n'est donc pas une industrie réservée aux seuls
pays à faibles niveaux de salaires.
Autre constatation : la grande distribution et la vente par correspondance, au
nom des « sacro-saints prix bas », offrent aux consommateurs, dans leurs rayons
ou dans leurs catalogues, des produits qui, dans 90 % des cas, sont fabriqués à
l'étranger.
Le Gouvernement doit, madame le ministre, dans ce domaine du textile comme
dans d'autres, insuffler un esprit nouveau et tonique dans les relations entre
distributeurs et producteurs.
Mais l'avenir de l'industrie textile française passe par sa capacité à
innover.
Les avancées technologiques sont importantes, les mutations grandes et
rapides. Nos entreprises savent être réactives et tirer leur épingle du jeu
pour peu qu'elles soient soutenues et encouragées. Nous devons les aider dans
leurs efforts de recherche et dans la mise en oeuvre de leurs résultats, car
plus de technicité, c'est moins de concurrence que sur les produits moins
élaborés.
Notre collègue M. Bel le rappelait tout à l'heure, des fibres naturelles aux
propriétés améliorées aux fibres synthétiques ayant des qualités médicales
diverses - filtrant le soleil, permettant au corps de résister à des
températures extrêmes... - les textiles de demain n'ont pas fini de nous
étonner.
Or, aujourd'hui, déjà 25 % de l'industrie textile se consacrent aux tissus
techniques, et c'est là une voie vers laquelle nous devons nous tourner, car
c'est l'innovation qui peut surmonter le handicap des niveaux des salaires.
C'est un devoir pour l'Etat d'accompagner, d'inciter, d'encourager les
entreprises dans cette voie. C'est ainsi que nous créerons les emplois du
futur.
Sauver l'industrie textile, madame le ministre, est un enjeu prioritaire, car
il s'agit, bien sûr, d'emplois, mais aussi, et surtout, de la crédibilité
industrielle de la France.
(Très bien ! et applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme nombre
d'intervenants, je veux aujourd'hui remercier ceux qui nous donnent l'occasion
de parler du textile au Parlement : le président Christian Poncelet, par la
question dont il a eu l'initiative, et vous, madame la ministre, qui avez
accepté ce débat. Que le Gouvernement ait accepté peu de temps après sa
nomination d'aborder la question de l'industrie textile dans notre assemblée
marque, me semble-t-il, l'importance qu'il attache à ce secteur.
M. Christian Poncelet.
Très bien !
M. Michel Mercier.
Qu'un tel débat n'ait pas eu lieu plus tôt, alors que les problèmes ne datent
pas d'hier, accroît naturellement, madame la ministre, les espoirs que nous
mettons en vous. L'attente est grande !
Mes collègues ont déjà très largement souligné quelle était la situation de
l'industrie textile aujourd'hui : elle traverse une crise quasi structurelle,
certes, mais elle n'est pas pour autant condamnée à disparaître, pour peu que
l'on se rassemble tous autour d'elle et que l'on prenne, pour l'immédiat, les
mesures de sauvegarde qui assureront son avenir.
Naturellement, comme celles et ceux qui se sont succédé à cette tribune, je
vous parlerai, madame la ministre, des problèmes que rencontre cette industrie,
mais je voudrais qu'après notre débat on ait une vision plus optimiste de son
avenir dans notre pays.
L'industrie textile n'est ni une industrie du passé ni une industrie
vieillotte, encore moins une industrie qui n'a d'avenir que dans des pays où
les salaires sont dramatiquement bas : elle est porteuse d'avenir !
Il s'agit, nous le savons tous, d'une crise structurelle. Nous le vivons dans
nos départements, dans nos régions, et nous avons tous conscience des
conséquences de l'organisation du marché sur le plan mondial. L'industrie
textile a toujours été aux avant-postes, en quelque sorte, pour prendre les
premiers coups, que ce soit dans l'histoire industrielle de notre pays ou
aujourd'hui. En accueillant, tout à l'heure, nos amis de Chine, nous savions
qu'ils représentaient le principal pays concurrent de notre industrie
textile.
A titre d'exemple, je citerai le cas de la couverture. Il se trouve que les
deux derniers fabricants de couvertures en France - malheureusement ! - sont
installés dans le canton dont je suis l'élu. Voilà quelques années, lorsque la
couette est arrivée, ces fabricants se sont adaptés. Quelques années plus tard,
la couverture polaire, produit de grand luxe, est apparue. Depuis deux ans,
cette couverture est fabriquée en Chine. Elle est devenue un produit ne coûtant
que quelques francs, ce qui ruine actuellement l'industrie textile.
Cette industrie est donc extrêmement vulnérable. Doit-on se contenter de le
constater ? Doit-on se dire que, après tout, c'est ainsi que les choses se
font, qu'il nous faut les subir et essayer de trouver des mesures sociales ? De
telles mesures sont, certes, nécessaires - j'en parlerai dans quelques instants
- mais l'industrie textile mérite plus que cela. C'est une véritable industrie
!
L'industrie textile se bat ! Les présentations, voilà quelques semaines, au
salon Première Vision, suffisent à rendre compte de la capacité de l'industrie
française - et, plus largement, de l'industrie européenne - en matière de
créativité, de recherche et de mode.
Cette industrie est le reflet, pour chacune et chacun d'entre nous, d'une
forme d'épanouissement personnel. Elle est porteuse de valeurs importantes.
N'oublions jamais que, outre sa forte valeur sociale, l'industrie du textile et
de l'habillement est une partie de l'image de notre pays. Pour cette raison et
parce qu'elle a un avenir, nous devons nous battre ! Cet avenir, il faut le
préparer en prenant des mesures conjoncturelles ; nombre de nos collègues y ont
fait allusion et, par conséquent, je n'y insisterai pas.
Il s'agit, par ces mesures conjoncturelles, tout à la fois de répondre aux
problèmes sociaux qui sont posés par les dépôts de bilan, notamment, mais aussi
d'anticiper.
Le textile perd des emplois. La situation est telle qu'il en perdra
probablement encore au cours des mois, voire des années qui viennent. Sachons
préserver cet outil humain, sans oublier que les emplois du textile sont
pénibles, que ceux qui les occupent sont souvent assez âgés, qu'ils sont entrés
très jeunes dans l'industrie et qu'ils y ont travaillé toute leur vie. A cet
égard, madame la ministre, je crois qu'une mesure d'âge s'impose : afin de
préserver l'outil de l'industrie textile, je demande au Gouvernement qu'il
étudie le plus vite possible une mesure d'âge pour permettre aux salariés les
plus âgés de prendre leur retraite et ainsi de laisser la place aux plus
jeunes.
Mais il faut savoir aussi bien utiliser l'outil humain du textile. Car, en la
matière, tout le monde ne peut pas faire n'importe quoi et n'importe comment.
Les salariés du textile et de l'habillement ont un vrai savoir-faire industriel
qui peut être utilisé dans d'autres secteurs. Il y a là une véritable filière
professionnelle qui exige de vrais professionnels. Je pense donc que, outre une
mesure sociale comme la mesure d'âge que je suggérais à l'instant, il est bon
de prévoir des actions de formation lourdes, à long terme, qui mobiliseront
tant l'Etat et les régions que, bien entendu, l'Europe. Ces deux séries de
mesures nous permettront, je pense, de préserver l'outil textile.
Permettez-moi deux suggestions, madame la ministre. Il serait vain - et
inexact, car cela ne correspond pas à la réalité de la situation - que nous
nous battions sur le seul terrain national : c'est un problème européen qui est
ici posé et, pour le régler, nous devons avoir une politique européenne du
textile.
Mais je ne vous apprendrai rien sur le sujet, madame la ministre. Je souhaite
simplement que, grâce à votre savoir-faire et à votre pratique de l'Europe,
nous puissions obtenir de l'Union européenne une véritable stratégie
industrielle dans ce domaine.
Certes, nous avons les fonds européens. Tout cela est très beau, même presque
trop beau, parfois, tellement il y en a. Observons cependant que ces fonds ne
jouent que pour des territoires qui ont déjà subi la crise. Or il est très
difficile de recréer ce qui a disparu.
M. Christian Poncelet.
C'est vrai !
M. Michel Mercier.
Essayons d'agir en amont et mettons les fonds structurels européens au service
des filières industrielles afin de développer une véritable stratégie
industrielle qui réponde aux exigences d'une économie désormais ouverte sur le
monde.
L'heure n'est plus à la fermeture sur soi, et, si vous devez vous battre,
madame la ministre, c'est non pas pour que nos tarifs douaniers augmentent,
mais bien pour que ceux des autres pays diminuent. Telle est l'action qu'il
faut accompagner d'une stratégie industrielle.
Quant à la créativité de nos industries, je souhaite également qu'elle soit
protégée sur les deux plans, national et européen.
Des efforts extrêmement importants sont faits en termes de recherche sur les
textiles, mais toute cette créativité est parfois pillée en quelques semaines,
voire en quelques jours, par des personnes qui se contentent d'acheter quelques
mètres d'un tissu, pour le faire fabriquer au loin et nous revendre des
cargaisons de copies. Il y a là un véritable pillage intellectuel contre lequel
le Gouvernement doit agir.
Créativité, recherche et matière grise, tel est le textile d'aujourd'hui.
C'est cette industrie véritablement moderne qu'il nous faut sauver, d'autant
qu'elle est la manifestation du savoir-faire industriel de notre pays. Voilà
pourquoi les mesures conjoncturelles qu'il nous faut prendre doivent être tout
à la fois économiques - je m'associe aux propos qu'ont tenus mes collègues à
cet égard - et sociales, pour préserver l'outil humain qui fait le textile. Il
y là une voie, certes étroite, qui peut nous permettre de maintenir une
industrie textile de qualité dans notre pays. Tel est le sens de l'action qui
nous mobilise tous aujourd'hui.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Louis Moinard.
M. Louis Moinard.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question du
président Christian Poncelet est claire. L'évolution de l'industrie du
textile-habillement en France, du moins ce qu'il en reste, est très
préoccupante. Tout a été dit sur cette industrie de main-d'oeuvre, qu'il
s'agisse de la mondialisation, des charges salariales, des 35 heures ou encore
des délocalisations.
Permettez-moi de citer le cas de mon département. En Vendée, ce sont encore
plus de 6 000 salariés qui sont concernés. En Vendée comme sur le reste du
territoire français, il faut voir, derrière les chiffres, nos administrés, nos
amis, nos voisins, nos enfants. Ne l'oublions pas !
Aujourd'hui, ce secteur de notre industrie est en perdition. En effet, de
nombreux façonniers sont au bord du gouffre du dépôt de bilan. Certains
n'attendront pas six mois.
Permettez-moi un exemple très concret. Un pantalon confectionné par notre
main-d'oeuvre qualifiée pour un coût de 22 euros revient de 13 à 15 euros si
l'entreprise française possède un atelier délocalisé dans un pays de l'Europe
de l'Est, par exemple, et à 9 euros, si c'est un entrepreneur de ce même pays
qui le produit. En un an, la diminution du nombre des commandes représente 50 %
du chiffre d'affaires.
A ce jour, certaines entreprises n'ont plus de commandes pour la fin de
l'année ; elles doivent rechercher d'improbables nouveaux clients, avec des
prix qui ne couvriront pas les charges de production.
A l'heure où dix nouveaux pays doivent intégrer l'Union européenne, la
question se pose : quelle Europe voulons-nous ? Pour moi, c'est très clair :
s'il ne s'agit pas de remettre en cause le principe de la construction
européenne, il faut en revoir les modalités. En effet, l'on ne saurait
construire cette Union, cette indispensable solidarité entre les peuples de
notre continent européen par le sacrifice de pans entiers de notre industrie de
main-d'oeuvre !
Cette main-d'oeuvre, ce sont des femmes et des hommes qui ont investi leur
savoir-faire et leurs compétences ; ce sont des familles, des enfants qui en
vivent, qui veulent construire leur avenir et attendent que nous, leurs élus,
nous leurs donnions des réponses à dimension humaine. Sinon, à quoi
servirait-il que nous nous engagions en politique ?
Il existe des réponses faciles : reconversion, formation, mobilité !
Chaque fois que nous votons des lois, que nous prenons des décisions, nous
devons le faire en regardant droit dans les yeux les Françaises et les Français
!
Madame la ministre, mes chers collègues, acceptons-nous le déclin inéluctable
de l'industrie du textile et, par voie de conséquence, le sacrifice de celles
et de ceux qui ont contribué au rayonnement de la France par leur créativité et
la qualité de leurs productions ? Pour ma part, je réponds : non !
Nous n'avons pas été élus pour nous résigner. Nous devons, au contraire, faire
preuve de courage, de volontarisme et d'imagination.
L'avenir de notre pays, et de nos enfants, mérite qu'ensemble nous trouvions
des réponses.
Madame la ministre, quelles mesures, si sectorielles soient-elles,
comptez-vous prendre, quelles sont les négociations que vous envisagez
d'entreprendre avec nos partenaires européens auprès des pays émergents, et
dans quels délais ?
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée à l'industrie.
Monsieur le président Poncelet, je suis
particulièrement sensible au fait que vous interpelliez le Gouvernement sur
l'un des défis les plus exemplaires posés aux industries traditionnelles de
notre pays et, en particulier, aux industries du textile et de l'habillement,
par les contradictions de la globalisation des échanges économiques, qui risque
de laisser sur le bord du chemin les entreprises ou les travailleurs les plus
vulnérables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais très sincèrement remercier tous
ceux d'entre vous qui sont intervenus dans ce débat d'une très grande qualité :
il honore, s'il en était besoin, la Haute Assemblée.
M. Christian Poncelet.
Merci pour elle !
(Sourires.)
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Monsieur Poncelet, vous avez évoqué mon passé
européen. C'est vrai que je suis avec beaucoup d'attention les évolutions de ce
secteur, notamment depuis que, au sein du Parlement européen, nous avions
constitué un intergroupe textile. Je puis vous dire que je demeure dans le même
état d'esprit aux fonctions qui sont aujourd'hui les miennes.
Permettez-moi de répondre aux diverses questions qui m'ont été posées, à la
vôtre, bien sûr, monsieur Poncelet, ainsi qu'à celles de MM. les sénateurs.
Le défi peut se résumer en une question claire, celle qu'a posée M. Renar.
M. Christian Poncelet.
Puis-je vous interrompre, madame la ministre ?
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Je vous en prie, monsieur Poncelet.
M. le président.
La parole est à M. Christian Poncelet, avec l'autorisation de Mme la ministre
déléguée.
M. Christian Poncelet.
Madame la ministre, M. Renar vous prie de bien vouloir l'excuser. Notre
collègue aurait voulu assister à la suite de ce débat, mais il en a été empêché
par une obligation impérative.
M. le président.
Veuillez poursuivre, madame la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine
ministre déléguée.
M. Renar a eu la délicatesse de m'adresser un petit
mot pour m'expliquer, en effet, son absence, monsieur Poncelet.
La question de M. Renar est la suivante : existe-t-il un avenir crédible pour
l'industrie textile française et pour les hommes et les femmes qui, souvent
depuis des générations, travaillent dans ce secteur dont les branches
traditionnelles n'ont cessé, depuis des décennies, de s'étioler, entretenant
l'angoisse du lendemain dans des régions entières, dont la vôtre, monsieur
Poncelet ?
De restructurations en plans sociaux palliatifs, peut-on offrir à ce secteur
un autre avenir que celui qui prévaut souvent, malheureusement, de variable
d'ajustement dans le cadre de négociations plus globales sur les échanges
commerciaux à l'échelle du monde ?
Ce défi est économique dans ses données, social dans ses effets, mais il est
aussi culturel, dans la mesure où il touche à la conscience identitaire de
certaines de nos régions. Ce dernier aspect ne doit pas être sous-estimé ; il
participe de la cohésion nationale. Face à des réalités internationales
prégnantes, quel est l'état des lieux ? Il est contrasté, comme vous l'avez
tous constaté, en fonction des métiers et des régions d'implantation des
entreprises.
Si l'industrie traditionnelle du textile est partout inquiète et fragilisée,
la consommation liée à l'habillement a, pour sa part, affiché en juillet
dernier une hausse annuelle de 7 %. La fermeté relative des exportations
françaises d'habillement témoigne d'un regain de compétitivité des marques
françaises face à leurs concurrentes européennes. Cela est dû en large part à
leur créativité et à leur capacité à capter « l'air du temps », sans oublier
cependant qu'en vingt ans l'industrie française de l'habillement a perdu plus
de 55 % de ses effectifs.
