SEANCE DU 26 JUILLET 2002
M. le président.
« Art. 23. - I. - Il est inséré après l'article 148-1 du code de procédure
pénale un article 148-1-A ainsi rédigé :
«
Art. 148-1-A
. - Si le juge d'instruction ou le juge des libertés et
de la détention ordonne la mise en liberté de la personne mise en examen alors
que le procureur de la République avait pris des réquisitions s'opposant à
cette mise en liberté, l'ordonnance est alors immédiatement communiquée au
procureur de la République. Ce magistrat la retourne sans délai au juge des
libertés et de la détention ou au juge d'instruction s'il n'entend pas
s'opposer à la mise en liberté de la personne. Dans le cas contraire, il forme
appel sans délai de la décision devant le greffier du juge des libertés et de
la détention ou du juge d'instruction, en saisissant le président de la chambre
de l'instruction d'un référé-détention dans les conditions prévues par
l'article 187-3. Dans ce dernier cas, la personne mise en examen en est avisée
en même temps que lui est notifiée l'ordonnance, qui ne peut être mise à
exécution, la personne restant détenue tant que n'est pas intervenue la
décision du président de la chambre de l'instruction et, lorsqu'il est fait
droit aux réquisitions du procureur de la République, celle de la chambre de
l'instruction. »
« II. - Il est inséré après l'article 187-2 du même code un article 187-3
ainsi rédigé :
«
Art. 187-3
. - Dans le cas prévu par l'article 148-1-A, en cas
d'appel d'une ordonnance de mise en liberté rendue par le juge d'instruction ou
le juge des libertés et de la détention, le procureur de la République peut, si
l'appel est formé sans délai après la notification de l'ordonnance, demander au
président de la chambre de l'instruction ou, en cas d'empêchement, au magistrat
qui le remplace, de déclarer cet appel suspensif. Cette demande doit, à peine
d'irrecevabilité, être formée en même temps que l'appel. Le procureur de la
République joint à sa demande les observations écrites justifiant le maintien
en détention de la personne. La personne mise en examen ou son avocat peuvent
également présenter toutes les observations écrites qu'ils jugent utiles.
« Le président de la chambre de l'instruction ou le magistrat qui le remplace
statue au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la demande. Pendant
cette durée, les effets de l'ordonnance de mise en liberté sont suspendus et la
personne reste détenue. A défaut pour le magistrat de statuer dans ce délai, la
personne est immédiatement remise en liberté.
« Le président de la chambre de l'instruction ou le magistrat qui le remplace
statue au vu des éléments du dossier de la procédure, par une ordonnance
motivée qui n'est pas susceptible de recours. A sa demande, l'avocat de la
personne mise en examen peut présenter des observations orales devant ce
magistrat, lors d'une audience de cabinet dont est avisé le ministère public
pour qu'il y prenne, le cas échéant, ses réquisitions.
« Si le président de la chambre de l'instruction ou le magistrat qui le
remplace estime, au vu des dispositions de l'article 144, que la personne doit
rester détenue jusqu'à ce que la chambre de l'instruction statue sur l'appel du
ministère public, il ordonne la suspension des effets de l'ordonnance de mise
en liberté jusqu'à cette date.
« Dans le cas contraire, il ordonne la mise en liberté de la personne.
« Les dispositions du dernier alinéa de l'article 187-1 sont applicables à la
procédure prévue par le présent article. »
« III. - Le deuxième alinéa de l'article 148-2 du même code est remplacé par
les dispositions suivantes :
« Lorsque la personne détenue n'a pas encore été jugée en premier ressort, la
juridiction saisie statue dans les dix jours ou les vingt jours de la demande,
selon qu'elle est du premier ou du second degré. Lorsque la personne a déjà été
jugée en premier ressort et qu'elle est en instance d'appel, la juridiction
saisie statue dans les deux mois de la demande. Lorsque la personne a déjà été
jugée en second ressort et qu'elle a formé un pourvoi en cassation, la
juridiction saisie statue dans les quatre mois de la demande.
« Toutefois, lorsqu'au jour de la réception de la demande il n'a pas encore
été statué soit sur une précédente demande de mise en liberté ou de mainlevée
de contrôle judiciaire, soit sur l'appel d'une précédente décision de refus de
mise en liberté ou de mainlevée du contrôle judiciaire, les délais prévus
ci-dessus ne commencent à courir qu'à compter de la décision rendue par la
juridiction compétente. »
« IV. - Au début du deuxième alinéa de l'article 183 du même code, la
référence à l'article 145, premier alinéa est remplacée par une référence à
l'article 137-3, deuxième alinéa.
