SEANCE DU 26 JUILLET 2002
Article 8 additionnels après l'article 24.
M. le président.
L'amendement n° 94 rectifié, présenté par M. Charasse, et ainsi libellé :
« Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 175 du code de procédure pénale, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L...
- En matière de délits de toute nature, sauf pour la
prévention, la recherche et la répression des mauvais traitements, sévices ou
privations infligés à des mineurs, des infractions portant gravement atteinte à
la santé ou à la sécurité des personnes, de celles entrant dans le champ
d'application des articles 706-16 et 706-26 et de celles concernant les
intérêts fondamentaux de la nation, lorsque l'instruction n'est pas achevée
dans un délai de cinq ans, le dossier est transmis, en l'état, au tribunal
correctionnel, qui dispose d'un délai maximum d'une année pour statuer, sans
pouvoir demander de complément d'information.
« Si, à l'issue de ce dernier délai, le tribunal n'a pas statué, l'affaire est
classée. Dans le cas contraire, si la cour d'appel est saisie, elle doit
elle-même statuer dans un délai maximum de six mois sans pouvoir ordonner aucun
complément d'information. A défaut de statuer dans ce délai, le jugement du
tribunal correctionnel est définitif sauf saisine de la Cour de cassation qui
doit se prononcer dans les trois mois. A défaut, le jugement est réputé cassé
sans renvoi. En cas de cassation, la cour de renvoi doit statuer dans le mois.
A défaut, le jugement est réputé cassé sans renvoi. Lorsque l'arrêt de la cour
de renvoi fait l'objet d'un pourvoi en cassation, la cour doit statuer dans le
mois. A défaut, le jugement est réputé cassé sans renvoi. Si l'arrêt de la cour
de renvoi est lui-même cassé, la nouvelle cour de renvoi doit statuer dans le
mois.
« A défaut, le jugement est réputé cassé. Si l'arrêt de la seconde cour de
renvoi est soumis à la Cour de cassation, celle-ci doit statuer dans le mois. A
défaut, le jugement est réputé cassé sans renvoi.
« L'action civile se poursuit normalement. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
L'un des objectifs du Gouvernement, d'après ce que nous a dit et répété M. le
garde des sceaux et d'après ce qui est écrit à plusieurs reprises dans ce
projet de loi, est d'accélérer les procédures judiciaires. Car, il faut bien, à
un moment ou à un autre, arriver à la sanction.
Or toutes les mesures qui ont été mises en oeuvre dans le passé et qui peuvent
l'être aujourd'hui permettent d'accélérer les choses un peu du côté du parquet,
un peu au niveau de l'inscription au rôle ou de la formation de jugement, mais
je constate qu'on ne peut rien faire en ce qui concerne les délais
d'instruction.
Si la France est si fréquemment condamnée à Strasbourg pour procès
inéquitable, c'est généralement parce que le délai de sept ans fixé par la Cour
européenne dans sa jurisprudence a été dépassé du fait d'une instruction
interminable.
Nous connaissons tous un certain nombre de ces grosses affaires très
compliquées, dont on ne viendra jamais à bout, même en mobilisant tous les
juges d'instruction de France et de Navarre pendant cinquante ans !
Cet amendement est, lui aussi, un amendement d'appel, car je n'ai pas la
prétention de régler ce problème aujourd'hui, et le système que je propose est
sans doute un peu radical. Je voudrais simplement que M. le garde des sceaux
nous dise ce qu'il peut essayer de faire ou ce qu'il souhaite faire en ce qui
concerne les instructions.
Là encore, bien sûr, je ne vise pas les affaires les plus graves. Ce qui n'est
pas normal c'est que, pour des affaires d'importance moindre, les tribunaux
fassent n'importe quoi, se prennent les pieds dans le tapis, traînent et que,
au bout de sept ans, ce soit la France qui se trouve condamnée à Strasbourg.
Car ce ne sont jamais les juges qui ont commis l'erreur qui sont condamnés ! Au
demeurant, je ne vois pas comment ils pourraient l'être.