En revanche, le textile français ne bénéficie pas de ce relatif redressement
de la consommation de l'habillement. En tonnage, la production globale a
baissé, en un an, de 11 % sur le premier semestre 2002. Les industries les plus
touchées sont celles qui sont le plus en amont de la filière : sur les quatre
premiers mois de 2002, les fils cotonniers ont régressé de 15 % et les
filatures de laine de 20 %.
Cette régression préoccupante, qui touche d'ailleurs dans des proportions
comparables nos principaux voisins, tels que l'Italie avec une baisse de 8 %,
est essentiellement due à l'affaiblissement structurel du commerce
intra-européen. A hauteur de 60 %, il était naguère le principal débouché de
nos industries textiles. Au cours des premiers mois de l'année, nos
exportations se sont contractées de 23 % vers l'Allemagne, de 19 % vers
l'Italie et, hors de l'Europe, de 26 % vers les Etats-Unis.
La raison principale, nous la connaissons tous : pour des raisons de coût de
revient, les industries européennes de l'habillement orientent de plus en plus
leurs approvisionnements, aussi bien en tissus qu'en produits finis - notamment
ceux qui sont commercialisés par les chaînes spécialisées et la grande
distribution - vers les pays en voie de développement, là où la main-d'oeuvre
est à bon marché, tels que l'Inde, la Chine, le Pakistan. C'est devenu une
réalité incontournable, sans espoir de retour, car le consommateur final va -
et ira toujours - vers le produit le moins cher, à égalité de qualité ou perçue
comme telle.
Cependant les conséquences sociales sont lourdes. Dans les Vosges - et vous le
savez trop bien, monsieur le président -, où l'industrie textile compte encore
7 000 salariés, le symbole que constituait la société Boussac vacille.
L'Ariège, le Tarn, la Drôme, l'Ardèche, la région Rhône-Alpes, pour ne citer
que ces exemples, sont touchés de la même manière. En région Midi-Pyrénées, les
seules activités de filatures et de tissage lainier représentent 22 % des
emplois à Castres-Mazamet et 85 % à Lavelanet. Dans les régions
traditionnellement industrielles du Nord-Pas-de-Calais et de Rhône-Alpes, qui
continuent de représenter près de la moitié des emplois du secteur textile, la
situation est partout cruciale, comme vous l'avez dit.
Monsieur Braun, vous avez évoqué l'hypothèse de faire appel à un abondement
des fonds d'intervention pour les bassins textiles. Les difficultés de
l'industrie textile dont nous parlons aujourd'hui sont présentes dans des
bassins d'emplois très différents, à côté d'autres difficultés sectorielles ;
les moyens qui vont être nécessaires pour accompagner ces mutations ne me
paraissent pas relever d'un fonds d'intervention dédié ; je pense plutôt aux
moyens communs de redéploiement industriel qui ont été prévus, comme vous le
savez, dans le projet de loi de finances pour 2003. Ceux-ci ont d'ailleurs été
quasiment doublés par rapport à l'année 2002 et ils seront, bien sûr, mis en
oeuvre dans chacune des régions, en étroite concertation avec les élus
locaux.
Mais avec le soutien de la Haute Assemblée, le Gouvernement n'entend pas
baisser les bras. Notre volonté est de faire de ce secteur industriel un
secteur non pas résigné, mais à nouveau confiant et conquérant - comme l'a si
bien dit M. Mercier -, non pas en dissimulant les réalités et la vérité, mais
en prenant résolument les choses à bras-le-corps, et en réunissant et soutenant
les énergies de tous ceux - salariés, chefs d'entreprise, organismes de
recherche et de soutien, élus - qui peuvent contribuer à relever ce défi.
Il faut d'abord parler en vérité. Dans l'industrie textile, la chance de la
France, comme dans beaucoup d'autres domaines industriels, réside dans
l'intelligence, c'est-à-dire dans la plus-value apportée aux produits de base.
Sur la filature ou le tissage classique, nous ne pourrons pas entrer en
compétition avec des pays tels que ceux que j'ai cités tout à l'heure. Ce
serait un faux espoir offert aux travailleurs qui comptent sur nous. Nous ne
devons pas les tromper.
Mais nos industries disposent d'équipements modernes de premier plan ; elles
ont un savoir-faire exceptionnel. Le textile s'ouvre à des innovations tout à
fait considérables et les hommes et les femmes qui travaillent dans ce secteur
sont hautement motivés. L'un d'entre vous a parlé - j'ai noté l'expression -
d'un « métier passion ».
M. Christian Poncelet.
Oui !
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Ce capital humain peut être plus fort que tout, et
c'est notre premier atout. Oui, monsieur Moinard, vous avez su le dire avec
passion. Et je dirai que, comme pour vous, il n'est nullement question pour moi
d'accepter l'idée d'un déclin.
M. Louis Moinard.
Très bien !
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
Mais il faut valoriser ce secteur, le promouvoir. Or,
rivés à leurs métiers ou à ce qui les a remplacés, la plupart des salariés de
nos entreprises textiles traditionnelles n'ont jamais eu, tout au long de leur
carrière, l'opportunité de s'ouvrir, par le biais de la formation en cours
d'emploi, à ces innovations qui les pressent de l'extérieur à leur insu.
Le moyen terme, celui de leur capacité d'adaptation, a été, souvent par
nécessité - car je ne fais pas de polémique -, sacrifié au court terme, celui
de la productivité au jour le jour. Une des priorités stratégiques du
Gouvernement dans ce secteur sera de pallier cette carence, parce que c'est la
condition d'une réactivité nécessaire à un monde extérieur qui assiège et
fragilise.
M. Adnot a su très précisément souligner dans son intervention l'importance de
la formation permanente. Dès maintenant, je vais proposer à mon collègue
François Fillon de mener une action résolue en ce sens, laquelle devrait
s'exprimer région par région en fonction des besoins précis.
Naturellement, tous les efforts, législatifs et budgétaires, qui sont
actuellement consentis par le Gouvernement, avec le soutien du Parlement, pour
réduire davantage les charges sociales sur les bas salaires, fréquents dans le
secteur du textile, sont de nature à atténuer le handicap de compétitivité
internationale, même si nous avons bien conscience que ce n'est pas suffisant
pour le secteur de l'industrie textile et de l'habillement. Il en est de même
de la réforme de la taxe professionnelle avec la suppression de la dernière
part assise sur les salaires. A l'horizon 2007, ce sont 8 milliards et demi
d'euros qui seront réinjectés dans l'économie.
Mais nous avons aussi d'autres atouts opérationnels qu'il nous faut valoriser.
Le réseau industriel d'innovation textile-habillement, qui associe les
entreprises, les instances professionnelles, les centres de formation, les
laboratoires de recherche et de développement et les services de l'Etat, est un
outil particulièrement bien approprié.
S'appuyant aujourd'hui sur huit pôles régionaux, cette structure légère a déjà
permis de faire émerger des projets collectifs innovants et de soutenir le
financement de plates-formes technologiques d'application industrielle. Le
ministère de l'industrie y a consacré 5 millions d'euros en 2002. Je vous
indique que cet effort sera maintenu en 2003, et que je veillerai à ce que la
filière textile-habillement ne soit pas, comme trop souvent, ignorée ou
sous-estimée.
Les trois organismes auxquels l'Etat apporte une aide globale de plus de 12
millions d'euros - l'Institut français de la mode, l'Institut français du
textile et de l'habillement, le Centre technique de la teinture et du nettoyage
- seront fortement mobilisés pour contribuer à redresser un secteur en
difficulté structurelle.
Leur concours, ainsi que la mobilisation des laboratoires des universités,
doit, notamment, contribuer à faire de la France un leader dans le domaine des
textiles dits techniques ou industriels, utilisant des fibres généralement non
naturelles ou mixtes pour la fabrication de produits tels que les nouveaux
vêtements de sport de haut niveau, les textiles pour l'électronique, les bâches
ou les géotextiles.
D'ores et déjà, avec 24 % de la production européenne, la France est
aujourd'hui le deuxième producteur européen dans ce domaine après l'Allemagne,
et le potentiel de croissance annuelle est estimé à 5 %. Il peut être amplifié.
Oui, monsieur André, les textiles de demain n'ont pas fini de nous étonner !
Ils sont l'avenir de notre industrie textile.
Cet exemple, parmi d'autres, montre que le secteur du textile et de
l'habillement, comme de nombreux autres secteurs manufacturiers, doit
résolument développer une stratégie de différenciation, notamment en s'appuyant
sur les points forts reconnus traditionnellement à la France, à savoir l'image
de marque, la créativité, la qualité et, également, l'innovation.
Cet effort de différenciation doit, bien entendu, s'accompagner d'une
intensification de la lutte contre la contrefaçon, comme l'a souligné fort
opportunément M. Mercier. Ce point est essentiel sur le plan international,
surtout européen. Je puis vous dire que notre gouvernement est particulièrement
attentif aux projets de directives du commissaire Bolkestein.
M. Christian Gaudin m'a interrogée sur le remplacement des taxes parafiscales
qui sont vouées effectivement à disparaître à la fin de 2003, notamment la taxe
qui assure le financement du DEFI, c'est-à-dire le comité de développement et
de promotion du textile et de l'habillement. C'est un sujet tout à fait
important. Notre préoccupation doit être de maintenir le financement de ces
missions d'intérêt collectif qui ont démontré leur profonde utilité pour notre
tissu industriel. Le choix devra donc être fait, sous le contrôle des
assemblées, entre l'instauration d'une imposition affectée et le financement
intégral sur dotations budgétaires. Le Gouvernement, qui souhaite poursuivre
les consultations et recueillir l'avis des parlementaires, n'a pas encore
arrêté sa position.
Sur le plan mondial, la fin programmée, d'ici au 1er janvier 2005, de l'accord
textile et vêtements de 1994, l'accord multifibres, qui entraînera la
suppression totale des quotas d'importation, conjuguée à la récente entrée de
la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, va profondément
modifier les conditions de la concurrence internationale dans le secteur du
textile et de l'habillement.
Naturellement, le Gouvernement est attaché à l'application des accords de
l'OMC. M. Christian Gaudin a souligné de manière particulièrement pertinente
que les droits de douane de l'Union européenne sont aujourd'hui les plus bas du
monde puisqu'ils s'élèvent à 9 %.
A contrario
, certains pays
exportateurs conservent aujourd'hui des droits tarifaires très élevés,
notamment l'Inde, où ils dépassent dans certains cas 80 %,...
M. Christian Gaudin.
Oui !
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
... et surtout un arsenal de barrières non tarifaires,
aboutissant à des impossibilités
de facto
d'exporter sur leur marché.
Notre intention n'est pas d'accepter de faire des concessions unilatérales
au-delà de ce qui a déjà été fait. Sans minimiser le principe d'une certaines
asymétrie des concessions au profit des pays en voie de developpement, entériné
par la déclaration ministérielle de Doha, il est légitime de préserver une
certaine réciprocité des concessions - j'ai retenu à cet égard les suggestions
que vous avez formulées, monsieur le président Poncelet - et d'obtenir
l'ouverture progressive des marchés des pays en développement exportateurs. Je
me mobiliserai, aux côtés de mon collègue François Loos, pour que cet objectif
soit pris en compte dans la négociation. C'est d'ailleurs bien en vue de cet
objectif que l'Union européenne a conclu de récents accords bilatéraux
permettant un meilleur accès aux marchés de l'Asie et de l'Amérique du Sud.
M. le sénateur Bel a évoqué l'espace euroméditerranéen. Je crois effectivement
qu'une vaste zone regroupant les quinze pays de l'Union européenne, les pays
d'Europe centrale et orientale, la Turquie et les pays du Maghreb offrirait à
une large partie de notre industrie manufacturière de sérieux atouts en termes
de compétitivité.
M. Christian Poncelet.
Oui !
Mme Nicole Fontaine
ministre déléguée.
Au sein même de l'Union européenne, il devient urgent,
et nos partenaires allemands l'ont particulièrement souligné, que s'ouvre un
véritable débat de fond pour l'émergence sur le plan communautaire d'une
stratégie de compétitivité pour l'industrie européenne.
J'ai noté que beaucoup d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ont
appelé de leurs voeux. Ces voeux rejoignent les miens et soyez assurés que j'ai
bien entendu votre message.
M. Gérard Braun.
Très bien !
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée.
La récente fusion des conseils européens « marché
intérieur », « industrie » et « énergie » au sein d'un unique « Conseil
compétitivité » nous engage à une telle réflexion. Une société n'existe que
pour autant qu'elle développe un tissu économique dynamique, créatif et vivant.
Je n'attendrai pas longtemps pour faire passer très fortement ce message
puisque j'en aurai l'occasion, dès demain, au Conseil de Nyborg.
Sans négliger l'ampleur des mutations industrielles en cours et les
conséquences qu'elles portent sur le plan social, le Gouvernement est convaincu
qu'un pays, qui a toujours marqué un attachement profond à la création du
vêtement, peut conserver, à l'instar de l'Italie, une industrie du textile et
de l'habillement forte et intégrant les différents métiers d'un secteur qui
emploie, aujourd'hui encore, plus de 200 000 personnes et qui a enregistré, en
2001, un chiffre d'affaires de l'ordre de 28 milliards d'euros.
Il n'y a de vraie politique durable qu'à moyen et long terme. C'est la raison
pour laquelle j'en ai évoqué les pistes principales. Mais il y a aussi les
situations d'urgence, celles qui n'attendent pas, parce que les actes des
restructurations plus ou moins définitives ont déjà été posés ou sont en
perspective. Beaucoup d'entre vous les ont évoquées. Ces situations exigent
qu'on privilégie l'attention à porter aux personnes et aux drames qu'elles
peuvent vivre ou craindre et d'engager un dialogue social d'une particulière
qualité.
Il faut des mesures immédiates, pour réactiver les dispositifs
interentreprises permettant un véritable accompagnement, pour que chaque
personne concernée bénéficie d'un reclassement convenable. Il faut également
renforcer les missions de revitalisation économique dans les bassins textiles,
pour favoriser la création et le développement d'activités et d'entreprises
nouvelles.
J'ai d'ailleurs tenu, dès ma prise de fonctions, à ce qu'au sein de mon
cabinet un conseiller spécial soit affecté à ces questions et suive très en
amont la gestion des crises qui, hélas ! touchent ce secteur. C'est vous dire
l'intérêt que personnellement j'y porte.
En conclusion, soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le
Gouvernement, comme moi-même en son nom, sera très attentif aux propositions
qui ont émergé aujourd'hui grâce à votre Haute Assemblée.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Madame la ministre, je vous remercie.
Je remercie également M. Christian Poncelet d'avoir posé cette question
essentielle pour l'avenir de l'industrie textile, car, nous venons de le voir,
plusieurs de nos régions sont concernées.
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est
clos.
15
RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 2001
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 8, 2002-2003),
adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de
2001. [Rapport n° 12 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Monsieur le
président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur
général, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un double et sincère plaisir
pour moi d'être avec vous aujourd'hui : le plaisir de retrouver l'assemblée à
laquelle je me sens si profondément attaché et celui aussi de vous présenter un
texte dont l'examen reste rituel et rassemble encore assez peu de
parlementaires mais qui demain, j'en suis sûr, sera le rendez-vous budgétaire
important.
Examinons donc le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2001,
approuvé le 1er octobre dernier par l'Assemblée nationale.
Ce texte apure les comptes d'un exercice budgétaire conduit par le précédent
gouvernement. D'emblée, je veux souligner à quel point toutes les difficultés
budgétaires constatées par l'audit des finances publiques pour l'année 2002
étaient déjà en gestation en 2001, difficultés qui ont rendu... difficile la
construction du budget pour 2003.
Cette observation l'illustre, le débat parlementaire sur le projet de loi de
règlement n'est pas seulement un exercice formel de constatation. Ce doit être
aussi un moment de vérité. C'est le moment approprié pour apprécier réellement
la qualité d'une gestion et d'une politique des finances publiques. C'est, je
le sais, la conception de la commission des finances du Sénat, c'est votre
conception, monsieur le rapporteur général, et j'en ai trouvé la traduction
dans votre rapport écrit, qui, comme toujours, est d'une très grande
qualité.
L'examen du projet de loi de règlement est intéressant aussi à deux autres
titres.