« V. - Le cinquième alinéa de l'article 199 du même code est complété par une
phrase ainsi rédigée :
« Si la personne a déjà comparu devant la chambre de l'instruction moins de
quatre mois auparavant, le président de cette juridiction peut, en cas d'appel
d'une ordonnance rejetant une demande de mise en liberté, refuser la
comparution personnelle de l'intéressé par une décision motivée qui n'est
susceptible d'aucun recours. »
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 186, présenté par M. Estier et les membres du groupe
socialiste, apparentés et ratachée, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 23. »
L'amendement n° 57, présenté pazr M. Schosteck, au nom de la commission des
lois, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit les I et II de l'article 23 :
« I. - Il est inséré après l'article 148 du code de procédure pénale un
article 148-1-1 ainsi rédigé :
«
Art. 148-1-1. -
Lorsqu'une ordonnance de mise en liberté d'une
personne placée en détention provisoire est rendue par le juge des libertés et
de la détention ou le juge d'instruction contrairement aux réquisitions du
procureur de la République, cette ordonnance est immédiatement notifiée à ce
magistrat. Pendant un délai de quatre heures à compter de la notification de
l'ordonnance du procureur de la République, et sous réserve de l'application
des dispositions du troisième alinéa du présent article, la personne mise en
examen ne peut être remise en liberté et cette décision ne peut être adressée
pour exécution au chef de l'établissement pénitentiaire.
« Le procureur de la République peut interjeter appel de l'ordonnance devant
le greffier du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction,
en saisissant dans le même temps le premier président de la cour d'appel d'un
référé-détention, conformément aux dispositions de l'article 187-3 ; l'appel et
le référé-détention sont mentionnés sur l'ordonnance. La personne mise en
examen et son avocat en sont avisés en même temps que leur est notifiée
l'ordonnance, qui ne peut être mise à exécution, la personne restant détenue
tant que n'est pas intervenue la décision du premier président de la cour
d'appel et, le cas échéant, celle de la chambre de l'instruction. La personne
mise en examen et son avocat sont également avisés de leur droit de faire des
observations écrites devant le premier président de la cour d'appel. Faute pour
le procureur de la République d'avoir formé un référé-détention, dans un délai
de quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance de mise en
liberté, celle-ci, revêtue d'une mention du greffier indiquant l'absence de
référé-détention, est adressée au chef d'établissement pénitentiaire et la
personne est mise en liberté sauf si elle est détenue pour autre cause.
« Si le procureur de la République estime ne pas avoir à s'opposer à la mise
en liberté immédiate de la personne, et sans préjudice de son droit de former
ultérieurement appel dans le délai prévu par l'article 185, il retourne
l'ordonnance au magistrat qui l'a rendue en mentionnant sur celle-ci qu'il ne
s'oppose pas à sa mise à exécution. La personne est alors mise en liberté, si
elle n'est pas détenue pour autre cause. »
« II. - Il est inséré après l'article 187-2 du même code un article 187-3
ainsi rédigé :
«
Art. 187-3. -
Dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article
148-1-1, le procureur de la République qui interjette appel d'une ordonnance de
mise en liberté contraire à ses réquisitions dans un délai de quatre heures à
compter de sa notification, doit, à peine d'irrecevabilité, saisir dans le même
temps le premier président de la cour d'appel ou, en cas d'empêchement, le
magistrat qui le remplace, d'un référé-détention afin de déclarer cet appel
suspensif. Le procureur de la République joint à sa demande les observations
écrites justifiant le maintien en détention de la personne. La personne mise en
examen et son avocat peuvent également présenter les observations écrites
qu'ils jugent utiles.
« Le premier président de la cour d'appel ou le magistrat qui le remplace
statue au plus tard le deuxième jour ouvrable suivant la demande. Pendant cette
durée, les effets de l'ordonnance de mise en liberté sont suspendus et la
personne reste détenue. A défaut pour le premier président de la cour d'appel
ou le magistrat qui le remplace de statuer dans ce délai, la personne est
remise en liberté sauf si elle est détenue pour autre cause.
« Le premier président de la cour d'appel ou le magistrat qui le remplace
statue au vu des éléments du dossier de la procédure, par une ordonnance
motivée qui n'est pas susceptible de recours. A sa demande, l'avocat de la
personne mise en examen ne peut présenter des observations orales devant ce
magistrat, lors d'une audience de cabinet dont le ministère public est avisé
pour qu'il y prenne, le cas échéant, ses réquisitions.
« Si le premier président de la cour d'appel ou le magistrat qui le remplace
estime que le maintien en détention de la personne est manifestement nécessaire
au vu d'au moins deux des critères prévus par les dispositions de l'article 144
jusqu'à ce que la chambre de l'instruction statue sur l'appel du ministère
public, il ordonne la suspension des effets de l'ordonnance de mise en liberté
jusqu'à cette date. La personne mise en examen ne peut alors être mise en
liberté jusqu'à l'audience de la chambre de l'instruction qui doit se tenir
selon les modalités et dans les délais prévus par les articles 194 et 199.
« Dans le cas contraire, le premier président de la cour d'appel ou le
magistrat qui le remplace ordonne que la personne soit mise en liberté si elle
n'est pas détenue pour autre cause.
« A peine de nullité, le magistrat ayant statué sur la demande de
référé-détention ne peut faire partie de la composition de la chambre de
l'instruction qui statuera sur l'appel du ministère public.
