SEANCE DU 8 OCTOBRE 2002
MESSAGE DE SYMPATHIE
AU MAIRE DE PARIS
M. le président.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer, au nom du
Sénat tout entier, notre émotion et notre indignation face à l'agression dont a
été victime, dans la nuit de samedi à dimanche, à l'hôtel de ville de Paris, M.
Bertrand Delanoë.
M. le président du Sénat a d'ores et déjà envoyé un message d'amicale
sympathie au maire de Paris.
En notre nom à tous, j'exprime à notre ancien collègue notre profonde émotion
et notre entière solidarité. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du RDSE.)
La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, je tiens à vous remercier de vos propos qui soulignent
la gravité de l'agression qu'a subie notre ami Bertrand Delanoë dans la nuit de
samedi à dimanche, à l'hôtel de ville, alors que se déroulait une fête qui a
réuni des centaines de milliers de Parisiens. Cette agression met l'accent, une
fois de plus, sur les risques que courent les hommes politiques, à l'instar de
Bertrand Delanoë, lorsqu'ils refusent toute protection. Je ne suis pas sûr
d'ailleurs qu'une protection quelconque aurait empêché une telle agression.
Vous vous êtes exprimé, monsieur le président, au nom du Sénat tout entier,
bien que je constate plutôt l'absence de nos collègues sur les travées de la
majorité du Sénat. Mais peu importe, et je sais gré à M. le président du Sénat
de son message d'amitié.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
Monsieur Estier, nous partageons tous les préoccupations d'ordre général que
vous venez d'exprimer à propos de la protection des élus.
En cet instant, je tiens à vous assurer que, même si l'hémicycle est
inégalement rempli, les sentiments que M. le président du Sénat a exprimés sont
unanimement partagés par le Sénat de la République française.
(Applaudissements.)
M. Michel Charasse.
Et de président de l'Association des maires de France !
M. le président.
Mon cher collègue, il était de mon devoir, et je l'ai fait spontanément dès
dimanche matin, d'adresser ce même message de solidarité et mes voeux de prompt
rétablissement, au nom de tous les maires de France, à notre ancien collègue,
M. Bertrand Delanoë. C'était là certes mon devoir mais je l'ai fait aussi avec
toute la conviction dont, en des instants pareils, nous sommes capables.
(Applaudissements.)
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite.
Je veux m'associer au message de sympathie que M. le président vient
d'adresser au groupe socialiste et dire à ce dernier combien nous-mêmes,
membres du groupe communiste républicain et citoyen, avons été émus lorsque
nous avons appris, dans la nuit, que le maire de Paris avait été victime d'un
coup de couteau qui visait - il faut dire les choses telles qu'elles sont - à
le tuer.
Je lui ai adressé un message par l'intermédiaire de sa secrétaire. Mais
au-delà de l'amitié et de la solidarité, si nécessaires dans de telles
circonstances, ne devrions-nous pas réfléchir à la signification de tels
événements ? Après les huits morts à Nanterre, la tentative de tirer sur le
Président de la République le 14 juillet dernier et, aujourd'hui, la tentative
d'assassinat du maire de la capitale, il me paraîtrait insuffisant de se
limiter à une réflexion sur une meilleure protection des élus, ou de se limiter
à une compassion et d'ajouter, dans le cas de Nanterre, « le tueur est un fou
», et pour M. Bertrand Delanoë « l'agresseur est un homophobe ».
Raisonner ainsi revient à clore le débat. Or il s'agit d'un immense problème
politique qui interpelle la nation tout entière et nous devons le traiter comme
tel. Notre assemblée, dont M. Bertrand Delanoë a été membre, n'est-elle pas
naturellement désignée pour mener une réflexion en commun sur cette question,
sous une forme qui reste à définir ?
Je pense au livre
Temps Machine
, de François Bon, où je lis : « La
maladie qui gagne, c'est celle de notre vengeance de mains noires parce qu'ils
ne savent plus quoi faire de nous. » Nous côtoyons des personnes qui ne vivent
plus comme nous, qui n'ont plus aucune perspective et qui, victimes de
défaillances dues par exemple à la folie, peuvent se livrer à des actes
extrêmement violents. Mais, comme l'écrivait Antonin Artaud, « un fou, c'est
aussi quelqu'un qui dit des vérités que la société ne veut pas entendre ».
Nous devrions analyser cette question en profondeur, auditionner des
psychiatres. Je dirais par exemple qu'il y a une confusion entre élus et
citoyens en désarroi, une déresponsabilisation...
Je traduis là quelque chose de très profond dans mon coeur et dans mon
corps.
Je pense aussi au film d'Ingmar Bergman, intitulé
L'OEuf du serpent
et
que cela soit dit sans aucune comparaison avec la période de 1930. Mais dans ce
film Berlin était en fête et « M. le Maudit » était en marche. Je dis bien
qu'il n'y a aucune comparaison, sauf celle que la fiction peut nous
suggérer.
Nous nous devons de travailler sur cette question. Nous nous montrerions des
élus de haut niveau de civilisation si, à l'occasion de ce drame qui frappe un
homme et notre capitale, nous allions plus loin que la si légitime solidarité -
et je partage vos propos, monsieur le président - avec Bertrand Delanoë.
(Applaudissements.)
M. le président.
Mes chers collègues, l'heure est à l'émotion et à la solidarité. Elle ne nous
dispensera pas d'engager une réflexion.
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