D'une part, c'est l'occasion de vérifier la sincérité des évaluations de la
loi de finances initiale et des lois de finances rectificatives qui l'ont
modifiée : c'est le passage de l'exercice de la prévision à celui de
l'exécution, auquel j'attache, vous le savez, un prix tout particulier, comme
on me l'a enseigné à la commission des finances du Sénat.
D'autre part, lorsque les indicateurs de performance auront été généralisés,
en conformité avec la loi organique relative aux lois de finances, la loi de
règlement sera le rendez-vous clé pour apprécier la gestion des ministères ; le
Parlement pourra apprécier,
ex post
, si les indicateurs de résultat
affichés dans la loi de finances initiale reflètent ou non une gestion
performante.
Certes, la « LOLF », comme on l'appelle désormais, n'est pas encore
intégralement applicable. Ses dispositions entrent progressivement en
vigueur.
Deux d'entre elles sont cependant d'ores et déjà entrées en application : la
première, c'est le dépôt du projet de loi avant le 30 juin de l'année suivante
et, selon la seconde, chaque assemblée doit désormais examiner ce texte avant
la loi de finances de l'année à venir.
Ces deux dispositions seront respectées : après l'Assemblée nationale, le
Sénat débat aujourd'hui du projet de loi portant règlement définitif du budget
de 2001 avant d'avoir entamé l'examen du projet de loi de finances pour 2003.
Malgré un ordre du jour parlementaire très chargé pour votre Haute Assemblée,
nous avons pu, ensemble, satisfaire aux délais prescrits. Je m'en réjouis.
Cela permettra aux deux chambres du Parlement de statuer de manière plus
éclairée sur le budget pour 2003, en prenant en compte les enseignements de la
gestion de l'exercice 2001, enseignements que l'on peut trouver, monsieur le
rapporteur général, dans votre rapport et que je vais maintenant tenter de
résumer.
Optiquement, l'exécution 2001 ne paraît pas exagérément défavorable. Le
déficit budgétaire s'est élevé à 32 milliards d'euros et les déficits publics,
au sens de Maastricht, ont été de 1,4 % du produit intérieur brut. Ces chiffres
sont certes moins mauvais que les chiffres de la gestion 2002 révélés par
l'audit : je rappelle que lorsque nous sommes arrivés aux affaires, il y a
quelques mois, nous avons trouvé 44,6 milliards d'euros de déficit budgétaire
prévisionnel et des déficits représentant 2,6 % du PIB pour l'ensemble de la
sphère des administrations publiques.
Mais, déjà, l'exécution de 2001 marque une inflexion de tendance portant en
germe les difficultés révélées par l'audit.
Tout d'abord, le déficit des administrations publiques, au sens de Maastricht,
s'est dégradé, pour la première fois depuis 1993, en 2001. Certes, la
dégradation a été modeste : 1,4 % du PIB en 2001 contre 1,3 % en 2000.
Néanmoins, l'inflexion était déjà sensible et, pour la première fois depuis
huit ans, le déficit public a cessé de s'améliorer.
Le déficit du budget de l'Etat ensuite s'est, pour sa part, dégradé de 10 %
par rapport à celui qui avait été constaté en exécution 2000.
Plus grave encore, l'excédent primaire, c'est-à-dire le solde des dépenses et
des recettes avant paiement des charges de la dette, a nettement reculé - la
baisse est de 2 milliards d'euros - par rapport à la gestion 2000.
En clair, si le précédent gouvernement n'avait pas bénéficié en 2001, comme
d'ailleurs les années précédentes, de l'impact de la baisse des taux d'intérêt,
le déficit budgétaire se serait dégradé plus nettement encore en 2001. Cette
remarque me permet de souligner que la diffusion de la baisse des taux sur
l'ensemble de l'encours de la dette est maintenant derrière nous.
Permettez-moi d'insister un instant sur ce point. En cinq ans, de 1997 à 2001,
la charge de la dette n'a augmenté que de 1,1 milliard d'euros. Autant dire
qu'elle est restée presque stable chaque année. Dans le projet de loi de
finances pour 2003, elle augmente de 1,4 milliard d'euros par rapport à la loi
de finances initiale pour 2002. En d'autres termes, le poids des déficits
accumulés et la charge d'intérêts qui en résulte amputent davantage nos marges
de manoeuvre en une seule année que lors des cinq gestions consécutives, de
1997 à 2001.
Nous trouvons donc bien en gestation dans l'exécution 2001 l'ensemble des
facteurs qui pèseront lourdement sur les déficits publics en 2002, même s'ils
n'apparaissent pas encore pleinement dans les comptes 2001, et cela pour deux
motifs.
D'abord, le retournement conjoncturel du milieu de l'année, amplifié ensuite
par les attentats du 11 septembre, n'a eu qu'un faible impact sur les recettes
2001 : elles ont été davantage influencées par la conjoncture de l'année 2000
que par celle de l'année 2001. J'ai souligné d'ailleurs ce phénomène de
décalage devant votre commission des finances à l'occasion de la présentation
du projet de loi de finances pour 2003.
Ensuite, les dépenses 2001 n'ont pas été affectées par les engagements de la
fin de la législature précédente. C'est sur la gestion 2002 que ces engagements
vont massivement peser, comme l'a souligné l'audit des finances publiques.
La progression des crédits reportés sur la gestion suivante, c'est-à-dire sur
la gestion 2002, en atteste. Ce phénomène des reports de crédits mérite
d'ailleurs que l'on s'y arrête un instant. Sous la précédente législature, les
crédits non dépensés en fin d'année et reportés sur l'exercice suivant n'ont
cessé de s'accroître. A la fin de l'année 2001, ils ont atteint le montant
impressionnant de 14,1 milliards d'euros pour le budget général. Les
importantes ouvertures du collectif de fin d'année 2001 auront été un facteur
important de dérive pour l'exécution 2002.
Nous devrons progressivement résorber cette masse de crédits, qui menace
l'exécution des budgets tels que les vote le Parlement. La LOLF nous y invite
d'ailleurs, puisqu'elle limite à 3 % des dotations initiales le montant des
crédits reportables d'un exercice à l'autre.
Les dépenses ont, en apparence, été « tenues » en 2001. La norme en volume a
été respectée. Remarquons toutefois que, en 2001, pour la première fois depuis
trois ans, les dépenses ont progressé de plus de 2 %, de 2,8 % exactement ! Le
respect de la norme en volume n'a été acquis que grâce à une hausse des prix
supérieure aux prévisions initiales.
Les dépenses de l'Etat connaissent une très forte inertie : la commission des
finances du Sénat a dénoncé ce fait à de multiples reprises. Le précédent
gouvernement a progressivement mis en place les facteurs qui sont causes de ces
dérives, encore embryonnaires en 2001 mais patentes en 2002. Ces facteurs sont
bien connus : il s'agit, par exemple, de la vive progression de l'emploi
public, de la mise en place des emplois-jeunes, de l'instauration de la
couverture maladie universelle ou de la réforme de l'aide médicale d'Etat.
Toutes ces dépenses sont graduellement montées en puissance, sans être
correctement budgétisées dans la loi de finances pour 2002, et nous avons dû
les intégrer dans le collectif de cet été.
A la vérité, les allégements fiscaux décidés par le précédent gouvernement ont
été financés par des plus-values conjoncturelles et non par la maîtrise
structurelle des dépenses. Entre 1997 et 2002, les baisses d'impôts et de
charges ont représenté 2,5 points de PIB, alors que les efforts en matière
d'économies ne portaient que sur 1,1 point. L'écart entre les deux engendre
cette dégradation structurelle du déficit que nous avons à affronter
aujourd'hui. Elle a été temporairement masquée par d'importantes rentrées
fiscales spontanées et par des prélèvements croissants opérés au titre des
recettes non fiscales. Mais, dès 2001, ces deux facteurs n'empêchent plus la
dérive que nous avons aujourd'hui tant de difficulté à stopper.
Comment ne pas déplorer que ces baisses d'impôts et de charges n'aient pas été
utiles à l'économie comme elles auraient pu l'être ? En effet, pour une part
substantielle, elles ont servi à compenser le passage aux 35 heures, par
exemple, qui a lui-même entraîné une amputation de la production nationale.
La gestion au titre de 2001 est donc loin d'être satisfaisante. La continuité
de l'Etat requiert, toutefois, que nous apurions les comptes, et c'est ce que
je vous proposerai de faire tout à l'heure, en adoptant ce projet de loi.
J'évoquerai rapidement la partie normative de ce texte. Il vous est demandé à
la fois de constater des résultats et d'approuver des modifications de crédits.
Ces modifications concernent des mesures traditionnelles de régularisation sur
des chapitres assortis de crédits évaluatifs. Je vous les présenterai très
brièvement, en convertissant systématiquement les montants en euros. Vous
voterez en effet, mesdames, messieurs les sénateurs, en fonction de montants
exprimés en francs, puisque c'est dans notre ancienne monnaie qu'a été exécuté
le budget pour 2001.
S'agissant du budget général, sont proposées des ouvertures de crédits de 1,1
milliard d'euros et des annulations de crédits devenus sans emploi de 1,6
milliard d'euros. En ce qui concerne les comptes spéciaux, des crédits
complémentaires sont demandés pour un montant de 5,9 milliards d'euros, dont
5,5 milliards d'euros relatifs aux avances à l'Agence centrale des organismes
d'intervention dans le secteur agricole, au titre des besoins temporaires de
préfinancement des dépenses communautaires. En outre, une autorisation de
découvert de 9,7 milliards d'euros est demandée pour le compte « Opérations
avec le FMI », doté, pour mémoire, en loi de finances initiale.
Ces sommes sont importantes ; toutefois, les opérations ainsi financées sont
classiques, et même totalement mécaniques. Pour ce qui concerne, par exemple,
les avances aux organismes d'intervention agricole, il s'agit seulement d'une
opération temporaire : les fonds en question ont fait l'objet d'un
remboursement par l'Union européenne.
Par ailleurs, divers apurements vous sont proposés.
Il s'agit d'abord d'approuver les traditionnelles mesures de remises de dettes
aux pays étrangers, pour 0,1 milliard d'euros, conformément aux résolutions de
la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, la CNUCED,
et aux engagements pris par la France lors des sommets internationaux.
J'indique, à ce propos, que ces remises de dettes n'ont aucune incidence
budgétaire. En revanche, elles pèsent sur notre besoin de financement, au sens
de Maastricht, puisqu'elles diminuent le montant de nos créances, et donc notre
patrimoine financier.
Le second apurement proposé porte sur la constatation d'une perte en
trésorerie sur devises, liée à des fonds que détenait l'ambassade de France sur
un compte ouvert dans une banque à Sarajevo, laquelle a fait faillite.
Je conclurai mon propos par quelques mots sur la gestion de fait, qui est
l'objet de l'article 13 du projet de loi. Il s'agit de reconnaître l'utilité
publique de dépenses, d'un montant de 0,3 million d'euros, comprises dans la
gestion de fait de l'Association pour la recherche à l'Ecole des hautes études
en sciences sociales. Les fonds attribués à cette association ont été utilisés
pour financer des dépenses qui auraient dû incomber au ministère de l'éducation
nationale lui-même. La Cour des comptes a donc constaté l'existence d'une
gestion de fait. En reconnaissant son utilité publique, vous éviterez aux
personnels concernés d'être personnellement redevables des fonds. Cette
orientation me paraît tout à fait souhaitable, puisque ces personnels n'ont pas
agi dans leur intérêt propre.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
grandes lignes de ce projet de loi de règlement. En vous demandant de les
approuver, je ne vous propose naturellement pas d'approuver les objectifs
politiques qu'elles sous-tendent, mais tout simplement de prendre acte de la
situation comptable qui vous est présentée et de statuer définitivement sur des
procédures arrivées maintenant à leur terme. Pour la bonne marche de l'Etat, je
vous invite donc à adopter ce projet de loi de règlement, qui deviendrait ainsi
définitif, puisqu'il a déjà été approuvé par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Mes chers collègues, j'espère ne pas
lasser votre attention, car, en écoutant M. le ministre, je me suis aperçu que
son propos recoupait, en de nombreux points, l'intervention que j'avais
préparée. Cela représente un certain changement par rapport à la configuration
qui prévalait antérieurement, quand je n'avais pas le sentiment de répéter les
propos du ministre !
(Sourires.)
On ne m'en voudra cependant pas, je l'espère, de revenir sur un certain nombre
d'aspects essentiels de la gestion de l'année 2001.
Nous sommes appelés à délivrer un quitus comptable ; certes, la commission
invitera le Sénat à voter le projet de loi portant règlement définitif du
budget de 2001, mais cela ne saurait, bien entendu, valoir approbation, même
rétrospective, de la politique qui a été conduite et qui, sur le plan financier
et budgétaire, nous apparaît tout à fait désastreuse et porteuse, en germe, des
éléments les plus préoccupants de la situation actuelle.
Mes chers collègues, c'est la première fois que le Parlement est appelé à
examiner le projet de loi de règlement de l'année
n
- 1 juste avant
d'étudier le projet de loi de finances pour l'année
n
+ 1. Nous nous
inscrivons là dans le « chaînage vertueux » - c'est l'expression que nous
avions retenue - défini par la loi organique du 1er août 2001 et permettant de
replacer les données budgétaires et comptables de l'Etat dans une série
logique.
Pour bien apprécier cette évolution, il convient de se féliciter de l'appui
que nous a apporté la Cour des comptes dans ses appréciations. Celles-ci sont
extrêmement précieuses, et M. le président de la commission des finances est
particulièrement attentif à ce que nous puissions, dans l'avenir, poursuivre
une collaboration fructueuse avec la Cour des comptes, chacun restant dans son
rôle, conformément aux dispositions de l'article 58 de la loi organique
relative aux lois de finances.
Permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler brièvement le contexte
économique dans lequel a été exécuté le budget de 2001. Nous étions partis de
prévisions de croissance très flatteuses, puisque l'on estimait que le taux de
cette dernière atteindrait 3,3 % ! Il a été en réalité de 1,8 % et, ni en
termes de dynamique de la consommation ni en termes de dynamique de
l'investissement, l'exécution n'a été à la hauteur des espérances. Cette
croissance est l'une des plus faibles de ces dernières années : rappelons, en
effet, le bonheur de l'année 1998, où le taux de croissance fut de 3,4 % ;
rappelons le bonheur de l'année 1999, où il fut de 3,2 % - c'était l'année de
la « cagnotte », avec des recettes fiscales plus élevées que prévu, et comme
nous voudrions retrouver cette « cagnotte »
(Sourires),
même si ce mot
suggère une impression de facilité qui ne dépeint pas la réalité du phénomène ;
enfin et surtout, rappelons le bonheur de l'année 2000, où le taux de
croissance fut de 4,2 % !
Mes chers collègues, cette série d'années fastes aurait pu - aurait dû -
permettre de traiter les problèmes fondamentaux qui se posent aux finances
publiques, aurait pu - aurait dû - permettre d'opérer plus vite le
rééquilibrage des comptes de l'Etat et la résorption de la dette.
Hélas ! c'est la facilité qui a prévalu, et je crois, monsieur le ministre,
mes chers collègues, que nous n'insistons pas suffisamment sur cette
réalité.
M. Robert Del Picchia.
C'est vrai !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La question que nous serions fondés à poser à vos
prédécesseurs en fonction au cours de la législature 1997-2002, monsieur le
ministre, est tout simplement la suivante : « Qu'avez-vous fait de cette
croissance,...
MM. Lucien Lanier et Yves Fréville.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... puisque, au jour où la croissance fait défaut,
nous retrouvons entiers la dette, les déficits, la lourdeur des dépenses et
l'ensemble des problèmes de l'appareil d'Etat ? »
En 2001, l'environnement international, on le sait, s'est beaucoup dégradé :
le prix du pétrole a atteint son maximum depuis 1991 ; l'économie américaine
était en voie de ralentissement avant même le 11 septembre ; l'activité dans la
zone euro a connu une déclaration et l'inflation y a été plus forte
qu'attendu.
Eu égard à ce contexte, rappelons en quelques mots quelle fut la politique
budgétaire du gouvernement alors en fonctions, s'agissant des recettes, des
dépenses et du solde.
Pour ce qui est des recettes, nous avons vu s'opérer en 2001 un mouvement
préoccupant de décélération des recettes fiscales, qui traduisait la
conjoncture mais aussi les conséquences des mesures prises par le gouvernement
d'alors au travers du « plan Fabius » de baisses d'impôts.