« La transmission du dossier de la procédure au premier président de la cour
d'appel ou au magistrat qui le remplace peut être effectuée par télécopie. »
Le sous-amendement n° 141, présenté par M. de Richemont, est ainsi libellé
:
« Compléter le texte présenté par l'amendement n° 57 pour l'article 148-1-1 du
code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« La procédure du référé-détention prévue au deuxième alinéa de cet article
n'est possible que lorsqu'il s'agit de procédure criminelle. »
Le sous-amendement n° 142, présenté par M. de Richemont, est ainsi libellé
:
« Dans la seconde phrase du troisième alinéa du texte présenté par
l'amendement n° 57 pour l'article 187-3 du code de procédure pénale, remplacer
les mots : "ne peut" par le mot : "peut". »
L'amendement n° 140, présenté par M. de Richemont, est ainsi libellé :
« I. - Rédiger comme suit le texte présenté par le I de l'article 23 pour
l'article 148-1-A du code de procédure pénale :
«
Art. 148-1-A. -
Lorsqu'une ordonnance de mise en liberté d'une
personne placée en détention provisoire est rendue par le juge des libertés et
de la détention ou le juge d'instruction contrairement aux réquisitions du
procureur de la République, cette ordonnance est immédiatement notifiée à ce
magistrat. Pendant un délai de quatre heures, à compter de la notification de
l'ordonnance du procureur de la République et sous réserve de l'application du
deuxième alinéa du présent article, la personne ne peut être remise en liberté
et cette décision ne peut être adressée pour exécution au chef de
l'établissement pénitentiaire.
« Le procureur de la République peut interjeter appel auprès de la chambre
d'accusation qui devra statuer dans les trois jours qui suivent cet appel. »
« II. - En conséquence, supprimer le II de l'article 23. »
L'amendement n° 187, présenté par M. Estier et les membres du groupe
socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Au début du premier alinéa du texte proposé par le I de l'article 23 pour
l'article 148-1-A du code de procédure pénale, ajouter les mots : "En matière
criminelle,". »
L'amendement n° 58, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois, est ainsi libellé :
« Après le II, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II
bis
. - Les dispositions des I et II ci-dessus entreront en vigueur
le 1er novembre 2002. »
L'amendement n° 59, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois, est ainsi libellé :
« Compléter le second alinéa du texte présenté par le III de l'article 23 pour
remplacer le deuxième alinéa de l'article 148-2 du code de procédure pénale par
une phrase ainsi rédigée :
« Faute de décision à l'expiration des délais, il est mis fin au contrôle
judiciaire ou à la détention provisoire, le prévenu, s'il n'est pas détenu pour
une autre cause, étant d'office remis en liberté. »
L'amendement n° 143, présenté par M. de Richemont, est ainsi libellé :
« Supprimer le V de l'article 23. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n°
186.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le référé-détention, vous le savez bien, pose des problèmes, c'est le moins
qu'on puisse dire, et nous en avons d'ailleurs longuement discuté en
commission. Vous avez tenté de trouver un système qui ferait passer la pilule
au regard des grands principes et de la Constitution. A mon avis, vous ne
l'avez pas trouvé et nous verrons tout à l'heure ce qu'il faut en penser.
Lorsque le magistrat a décidé la mise en détention et que le juge
d'instruction ou le juge des libertés décide ensuite de faire droit à une
demande de mise en liberté, la moindre des choses, c'est que sa décision soit
exécutée et c'est ce qui se passait jusqu'à présent.
Par la loi du 24 août 1993, M. Pasqua, alors ministre de l'intérieur - il
était d'ailleurs normal que le ministre de l'intérieur soit à l'origine de
cette tentative, car il s'agit là de sécurité et non pas de justice - avait
obtenu l'instauration d'un référé-liberté, qui permettait d'aller devant le
président de la chambre d'accusation - le procureur de la République pouvait le
demander - puis devant la chambre d'accusation en empêchant la mise en liberté
ordonnée.
J'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la situation
s'est modifiée depuis, à savoir qu'il n'y a plus seulement le juge
d'instruction, mais également un juge délégué, un juge des libertés et de la
détention qui est un haut magistrat, en général le président de la chambre
d'accusation, représenté parfois par un vice-président. C'est une nouveauté par
rapport à la loi de 1993, mais les problèmes restent les mêmes. J'ai regretté
que l'on n'ait pas étudié ce qui s'était passé tant que cette procédure de
référé-liberté existait. Combien y a-t-il eu de cas ? Quelles ont été les
décisions du président de la chambre d'accusation ? A-t-on vu un seul cas où la
chambre d'accusation ait pris une décision contraire à celle que son président
avait d'abord arrêtée ? On ne nous le dit pas : aucune étude d'impact n'est
mentionnée dans le texte du Gouvernement et il n'a été procédé à aucune
audition à cet égard. Vous savez, mes chers collègues, dans quelles conditions
nous avons travaillé.
On nous propose ici de faire renaître un texte qui posait problème. Une mise
en liberté est ordonnée par un magistrat, les magistrats étant les gardiens de
la liberté, or voilà que le procureur de la République, qui est sous les ordres
du garde des sceaux...
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Ah bon ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... empêche, en faisant appel, cette mise en liberté ; c'est-à-dire que c'est
le procureur de la République,...
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
C'est un magistrat !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... qui est un magistrat particulier, un magistrat debout,...
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Un
magistrat quand même !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Certes ! Comme vous le savez, il y a la magistrature debout, la magistrature
assise... Je m'arrête là !
(Sourires.)
En tout état de cause, il y a les
magistrats indépendants et ceux qui sont aux ordres, en particulier les
magistrats du parquet.
M. René Garrec,
président de la commission des lois.
