SEANCE DU 21 FEVRIER 2002
M. le président.
La parole est à M. Longuet.
M. Gérard Longuet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question
s'adresse à Mme Tasca, ministre de la culture et de la communication.
Lundi dernier, les quotidiens gratuits viennent de faire une irruption assez
spectaculaire dans l'actualité française, à Marseille comme à Paris. On connaît
l'impact immédiat de ces quotidiens gratuits : ils assèchent la publicité des
quotidiens régionaux ; ils diminuent les ventes, et donc le tirage, des
quotidiens régionaux et donnent le sentiment de dégrader la qualité de
l'information.
Face à cette situation, les réactions sont assez désordonnées.
La plupart des quotidiens régionaux « tendent le dos » et espèrent que la
médiocrité des recettes publicitaires locales les protégera des quotidiens
gratuits. D'autres allument des contre-feux ; c'est le cas de
La Provence
à Marseille. D'autres encore s'accordent avec des sociétés de quotidiens
gratuits ; c'est le cas de
Ouest-France
avec un groupe norvégien.
D'autres enfin décident d'empêcher dans la rue, en employant des méthodes assez
musclées - il faut le reconnaître -, la diffusion des quotidiens gratuits,
comme le syndicat du Livre. Au demeurant l'imprimerie de
France-Soir
pourrait y trouver une augmentation de son chiffre d'affaires et, par
conséquent, créer des emplois.
On a donc le sentiment que, face à une irruption prévisible, règne un grand
désordre.
Le syndicat de la presse parisienne tout comme le syndicat de la presse
régionale quotidienne expliquent qu'il faut réfléchir. C'est là une réponse
avisée, certes, mais elle ne permet pas de choisir.
Ma question est très simple, madame le ministre : des trois désordres
principaux que suscitent les quotidiens gratuits, le désordre éthique de
l'information, le désordre économique, auquel les sénateurs, élus du
territoire, sont évidemment sensibles - car nous avons besoin de quotidiens
régionaux ayant les capacités de faire remonter l'information locale - et le
désordre dans la rue, avec les affrontements physiques qu'il engendre, lequel
choisissez-vous de combattre en premier ?
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Marcel Debarge et M. René-Pierre Signé.
C'est cela, le libéralisme !
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, le
Gouvernement ne choisit pas entre trois risques : il est globalement attentif à
la santé de la presse.
Nous assistons en effet à l'arrivée en France d'une presse gratuite
d'information, une forme de presse qui s'est beaucoup développée en Europe du
Nord. D'aucuns pensent qu'il y a là une opportunité pour attirer vers la presse
un nouveau lectorat, notamment de jeunes, mais nombreux sont ceux qui, comme
vous-même, s'interrogent et s'inquiètent.
La presse, par le passé, a été confrontée à bien des défis : industriels,
économiques, rédactionnels. C'est toujours par la concertation qu'elle a trouvé
les réponses adaptées. Aujourd'hui encore, les acteurs de ce dossier doivent
dialoguer, ce qu'ils n'ont, à l'évidence, pas fait suffisamment jusqu'à
présent.
Les intérêts en jeu sont complexes. Je note d'ailleurs que la presse
quotidienne régionale, par exemple, a une approche diversifiée de ce problème.
C'est ainsi que certains titres n'ont pas hésité à investir dans ces quotidiens
gratuits.
La recherche d'équilibres globaux passe avant tout par une volonté réelle des
professions concernées de trouver un accord.
Bien sûr, la gratuité de l'information n'est pas sans poser des problèmes à la
presse quotidienne d'information politique et générale. Son équilibre financier
est fragile, nous le savons. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le
Gouvernement a renforcé les aides spécifiques qui sont accordées à cette
catégorie de presse.
Mais, au-delà des problèmes économiques, il convient de s'interroger sur
l'indépendance rédactionnelle d'un support dont l'existence dépend
exclusivement de la publicité. C'est sans doute sur la question du pluralisme
et de l'indépendance que je porterai l'essentiel de mon attention, plus que sur
les autres troubles que vous avez évoqués, monsieur Longuet.
Il appartient aux collectivités locales d'apprécier les conditions dans
lesquelles elles peuvent autoriser ou non la distribution de ces journaux
gratuits sur leur territoire.
Pour ma part, j'ai pris trois initiatives.
Premièrement, j'ai demandé à la direction du développement des médias de
recevoir très prochainement chacune des parties directement ou indirectement
concernées.
Deuxièmement, j'ai demandé à cette même direction de procéder à une étude de
l'impact de cette forme de presse sur l'économie et sur l'évolution
rédactionnelle.
Troisièmement, j'ai souhaité que soit, dans le même temps, lancée une étude
sur son impact dans les autres pays européens.
Dans l'immédiat, j'invite avec insistance toutes les parties concernées à
renouer avec la voie du dialogue. Les dernières informations que j'ai reçues
concernant notamment les initiatives syndicales me donnent à penser que, dans
les tout prochains jours, un accord négocié pourrait intervenir. C'est ce que
nous pouvons souhaiter de mieux.
Quoi qu'il en soit, je le répète, le Gouvernement sera très attentif à ce que
le pluralisme et l'indépendance de la presse d'information soient maintenus
dans notre pays.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes.)
POLITIQUE DE LA FRANCE
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