En contrepartie, les recettes non fiscales ont connu une progression
exceptionnelle, sous l'effet conjugué, d'une part, de l'apport d'une quinzaine
de milliards de francs qui auraient dû être comptabilisés dès 1999, mais qui
ont été utilisés en 2001, et, d'autre part, de la mobilisation de ressources à
caractère exceptionnel, de quasi-expédients budgétaires ayant permis de cacher
une partie de la réalité.
L'évolution des recettes fiscales n'a été que de 2 % en 2001. Pour être tout à
fait juste, il faut observer qu'elle eût été différente en l'absence de
modifications importantes d'assiette fiscale entre l'Etat et la sécurité
sociale. Ainsi, 45 milliards de francs de recettes fiscales ont été transférés
à la sécurité sociale en 2000, et près de 15 milliards de francs en 2001, soit
60 milliards de francs en l'espace de deux exercices. Je souligne au passage,
mes chers collègues, que ce fait renforce l'intérêt du débat consolidé sur les
prélèvements obligatoires qui a lieu cet après-midi même, me semble-t-il, à
l'Assemblée nationale et qui se tiendra le 7 novembre au Sénat, ce qui nous
laisse un peu plus de temps pour le préparer : avoir une vision globale des
prélèvements obligatoires est absolument indispensable.
En ce qui concerne les impôts directs, le produit de l'impôt sur le revenu a
crû de 0,4 % en 2001, celui de l'impôt sur les sociétés connaissant, quant à
lui, une hausse « dynamique » de près de 8 % - mais on sait que cet impôt
mesure la réalité économique de l'année précédente. Par ailleurs, le produit de
l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, a progressé de 9,5 %, ce qui
traduisait sans doute l'existence de plus-values ou d'une bonne valorisation
sur les marchés, ainsi que les résultats du contrôle fiscal.
En ce qui concerne la TVA nette, son produit apparaît presque étale avec une
augmentation limitée à 0,4 %, ce qui témoigne à la fois de la conjoncture et
des effets de la baisse d'un point du taux normal de TVA au 1er avril 2000. Que
l'on me permette d'ailleurs de souligner que l'impact économique de cette
mesure est loin d'être certain, bien qu'elle ait coûté chaque année plus d'une
vingtaine de milliards de francs au Trésor.
Enfin, les recettes au titre de la TIPP ont progressé de 3,6 % en 2001.
S'agissant maintenant des dépenses, M. le ministre l'a rappelé, la norme de
progression de 0,3 %, soi-disant respectée, doit être considérée avec
attention. En effet - et là je rappelle simplement les propos de la Cour des
comptes - vos prédécesseurs, monsieur le ministre, ont pris quelques libertés
avec le principe de la permanence des méthodes comptables. Ils ont exclu du
total des dépenses nettes du budget général certaines dépenses qualifiées de «
dépenses exceptionnelles à caractère ponctuel ». Or ces dépenses, qui
s'élevaient à près de 7 milliards de francs en 2000, ont atteint presque 19
milliards de francs en 2001. Il s'agit peut-être de dépenses exceptionnelles à
caractère ponctuel. Cela reste à démontrer pour une partie d'entre elles. En
tout cas, le montant de ces dépenses a beaucoup augmenté en 2001, puisqu'il
représente quasiment trois fois le montant retenu en 2000. Ce n'est pas
négligeable ! A partir de ce constat, la Cour des comptes estime, selon les
hypothèses et l'ampleur des correctifs à apporter, que la véritable
augmentation de la dépense de l'Etat est comprise entre 0,4 % et 0,7 %. En tout
cas, elle ne s'établit pas à 0,3 %.
Ce qui est peut-être encore plus important, c'est la rigidité toujours
excessive de la dépense publique. Sur les 266 milliards d'euros de dépenses du
budget général, près de 40 % sont consacrés aux personnels, 14 % aux charges de
la dette et près de 8 % au fonctionnement courant. Les dépenses passives
représentent donc plus de 60 % de l'ensemble des dépenses de l'Etat.
Si l'on examine de manière un peu plus détaillée les rubriques, on constate
que, au sein des dépenses civiles ordinaires, les dépenses de pensions
représentent le secteur le plus dynamique à l'intérieur des charges de
personnels, rémunérations et pensions. En effet les rémunérations augmentent de
3,8 % et les pensions d'un taux sensiblement plus élevé.
Quant aux dépenses civiles en capital, elles semblent croître en 2001. Mais ce
n'est qu'une apparence, qui s'explique par la rebudgétisation du Fonds
d'investissement des transports terrestres et des voies navigables.
S'agissant des dépenses militaires, l'évolution a été modeste et le décrochage
a été net par rapport aux objectifs de la loi de programmation militaire en
vigueur.
Au total et parmi les dépenses, M. le ministre l'a d'ailleurs rappelé, un
phénomène important apparaît, si l'on considère l'ensemble de ces crédits :
c'est le volume anormal des reports. Le total des crédits reportés sur 2002
représente près de 100 milliards de francs. C'est une véritable épée de
Damoclès qui pèse sur le rythme futur de la dépense publique. Le Gouvernement
est donc parfaitement fondé à mesurer, ministère par ministère, la réalité des
besoins, à l'apprécier et à supprimer, autant qu'il le faut, les reports qui ne
correspondent pas à un rythme de consommation plausible. C'est ce qui a été
fait pour préparer le budget pour 2003. La commission des finances ne peut que
s'associer à cet exercice de vérité, même s'il en coûte ou même si cela peut
dissiper quelques illusions.
En ce qui concerne le solde, nous observons une donnée fondamentale, un point
de retournement crucial : pour la première fois depuis 1997, le déficit
budgétaire dérape. Il est à la fois plus important que le déficit de l'année
précédente et plus important que celui qui était prévu dans la loi de finances
initiale. Cela altère considérablement la capacité de l'Etat à gérer le retour
à l'équilibre des finances publiques. Cela n'empêchait pas vos prédécesseurs,
monsieur le ministre, voilà à peine un an, d'envoyer à l'Union européenne un
programme triennal assurant que le rendez-vous de 2004 serait honoré, alors que
la réalité des chiffres montrait le contraire. Manifestement, cela ne les
gênait pas. Cela ne gêne pas non plus aujourd'hui l'ancien ministre des
finances M. Laurent Fabius : il pousse des cris d'orfraie en observant que la
réalité des chiffres conduit ses successeurs à envisager une série un peu plus
longue d'années avant de parvenir à l'équilibre.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ce sont des cris de remords !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Peut-être. Faisons-lui ce crédit !
N'oublions pas que ces séries de déficits se traduisent par une augmentation
constante de la dette. Et n'oublions pas non plus, mes chers collègues, que, au
point où nous sommes arrivés, cela représente pour chaque Française ou chaque
Français une dette de 14 000 euros. A sa naissance, chaque petit Français
trouve dans son berceau un gros paquet qu'il lui faudra supporter une grande
partie de sa vie, une dette de 14 000 euros, avec une charge annuelle de 760
euros.
Si cet endettement supplémentaire avait permis d'enrichir le patrimoine
public, ce serait un moindre mal. Or, les données de la comptabilité
patrimoniale qui nous sont fournies, et qui sont intéressantes malgré les
conventions sur lesquelles elles reposent, montrent que, au contraire, le
patrimoine des administrations publiques s'est considérablement appauvri,
puisqu'il aurait connu, entre 1996 et 2000, une variation nette négative proche
de 86 milliards d'euros. De plus en plus d'endettement donc, et, dans le même
temps, un patrimoine public qui n'a cessé de diminuer en valeur de façon
préoccupante.
Pour conclure, je terminerai par deux enseignements.
D'abord, en 2001, tous les ingrédients, tous les germes de déséquilibre sont
présents pour nous conduire à une situation extrêmement préoccupante en phase
de ralentissement de la croissance : des recettes incertaines, des expédients
qui, pour avoir déjà été utilisés, vont, dès lors, diminuer les marges de
manoeuvre de l'avenir, des dépenses qui dérapent, très peu de volontarisme dans
la gestion des crédits publics, et en particulier du personnel, un déficit qui
se creuse, une dette qui progresse et un patrimoine public qui ne cesse de se
dévaloriser. Tout cela crée un ensemble de conditions qui ne rendent
certainement pas facile la tâche aujourd'hui, et qui la rendront probablement
encore moins facile demain.
Le second enseignement, c'est la nécessité, pour nous parlementaires, en
particulier pour les membres de la commission des finances, d'attacher toute
l'importance qui convient au contrôle de l'exécution des budgets. Nous nous
sommes efforcés de pratiquer aussi souvent que possible le contrôle sur pièces
et sur place. Je me souviens d'un jour de février 2002 où je m'étais rendu à
Bercy pour examiner les conditions de clôture de l'exercice 2001 : on m'avait
tenu des propos rassurants, qui, hélas ! ont été très vite démentis par la
réalité.
Les contrôles sur pièces et sur place et le suivi précis de l'exécution du
budget, qui repose à présent sur des prérogatives parlementaires clairement
prévues par la loi organique, sont nécessaires et ils représentent une part
très significative de nos responsabilités. Monsieur le ministre, vous ne serez
donc pas surpris que nous poursuivions dans ce domaine les pratiques
antérieures et que nous fassions du contrôle de l'exécution budgétaire une
priorité de nos programmes de travail pour les mois à venir.
Au total, mes chers collègues, et au vu de tous ces éléments, même s'ils ne
sont pas réjouissants quant au fond, il convient de prendre acte de la gestion
passée et des chiffres qui nous ont été communiqués. Je le répète : cela ne
saurait être interprété comme un accord donné à une politique dont nous ne
partagions pas les principes.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent
projet de loi de règlement, qui porte sur le dernier exercice budgétaire que
l'on peut imputer en totalité au précédent gouvernement, ne semble pas devoir
souffrir d'incertitude quant au vote qui interviendra au terme de notre débat.
En effet, ce texte sera approuvé.
Au-delà de cette observation liminaire, il est évident que ce qui est le plus
important dans ce débat, ce sont les perspectives qu'il trace quant aux années
à venir et les analyses qu'il permet de dégager.
Dans les faits, les projets de loi de règlement continuent de souffrir d'un
caractère formel assez profondément ancré, leurs articles consacrant bien
souvent la simple réalité des mouvements financiers qui ont été observés au
cours de l'exécution budgétaire.
S'agissant du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2001,
force est donc, une fois de plus, de se référer à la discussion du projet de
loi de finances initiale.
A ce titre, je formulerai une première observation.
L'année 2001 marque, chacun le mesure désormais, la première année de
retournement de la conjoncture économique, retournement qui, je le dis au
passage, est encore plus patent dans le cadre de l'exécution budgétaire de 2002
et rend fort hypothétique l'équilibre des finances publiques tel qu'il ressort
du projet de loi de finances initiale pour 2003, lequel sera bientôt examiné
par les deux assemblées.
Le groupe communiste républicain et citoyen avait eu l'occasion, lors des
débats menés dans notre assemblée, de pointer la nécessité d'une démarche plus
audacieuse en matière de finances publiques, susceptible de soutenir
effectivement la croissance, plus que ne le prévoyait le texte initial.
Monsieur le ministre, je suis persuadée que vous avez encore à l'esprit,
puisque vous présidiez alors la commission des finances de notre assemblée, les
mesures que nous préconisions, mesures que vous combattiez déjà, et que
combattaient aussi - je l'ai beaucoup regretté - les ministres des finances du
gouvernement précédent !
Nous disions notamment : « Comment inscrire dans le texte du projet de loi de
finances pour 2001 nos choix de justice sociale, de soutien à la croissance
solidaire ? »
Dans cette optique, nous avions défendu des propositions comme la baisse du
taux normal de TVA, la réduction de l'avoir fiscal, l'amélioration de
l'efficacité économique de l'impôt de solidarité sur la fortune ou la baisse de
la TVA sur certains produits de consommation populaire et - pourquoi ne pas le
dire ? - la baisse de la TVA pour la restauration traditionnelle, mais je pense
que nous étions d'accord sur ce dernier point. Toutes ces propositions allaient
dans le sens d'une plus grande justice fiscale et permettaient d'accroître
l'efficacité de la dépense et des politiques publiques. Nous estimons que c'est
toujours le cas.
Ces mesures n'ont pas trouvé place, et on peut le regretter, dans le projet de
loi qui a été finalement adopté, ce qui n'enlève d'ailleurs rien à leur
pertinence ni à leur actualité.
La seconde observation que je formulerai est liée à l'environnement
économique.
Le projet de loi de règlement intègre une progression relative du déficit
public, qui atteint, à la fin de l'exercice, 31 605 millions d'euros, soit une
augmentation d'environ huit points par rapport à l'exercice précédent, mais
cela ne représente pas un dérapage excessif au regard du produit intérieur
brut.
La situation de l'exercice 2002 est, on le sait, assez différente, tandis que
les prévisions pour 2003 semblent plutôt procéder de l'affichage et que nous
risquons de nous voir entraîner, ainsi que l'a annoncé hier M. Francis Mer à
l'Assemblée nationale, vers une rigueur budgétaire qui aurait pour conséquence
moins de crédits, moins d'équipements pour répondre aux attentes de notre
pays.
Nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire d'une progression des déficits
quoique nous soyons fondés à poser une fois de plus cette question de fond :
est-il véritablement dramatique que l'Etat soit en déficit, dès lors que ce
déficit contribue au développement économique et à la satisfaction des besoins
collectifs ?
Par ailleurs, on ne peut manquer d'observer que le déficit de l'année 2001 est
inférieur, en fin de compte, au poids propre de la dette publique, ce qui n'est
pas pas spécialement un signe de mauvaise gestion. Il s'en faut même, sur ce
chapitre, d'environ 5 milliards d'euros.
Même si nous n'approuvons pas la politique qui a été menée, nous constatons
que l'exécution du budget de 2001 a été conduite en application des règles
comptables. Au moment où les choix politiques opérés par le gouvernement actuel
conduisent dans le rouge les comptes publics - plus de 10 milliards d'euros de
déficit supplémentaires en exécution à la fin du mois d'août 2002 au regard du
mois d'août 2001 -, cela mérite d'être noté.
Au terme de ces observations, je ne peux, évidemment, manquer de souligner que
nous ne pouvons partager les conclusions de M. le rapporteur général sur ce
projet de loi. Notre vote sera une approbation comptable d'une loi de règlement
et d'exécution d'un budget.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville.
« Moment de vérité », avez-vous dit, monsieur le ministre, pour qualifier le
débat qui nous occupe aujourd'hui ; il s'agit plutôt, selon moi, d'une oraison
funèbre pour les cinq années perdues dans le redressement des finances
publiques. En tout cas, cette loi de règlement arrive en temps utile pour que
soit éclairée la discussion de la prochaine loi de finances. C'est là la
conclusion d'une décennie d'efforts.
Je me souviens avoir, voilà fort longtemps, demandé que le rapport de la Cour
des comptes sur l'exécution du budget soit disjoint de la déclaration de
conformité pour être connu avant la discussion budgétaire. Depuis,
l'administration des finances a fait d'énormes progrès. Je tiens à cet égard,
monsieur le ministre, à souligner la qualité de son rapport de présentation du
compte général. J'y ferai allusion ultérieurement, à propos de l'évaluation de
la dette implicite des retraites notamment.
Quelles leçons pouvons-nous tirer de l'exécution du budget de 2001 ? Pour
répondre à cette question, j'évoquerai tout d'abord l'exécution du pacte de
croissance et de solidarité qui nous unit aux autres pays européens, pour
ensuite m'attarder sur la persistance de rigidités à long terme, sources de
contraintes et dont l'évolution est préoccupante.
En fait, nous devons nous habituer à vivre dans une économie cyclique,
sensible à des fluctuations d'origine externe et largement imprévisibles : ce
n'est que six mois, voire un an plus tard que l'on s'est rendu compte que le
pic de croissance avait été atteint en décembre 2001 et que la croissance
prévue à 3,3 % allait dégénérer à 1,8 %.
Nous observons le même phénomène aujourd'hui. Avons-nous atteint, monsieur le
ministre, le creux de ce freinage de la croissance ? Vous ne pouvez le savoir.
Nous ne le saurons que dans six mois, voire un an.
Mais cette imprévisibilité ne constitue pas, à mon sens, une excuse à
l'imprévoyance, et ce qui est en cause, c'est l'imprévoyance du gouvernement de
M. Jospin dans la gestion des finances publiques, malgré les conseils qu'avait
donnés, en son temps, Joseph à Pharaon.
(Sourires.)