Non, ils sont debout !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'est donc pas possible qu'un procureur de la République puisse empêcher
une mise en liberté décidée par un magistrat du siège, de surcroît par
quelqu'un qui est son égal lorsqu'il s'agit du président du tribunal
lui-même.
Il nous est proposé qu'ensuite on saisisse, dans un délai que l'on va essayer
de raccourcir le plus possible, le président de la chambre d'accusation, qui se
déclarera d'accord ou non avec le procureur de la République. S'il n'est pas
d'accord, l'intéressé sera enfin mis en liberté, comme cela avait été décidé
soit par le juge d'instruction, soit par le juge des libertés. En revanche, si
le président est d'accord avec le procureur de la République, il faudra
attendre quinze jours, voire plus en cas de difficultés - c'est précisé dans le
projet de la loi.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'ai quasiment terminé, monsieur le président, mais il s'agit d'un « col »
dans notre discussion, comme disait le président Dailly. C'est là un point très
important.
Il faudra donc attendre quinze jours, disais-je, avant que la chambre
d'accusation donne tort ou raison à son président. J'aurais bien voulu
connaître, je le répète, le nombre de cas où, en 1993, les chambres
d'accusation, réunies sous l'autorité de leur président, ont donné tort à ce
dernier !
Bref, cette situation est tout à fait intolérable ! Vous n'avez tout de même
pas peur que les juges mettent en liberté, dans des conditions qui ne seraient
pas acceptables, des personnes qu'ils auront eux-mêmes mises en détention !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Si, cela peut arriver !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de
l'article 23.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, pour présenter
l'amendement n° 57.
J'indique que les sous-amendements n°s 141 et 142 ne seront pas défendus.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Nous avons décidé de proposer une réécriture complète de
l'article 23, afin de pouvoir apporter les modifications que nous jugions
souhaitables, s'agissant notamment du renforcement des garanties devant
entourer le recours à la procédure visée.
L'amendement n° 57 prévoit ainsi que le référé-détention doit être formé dans
un délai de quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance de mise
en liberté. Le référé-détention doit être examiné par le premier président de
la cour d'appel ou, en cas d'empêchement, par le magistrat qui le remplace, et
non par le président de la chambre de l'instruction, puisque ce dernier aura à
connaître de l'appel du ministère public. Il nous est donc apparu nécessaire
que deux magistrats différents aient à connaître l'un du référé, l'autre de
l'appel.
Le premier président ou le magistrat qui le remplace doit statuer dans les
deux jours ouvrables qui suivent, et il ne peut déclarer l'appel suspensif que
s'il estime que la détention est manifestement nécessaire au vu d'au moins deux
des critères précisés à l'article 144 du code de procédure pénale.
Notre collègue Henri de Richemont a déposé un sous-amendement n° 141, que la
commission a jugé intéressant. M. de Richemont a pensé que le recours à la
procédure du référé-détention pourrait être réservé à la seule matière
criminelle ; il a été finalement décidé que les délits punis de dix ans
d'emprisonnement seraient également visés. Il s'agissait donc de limiter le
recours à la procédure du référé-détention, et la commission des lois a émis un
avis favorable sur ce sous-amendement.
Quant au sous-amendement n° 142, qui tend à corriger une erreur matérielle, il
est tout à fait utile. A cet égard, il nous faut saluer la perspicacité de
notre collègue Henri de Richemont. Nous rectifions donc notre amendement n° 57
pour y intégrer le sous-amendement n° 142.
M. le président.
Je suis donc saisi de l'amendement n° 57 rectifié, présenté par M. Schosteck,
au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
« Rédiger comme suit les I et II de l'article 23 :
« I. - Il est inséré après l'article 148 du code de procédure pénale un
article 148-1-1 ainsi rédigé :
«
Art. 148-1-1.
- Lorsqu'une ordonnance de mise en liberté d'une
personne placée en détention provisoire est rendue par le juge des libertés et
de la détention ou le juge d'instruction contrairement aux réquisitions du
procureur de la République, cette ordonnance est immédiatement notifiée à ce
magistrat. Pendant un délai de quatre heures à compter de la notification de
l'ordonnance du procureur de la République, et sous réserve de l'application
des dispositions du troisième alinéa du présent article, la personne mise en
examen ne peut être remise en liberté et cette décision ne peut être adressée
pour exécution au chef de l'établissement pénitentiaire.
« Le procureur de la République peut interjeter appel de l'ordonnance devant
le greffier du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction,
en saisissant dans le même temps le premier président de la cour d'appel d'un
référé-détention, conformément aux dispositions de l'article 187-3 ; l'appel et
le référé-détention sont mentionnés sur l'ordonnance. La personne mise en
examen et son avocat en sont avisés en même temps que leur est notifiée
l'ordonnance, qui ne peut être mise à exécution, la personne restant détenue
tant que n'est pas intervenue la décision du premier président de la cour
d'appel et, le cas échéant, celle de la chambre de l'instruction. La personne
mise en examen et son avocat sont également avisés de leur droit de faire des
observations écrites devant le premier président de la cour d'appel. Faute pour
le procureur de la République d'avoir formé un référé-détention, dans un délai
de quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance de mise en
liberté, celle-ci, revêtue d'une mention du greffier indiquant l'absence de
référé-détention, est adressée au chef d'établissement pénitentiaire et la
personne est mise en liberté sauf si elle est détenue pour autre cause.
