SEANCE DU 26 JUILLET 2002
M. le président.
« Art. 29. - Après le 6° de l'article L. 33-3 du code des postes et
télécommunications, il est ajouté un 7° ainsi rédigé :
«
7°
Les installations radioélectriques permettant de rendre inopérants
dans l'enceinte des établissements pénitentiaires, tant pour l'émission que
pour la réception, les téléphones mobiles de tous types. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
Avec cet article, nous abordons le titre relatif aux établissements
pénitentiaires, qui résume bien l'ambition du Gouvernement en la matière :
permettre d'incarcérer davantage.
On est bien loin des rapports parlementaires rédigés lors de la précédente
législature, qui fixaient pour objectif de mettre fin à cette « humiliation
pour la République » que constitue la réalité de l'univers carcéral.
Je me suis replongé dans la lecture de ces rapports, que je continue de
trouver excellents. Aussi, quand j'ai relevé la tête pour entendre les
satisfecit
que s'accorde la nouvelle majorité, ai-je pensé, je dois le
dire, que la démocratie parlementaire était en net recul : en effet, on ne
trouve pas un mot dans le rapport de la commission pour déplorer le manque
d'ambition du projet de loi, pas une phrase pour rappeler cette vérité
d'évidence, sur laquelle pourtant s'était focalisée la commission d'enquête
présidée par notre collègue Jean-Jacques Hyest, que l'inflation carcérale ne
résout aucun problème. C'est donc l'utilité même des travaux du Parlement qui
est remise en question.
Je me rappelle pourtant que, en juin 2001, lorsque nous avions limité le
recours à la détention provisoire et préconisé l'encellulement individuel, qui
entrera en vigueur en juin prochain, nous avions tous en tête ce rapport et les
visites réalisées par nos collègues.
L'un de nos rapporteurs a demandé solennellement au Gouvernement, hier matin,
de femer le quartier des mineurs de la prison de Lyon. Est-ce à cela que se
restreint aujourd'hui notre ambition ?
On a vu quel sort a été réservé à la proposition de loi élaborée par MM. Hyest
et Cabanel. On parlait alors de contrôle extérieur des prisons, de malades en
fin de vie, « dans l'attente de l'élaboration d'un texte redéfinissant le sens
de la peine et les missions de l'administration pénitentiaire », selon les
propres mots du rapporteur du texte.
C'est bien parce que nous estimions alors que ces dispositions étaient
positives que nous voterons les amendements présentés par le groupe socialiste
et visant à réintroduire dans ce projet de loi certaines des mesures que
prévoyait la proposition de loi que nous avions votée.
Vraiment, je le dis avec une grande tristesse : je constate que l'on
s'engouffre à nouveau dans l'impasse, pourtant dénoncée en son temps sur toutes
les travées, d'une stratégie fondée exclusivement sur un plus large recours à
l'incarcération, sans que la question même du sens de la peine soit évoquée.
Mais peut-être M. le ministre va-t-il invoquer la nécessité de se donner du
temps et de réfléchir à cette question ?...
Plus grave encore, il est très symptomatique de relever que le bracelet
électronique est considéré non plus comme une solution de rechange à la prison,
mais comme une modalité de contrôle judiciaire,.
De même, l'objectif de réinsertion des détenus est complètement ignoré, comme
l'indiquent tous les nouveaux modes de répartition des détenus, ainsi que le
sort réservé aux amendements de M. Loridant visant le travail en prison.
Même la question de l'hospitalisation des malades mentaux, qui correspond en
quelque sorte à l'affichage humaniste de votre texte, n'est pas traitée de
façon aussi simple que vous voulez bien nous le dire, monsieur le ministre :
au-delà du fait que les psychiatres sont très divisés sur le sujet,
l'exportation de l'univers carcéral n'est pas sans poser problème.
Enfin, la question de l'évolution du détenu au cours de la peine n'est pas
évoquée.
Pour toutes ces raisons, et pour bien d'autres encore, nous rejetterons
l'ensemble des articles de ce titre.
M. le président.
L'amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Pelchat, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 29 :
« I. - Le 6° de l'article L. 33-3 du code des postes et télécommunications est
abrogé.
« II. - Après l'article L. 33-2 du même code, il est inséré un article ainsi
rédigé :
«
Art. L. 33-2-1.
- L'établissement d'installations radioélectriques
permettant de rendre inopérants les téléphones mobiles est autorisé dans des
conditions définies par décret en Conseil d'Etat lorsque, à titre exceptionnel,
et pour des motifs impérieux tirés de la nécessité de prévenir ou de faire
cesser une atteinte à l'ordre public, ils doivent être mis en place dans
certains lieux. Les prescriptions techniques nécessaires à la mise en oeuvre de
telles installations sont précisées en tant que de besoin, dans les conditions
prévues à l'article L. 36-6. »
« III. - Dans le cinquième alinéa (4°) de l'article L. 36-6 du même code, les
mots : "mentionnés à l'article L. 33-3" sont remplacés par les mots :
"mentionnés aux articles L. 33-2-1 et L. 33-3". »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 194, présenté par M. Estier et les membres du groupe
socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'article 29 pour le 7° de l'article L. 33-3 du
code des postes et télécommunications, remplacer les mots : "l'enceinte" par
les mots : "les cellules". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mes collègues m'excuseront, je l'espère de prendre encore une fois la parole !