Le fameux seuil de 3 points de PIB à ne pas dépasser pour le financement des
administrations publiques, voulu par la France, n'avait pas été choisi tout à
fait par hasard. J'ai relu à ce propos avec intérêt le rapport économique,
social et financier accompagnant le projet de loi de finances de 1999. Qu'y
était-il écrit ?
« Il faut conserver un solde structurel, c'est-à-dire corrigé des effets de la
conjoncture, durablement proche de l'équilibre en période de conjoncture
normale, de manière à pouvoir conduire avec souplesse la politique budgétaire
en période de ralentissement. »
Hélas, le gouvernement Jospin n'a pas appliqué ces excellents principes.
Jugez-en à partir des chiffres énoncés par la commission !
Le déficit structurel n'a été réduit que de 0,6 % du PIB sur les cinq années
envisagées et est même resté stable à un niveau de 1,6 % de 1999 à 2001.
En 2000, au pic de la croissance, notre marge de sécurité était donc
inférieure de moitié à ce qu'elle aurait dû être.
Plus grave encore : si l'on ne tient pas compte des intérêts de la dette,
c'est-à-dire de l'héritage des déficits passés, l'excédent primaire moyen,
avant paiement des intérêts de la dette de l'ensemble des administrations, est
resté inchangé à 1,5 % du PIB sur l'ensemble de la période 1997-2001.
Cela s'est traduit immédiatement dans le budget de l'Etat. En 2001, le déficit
s'est élevé à 210 milliards de francs alors que la charge nette de la dette
représentait 240 milliards de francs. Autrement dit, pour les quatre
cinquièmes, les intérêts de la dette ont été financés par de nouveaux
emprunts.
On peut en déduire que la politique affichée par le précédent gouvernement ne
permettait pas de respecter les exigences européennes.
Monsieur le ministre, la mise en oeuvre progressive d'une réduction du déficit
structurel reste une nécessité à moyen terme pour notre pays.
(M. le ministre délégué acquiesce.)
Ce n'est pas un diktat imposé par la
Commission de Bruxelles, mais il n'est pas logique que, indépendamment des
aléas conjoncturels, nous ne soyons pas capables de payer les intérêts de la
dette !
Je me réjouis, par conséquent, qu'à partir de 2004 le Gouvernement suive cette
politique. S'il est certes contraint de laisser s'aggraver le déficit en
période de basse conjoncture, comme c'est le cas aujourd'hui, c'est évidemment
parce qu'il utilise cette marge de 3 %, qui aurait dû être réduite à zéro en
période favorable.
J'en viens aux facteurs de rigidité.
Vous ne vous étonnerez pas, mes chers collègues, que je prenne mes exemples
dans le budget des charges communes et qu'ils portent sur la dette financière,
la dette viagère et la dette liée à l'épargne logement.
En fait, on avait fini par oublier la charge de la dette de l'Etat ; elle
avait cessé de s'accroître en 1999. Mais cette rémission, comme cela a été
excellemment dit par M. le rapporteur général, ne pouvait à l'évidence être que
temporaire, la baisse des taux d'intérêt s'atténuant progressivement.
En 2001, les emprunts phares se plaçaient à un taux proche de 5 %, bien loin
des 9 % atteints en 1995. Mais cet effet taux s'affaiblit d'année en année. Au
demeurant, cet effet a encore été important en 2001 : la dette aurait dû
normalement, par l'accroissement de son volume, entraîner une charge d'intérêts
supplémentaire de 10 milliards de francs. Or, l'effet taux a permis de la
réduire de 5 milliards ; mais, progressivement, cet effet s'évanouira et, à
déficit inchangé, la charge de la dette s'accroîtra mécaniquement d'environ 10
milliards de francs, soit 1,5 milliard d'euros, par an.
Le second point, tout aussi préoccupant, est l'augmentation des charges de
retraites qui se trouvent pour exécution dans le budget des charges communes,
où leur masse apparaît clairement.
Les dépenses nettes de pensions ont frôlé les 200 milliards de francs en 2001,
en croissance de près de 4 % par rapport à l'année précédente. Entre 1990 et
2000, elles ont crû en moyenne de 4,5 %, et ce décalage par rapport à la
croissance moyenne du budget est principalement dû à la forte augmentation du
nombre de pensionnés, qui croît de 1,7 % par an.
Nous savons tous que c'est le contribuable qui supporte l'essentiel de cette
charge puisque la contribution de l'Etat représente à elle seule, si l'on
exclut les participations de France Télécom et de La Poste ainsi que les
retenues sur agents, 70 % de ces pensions.
J'ai constaté avec satisfaction que le rapport annexé au compte général de
l'administration des finances contenait une méthodologie permettant de calculer
l'ensemble des engagements implicites que représentent ces retraites. Je
regrette simplement que cette méthodologie ne soit pas accompagnée de chiffres
propres à nourrir le débat qui est absolument nécessaire sur le devenir des
pensions des fonctionnaires de l'Etat comme sur celui de l'ensemble des
pensions de retraites.
Enfin, monsieur le ministre, j'évoquerai l'évolution des primes d'épargne
logement.
Au cours des quatre dernières années, le montant des primes d'épargne logement
versées s'est accru de 50 %. D'un certain point de vue, c'est réjouissant,
puisque cela signifie que se forme une épargne importante, représentant en
dépôts presque l'équivalent du budget de l'Etat et pouvant alimenter l'ensemble
de notre construction immobilière. Mais, d'un autre côté, il faut bien
constater que cela représente pour l'Etat une dette latente qui a été évaluée à
environ 10 milliards d'euros. En contrepartie, le rapport entre les prêts
financés et les dépôts a décru en quelques années de 30 % à 10 %.
J'ajouterai, pour atténuer mon propos, que les 90 % de dépôts restants ne
seront pas retirés du cycle de la construction et qu'ils permettront d'accorder
des taux avantageux aux accédants à la propriété.
Il n'empêche que ce problème mériterait d'être pris en considération.
Si j'ai fait appel à ces exemples, c'est pour montrer à quelles contraintes le
Gouvernement allait être confronté. Face à de telles tendances, il serait en
tout cas très important que, dans la prochaine procédure budgétaire,
apparaissent clairement les objectifs que se fixe le Gouvernement, ainsi que
les moyens qu'il entend prendre pour les atteindre.
Voilà quelques exemples des leçons que l'on peut tirer de ce projet de loi de
règlement. Ils ne sont pas uniquement conjoncturels ni liés seulement à
l'action du précédent gouvernement. Ils montrent que des tendances lourdes
existent, tendances qui devront être corrigées. Cela exigera de votre part,
monsieur le ministre, un grand courage, mais nous sommes là pour vous aider.
Enfin, mes chers collègues membres de l'ex-majorité plurielle, si le résultat
des élections législatives avait été autre, je vous aurais bien entendu laissé
le soin d'adopter seuls ce texte. Mais, dans la mesure où M. le ministre nous
demande de respecter la continuité de l'Etat et que M. le rapporteur général
donne à ce vote le sens d'un simple arrêté des comptes, sans grand
enthousiasme, nous émettrons un vote positif sur le présent projet de loi de
règlement.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
2001 est le dernier à avoir été élaboré et entièrement exécuté par le
gouvernement de Lionel Jospin. Les socialistes en revendiquent la paternité et
en assument complètement la responsabilité.
Notons aussi qu'il s'agit du dernier budget exécuté en francs.
Relevons surtout que, pour la seconde année consécutive, le Parlement a la
possibilité d'examiner le projet de loi de règlement du budget de l'année
n
- 1 avant le projet la loi de finances de l'année
n
+ 1. La
mobilisation et l'efficacité des services de Bercy méritent d'être salués.
Ainsi, les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances qui
prévoient ce « chaînage vertueux », dispositions impératives cette année, sont
respectées, comme elles l'avaient été par anticipation l'année dernière.
Nous connaissons bien, mes chers collègues, les limites inhérentes à
l'exercice auquel nous allons nous prêter. Fort heureusement, la réforme
résultant de la mise en oeuvre de la loi organique apportera une sensible
amélioration à l'efficacité du contrôle du Parlement sur l'exécution
budgétaire.
Pour autant, dans l'attente de cette « petite révolution », l'examen du
présent projet de loi de règlement est l'occasion de porter une appréciation
d'ensemble sur la politique budgétaire conduite par le Gouvernement en 2011
mais aussi sur l'orientation générale des finances publiques.
Force est de constater que les prévisions de croissance sur lesquelles était
construit le budget de l'année 2001 ne se sont pas réalisées : le PIB a
progressé de 1,8 % alors que la loi de finances initiale prévoyait une
croissance de 3,3 %.
L'écart est important, mais il serait injuste de jeter la pierre au
Gouvernement. Au moment de l'élaboration du budget, le taux de 3,3 % faisait
largement consensus parmi les économistes. Par exemple, en juin 2000, l'OCDE
prévoyait une croissance de 3 % au sein de sa zone. Pour sa part, l'INSEE
n'avait pas anticipé le ralentissement économique et ce n'est que très
progressivement, par petites touches, qu'il a revu ses prévisions à la
baisse.
Avec le recul, on s'aperçoit que le changement de rythme de l'activité a été
important et soudain ; dès lors, il était difficilement prévisible.
En outre, pour l'année 2000, le Gouvernement avait péché par excès de
pessimisme. Voulant sans doute rectifier le tir en 2001 pour parer aux
critiques, il aura versé dans l'excès inverse.
Les aléas de la conjoncture économique ont évidemment eu un impact sur
l'équilibre du budget de l'Etat. Au lieu de diminuer, comme le prévoyait la loi
de finances initiale, le déficit se creuse légèrement, s'établissant à 32
milliards d'euros. Toutefois, la dégradation est d'ampleur limitée : moins de 3
milliards d'euros. Surtout, le solde primaire, c'est-à-dire hors charge nette
de la dette, reste largement positif, ce qui n'avait jamais été le cas de 1993
à 1996.
Certes, le gouvernement de Lionel Jospin avait obtenu en la matière de
meilleurs résultats et même, pour tout dire, des résultats excellents de 1997 à
2000, chaque année voyant le déficit baisser. Il eût, bien sûr, été idéal que
cette évolution se poursuivît en 2001.
Cependant, face au fort ralentissement de l'activité en 2001, le Gouvernement
s'est montré responsable et réactif. Il a clairement fait le choix du soutien à
la croissance et à l'emploi. Pour cela, il a laissé jouer les stabilisateurs
automatiques, politique consistant à ne pas compenser les pertes de recettes et
les hausses de dépenses résultant mécaniquement du ralentissement
économique.
Ainsi, la Cour des comptes estime que 72 % des recettes fiscales liées à la
progression du PIB ont été redistribués, politique volontariste s'il en est,
mes chers collègues !
Force est de constater que la voie ainsi choisie, appuyée par un plan de
consolidation de l'activité intégré à la loi de finances rectificative, a été
particulièrement efficace. Une nouvelle fois en 2001, la croissance de la
France, qui a atteint 1,8 %, a dépassé celle des pays de la zone euro, qui
était de 1,5 %. Jamais, de 1993 à 1996, cela n'avait été le cas, mes chers
collègues.
La Cour des comptes, et tous les économistes avec elle, souligne la qualité du
pilotage économique du précédent gouvernement. La Cour indique notamment dans
son rapport sur le budget de 2001 : « La consommation des ménages reste la
principale composante de la croissance : elle est soutenue par les baisses
d'impôts. »
Or je crains, mes chers collègues, que la baisse de 6 % de l'impôt sur le
revenu ne permette pas de reconduire cette dynamique en 2002 et 2003. L'actuel
gouvernement le reconnaît d'ailleurs en indiquant que l'effet positif serait,
au mieux, de 0,1 point de PIB la première année et qu'il pourrait même être
moindre : « La formule retenue devrait relativement plus bénéficier aux ménages
les plus imposés. Or ce sont également ceux dont le taux d'épargne serait le
plus élevé en moyenne. L'effet sur l'activité pourrait être surestimé. » Alors,
cette baisse de l'impôt sur le revenu relève-t-elle du pragmatisme ou de
l'idéologie ? Je vous laisse juges, mes chers collègues !
Quant au déficit public, il passe de 1,3 % du PIB en 2000 à 1,4 % en 2001. La
tendance à la réduction du déficit, observée chaque année depuis 1997, prend
fin en 2001. Cependant, l'amélioration du solde des administrations publiques
depuis 1997, qui représente 1,6 % du PIB, demeure appréciable.
Par ailleurs, la France, au regard de la réalité des chiffres, est trop
rapidement qualifiée de « mauvais élève de la classe européenne ». Ainsi, comme
l'indique M. le rapporteur général, le déficit public de la France, hors
incidence des licences UMTS, représente, en 2001, 1,5 % du PIB, soit exactement
le même pourcentage que la moyenne des pays de la zone euro.
La France aurait donc été, sous Jospin, un mauvais élève... dans la moyenne !
La démonstration manque de cohérence pour convaincre !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il vaudrait mieux être un bon élève !
M. Gérard Miquel.
Si, aujourd'hui, la France est dans la moyenne, mes chers collègues, il y a
fort à craindre qu'elle ne soit, demain, en queue de peloton, compte tenu du
refus irresponsable de l'actuel gouvernement de s'engager auprès de ses
partenaires européens à réduire son déficit.
Si les recettes fiscales ont sensiblement diminué par rapport aux prévisions
sous l'effet de la moins bonne conjoncture économique, la dépense a, quant à
elle, été maîtrisée. La Cour des comptes valide en effet la progression de 0,3
% en volume de la dépense, progression conforme aux engagements du Gouvernement
devant le Parlement et auprès des instances européennes. Certes, la progression
a été plus vive que dans les années passées, mais on reste loin des records
enregistrés de 1993 à 1996.
L'exécution du budget de 2001 est caractérisée par la faible ampleur des
modifications réglementaires de crédits apportées à l'autorisation
parlementaire. Le rapport entre la masse des crédits votés dans la loi de
finances initiale et les modifications qui y ont été apportées ultérieurement
est même le plus faible depuis 1983. Aussi peut-on conclure que le Gouvernement
a été particulièrement respectueux de l'autorisation parlementaire.
Aucune charge n'a été reportée sur l'exercice suivant...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oh !
M. Gérard Miquel.
... et les crédits reportés sur l'exercice 2002, soit 92,7 milliards de
francs, équivalent à peu près aux crédits reportés en 2000 sur l'exercice 2001,
soit 86 milliards de francs. Ces reports résultent en outre, pour une bonne
part, de l'extension des contrats de gestion, qui permettent une utilisation
dynamique et intelligente des crédits.
La Cour note par ailleurs une sensible amélioration de la transparence à
travers la poursuite de la rebudgétisation de nombreux crédits de fonds de
concours comme à travers l'inscription au budget de chaque ministère de crédits
auparavant regroupés au budget des charges communes.
Enfin la Cour des comptes indique que la « période complémentaire n'a pas été
mise à profit pour procéder à des ajustements significatifs du solde
d'exécution budgétaire ». Elle ajoute que, « pour l'essentiel, les arbitrages
budgétaires ont été définis par le Parlement lors de l'adoption des lois de
finances ». Dès lors, j'estime regrettable pour la crédibilité des travaux de
la commission des finances la polémique orchestrée au mois de mars autour du
déficit d'exécution de la loi de finances rectificative, qualifié ironiquement
de « divine surprise » parce qu'il était inférieur au déficit voté.
Je souhaite, pour notre pays, monsieur le ministre, que vous réussissiez
autant que vos prédécesseurs. Mais les premières mesures de votre gouvernement
me donnent à penser que vous n'êtes pas sur le bon chemin.
Le groupe socialiste assume entièrement la responsabilité de l'exécution du
budget de 2001 et de la politique économique et sociale dont il était un
instrument essentiel. En conséquence, il votera évidemment le projet de loi de
règlement du budget de 2001.
M. le président.
La parole est à M. Lucien Lanier.
M. Lucien Lanier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
discussion d'un projet de loi de règlement peut apparaître comme un exercice
quelque peu conventionnel. Cet exercice présente cependant un mérite : celui de
permettre de faire le point sur une politique encore toute récente, et cela est
d'autant plus utile que, par application de la loi organique du 1er août 2001
relative aux lois de finances, nous examinons ce texte avant de débattre du
projet de loi pour 2003.
La parfaite analyse de notre excellent rapporteur général et le travail
remarquable de la Cour des comptes rendent inutile, bien entendu, un examen
d'ensemble du budget de 2001. J'insisterai seulement ici sur quelques aspects
qui prêtent à réflexion. Sans doute serai-je quelque peu redondant avec tout ce
qui a été remarquablement dit auparavant, mais il n'est peut-être pas vain de
répéter certaines vérités.