« Si le procureur de la République estime ne pas avoir à s'opposer à la mise
en liberté immédiate de la personne, et sans préjudice de son droit de former
ultérieurement appel dans le délai prévu par l'article 185, il retourne
l'ordonnance au magistrat qui l'a rendue en mentionnant sur celle-ci qu'il ne
s'oppose pas à sa mise à exécution. La personne est alors mise en liberté, si
elle n'est pas détenue pour autre cause.
« II. - Il est inséré après l'article 187-2 du même code un article 187-3
ainsi rédigé :
«
Art. 187-3.
- Dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article
148-1-1, le procureur de la République qui interjette appel d'une ordonnance de
mise en liberté contraire à ses réquisitions dans un délai de quatre heures à
compter de sa notification, doit, à peine d'irrecevabilité, saisir dans le même
temps le premier président de la cour d'appel ou, en cas d'empêchement, le
magistrat qui le remplace, d'un référé-détention afin de déclarer cet appel
suspensif. Le procureur de la République joint à sa demande les observations
écrites justifiant le maintien en détention de la personne. La personne mise en
examen et son avocat peuvent également présenter les observations écrites
qu'ils jugent utiles.
« Le premier président de la cour d'appel ou le magistrat qui le remplace
statue au plus tard le deuxième jour ouvrable suivant la demande. Pendant cette
durée, les effets de l'ordonnance de mise en liberté sont suspendus et la
personne reste détenue. A défaut pour le premier président de la cour d'appel
ou le magistrat qui le remplace de statuer dans ce délai, la personne est
remise en liberté sauf si elle est détenue pour autre cause.
« Le premier président de la cour d'appel ou le magistrat qui le remplace
statue au vu des éléments du dossier de la procédure, par une ordonnance
motivée qui n'est pas susceptible de recours. A sa demande, l'avocat de la
personne mise en examen peut présenter des observations orales devant ce
magistrat, lors d'une audience de cabinet dont le ministère public est avisé
pour qu'il y prenne, le cas échéant, ses réquisitions.
« Si le premier président de la cour d'appel ou le magistrat qui le remplace
estime que le maintien en détention de la personne est manifestement nécessaire
au vu d'au moins deux des critères prévus par les dispositions de l'article 144
jusqu'à ce que la chambre de l'instruction statue sur l'appel du ministère
public, il ordonne la suspension des effets de l'ordonnance de mise en liberté
jusqu'à cette date. La personne mise en examen ne peut alors être mise en
liberté jusqu'à l'audience de la chambre de l'instruction qui doit se tenir
selon les modalités et dans les délais prévus par les articles 194 et 199.
« Dans le cas contraire, le premier président de la cour d'appel ou le
magistrat qui le remplace ordonne que la personne soit mise en liberté si elle
n'est pas détenue pour autre cause.
« A peine de nullité, le magistrat ayant statué sur la demande de
référé-détention ne peut faire partie de la composition de la chambre de
l'instruction qui statuera sur l'appel du ministère public.
« La transmission du dossier de la procédure au premier président de la cour
d'appel ou au magistrat qui le remplace peut être effectuée par télécopie. »
Monsieur le rapporteur, rectifiez-vous à nouveau cet amendement pour tenir
compte du sous-amendement n° 141 ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Avant de prendre une décision sur ce point, la commission
souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 57 rectifié et sur le
sous-amendement n° 141 ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est favorable à la réécriture de
l'article 23 présentée par l'amendement n° 57 rectifié de la commission.
S'agissant du sous-amendement n° 141 de M. de Richemont, le Gouvernement y est
défavorable.
Tout d'abord, je voudrais souligner que cette procédure de référé-détention
sera utile, y compris en dehors de la matière criminelle. Que l'on songe, par
exemple, au trafic de stupéfiants, aux associations de malfaiteurs, notamment
dans le domaine du terrorisme, ou au proxénétisme aggravé.
Il peut certes être envisagé de prévoir que la procédure du référé-détention
soit également applicable aux délits punis d'au moins dix ans d'emprisonnement
: c'est l'objet du sous-amendement n° 141.
Toutefois, cela ne règlerait pas le problème. En effet, il existe des délits
punis de sept ans d'emprisonnement, comme les agressions sexuelles sur mineur
ou le proxénétisme, pour lesquels une mise en liberté peut présenter un risque
grave pour les personnes.
Par ailleurs, j'observe que la commission des lois vient d'adopter la
disposition permettant l'utilisation du critère du trouble à l'ordre public
pour prolonger une détention, y compris s'agissant des délits punis de moins de
dix ans d'emprisonnement. Il ne serait donc pas cohérent de retenir la
proposition de M. de Richemont.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'est pas favorable au
sous-amendement n° 141.
M. le président.
Quelle est maintenant votre décision, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je n'insiste pas, monsieur le président. Je renonce à
rectifier l'amendement de la commission en fonction du sous-amendement n°
141.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La commission des lois avait accepté à l'unanimité me semble-t-il, le
sous-amendement n° 141 de M. de Richemont. Je ne parle pas, pour l'instant, du
fond.
Ce sous-amendement est donc devenu celui de la commission.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Notre collègue Henri de Richemont, qui était le seul signataire, a donc pu
penser que, s'il n'était pas présent en séance, il ne ferait qu'imiter un
certain nombre d'autres membres de la majorité sénatoriale...