Hier encore, dans l'affaire Papon, la France a été condamnée parce que la Cour
de cassation a voulu s'ériger en petit juge de proximité dans un secteur donné
et appliquer des sanctions qui n'étaient pas prévues par la loi en disant : «
Puisque l'accusé n'est pas là, je le sanctionne en inventant un droit de
sanction à mon profit. »
Je propose donc que, quand une instruction dure plus de cinq ans et qu'il
s'agit d'une affaire pénale, il soit entendu qu'elle s'arrête, que le dossier
est transmis en l'état au tribunal correctionnel, lequel a un an pour juger. Si
des recours sont formés, ils doivent être réglés dans les dix-huit mois qui
suivent.
Bien entendu, les mêmes délais ne seraient pas imposés à l'action civile, de
façon que celle-ci puisse se poursuivre normalement.
J'ai posé la question en commission, lors de l'audition de M. le garde des
sceaux. Je serais très intéressé de connaître l'opinion du Gouvernement, étant
entendu que, dans tout ce qui touche aux juges d'instruction, je le sais bien,
rien n'est jamais facile. A un moment donné, il faut bien leur appliquer des
règles puisqu'ils jugent en vertu de la loi et non d'un certain nombre de
considérations personnelles ! Il faut savoir leur imposer des règles !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
J'ai cru comprendre que M. Charasse était davantage intéressé
par l'avis du Gouvernement.
M. Michel Charasse.
Par celui de la commission aussi !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je pense tout de même préférable de laisser s'exprimer
d'abord M. le garde des sceaux.
M. le président.
Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
M. Charasse pose beaucoup de bonnes questions, mais les
réponses ne sont pas toujours simples.
Nous pouvons tous regretter la lenteur d'un certain nombre d'instructions.
Cela dit, cette lenteur ne résulte pas toujours exclusivement du manque de
diligence du magistrat. Elle peut aussi être imputée - je le dis avec la
retenue qui s'impose - à l'action des parties.
Une première réponse est contenue dans le présent texte : c'est celle qui
tient aux moyens que nous prévoyons d'accorder aux magistrats, à leurs
collaborateurs, ainsi qu'à la police et la gendarmerie. L'ensemble des moyens
que la nation met au service de la justice est certainement le meilleur facteur
d'accélération.
Monsieur le sénateur, vous l'avez dit : les juges d'instruction sont
indépendants, et c'est très bien ainsi. Mais il faut aussi que, dans la
collaboration entre parquet et juge d'instruction, un suivi plus strict des
calendriers soit assuré par les parquets. Ceux-ci sont souvent submergés et ne
font pas toujours ce suivi autant qu'il serait nécessaire. C'est une autre voie
susceptible d'être empruntée pour répondre à la question que vous soulevez.
Je reconnais que ma réponse n'est sans doute pas à la hauteur de la
problématique que vous avez posée, mais je reste convaincu que ce que nous
apportons aujourd'hui en termes de moyens constitue la meilleure solution qui
soit à notre portée.
M. le président.
Monsieur Charasse, retirez-vous votre amendement ?
M. Michel Charasse.
C'est un sujet délicat, et M. le garde des sceaux l'a dit. Il faut cependant
appeler l'attention de la Cour de Strasbourg sur ce sujet délicat ! Car la
cour, elle, n'entre pas dans tous ces détails. Elle dit : cela traîne depuis
sept ans et je condamne la France.
Il est insupportable que notre pays soit condamné constamment et mis, en
quelque sorte, au banc des nations du monde de la liberté, qu'il soit considéré
comme l'un des pays où la liberté est la moins bien respectée ou garantie.
De toute façon, étant donné que nous sommes constamment menacés de
condamnation, il va bien falloir faire quelque chose !
Je ne vais pas plus loin, monsieur le président. Tout le monde m'a compris :
je ne suis pas content, eux non plus et je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 94 rectifié est retiré.
L'amendement n° 132, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
« Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 706 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« 1° Au début du premier alinéa, les mots : "Peuvent exercer des fonctions
d'assistant spécialisé" sont remplacés par les mots : "Peuvent être affectés en
qualité de conseiller technique".
« 2° Le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les conseillers techniques participent, sous leur direction et leur
contrôle, à l'activité des magistrats auprès desquels ils sont placés.
« Ils assistent les magistrats du ministère public dans l'exercice des
pouvoirs qu'ils tiennent de la loi et les juges d'instruction dans tous les
actes d'information.