Qu'il me soit d'abord permis de relever l'erreur importante d'appréciation qui
a été commise quant aux perspectives de croissance de notre économie. En effet,
pour l'année 2002, le précédent gouvernement avait prévu une croissance de 2,8
% ; or elle a atteint 3,4 %. L'euphorie suscitée par ce résultat a conduit, non
sans imprudence, à tabler pour 2001, c'est-à-dire pour le budget qui nous
occupe, sur une croissance de 3 % ; hélas ! elle n'a pas dépassé 1,8 %.
En 2002, nouvelle déconvenue : une croissance de 2,5 % était prévue et nous
finirons sans doute, si rien ne vient plus à la traverse, à 1,2 %...
Reconnaissons que l'exercice est délicat. Certes, mais persévérer dans
l'erreur est fâcheux, et ce d'autant plus que la conjoncture internationale,
notamment le ralentissement de l'économie américaine, laissait prévoir que la
croissance française allait à l'évidence marquer le pas.
Le budget de 2001 se caractérise aussi, force m'est de le dire, par un manque
certain de transparence. Ainsi, la prime pour l'emploi n'est pas prise en
compte comme une dépense publique au prétexte qu'il s'agit d'un dégrèvement.
Mais qu'est-ce qu'un dégrèvement, sinon une « diminution de charges fiscales »
C'est, en tout cas, la définition qu'en donne le dictionnaire Larousse.
Or une grande partie des bénéficiaires de la prime pour l'emploi ne sont pas,
en réalité, assujettis à l'impôt sur le revenu. Je voudrais bien que l'on
m'explique comment on peut accorder une diminution d'impôt à celui qui n'y est
pas assujetti ! Si l'on estime ne pas pouvoir alléger la charge de ceux qui
paient l'impôt sans faire un cadeau à ceux qui ne le paient pas, il faut bien
avoir le courage de constater la réalité et d'appeler dépense ce qui, de fait,
en est une !
Une autre acrobatie comptable permet d'escamoter les sommes affectées aux
fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité
sociale : il va de soi que les dépenses du FOREC, qui correspondent à 1,1 % de
la dérive des dépenses de l'Etat - ce qui n'est tout de même pas rien ! -
auraient dû être budgétisées.
Plus généralement, nous pouvons regretter que les baisses d'impôts ne se
soient pas accompagnées d'une diminution des dépenses de l'Etat. Or c'est à une
augmentation de ces dépenses que nous avons assisté : elles ont augmenté, en
effet, de 2,8 % en 2001, alors qu'elles avaient diminué de 0,8 % en 2000.
L'effet de relance de l'économie qui aurait dû résulter des baisses d'impôts
décidées pour 2001 a donc, en fait, été annulé par le dérapage de la dépense
publique qu'a entraîné, notamment, l'augmentation de 2,7 % des charges de
personnels. Le nombre d'emplois nouveaux de fonctionnaires - 23 789 dans le
projet de loi de finances initiale pour 2001 - s'élève à 31 871, je le
rappelle, dans le rapport annuel sur la fonction publique de l'Etat.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il est bon, en effet, de le rappeler !
M. Lucien Lanier.
Entre ce que révèle, comme malgré lui, le budget de 2001 et ce qu'il cache,
nous cherchons en vain ce dont nous pourrions nous féliciter : absence de
financement des 35 heures ou de l'allocation personnalisée d'autonomie, déficit
de 2001 supérieur de 3 milliards d'euros à celui de 2000, alourdissement de la
dette publique...
Nous ne pouvons, bien évidemment, que déplorer la politique dont le budget de
2001 est le reflet.
Ce projet de loi de règlement porte enfin en lui - et c'est peut-être le plus
grave - de nombreux germes de dérapage pour 2002.
Néanmoins, parce que nous sommes conscients, et moi plus que personne, de la
continuité de l'Etat - et de son impérieuse nécessité - le groupe du RPR votera
ce projet de loi de règlement sans que ce vote constitue en quoi que ce soit
une approbation.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, j'essaierai d'être bref : nous sommes jeudi soir et je sais que vous
avez sûrement tous des obligations dans vos départements ; toutefois, je tiens
à faire honneur au Sénat et à chacun des intervenants qui viennent de
s'exprimer sur ce projet de loi de règlement.
Je vous ai retrouvé, monsieur le rapporteur général, tel qu'en vous-même
(Sourires)
, c'est-à-dire plein de talent et de qualités pédagogiques.
Comme vous l'avez souligné, nos analyses sont si proches qu'il m'est difficile
d'intervenir après vous sur les sujets que vous avez évoqués. Je reviendrai
cependant sur deux ou trois points.
Vous avez fort bien fait de rappeler les taux de croissance dont le précédent
gouvernement a bénéficié. En effet, ils étaient tout à fait exceptionnels et la
commission des finances avait, à l'époque, alerté le gouvernement sur le bon
usage qu'il convenait de faire des fruits de cette croissance. Nous constatons
aujourd'hui à quel point ces fruits nous seraient bien utiles pour faire face
aux difficultés qui se présentent à nous !
Vous avez également eu raison de rappeler l'importance des transferts de
recettes fiscales effectués au profit des comptes de la sécurité sociale. Là
encore, c'est un élément que la commission des finances du Sénat se doit de
rappeler en permanence lorsque sont évoqués - cela arrive très souvent - les
relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Ainsi, ceux qui
considèrent que l'Etat n'est pas un bon partenaire de la sécurité sociale
doivent se souvenir des nombreux transferts qui ont été effectués au cours des
années qui viennent de s'écouler.
Je vous remercie également, monsieur le rapporteur général, d'avoir souligné
le danger que représente le stock des reports existant, car, si ceux-ci
venaient à être consommés ou exécutés au cours de l'exercice 2002 ou 2003, cela
poserait des problèmes insurmontabes. Au demeurant, compte tenu de la qualité
du travail effectué par la commission des finances, il ne serait pas
inintéressant d'examiner ministère par ministère ce qu'il en est exactement
desdits reports, et je suis sûr que les différents ministres se feront un
plaisir de vous fournir toutes les explications utiles pour parvenir à ce que
vous avez qualifié, dans une formulation délicieuse qui me paraît tout à fait
appropriée, de « rythme de consommation plausible ».
Monsieur le rapporteur général, vous avez dit que vous attachiez toute
l'importance nécessaire au suivi de l'exécution du budget et vous avez rappelé,
à cet égard, les prérogatives du Parlement. Je ne les ai pas oubliées ! Ne les
ai-je pas si souvent évoquées à vos côtés à l'endroit du gouvernement précédent
?
Je puis même vous dire - mais cela ne va-t-il pas de soi ? - que je ne serai
nullement choqué si le Parlement, la commission des finances et son rapporteur
général exercent toutes les prérogatives qui leur ont été confiées, notamment
les contrôles sur pièces et sur place. C'est le rôle du Parlement, c'est ce qui
lui donne son caractère irremplaçable, pour le bienfait de notre démocratie.
Le Gouvernement, de son côté, essaiera de répondre à vos préoccupations. C'est
ainsi que j'ai souhaité que nous ayons un rendez-vous au milieu de l'année pour
examiner l'exécution du budget de 2003.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ce rendez-vous pourrait même devenir trimestriel si -
ce que l'on ne peut pas souhaiter - la situation justifiait un suivi au plus
près de l'évolution de l'exécution budgétaire.
C'est donc, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la
commission, à l'aune de notre pratique quotidienne que je vous demanderai
d'apprécier le souci du Gouvernement de répondre à vos préoccupations
d'information et de suivi commun de l'exécution des comptes de l'Etat.
Mme Marie-Claude Beaudeau nous a laissé entendre que le déficit pouvait
contribuer au développement du pays. S'il en était ainsi, le pays connaîtrait
beaucoup de prospérité ! Selon le Gouvernement, le déficit appauvrit le pays.
Plus de déficit, c'est plus de dettes ; plus de dettes, c'est plus de charges
d'intérêts ; et plus de charges d'intérêts, c'est moins de dépenses utiles, et
plus d'impôts pour l'avenir.
Mme Beaudeau s'étonne du dérapage de l'exécution de 2002 par rapport au
déficit de 2001. Ce dérapage est, hélas ! cohérent avec les constatations qui
ont été faites par MM. Nasse et Bonnet à l'occasion de l'audit, qui a
d'ailleurs déjà été traduit dans le collectif.
M. Yves Fréville a félicité le ministère des finances pour la qualité des
améliorations qui ont été apportées au compte général de l'administration des
finances. Le spécialiste qu'il est sait à quel point nous essayons de
progresser en la matière et les félicitations qu'il a exprimées confortent,
j'en suis sûr, les fonctionnaires qui ont la responsabilité de ce dossier dans
l'objectif de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de
finances, la LOLF.
Vous avez aussi eu raison, cher Yves Fréville, d'opposer imprévisibilité et
imprévoyance. C'est bien la raison pour laquelle nous proposerons des recettes
fiscales pour 2003 calculées de manière extrêmement prudente - cela ne vous a
pas échappé - avec une élasticité de 0,8, donc inférieure à 1. Nous avons voulu
par là même marquer notre grande prudence.
S'agissant de la détermination du Gouvernement à réduire le déficit
structurel, je vous confirme - je veux éviter toute ambiguïté à cet égard - que
l'intérêt du pays passe bien par le retour à l'équilibre.
Ce retour à l'équilibre doit se faire à un rythme qui, bien entendu, ne porte
pas atteinte à la croissance, elle-même déjà menacée. Mais n'ayez pas de doutes
quant à la détermination du Gouvernement en la matière. Je puis d'ailleurs vous
faire remarquer que, en 2003, nous réduisons le déficit structurel, même si
cette réduction est masquée par la réduction des prélèvements non fiscaux de
plus de 4 milliards d'euros.
S'agissant du débat sur les pensions des agents de l'Etat, il sera, là encore,
éclairci dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, par
le biais de l'examen du compte spécial des pensions de l'Etat.
En ce qui concerne l'épargne logement, j'ai en mémoire les travaux de la
commission des finances du Sénat et je pense que, comme toujours, ils
présentent beaucoup d'intérêt. Il pourrait en effet ne pas être inopportun de
concentrer l'aide de l'Etat sur des opérations qui débouchent effectivement sur
l'achat d'un logement. Ce sujet a souvent été évoqué au sein de la commission
des finances, et le ministre du budget ne peut pas considérer cette
recommandation du Parlement comme inintéressante, bien au contraire. J'ai en
tout cas perçu à travers les propos d'Yves Fréville un encouragement dont je
rendrai compte très fidèlement à Francis Mer.
Monsieur Miquel, je commencerai par un commentaire très positif, puisque vous
avez souligné les mérites de la loi organique relative aux lois de finances et,
sur ce point, nous pouvons nous rejoindre totalement.
Vous vous êtes ensuite félicité des résultats du précédent gouvernement de
1997 à 2000 ; permettez-moi de nuancer mon jugement sur ce point, car, étant
donné les conditions exceptionnelles de croissance dont a bénéficié le
précédent gouvernement, le déficit aurait dû être beaucoup plus réduit. Or il
l'a été moins pendant la période de forte croissance de 1997 à 2000 qu'il ne
l'avait été lors de la période de croissance faible de 1994 à 1996. C'est dire
l'absence d'efforts pendant cette période !
En revanche, j'ai noté dans votre propos une certaine confiance dans l'avenir
lorsque vous avez dit, à propos de l'écart entre la prévision de croissance et
l'exécution, qu'il convenait de ne pas jeter la pierre au gouvernement en
place. J'ose espérer que vous ferez preuve de la même bienveillance à l'endroit
du gouvernement actuel s'il est constaté, au cours de l'exécution 2003, un
petit écart entre la prévision et l'exécution. Enfin, vous avez formé des voeux
de succès à l'égard du gouvernement actuel et j'espère qu'ils seront exaucés.
Quant à la croissance, je vous promets que, s'agissant du déficit, nous
essayerons de faire mieux.
J'en viens à M. Lanier, pour lui dire combien il a raison de relever le
caractère difficile de la prévision de croissance. Il faut être humble en la
matière ! J'ai publié récemment une série d'études sur les douze dernières
années concernant la prévision et la réalisation, et cela nous amène tous à
faire preuve de beaucoup de relativité. Ceux qui se sont trompés en 2001 et
2002 éviteront par humilité, j'en suis certain, de critiquer la prévision pour
2003... qui, pour l'instant n'est pas démentie ! Sachez en tout cas que nous
ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu'elle ne le soit pas.
En ce qui concerne le FOREC, sur lequel vous avez insisté, il faut
effectivement clarifier la situation. Prendre un engagement paraît quelque peu
prématuré au Gouvernement, mais si nous pouvons faire en sorte qu'il soit
supprimé dans le projet de loi de finances pour 2004, nous le ferons.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce serait une bonne option !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ce serait sûrement l'option la plus sage.
En prendre dès maintenant l'engagement et ne pas tenir cet engagement serait
naturellement gênant ; cependant, nous allons travailler en ce sens, monsieur
le rapporteur général.
Vous avez rappelé, monsieur Lanier, la liste des lourdes dépenses nouvelles
qui ont été engagées par le précédent gouvernement. Il s'agit de dépenses
récurrentes auxquelles il nous faut aujourd'hui faire face.
A cet égard - je terminerai par là, mesdames, messieurs les sénateurs - je
dirai qu'il faut se méfier du mauvais usage des fruits de la croissance car,
lorsque celle-ci n'est plus au rendez-vous, les dépenses pérennes, les dépenses
récurrentes qui ont été engagées mettent, à terme, les finances publiques dans
une situation intenable.
L'examen des lois de règlement, je le disais en introduction, me paraissent
être des rendez-vous tout à fait nécessaires, des rendez-vous clés pour
éclairer le débat budgétaire de l'année qui suit. Je souhaite donc que ce débat
sur la loi de règlement du budget de 2001 soit une sorte de « tour de chauffe »
pour le prochain débat sur la loi de règlement du budget de 2002, qui
préfigurera ceux que nous aurons à l'occasion de la mise en oeuvre de la loi
organique relative aux lois de finances.
Je le répète, j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver le Sénat et je me
réjouis par avance de venir défendre devant vous le projet de loi de finances
pour 2003, mesdames, messieurs les sénateurs.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances
pour 2001 sont arrêtés aux sommes mentionnées ci-après :
CHARGES (en francs) |
RESSOURCES (en francs) |
SOLDE (en francs) |
|
---|---|---|---|
A. - Opérations à caractère définitif |
|||
Budget général |
|||
Recettes brutes (a) | . | 1 953 251 870 770,52 | . |
A déduire : |
|||
Dégrèvements et remboursements d'impôts | . | 398 211 304 458,24 |
|
Recettes nettes | . | 1 555 040 566 312,28 | . |
Dépenses ordinaires civiles brutes | 1 870 949 063 110,53 | . | . |
A déduire : |
|||
Dégrèvements et remboursements d'impôts | 398 211 304 458,24 | . | . |
Dépenses ordinaires civiles nettes | 1 472 737 758 652,29 | . | . |
Dépenses civiles en capital | 106 948 287 808,97 | . | . |
Dépenses militaires | 182 670 357 762,35 | . | . |
Total pour le budget général | (b) 1 762 356 404 223,61 | 1 555 040 566 312,28 |
- 207 315 837 911,33 |
Comptes d'affectation spéciale |
|||
Recettes | . | 45 530 641 820,91 | . |
Dépenses ordinaires civiles | 23 325 644 132,68 | . | . |
Dépenses civiles en capital | 21 194 406 928,00 | . |
. |
Total pour les comptes d'affectation spéciale | 44 520 051 060,68 | 45 530 641 820,91 |
1 010 590 760,23 |
Totaux (budget général et comptes d'affectation spéciale) | 1 806 876 455 284,29 | 1 600 571 208 133,19 |
- 206 305 247 151,10 |
Budgets annexes |
|||
Aviation civile | 9 519 808 769,00 | 9 519 808 769,00 | . |
Journaux officiels | 1 252 620 115,92 | 1 252 620 115,92 | . |
Légion d'honneur | 132 294 538,98 | 132 294 538,98 | . |
Monnaies et médailles | 1 247 344 833,82 | 1 247 344 833,82 | . |
Ordre de la Libération | 7 100 854,42 | 7 100 854,42 | . |
Prestations sociales agricoles | 100 566 068 060,02 | 100 566 068 060,02 |
. |
Totaux pour les budgets annexes | 112 725 237 172,16 | 112 725 237 172,16 |
» |
Totaux des opérations à caractère définitif (A) | 1 919 601 692 456,45 | 1 713 296 445 305,35 |
- 206 305 247 151,10 |
B. - Opérations à caractère temporaire |
|||
Comptes spéciaux du Trésor |
|||
Comptes d'affectation spéciale à caractère temporaire | 15 513 575,78 | 6 403 974,08 | - 9 109 601,70 |
Comptes de prêts | 3 865 985 890,22 | 5 641 353 457,62 | 1 775 367 567,40 |
Comptes d'avances | 400 210 770 824,47 | 401 077 468 937,38 | 866 698 112,91 |
Comptes de commerce (résultat net) | 3 734 537 549,33 | . | - 3 734 537 549,33 |
Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers (résultat net) | - 22 291 236,91 | . | 22 291 236,91 |
Comptes d'opérations monétaires hors FMI (résultat net) | 2 697 077 692,34 | . |
- 2 697 077 692,34 |
Totaux des opérations à caractère temporaire hors FMI (B) | 410 501 594 295,23 | 406 725 226 369,08 |
- 3 776 367 926,15 |
Solde d'exécution des lois de finances hors FMI (A + B) | » | » | - 210 081 615 077,25 |
Solde d'exécution des lois de finances hors FMI, hors FSC | » | » | - 210 161 238 915,57 |
(a) Après déduction des prélèvements sur recettes de l'Etat (303 051 898 120,54 F) au profit des collectivités locales et des Communautés européennes.