M. Christian Cointat.
De la minorité aussi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le rapporteur, je ne pense pas que vous puissiez, fût-ce avec
l'accord de M. le président de la commission des lois, choisir seul de faire le
contraire de ce qui a été décidé hier à l'unanimité par la commission ! C'est
tout de même un peu fort ! Si vous maintenez votre position, je demanderai que
la commission des lois se réunisse.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Que les choses soient bien claires : la commission des lois a
émis un avis favorable sur l'amendement n° 57 que j'avais déposé et qui est
donc devenu le sien ; notre collègue Henri de Richemont, au cours de notre
réunion, a présenté un sous-amendement n° 141 à l'amendement n° 57, auquel la
commission a donné un avis favorable.
Pour autant, ce sous-amendement n'est pas devenu celui de la commission, il
est resté celui de M. de Richemont !
Cela étant, par courtoisie envers notre collègue, qui ne pouvait être présent
dans cette enceinte cet après-midi, et par honnêteté intellectuelle, j'avais
accepté de défendre son sous-amendement. A vrai dire, je ne partage pas son
point de vue, mais, par loyauté à l'égard de M. de Richemont et parce que la
commission avait émis un avis favorable sur son sous-amendement, j'ai accepté
de l'exposer. Toutefois, je me range à l'avis du Gouvernement et, par
conséquent, je renonce à défendre plus avant ce sous-amendement.
En tout état de cause, si je ne me trompe, monsieur Dreyfus-Schmidt - je ne
suis pas, comme vous, expert en procédure et fin connaisseur du règlement -
vous pouvez le reprendre, s'il vous plaît tant que cela ! Il sera alors soumis
au vote du Sénat.
M. Jean Bizet.
Très juste !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Par conséquent, je dépose un sous-amendement identique au sous-amendement n°
141.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 216, présenté par M.
Dreyfus-Schmidt, et qui est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'amendement n° 57 pour l'article 148-1-1 du
code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« La procédure du référé-détention prévue au deuxième alinéa de cet article
n'est possible que lorsqu'il s'agit de procédure criminelle ou des délits punis
de dix ans d'emprisonnement. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je maintiens ma demande de réunion de la commission des lois.
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
En effet, dans un cas aussi important, je conteste à M. le
rapporteur, même si M. le président de la commission est d'accord - ce que je
suppose, bien que celui-ci ne se soit pas encore prononcé -, le droit de
renoncer à maintenir un sous-amendement que la commission avait adopté hier à
l'unanimité.
MM. René Garrec,
président de la commission des lois, et
Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Ce n'est pas le sous-amendement de la commission !
M. Jean Chérioux.
C'est le Sénat qui décide, ce n'est pas la commission !
M. le président.
L'amendement n° 140 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n°
187.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'était pas surprenant que nous déposions un sous-amendement identique à
celui que M. de Richemont avait présenté. En effet, nous avions eu la même
idée. Cela ne veut pas dire que nous acceptons le référé-détention et que nous
renonçons à soutenir qu'il est parfaitement anticonstitutionnel. Cela signifie
que ce serait tout de même moins important si nous étions en matière
criminelle. Vous avez dit et cette notion est visée par le texte que j'ai
repris tout à l'heure : « ou si la peine encourue est égale ou supérieure à dix
ans ». M. le garde des sceaux ajoute que le référé-détention sera également
utile en matière de stupéfiants. Vous savez bien, monsieur le garde des sceaux,
qu'en matière de stupéfiants : c'est dix ans. Vous avez ajouté qu'il est des
cas dans lesquels on encourt une peine de sept ans et où il peut être dangereux
de mettre l'intéressé en liberté. Croyez-vous vraiment que le juge
d'instruction ou le juge des libertés qui a placé en détention la personne en
question déciderait de la mettre en liberté s'il estime qu'elle est «
dangereuse », comme vous dites ? Non, sûrement pas ! C'est pourquoi nous avons
été amenés à déposer un sous-amendement identique à celui que M. Richemont a
présenté, celui-là même qui a été adopté hier à l'unanimité par la
commission.
M. Jean Chérioux.
Il n'a pas été adopté, il a reçu un avis favorable : ce n'est pas la même
chose !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Aussi, nous retirons l'amendement n° 187, ce qui ne vous surprendra pas.
M. le président.
L'amendement n° 187 est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, pour présenter les
amendements n°s 58 et 59.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Par l'amendement n° 58, il s'agit de fixer l'entrée en
vigueur de la procédure de référé-détention au 1er novembre 2002, afin que
soient données aux magistrats les informations suffisantes sur le
fonctionnement de la procédure avant son entrée en vigueur.
J'en viens à l'amendement n° 59. L'article 23 du projet de loi a pour objet de
prévoir des délais différents pour que les juridictions statuent sur les
demandes de mise en liberté selon que la personne n'a pas été jugée en première
instance, qu'elle est en attente d'appel ou qu'elle a formé un pourvoi en
cassation. Cependant, le nouveau texte omet de préciser que si la juridiction
ne statue pas dans les délais, la personne est libérée. Il convient donc de
réparer cet oubli.