« A la demande de ces magistrats, ils peuvent :
« - mettre en oeuvre les pouvoirs que ces magistrats tiennent de l'article
132-22 du code pénal ;
« - participer, quel que soit le cadre procédural, aux auditions,
interrogatoires et confrontations réalisés par ces magistrats ou, sur
instructions de ceux-ci, par les enquêteurs ;
« - participer, dans les mêmes circonstances et sous les mêmes conditions, aux
perquisitions opérées par ces magistrats ou, sur instructions de ceux-ci, par
les enquêteurs.
« La participation des conseillers techniques aux actes de la procédure est
mentionnée dans les procès-verbaux correspondants.
« Dans le cadre de leurs attributions, ils peuvent rédiger et signer des notes
écrites qui sont versées au dossier.
« Les conseillers techniques ont compétence dans les limites territoriales des
juridictions auprès desquelles ils sont affectés et peuvent accompagner les
magistrats lorsqu'ils se déplacent hors de leur ressort. Ils peuvent également,
en cas d'urgence et sur réquisition expresse de ceux-ci, exécuter les missions
ci-dessus énumérées sur l'ensemble du territoire national.
« 3° Dans le dernier alinéa, les mots : "les assistants spécialisés" sont
remplacés par les mots : "les conseillers techniques".
« II. - Dans le II de l'article 706-2 du code de procédure pénale, les mots :
"d'assistant spécialisé" sont remplacés par les mots : "de conseiller
techniques". »
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat.
Cet amendement n° 132 reprend l'une des recommandations du rapport de la
mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, et il concerne
les assistants spécialisés.
Son premier objet est secondaire puisqu'il s'agit d'un changement de nom qui
éviterait toute confusion entre les assistants spécialisés et les assistants de
justice. Les premiers sont des fonctionnaires détachés au ministère de la
justice et mis à la disposition de celui-ci en raison de leurs compétences. Les
seconds sont, pour la plupart, des étudiants travaillant à temps partiel pour
une durée relativement limitée dans le temps.
Le second objectif, en revanche, est plus important. Il s'agit de renforcer
les compétences des assistants spécialisés pour leur permettre d'être aussi
efficaces que possible. Certes, ils sont d'ores et déjà efficaces, mais ils
manquent de moyens pour arriver au degré optimal.
Lors de notre mission d'information, nous avons ressenti au contact des
réalités, en visitant des pôles de compétences, un véritable besoin dans ce
domaine, exprimé tant par les magistrats que par les assistants spécialisés
eux-mêmes, qui sont issus de différents secteurs ministériels comme les
finances, les douanes ou la répression des fraudes, par exemple. Or vous savez
que le grand banditisme connaît toutes les subtilités qui permettent d'échapper
à la loi. Il faut donc que les différents pôles de compétences, notamment les
pôles économique et financier, soient en mesure de pouvoir contrer ce grand
banditisme.
Mais ces fonctionnaires, lorsqu'ils sont mis à la disposition du ministère de
la justice, se voient attribuer des compétences moindres que celles qu'ils
avaient dans leur ministère d'origine et ils ne peuvent plus établir un certain
nombre d'actes dont ils avaient la responsabilité auparavant, leur nouveau
statut ne le leur permettant plus. Il convient de combler cette lacune, comme
l'a d'ailleurs souhaité la mission d'information.
J'ai cru comprendre, lors du débat d'hier soir, que M. le garde des sceaux
avait entendu le message. Ses déclarations ont été très claires : il faut
améliorer le dispositif, mais il faut le revoir dans sa globalité et ne pas se
limiter à ce qui est proposé dans mon amendement.
Si j'ai bien compris - en espérant n'être pas infirmé - le ministère de la
justice envisage d'étudier à fond ces questions. Pour mener cette étude, il lui
faut un peu de temps. Il ne souhaite donc pas que soit adoptée une proposition
qui ne couvrirait pas l'ensemble de la problématique.
Dans ces conditions, il est sage de retirer cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 132 est retiré.
Chapitre III
Dispositions relatives au jugement des délits
Section 1
Dispositions relatives à la procédure
de comparution immédiate
Article 25