(b) Le montant des dépenses brutes du budget général s'établit à 2 160 567 708 681,85 F.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2 et tableau A annexé
M. le président.
« Art. 2. - Le montant définitif des recettes du budget général de l'année
2001 est arrêté à 1 953 251 870 770,52 F. La répartition de cette somme fait
l'objet du tableau AVoir ce tableau dans le projet n° 2 AN (annexes).
annexé à la présente loi. »
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 2 et du tableau A annexé.
(L'article 2 et le tableau A annexé sont adoptés.)
Article 3 et tableau B annexé
M. le président.
« Art. 3. - Le montant définitif des dépenses ordinaires civiles du budget
général de 2001 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les
crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par
ministère, conformément au tableau BVoir ce tableau dans le projet n° 2 AN
(annexes).
annexé à la présente loi.
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
|||
---|---|---|---|
DÉSIGNATION DES TITRES |
DÉPENSES (en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
I. - Dette publique et dépenses en atténuation de recettes | 660 060 908 499,52 | 1 340 395 029,37 | 4 815 486 529,85 |
II. - Pouvoirs publics | 4 956 600 619,20 | » | 2 248 880,80 |
III. - Moyens des services | 710 494 631 260,61 | 3 822 495 130,92 | 4 026 716 070,31 |
IV. - Interventions publiques | 495 436 922 731,20 | 1 860 875 691,96 |
1 100 932 791,76 |
Totaux | 1 870 949 063 110,53 | 7 023 765 852,25 | 9 945 384 272,72 |
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 3 et du tableau B annexé.
(L'article 3 et le tableau B annexé sont adoptés.)
Article 4 et tableau C annexé
M. le président.
« Art. 4. - Le montant définitif des dépenses civiles en capital du budget
général de 2001 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les
crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par
ministère, conformément au tableau CVoir ce tableau dans le projet n° 2 AN
(annexes).
annexé à la présente loi.
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
|||
---|---|---|---|
DÉSIGNATION DES TITRES |
DÉPENSES (en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
V. - Investissements exécutés par l'Etat | 24 727 556 791,94 | » | 24,06 |
VI. - Subventions d'investissement accordées par l'Etat | 82 220 177 548,17 | » | 30,83 |
VII. - Réparations des dommages de guerre | 553 468,86 | » |
0,14 |
Totaux | 106 948 287 808,97 | » | 55,03 |
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 4 et du tableau C annexé.
(L'article 4 et le tableau C annexé sont adoptés.)
Article 5 et tableau D annexé
M. le président.
« Art. 5. - Le montant définitif des dépenses ordinaires militaires du budget
général de 2001 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les
crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis
conformément au tableau DVoir ce tableau dans le projet n° 2 AN (annexes).
annexé à la présente loi.
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
|||
---|---|---|---|
DÉSIGNATION DES TITRES |
DÉPENSES (en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
III. - Moyens des armes et services | 111 662 246 809,56 | 192 989 853,26 |
722 556 538,70 |
Totaux | 111 662 246 809,56 | 192 989 853,26 | 722 556 538,70 |
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 5 et du tableau D annexé.
(L'article 5 et le tableau D annexé sont adoptés.)
Article 6 et tableau E annexé
M. le président.
« Art. 6. - Le montant définitif des dépenses militaires en capital du budget
général de 2001 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les
crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis
conformément au tableau EVoir ce tableau dans le projet n° 2 AN (annexes).
annexé à la présente loi.
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
|||
---|---|---|---|
DÉSIGNATION DES TITRES |
DÉPENSES (en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
V. - Equipement | 69 298 456 353,93 | » | 44,07 |
VI. - Subventions d'investissement accordées par l'Etat | 1 709 654 598,86 | 0,11 |
2,25 |
Totaux | 71 008 110 952,79 | 0,11 | 46,32 |
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 6 et du tableau E annexé.
(L'article 6 et le tableau E annexé sont adoptés.)
Article 7 et tableau F annexé
M. le président.
« Art. 7. - Le résultat du budget général de 2001 est définitivement fixé
comme suit :
« Recettes 1 953 251 870 770,52 F
« Dépenses 2 160 567 708 681,85 F
« Excédent des dépenses sur les recettes 207 315 837 911,33 F
« La répartition des recettes et des dépenses fait l'objet du tableau FVoir ce
tableau dans le projet n° 2 AN (annexes).
annexé à la présente loi. »
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 7 et du tableau F annexé.
(L'article 7 et le tableau F annexé sont adoptés.)
Article 8 et tableau G annexé
M. le président.
« Art. 8. - Les résultats des budgets annexes sont arrêtés aux sommes
mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est
dit au même tableau. Ces crédits sont répartis par budget, conformément au
tableau GVoir ce tableau dans le projet n° 2 AN (annexes).
annexé à la présente loi.
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
|||
---|---|---|---|
DÉSIGNATION DES BUDGETS |
TOTAUX ÉGAUX
(en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
Aviation civile | 9 519 808 769,00 | 849 646 655,96 | 87 219 446,96 |
Journaux officiels | 1 252 620 115,92 | 44 615 717,96 | 17 105 094,04 |
Légion d'honneur | 132 294 538,98 | 1 459 848,90 | 2 811 909,92 |
Monnaies et médailles | 1 247 344 833,82 | » | 41 256 805,18 |
Ordre de la Libération | 7 100 854,42 | 1 314 590,24 | 55 313,82 |
Prestations sociales agricoles | 100 566 068 060,02 | 3 862 832 964,05 |
807 764 904,03 |
Totaux | 112 725 237 172,16 | 4 759 869 777,11 | 956 213 473,95 |
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 8 et du tableau G annexé.
(L'article 8 et le tableau G annexé sont adoptés.)
Article 9 et tableau I annexé
M. le président.
« Art. 9. - I. - Les résultats des comptes spéciaux du Trésor dont les
opérations se poursuivent sont arrêtés, pour 2001, aux sommes mentionnées au
tableau ci-après. Les crédits et les autorisations de découverts sont modifiés
comme il est dit au même tableau et répartis par catégorie de comptes et
ministère gestionnaire, conformément au tableau IVoir ce tableau dans le projet
n° 2 AN (annexes).
annexé à la présente loi.
OPÉRATIONS DE L'ANNÉE 2001 |
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
||||
---|---|---|---|---|---|
DÉSIGNATION |
Dépenses (en francs) |
Recettes (en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
Autorisations
(en francs) |
I. - Opérations à caractère définitif |
|||||
Comptes d'affectation spéciale | 44 392 188 560,68 | 45 466 490 527,99 | 131 898 046,29 | 14 940 445 452,61 |
» |
Totaux | 44 392 188 560,68 | 45 466 490 527,99 | 131 898 046,29 | 14 940 445 452,61 |
» |
II. - Opérations à caractère temporaire |
|||||
Comptes d'affectation spéciale | 15 513 575,78 | 6 403 974,08 | » | 9,22 | » |
Comptes de commerce | 25 780 756 525,61 | 22 046 218 976,28 | » | » | » |
Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers | » | 22 291 236,91 | » | » | » |
Comptes d'opérations monétaires | 15 778 639 301,61 | 18 370 382 789,18 | » | » | 63 764 472 003,47 |
Comptes de prêts | 3 865 985 890,22 | 5 641 353 457,62 | » | 1 000 007,78 | » |
Comptes d'avances | 400 210 770 824,47 | 401 077 468 937,38 | 39 016 584 492,80 | 74 813 668,33 |
» |
Totaux | 445 651 666 117,69 | 447 164 119 371,45 | 39 016 584 492,80 | 75 813 685,33 |
63 764 472 003,47 |
Totaux généraux | 490 043 854 678,37 | 492 630 609 899,44 | 39 148 482 539,09 | 15 016 259 137,94 | 63 764 472 003,47 |
« II. - Les soldes des comptes spéciaux du Trésor dont les opérations se poursuivent sont arrêtés à la date du 31 décembre 2001 aux sommes ci-après et répartis, par ministère, conformément au tableau I annexé à la présente loi :
SOLDES AU 31 DÉCEMBRE 2001
|
||
---|---|---|
DÉSIGNATION DES CATÉGORIES DE COMPTES SPÉCIAUX |
Débiteurs (en francs) |
Créditeurs (en francs) |
Comptes d'affectation spéciale : opérations à caractère définitif et à caractère temporaire | » | 8 367 348 203,51 |
Comptes de commerce | 9 809 320,09 | 4 426 727 857,15 |
Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers | 172 633 097,41 | » |
Comptes d'opérations monétaires | 64 328 334 430,15 | 12 307 719 095,06 |
Comptes de prêts | 114 102 950 201,05 | » |
Comptes d'avances | 100 378 072 918,13 |
» |
Totaux | 278 991 799 966,83 | 25 101 795 155,72 |
« III. - Les soldes arrêtés au II sont reportés à la gestion 2002, à l'exception d'un solde débiteur de 563 862 426,68 F concernant les comptes d'opérations monétaires, d'un solde débiteur de 559 071 704,56 F concernant les comptes de prêts et d'un solde débiteur de 1 104 013 273,97 F relatif aux comptes d'avances qui font l'objet d'une affectation par l'article de transport aux découverts du Trésor. »
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 9 et du tableau I annexé.
(L'article 9 et le tableau I annexé sont adoptés.)
Articles 10 à 14
M. le président. « Art. 10. - Les résultats du compte spécial du Trésor définitivement clos au 31 décembre 2001 sont arrêtés aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits sont modifiés comme il est dit au même tableau.
OPÉRATIONS DE L'ANNÉE |
SOLDES AU 31 DÉCEMBRE 2001 |
AJUSTEMENTS DE LA LOI
de règlement
|
||||
---|---|---|---|---|---|---|
D É S I G N A T I ON |
Dépenses (en francs) |
Recettes (en francs) |
Débit (en francs) |
Crédit (en francs) |
Ouvertures (en francs) |
Annulations (en francs) |
Comptes d'affectation spéciale |
||||||
902-23 Actions en faveur du développement des départements, des territoires et des collectivités territoriales d'outre-mer | 127 862 500,00 | 64 151 292,92 | » | 49 934 843,09 | » |
43 387 703 |
Total | 127 862 500,00 | 64 151 292,92 | » | 49 934 843,09 | » | 43 387 703 |
- (Adopté.)
« Art. 11. - Le solde débiteur des pertes et profits sur emprunts et engagements de l'Etat est arrêté au 31 décembre 2001 à la somme de 10 710 850 636,21 F, conformément au tableau ci-après :
OPÉRATIONS |
DÉPENSES (en francs) |
RECETTES (en francs) |
---|---|---|
Annuités non supportées par le budget général ou un compte spécial du Trésor | 2 631 579 399,23 | » |
Pertes et bénéfices de change : - pertes de change sur engagements |
» | » |
- bénéfices de change sur emprunts à long terme | » | » |
- bénéfices de change sur BTAN | » | » |
- bénéfices de change sur opérations diverses | » | » |
Dotations aux amortissements. - Charges financières : |
||
- dotations aux amortissements des suppléments résultant des indexations | 19 711 472,62 | » |
- dotations aux amortissements des décotes | 6 503 099 398,64 | » |
Quote-part des primes sur emprunt et BTAN | » | 6 415 390 744,68 |
Pertes et profits divers sur emprunts et engagements : - pertes sur emprunts à long terme |
9 557 866 520,28 | » |
- profits divers sur emprunts à long terme | » | 1 644 213 916,72 |
- pertes sur BTAN | 59 426 089,62 | » |
- profits divers sur BTAN | » | » |
- pertes diverses | » | » |
- profits divers | » |
1 227 582,78 |
Totaux | 18 771 682 880,39 |
8 060 832 244,18 |
Solde | 10 710 850 636,21 | » |
« Art. 12. - Une perte de 661 783,67 F correspondant à la contre-valeur de l'avoir en deutsche marks, détenu par l'ambassade de France en Bosnie-Herzégovine, sur un compte ouvert dans une banque à Sarajevo, est définitivement apurée par transport en augmentation des découverts du Trésor. » - (Adopté.)
« Art. 13. - Sont reconnues d'utilité publique, pour un montant de 2 026 142,18 F les dépenses comprises dans la gestion de fait des deniers de l'Etat, jugée par la Cour des comptes dans ses arrêts des 15, 19 et 22 février 1996, 17 janvier 2000 et 26 février 2001 au titre du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. » - (Adopté.)
« Art. 14. - I. - Les sommes énumérées ci-après, mentionnées aux articles 7, 9 (III), 11 et 12, sont transportées en augmentation des découverts du Trésor :
« Excédent des dépenses sur les recettes du budget général de 2001 | 207 315 837 911,33 F |
« Résultat net du compte spécial du Trésor "Pertes et bénéfices de change" soldé chaque année | 563 862 426,68 F |
« Remises de dettes aux pays les moins avancés | 559 071 704,56 F |
« Perte sur le compte d'avances 903-52 "Avances aux départements sur le produit de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur" | 1 104 013 273,97 F |
« Perte et profits sur emprunts et engagements | 10 710 850 636,21 F |
« Pertes de trésorerie | 661 783,67 F |
« Total I (augmentation des découverts du Trésor) | 220 254 297 736,42 F |
« II. - La somme visée à l'article 10 est transportée en atténuation des découverts du Trésor :
« Résultat net du compte spécial clos au 31 décembre 2001 | 49 934 843 09 F |
« Total II (atténuation des découverts du Trésor) | 49 934 843,09 F |
« Total net à transporter en augmentation des découverts du Trésor (I - II) | 220 204 362 893,33 F » |
- (Adopté.)
Article additionnel après l'article 14
M. le président.
L'amendement n° 1, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
« Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A compter de 2004, aucune contraction n'est effectuée dans le budget de
l'Etat entre, d'une part, les dégrèvements, remboursements et admissions en
non-valeur d'impôts locaux et, d'autre part, les recettes du budget général.
»
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville.
C'est le changement de présentation de l'article d'équilibre de la loi de
finances de cette année qui m'a incité à déposer cet amendement, afin de
poursuivre dans la voie des améliorations souhaitées par le Gouvernement.
Les dégrèvements d'impôts locaux représentent 10 milliards d'euros, soit 66
milliards de francs. Il s'agit de dépenses du titre Ier, et il n'y a aucune
raison de modifier cette qualification de dépenses pour lesdits
dégrèvements.
Je suis toujours étonné - je ne suis pas le seul, j'ai lu des propos du
Premier président de la Cour des comptes, M. Logerot, allant un peu dans le
même sens - que l'on déduise du produit d'impôts d'Etat les dégrèvements
d'impôts locaux ! Cela a toujours été mystérieux pour moi.
Pendant très longtemps, on m'a donné une réponse qui était tout à fait valable
et selon laquelle il n'était pas possible de séparer, dans les statistiques et
dans les calculs de la direction de la comptabilité publique, ce qui était
dégrèvements d'Etat et ce qui était dégrèvements d'impôts locaux. Très bien
!