Tout à l'heure, j'ai dit que je serais bref, et certains d'entre eux ont paru
s'en amuser ! Je souligne que M. le président, qui a toujours la possibilité,
prévue par le règlement, d'autoriser quelqu'un à dépasser son temps de parole,
n'a jamais eu, en ce qui me concerne, l'occasion de le faire depuis ce
matin.
M. Jean Chérioux.
Ce n'était pas le même, ce matin !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Lorsque je dis que je serai bref, c'est que je serai bref.
Notre amendement a simplement pour objet d'attirer l'attention sur un point.
Tout le monde nous dit, et notamment le Gouvernement, qu'il faut rendre
inopérante l'utilisation des téléphones mobiles dans les prisons car de
nombreux détenus organisent leur évasion grâce à ce moyen. Bien évidemment, il
faut le faire !
J'ai été surpris de lire dans le rapport annexé qu'il faut le faire dans les
cinq ans. A mon avis, il faut le faire tout de suite. Peut-être ne sait-on pas
encore comment procéder. Si tel est le cas, cinq ans ne suffiront peut-être
pas. En tout cas - et nous voulons attirer l'attention du Sénat sur ce point -
il serait gênant que les gardiens de prison soient punis en ne pouvant pas, eux
aussi, utiliser leur téléphone mobile. Aussi ne pourrait-on pas faire en sorte
que seules les cellules se trouvent isolées, si je puis dire, pour que les
téléphones mobiles ne fonctionnent pas à l'intérieur mais pour qu'ils puissent
être utilisés dans les parties communes et dans les bureaux ? C'est pourquoi
nous proposons de remplacer le mot « enceinte » par le mot « cellules ». Il
faut penser certes aux prisonniers, mais aussi aux membres du personnel
pénitentiaire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission considère que la mise en place de brouilleurs
de téléphones mobiles soulève, évidemment, des difficultés de confinement. Il
n'est donc pas certain que le brouillage puisse être effectivement limité aux
cellules. Du reste, une telle limitation ne semble pas souhaitable dans la
mesure où il s'avère nécessaire de neutraliser les téléphones mobiles en tout
lieu de l'établissement pénitentiaire. La technique permet, semble-t-il, de ne
brouiller que certaines fréquences, ce qui laisserait passer les appels
d'urgence. Cela est de nature à apaiser le souci qui a pu être exprimé à cet
égard. Il serait donc préférable que vous retiriez cet amendement, monsieur
Dreyfus-Schmidt, sinon la commission émettra un avis défavorable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est mobilier le téléphone portable !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice.
Monsieur
Dreyfus-Schmidt, le problème est un tout petit peu plus compliqué. En effet, il
est aujourd'hui difficile, techniquement, de confiner le brouillage.
Mme Paulette Brisepierre.
Absolument !
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Notre premier souci, pardonnez-moi de vous le dire,
est non pas de distinguer la cellule de la cour, mais de faire en sorte que le
brouillage s'arrête aux limites du mur d'enceinte. Si, dans une ville où il
existe un établissement pénitentiaire, les voisins de cet établissement ne
pouvaient pas utiliser leur téléphone mobile, ce ne serait pas normal. La
complexité technique que nous rencontrons justifie que ce soit bien sur cinq
ans que nous prenions la mesure de cette affaire, étant entendu aussi que ce
sera très coûteux et que nous ne voulons pas installer des appareils qui
seraient dépassés dans les mois à venir. Il s'agit donc de quelque chose de
délicat et, en l'état actuel de la technique, il est quasiment impossible de
distinguer la cellule du reste de l'établissement, comme l'a dit M. le
rapporteur.
J'ajouterai que l'on peut préparer son évasion ailleurs que dans sa cellule.
Il est clair qu'aujourd'hui le téléphone mobile est un outil très performant,
si j'ose dire, pour ce faire.
Je cite simplement deux chiffres : voilà trois ans, une trentaine de
téléphones mobiles furent saisis ; cette année, plus de 300 l'ont été. Une
telle explosion justifie que nous prenions cette mesure.