M. le président.
L'amendement n° 143 n'est pas défendu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 186 et sur le
sous-amendement n° 216 ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
S'agissant de l'amendement n° 186, puisqu'il s'agit de
supprimer des dispositions, la commission émet un avis défavorable. En effet,
nous sommes contre les suppressions.
M. Michel Charasse.
Sauf en matière d'impôts !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Quant au sous-amendement n° 216, la commission s'en remet à
la sagesse du Sénat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, je n'ai pas entendu la réponse de la commission à ma
demande de réunion de ladite commission. Je ne sais pas si vous avez obtenu une
réponse, mais, pour ma part, je n'en ai pas eu ! Je demande une suspension de
séance afin que la commission des lois puisse se réunir.
M. Jean-Patrick Courtois.
Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'ai le droit d'attendre une réponse. Si M. le président de la commission des
lois répond qu'il ne souhaite pas réunir la commission, qu'il le dise, et j'en
prendrai acte.
Monsieur le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je constate que M. le président de la commission ne
répond pas à votre sollicitation.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Qui ne dit mot consent !
M. le président.
Donc, il n'y aura pas de suspension de séance.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande que l'on me donne acte que je rectifie l'erreur que j'ai commise et
qui vient de m'être signalée par l'un de nos collègues : le sous-amendement de
M. de Richemont n'a en effet pas été accepté par la commission à l'unanimité,
mais elle lui a donné, à l'unanimité, un avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 186 et 57 rectifié,
sur le sous-amendement n° 216 ainsi que sur les amendements n°s 58 et 59 ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur les
amendements n°s 57 rectifié, 58 et 59. En revanche, il est défavorable à
l'amendement n° 186 et au sous-amendement n° 216.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 186.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter.
J'approuve tout à fait ce qu'a exposé avec pertinence et beaucoup de
conviction - et il a raison - notre ami Michel Dreyfus-Schmidt.
Cependant, je veux attirer l'attention de la Haute Assembée sur le problème
que pose le référé-détention. Nous ne sommes plus au temps où le droit français
vivait dans une autonomie trop facile. Nous sommes, on le sait, au temps du
contrôle de conventionnalité, de conformité à la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales telle qu'elle
est interprétée par la Cour européenne des droits de l'homme. A cet égard, on
ne saurait recommander trop de prudence ; on le constate aujourd'hui encore,
hélas ! Les textes de procédure pénale sont ceux qui attirent le plus le
contrôle de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de
l'homme. Au regard de cet aspect, le référé-détention pose problème. A cet
égard, la commission nationale consultative des droits de l'homme, présidée par
un excellent ancien président de section du Conseil d'Etat, a tenu à souligner
que le caractère suspensif - car c'est cela le problème - de l'appel formé par
le parquet contre une mesure de mise en liberté soulève également un problème
de compatibilité avec les exigences de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives à l'intervention
nécessaire d'un magistrat du siège en la matière. En l'occurrence, la situation
est à proprement parler extraordinaire. Pourtant, tout paraît simple. Si une
personne a été mise en détention, elle peut former un référé-liberté. Si nous
sommes dans la situation inverse, c'est le parquet qui formera un
référé-détention. Toutefois, je demande à chacun de s'interroger.
Lorsqu'une personne forme une demande de référé-liberté contre la décision qui
l'a placée en détention provisoire, que je sache, il n'y a pas d'effet
suspensif et la personne n'est pas remise en liberté.
Que se passera-t-il avec le dispositif que l'on nous propose ? Vous avez un
placement en détention, avec, chacun les mesurera, toutes les garanties qui
s'attachent à cette procédure désormais complexe puisqu'elle comporte plusieurs
étages. Lorsque la décision est prise, le magistrat compétent du siège, le juge
d'instruction ou le juge des libertés dit : il convient de mettre un terme à la
détention provisoire. Cela répond à deux principes essentiels : d'une part, le
principe de la présomption d'innocence et, d'autre part, le principe que l'on
semble complètement oublier selon lequel la mise en détention provisoire doit
rester l'exception.
En l'occurrence, nous sommes dans le strict respect de la règle qui est la
liberté. Le magistrat a donc décidé qu'il y avait lieu de remettre la personne
en liberté. Le parquet n'est pas d'accord et il fait appel de la décision. Soit
! Il en a parfaitement le droit. A cet instant, considérant qu'un certain délai
s'écoulera avant que l'instance d'appel, la chambre d'instruction, se prononce,
il demande que son appel soit reconnu suspensif. Mais cela ne peut pas se faire
dans la minute. Il faut le temps que l'appel soit formulé et qu'il parvienne au
magistrat du siège qui se prononcera sur le caractère suspensif ou non dudit
appel. On avait envisagé un délai de trois jours. Certes, il a été réduit à
deux jours, mais le problème reste entier.
Qu'est-ce qui maintient en détention celui qui a fait l'objet d'une décision
motivée aux termes de laquelle, conformément au principe général, il doit être
remis en liberté ? Il n'y a pas eu, par le magistrat du siège, admission du
moyen, le caractère suspensif. On ne sait pas ce qu'il va déclarer. Le
magistrat du siège a, par une décision, ordonné la mise en liberté. Le simple
fait de l'appel, avant que l'on reconnaisse, par une décision du siège, le
caractère suspensif à cet appel, suffit à retenir quelqu'un en détention contre
la décision du juge du siège.