Mais j'ai évoqué tout à l'heure les progrès qui ont été faits en matière de
comptabilité publique et, grâce aux modifications qui sont intervenues entre
1994 et 2000, ces deux notions sont parfaitement séparées. Nous connaissons, au
franc près, le montant des dégrèvements d'impôts locaux.
Pourquoi, par conséquent, continuer à traiter les dégrèvements d'impôts locaux
en déduction d'impôts d'Etat ? Je n'ai pas compris. Si l'on m'explique que cela
doit être, j'accepterai de retirer mon amendement. Mais c'est une question de
clarification des comptes. Il s'agit de dépenses de l'Etat qui doivent être
traitées comme telles dans le budget de l'Etat.
Ma proposition, qui est très simple, consiste à modifier le prochain article
d'équilibre. Je ne demande pas qu'on le fasse pour 2003, puisque les documents
sont déjà publiés. Mais, pour 2004, il serait tout à fait opportun de respecter
ce qui est un principe constitutionnel, monsieur le ministre, celui de la
non-contraction des recettes et des dépenses, corollaire du principe
d'universalité.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Notre collègue M. Yves Fréville a déjà posé ce
problème à plusieurs reprises. Il semble bien que l'objet de son propos, qui
est de parvenir à une clarification des comptes de l'Etat, doive, d'une manière
ou d'une autre, recevoir un jour ou l'autre une suite positive. Si ma mémoire
est bonne, monsieur le ministre, à l'occasion d'un questionnement identique,
votre prédécesseur avait laissé entendre qu'il engagerait des travaux
débouchant sur une solution satisfaisante.
La commission a pris note de l'initiative de notre collègue. Elle souhaite que
l'avis que vous allez rendre au nom du Gouvernement permette d'avancer vers une
telle clarification pour 2004, ce qui laisse du temps pour y parvenir.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, la question du traitement
budgétaire des dégrèvements d'impôts locaux est complexe.
Si l'on s'en tient à la lettre de votre amendement, celui-ci est d'ores et
déjà satisfait. En effet, aucune contraction, au sens strict, n'est
actuellement opérée dans le budget de l'Etat entre les dégrèvements et les
recettes.
Les dégrèvements d'impôts locaux font l'objet de dépenses au chapitre 15-01 du
budget des charges communes. Les opérations rentabilisées sur ce chapitre, à
des paragraphes particuliers selon le type d'impôt, sont clairement distinguées
des opérations d'imputation de recettes du budget général. Sur ce plan, votre
amendement n'aurait donc pas de portée pratique.
J'en viens à l'esprit que vous avez évoqué tout à l'heure et qui concerne en
réalité non pas les opérations comptables, mais la présentation et l'analyse
des résultats budgétaires.
L'analyse de l'évolution des recettes et des dépenses est effectuée en
soustrayant du montant brut les remboursements et les dégrèvements. Ce choix de
présentation, justifié pour des impôts d'Etat, comme l'impôt sur les sociétés
ou la TVA, peut paraître moins évident lorsqu'il s'agit de dégrèvements
d'impôts locaux.
Votre amendement interdit, au sein de l'article d'équilibre, de déduire à la
fois les dégrèvements et les recettes brutes. Or, sauf à changer en subventions
les dégrèvements au profit des collectivités, ces dégrèvements qui sont, par
construction, des dépenses en atténuation de recettes, doivent, dans le cadre
de l'ordonnance organique, être déduits à l'article d'équilibre. Mais la
technique de la subvention serait moins favorable aux collectivités locales
qui, actuellement, perçoivent le produit afférent aux dégrèvements en même
temps que le reste de leurs produits votés.
En réalité, le vrai problème, c'est celui de l'autonomie fiscale des
collectivités locales que les allègemens d'impôts locaux des dernières années
ont entamée. Ce n'est pas ici le lieu, naturellement, d'engager ce débat - vous
ne l'avez d'ailleurs pas souhaité - mais le Gouvernement est résolu, vous le
savez, à le conduire avec vous.
En tout état de cause, cette question est complexe, je le disais tout à
l'heure. L'application de la loi organique relative aux lois de finances va
conduire à une refonte de la nomenclature et les travaux en cours incluront,
bien entendu, une réflexion sur le traitement de l'ensemble des
dégrèvements.
Aussi, en attendant, je vous propose, si vous le voulez bien, de retirer votre
amendement. Nous vous invitons, si vous le souhaitez, à participer à cette
réflexion sur le traitement de l'ensemble des dégrèvements dans le cadre de
l'application de la LOLF.
M. le président.
Monsieur Fréville, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Yves Fréville.
Monsieur le ministre, je ne souhaite pas, bien entendu, que les dégrèvements
soient transformés en subventions ! Ce serait aller à l'encontre de toute la
doctrine du Sénat en la matière. Je ne cherchais qu'à faire clarifier l'article
d'équilibre, comme vous l'avez très bien compris.
Vous m'avez répondu que, à la lettre, l'ordonnance organique actuelle ne le
permettait pas. Mais nous allons vivre sous l'empire d'une loi organique où, à
ma connaissance, - et je ne crois pas me tromper - le problème n'est pas
abordé. Dès qu'il le sera, on pourra faire la modification. Je souhaite que
cette question continue à être étudiée, car il s'agit d'une anomalie peut-être
pas juridique, mais en tout cas économique, et qu'une solution soit rapidement
trouvée, si possible lors de la rédaction du prochain article d'équilibre.
En attendant, je retire l'amendement n° 1.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° 1 est retiré.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Marcel-Pierre Cléach pour explication de vote.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du
projet de loi portant règlement définitif du budget de 2001, avant celui du
projet de loi de finances pour 2003, constitue une des avancées de la loi
organique du 1er août 2001.
Il nous permet de solder le passé avant de regarder vers l'avenir.
La nouvelle majorité parlementaire hérite d'une situation budgétaire
difficile, mise en évidence par l'audit de MM. Bonnet et Nasse.
Le ralentissement de l'économie mondiale ne peut expliquer, à lui seul, la
dégradation de nos comptes publics.
La France paye avant tout, et au prix fort, une politique budgétaire qui s'est
caractérisée pendant cinq ans par un manque de réalisme des prévisions
économiques, une réduction insuffisante de la dette, un dérapage des dépenses
de fonctionnement et une absence de réformes structurelles de la fiscalité et
de l'Etat en général.
Pourtant, l'importance des recettes nées de la croissance permettait à ce
gouvernement, au moins sur trois budgets, d'emprunter le chemin de la vertu et
du sérieux.
Nous savions - et le président de la commission des finances du Sénat
multipliait les avertissements - oui, nous savions qu'il n'en était rien et
qu'au contraire un gouvernement cigale dilapidait les quelques moyens
supplémentaires qui lui étaient dévolus au lieu d'agir en bon père de famille,
le bon père de famille du droit français, qui profite de rentrées
exceptionnelles ou imprévues pour réduire - simple mesure de bon sens -
l'endettement de sa famille.
Les effets néfastes de cette politique se sont fait sentir dès 2001. C'est ce
qui ressort du texte que nous examinons aujourd'hui.
Déficit en hausse pour la première fois depuis 1997, moindre progression des
recettes fiscales, dépenses non maîtrisées : le budget 2001 est un constat
d'échec politique annonçant celui de 2002.
Pourtant, cela faisait longtemps que le FMI, la Banque centrale européenne et
le Sénat multipliaient les mises en garde.
Le retournement de conjoncture aurait largement pu être anticipé et ses effets
limités si le gouvernement de Lionel Jospin avait fait preuve de rigueur et de
prudence.
Le recours à l'artifice comptable des recettes non fiscales n'a pas suffi à
dissimuler la dégradation des comptes publics. La vérité des chiffres est vite
apparue, implacable.
Quant aux dépenses, notre collègue Philippe Marini a très bien souligné leur
rigidité croissante, qui a progressivement réduit les marges de manoeuvre de
l'Etat.
Ce gouvernement a multiplié les engagements qui, s'ils n'ont pas beaucoup pesé
sur les comptes 2001, se sont lourdement répercutés sur ceux de l'année
suivante.
La maîtrise des dépenses affichée n'était qu'une illusion. Les bombes à
retardement budgétaires sont, elles, bien réelles. Augmentation du nombre de
fonctionnaires, emplois-jeunes, CMU, financement des 35 heures en sont des
exemples significatifs.
Au total, le budget 2001 a cumulé des handicaps qui se révèlent désastreux en
2002 et qui pèseront sur les choix futurs.
C'est donc sans enthousiasme que le groupe des Républicains et Indépendants
votera ce projet de loi. Il va de soi que ce quitus comptable ne vaut
aucunement acceptation de la politique budgétaire conduite sous la précédente
législature.
Nous devons maintenant regarder vers l'avenir, mais sans oublier que les
difficultés d'aujourd'hui sont le résultat de la gestion du passé.
MM. Philippe Marini,
rapporteur général,
et Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 315 |
16
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de Mme Brigitte Luypaert une proposition de loi tendant à
revaloriser la dotation particulière « élu local » versée aux petites
communes.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 18, distribuée et renvoyée à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
17
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la création d'un chèque-emploi
associatif.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 19, distribuée et renvoyée à la
commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
18
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux
détergents.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2109 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil. Le marché
intérieur de l'énergie. Des mesures coordonnées en matière de sécurité des
approvisionnements énergétiques. Proposition de directive du Parlement européen
et du Conseil concernant le rapprochement des mesures en matière de sécurité
des approvisionnements en produits pétroliers. Proposition de directive du
Parlement européen et du Conseil concernant des mesures visant à garantir la
sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel. Proposition de directive du
Conseil abrogeant les directives 68/414/CE et 98/93/CE du Conseil faisant
obligation aux Etats membres de la CEE de maintenir un niveau minimum de stocks
de pétrole et/ou de produits pétroliers, ainsi que la directive 73/238/CEE du
Conseil concernant des mesures destinées à atténuer les effets des difficultés
d'approvisionnement en pétrole brut et produits pétroliers. Proposition de
décision du Conseil abrogeant la décision 68/416/CEE du Conseil concernant la
conclusion et l'exécution des accords intergouvernementaux particuliers
relatifs à l'obligation pour les Etats membres de maintenir un niveau minimum
de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers, et la décision
77/706/CEE du Conseil fixant un objectif communautaire de réduction de la
consommation d'énergie primaire en cas de difficultés d'approvisionnement en
pétrole brut et produits pétroliers.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2110 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : proposition
de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord sous forme
d'échange de lettres concernant les modifications des annexes de l'accord entre
la Communauté européenne et la Nouvelle-Zélande relatif aux mesures sanitaires
applicables au commerce d'animaux vivants et de produits animaux.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2111 et distribué.
19
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 15 octobre 2002.
A dix heures trente :
1. Discussion de la proposition de loi (n° 7, 2002-2003), adoptée par
l'Assemblée nationale, modifiant certaines dispositions du code de commerce
relatives aux mandats sociaux.
Rapport (n° 13, 2002-2003) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 14 octobre 2002, à dix-sept
heures.
A seize heures et le soir :
2. Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 406,
2001-2002) relatif aux marchés énergétiques.
Rapport (n° 16, 2002-2003) de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 14 octobre 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 14 octobre 2002, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET
DE LA DÉFENSE NATIONALE
En application de l'article 1er de la loi n° 98-567 du 8 janvier 1998, M. le président du Sénat a désigné, le 7 octobre 2002, M. Roger Romani en qualité de membre de la commission consultative du secret de la défense nationale.
CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA RÉSERVE MILITAIRE
En application du décret n° 2000-890 du 13 septembre 2000, M. le président du Sénat a désigné, le 7 octobre 2002, M. Roger Romani en qualité de membre suppléant du Conseil supérieur de la réserve militaire.
NOMINATION D'UN RAPPORTEUR
COMMISSION DES FINANCES
M. Philippe Marini a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 162
(2001-2002) de M. Philippe Marini relative à certaines adaptations du droit
boursier.
DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT D'AMENDEMENTS À DES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNES
En application de l'article 73
bis
, alinéa 6, du règlement, la
commission des affaires économiques et du Plan examinera le
jeudi 17 octobre
2002,
à
9 h 30
, le rapport sur la proposition de résolution n° 352
(2001-2002) présentée en application de l'article 73
bis
par M.
Jean-Paul Emin sur la communication de la commission et la proposition de
règlement du Parlement européen et du Conseil relatives aux promotions des
ventes dans le marché intérieur (n° E 1842).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au
mercredi 16
octobre 2002,
à
12 heures.
Les amendements devront être déposés
directement au secrétariat de la commission.
Il est rappelé que, conformément à l'article 73
bis
, alinéa 6, du
règlement, les amendements dont aucun des auteurs n'appartient à la commission
saisie au fond sont présentés devant celle-ci par leur premier signataire. La
présente publication vaut, à leur égard, convocation à la réunion de la
commission.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Politique en matière de sécurité routière
60.
- 10 octobre 2002. -
M. Jean-Marc Todeschini
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de
la mer
sur les problèmes de la sécurité routière et notamment de l'adéquation entre
les moyens et les actions. En effet, le budget de la sécurité routière
n'enregistre qu'une augmentation de 10 millions d'euros. Il s'interroge pour
savoir comment le Gouvernement peut espérer améliorer significativement la
situation sur les routes avec aussi peu de moyens : équiper les forces de
l'ordre avec des éthylotests et des éthylomètres ; vérifier les sorties des
discothèques, notamment les week-ends ; réaliser l'aménagement des points noirs
sur notre réseau routier ; assurer une meilleure formation des conducteurs ;
mettre en oeuvre un plan d'aide du Gouvernement conséquent pour les communes,
notamment pour celles qui voient des nationales ou des départementales
traverser leurs territoires et qui font de ces axes des voies mortelles pour
leurs habitants. Il rappelle qu'il est malheureusement bien placé pour évoquer
ce sujet, avec le drame qui a frappé cet été la commune de Talange, en Moselle,
dont il est l'un des élus. Il souhaiterait aussi que soient renforcés les
dispositifs juridiques à l'égard des propriétaires qui prêtent des voitures mal
entretenues et non assurées. Il souhaiterait que tout soit mis en oeuvre pour
qu'enfin la vitesse dans notre pays ne soit plus considérée comme l'un des
symboles de l'indépendance du conducteur. Pour conclure, il souhaiterait savoir
si les actes suivront vraiment les paroles et si elles ne seront pas
contredites. Il souhaiterait connaître les dispositions que compte prendre le
ministre sur ce dossier sur lequel le Gouvernement et les élus sont, tous
ensemble, redevables de leur action devant les Français, devant chaque mère,
chaque fille et fils, et chaque grand-mère et grand-père.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 10 octobre 2002
SCRUTIN (n° 3)
sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant
règlement définitif du budget de 2001.
Nombre de votants : | 313 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Pour : | 313 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Pour :
21.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
92.
N'ont pas pris part au vote :
2. - M. Christian Poncelet, président du
Sénat, et M. Serge Vinçon, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Pour :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Pour :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Pour :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Nicolas Alfonsi
Jean-Paul Amoudry
Michèle André
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Maryse Bergé-Lavigne
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Laurent Béteille
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Marie-Christine Blandin
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Joël Bourdin
Brigitte Bout
André Boyer
Jean Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Gérard Cornu
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Robert Del Picchia
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Rodolphe Désiré
Yves Detraigne
Evelyne Didier
Eric Doligé
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
François Fortassin
Thierry Foucaud
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Jean-Claude Frécon
Yves Fréville
Bernard Frimat
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Charles Gautier
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Jean-Pierre Godefroy
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Jean-Noël Guérini
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Odette Herviaux
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Journet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
André Lejeune
Serge Lepeltier
Louis Le Pensec
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Claude Lise
Gérard Longuet
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Brigitte Luypaert
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Michel Mercier
Louis Mermaz
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Jean-Marc Pastor
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Gérard Roujas
André Rouvière
Janine Rozier
Michèle San Vicente
Bernard Saugey
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
Bruno Sido
René-Pierre Signé
Daniel Soulage
Louis Souvet
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Michel Thiollière
Jean-Marc Todeschini
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
André Vantomme
Alain Vasselle
Paul Vergès
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
Henri Weber
François Zocchetto
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Hubert Durand-Chastel,
Bernard Seillier et Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : |
315 |
Nombre des suffrages exprimés : |
315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : |
158 |
Pour : | 315 |
Contre : | 0 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.