Compte tenu des précisions que je viens d'apporter, il serait de bonne
politique de retirer cet amendement. A défaut, le Gouvernement émettra un avis
défavorable.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'amendement n° 194 est-il maintenu ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'y a pas urgence, puisqu'il paraît qu'il faudra, hélas ! très longtemps
pour résoudre ce problème. Toutefois, il serait bon que le Gouvernement - quand
je dis « le Gouvernement », je veux dire M. le garde des sceaux et M. le
secrétaire d'Etat chargé de l'immobilier, encore que, en l'occurrence, il
s'agisse de mobilier - accepte de laisser dans les bureaux, dans la mesure du
possible, l'usage du téléphone mobile au personnel. Isoler la cour me paraît en
effet très difficile. Si tel est le cas, je retirerai mon amendement, sinon, je
le maintiendrai.
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Le personnel a tout loisir d'utiliser un téléphone en
cas d'urgence, y compris pour des besoins personnels, mais, bien sûr, pas de
façon courante et exagérée.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, qu'en est-il, en définitive, de l'amendement n° 194
?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 194 est retiré.
L'amendement n° 102, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'article 29 pour le 7° de l'article L. 33-3 du
code des postes et télécommunications, remplacer les mots : "téléphones
mobiles" par les mots : "appareils de communication ou de télécommunication
mobile".»
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Je souhaiterais dire quelques mots avant d'aborder l'amendement n° 102.
Jusqu'au système Radiocom 2000, on pouvait écouter les téléphones portables de
l'époque avec un simple scanner. Puis sont apparus les téléphones de la
génération actuelle, que nous avons dans les poches.
En 1993-1995, l'Etat, le gouvernement de l'époque - vous deviez appartenir à
ce gouvernement, monsieur le garde des sceaux - a dépensé trente millions de
francs, avec le concours du secrétariat général de la défense national, et on a
enfin réussi à mettre les nouveaux portables sur écoute téléphonique. Donc, on
peut les écouter.
(Rires sur les travées du RPR.)
Cela signifie qu'en
attendant de trouver le sujet mirifique, rien n'interdit d'installer des tables
d'écoute au greffe de la prison pour savoir qui téléphone et pour quoi faire.
(Mme Borvo rit.)
Je vous le signale au passage - service gratuit !
Quant à la manière de régler le problème technique, je vous suggère de saisir
à nouveau, comme cela avait été fait en 1993-1995, le secrétariat général de la
défense nationale, car les militaires ont au moins l'avantage de ne se faire
pas exagérément des noeuds au cerveau en ce qui concerne les droits de l'homme
(Rires)
et d'être assez expéditifs. En effet, si on avait confié cette
mission aux civils, on n'aurait toujours pas trouvé le moyen d'écouter les
portables actuels.
J'en viens à mon amendement. Il est très simple. La technique évolue très
vite, tout le monde le sait. Aujourd'hui, on appelle ça téléphones portables ou
téléphones mobiles. Demain, ça s'appellera sans doute autrement, et peut-être
que le terme même de « téléphone » disparaîtra. C'est pourquoi je propose de
remplacer les mots « téléphones mobiles » par « appareils de communication ou
de télécommunication mobiles », de façon à garantir l'avenir. Mes chers
collègues, la liberté de communiquer est une liberté absolue, et il ne peut pas
y être porté atteinte, sauf dans les cas prévus par la loi. Si un jour on
attrape quelqu'un qui communique avec autre chose qu'un téléphone portable,
mais avec le même effet et dans le même but, aucun juge ne sanctionnera ce
genre de chose, s'il devait y avoir lieu à sanction puisque ce ne sera pas
prévu par la loi. En revanche, si on essaie de prévoir une expression plus
large, à mon avis, on balaie un peu plus largement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La rédaction de l'article 29 reprend celle qui a été retenue
pour la neutralisation des téléphones mobiles dans les salles de spectacle. Il
n'est pas souhaitable de faire figurer dans la loi des expressions différentes,
d'autant que le qualificatif « de tous types » est suffisamment large. Pour
autant, et par précaution, si l'auteur de l'amendement acceptait de remplacer
les mots « téléphones mobiles » par les mots « appareils de télécommunication
mobiles », la commission pourrait émettre un avis favorable.
M. le président.
Monsieur Charasse, acceptez-vous de modifier ainsi votre amendement ?
M. Michel Charasse.
Je propose les mots « appareils de télécommunication mobiles de tous types »,
puisqu'il y avait « de tous types » dans le texte du Gouvernement.
M. Jean Bizet.
Cela paraît rationnel.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 102 rectifié, présenté par M. Charasse,
et ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'article 29 pour le 7° de l'article L. 33-3 du
code des postes et télécommunications, remplacer les mots : "téléphones mobiles
de tous types" par les mots : "appareils de télécommunication mobiles de tous
types". »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Dans ces conditions, la commission émet un avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, l'expression « appareils de
télécommunication mobiles de tous types » emporte l'adhésion totale du
Gouvernement. Nous remercions la Haute Assemblée, et en particulier M. Michel
Charasse, de nous avoir ainsi aidés à préciser cette disposition.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 102 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 29, modifié.
(L'article 29 est adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives à l'hospitalisation
des personnes détenues atteintes de troubles mentaux
Article 30