Sur le plan procédural, cette situation est exceptionnellement complexe. A cet
égard, la jurisprudence du Conseil constitutionnel comporte une décision très
intéressante rendue en 1997 et à laquelle on fera certainement référence. Je
suis convaincu que la question sera à nouveau évoquée devant le Conseil
constitutionnel.
L'hypothèse dans laquelle le Conseil constitutionnel s'était placé à cette
époque et qui avait trait, elle aussi, à la liberté d'aller et venir concernait
un autre domaine : la rétention d'un étranger. Le juge décide qu'il n'y a pas
lieu de maintenir cet étranger en rétention. Le préfet et le parquet ne sont
pas d'accord. Le parquet fait appel et, à ce moment-là, l'étranger demeure en
rétention par le seul effet du titre qui correspond à l'appel intenté ; on
reconnaît à cet appel en lui-même un caractère suspensif.
M. le président.
Monsieur Badinter, veuillez conclure.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, la matière est complexe et je sais que mes propos
seront lus un jour comme il convient. Je vais être bref mais je tiens à être
très précis.
Pourquoi est-ce différent ?
Le placement d'un étranger en rétention n'entre pas dans le cadre d'une
procédure pénale. Certes, ce placement porte atteinte, pour des raisons sur
lesquelles il n'est pas nécessaire que je revienne, à la liberté d'aller et
venir. Mais, dans le cas de la procédure d'instruction, c'est différent. En
effet, le titre de détention d'origine, c'est-à-dire la décision de placement
en détention par un magistrat instructeur, s'inscrit dans le cadre d'une
procédure pénale où la liberté doit être la règle parce que, souvenons-nous-en,
il s'agit d'une personne présumée innoncente.
Ce même problème de présomption d'innocence ne se pose pas en cas de décision
de lever la rétention d'un étranger, suivie d'un appel.
Je suis donc convaincu que l'on ne peut reconnaître au parquet ce pouvoir, en
présence d'une décision qui, conformément au principe, vient dire qu'il y a
lieu de mettre fin à une détention provisoire qui, par nature, doit être
exceptionnelle. Il me paraît en effet impossible qu'un simple acte de procédure
émanant d'un magistrat du parquet - l'usage de la voie de recours -, même s'il
est pris, j'en suis convaincu, en conscience, tienne en échec ne serait-ce que
vingt-quatre heures la décision motivée d'un juge du siège rendant la liberté à
quelqu'un, le juge s'étant nécessairement assuré dans la décison des garanties
de représentation.
Le Conseil constitutionnel aura à trancher sur ce point, et je suis convaincu
que ce sera une décision exceptionnellement intéressante.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le garde des sceaux, c'est non pas à vous que je m'adresse, mais au
président de la commission des lois et à l'ensemble de mes collègues de la
Haute Assemblée.
Mes chers collègues, je vous prie de m'excuser d'intervenir dans un débat de
juristes, alors que je ne le suis pas moi-même. Néanmoins je veux vous faire
part d'une réflexion.
Depuis que je siège dans cet hémicycle, j'ai appris que, aujourd'hui, les
sources du droit ne se trouvent plus seulement au Parlement. Certaines
proviennent,..
M. Michel Charasse.
Du journal
Le Monde,..
M. Paul Loridant.
... de la jurisprudence...
M. Michel Charasse.
... de
Libération,
de TF1...
M. Paul Loridant.
M. Michel Charasse est aussi dissipé que M. Dreyfus-Schmidt !
(Sourires. - M. Michel Dreyfus-Schmidt s'étonne.)
M. le président.
Monsieur Charasse, laissez parler l'orateur !
M. Paul Loridant.
... certaines, disais-je, proviennent, de la jurisprudence du Conseil d'Etat,
de la Cour de cassation, d'autres proviennent, que cela nous plaise ou non, de
l'Europe...
M. Emmanuel Hamel.
Hélas !
M. Paul Loridant.
... et des tribunaux internationaux.
Or, en la matière, nous touchons à un point fondamental, me semble-t-il, pour
les libertés individuelles.
Je voudrais donc que vous m'assuriez, monsieur le président de la commission
des lois, et, au-delà de vous, nos collègues de la majorité, et même l'ensemble
de nos collègues siégeant dans cet hémicycle, que, en votant le texte tel qu'il
nous est présenté par le Gouvernement, nous ne porterons pas atteinte à un
droit fondamental : nos libertés individuelles.
Vous avez été sollicité par M. Dreyfus-Schmidt pour réunir la commission des
lois. Vous n'avez pas fait droit à sa requête. Je regretterais profondément,
monsieur le président de la commission des lois, que la disposition que nous
nous apprêtons à voter soit désavouée par le Conseil constitutionnel.
MM. Robert Badinter et Robert Bret.
Elle le sera !
M. Paul Loridant.
La Haute Assemblée s'honore depuis toujours - et j'ai appris cela dans cette
maison - de faire du bon travail législatif et d'attirer l'attention du pouvoir
exécutif quel qu'il soit sur la préservation de nos droits fondamentaux.
Aussi, monsieur le président de la commission des lois, je vous demande de
répondre à la requête de M. Dreyfus-Schmidt !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 186.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 216.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 58.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 59.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 23, modifié.
(L'article 23 est adopté.)
Section 2
Dispositions relatives à l'instruction
Article 24